HERCULE (1997)

Le studio Disney s’efforce de varier les plaisirs en s’attaquant à la mythologie grecque sous un angle allégé, parodique et anachronique…

HERCULES

 

1997 – USA

 

Réalisé par Ron Clements et John Musker

 

Avec les voix de Tate Donovan, Josh Keaton, Danny DeVito, James Woods, Susan Egan, Bob Goldthwait, Matt Frewer, Rip Torn, Samantha Eggar, Barbara Barrie

 

THEMA MYTHOLOGIE

En 1997, après les envolées lyriques de Pocahontas et la noirceur gothique du Bossu de Notre-Dame, Disney change radicalement de registre. Fini les dilemmes existentiels et les fresques solennelles : place à une aventure colorée, décomplexée et pétaradante. Avec Hercule, le studio tente de retrouver le grain de folie d’Aladdin et de séduire un public avide d’humour et de rythme effréné. Aux commandes, on retrouve d’ailleurs le même duo gagnant, Ron Clements et John Musker, déjà artisans des facéties du Génie. Mais cette fois, plutôt que de plonger dans les contes des Mille et Une Nuits, ils s’attaquent à un monument autrement plus intimidant : la mythologie grecque. À l’origine, l’équipe envisage d’adapter L’Odyssée d’Homère, un texte foisonnant mais aux accents tragiques, finalement peu compatible avec l’esprit léger recherché par la maison de Mickey. Le projet est donc abandonné au profit d’un terrain à priori plus souple : la légende d’Hercule. La mythologie est allégée, triturée, remodelée pour correspondre aux codes du divertissement familial. Exit Héra la jalouse ou les tourments sanglants des récits originaux. Hadès devient le méchant parfait, cynique, bavard et hautement théâtral. L’Olympe prend des allures de cabaret céleste, et le destin du héros se mue en parcours initiatique semé de gags, de chansons et de monstres cartoonesques.

Le cœur du film repose sur une intrigue simplifiée à l’extrême. Hercule, adolescent gauche et rejeté, cherche à comprendre sa différence. Doté d’une force colossale qu’il ne maîtrise pas, il doit apprendre à canaliser ses pouvoirs pour devenir non seulement un champion, mais surtout un véritable héros, digne de rejoindre ses parents divins sur l’Olympe. Ce récit initiatique, proche de celui des super-héros contemporains (référence parfaitement assumée par les deux réalisateurs, fans de comics), est manifestement conçu pour permettre aux jeunes spectateurs de s’identifier à un personnage maladroit en quête de sens. Le parallèle avec les stars du sport, transformées en demi-dieux médiatiques, est souligné de manière insistante à travers une avalanche de produits dérivés vendus à l’effigie du héros. La finesse n’est pas vraiment au rendez-vous, même si Disney semble opérer ici une mise en abyme ironique en se moquant de son propre empire marketing.

Mytho Man

Pour accompagner ce virage vers la fantaisie débridée, Disney fait appel à Gerald Scarfe, un caricaturiste britannique connu pour ses illustrations acides et sa participation au film The Wall des Pink Floyd. Ses coups de crayon anguleux, exagérés, parfois grotesques, offrent à Hercule une identité graphique singulière, loin du classicisme des précédents Disney. Mais ce choix radical est très discutable. Sous prétexte de fraîcheur et d’originalité, la majesté due aux monstres et merveilles des mythes antiques est abandonnée au profit d’un rendu caricatural visuellement peu attrayant. Dans un esprit voisin, le casting vocal est poussé dans ses retranchements. Danny DeVito, en satyre bougon chargé d’entraîner le héros (ce sera Patrick Timsit dans la VF) joue la carte du faire-valoir renfrogné et gorgé de mauvaise foi. James Woods, lui, prête son débit de mitraillette et son énergie corrosive à Hadès en improvisant largement. L’acteur semble s’amuser comme un fou, certes, mais l’on ne peut s’empêcher de trouver cette relecture du redoutable dieu des Enfers complètement à côté de la plaque. La musique, confiée à Alan Menken (déjà auteur des partitions d’Aladdin et La Belle et la Bête), est à l’avenant : adieu les envolées orchestrales, place au gospel ! Sorti en plein été 1997, Hercule se heurte à une concurrence redoutable. Men in Black écrase le box-office et relègue le demi-dieu au second plan. Moins rassembleur que Le Roi Lion ou Aladdin, le film ne parvient pas à s’imposer comme un triomphe financier. Sans doute ce mélange d’humour anachronique et de culture pop est-il agencé de manière bien trop artificielle pour convaincre. Dommage : la légende d’Hercule offrait un formidable potentiel qui n’aura été ici qu’effleuré avec beaucoup de maladresse.

 

© Gilles Penso

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MÉTAL HURLANT (1981)

La science-fiction, l’horreur, l’érotisme, l’héroic-fantasy et le pastiche burlesque s’entrechoquent dans ce monument culte du cinéma d’animation…

HEAVY METAL

 

1981 – CANADA

 

Réalisé par Gerald Potterton

 

Avec les voix de Roger Bumpass, John Candy, Jackie Burroughs, Joe Flaherty, Don Francks, Martin Lavut, Marilyn Lightstone, Eugene Levy, Alice Playten, Harold Ramis

 

THEMA FUTUR I HEROIC FANTASY I EXTRA-TERRESTRES I ZOMBIES

On ne remerciera jamais assez Jean-Pierre Dionnet, Philippe Druillet et Moebius d’avoir créé en 1975 le magazine Métal Hurlant, fleuron de la contre-culture populaire, laboratoire de création visuelle et terreau fertile de toute une génération d’auteurs de bandes-dessinées pour adultes. En 1977, Leonard Mogel en rachète les droits de publication pour le territoire américain, sous le titre Heavy Metal, et cherche dans la foulée à financer un film d’animation qui en reprendrait l’esprit. Ivan Reitman, futur réalisateur de S.O.S fantômes et déjà producteur de films d’horreur dans son Canada natal (Frissons et Rage de David Cronenberg notamment) se laisse tenter par l’aventure et accepte de produire le film. Car aux États-Unis, Heavy Metal s’est imposé comme une véritable institution auprès d’une large communauté d’artistes. Ridley Scott avouera même y avoir puisé plusieurs idées pour Alien (le fait que Dan O’Bannon, scénariste du film, soit l’un des auteurs du magazine n’est évidemment pas étranger à ce jeu des influences). Partagé entre l’horreur, la science-fiction et l’heroic-fantasy, le film Metal Hurlant met en scène plusieurs histoires courtes qui n’ont qu’un lien entre elles : la présence d’une entité maléfique connue sous le nom de Loc-Nar. Chaque segment possède son propre style graphique et sa propre tonalité.

