COCO (2017)

Un conte gorgé d’émotion qui s’appuie sur les traditions mexicaines pour nous emporter dans le monde des morts…

COCO

 

2017 – USA

 

Réalisé par Lee Unkrich et Adrian Molina

 

Avec les voix de Anthony Gonzalez, Gael Garcia Bernal, Benjamin Bratt, Alanna Ubach, Renee Victor, Jaime Camil, Alfonso Arau, Herbert Siguenza, Gabriel Iglesias

 

THEMA MORT I SAGA PIXAR

C’est Lee Unkrich, réalisateur de Toy Story 3, qui se voit confier la mise en scène de Coco, dont le développement aura été assez long. Son héros Miguel est un jeune Mexicain de douze ans qui n’a qu’un seul rêve dans la vie : devenir un musicien comme son idole Ernesto de la Cruz, mort sur scène et désormais adulé comme un demi-dieu. Le problème est que la famille de Miguel a banni la musique, à cause d’une vieille histoire remontant quelques générations en arrière. Mais le jeune mélomane refuse de tourner le dos à son destin. Le soir de la fête des morts, Miguel subtilise la guitare de Ernesto de la Cruz, en espérant qu’elle l’inspire et lui donne le même don. Mais les conséquences ne sont pas du tout celles qu’il attendait. Il disparaît du monde des vivants pour entrer dans celui des morts, un univers coloré et très animé qui n’est pas sans rappeler par son exubérance bigarrée l’au-delà décrit par Tim Burton dans Les Noces funèbres. Désormais, Miguel doit se faire passer pour un trépassé en espérant trouver le moyen de rentrer chez lui. Mais sa quête est semée d’embûches et de surprises, la moindre n’étant pas la rencontre avec le grand Ernesto.

Dans Coco, les squelettes qui hantent le monde des morts jouent un rôle prépondérant, s’agitant avec beaucoup plus d’élasticité et de souplesse que les guerriers d’outre-tombe conçus par Ray Harryhausen pour Le 7ème voyage de Sinbad et Jason et les Argonautes, même si ces derniers restent la référence absolue en matière de « sacs d’os » animés. Parmi les autres créatures qui hantent le monde des morts de Coco, les « Alebrijes » s’avèrent particulièrement étonnants. Ce sont des animaux aux couleurs très vives qui s’inspirent directement de la mythologie mexicaine. Non contents de doter le film d’une touche légendaire et colorée du plus bel effet, ces créatures volantes et hybrides jouent un rôle clé au moment de dénouer le drame qui se construit dans le monde de l’au-delà. La musique joue ici un rôle prépondérant, puisqu’il s’agit d’un des thèmes principaux du film. L’une des idées initiales est de confier l’intégralité de la bande originale à un compositeur mexicain. Mais après réflexion, on opte pour une solution mixte. Le très talentueux Michael Giacchino (Les Indestructibles, Ratatouille, Là-haut) supervise la musique et compose tous les morceaux originaux, tandis que de nombreuses chansons émaillent le film. Le co-réalisateur Adrian Molina s’associe à cet effet à la compositrice Germaine Franco pour écrire certaines les chansons du répertoire d’Ernesto de la Cruz. Pour l’anecdote, le chef d’orchestre du spectacle qu’Ernesto donne dans l’au-delà a été conçu comme une caricature de Michael Giacchino.

Le devoir de mémoire

Les films Pixar n’ont jamais été ouvertement politisés, mais cette déclaration d’amour pour la culture mexicaine est entrée en production pendant une période de tension forte entre le gouvernement de Donald Trump et celui de Peña Nieto, les deux pays étant sur le point d’être séparés par un mur de 1600 kilomètres de long. Or c’est un pont – donc le contraire d’un mur – qui sépare les deux mondes décrits dans Coco, celui des vivants (le présent) et celui des morts (le passé), tous deux se nourrissant sans cesse l’un de l’autre. Les vivants ont besoin du souvenir des morts pour connaître leurs racines, et les morts ont besoin d’exister dans la mémoire des vivants pour ne pas s’évaporer dans les limbes. D’où la nécessité de préserver cette tradition mexicaine selon laquelle les gens décédés doivent être honorés un jour par an en déposant des offrandes près de leur photographie. Coco parle donc de l’importance du devoir de mémoire, du poids de la famille, de la responsabilité, de la passion, de l’individualisme et du difficile équilibre qu’il faut savoir conserver entre le désir et le devoir. Si les anciens ont la responsabilité de transmettre leur histoire aux jeunes générations (un motif qu’on trouve déjà dans Cars 3), la jeunesse a la responsabilité de porter ce flambeau et de le transmettre à son tour. Il est difficile de ne pas se laisser toucher par le récit ni de verser une petite larme lors d’un final poignant. Immense succès à travers toute la planète, Coco remporte l’Oscar du meilleur long-métrage et de la meilleure chanson originale. Deux de plus dans la grande collection d’Academy Awards acquise au fil des ans par les artistes de Pixar.

 

© Gilles Penso

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CARS 3 (2017)

Depuis ses débuts dans Cars, Flash McQueen est devenu un vétéran de la route, mais saura-t-il rivaliser avec la jeune génération motorisée ?

