FREDDY 3 : LES GRIFFES DU CAUCHEMAR (1987)

Heather Langenkamp revient dans ce troisième épisode inventif qui met en scène une armée de « guerriers des rêves »

A NIGHTMARE ON ELM STREET PART 3 – DREAM WARRIORS

1987 – USA

Réalisé par Chuck Russell

Avec Heather Langenkamp, Craig Wasson, Patricia Arquette, Robert Englund, Ken Sagoes, John Saxon

THEMA TUEURS I RÊVES I SAGA FREDDY KRUEGER

Après la grosse déception de La Revanche de Freddy, cette seconde séquelle relève le niveau, même si elle n’arrive pas à la cheville des Griffes de la Nuit, qui avait épuisé toutes les ressources de son génial concept. Wes Craven accepte pourtant de participer à l’écriture du scénario, aux côtés de Chuck Russell, Bruce Wagner et Frank Darabont (futur réalisateur des Evadés et de La Ligne verte). Sept adolescents se rencontrent dans un hôpital psychiatrique. Chacun d’entre eux vit près d’Elm Street et a tenté de se suicider après des cauchemars atroces. Le Dr Neil Goldman (Craig Wasson) est perplexe, et Nancy Thompson (Heather Langenkamp, reprenant son rôle des Griffes de la Nuit) se joint à son équipe. Désormais psychiatre, elle sait que les enfants sont tourmentés par l’esprit de Freddy Krueger, le tueur d’enfants qui fut brûlé vif, toujours avide de prendre sa revanche sur les enfants de ceux qui l’ont tué. Au cours d’un cauchemar, la jeune Kristen réussit à faire intervenir Nancy dans son rêve pour l’aider à fuir Freddy. Après plusieurs morts sanglantes, les adolescents survivants décident d’affronter Freddy tous ensemble, dans le monde des rêves…

L’intrigue de ce Freddy 3 a au moins le mérite de retrouver un peu de la rigueur évacuée dans la séquelle de Jack Sholder : Freddy redevient le croquemitaine qui ne tue que dans les rêves, via une série de séquences oniriques impressionnantes qui – et ce sera le cas pour toutes les séquelles à venir – constituent l’intérêt essentiel du film. Attribuons une mention spéciale à la marionnette à tête d’argile qui, animée image par image, prend les traits de Freddy. Celle-ci coupe les fils qui la retiennent avec ses griffes puis tombe au sol, en une chorégraphie qui annonce le futur travail de David Allen sur la série Puppet Master. Dans la suite de cette séquence, Freddy atteint sa taille humaine et est donc interprété par Robert Englund, sous un maquillage de Kevin Yagher. Il manipule alors le malheureux dormeur comme le ferait un marionnettiste, les artères et les veines de la victime tenant lieu de fils !

Le squelette de Freddy

Doug Beswick, responsable du passage très furtif en animation, se rattrape au cours du final où il anime le squelette de Freddy, au milieu d’un cimetière de voitures. « Cette séquence est évidemment un hommage à Ray Harryhausen, et nous y pensions tout le temps pendant que nous la tournions », nous avoue Beswick. « Chuck Russell est lui aussi un grand fan de Harryhausen. Nous étions donc tous heureux de pouvoir tourner notre propre version du combat du héros contre un squelette à la manière du 7ème voyage de Sinbad. » (1) Le look sinistre du squelette et son animation très soignée sont hélas desservis par des effets visuels ratés. Aux côtés d’Heather Langenkamp et John Saxon, reprenant du service trois ans après Les Griffes de la Nuit, Craig Wasson campe un médecin bien fade en regard des possibilités que nous lui connaissons, surtout depuis son extraordinaire prestation dans le Body Double de Brian de Palma. Au détour du casting, on trouve aussi la jeune Patricia Arquette, pas encore connue du grand public, qui manque de se faire dévorer par Freddy mué en serpent géant phallique !