Les deux premiers segments, « Soft Landing » et « Grimaldi », s’enchaînent pour permettre au film de démarrer sur des chapeaux de roue. Une Chevrolet Corvette de 1959 à carrosserie en fibre de verre y est larguée depuis une navette spatiale, atterrit sur Terre et roule jusqu’à un manoir. L’astronaute/pilote a ramené de sa mission une sphère verte incandescente, le Loc-Nar, qui le désintègre entièrement puis s’approche de sa fille en annonçant « Je suis la somme de tous les maux ! » C’est à travers les récits de cette puissance infernale que vont s’articuler les sketches qui constituent le film. « Harry Canyon », d’après une histoire originale de Dan Goldberg et Len Blum, est manifestement conçu sous l’influence de Moebius, tant les dessins de ce New York futuriste évoquent ceux du créateur de Blueberry. Cette histoire d’un chauffeur de taxi, s’attirant un tas d’ennuis après avoir secouru la fille d’un scientifique, baigne dans une atmosphère de film noir qui inspirera sans doute Blade Runner et surtout Le Cinquième élément. Le deuxième récit, « Den », inspiré par Richard Corben, s’intéresse à un jeune homme féru de sciences qui, après avoir découvert le Loc-Nar, se métamorphose en surhomme et voyage jusqu’à un monde parallèle où il sauve une jeune femme promise à un sacrifice, le tout dans un univers d’heroic fantasy totalement débridé. Sur un registre très différent, « Capitaine Sternn », d’après Berni Wrighston, est un sketch burlesque situé à bord d’une station spatiale où un capitaine se retrouve accusé d’une infinité de crimes par un tribunal intergalactique. Serein, notre homme a soudoyé le témoin principal. Mais celui-ci a découvert le Loc-Nar et se transforme en titan colérique façon Hulk !

Le choc des mondes

Le segment « B-17 » se situe en pleine seconde guerre mondiale. À bord d’un bombardier, tous les membres d’équipage décédés se transforment en zombies, dans une ambiance « Ec Comics » qui nous rappelle que Dan O’Bannon, auteur de cette histoire, est le futur réalisateur du Retour des morts-vivants.  « So Beautiful & So Dangerous », quant à lui, raconte sur le ton de la comédie l’enlèvement d’une plantureuse terrienne par un gigantesque vaisseau extra-terrestre. Le dernier sketch, « Taarna », qui emprunte à nouveau ses effets de style à Moebius, montre la dernière descendante d’une race de guerriers se dressant contre une tribu de barbares corrompus par le Loc-Nar. Extrêmement inventive, l’animation de Métal Hurlant mêle la 2D traditionnelle avec de la 3D avant-gardiste, de la rotoscopie, des maquettes en volume et des effets visuels. La violence graphique et l’érotisme débridé s’y entremêlent étroitement, tandis qu’une poignée de clins d’œil adressés aux connaisseurs ponctuent le film (l’affiche de Jaws 7, les apparitions de l’Enterprise et de Robby le robot), le tout sur une bande originale hétéroclite mêlant les symphonies lyriques d’Elmer Bernstein et une grande quantité de morceaux de rock. Gorgé d’images iconiques – la moindre n’étant pas celle de la guerrière Taarna chevauchant son ptérodactyle, devenue le poster le plus célèbre du film -, Métal Hurlant s’est rapidement érigé en objet de culte adulé aux quatre coins de la planète.

 

© Gilles Penso

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TYGRA, LA GLACE ET LE FEU (1983)

Ralph Bakshi et Frank Frazetta nous content les mésaventures d’un guerrier et d’une princesse dans un monde d’heroic fantasy sauvage et hostile…

FIRE AND ICE

 

1983 – USA

 

Réalisé par Ralph Bakshi

 

Avec Randy Norton, Cynthia Leake, Steve Sandor, Sean Hannon, Leo Gordon, William Ostrander, Eileen O’Neill, Elizabeth Lloyd Shaw, Micky Morton

 

THEMA HEROIC FANTASY

En 1978, Ralph Bakshi est l’un des premiers réalisateurs à transposer sur grand écran l’univers de l’heroic-fantasy avec sa version animée du Seigneur des anneaux. Entretemps, le genre devient extrêmement populaire grâce à Conan le barbare et à ses nombreuses imitations. Bakshi décide donc de contre-attaquer en s’associant avec un de ses amis de longue date, le légendaire dessinateur Frank Frazetta. Tous deux développent l’histoire de Tygra, la glace et le feu, dont le scénario est confié à deux piliers des comics Marvel, Roy Thomas et Gerry Conway. Pugnace, Bakshi parvient à lever 1,2 million de dollar pour financer le film et à obtenir l’accord de la Twentieth Century Fox pour sa distribution. Si Tygra est un film d’animation pur et dur, le réalisateur tient à s’appuyer sur la performance d’acteurs réels pour fluidifier les mouvements de ses personnages. D’où l’emploi intensif de la rotoscopie, déjà éprouvée dans Le Seigneur des anneaux : les comédiens sont filmés en noir et blanc et leurs performances sont ensuite reproduites image par image par les animateurs. Cette démarche nécessite un processus de casting complexe. Comment par exemple trouver une Tygra idéale, sachant que la plantureuse héroïne possède des mensurations plus proches de la bande dessinée que du monde réel ? Bakshi et Frazetta sélectionnent finalement Cynthia Leake (dont la poitrine sera tout de même augmentée à l’écran !), tandis qu’une autre actrice, Maggie Roswell, lui prête sa voix.

