

« Le vide des abîmes célestes au-dessus de moi avait empli mon âme d’une bizarre inquiétude. »
H.P. Lovecraft, La Couleur tombée du ciel
Figure mythique des littératures de l’imaginaire, Howard Phillips Lovecraft n’a pourtant connu, de son vivant, qu’un succès confidentiel. Né en 1890 à Providence, ce solitaire maladif passe son existence à se passionner pour la science tout en rejetant le monde moderne. Ses nouvelles, publiées dans des magazines populaires comme Weird Tales, évoquent souvent le vertige métaphysique face à l’inconnu. L’auteur y développe une vision profondément pessimiste de l’univers, où l’humanité, insignifiante, n’est qu’un grain de poussière perdu dans l’immensité cosmique. De cette angoisse naît le Mythe de Cthulhu, un panthéon de divinités antédiluviennes et indifférentes à la condition humaine. À travers L’Appel de Cthulhu, La Couleur tombée du ciel ou Les Montagnes hallucinées, Lovecraft invente une horreur abstraite, dépourvue de manichéisme, où le monstre est moins visible que pressenti. Son style, érudit, baroque et volontiers archaïque, a contribué à forger une atmosphère unique où se bousculent les sciences dégénérées, les savoirs interdits et les cités englouties.
Longtemps méconnu, Lovecraft doit sa survie littéraire à ses disciples, notamment August Derleth, qui fonde la maison d’édition Arkham House pour publier ses écrits. Dès lors, son influence s’étend à tous les domaines de la culture populaire : littérature, jeux de rôle, bande dessinée, musique et, bien sûr, cinéma. Pourtant, adapter Lovecraft à l’écran s’avère une gageure. Comment traduire visuellement ce qui, par essence, relève de l’indicible ? Le réalisateur Roger Corman s’y essaie le premier en 1963 avec La Malédiction d’Arkham, librement inspiré de L’Affaire Charles Dexter Ward. Mais c’est surtout dans les années 1980 que le cinéma s’empare pleinement de son univers : Re-Animator et From Beyond de Stuart Gordon en offrent une lecture gore et délirante, tandis que John Carpenter (The Thing, In the Mouth of Madness) en transpose l’esprit nihiliste et la terreur cosmique dans un cadre plus contemporain, sans l’adapter officiellement. Plus tard, d’autres cinéastes chercheront à retrouver la dimension hallucinée de ses récits. À travers ces relectures, l’héritage lovecraftien continue ainsi d’irriguer l’imaginaire collectif.
© Gilles Penso
INDEX DES FILMS CHRONIQUÉS :
1963: La Malédiction d’Arkham de Roger Corman
1965: Le Messager du diable de Daniel Haller
1968: La Maison ensorcelée de Vernon Sewell
1970: Horreur à volonté de Daniel Haller
1981: Evil Dead de Sam Raimi
1985: Re-Animator de Stuart Gordon
1986: From Beyond de Stuart Gordon
1987: Evil Dead 2 de Sam Raimi
1987: La Malédiction céleste de David Keith
1988: Pulse Pounders de Charles Band
1991: Détective Philip Lovecraft de Martin Campbell
1991: The Resurrected de Dan O’Bannon
1992: L’Armée des ténèbres de Sam Raimi
1992: Re-Animator 2 de Brian Yuzna
1993: Necronomicon de Christophe Gans, Shusuke Kaneko et Brian Yuzna
1994: Chasseur de sorcières de Paul Schrader
1994: La Peur qui rôde de C. Courtney Joyner
1995: Castle Freak de Stuart Gordon
2001: Dagon de Stuart Gordon
2003: Beyond Re-Animator de Brian Yuzna
2005: The Call of Cthulhu de Andrew Leman
2008: Colour From the Dark de Ivan Zuccon
2008: Necronomicon : le livre de Satan de Leigh Scott
2010: Die Farbe de Huân Vu
2010: Le Territoire des ombres : le secret de Valdemar de José Luis Alemán
2010: Le Territoire des ombres : le monde interdit de José Luis Alemán
2011: The Whisperer in the Darkness de Sean Branney
2012: The Theatre Bizarre de Douglas Buck, Buddy Giovinazzo, David Gregory, Karim Hussain, Jeremy Kasten, Tom Savini et Richard Stanley
2013: Evil Dead de Fede Alvarez
2017: The Endless d’Aaron Moorhead et Justin Benson
2019: La Couleur tombée du ciel de Richard Stanley
2020: Underwater de William Eubank
2021: The Resonator – Miskatonic U de William Butler
2022: Beyond the Resonator de William Butler
2022: Curse of the Re-Animator de William Butler
2023: Evil Dead Rise de Lee Cronin
2024: The Little Mermaid de Leigh Scott