CARS 3

 

2017 – USA

 

Réalisé par Brian Fee

 

Avec les voix de Owen Wilson, Cristela Alonzo, Chris Cooper, Nathan Fillion, Larry the Cable Guy, Armie Hammer, Ray Magliozzi, Tony Shalhoub, Bonnie Hunt

 

THEMA OBJETS VIVANTS I SAGA PIXAR

Après les écarts du second volet de la saga Cars, transformant les héros à quatre roues de la bourgade de Radiator Springs en émules de James Bond, cette troisième aventure revient aux sources du concept initial défini par John Lasseter, Joe Ranft et Jorgen Kluben. Flash McQueen revient donc sur le devant de la scène pour se lancer à vive allure sur les circuits et assumer son rôle de voiture de course vedette. Mais cette fois-ci, un jeune coureur arrogant, Jackson Storm, va lui faire de l’ombre jusqu’à susciter une totale remise en question. Car Flash n’est plus le jeune véhicule fringuant que nous avons découvert en 2006. Désormais c’est un vétéran de la piste. Saura-t-il se mesurer à la jeune génération, mieux équipée et plus agressive que lui ? Saura-t-il encore séduire son public ? N’est-il pas sur le point de sombrer progressivement dans l’oubli ? Ces thématiques ont déjà été abordées par le passé chez Pixar, et ce dès le premier Toy Story dans lequel l’arrivée d’un jouet flambant neuf dans une chambre d’enfant remettait en cause la popularité d’un jouet plus ancien. Quant à la problématique du souvenir et de la peur de sombrer dans l’oubli, elle irradie tout le scénario du Monde de Dory et sera le pivot dramatique central du film suivant du studio, Coco.

Pour revenir sur le devant de la scène et montrer qu’il a encore de la puissance sous son capot, McQueen accepte de se faire coacher par Cruz Ramirez, une voiture hispanique qui ne le ménage pas. Cette tentative de reconquête du public par un sportif vieillissant nous rappelle irrésistiblement plusieurs opus de la saga Rocky. Ce n’est pas un hasard. La séance d’entraînement sur la plage, dans laquelle Cruz et McQueen se défient l’un l’autre, est un hommage direct à une scène très similaire mettant en scène Sylvester Stallone et Carl Weathers dans Rocky III : l’œil du tigre. Comme toujours chez Pixar l’émotion est au rendez-vous, notamment au sein de la relation complexe qui se tisse entre McQueen et son coach sportif. Mais il faut avouer qu’il est toujours plus difficile de ressentir des sentiments forts pour des voitures déconnectées d’un univers humain plutôt que pour d’autres types de protagonistes anthropomorphes.

En bout de piste

D’autant qu’à force de vouloir trop prêter aux véhicules des comportements humains, certaines incohérences finissent par jalonner le récit. Cruz, par exemple, a renoncé à ses rêves de course parce qu’elle manquait d’audace et de confiance lorsqu’elle était petite. Mais comment des voitures ont-elles pu être « petites » ? Pendant son entrainement sur la plage avec McQueen, elle refuse de rouler sur le sable de peur d’écraser des crabes. Y’a-t-il donc des crustacés dans ce monde où toute vie organique semble pourtant avoir disparu ? A moins qu’il ne s’agisse de minuscules véhicules à pinces, comme la « luciole Volkswagen » que l’on voit apparaître dans le court-métrage Martin et la lumière fantôme ? On le voit, le concept de Cars finit par trouver ses limites lorsqu’on le pousse un peu trop loin. Du côté des scènes d’action, bien sûr, l’inventivité est toujours au rendez-vous et la force créatrice des équipes de Pixar atteint encore des sommets, comme pendant cette course brutale dans la boue au fin fond de l’Amérique profonde qui restera l’un des plus gros morceaux de bravoure du film. Le dénouement, qui s’appuie sur la notion de transmission et de passation de pouvoir, est d’autant plus marquant qu’il semble avoir des répercussions sur le monde réel. Lorsque Flash cède sa place sur la piste à une autre coureuse moins expérimentée que lui, il est difficile de ne pas penser à John Lasseter, mis à mal par de sérieux problèmes personnels et contraint de passer le relais à Brian Fee pour réaliser le film à sa place.

 

© Gilles Penso

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MONDE DE DORY (LE) (2016)

Extrêmement populaire depuis sa première apparition dans Le Monde de Nemo, le poisson amnésique a droit à son propre long-métrage…

FINDING DORY

 

2016 – USA

 

Réalisé par Andrew Stanton et Angus MacLane

 

Avec les voix de Ellen DeGeneres, Albert Brooks, Ed O’Neill, Kaitlin Olson, Hayden Rolence, Ty Burrell, Diane Keaton, Eugene Levy, SLoane Murray, Idris Elba

 

THEMA MONSTRES MARINS I SAGA PIXAR

Malgré le succès du Monde de Nemo et les innombrables réclamations des fans, Andrew Stanton n’a jamais voulu donner de suite à l’odyssée de son poisson clown pour pouvoir se concentrer sur des sujets différents. Mais un jour il redécouvre le film, redistribué en salles pour fêter ses dix ans dans une version en 3D. Là, face au spectacle transcendé par la stéréoscopie et devant la réaction enthousiaste du public, Stanton se dit qu’il y a encore une histoire à raconter : celle de Dory. Un autre facteur joue sur sa décision. Après avoir réalisé son premier film en prises de vues réelles pour Disney, l’ambitieux péplum de science-fiction John Carter, Stanton pensait se mettre au travail sur le scénario d’une autre aventure martienne du héros imaginé par le romancier Edgar Rice Burroughs. Mais John Carter est un échec cuisant au box-office, annulant toute possibilité d’une séquelle. Stanton se tourne alors vers une autre suite promise à un avenir beaucoup plus radieux, celle du Monde de Nemo. Le personnage de Dory était sans conteste l’une des plus belles trouvailles du Monde de Nemo, le trouble dont elle était affublée (des pertes de mémoire immédiates) étant à la fois vecteur de rire et d’émotion. C’est donc sur ce double registre que joue Le Monde de Dory, une sorte de spin-off dans lequel nous nous intéressons à ses pérégrinations sous-marines avant, pendant et surtout après les aventures racontées dans Le Monde de Nemo.