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en avril 1998

 

© Gilles Penso

LA REVANCHE DE FREDDY (1985)

Jack Sholder réalise une séquelle décevante du classique de Wes Craven en changeant les règles qui régissent les actes sanglants du croquemitaine griffu

A NIGHTMARE ON ELM STREET PART 2 – FREDDY’S REVENGE

1985 – USA

Réalisé par Jack Sholder

Avec Mark Patton, Kim Myers, Robert Englund, Robert Rusler, Clu Gulager, Hope Lange, Marshall Bell, Melinda O. Fee

THEMA TUEURS I RÊVES I SAGA FREDDY KRUEGER

En écrivant et en réalisant Les Griffes de la nuit, Wes Craven n’avait jamais envisagé d’en faire le premier épisode d’une saga, et s’était d’ailleurs prononcé pour un happy end clôturant définitivement le récit. Mais son producteur Robert Shaye entrevoyait déjà la possibilité d’une franchise, et l’incita donc à tourner la fin ambiguë et confuse que nous connaissons. Les possibilités d’une suite étant implantées et les recettes du premier « Freddy » s’étant avérées juteuses, La Revanche de Freddy ne tarda pas à pointer le bout de son nez. Aux commandes de la séquelle, on trouve Jack Sholder, signataire du réjouissant slasher Alone in the Dark avec Donald Pleasence, Jack Pallance et Martin Landau, et futur réalisateur de l’excellent Hidden. Hélas, la présence de Sholder derrière la caméra ne profite guère à ce second opus qui transgresse sans vergogne toutes les règles établies dans le film original, non pour les transcender mais pour muer Freddy Krueger en tueur banal. Le rêve n’est plus son domaine exclusif d’exaction, il apparaît et disparaît au gré de la fantaisie d’un scénario évasif, et meurt en fin de métrage sans raison plausible.

Le protagoniste est ici Jesse Walsh (Mark Patton), un adolescent qui emménage avec sa famille dans l’ancienne maison de Nancy Thompson, à Elm Street. Évidemment, il ne tarde pas à être hanté par d’horribles cauchemars orchestrés par le tueur au pull rayé, au visage brûlé et au gant griffu. C’est Lisa Webber (Kim Meyers), sa voisine et petite amie, qui découvre la vérité sur Freddy Krueger. Or ce dernier se met à posséder le corps de Jesse pour continuer ses crimes sanglants à Springwood… Étrangement, ce second Freddy cultive une imagerie gay que n’aurait pas dénigré un David DeCoteau (la scène des douches est à ce titre assez édifiante), poussant la métaphore jusqu’à retranscrire littéralement l’expression « coming out » par l’entremise d’une métamorphose incroyable qui constitue la meilleure scène du film et – avouons-le – l’un des moments les plus mémorables de la saga toute entière. Grâce à des maquillages inventifs signés Kevin Yagher et à des effets mécaniques conçus par Rick Lazzarini, le tueur d’Elm Street s’extrait du corps de sa malheureuse victime humaine, comme un serpent qui mue, et surgit ainsi dans la réalité.

Le « coming out » de Freddy

Mais à part ce morceau d’anthologie, et une surprenante séquence onirique montrant les déboires d’un autobus scolaire, La Revanche de Freddy fait bien pâle figure. Il faut dire que les problèmes existentiels des jeunes héros (ranger sa chambre, gagner la partie de base-ball, organiser une soirée) ne sont pas de nature à passionner les foules, et que le laxisme avec lequel l’aspect fantastique du film est traité (Freddy est un être surnaturel, donc tout est possible) laisse perplexe. Malheureusement, c’est La Revanche de Freddy qui donnera le ton pour les séquelles à venir, le maquillage grimaçant du croquemitaine revisité ici par Kevin Yagher étant adopté une bonne fois pour toutes, et son tempérament farceur (toujours prompt à lâcher une petite blague stupide ou un jeu de mot douteux) devenant sa ligne de conduite systématique.

 

© Gilles Penso

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LES GRIFFES DE LA NUIT (1984)

Wes Craven s'inspire d'un drame réel pour inventer l'un des croquemitaines les plus mémorables de l'histoire du cinéma

A NIGHTMARE ON ELM STREET

1984 – USA

Réalisé par Wes Craven

Avec Heather Langenkamp, Robert Englund, John Saxon, Ronee Blakely, Amanda Wyss, Johnny Depp, Jsu Garcia

THEMA RÊVES I SAGA FREDDY KRUEGER I WES CRAVEN

Wes Craven a créé un petit événement en lâchant sur les écrans Les Griffes de la nuit. Les spectateurs n’étaient tout simplement pas préparés à un tel choc. Pourtant, le scénario recycle un certain nombre d’éléments connus, en particulier les meurtres de teenagers hérités d’Halloween, le héros contraint de rester éveiller comme dans L’Invasion des profanateurs de sépulture, ou les interactions entre réalité et rêve traitées la même année dans Dreamscape. L’originalité du film réside dans l’agencement savant de ces idées, inspirées initialement d’un fait étrange mais bien réel. « Je me souviens avoir lu une histoire terrible dans le journal », raconte Craven. « Un jeune homme de 22 ans souffrait de cauchemars tellement réalistes qu’il refusait de s’endormir. Il se maintenait éveillé et crachait en douce les somnifères que lui donnaient ses parents. Après quatre ou cinq jours de veille, il a fini par s’endormir et est tombé raide mort au milieu de son sommeil, sans explication » (1). De ce fait divers est née l’idée des Griffes de la nuit.

