

Brett Piper réinvente Le Monde perdu dans cette aventure exotique pleine de créatures monstrueuses aux anatomies fantaisistes…
TRICLOPS
2015 – USA
Réalisé par Brett Piper
Avec Erin Waterhouse, Richard Lounello, Ken Vansant, Matthew Crawley, Steve Diasparra, Frank Humes, Kurt Jordan, Debbie Townsend
THEMA NAINS ET GÉANTS I MUTATIONS
Désireux de livrer le film-hommage ultime, concentré de toutes ses influences littéraires et cinématographiques, le scénariste et réalisateur Brett Piper mixe ici Edgar Rice Burroughs, Arthur Conan Doyle, Ray Harryhausen, Willis O’Brien, Pete Peterson et Bert I. Gordon au sein d’une intrigue composite ne s’interdisant aucun excès. Pour retrouver la trace de son fiancé pilote disparu dans une forêt lointaine, Samantha (Erin Waterhouse) monte une petite expédition et s’aventure avec trois hommes dans un monde perdu qui semble n’exister sur aucune carte. Comme dans Queen Crab, que Piper met en boîte la même année, les images de synthèse (crash d’avion, missiles, pyrotechnie, explosions, jets de sang) sont le gros maillon faible du film. Mais dès que les monstres en stop-motion interviennent, la magie de Brett Piper opère à plein régime, pour peu que le spectateur soit prêt à accepter un rendu rétro qui tire son charme de ses imperfections. Les premiers sont des rats volants qui surgissent par centaines dans le ciel et obligent l’avion des héros à atterrir en catastrophe. Le design intéressant des créatures est hélas entravé par la piètre qualité des incrustations. Plus tard, alors qu’ils campent, les quatre aventuriers sont surpris par une espèce de dinosaure quadrupède cornu. Cette fois-ci, les effets visuels sont plus soignés et quelques plans s’avèrent particulièrement graphiques, comme le tout premier de la séquence lorsque la silhouette du monstre en contre-jour apparaît alors qu’il pousse un cri en se découpant devant le ciel nocturne, ou lorsqu’il s’en prend à l’avion des héros, éclairé par un feu de camp.


Loin d’être au bout de leurs surprises, nos héros découvrent ensuite des plantes carnivores étranges, l’une d’entre elles s’animant brièvement en évoquant l’hydre de Jason et les Argonautes mais aussi l’une des scènes abandonnées de L’île mystérieuse. Puis Samantha est capturée par un insecte géant à la langue extensible qui l’entraîne dans son terrier, bouchant ensuite l’entrée comme jadis l’abeille géante de L’île mystérieuse. Dans la caverne, la malheureuse doit aussi affronter trois « bébés » qui viennent d’éclore. Lorsque les hommes s’enfoncent dans la grotte pour la secourir et affrontent à leur tour les monstrueux invertébrés, l’une des influences récurrentes de Brett Piper, Le Scorpion noir, saute aux yeux. L’hommage est encore plus évident quand Samantha est attaquée par un scorpion gigantesque aux yeux montés comme des périscopes. On le voit, toutes les folies anatomiques sont autorisées, comme souvent chez Piper.
Le géant à trois yeux
Le « triclops » du titre est une relecture du Polyphème de l’Odyssée, autrement dit un géant en peaux de bêtes et armé d’une massue qui, au lieu de n’avoir qu’un seul œil, en a trois. Il est interprété par un acteur sous un masque exubérant conçu par Piper lui-même, et le rapport d’échelle avec les humains est obtenu grâce à des plans composites la plupart du temps très soignés. Quant au vieux temple qui lui sert de repère, c’est une reproduction fidèle de celui du Fils de Kong. Lorsque le monstre prend la fille dans sa main et la regarde étrangement en lui arrachant un bout de vêtement, on pense bien sûr à King Kong. La bête évoque aussi le cyclope du 7ème voyage de Sinbad et le colosse mutant de The Cyclops. Audacieux, Piper profite d’une scène de combat contre un dinosaure pour mélanger dans les mêmes plans le corps d’un monstre en stop-motion et sa tête grandeur nature. Pas simple, quand on connaît les faibles moyens à sa disposition. Le scénario du film justifie toutes ces mutations contre-nature par la chute d’une météorite dans la région. Piper peut donc s’en donner à cœur joie et saturer l’écran de monstres, ajoutant à cette ménagerie déjà délirante une tique géante surgie de l’épave d’un avion, des crabes rescapés de Queen Crab et un croisement titanesque entre un mille-pattes et une écrevisse qui s’échappe d’une caverne en toute fin de métrage. Comment ne pas apprécier cette générosité inversement proportionnelle à la taille du budget du film ?
© Gilles Penso
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