 

Le récit commence lorsque Dory a soudain un souvenir fugitif de ses parents. L’image qu’elle perçoit est très furtive et difficile à identifier, mais sa force est suffisante pour que Dory décide de traverser l’océan dans l’espoir de les retrouver. C’est un nouveau prétexte pour une grande aventure sous-marine semée de rencontres inattendues et d’embûches. Selon un principe proche de celui adopté par Cars 2, Le Monde de Dory fait passer à l’arrière-plan le héros du premier film, en l’occurrence Nemo, et transforme son « sidekick » en personnage principal. La quête de ses parents devient pour Dory une sorte d’enquête policière passionnante dont chaque indice est une bribe de souvenir qu’il faut décoder et identifier. C’est aussi pour l’attachant poisson à la mémoire si fragile une introspection, le tout sous forme d’un jeu de piste mouvementé qui se poursuit dans les méandres labyrinthiques d’un institut océanographique. Le titre original Finding Dory (« A la recherche de Dory ») peut sembler inapproprié, dans la mesure où ici ce n’est pas Dory qu’on recherche mais ses parents. Cependant, au-delà du jeu de miroir avec Finding Nemo, ce titre nous fait bien comprendre que le scénario a été conçu sous forme d’un voyage initiatique à l’issue duquel Dory se sera retrouvée elle-même.

La quête des origines

Lorsque les poissons vedettes du film pénètrent dans l’institut océanographique et entrent en contact avec le monde des humains, le rendu visuel est si réaliste qu’il devient difficile de savoir si nous avons affaire à de l’image de synthèse ou à des prises de vues réelles. Mais cette fois-ci, contrairement au Voyage d’Arlo, le mixage entre l’hyper-réalisme et la caricature fonctionne à merveille. Le personnage de Hank en est le meilleur exemple. Ce poulpe désopilant qui fomente une infinité de plans pour s’évader de l’institut et regagner l’océan, muni de seulement sept tentacules (hommage à la pieuvre animée par Ray Harryhausen dans Le Monstre vient de la mer), est un pur personnage de cartoon. Pour autant, la texture humide de sa peau est incroyablement réaliste, presque palpable. Un autre céphalopode intervient plus tôt dans le film. Il s’agit d’un calamar cyclope géant qui attaque nos héros au cours d’une séquence très impressionnante. Ce monstre s’avère être le sosie de celui de 20 000 lieues sous les mers de Richard Fleischer, une allusion à Jules Verne qui ne manque pas de sel quand on sait d’où vient le nom Nemo. Adulé par le public et par une grande partie de la presse, Le Monde de Dory réalise un démarrage spectaculaire dès sa sortie en salles (plus de 130 millions de dollars pour son premier week-end, soit un record absolu dans le domaine du cinéma d’animation) et séduit bien vite les spectateurs du monde entier preuve de la santé encore excellente à l’époque du studio Pixar.

 

© Gilles Penso


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VOYAGE D’ARLO (LE) (2015)

Et si la météorite qui heurta la Terre pendant la préhistoire avait raté son objectif, laissant les dinosaures cohabiter avec les humains ?

THE GOOD DINOSAUR

 

2015 – USA

 

Réalisé par Peter Sohn

 

Avec les voix de Raymond Ochoa, Jack Bright, Jeffrey Wright, Frances McDormand, Jack McGraw, Peter Sohn, Steve Zahn, A.J. Buckley

 

THEMA DINOSAURES I SAGA PIXAR

En développement pendant six ans, Le Voyage d’Arlo connaît une genèse un peu compliquée. Sa première date de sortie est prévue en 2013, puis repoussée d’un an. C’est alors Bob Peterson, co-réalisateur de Là-haut, qui est censé le mettre en scène. Mais le scénario est jugé insatisfaisant, notamment son troisième acte que l’équipe de Pixar ne parvient pas à structurer correctement. Le film est donc décalé d’une année supplémentaire. Dans l’intervalle, le film est repris par Peter Sohn, qui avait réalisé le très beau court-métrage Passages nuageux. L’histoire du Voyage d’Arlo (dont le titre français semble vouloir se rapprocher de celui du Monde de Nemo) se déroule pendant la préhistoire, alors que les dinosaures dominent encore la Terre. Mais il s’agit d’un monde parallèle au nôtre. Car ici, la fameuse météorite qui aurait mis fin au règne des grands sauriens passe à côté de notre planète, évitant de justesse l’extinction de masse. Bien des années plus tard, les dinosaures sont toujours là et continuent de fouler le sol. Entretemps, ils sont devenus intelligents, construisent des objets, des outils, des abris, cultivent la terre et élèvent d’autres espèces animales. C’est dans cet univers alternatif que les humains font timidement leur apparition. Arlo, le plus jeune d’une famille de brontosaures, se prend d’affection pour Spot, un petit humain qui devient pour lui une sorte d’animal de compagnie.

Amateurs de viande, les tyrannosaures sont ici des cowboys éleveurs de troupeaux de bisons, mais les chasseurs les plus redoutables sont les vélociraptors, dont le corps est couvert de plumes, conformément à quelques-unes des découvertes paléontologiques les plus récentes. Les ptérodactyles charognards ne sont pas beaucoup plus rassurants, vénérant les tempêtes qui leur apportent de la nourriture à foison. Heureusement, des créatures pacifiques et végétariennes paissent aussi dans cette jungle antédiluvienne, comme ce styracosaure peureux qui se fond dans le paysage et dont les cornes abritent toute une foule de petits animaux de la forêt. Jouant presque la carte de l’auto-citation, le dinosaure vedette du film ressemble comme deux gouttes d’eau à celui du logo de la station-service Dinoco, vue dans Toy Story, et auquel il est fait allusion dans la majorité des films produits par Pixar. Membre d’une fratrie qui comporte deux sauropodes plus forts et plus puissants que lui, Arlo semble fragile, presque frêle, et sollicite toute l’attention de ses massifs parents. Paradoxalement, et comme le laisse imaginer un scénario un peu prévisible, c’est le plus « faible » qui aura le plus grand destin.

Une préhistoire post-apocalyptique ?