L’infortuné jeune homme s’est mué en une adolescente américaine, Nancy (Heather Langenkamp), hantée par des cauchemars où elle est traquée par un tueur armé de griffes métalliques. Lorsqu’elle se confie à ses amis, ces derniers avouent être tourmentés par le même rêve. Or chacun d’entre eux va mourir violemment en plein sommeil. Bouleversée, Nancy apprend que le coupable est Freddy Krueger, un assassin de petites filles brûlé vif par des parents vengeurs, qui réapparaît désormais sous la forme d’un démon aux griffes d’acier dans les rêves des jeunes gens du quartier d’Elm Street. S’il réussit à les assassiner pendant leur rêve, les dormeurs meurent pour de bon. Après la mort de ses camarades, Nancy est à son tour pourchassée par le monstre… « Certains philosophes russes ont développé l’idée que plus l’homme est conscient, plus il souffre de sa condition », explique Craven. « D’où sa propension à enfouir de nombreuses choses dans son subconscient. J’ai donc imaginé le personnage de Nancy, une jeune fille qui rêve d’un tueur effrayant. Ses parents savent que cet homme a existé dans la réalité, mais il en ont évacué le souvenir. Et lorsque Nancy leur en parle, ils refusent de la croire, se voilant la face » (2).

« Ne dormez plus ! »

Les Griffes de la nuit tire son efficacité de la mise en image saisissante de son concept, paré d’idées visuelles fortes : l’étudiante arrachée à son lit par une force invisible qui la fait ramper sur les murs, le corps de Tina dans son suaire (un mille-pattes s’échappant de sa bouche et des serpents boueux rampant à ses pieds), le  garçon aspiré par son lit qui rejette ensuite un impressionnant jet de sang, la langue qui surgit du téléphone, le plafond mou d’où émerge le visage du tueur, ou encore la célèbre séquence de la griffe qui jaillit dans le bain… « La scène de la baignoire était particulièrement difficile à tourner », se souvient Heather Langenkamp. « Ils avaient construit un décor très particulier et il fallait que je fasse une confiance totale à Wes Craven, au chef opérateur et aux techniciens. Pendant le tournage, je me suis sentie particulièrement vulnérable. Mais d’une manière générale, toutes les scènes de combat avec Robert Englund étaient compliquées à tourner. Le gant de Freddy existait en réalité dans des versions différentes. Certaines griffes étaient en caoutchouc très souple, d’autres étaient plus rigides, et certaines étaient conçues pour être vraiment acérées, pour pouvoir briller sous les éclairages et faire du bruit lorsqu’elles s’entrechoquaient. Robert adorer les frotter les unes contre les autres pour m’effrayer ! » (3)  Interprété par un Robert Englund qu’on connut plus avenant (notamment dans la série V), Krueger fait vraiment peur, contrairement aux films suivants qui le relègueront au rôle de clown farceur et grimaçant. On note également la présence du vétéran John Saxon dans le rôle du policier et d’un Johnny Depp débutant à peine sorti de la puberté ! Très inspiré, Charles Bernstein compose pour les besoins du film une partition synthétique particulièrement efficace qui, elle aussi, est entrée dans la légende.

 

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en octobre 2005

(3) Propos recueillis par votre serviteur en juin 2019

 

© Gilles Penso

 

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ENTER THE VOID (2009)

Gaspar Noé nous invite à une expérience sensorielle unique en transportant ses protagonistes au seuil de la mort

ENTER THE VOID

2009 – FRANCE / ALLEMAGNE / ITALIE

Réalisé par Gaspar Noé

Avec Nathaniel Brown, Paz de la Huerta, Cyril Roy,Emily Alyn Lind, Jesse Huhn, Olly Alexander, Masato Tanno