Le monde dans lequel se déroule le film est menacé par la Reine Juliana et son fils Nekron. Depuis leur forteresse glacée d’Icepeak, tous deux font progresser une gigantesque vague de glaciers, contraignant les derniers bastions de l’humanité à se replier vers le sud. Sous prétexte de négocier une reddition, Juliana envoie des émissaires à Firekeep, la citadelle volcanique du roi Jarol. En réalité, elle cherche à faire capturer la princesse Teegra (orthographiée Tygra dans la version française), fille du roi, dans l’espoir qu’elle devienne l’épouse de Nekron et lui donne un héritier. Échappant momentanément à ses ravisseurs, Teegra croise la route de Larn, un jeune guerrier rescapé d’un village détruit par les glaces. Tous deux s’allient, mais sont séparés après l’attaque d’un monstre marin. Teegra est de nouveau capturée, puis s’évade avant de tomber entre les mains d’une sorcière et de son fils géant, qui veulent la livrer à Nekron en échange de sa clémence…

Les âges farouches

On peut regretter que les limitations techniques et budgétaires ne permettent pas de pleinement rendre justice à la beauté et à la richesse des designs du film. Il nous faut souvent nous contenter d’à-plats de couleurs uniformes et de traits minimalistes, loin des peintures somptueuses auxquels Frank Frazetta nous a habitués. Mais le dynamisme de l’animation, la qualité esthétique des panoramas (des milliers de fresques d’arrière-plan ont été élaborées pour le film) et la force évocatrice de cet univers d’heroic fantasy suffisent à emporter l’adhésion. Avec sa tignasse blonde et son collier de griffes, le guerrier Larn nous évoque Rahan. Ce monde préhistorique n’est d’ailleurs pas sans rappeler le fameux « fils des âges farouches » créé par Roger Lécureux et André Cheret, même si les pages des comics Marvel mettaient déjà en scène un héros antédiluvien fort similaire nommé Ka-Zar. Teegra, elle, dégage une forte charge érotique que Bakshi et Frazetta assument sans fard, calquant visiblement une partie de ses traits sur ceux de Tanya Roberts dans Dar l’invincible. Soutenu par une belle musique héraldique de William Kraft, truffé de séquences épiques (le premier combat de Larn contre les « sous-humains », l’attaque du lézard géant, le surgissement du céphalopode titanesque, l’éveil du squelette de la sorcière, l’assaut final à dos de ptéranodons), Tygra, la glace et le feu est avant tout un récit de survie dans un monde sauvage et hostile, où les dialogues sont souvent réduits à leur plus simple expression. Et même si le résultat final manque parfois un peu de liant ou de finesse, le rythme soutenu et les péripéties vivaces emportent les spectateurs dans une course enivrante. Comment ne pas se délecter d’un spectacle aussi généreux ?

 

© Gilles Penso

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ALADDIN (1992)

Disney réinvente les contes des 1001 nuits, intègre les images de synthèse dans ses dessins et laisse carte blanche à Robin Williams !

ALADDIN

 

1992 – USA

 

Réalisé par Ron Clements et John Musker

 

Avec les voix de Robin Williams, Scott Weigner, Linda Larkin, Jonathan Freeman, Frank Welker, Gilbert Gottfried, Douglas Seale, Charlie Adler, Jack Angel

 

THEMA MILLE ET UNE NUITS

L’idée d’adapter le célèbre conte des Mille et Une Nuits ne vient pas d’un cadre chez Disney, mais du parolier Howard Ashman lui-même, alors en pleine collaboration avec Alan Menken sur La Petite Sirène. Ashman propose un récit centré sur un jeune homme des rues rêvant de reconnaissance parentale, et imagine un génie inspiré du swingman Cab Calloway. Cette première mouture est poétique, jazzy et bien plus centrée sur les origines sociales du héros. Mais après la mort d’Ashman en 1991, l’histoire prend un tournant différent. Le personnage d’Aladdin est reconfiguré comme un adolescent plus impertinent, moins ancré dans la recherche d’approbation familiale que dans une quête d’identité. Son modèle devient Tom Cruise, et non plus Michael J. Fox, initialement évoqué. Le décor orientaliste passe de Bagdad à Agrabah, cité imaginaire et volontairement anachronique, tandis que plusieurs chansons d’Ashman sont retirées. L’un des tournants les plus brutaux de la production survient lorsque Jeffrey Katzenberg rejette en bloc la version du scénario alors en cours de production. L’équipe a une semaine pour tout réécrire sans que le calendrier de sortie ne soit modifié. En l’état, Aladdin peut s’apprécier comme une sorte de relecture exubérante du Voleur de Bagdad produit par les frères Korda. Le voleur, le génie, la princesse, le vil Jaffar et même le sautillant Sabu (ici transformé en singe et rebaptisé… Abu) y sont transfigurés sous une forme dessinée volontairement excessive.

Si Aladdin demeure un jalon important de l’histoire de Disney, c’est en grande partie grâce à l’apport phénoménal de Robin Williams. Dès les premiers stades de développement, les animateurs rêvent de lui pour incarner le Génie. Eric Goldberg réalise alors un test d’animation sur la base d’un sketch de l’acteur. Le résultat est si convaincant que Williams accepte sans hésiter. Ce n’est pas seulement une performance vocale, mais une tornade d’inventivité. Car en studio, l’acteur improvise des dizaines de personnages, accents, références et digressions, au point que le script original doit être reclassé en « scénario adapté » pour la cérémonie des Oscars. Plus de 16 heures de bandes sonores sont enregistrées pour le seul Génie. Certaines répliques sont néanmoins écartées, jugées trop politiques ou irrévérencieuses (comme une imitation de George Bush ou des références à Nancy Reagan). C’est un coup de poker artistique, mais aussi un tournant industriel. Disney découvre en effet qu’une star bankable peut vendre un film d’animation autant qu’un héros dessiné. L’industrie entière suivra cette logique, parfois au détriment de la qualité vocale elle-même.

