THE GREEN KNIGHT (2021)

Le réalisateur de A Ghost Story s’empare d’une légende arthurienne pour conter l’aventure fantastique d’un chevalier en quête d’honneur…

THE GREEN KNIGHT

 

2021 – USA / IRLANDE

 

Réalisé par David Lowery

 

Avec Dev Patel, Alicia Vikander, Ralph Ineson, Joel Edgerton, Barry Keoghan, Sean Harris, Kate Dickie, Erin Kellyman, Youssef Quinn

 

THEMA HEROIC FANTASY I FANTÔMES I NAINS ET GÉANTS I SORCELLERIE ET MAGIE

Certains projets de film naissent de manière singulière. C’est en installant dans son jardin un diorama avec des figurines de Willow que David Lowery se laisse tenter par l’envie d’adapter un conte médiéval du 14ème siècle. Cet enchaînement d’idées est d’autant plus surprenant que l’approche du réalisateur de A Ghost Story semble aux antipodes de celle de Ron Howard. Si l’on excepte un squelette dans une cage qui semble tout droit échappé de Willow, le traitement des légendes du moyen-âge dans The Green Knight n’a pas grand-chose à voir avec la grande épopée d’heroic-fantasy concoctée par le réalisateur de Splash. Dev Patel, qui a pris pas mal de bouteille depuis Skins et Slumdog Millionaire, incarne ici Sir Gauvain, un chevalier de la Table Ronde qui n’a guère d’exploit à mettre à l’actif de sa vie tranquille et débonnaire. Mais un soir de Noël, alors qu’il est assis aux côtés de son oncle le roi Arthur, les choses s’apprêtent à changer radicalement. Au milieu du banquet surgit brusquement le Chevalier Vert, un être sinistre dont le corps semble fait de bois pétrifié. Juché sur un sombre destrier, armé d’une énorme hache, il défie l’un des hommes réunis autour d’Arthur de se mesurer à lui. Gauvain voit là l’occasion d’inscrire enfin son nom dans la grande Histoire. Il emprunte l’épée de son oncle et affronte le Chevalier Vert. Mais la victoire est trop facile. L’adversaire baisse les armes et se laisse volontairement décapiter. Cet « incident » pourrait s’arrêter là et les festivités reprendre. Mais la créature se redresse soudain, empoigne sa tête coupée et prend la fuite en promettant à Gauvain des retrouvailles dans exactement un an.

Ce point de départ pour le moins intrigant, inspiré d’un récit écrit autour de 1375-1400 selon les historiens, déclenche une quête dont Gauvain devient le principal protagoniste malgré lui. Car là réside toute la singularité de ce héros délibérément « non-héroïque ». Si l’on excepte cet élan aussi soudain qu’éphémère de courage au cours duquel il affronte le Chevalier Vert, Gauvain se laisse balloter par les événements sans faire montre des qualités habituellement associés à un chevalier de légende. Il démarre sa quête à contrecœur, se perd très rapidement en chemin, est incapable de se défendre face à une poignée de voleurs misérables, ne sait pas subsister seul dans la nature, a bien du mal à résister aux tentations de la chair… Même sa victoire contre le monstre initial ressemble à une blague. Pourtant, sous cette carapace terriblement ordinaire se cache un bon cœur, un code d’honneur, des principes et une certaine forme de bravoure. Cette dernière sera durement éprouvée à l’issue d’une quête aussi absurde qu’effrayante…

La légende du cavalier sans tête

David Lowery joue donc avec les codes du film de chevalerie, du conte de fées et de l’aventure d’heroic fantasy pour tisser un récit lent et contemplatif, dont le rythme pesant se nimbe de poésie. L’esthétique somptueuse de The Green Knight évoque parfois le travail graphique de Tarsem Singh. Les cadres, les lumières, les couleurs, les décors, rien n’est laissé au hasard. C’est au sein de ces enluminures vivantes que surgit le Fantastique sous sa forme la plus pure. Nous serions tentés d’interpréter les phénomènes et les créatures fantasmagoriques que croise Gauvain sur sa route comme les fruits d’une imagination enfiévrée par l’épuisement. Mais le postulat même du film ne repose-t-il pas sur une confrontation avec un être surnaturel ? La mère du héros n’est-elle pas la fée Morgane elle-même ? S’il s’en remet souvent à l’expertise des artistes numériques de Weta Digital pour son film, le réalisateur s’appuie chaque fois qu’il le peut sur des effets spéciaux physiques, fidèles à sa passion pour le cinéma des années 80 (au-delà de Willow, l’une de ses influences majeures est ici Excalibur). Le Chevalier Vert est donc incarné par un acteur bien réel, Ralph Ineson, sous des prothèses impressionnantes conçues par Barry Gower (Game of Thrones, Mourir peut attendre). Volontairement ouverte et ambiguë, la chute de The Green Knight interroge les notions de destin, d’héroïsme et d’intégrité, et flotte dans les airs longtemps après le visionnage du film.

 

© Gilles Penso


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