THEMA MORT

Un film de Gaspar Noé est toujours un choc. Provocateur, diviseur d’opinions, expérimentateur, le jeune réalisateur ne laisse jamais indifférent. Pourtant, Enter the Void marque une certaine rupture avec ses œuvres précédentes. Car si Carne, Seul contre Tous et Irréversible étaient des films « coup de poing » jouant avec le seuil de tolérance des spectateurs en exposant des séquences de violence crues parfois à la limite du supportable, Enter the Void se veut moins agressif. Pour autant, Noé n’adoucit pas son style, osant une poignée de scènes organiques que les films pornographiques les plus extrêmes n’ont jamais montré, et poussant le traitement visuel au point de faire de son long-métrage l’un des défis technologiques les plus fous jamais tentés à l’écran. « Nous savions, en lisant le scénario de Gaspar Noé, que la plupart des images de son film allaient passer par un traitement numérique », explique Geoffrey Niquet, superviseur des effets visuels pour la société Buf. « Et au final, toutes les images du film sont truquées, ce qui représente une masse de travail considérable par rapport à un budget de film d’auteur. Si Buf n’était pas entré en coproduction, le devis des effets spéciaux aurait été tellement énorme que le film n’aurait pas pu se monter. » (1) Dès le générique de début, le ton est donné : sur une musique électronique au tempo endiablé, les noms de tous les membres de l’équipe du film s’enchaînent à une vitesse supersonique, adoptant des typos, des polices et des couleurs radicalement différentes, une entrée en matière qui annonce une volonté manifeste de ne pas entrer dans le rang.

L’histoire de Enter the Void est celle d’Oscar et Linda, un frère et une sœur marqués par la mort tragique de leurs parents dans un accident de voiture. Expatriés au Japon, ils gagnent leur vie en errant dans les bas-fonds, lui comme dealer, elle comme strip-teaseuse. Mais un jour Oscar, traqué par la police, est touché par une balle. Entre la vie et la mort, il connaît une expérience extra-corporelle qui va le faire voyager entre le présent et le passé, la réalité et l’hallucination, à travers plusieurs niveaux de conscience… En perpétuelle élévation, flottant au-dessus des décors et des personnages, la caméra de Gaspar Noé nous invite à un trip hallucinogène inédit, mixage de prises de vues réelles, d’effets numériques complexes et d’images de synthèse photoréalistes.

Voyage métaphysique

Mais ce voyage métaphysique ne serait qu’une belle expérience picturale si les comédiens ne donnaient pas autant de leur personne. En ce sens, la prestation de Paz de la Huerta, dans le rôle de Linda, est impressionnante. A fleur de peau, n’hésitant jamais à prêter son corps aux séquences les plus extrêmes et les plus crues, elle porte une grosse partie de l’impact du film sur ses épaules, jusqu’à une séquence finale incroyable faisant écho au Livre des Morts tibétain cité dès les premiers dialogues de ce long-métrage décidément atypique. Sans doute manque-t-il à Enter the Void une dimension « affective ». Car en optant pour des angles de vue délibérément atypiques (100% subjectif, derrière la nuque d’Oscar, en plongée totale), Gaspar Noé nous incite à un recul permanent qui ne gêne certes pas l’expérience sensorielle mais empêche en revanche une pleine empathie avec les protagonistes. Incapables de croiser leurs regards, les spectateurs passent à côté de l’implication émotionnelle nécessaire à un phénomène d’identification. Nous suivons donc ce récit aérien avec intérêt mais sans passion, et au bout de 150 minutes, le temps finit par sembler long. Mais comment ne pas saluer le courage et le grain de folie d’un réalisateur s’efforçant de repousser sans cesse les limites des règles filmiques habituelles pour imposer un univers résolument personnel ?

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en avril 2010

 

© Gilles Penso 

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IRON MAN 2 (2010)

Jon Favreau ne parvient pas à retrouver le juste équilibre du premier Iron Man et peine à construire un film cohérent

IRON MAN 2

2010 – USA

Réalisé par Jon Favreau

Avec Robert Downey Jr, Don Cheadle, Scarlett Johansson, Mickey Rourke, Gwyneth Paltrow, Sam Rockwell, Samuel L. Jackson