Un coup de génie

Sur le plan graphique, Aladdin s’émancipe du réalisme pastel de La Belle et la Bête pour adopter une ligne plus caricaturale. Le travail du dessinateur Al Hirschfeld inspire le trait ondulant des personnages, tandis que les décors jouent la carte du conte oriental fantasmé, entre désert infini, palais d’ivoire et souks colorés. Les séquences d’action, comme la course poursuite du prologue ou le vol en tapis volant, tirent parti des avancées en animation numérique, avec des mouvements de caméra dynamiques, encore rares à l’époque dans le dessin animé traditionnel. Mais c’est l’humour débridé, souvent méta, qui différencie le plus Aladdin de ses prédécesseurs. Là où La Petite Sirène et La Belle et la Bête gardaient un certain classicisme de ton, Aladdin déborde d’énergie burlesque. Le Génie cite Arsenic et vieilles dentelles, pastiche Arnold Schwarzenegger et Jack Nicholson, sans oublier de briser régulièrement le quatrième mur. Avec son succès fulgurant (près de 504 millions de dollars de recettes mondiales ainsi qu’un triomphe critique et deux Oscars), Aladdin s’impose comme un sommet du studio Disney dans les années 90. Il inaugure une ère où la modernité se conjugue à la tradition, où la starification du doublage devient un argument de vente, et où l’humour visuel atteint une vitesse jamais vue dans un long-métrage animé. Le film sera suivi par deux longs-métrages animés, une série et un remake en prises de vues réelles.

 

© Gilles Penso

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PETITE SIRÈNE (LA) (1989)

Dans le creux de la vague, le département animation de Disney se réinvente à travers cette relecture magistrale du conte d’Andersen…

THE LITTLE MERMAID

 

1989 – USA

 

Réalisé par Ron Clements et John Musker

 

Avec les voix de Jodi Benson, Christopher Daniel Barnes, Pat Carroll, Samuel E. Wright, Rene Auberjonois, Paddi Edwards, Buddy Hackett, Kenneth Mars

 

THEMA CONTES

À la fin des années 1980, l’empire Disney vacille. Depuis Les Aventures de Bernard et Bianca, rares sont les longs-métrages d’animation à avoir suscité l’enthousiasme du public. L’éclat des grands classiques semble éteint et l’animation est marginalisée au sein du studio, reléguée dans des bureaux de seconde zone. Et puis, un chant cristallin s’élève des profondeurs marines : La Petite Sirène sort sur les écrans en 1989 et déclenche une vague inattendue. Avec Ariel, la maison de Mickey renoue non seulement avec le succès populaire, mais amorce ce que l’on appellera rétrospectivement la « Renaissance de Disney ». C’est lors de recherches personnelles que Ron Clements, alors coréalisateur sur Basil, détective privé, redécouvre le conte d’Andersen. Cette histoire de sirène éprise d’un humain, pourtant tragique dans sa version originale, lui semble pouvoir épouser les codes du musical hollywoodien. Il rédige un court traitement, qui séduit les têtes pensantes du studio, en particulier Jeffrey Katzenberg, fraîchement arrivé de chez Paramount pour restructurer la division animation. À la surprise générale, l’équipe découvre que Disney avait déjà envisagé une adaptation du conte dans les années 1930. Des croquis oubliés de Kay Nielsen, l’un des artistes de Fantasia, refont alors surface. La modernité de ces dessins inspire immédiatement les créateurs. L’idée d’une filiation entre les premiers âges d’or du studio et ce projet neuf insuffle une dynamique inattendue qui met officiellement La Petite Sirène sur les rails.

Le choix du ton musical est fondamental. Contrairement aux films produits durant la décennie précédente (Taram et le chaudron magique, Rox et Rouky), La Petite Sirène revendique ouvertement le format de la comédie musicale. Ce virage est impulsé par le parolier Howard Ashman, qui impose à la production une vision inspirée du Broadway classique. Il s’associe au compositeur Alan Menken pour créer une bande originale flamboyante, où chaque chanson fait avancer la narration et explore l’intériorité des personnages. Cette démarche impose un style, une dynamique et un souffle dramatique jusque-là inédits dans les productions Disney des années 80. Le duo Ashman/Menken affinera ensuite cette alchimie avec La Belle et la Bête et Aladdin. L’autre grand défi du film est la création d’un univers entièrement sous-marin. Plus d’un million de bulles sont dessinées à la main, tandis que certaines séquences recourent à l’animation assistée par ordinateur – encore balbutiante à l’époque – pour donner vie à certains décors mouvants. Faute de ressources suffisantes sur le sol américain, une partie de l’animation est délocalisée en Asie, notamment pour certains effets. Ce fractionnement de la production n’empêche pas l’ensemble de conserver une cohérence esthétique remarquable. Le budget devient le plus élevé de la décennie pour un film d’animation Disney, un pari osé pour ce qui est alors perçu par les dirigeants comme un « film de princesse », donc à potentiel commercial limité.

La princesse des océans

Or avec Ariel, Disney réinvente justement l’archétype de la princesse. Elle n’attend pas qu’un prince charmant vienne la délivrer et provoque son destin, quitte à se tromper et à en souffrir. Son désir d’émancipation – incarné par son obsession du monde humain – devient le moteur de l’intrigue. Si certains ont pu voir dans l’abandon de la voix un acte de soumission, nous préférons y lire le reflet d’une adolescence en quête de liberté, prise entre les injonctions parentales et l’appel du monde extérieur. C’est aussi la première héroïne Disney aux traits inspirés d’une star contemporaine. Glen Keane, superviseur de l’animation d’Ariel, s’inspire de la chevelure flamboyante et du visage d’Alyssa Milano, actrice très populaire à l’époque. Ariel devient une ado expressive, curieuse, maladroite et résolument moderne. La Petite Sirène finit par remporter un succès bien supérieur aux prévisions. Avec plus de 84 millions de dollars de recettes aux États-Unis (soit largement plus qu’Oliver et Compagnie), le film relance l’animation Disney, alors perçue comme un secteur déficitaire. Il récolte deux Oscars (meilleure musique et meilleure chanson) et ravive l’intérêt du public pour ce type de récit. Ce retour au sommet marque donc le début d’une nouvelle ère créative. Disney s’apprête à enchaîner une décennie triomphale, culminant avec Le Roi Lion en 1994.

