LA FOLLE HISTOIRE DU MONDE (1981)

La préhistoire, l’antiquité, le moyen-âge, la Révolution française et même le space opera sont au menu de cette fresque signée Mel Brooks…

HISTORY OF THE WORLD PART I

 

1981 – USA

 

Réalisé par Mel Brooks

 

Avec Mel Brooks, Dom DeLuise, Madeline Kahn, Harvey Korman, Cloris Leachman, Ron Carey, Gregory Hines, Pamela Stephenson, Shecky Greene, Sid Caesar

 

THEMA EXOTISME FANTASTIQUE I DINOSAURES I DIEU, LES ANGES ET LA BIBLE I SPACE OPERA

En 1981, Mel Brooks est depuis longtemps considéré comme l’un des maîtres absolus de la parodie. Certes, les ZAZ sont venus empiéter sur son terrain de jeu avec Y’a-t-il un pilote dans l’avion ?, mais le père de Frankenstein Junior reste la référence en la matière. Il se lance donc un défi monumental : condenser l’évolution de l’humanité en un film comique débridé. Telle est l’ambition de La Folle histoire du monde, une fresque burlesque où se croisent des hommes préhistoriques surexcités, un Moïse dépassé par les événements, des empereurs romains libidineux, des inquisiteurs mélomanes, un roi de France obsédé par ses privilèges mais aussi des dinosaures et des vaisseaux spatiaux. Comme souvent chez Brooks, le projet naît d’une blague improvisée. « Je traversais le parking de la 20th Century Fox pour me rendre à mon bureau lorsqu’un des machinistes qui avait travaillé sur Le Grand frisson m’a interpellé depuis l’arrière d’un camion en me demandant : “ Hé Mel, c’est quoi la suite ? Tu prévois un gros projet ? “ », raconte-t-il. « Tout à coup, le titre le plus impressionnant auquel je pouvais penser m’est venu à l’esprit : “ Oui, le plus grand film jamais réalisé. Il s’appellera History of the World ”. Quelqu’un d’autre dans le camion a crié : “ Comment peux-tu couvrir l’histoire du monde entier dans un seul film ? ” Je lui ai répondu : “ Tu as raison. Je l’appellerai History of the World – Part I ” » (1) Voilà comment nait l’idée d’un faux premier volume, laissant croire à une suite inexistante.

Le film est conçu comme une série de sketches parodiant les grandes épopées hollywoodiennes. On y croise des hommes singes tout droit échappés de 2001 l’odyssée de l’espace, Moïse recevant les Dix Commandements (et en brisant par mégarde cinq supplémentaires), l’Empire romain, l’Inquisition espagnole transformée en comédie musicale façon MGM, et enfin la Révolution française. Brooks, bien décidé à s’amuser des deux côtés de la caméra, incarne pas moins de cinq rôles. Autour de lui gravite un casting habitué à ses délires : Dom DeLuise en César glouton, Harvey Korman en Comte de Monet, Cloris Leachman en Madame Defarge, ainsi qu’un nouveau venu : le danseur Gregory Hines, propulsé vedette après le retrait de Richard Pryor. La mise en scène adopte une logique de cabaret : gags visuels, jeux de mots, chansons, références absurdes, anachronismes assumés. On passe sans transition de la vulgarité la plus crasse (les Homo erectus « toujours debout ») aux clins d’œil lettrés (Œdipe aveugle mendiant dans les rues de Rome) en passant par les références cinéphiliques. L’humour ne s’embarrasse d’aucune limite : tout peut être détourné, de la liturgie biblique aux exactions de l’Inquisition. Brooks lui-même avouera avoir hésité sur cette dernière séquence, craignant la réaction du public. Mais il transforme la cruauté en comédie musicale somptueuse, avec décors immenses, ballets nautiques à la Esther Williams et showgirls surgissant de l’eau en candélabres humains. Le résultat est un sommet d’absurde et de mauvais goût assumé.

« It’s good to be the King »

La fameuse scène de Moïse brisant l’une des trois tables de la loi nait quant à elle d’un pur hasard. En contemplant le décor des cavernes préhistoriques, Brooks imagine soudain qu’elles pourraient devenir le mont Sinaï. Résultat : une séquence improvisée devenue culte. Autre héritage du film : la réplique « It’s good to be the King », lancée par Brooks en Louis XVI, entrée dans la culture populaire, transformée en morceau de rap au succès planétaire et même recyclée dans Sacré Robin des Bois. Quant à la parodie de Star Wars, « Les Juifs dans l’espace », elle recycle des bruitages du film de George Lucas et prépare le terrain pour La Folle Histoire de l’espace. Adepte du gag sous toutes ses formes, Brooks n’a jamais eu son pareil pour combattre l’antisémitisme en le ridiculisant. D’où cette relecture absurde des Dix Commandements, ce Torquemada d’opérette, ces rabbins spatiaux ou ce « Hitler on Ice » que nous promet la bande annonce finale. Avec son budget de 11 millions de dollars, le film coûte plus cher que les trois précédents Brooks réunis. Sorti le 12 juin 1981, le même jour que Les Aventuriers de l’Arche Perdue et Le Choc des Titans, il se retrouve en compétition frontale avec des blockbusters intimidants. L’accueil critique sera partagé. Si certains dénoncent un humour inégal, d’autres saluent l’audace et la générosité du spectacle. Certes, nous sommes loin du raffinement délicieusement absurde d’un Sacré Graal, mais la bonne humeur de Brooks et de ses complices finit par devenir communicative. Il faudra attendre 2023 pour voir surgir sur la chaîne Hulu History of the World Part II, une mini-série coproduite par Brooks, preuve que sa blague vieille de quarante ans avait encore du carburant.

 

(1) Extrait d’une interview parue dans le New York Times en juin 1981

 

© Gilles Penso

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