Les choix artistiques du Voyage d’Arlo marquent un décalage très fort entre le rendu des décors, ultraréalistes jusque dans leurs détails géologiques et botaniques les plus fins, et celui des personnages, presque aussi caricaturaux que ceux d’un film en pâte à modeler animé par l’équipe d’Aardman. S’il fonctionnait dans les autres films Pixar, ce fossé visuel entre les protagonistes et leur environnement crée ici une impression étrange, comme si ces deux éléments cohabitaient mal au sein du même film. Ce décalage se ressent aussi dans l’histoire elle-même. Le concept initial d’un monde parallèle où les dinosaures n’auraient pas disparu est prometteur, mais il faut reconnaître que le scénario ne sait trop qu’en faire. Les brontosaures deviennent fermiers et les tyrannosaures éleveurs (au sein d’une imagerie américaine à la Norman Rockwell qui s’éloigne beaucoup de l’universalité généralement de mise chez Pixar) et les humains restent sauvages. Mais tout finira par rentrer dans l’ordre. Car ce monde alternatif n’est que provisoire et ne se déploie pas avec l’audace et les surprises qu’il faudrait, comme si personne n’assumait jusqu’au bout l’idée servant de base au film. Certains spectateurs du film ont même bâti une théorie selon laquelle le monde du Voyage d’Arlo ne serait pas préhistorique mais post-apocalyptique, situé donc des dizaines de millions d’années après le passage de la météorite. Il est vrai que nous ne sommes pas si loin du futur de La Planète des singes, dans lequel les animaux règnent tandis que les humains sont retournés à la sauvagerie. Sorti la même année que Vice-versa, Le Voyage d’Arlo ne connaît pas le même succès et se comporte moins bien au box-office que la plupart des autres films du studio Pixar. Mais il aura tendance à être réévalué à la hausse quelques années plus tard.

 

© Gilles Penso


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LEGO BATMAN, LE FILM (2017)

Après le succès de La Grande aventure Lego, la version « petite brique » du Dark Knight a droit à son propre film…

THE LOGO BATMAN MOVIE

 

2017 – USA

 

Réalisé par Chris McKay

 

Avec les voix de Will Arnett, Zach Galifanakis, Michael Cena, Rosario Dawson, Ralph Fiennes, Jenny Slate, Hector Elizondo, Ellie Kemper, Mariah Carey

 

THEMA SUPER-HÉROS I JOUETS I SAGA BATMAN I DC COMICS

Le triomphe de La Grande aventure Lego n’était pas gagné d’avance, mais Phil Lord et Chris Miller surent trouver le ton juste pour ravir les publics de tous âges en cachant derrière leur grain de folie débridé une réflexion sur le pouvoir de l’imagination et sur la nécessité de ne pas réfréner la pulsion créative de l’enfance. Parmi la multitude de « vedettes invitées » venues faire leur numéro dans ce film choral, Batman avait marqué les esprits dans un exercice d’auto-dérision désopilant. L’idée de consacrer un long-métrage à part entière au Dark Knight dans sa version Lego est donc née dans la foulée. Réalisateur et co-producteur du programme télévisé Robot Chicken, monteur de La Grande aventure Lego, Chris McKay se voit offrir la mise en scène de Lego Batman, le film, qui sera son premier long-métrage. Féru d’humour parodique et grand amateur du trio Zucker, Abrahams et Zucker, McKay cherche à retrouver l’esprit de Y’a-t-il un pilote dans l’avion ? et de la « saga » des Y’a-t-il un flic… ? avec Leslie Nielsen. Voilà qui s’annonce prometteur. Un casting vocal prestigieux le rejoint dans cette aventure : Zach Galifanakis, Michael Cena, Rosario Dawson, Ralph Fiennes ou encore Mariah Carey. Quant à Will Arnett, il reprend la voix rauque du super-héros masqué qu’il interprétait déjà dans La Grande aventure Lego.

Pour jouer la carte de la rupture, McKay décide de donner la vedette à un Batman sombre, grincheux et dépressif (dans la mouvance de ceux incarnés par Christian Bale et Ben Affleck) et de lui adjoindre un Robin coloré, fougueux et immature (inspiré de celui que jouait Burt Ward dans la série TV des années 60). Lego Batman, le film s’amuse ainsi à mélanger toutes les époques et à entrechoquer les différentes itérations du Chevalier Noir à l’écran, celles du show des sixties, de Tim Burton, Joel Schumacher, Christopher Nolan, Zack Snyder, sans oublier un certain nombre de séries animées. Cette approche « patchwork » annonce en quelque sorte les choix postmodernes délirants qu’adoptera Spider-Man New Generation. Mais si l’homme-araignée mis en scène en 2018 par Peter Ramsey, Bon Persischetti et Rodney Rothman parvient miraculeusement à conserver sa cohérence et même à nous émouvoir, l’homme-chauve-souris de Lego Batman ne quitte jamais son statut de pantin caricatural et monolithique.

Patchwork

Car à trop vouloir jouer la carte de l’humour visuel mené sur un tempo d’enfer et de l’enchaînement de gags référentiels en cascade, le film de Chris McKay finit par se noyer dans ses propres excès. La richesse se confond bientôt avec l’accumulation et le rythme avec la précipitation. Tout va trop vite, tout est trop fort, tout nous saute aux yeux sans laisser au cerveau le temps d’enregistrer ce trop-plein de données, ce qui laisse peu de place pour s’attacher aux personnages et à leurs problèmes – fussent-ils des Legos. On s’amuse donc face aux multiples guest-stars échappées de moult blockbusters populaires (principalement ceux des studios Warner), de King Kong à Gremlins en passant par Le Seigneur des anneaux, Doctor Who, Le Magicien d’Oz, Harry Potter et même Le Choc des Titans (avec une version « briques » du Kraken de Ray Harryhausen) sans pour autant s’impliquer pleinement dans cette épopée mouvementée qui confine à l’hystérie. Le miracle de La Grande aventure Lego n’aura donc pas été réitéré, d’autant que la géniale trouvaille du film de Phil Lord et Chris Miller (tout ce que nous venons de voir est le fruit de l’imagination d’un enfant) n’a plus cours dans Lego Batman, qui n’offre donc qu’un seul niveau de lecture. Le succès sera certes au rendez-vous, mais la suite envisagée sera annulée après le rachat de la franchise Lego par Universal Pictures.