 

© Gilles Penso

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ARAIGNÉE (L’) (1967-1970)

La première série animée consacrée aux aventures de Spider-Man est un succès international, dont la chanson est encore dans toutes les mémoires…

SPIDER-MAN

 

1967/1970 – USA / CANADA

 

Créée par Robert Lawrence

 

Avec les voix de Paul Soles, Peg Dixon, Paul Kligman, Bernard Cowan, Tom Harvey, Gillie Fenwick, Len Carlson, Henry Ramer, Chris Wiggins

 

THEMA SUPER-HÉROS I SAGA SPIDER-MAN I MARVEL COMICS

En 1967, soit cinq ans après sa création par Stan Lee et Steve Ditko, Spider-Man s’échappe des planches dessinées pour faire sa première apparition sur le petit écran à l’occasion d’une série animée devenue mythique, notamment grâce à la chanson délicieusement sixties écrite par Bob Harris et Paul Francis Webster. Diffusée initialement sur la chaîne ABC de septembre 1967 à juin 1970, cette co-production américano-canadienne ne bénéficie pas de moyens conséquents, ce qui oblige ses créateurs à réutiliser inlassablement les mêmes boucles d’animation, notamment lorsque l’homme-araignée voltige d’immeuble en immeuble, court et grimpe aux murs. Les restrictions budgétaires poussent les dessinateurs à simplifier son costume en ne reprenant le motif de la toile que sur son masque, ses mains et ses pieds. Même le logo de l’araignée, qui apparaît sur sa poitrine et son dos, a été ramené de huit à six pattes ! Malgré toutes ces limitations, le graphisme reste assez fidèle aux dessins de Steve Ditko et John Romita, le dynamisme des acrobaties du monte-en-l’air étant accru par des bruitages à la Hanna et Barbera et une musique swing composée par Ray Ellis.

La première saison alterne la présence des super-vilains puisés dans le comic book original avec d’autres inventés de toutes pièces. Parmi les ennemis « classiques », le téléspectateur retrouve Electro, Mysterio, le robot anti-araignée du professeur Smythe, le Vautour, le Scorpion, l’Homme-Sable, le Bouffon Vert, le Rhino et les Exécuteurs. Certaines libertés sont prises avec certain d’entre eux, notamment le Lézard, affublé ici d’une tête aplatie qui lui donne des allures de crapaud, et dont l’alter-ego, le professeur Connor, n’est plus un scientifique manchot cherchant à régénérer les membres perdus. Mais dans l’ensemble, les consultants de la série, qui ne sont autre que Stan Lee et John Romita, s’assurent d’une relative fidélité au matériau original. Bizarrement, il faudra attendre le début de la saison 2 pour avoir droit à un épisode racontant les origines du super-héros. Mais cette relative fidélité à la bande dessinée s’évapore bien vite pour basculer dans l’heroïc-fantasy délirante et la science-fiction outrancière. La raison de ce brusque changement de cap est imputable à la présence de Ralph Bakshi. Le futur réalisateur de Fritz the Cat et de la version animée du Seigneur des Anneaux est en effet sollicité pour produire, réaliser et superviser les histoires des saisons 2 et 3, qui ne sont plus produites par Grantray Lawrence Animation mais par Krantz Films. Au gré de l’imagination débordante de Bakshi et de ses scénaristes, Spider-Man quitte New-York pour se retrouver au centre de la Terre, dans des châteaux gothiques, des jungles antédiluviennes ou des mondes parallèles.

« Tonnerre de saperlipopette ! »

Le budget de cette saison étant encore plus faible que celui de la précédente, les répétitions de plans identiques deviennent flagrantes, l’animation est plus figée que jamais et les faux raccords abondent. Bakshi fait même des économies en recyclant de larges extraits de la série Rocket Robin Hood qu’il a produite quelques années plus tôt. La saison 3 nous ramène dans New York, mais continue à collecter les vilains invraisemblables, parmi lesquels on note un bonhomme de neige géant, un cowboy volant sur un cheval-hélicoptère, un baron allemand mégalomane et sa forteresse volante, un chevalier en armure médiévale qui chevauche une moto couverte de blasons, un Atlante qui engloutit Manhattan sous les flots ou encore un extraterrestres cyclope aux allures de crustacé bipède. La série aura donc été marquée par plusieurs baisses qualitatives et par des dialogues d’une grande naïveté, aggravés en France par le doublage réalisé à l’époque au Canada. Des répliques aussi improbables que « tonnerre de saperlipopette ! », « mille millions de poissons chats ! » ou « me voilà débarrassé de ce petit foutriquet ! » abondent donc dans cette version française improbable où certains personnages sont même renommés (Peter Parker s’appelle Pierre Parker dans les premiers épisodes, le Lézard devient le Caïman, le Bouffon Vert est rebaptisé le Lutin Vert) et où les méchants roulent les airs comme des chanteurs d’opérette. Pourtant, le public français salua avec enthousiasme cette série, dont la diffusion coïncida avec la publication du très populaire magazine Strange consacré aux héros Marvel.

