DÉTECTIVE PHILIP LOVECRAFT (1991)

Ce téléfilm méconnu, réalisé par le futur metteur en scène de Casino Royale, convoque les mythes lovecraftiens dans une ambiance de film noir rétro…

CAST A DEADLY SPELL

 

1991 – USA

 

Réalisé par Martin Campbell

 

Avec Fred Ward, David Warner, Julianne Moore, Clancy Brown, Alexandra Powers, Charles Hallahan, Arnetia Walker, Raymond O’Connor, Peter Allas, Lee Tergesen

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Avant de devenir la fabrique à succès mondial que l’on connaît, HBO expérimentait avec audace. Dans les années 1990, la chaîne se lançait déjà dans des productions à contre-courant, parmi lesquelles le téléfilm Détective Philip Lovecraft. Le scénario est né de l’imagination de Joseph Dougherty, scénariste actif à la télévision américaine qui rêvait depuis la fin des années 1980 de marier l’ambiance des films noirs des années 40 à l’horreur cosmique de H.P. Lovecraft. Ce pari culotté peine d’abord à trouver preneur, jusqu’à ce que la productrice Gale Ann Hurd (Terminator, Aliens, Abyss) décide de s’impliquer. C’est elle qui parvient à convaincre HBO de cofinancer ce projet hors-norme, puis propose à Martin Campbell (futur metteur en scène de Goldeneye et Casino Royale) de le mettre en scène. Pour incarner le détective Lovecraft, Hurd mise sur la bouille charismatique de Fred Ward, qu’elle connaît déjà pour avoir produit Tremors, tandis que le rôle féminin principal revient à la formidable Julianne Moore, alors en début de carrière. L’intrigue se déroule en 1948, dans un Los Angeles alternatif où la magie fait partie du quotidien. Sorts, invocations et créatures surnaturelles sont monnaie courante dans cette version parallèle de la Californie d’après-guerre.

C’est dans ce monde décalé que l’on suit Harry Philip Lovecraft, détective privé à l’ancienne qui refuse obstinément d’utiliser la magie. Cet entêtement lui vaut autant de moqueries que de respect. Lorsqu’un riche collectionneur, Amos Hackshaw (David Warner), lui demande de retrouver un grimoire volé, Lovecraft se retrouve embarqué dans une enquête complexe où se croisent zombies haïtiens, gargouilles agressives, gangsters occultistes et monstres venus d’ailleurs. Or le fameux livre volé n’est autre que le Necronomicon, convoité pour ses sombres pouvoirs. L’une des grandes originalités du film est sa réappropriation frontale des codes du polar classique. La voix off désabusée, les dialogues tranchants, les ruelles sombres, la femme fatale, les riches véreux, les policiers ambigus, tout y est. Or ces archétypes sont transposés dans un monde où les morts-vivants font office de main-d’œuvre bon marché, où les malfrats jettent des sorts dans les arrière-salles de night-clubs et où les anciens dieux rôdent aux portes de la réalité.

Le mélange des genres

Les amateurs de Lovecraft s’amuseront à dénicher au passage les multiples clins d’œil à l’univers de l’écrivain, au-delà du nom donné au personnage principal. Le night-club s’appelle par exemple le « Dunwich Room » et plusieurs entités du mythe sont mentionnées ou convoquées, dont Cthulhu, Azathoth ou Yog-Sothoth – ce dernier apparaissant même sous forme d’un monstre tentaculaire dans le final du film. Pour autant, Détective Philip Lovecraft adopte un ton léger, presque parodique, très éloigné de la terreur métaphysique et du nihilisme chers au reclus de Providence. Certaines scènes assument pleinement leur aspect cartoonesque (le héros qui assène un coup dans l’entrejambe d’une gargouille) et le bestiaire fantastique relève plus des folies à la Ghostbusters que du cauchemar existentiel. Dans cet esprit récréatif, les effets spéciaux de Tony Gardner (collaborateur de Sam Raimi sur Darkman) ont un charme indéniable, malgré des moyens limités. À sa sortie, Détective Philip Lovecraft passe un peu inaperçu. Sans doute est-il jugé à l’époque trop atypique ou trop hybride pour entrer dans une case bien définie. Il donnera tout de même naissance à une suite en 1994, Witch Hunt, réalisée par Paul Schrader, dans laquelle Dennis Hopper reprendra le rôle du détective Lovecraft.

 

© Gilles Penso

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