LA FEMME QUI RÉTRÉCIT (1981)

Le premier long-métrage de Joel Schumacher est un pastiche au féminin de L’Homme qui rétrécit

THE INCREDIBLE SHRINKING WOMAN

 

1981 – USA

 

Réalisé par Joel Schumacher

 

Avec Lily Tomlin, Charles Grodin, Ned Beatty, Henry Gibson, Elizabeth Wilson, Mark Blankfield, Maria Smith, Pamela Bellwood, John Glover, Nicholas Hormann

 

THEMA NAINS ET GÉANTS I SINGES

Star de l’émission Rowan & Martin Laugh-In entre 1969 et 1973, l’humoriste et comédienne Lily Tomlin est à l’époque extrêmement populaire auprès du public américain, ouvrant la voie aux praticiennes du stand-up, une discipline jusqu’alors très majoritairement masculine. Au début des années 80, sa fidèle collaboratrice et compagne Jane Wagner écrit pour elle une parodie au féminin de L’Homme qui rétrécit. Le projet semble taillé sur mesure pour John Landis qui, au sortir d’American College, se lance dans l’aventure. Mais quelques jours après le début du tournage, des tensions commencent à se faire ressentir. Le studio Universal décide en effet de diviser par trois le budget de 30 millions de dollars initialement prévu, ce qui implique des coupes drastiques dans le scénario, dans les choix de mise en scène et dans l’ambition du film. Exit donc John Landis, qui s’en va tourner Les Blues Brothers et laisse le poste de metteur en scène vacant. C’est un jeune talent prometteur qui va prendre le relais. Créateur de costumes (Woody et les robots, Intérieurs), signataire de quelques scénarios (The Wiz, Car Wash) et réalisateur d’une poignée de téléfilms (Virginia Hill, Amateur Night at the Dixie Bar and Grill), Joel Schumacher est alors un couteau suisse aux savoir-faire multiples qui n’a pas encore eu l’occasion de diriger un long-métrage pour le cinéma. La Femme qui rétrécit sera son baptême du feu. Il reprend donc les choses là où John Landis les a laissées et se lance dans cette comédie qui, selon le générique, est « suggérée par le roman de Richard Matheson ».

Lily Tomlin incarne Pat Kramer, mère de deux enfants particulièrement turbulents et épouse d’un créatif publicitaire (Charles Grodin) qui passe ses journées à inventer des noms de marques et des slogans. La peur de l’atome qui servait de moteur au scénario de L’Homme qui rétrécit n’étant plus au goût du jour, c’est la société de consommation qui est cette fois-ci dans le collimateur. Le changement du métabolisme de l’héroïne s’annonce progressivement, par petites touches. Un matin ses ongles lui semblent plus courts. Un autre jour, son bracelet tombe de son poignet. Puis elle constate sur la toise du médecin qu’elle ne mesure plus un mètre soixante-treize mais six centimètres de moins. Lorsque ses vêtements commencent à devenir trop grands, on l’envoie au Kleinman Institute, spécialisé dans les phénomènes inexpliqués. Après une interminable série de tests, le scientifique en charge de son cas (Henry Gibson) déduit que son rétrécissement est dû à une exposition prolongée aux produits ménagers qui l’entourent. En attendant la découverte d’un éventuel antidote, Pat continue à diminuer de jour en jour. Un consortium aux mauvaises intentions projette alors de prélever son sang pour créer une nouvelle arme redoutable : le sérum rétrécissant.

Clins d’œil

Reliquat probable du projet tel que devait le réaliser John Landis, La Femme qui rétrécit cligne plusieurs fois de l’œil vers Jack Arnold, le réalisateur de L’Homme qui rétrécit, à travers les jeux des enfants de Pat (une fausse araignée suspendue dans une douche, un costume de L’Étrange créature du lac noir, Les Survivants de l’infini qui passe à la télé). On trouve aussi en fin de métrage un gorille conçu et interprété par Rick Baker, le vieux complice de John Landis, qui rejoue avec Lily Tomlin un remake de King Kong. L’année de la sortie de La Femme qui rétrécit, Baker remportera l’Oscar des effets de maquillage pour Le Loup-garou de Londres. Il faut reconnaître que malgré son budget revu à la baisse, La Femme qui rétrécit recours à des effets spéciaux très réussis que supervise Bruce Logan, vétéran de 2001 l’odyssée de l’espace et La Guerre des étoiles. Perspectives forcées, décors et accessoires surdimensionnés, projections frontales et incrustations permettent des séquences folles comme l’attaque des jouets mécaniques, la dégringolade en skateboard, la chute dans l’évier ou la délirante poursuite finale. Dommage que les mécanismes comiques bâtis par Jane Alexander manquent tant de subtilité. Il y avait pourtant là matière à une excellente satire des habitudes consuméristes américaines, doublée d’une parabole intéressante de l’asservissement de la femme par des tâches ménagères qui la diminuent peu à peu. Une écriture plus rigoureuse et un point de vue plus affuté sur le récit n’auraient pas été de trop. Quant à Joel Schumacher, il peine à apposer le moindre style sur cette œuvre imaginée bien avant son entrée en jeu. Il lui faudra attendre St Elmo’s Fire et Génération perdue pour affirmer pleinement sa personnalité et son univers.

 

© Gilles Penso

 

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