 

© Gilles Penso

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SEIGNEUR DES ANNEAUX (LE) (1978)

À la fin des années 70 Ralph Bakshi s’attaque à l’œuvre de Tolkien à travers un film d’animation aux choix techniques et artistiques surprenants…

LORD OF THE RINGS

 

1978 – USA

 

Réalisé par Ralph Bakshi

 

Avec les voix de Christopher Guard, William Squire, Michael Scholes, John Hurt, Simon Chandler, Dominic Guard, Norman Bird, Michael Graham Cox, Anthony Daniels

 

THEMA HEROIC FANTASY

En 1978, un étrange film d’animation débarque dans les salles obscures : Le Seigneur des anneaux, signé Ralph Bakshi, réalisateur alors connu pour ses œuvres provocatrices et underground. Sur un territoire cinématographique quasi vierge, celui de la fantasy épique, Bakshi entreprend de transposer l’œuvre monumentale de J.R.R. Tolkien sur grand écran. Une entreprise démesurée, souvent chaotique et finalement inachevée. Pourtant, ce projet hybride nourri de passion conserve encore aujourd’hui une aura culte. Avant Bakshi, bien des artistes avaient rêvé d’adapter Tolkien. Dans les années 1950 déjà, Forrest J. Ackerman (rédacteur en chef de Famous Monsters) avait proposé une version mêlant animation et prises de vues réelles. Tolkien, méfiant devant les libertés prises avec son texte – et les fautes de noms dans le script ! – rejette l’idée. D’autres suivront : John Boorman, notamment, développe en 1969 un projet fou de 176 pages mêlant théâtre kabuki et visions felliniennes. Le studio United Artists, inquiet du coût et du délire ambiant, abandonne l’aventure. Même Disney ou les Beatles s’y intéressent un temps, sans jamais parvenir à convaincre les ayant-droits ou les financiers.

C’est dans ce contexte d’opportunités manquées que Ralph Bakshi surgit. Enfant de Brooklyn, autodidacte acharné, l’animateur s’est fait un nom en bousculant les codes du dessin animé. Après Fritz the Cat (film classé X à sa sortie), Heavy Traffic ou encore Coonskin, Bakshi incarne une contre-culture graphique, crue et parfois dérangeante. Rien ne le prédestinait à adapter une œuvre aussi codifiée que celle de Tolkien. Pourtant, séduit par l’univers du roman, Bakshi se lance dans une course contre la montre pour récupérer les droits d’adaptation, laissés vacants par United Artists. Grâce à un habile jeu de négociations, il finit par les obtenir via la MGM, avant de convaincre le producteur Saul Zaentz d’avancer les huit millions de dollars nécessaires. Le chantier peut alors commencer. L’un des défis majeurs du projet est visuel. Comment donner corps à un monde aussi vaste avec un budget limité ? Bakshi opte pour une solution radicale : la rotoscopie. Il filme d’abord des acteurs en costumes, puis les fait redessiner image par image par ses animateurs. Ce procédé donne à certaines scènes une dimension presque hallucinée. Les armées d’orques, la chevauchée des Rohirrim ou la silhouette des Nazgûl prennent une forme spectrale, à mi-chemin entre le théâtre filmé et la peinture expressionniste. 

Une œuvre inachevée

Le scénario, lui, condense les deux premiers tomes de la trilogie de Tolkien : La Communauté de l’Anneau et Les Deux Tours. Exit Tom Bombadil, Glorfindel ou la lenteur bucolique du début. Bakshi coupe dans le vif pour maintenir un rythme soutenu, au risque de perdre la finesse psychologique du roman. L’écriture, d’abord confiée à Chris Conkling, est reprise plusieurs fois, notamment par Peter S. Beagle, sans jamais totalement trouver la juste tonalité. Malgré tout, certaines idées narratives fonctionnent. L’introduction historique en fresque animée est majestueuse. Le choix de voix britanniques pour le doublage donne un accent tragique aux dialogues, et les inspirations visuelles tombent juste – Bakshi demandait à ses animateurs de regarder Rembrandt. Hélas, le second film, prévu pour raconter la suite et la fin de l’histoire (de la traversée du Mordor à la destruction de l’Anneau), ne verra jamais le jour. Les tensions entre Bakshi et Zaentz, l’accueil mitigé en salles et la production harassante entre l’Espagne (où furent tournées les séquences live) et les studios californiens sont en cause. Le film sort malgré tout en 1978, mais avec une fin abrupte et frustrante. La bataille du Gouffre de Helm sert en effet de point final à une épopée qui n’en est qu’à la moitié. L’accueil critique est logiquement partagé. Certains saluent l’audace du projet, sa poésie morbide et son mélange de techniques inédit. D’autres pointent son aspect inachevé, son rythme saccadé et et ses partis pris esthétiques déroutants. Le film divise donc mais laissera une empreinte durable dans l’histoire du cinéma d’animation. Peter Jackson s’en souviendra lorsqu’il s’attaquera lui-même à Tolkien plusieurs décennies plus tard.

 

© Gilles Penso

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STAR TREK (1973-1975)

Après l’annulation de la série originale, Gene Roddenberry poursuit les aventures de l’équipage de l’Enterprise dans une variante animée…

STAR TREK : THE ANIMATED SERIES

 

1973/1975 – USA

 

Créée par Gene Roddenberry

 

Avec les voix de William Shatner, Leonard Nimoy, Deforest Kelley, James Doohan, Nichelle Nichols, Majel Barret, David Gerrold

 

THEMA SPACE OPERA I SAGA STAR TREK

3 juin 1969. Seulement 47 jours avant la mission Apollo 11, qui marque le premier débarquement humain sur la surface d’un autre monde, le 79ème et dernier épisode de Star Trek, la série originale, est diffusé sur le réseau NBC. Suite à une mauvaise case horaire, la série n’a pas trouvé son public. Néanmoins, elle bénéficie d’une petite communauté grandissante de fans qui vont contribuer à faire émerger ce phénomène télévisuel. Ainsi, c’est à partir de ses rediffusions que Star Trek va réellement connaître le succès que nous connaissons aujourd’hui. Ces mêmes rediffusions s’avèrent également assez concluantes pour inciter Gene Roddenberry, le créateur de l’univers trekkien, à lancer une suite, mais sous forme animée, entre autres pour des raisons économiques. Star Trek : The Animated Series arrive donc à son tour sur NBC à partir du 8 septembre 1973, pour un total de 22 épisodes supplémentaires (divisés deux saisons) qui, même s’il s’agit de dessins animés, peuvent être considérés d’une certaine manière comme la 4ème saison non officielle de la série originale. A cette occasion, le casting de Star Trek reprend donc du service puisque les comédiens historiques assurent le doublage de leurs personnages.

