

Le réalisateur de la saga Underworld prend le pari risqué de réinventer le film culte de Paul Verhoeven en donnant la vedette à Colin Farrell…
TOTAL RECALL
2012 – USA
Réalisé par Len Wiseman
Avec Colin Farrell, Kate Beckinsale, Jessica Biel, Bryan Cranston, Bokeem Woodbine, Bill Nighy, John Cho, Will Yun Lee, Milton Barnes
THEMA FUTUR I MONDES VIRTUELS ET PARALLÈLES
En 2012, Len Wiseman décide de s’attaquer à un projet ambitieux : revisiter Total Recall, déjà adapté par Paul Verhoeven en 1990. Pour le réalisateur, c’est l’occasion de collaborer à nouveau avec sa compagne Kate Beckinsale, dans un film qui, pour une fois, n’est pas lié à la saga Underworld. Le scénario de cette nouvelle version est confié à Kurt Wimmer, auteur de Sphère (1998), L’Affaire Thomas Crown (1999), et réalisateur d’œuvres futuristes comme Equilibrium (2002) et Ultraviolet (2006). Colin Farrell sort alors tout juste du remake de Fright Night et hérite ici du rôle de Douglas Quaid, tenu jadis par Arnold Schwarzenegger. Malgré les dénégations de la production, le film s’inspire visiblement beaucoup plus du film précédent que de la nouvelle de Philip K. Dick, We Can Remember It for You Wholesale. En pleine promotion, Jessica Biel, soutiendra fermement qu’il ne s’agit pas d’un remake mais d’une réadaptation de Dick — alors que son personnage, Melina, n’y figure même pas. Cohaagen, Harry, la Résistance ou encore les noms Quaid et Lori viennent également du film de 1990. Budgété à 125 millions de dollars, le film amorce son tournage à Toronto le 16 mai 2011 et s’achève quatre mois plus tard. Mais malgré son casting quatre étoiles et son esthétique futuriste léchée, ce Total Recall aura bien du mal à nous faire oublier son illustre prédécesseur.


Au XXIe siècle, la Terre est en grande partie devenue inhabitable. Ne subsistent que deux zones opposées : la Fédération Unie de Grande-Bretagne, centre néo-impérialiste autoritaire, et la Colonie, installée sur les ruines de l’Australie. Un seul lien les unit : The Fall, un train à grande vitesse traversant littéralement le cœur de la planète. Doug Quaid (Colin Farrell), ouvrier désabusé dans une usine de fabrication de robots militaires, étouffe dans une vie sans perspective. Obsédé par un rêve récurrent d’action et de liberté, il pousse un jour la porte de Rekall, une société promettant d’implanter de faux souvenirs aussi vivaces que la réalité. Mais l’expérience tourne court : à peine le protocole lancé, Doug est attaqué par les forces de sécurité. Dans le chaos, des compétences d’espion et de combattant surgissent en lui… qu’il ne se connaissait pas. Son existence s’effondre lorsque Lori (Kate Beckinsale), sa femme, révèle être un agent infiltré chargé de le surveiller. Traqué, Doug fuit et tombe sur Melina (Jessica Biel), une mystérieuse combattante de la Résistance. Peu à peu, il découvre qu’il a autrefois travaillé pour Cohaagen (Bryan Cranston), le dirigeant brutal de la Fédération, avant de trahir le régime. Son ancienne identité dissimulerait des informations cruciales pouvant faire basculer le pouvoir. Mais est-ce bien la réalité ? Ou tout cela fait-il partie d’un implant Rekall défectueux ?
Sitôt vu, sitôt oublié
Quand un film culte fait l’objet d’un remake, le scepticisme et la perplexité sont naturellement de mise. En s’attaquant à Total Recall, Wiseman s’aventure donc en territoire miné. Là où l’original brillait par son ambiguïté permanente — rêve ou réalité ? —, cette version de 2012 choisit de tout verbaliser, levant rapidement le mystère. Le doute s’efface, la paranoïa se dissipe, et avec elle une grande partie du sel de l’intrigue. Le film s’amuse néanmoins à citer Verhoeven : la femme à la douane, la mutante aux trois seins, ou encore les robots qui évoquent Robocop. Mais ces hommages relèvent plus du clin d’œil pour les fans que du véritable recyclage malin. Et puis, il faut l’avouer, Mars faisait quand même plus rêver que ce tunnel à gravité qui perce la planète pour relier la Colonie à la Grande-Bretagne. Colin Farrell, lui, prend visiblement son rôle au sérieux. Pas de punchlines à la Schwarzie, mais un jeu au premier degré qui cherche à crédibiliser son personnage et une pleine implication physique, notamment dans les combats. Mais si les scènes d’action sont soignées, elles fleurent bon le déjà vu (comme cette poursuite automobile directement héritée de Minority Report, qui mettait d’ailleurs déjà en scène Colin Farrell). Le vrai souci, c’est que l’univers dickien n’est plus une nouveauté. En 1990, les questionnements sur l’identité et la réalité étaient encore rares au cinéma. En 2012, ils sont devenus monnaie courante. Résultat : ce Total Recall perd de sa singularité en arrivant après la vague de films post-Matrix. Bref, le film s’oublie aussitôt après avoir été vu. Un comble pour une histoire de mémoire programmée !
© Gilles Penso
À découvrir dans le même genre…
Partagez cet article