THEMA SUPER-HEROS I SAGA IRON MAN I AVENGERS I MARVEL

L’excellente surprise qu’avait suscitée le premier Iron Man s’était soldée par un score triomphal au box-office et un accueil enthousiaste des fans du comic book original. En toute logique, le super-héros en armure a donc droit à une seconde aventure réunissant le même casting (à l’exception de Terrence Howard, remplacé au pied levé par Don Cheadle après des désaccords avec la production) et intégrant de nouveaux visages. Parmi ces derniers, on retiendra notamment Mickey Rourke, fort impressionnant (mais très sous-exploité) dans le rôle du super-vilain de service, et Scarlett Johansson, joliment moulée dans la combinaison noire de l’agent secret Natasha Romanov (que les familiers de l’univers Marvel connaissent sous le nom de Veuve Noire). Tout ce petit monde s’anime dans un scénario un peu fourre-tout signé Justin Théroux (Tonnerre sous les Tropiques) qui puise beaucoup d’idées dans le film précédent (ainsi que dans Robocop 2) sans vraiment parvenir à renouveler les problématiques de ses protagonistes. Car en affirmant au monde entier qu’il était Iron Man, Tony Stark (Robert Downey Jr, toujours en très grande forme) perd l’un des atouts dramatiques inhérents au quotidien des justiciers masqués : la double identité.

Privé de cet enjeu, le personnage cultive le narcissisme, l’autodestruction et l’irresponsabilité, jusqu’à une tardive mais salutaire rédemption, mais ne parvient pas vraiment à s’attirer la sympathie de spectateurs finalement peu concernés par ses problèmes d’égo. Pour résumer l’intrigue, disons que Justin Hammer (Sam Rockwell en totale roue libre), un marchand d’armes concurrent de Stark, décide de le battre sur son propre terrain en engageant deux hommes de poids : le colonel Rhodes (Cheadle), fâché avec son ancien partenaire au point de lui avoir subtilisé une de ses armures, et Ivan Vanko (Rourke), un ancien ingénieur russe ayant juré la perte de Tony (à cause d’une sombre histoire de rivalités remontant à la génération de leurs parents respectifs). Îvre de vengeance, Vanko détourne à ses propres fins tout le matériel d’Hammer et lance à l’attaque d’Iron Man une nuée de robots armés jusqu’aux dents…

Parodie involontaire

Les personnages ne parvenant guère à nous captiver outre mesure (leurs motivations sont généralement floues, leurs revirements très artificiels, leurs évolutions modérément palpitantes), une grande partie de l’impact d’Iron Man 2 s’évapore. Même dans le domaine des scènes d’action, Jon Favreau fait preuve d’une certaine maladresse, comme si la grâce des combats du film précédent était le fruit d’un heureux hasard. Car à l’exception de la première attaque de Vanko en pleine course automobile monégasque, particulièrement réussie, rien de bien consistant n’attend le public. La frénésie des chorégraphies les rend bien souvent illisibles (voir le pugilat final contre l’armée de robots) quand leur déroulement ne frise pas la parodie involontaire (l’affrontement de l’agent Romanov contre les hommes de main de Hammer semble presque extrait d’un Hot Shots ou d’un Austin Powers !). Bref, ce second épisode déçoit, surtout au regard de son réjouissant modèle, même si l’amateur appréciera les nouvelles pièces du puzzle qui annoncent un futur film choral mêlant entre autres Iron Man, Hulk, Captain America et Thor…

 

© Gilles Penso

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HALLOWEEN 2 (2009)

Rob Zombie s'affranchit de l'influence de John Carpenter avec cette séquelle très surprenante

HALLOWEEN 2

2009 – USA

Réalisé par Rob Zombie

Avec Scout Taylor-Compton, Brad Dourif, Malcolm McDowell, Tyler Mane, Sheri Moon Zombie, Chase Wright Vanek, Caroline Williams

THEMA TUEURS I SAGA HALLOWEEN

Le premier Halloween de Rob Zombie nous avait laissé une impression mitigée, son extraordinaire première partie s’enchaînant avec une seconde moitié se démarquant sans invention du film originel de John Carpenter. Aux commandes de la séquelle, le réalisateur de The Devil’s Rejects ne se laisse plus brider par le moindre impératif commercial et signe une œuvre extrêmement personnelle, quitte à froisser les dirigeants du studio et le public qui espéraient un slasher plus traditionnel. Zombie joue d’ailleurs la carte du faux départ en faisant démarrer son Halloween 2 comme un remake du film homonyme réalisé en 1981 par Rick Rosenthal. Suite aux événements du film précédent, Laurie Strode est donc transportée d’urgence à l’hôpital, tandis que Michael Myers, que l’on croyait mort, prend la fuite en semant les cadavres sur son chemin puis revient harceler la jeune fille… Mais tout ça n’est qu’un cauchemar (très efficace en terme d’angoisse et d’épouvante, et tout à fait dans l’esprit de Carpenter), et le film redémarre réellement quelque vingt minutes plus tard. Là, nous découvrons quelles conséquences ont eu les événements du premier Halloween sur les personnages centraux du drame. Laurie Strode, la gentille et chaste baby-sitter, s’est muée en bad girl balafrée qui tapisse sa chambre de posters d’Alice Cooper, arbore des looks punk-rock et débite un « fuck » tous les trois mots.