Il y a tout de même un absent de taille en la personne de Walter Koenig, qui incarnait Pavel Chekov, le sympathique assistant russe de Spock sur la passerelle de l’Enterprise (il fut néanmoins engagé pour scénariser un épisode). Le budget contraint de la série ne permettait pas de reprendre la totalité de l’équipage. Koenig fut remplacé par un alien dénommé Arex. Nichelle Nichols et James Doohan, qui avaient des difficultés à retrouver du travail à l’époque, faillirent également ne pas faire partie de cette nouvelle aventure. C’est Leonard Nimoy qui plaida en faveur de leur réintégration. Confiée à l’animateur Hal Sutherland, un ancien de chez Disney, Star Trek : The Animated Series reprend les codes de sa sœur ainée avec le même générique, cette fois-ci en version animée, qui ouvre chaque épisode. Si le célèbre texte d’accroche « Espace, frontière de l’infini… » est repris mot pour mot par William Shatner, le thème d’Alexander Courage a été mis de côté et remplacé par une partition un peu passe-partout signé par Ray Ellis, un saxophoniste un temps arrangeur pour la chanteuse Billie Holliday. Elle introduit également certains points qui seront repris dans les séries suivantes dont le Holodeck, le pont holographique récréatif que l’on trouve dans l’Enterprise du Capitaine Picard de The Next Generation (1987-1994). Pour obéir aux contraintes de l’animation, le format est réduit de moitié par rapport aux épisodes en prises de vue réelles.

Une première récompense

Techniquement, les histoires écrites pour cette toute première incursion de Star Trek dans le dessin animé auraient tout à fait pu être développées pour le show original (certains scénaristes comme D.C Fontana et Marc Daniels reprirent également du service). Mention particulière à L’appel de Loreleï. Dans cette amusante variation sur le mythe des sirènes, le Lieutenant Uhura devient la première femme à assurer le commandement d’un vaisseau de la Fédération, vingt ans avant que le capitaine Janeway (Kate Mulgrew) de Star Trek : Voyager ne fasse son apparition. Parmi les autres épisodes marquants, citons aussi Le Piège du temps, où Spock doit revenir dans le passé pour sauver sa version adolescente, ou encore L’incident de Terratin, quand l’équipage se met à rétrécir inopinément. Malgré son annulation en 1975, Star Trek : The Animated Series sera la première de l’univers trekkien à remporter une récompense puisqu’elle se verra décerner l’Emmy Award de la meilleure série pour enfants. Dans nos contrées, il faudra tout de même attendre 1998 avant qu’elle ne soit enfin diffusée sur Canal J, puis reprise sur Netflix. Par la suite, il faudra attendre 2020 avant de voir une nouvelle déclinaison animée avec Star Trek : Lower Decks, qui s’étendra sur quatre saisons.

 

© Antoine Meunier

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TARAM ET LE CHAUDRON MAGIQUE (1985)

Au milieu des années 80, le studio Disney change brutalement de cap pour s’orienter vers un univers de fantasy sombre et inquiétant…

THE BLACK CAULDRON

 

1985 – USA

 

Réalisé par Ted Berman et Richard Rich

 

Avec les voix de Grant Bardsley, Susan Sheridan, Freddie Jones, Nigel Hawthorne, Arthur Malet, John Byner, Lindsay Rich, Brandon Call, Gregory Levinson

 

THEMA HEROIC-FANTASY

En 1985, Disney se risque à un virage osé avec Taram et le chaudron magique, adaptation des deux premiers tomes des Chroniques de Prydain de Lloyd Alexander. Ce projet d’envergure, nourri dès le début des années 70, entend propulser le studio dans l’univers de la dark fantasy. L’histoire nous plonge dans un monde crépusculaire, peuplé de sorcières, de créatures macabres et d’un chaudron maléfique capable de réveiller une armée de morts. Sur le papier, le matériau semble idéal pour renouveler la formule magique. Mais en coulisses, l’entreprise vire rapidement au cauchemar. Le développement est long, chaotique, jonché de désaccords artistiques et de changements de direction. Le style oscille entre le classicisme d’une animation à la Belle au bois dormant et des expérimentations visuelles inquiétantes, notamment celles proposées – puis écartées – par un jeune Tim Burton. Les réalisateurs se succèdent, les scénarios sont sans cesse réécrits, et le ton du film déroute jusqu’au sein même du studio. Au point qu’au moment de sa sortie, Taram est déjà le survivant d’un chantier tumultueux.

Dès les premières minutes, le film installe un cadre oppressant, dominé par la menace sourde du Seigneur des Ténèbres. Ce dernier, figure squelettique et muette, est sans doute l’un des antagonistes les plus sombres jamais créés par Disney. Son objectif : réveiller des guerriers zombies et instaurer un règne de terreur. Face à lui, Taram, jeune porcher rêvant de gloire, se lance dans une quête initiatique, accompagné d’une troupe hétéroclite : une princesse volontaire, un ménestrel maladroit et une boule de poils bavarde. Taram et le chaudron magique semble ainsi constamment tiraillé entre l’héritage des contes féeriques et l’envie d’explorer des territoires plus adultes. Ce déséquilibre se ressent dans le ton général, à la fois trop sombre pour les enfants et trop naïf pour les adultes. L’intrigue avance par à-coups, les ellipses trahissent les coupes imposées en post-production et les personnages, bien que sympathiques, manquent souvent d’épaisseur. Il faut dire que la cohérence narrative est sérieusement entamée par les censures. Une douzaine de minutes sont en effet supprimées peu avant la sortie, parmi lesquelles des scènes jugées trop violentes mais essentielles à la progression dramatique.