 

© Gilles Penso


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REBELLE (2012)

Le premier film « féministe » de Pixar met en scène une jeune héroïne contestataire piégée par le maléfice d’une vieille sorcière…

BRAVE

 

2012 – USA

 

Réalisé par Mark Andrews, Brenda Chapman et Steve Purcell

 

Avec les voix de Kelly Macdonald, Billy Connolly, Emma Thompson, Julie Walters, Robbie Coltrane, Kevin McKidd, Craig Ferguson, Sally Kinghorn, Elidh Fraser

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I SAGA PIXAR

C’est à Brenda Chapman que nous devons la genèse du film Rebelle. Après avoir participé à l’écriture de plusieurs longs-métrages Disney comme La Belle et la Bête, Le Roi lion ou Le Bossu de Notre-Dame, elle rejoint les rangs du studio d’animation Dreamworks et co-réalise avec Steve Hickner et Simon Wells le remarquable Prince d’Égypte. C’est aussi pour Dreamworks qu’elle co-écrit le film Chicken Run du studio Aardman. En 2006, elle intègre l’équipe de Pixar et collabore au scénario de Cars. C’est alors qu’elle fait part à John Lasseter du projet Rebelle. L’histoire de cette princesse en butte à l’autorité lui est inspirée par sa propre relation avec sa fille. Mais le scénario du film ne prend forme qu’au bout de quatre ans de travail. A mi-parcours, Mark Andrews finalise l’écriture et co-réalise le film, à la demande de John Lasseter et Ed Catmull. Cette passation de pouvoir n’est pas très bien perçue de l’extérieur, d’abord parce que laisser les commandes d’un long-métrage à une femme aurait été une première chez Pixar, ensuite parce que cette situation évoque le départ de Jan Pinkava qui avait quitté Ratatouille dans des conditions un peu similaires. Fair-play, Brenda Chapman affirmera plus tard que Rebelle, dans sa version finale, est très proche de ce qu’elle avait initialement en tête et s’avouera fière du film.

S’éloignant du cadre contemporain habituel des films Pixar, Rebelle se déroule dans un monde ancien féerique et met en vedette une jeune fille destinée à hériter des responsabilités d’un royaume dirigé par ses parents. Son héroïne Merida s’inscrit-elle donc dans la lignée de toutes les princesses Disney dont l’aïeule fut Blanche-Neige 75 ans plus tôt ? Oui et non. Car Merida (dont le nom signifie « rebelle » en hébreu) ne chante pas et ne vit pas de relation amoureuse. Elle passe son temps à lutter pour contrôler sa destinée et donc à refuser ce statut de princesse que tout le monde aimerait lui coller à la peau. Elle prend des cours d’escrime et de tir à l’arc, monte à cheval, pratique les activités généralement prévues pour les garçons, bref cherche à tout prix à éviter la vie toute tracée d’épouse de seigneur qu’on lui réserve. Cette démarche évoque celle de l’héroïne de Mulan, même si Merida s’en distingue par une effronterie qui confine à l’insolence. Elle ne cherche pas à imiter les garçons ou à infléchir une situation insoluble. Elle veut simplement atteindre une autonomie lui permettant de décider seule de son avenir. Pour l’aider à régler ses problèmes, la princesse rend visite à une vieille sorcière recluse dans un coin isolé du royaume. Mais le résultat ne sera pas du tout celui qu’elle attendait. Car un sort transforme bientôt sa mère en grande ourse ! Dès lors, toutes deux vont devoir œuvrer ensemble pour trouver le moyen d’inverser le sort…

La grande ourse

Mi-comique mi-dramatique, cette situation pour le moins inhabituelle pose la question de la barrière sociale qui empêche tout être humain de sombrer dans la bestialité. Comment la mère de Merida peut-elle conserver son humanité et ses bonnes manières dans la peau d’un ours livré à la sauvagerie du monde extérieur mais aussi des chasseurs qui en veulent à sa peau ? Si les personnages du film gardent une stylisation « cartoonesque » chère à l’esprit de Pixar, de nombreux détails – cheveux, poils, grain de peau, regards, costumes – troublent par leur réalisme extrême. Quant aux décors, ils ressemblent comme deux gouttes d’eau à des prises de vues réelles. Les expérimentations photo-réalistes entamées dans les premières séquences de Wall-E poursuivent donc ici leur élan avec des résultats souvent étourdissants. Rebelle permet une nouvelle fois à Pixar de remporter l’Oscar du meilleur film d’animation, ainsi qu’une foule d’autres récompenses à travers le monde, dont les prestigieux Bafta Award et Golden Globe. D’une manière générale, le film est très bien accueilli par le public et la critique, même s’il semble s’éloigner quelque peu de la singularité habituelle des univers Pixar pour s’approcher de ceux de Disney. La réalisation de Rebelle ayant été marquée par la mort de Steve Jobs, le film lui est dédié et plusieurs clins d’œil au créateur d’Apple jalonnent le métrage, notamment l’utilisation du nom de famille MacIntosh et la présence d’une pomme que l’héroïne essaie régulièrement de croquer.

 

© Gilles Penso


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CARS 2 (2011)

Ce deuxième opus prend les allures inattendues d’un film d’espionnage et transforme la dépanneuse Martin en émule de James Bond !

