TROG (1970)

Un homme-singe préhistorique, découvert dans une grotte, est étudié par une scientifique qui espère comprendre grâce à lui l’origine de l’homme…

TROG

 

1970 – GB

 

Réalisé par Freddie Francis

 

Avec Joan Crawford, Michael Gough, Bernard Kay, Kim Braden, David Griffin, Thorley Walters, David Warbeck, Joe Cornelius, Robert Hutton, John Hamill

 

THEMA YÉTIS ET CHAÎNONS MANQUANTS

Élaboré autour d’une histoire originale de Peter Biyan et John Gilling, Trog est au départ un projet destiné au producteur Tony Tenser pour la compagnie Trigon, mais ce dernier préfère vendre le projet à son collègue Herman Cohen. Pour pouvoir bénéficier d’une tête d’affiche, Cohen contacte sa vieille amie Joan Crawford, alors en fin de carrière, avec qui il vient de tourner Le Cercle de sang. La mise en scène échoit au vétéran Freddie Francis, talentueux directeur de la photographie et réalisateur spécialisé dans l’épouvante (L’Empreinte de Frankenstein, Le Train des épouvantes, Le Crâne maléfique, Dracula et les femmes). Une fois l’équipe au complet, le tournage de cette histoire de chaînon manquant peut commencer. Au début de Trog, trois étudiants férus de spéléologie explorent une grotte souterraine et y découvrent une sorte de primate agressif qui tue l’un d’eux. Crawford incarne le docteur Brockton, une célèbre anthropologue. Fascinée par le témoignage des deux rescapés, elle les prend en charge. Profondément traumatisé, Cliff (John Hamill) est alité et se contente de répéter « horrible », couvert de sueur. Son collègue Malcolm (David Griffin), de son côté, postule pour être son assistant, le temps que la police boucle son enquête. Il accepte même de la conduire jusque dans la fameuse grotte pour retrouver la trace de la créature.

En découvrant la bête dans son repaire, Brockton identifie un troglodyte, ou Trog, c’est à dire une créature mi-homme mi-singe. « La plus grande découverte de la civilisation moderne », selon elle. Face aux caméras de la télévision et sous les yeux de nombreux curieux, le monstre est traqué par les autorités qui cherchent à le faire sortir. Mais le Trog s’échappe en semant la panique. Brockton parvient cependant à l’endormir avec des flèches tranquillisantes et à le mettre en cage dans son laboratoire pour l’étudier. « À une époque où l’homme est capable d’envoyer une fusée vers la Lune, je crois que nous devrions clarifier l’histoire de l’origine de l’homme », dit-elle à ses collègues scientifiques. Mais Trog va-t-il rester longtemps en captivité ? Le spectateur se doute bien que non. Si les scènes de spéléologie et le décor de la grotte, qui occupent dix minutes en début de métrage, ancrent le récit dans une atmosphère réaliste, toute crédibilité s’évapore dès que paraît la créature. Conçu par Charles Parker à partir d’un vieux costume récupéré sur le plateau de tournage de 2001 l’odyssée de l’espace, le Trog ressemble clairement à ce qu’il est : un acteur (en l’occurrence le catcheur Joe Cornelius) affublé d’un masque en caoutchouc et d’une peau de bête velue. Énervé par les flashs des appareils photos (comme King Kong) et peu amateur de rock’n roll, notre chaînon manquant s’apaise en revanche en écoutant de la musique classique et en jouant à la poupée !

Le chaînon manqué

Au cours d’une scène joyeusement délirante – filmée pourtant avec le plus grand sérieux -, les savants lui implantent un micro-transistor puis lui projettent des images de squelettes de dinosaures pour raviver ses souvenirs (impliquant donc, mais nous ne sommes plus à une aberration près, que les grands sauriens de l’ère secondaire auraient vécu en même temps que les premiers hommes !). Soudain, la caméra entre dans son esprit et nous assistons à une séquence de quatre minutes ininterrompues mettant en scène des dinosaures. Herman Cohen profite d’avoir récupéré des extraits du Monde des animaux d’Irwin Allen (conçus par Willis O’Brien et animés par Ray Harryhausen) pour faire ainsi du remplissage à bas prix. Au détour du casting, nous découvrons Michael Gough en notable hargneux et mécontent qui va faire dégénérer la situation. Le film emprunte tardivement le motif du monstre en liberté, s’inspirant autant de King Kong que de Frankenstein. Le dernier quart d’heure, mouvementé et parfois étonnamment violent (le boucher empalé sur son crochet) rattrape un peu tard les carences de rythme et de péripéties du reste du métrage. En filigrane se pose une question intéressante, mais hélas à peine survolée dans le scénario : faut-il tenter de dompter les êtres sauvages pour les rendre compatibles avec la civilisation, quitte à les dénaturer, ou vaut-il mieux les laisser à leur bestialité première et ne pas les arracher à leur environnement ? En l’état, Trog ne nous convainc que partiellement, baigné dans une musique un peu datée de John Scott, beaucoup moins ample que ses partitions ultérieures pour Greystoke ou King Kong 2. Trog sera le dernier film de Joan Crawford, qui s’éteindra sept ans plus tard.

 

 

© Gilles Penso

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