SLEEPY HOLLOW, LA LÉGENDE DU CAVALIER SANS TÊTE (1999)

Le premier « vrai film d'horreur » de Tim Burton est un hommage direct aux productions gothiques de la Hammer

SLEEPY HOLLOW

1999 – USA

Réalisé par Tim Burton

Avec Johnny Depp, Christina Ricci, Miranda Richardson, Michael Gambon, Casper Van Dien, Lisa Marie, Christopher Lee

THEMA FANTÔMES I SAGA TIM BURTON

Créateur des effets spéciaux de maquillage de La Revanche de FreddyJeu d’Enfant et Les Contes de la Crypte, Kevin Yagher développe à la fin des années 90 le projet d’un film qui s’inspirerait de la nouvelle « La Légende du Val Dormant » écrite en 1820 par Washington Irving. Il co-écrit donc un scénario avec l’aide du futur auteur de Seven Andrew Kevin Walker et fait le tour des studios hollywoodiens, en vain. Personne ne semble s’intéresser à ce cavalier fantôme sans tête jusqu’à ce que Tim Burton ait vent du projet. Après avoir assisté impuissant au massacre de la franchise Batman par Joel Schumacher et avoir tenté en vain de porter à l’écran une aventure inédite de Superman avec Nicolas Cage, Burton cherche à retrouver ses amours premières. Il voit dans Sleepy Hollow la possibilité de réaliser son premier vrai film d’horreur tout en rendant hommage aux classiques de l’épouvante produits par la compagnie britannique Hammer dans les années 60, ainsi qu’à d’autres œuvres phares de la même époque comme Le Masque du Démon de Mario Bava. Kevin Yagher reste rattaché au projet en tant que créateur des maquillages spéciaux et co-producteur. Un autre nom prestigieux vient compléter l’équipe de production : Francis Ford Coppola. 

Sleepy Hollow photo

Le récit démarre dans le New York de 1799. Johnny Depp incarne Ichabod Crane, un inspecteur de police en bute à l’autorité car les méthodes d’enquête utilisées par ses pairs lui semblent archaïques et dépassées. Gêné par cet individu embarrassant, un juge austère  (Christopher Lee) décide d’envoyer Crane enquêter dans le petit village de Sleepy Hollow, frappé par trois meurtres successifs. Toutes les victimes ont été décapitées et leurs têtes ayant disparu. La légende locale affirme que le coupable est le « Cavalier sans tête ». Missionné pour maintenir le peuple américain sous le joug de l’empire britannique, ce mercenaire sanguinaire aux dents taillées en pointe fut décapité et enterré par des soldats au cours de l’hiver 1779. Mais désormais, on murmure que son fantôme erre dans les bois. Bien sûr, notre policier n’apporte aucune foi à ces racontars. Mais la suite des événements va mettre à mal son cartésianisme et son approche scientifique. A travers son antagoniste spectral incarné par Christopher Walken, Tim Burton construit des séquences parfois assez éprouvantes, comme lorsque le monstre vient décapiter un couple et leur jeune enfant à coup de hache ! Le film s’avère d’ailleurs particulièrement sanglant, multipliant les gros plans de têtes coupées, les bras tranchés, les corps empalés et les morts violentes. En d’autres moments, les visions d’horreur sont burlesques, comme cette sorcière qui hurle et dont les yeux sortent des orbites (équivalent numérique des trucages en stop-motion de Pee-Wee et Beetlejuice). Même s’il n’est pas spécialement à l’aise avec les séquences d’action, Burton parvient à concocter quelques poursuites très mouvementées au cours desquelles chevaux et carrioles filent à vive allure dans les bois nocturnes et embrumés.

À mi-chemin entre la terreur et le burlesque…

Du côté du casting, quelques nouveaux visages viennent intégrer l’univers du cinéaste, notamment Christina Ricci (que Burton décrit comme un croisement entre Peter Lorre et Bette Davis !) et Casper Van Dien (tout juste échappé de Starship Troopers et de Tarzan et la Cité Perdue). Mais le cinéaste aime aussi retrouver ses fidèles comédiens, offrant une apparition en forme de clin d’œil à Martin Landau et à Lisa Marie et proposant une fois de plus le rôle principal à Johnny Depp. « Pour moi, le seul vrai ingrédient indispensable aux films de Tim Burton est Tim Burton lui-même », avoue le comédien. « Peu importent le casting ou l’équipe. La signature de Tim est toujours là. » (1) Loin de la naïveté et de la candeur des personnages qu’il incarnait dans Edward aux Mains d’Argent et Ed Wood, Depp se prête ici aux facéties d’un personnage dont le fort potentiel comique ne semble pas totalement assumé. Pas assez drôle pour susciter le rire, trop exubérant pour être pris au sérieux, son Ichabod Crane devient agaçant sans vraiment susciter l’identification des spectateurs. Le scénario s’encombre en outre d’une quantité astronomique de dialogues explicatifs qui n’en finissent plus de justifier les faits et gestes des personnages et de commenter tous les rebondissements de l’intrigue. C’est donc sur l’aspect purement visuel que le film se rattrape, Sleepy Hollow se distinguant par la qualité de sa mise en forme, sa somptueuse atmosphère gothique, sa très belle photographie aux tons désaturés et ses décors tourmentés. « Construire un décor de cinéma a quelque chose de magique, notamment lorsqu’on joue avec de fausses perspectives, comme dans Sleepy Hollow », témoigne Tim Burton. « Certains arbres d’arrière-plans étaient conçus à des échelles de plus en plus réduites, pour accentuer l’effet de profondeur. D’autres avaient des formes de personnages effrayants. » (2) Une grande partie de ce rendu visuel est à mettre au crédit du directeur artistique Rick Heinrichs, dont le défi consiste ici à détourner les codes du style expressionniste pour les adapter à un environnement colonial. On se souviendra notamment de ce superbe arbre des morts qui saigne quand on l’entaille et sous l’écorce duquel sont cachées toutes les têtes coupées ou de ce grand moulin décrépi qui se réfère au Frankenstein de James Whale. 
 
(1) Propos recueillis par votre serviteur en janvier 2008
(2) Propos recueillis par votre serviteur en mars 2012
 
© Gilles Penso

Partagez cet article