CARS 2

 

2011 – USA

 

Réalisé par John Lasseter et Brad Lewis

 

Avec les voix de Owen Wilson, Larry the Cable Guy, Michael Caine, Emily Mortimer, Eddie Izzard, John Turturro, Brent Musburger, Joe Mantegna

 

THEMA OBJETS VIVANTS I SAGA PIXAR

C’est au cours de la tournée promotionnelle de Cars aux quatre coins du monde que John Lasseter commence à réfléchir à l’idée d’une séquelle. Le projet lui tient tellement à cœur qu’il souhaite le réaliser lui-même, quitte à renoncer à la mise en scène de Toy Story 3 qui échoit donc à Lee Unkrich, avec le succès que l’on sait. Mais Lasseter veut éviter la redite et surtout prendre ses spectateurs par surprise, quitte à faire démarrer Cars 2 de manière déstabilisante. L’entrée en matière du film nous transporte en effet dans une intrigue d’espionnage pastichant les aventures de James Bond avec force poursuites de voitures, gadgets et explosions spectaculaires, le tout au beau milieu d’une plateforme pétrolière où se jouent des rivalités dont l’enjeu nous échappe de prime abord. Parmi les nouveaux venus dans cette séquelle, on note principalement la voiture espionne britannique Finn McMissile, dont le design s’inspire de la fameuse Aston Martin DB5 de Goldfinger (et dont les dialogues sont prononcés par le vénérable Michael Caine), la charmante Holley Shiftwell, bourrée de gadgets high-techs, et le maléfique professeur Z, un tacot affublé d’un monocle et d’un fort accent allemand.

Flash McQueen, lui, prend quelques jours de repos à Radiator Springs lorsqu’il est défié en direct à la télévision par Francesco Bernoulli, une arrogante Formule Un qui lui propose de se mesurer à lui lors d’une grande course organisée à Tokyo. Poussé par Sally, McQueen accepte le défi et voyage jusqu’au Japon en compagnie de son fidèle ami Martin. Mais suite à un quiproquo, ce dernier est pris pour un agent secret américain. Car ici, fait assez original, la gaffeuse dépanneuse rouillée qui n’était qu’un personnage secondaire de Cars occupe désormais le rôle principal, se muant malgré lui en espion aussi improbable que Pierre Richard dans Le Grand blond avec une chaussure noire. L’intrigue tourne bientôt autour d’un nouveau carburant écologique, l’Alinol, que les vilains veulent bannir pour écouler les stocks d’essence dont ils ont le monopole. L’aventure transporte bientôt les protagonistes roulants aux quatre coins du monde, du Japon à la France en passant par la ville italienne imaginaire de Porto Corsa et enfin les rues de Londres.

Rien que pour vos pneus

Cars 2 est très généreux en scènes de suspense et d’action inédites et spectaculaires, comme cette course contre la montre à Porto Corsa, où les vilains à la solde du Professeur Z tirent sur les concurrents avec un rayon électromagnétique, provoquant un immense carambolage sur le circuit, pendant que Flint McMissile essaie de stopper les effets du canon et que Martin, sous couverture, est immergé dans le repaire des méchants. Le morceau de bravoure reste cependant la gigantesque poursuite finale dans les rues de Londres, où les carrosseries des véhicules dévoilent une infinité de gadgets inventifs tandis que Martin menace d’exploser à cause d’une bombe embarquée sous son capot. Pour accompagner ces folles péripéties, le compositeur Michael Giacchino rend de nombreux hommages aux musiques des films d’espionnage des années 60. L’exercice est compliqué par le fait que Giacchino avait déjà cligné de l’œil vers le travail de John Barry pour Les Indestructibles. Il parvient à éviter les redites en déchaînant son orchestre avec une dynamique un peu différente et en laissant la part belle à une guitare surf, en hommage à celle utilisée par Vic Flick pour le fameux James Bond Theme. La critique boudera un peu cette séquelle, jugée moins inventive que son modèle. Il faut reconnaître que Cars 2 vaut beaucoup plus pour sa mise en scène et ses nombreuses trouvailles visuelles que pour son histoire, finalement très anecdotique. Mais le public répond largement présent, permettant au film d’être largement bénéficiaire, et les produits dérivés de la franchise se vendent mieux que jamais.

 

 

© Gilles Penso


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PÔLE EXPRESS (LE) (2004)

Robert Zemeckis s’empare de la technologie de la motion capture pour mettre en scène un conte de Noël d’un genre très particulier…

THE POLAR EXPRESS

 

2004 – USA

 

Réalisé par Robert Zemeckis

 

Avec Tom Hanks, Michael Jeter, Daryl Sabara, Josh Hutcherson, Nona Gaye, Tinashe, Peter Scolari, Jimmy Bennett, Matthew Hall, Eddie Deezen

 

THEMA CONTES

Le Pôle Express est un film en avance sur son temps. C’est à la fois sa plus grande qualité et son plus grand défaut. Robert Zemeckis a toujours su s’emparer des technologies d’avant-garde pour servir la virtuosité de sa mise en scène. Qui d’autre que lui aurait pu mettre en image les folles idées de Qui veut la peau de Roger Rabbit, La Mort vous va si bien ou Forrest Gump ? Mais pour la première fois de sa carrière, le cinéaste s’appuie sur des outils qui ne sont pas encore suffisamment matures pour concrétiser ses visions. D’où un résultat imparfait mais incroyablement audacieux. L’idée du Pôle Express est de pousser dans ses retranchements la méthode de la motion capture qui consiste à enregistrer les mouvements des comédiens pour pouvoir ensuite réadapter ces données sur des avatars numériques. Balbutiante dans les années 90, la motion capture est portée aux nues par l’équipe néo-zélandaise de Weta Digital qui s’en sert pour donner naissance au Gollum du Seigneur des Anneaux. Mais Zemeckis veut aller plus loin et bâtir un long-métrage entier autour de cette technologie, quitte à bouleverser les codes habituels du cinéma d’animation.