Un échec cuisant devenu culte

À sa sortie, Taram et le chaudron magique est un fiasco. Boudé par le public américain, il ne parvient pas à rembourser son colossal budget et met en péril le département animation du studio. Rapidement relégué aux oubliettes, il est interdit de diffusion vidéo pendant des années, comme si la maison de Mickey préférait effacer de son histoire cet opus embarrassant. Pourtant, à force d’être écarté, Taram finit par susciter la curiosité. Dans l’ombre de son échec, il acquiert un statut culte. Visuellement, le film impressionne encore, intégrant au sein de l’animation traditionnelle des incursions numériques avant-gardistes, tout en se payant une esthétique singulière presque gothique. La musique d’Elmer Bernstein, aux sonorités étranges et profondes, renforce cette atmosphère à part, qui évoque davantage Excalibur que Cendrillon. Sans doute peut-on sentir derrière l’initiative osée – pour ne pas dire « casse-gueule » – du film l’influence des travaux de Don Bluth (transfuge de chez Disney ayant initié le long-métrage Brisby et le secret de NIMH et le jeu d’arcade Dragon’s Lair), ainsi que la volonté d’attirer un public plus mature, perceptible dans plusieurs films « live » du studio à l’époque, tels que Les Yeux de la forêt, Le Dragon du lac de feu ou La Foire des ténèbres. Avec le recul, Taram s’affirme moins comme un accident de parcours que comme un jalon oublié, un moment de bascule entre l’âge d’or et le renouveau des années 90.

 

© Gilles Penso

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BRISBY ET LE SECRET DE NIMH (1982)

Pour son premier long-métrage, Don Bluth, transfuge du studio Disney, se lance dans une histoire sombre et mystérieuse…

THE SECRET OF NIMH

 

1982 – USA

 

Réalisé par Don Bluth

 

Avec les voix de Elizabeth Hartman, Hermione Baddeley, Dom DeLuise, Derek Jacobi, Arthur Malet, Paul Shenar, Peter Strauss, Shannen Doherty, Jodi Hicks

 

THEMA MAMMIFÈRES

En 1979, trois animateurs claquent la porte des studios Disney pour reprendre leur liberté artistique. À leur tête, Don Bluth, qui supervisa notamment l’animation de Peter et Elliott le dragon, démissionne avec Gary Goldman et John Pomeroy, excédés par une production qu’ils jugent devenue routinière et aseptisée. Leur rêve est de retrouver la flamme créatrice des débuts et de ressusciter la grandeur des classiques d’antan. Dans le garage de Bluth, les trois compères créent ainsi leur propre studio et se lancent dans une folle aventure. Brisby et le secret de NIMH est leur premier long-métrage, un projet d’animation aussi ambitieux que risqué, inspiré par le roman Mrs. Frisby and the Rats of NIMH de Robert C. O’Brien, premier tome de « La trilogie des Rats de NIMH » paru en 1971. Fuyant les modèles imposés par la réalité économique du moment, ils choisissent des décors peints à la main, une animation traditionnelle minutieuse, mais aussi un traitement sombre. La production s’enclenche dans une ambiance de start-up artisanale où les artistes dorment parfois sur place et se dégourdissent les muscles dans une salle de sport improvisée. Le budget est serré et les moyens très limités mais la motivation perdure. A force de persévérance, Bluth et sa bande finissent par livrer un véritable petit miracle, à contre-courant des tendances de l’époque.

L’héroïne du film, Madame Brisby, est une petite souris veuve qui vit avec ses quatre enfants dans un champ paisible. Mais l’harmonie est menacée lorsque le fermier Fitzgibbons s’apprête à labourer le terrain. Or le petit Timothy, malade, ne peut être déplacé sans danger. Déterminée à sauver sa famille, Brisby cherche de l’aide dans la ferme voisine, croise un corbeau maladroit nommé Jeremy, puis un grand hibou qui la renvoie vers les mystérieux rats du rosier, une société secrète nichée sous une ronce. Là, Brisby découvre un monde souterrain, raffiné et étonnamment évolué. Ces rats, anciens cobayes du laboratoire de NIMH, ont acquis intelligence et longévité grâce à des expériences scientifiques. Leur chef charismatique, Nicodemus, explique à Brisby le passé de son défunt mari, Jonathan, qui les avait aidés à fuir le centre de recherche. Les rats, désormais tiraillés entre leur passé d’opprimés et leur désir d’indépendance, préparent leur propre exode pour ne plus dépendre des hommes. Mais tout le monde ne voit pas ce départ d’un bon œil…

Souris City

Dès son premier long-métrage, le futur réalisateur du Petit dinosaure frappe très fort. Loin de la mièvrerie souvent associée à l’animation pour enfants, Brisby se distingue par son ton grave, ses décors volontairement non glamour et son traitement narratif adulte. La noirceur du propos – les expériences scientifiques pratiquées sur les animaux, la gestion du deuil, les complots politiques – s’allie à une esthétique quasiment gothique. La partition de Jerry Goldsmith, somptueuse comme souvent, renforce la puissance émotionnelle du récit en annonçant ses travaux ultérieurs sur Legend. Elle soutient les scènes d’action comme les instants intimes, participant de manière cruciale à l’atmosphère du film. Certains moments marquent durablement les mémoires, comme la vision psychédélique du passé des rats, le duel final, la vision cauchemardesque de la maison sombrant dans le néant boueux, mais surtout le regard résolu de Brisby, prête à tout pour protéger ses enfants. Le studio MGM prend en charge la distribution du film mais en saborde partiellement l’impact, notamment en limitant drastiquement les dépenses publicitaires. Résultat : Brisby et le Secret de NIMH est un semi-échec commercial aux États-Unis. Pourtant, la presse est dithyrambique, et le film devient culte au fil des années, notamment en Europe. En le découvrant, Steven Spielberg tombe sous le charme et décide d’aider Bluth pour son projet suivant. Tous deux mettront ainsi sur pied le remarquable Fievel et le Nouveau Monde.

 

© Gilles Penso

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