Le scénario du Pôle Express, co-écrit par Zemeckis et William Broyles Jr, s’appuie sur un roman pour enfants de Chris Van Allsburg. Le personnage principal est un petit garçon qui commence à grandir et n’est plus tout à fait sûr de croire au Père Noël, contrairement à sa sœur cadette. Alors qu’il est en proie au doute le soir de Noël, il est réveillé par une vision incongrue : un vieux train à vapeur qui s’arrête juste devant la porte de sa maison. Il s’agit du Pôle Express, qui ne prend que des enfants comme passagers, est dirigé par un contrôleur tatillon sur les horaires, conduit par deux techniciens à côté de la plaque et hanté par un personnage fantomatique qui vit sur son toit. Le train se dirige tout droit vers le pôle Nord pour aller rendre visite au Père Noël et à son armée de lutins.

Un train d’avance

Dès les premières minutes du film, on sent bien que quelque chose cloche. Les héros humains, quasiment tous incarnés par Tom Hanks, bougent de manière hyper-réaliste. Leur texture de peau, leurs vêtements, leurs cheveux, leurs regards se calquent étrangement sur le naturalisme des prises de vues réelles… mais sonnent pourtant faux. Ce phénomène, que les spécialistes allaient bientôt surnommer « uncanny valley », s’applique aux personnages en images de synthèse qui essaient à tout prix d’imiter les êtres humains mais n’y parviennent pas tout à fait, à cause de menus détails qui dévoilent la supercherie. Conscients de cet écueil, les artistes de Pixar avaient eu le bon goût d’éviter la quête de l’hyper-réalisme avec les humains de Toy Story en optant pour la stylisation et l’exagération. Mais Zemeckis est victime de ses propres ambitions et se retrouve dans une impasse. Il serait pourtant injuste de limiter Le Pôle Express à ce péché d’audace. La mise en scène demeure incroyablement inventive et immersive, plongeant les spectateurs dans un enchaînement de séquences d’action démentielles dignes du plus vertigineux des rides de parc d’attraction, osant des plans-séquence inimaginables (l’odyssée du billet de train, prolongement du célèbre voyage de la plume de Forrest Gump), nous invitant sans cesse au voyage et à l’émerveillement. Alors certes, les limitations techniques sautent aux yeux et un étrange malaise s’installe souvent face à ces clones digitaux qui imitent les humains. Mais il fallait bien Le Pôle Express pour paver la voie des Aventures de Tintin et d’Avatar.

 

© Gilles Penso


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MONDE DE NEMO (LE) (2003)

La quête d’indépendance d’un poisson trop couvé par son père, au cœur de fonds marins regorgeants de surprises et de dangers…

FINDING NEMO

 

2003 – USA

 

Réalisé par Andrew Stanton et Lee Unkrich

 

Avec les voix de Albert Brooks, Alexander Gould, Ellen DeGeneres, Willem Dafoe, Brad Garrett, Allison Janney, Austin Pendleton, Stephen Root, Vicki Lewis

 

THEMA MONSTRES MARINS I SAGA PIXAR

Élément clé de l’écriture de Toy Story, 1001 pattes et Monstres & Cie, Andrew Stanton se lance à son tour dans la réalisation en prenant à bras le corps un projet qui lui tient particulièrement à cœur. Pour le mener à bien, il plonge dans ses souvenirs d’enfance, à l’époque où il observait les poissons d’un aquarium dans la salle d’attente de son dentiste et imaginait qu’ils préparaient secrètement un plan d’évasion. Stanton s’inspire aussi de ses relations avec son fils et de sa propre attitude qu’il juge parfois trop protectrice. Ainsi naît Le Monde de Nemo, qui cache derrière ce titre semblant vouloir se référer à Jules Verne une parabole de la lutte des enfants pour acquérir leur indépendance. Une vaste galerie de personnages variés s’anime dans l’environnement aquatique du film, notamment le poisson clown Nemo qui ne rêve que de découvrir le monde, à ses risques et périls, son père Marin qui s’est juré de veiller sur lui coûte que coûte, quitte à le surprotéger avec une prudence excessive, le « poisson-chirurgien » Dory qui les accompagne avec bienveillance, malgré de sérieux troubles de la mémoire immédiate, ainsi que toute une faune de créatures marines plus ou moins amicales.

Les poissons n’étant pas des animaux auxquels il est simple de donner des expressions faciales, les animateurs s’inspirent souvent des chiens, et certaines des mimiques adoptées par les héros à nageoires rappellent parfois celles du poisson tropical Polochon de La Petite sirène. Les prisonniers qui vivent dans l’aquarium, quant à eux, se réfèrent à tout un pan du cinéma des années 70. De l’aveu même de l’équipe de Pixar, leur groupe névrosé s’inspire de Vol au-dessus d’un nid de coucou, leur meneur Gill est calqué sur Clint Eastwood et le poisson « gonflable » Boule imite George Kennedy dans Luke la main froide. Quant aux requins qui croisent la route de nos héros, ils clignent bien sûr de l’œil vers Les Dents de la mer (le chef s’appelle Bruce, surnom que Spielberg avait donné au monstre animatronique de son film) et lorsqu’il se met à poursuivre Dory avec un regard fou, c’est à Shining que Le Monde de Nemo fait allusion. Des références plutôt inattendues dans un film pour enfants !

La fête des mers

Le Monde de Nemo regorge de séquences mémorables et de morceaux d’anthologie, de la traversée marine au milieu de plus de deux-cents tortues jusqu’au magnifique mais très dangereux champ de méduses fluorescentes en passant par l’attaque des mouettes et la grande évasion finale. Pour autant, ce cinquième film estampillé Pixar n’a pas le même grain de folie ni la même originalité que ses prédécesseurs. En arpentant une voie plus classique et plus linéaire, en empruntant son point de départ à Bambi, en s’adressant de toute évidence à un public un peu plus jeune, le film d’Andrew Stanton et Lee Unkrich fait preuve d’une certaine « sagesse » qu’on aurait plus tendance à attribuer aux films Disney qu’à ceux de Pixar. Cette tendance trouve son écho dans la bande originale de Thomas Newman. A contre-courant de l’approche mi-jazzy mi-épique de son cousin Randy, le compositeur d’American Beauty écrit une bande originale planante et introspective qui, si elle ne manque pas de charme, s’éloigne du style trépidant et tumultueux de Toy Story1001 pattes et Monstres & Cie. Pour autant, Le Monde de Nemo est un triomphe spectaculaire. C’est à l’époque le plus gros succès du studio, battant même les recettes jusqu’alors indétrônables du Roi lion. Aucun film d’animation ne s’était jusqu’alors aussi bien comporté au box-office. Pour couronner cet accueil enthousiaste, l’Oscar du meilleur film d’animation lui est décerné en 2004.

 

© Gilles Penso


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MILLE ET UNE PATTES (1998)

Après les jouets, l’équipe de Pixar s’intéresse aux insectes et livre une version très personnelle des fables d’Ésope et de La Fontaine…

A BUG’S LIFE

 

1998 – USA

 

Réalisé par John Lasseter et Andrew Stanton

 

Avec les voix de David Foley, Kevin Spacey, Julia Louis-Dreyfus, Hayden Panettiere, Phylis Diller, Richard Kind, David Hyde Pierce, Joe Ranft

 

THEMA INSECTES ET INVERTÉBRÉS I SAGA PIXAR

Certains moments apparemment anodins sont amenés à marquer durablement l’histoire du cinéma. C’est le cas d’un fameux déjeuner qui a lieu au cœur de l’été 1994, alors que Toy Story est en pleine post-production et que John Lasseter, Andrew Stanton, Pete Docter et Joe Ranft réfléchissent à leurs prochains films. Entre deux bouchées, les têtes pensantes de Pixar esquissent des concepts qui, plus tard, deviendront Toy Story 2, Monstres & Cie, Le Monde de Nemo et Wall-E. Parmi toutes ces idées, l’une paraît plus faisable que les autres : une réadaptation de la fable « La Cigale et la fourmi » d’Ésope popularisée par Jean de la Fontaine. Cette fois-ci, Lasseter co-signe le film avec Andrew Stanton, qui travaille étroitement avec lui depuis le début des années 90. L’un des premiers titres de travail est presque une boutade, puisqu’il s’agit de Bug Story, avant qu’on opte finalement pour A Bug’s Life, autrement dit « Une vie d’insecte ». En se réappropriant la fable initiale, les scénaristes transforment la cigale en une nuée de sauterelles qui décident de contraindre les fourmis travailleuses à leur donner le fruit de leur récolte. Pour sauver les siens, Tilt, « Géo Trouvetout » du monde des fourmis, décide de partir à la recherche de guerriers susceptibles de les défendre contre leurs oppresseurs. Le principe des Sept mercenaires se greffe ainsi à la fable, si ce n’est qu’un quiproquo vient compliquer les choses. En effet, le groupe de « valeureux combattants » que Tilt réunit est en réalité une troupe de cirque ambulante qui n’a jamais combattu personne et pense avoir été engagée pour un spectacle.

Si le casting vocal ne regorge pas de superstars, John Lasseter aimerait une voix connue pour incarner Hopper, le grand méchant du film. Après le refus de Robert de Niro, il propose le rôle à Kevin Spacey, qui s’empare avec brio du personnage. Roddy McDowall lui-même, inoubliable Cornelius de La Planète des singes, prête sa voix à Monsieur Sol, le meneur de la colonie. Ce sera le dernier rôle du vénérable comédien, qui s’éteindra un mois avant la sortie du film. Même si chacun sait que les insectes ont six pattes, les auteurs du film se soucient peu du réalisme entomologique, auquel ils préfèrent largement la force dramaturgique. Pour éviter l’effet répulsif que provoquent souvent les insectes, ils choisissent un design lisse et rond pour les fourmis, quitte à supprimer une paire de pattes et jouer ouvertement la carte de l’anthropomorphisme. Même leur couleur a été modifiée, le noir ayant été remplacé par un doux bleu lavande. Il en va autrement des sauterelles, à la morphologie épineuse et à la texture rugueuse. 1001 pattes s’avère techniquement beaucoup plus difficile que Toy Story, puisqu’il faut parfois créer des scènes de foule impliquant des milliers de fourmis mais aussi des interactions avec l’eau et le feu.

Un travail de fourmi

Comme si ces complications ne suffisaient pas, les réalisateurs décident de donner à 1001 pattes des dimensions épiques en le dotant d’un format Cinémascope, chose alors très rare dans le domaine du cinéma d’animation (à l’époque, seuls La Belle au bois dormant, Taram et le chaudron magique et Anastasia avaient connu un tel traitement). Tous ces choix techniques et artistiques s’avèrent payants. 1001 pattes est une merveille d’humour (grâce à sa galerie de personnages irrésistibles), de suspense (les sauterelles sont des antagonistes effrayants) et d’action (les séquences avec l’oiseau friand d’insectes sont à couper le souffle), le tout rythmé sur une bande originale trépidante de Randy Newman. Le succès du film n’est pourtant pas assuré, dans la mesure où un concurrent de poids vient lui barrer la route : Fourmiz, initié par Jeffrey Katzenberg pour le département d’animation de Dreamworks. John Lasseter est furieux, persuadé que Katzenberg lui a volé son idée, d’autant que Fourmiz s’avère d’excellente facture et bénéficie d’un casting vocal particulièrement impressionnant (Woody Allen, Sylvester Stallone, Sharon Stone, Gene Hackman, Jennifer Lopez, Christopher Walken, Danny Glover, Dan Aykroyd, Anne Bancroft, excusez du peu !). Mais 1001 pattes séduit un public beaucoup plus large, rapportant deux fois plus que son concurrent.

 

© Gilles Penso


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