Cette métamorphose physique et psychologique, avouons-le, est extrêmement caricaturale, et demeure l’un des seuls vrais points faibles du film, d’autant que Scout Taylor-Compton demeure une énorme erreur de casting (Jocelin Donahue, l’héroïne de The House of the Devil, eut été une parfaite Laurie Strode). Le docteur Loomis, quant à lui, s’est mué en véritable superstar. Auteur d’un best-seller sur le « cas » Michael Myers, conférencier, invité de plateaux télévisés, il a troqué sa bienveillance humaniste contre une arrogance égocentrique que Malcolm McDowell joue à la perfection, dotant chacune de ses apparitions d’une saveur indéniable. Quant à notre tueur masqué, il nage en plein œdipe, errant comme une âme en peine, accompagné de trois figures métaphoriques et éthérées : lui-même encore enfant, sa mère aux allures angéliques et un cheval blanc faussement apaisant.

Michael Myers retrouve un peu d'humanité

S’il continue à tuer avec une violence inouïe (Zombie n’a pas son pareil pour décrire les meurtres les plus dérangeants et les plus brutaux) et si sa force n’a rien à envier à celle de Hulk, Michael Myers retrouve ici l’humanité que la fin du précédent Halloween lui faisait perdre. Ce n’est plus une simple machine à tuer mais un homme au cerveau profondément dérangé. Rob Zombie opte pour une approche psychanalytique frontale, ose (ô sacrilège) montrer son tueur sans son masque et même lui délier furtivement la langue, le temps d’un « die ! » qu’il crie à l’attention de son ultime victime. Cette approche a certes de quoi désarçonner les familiers de la saga Halloween, mais une originalité rafraîchissante s’en dégage, hissant probablement cet opus parmi les meilleurs de toute la série. Les producteurs, eux, ne l’entendirent pas de cette oreille et s’empressèrent d’engager Patrick Lussier pour un Halloween 3D qui ne vit finalement jamais le jour.

 

© Gilles Penso

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LA COMTESSE (2009)

Des deux côtés de la caméra, Julie Delpy réinvente la tristement célèbre comtesse Bathory adepte de toilettes sanglantes

THE COUNTESS

2009 – ALLEMAGNE / FRANCE

Réalisé par Julie Delpy

Avec Julie Delpy, Daniel Brühl, William Hurt, Anamaria Marinca, Sebastian Blomberg, Charly Hübner, Anna Maria Mühe

THEMA VAMPIRES

Les mœurs dépravées et les exactions sanglantes de la comtesse Bathory, figure prédominante de l’aristocratie hongroise du seizième siècle, ont alimenté moult débats et inspiré bien des œuvres littéraires et cinématographiques. Mais qui était réellement Erzsébet Bathory ? Un vampire se baignant dans le sang de centaines de vierges pour goûter aux joies de la jeunesse éternelle, ou une femme de pouvoir victime d’une machination visant à faire vaciller son règne et spolier sa fortune ? Nul ne le saura vraiment puisque, comme l’explique la voix off introduisant La Comtesse, « l’histoire est écrite par les vainqueurs ». Or la fière aristocrate perdit ses droits et sa vie à l’issue d’un procès historique, laissant à ses ennemis le loisir de la décrire sous des traits forcément désavantageux. C’est à ce personnage ambigu et passionnant que Julie Delpy a décidé de s’attacher pour son second long-métrage en tant que réalisatrice, trois ans après la comédie romantique Two Days in Paris. « S’attacher » est le terme approprié, car si la cruauté, la froideur et la folie d’Erzsébet Bathory nous sont ici exposées sans fard, le scénario laisse aussi une part belle à ses failles, ses faiblesses, ses frustrations et ses tourments.

La Comtesse est d’ailleurs une histoire d’amour tragique, l’aristocrate s’amourachant d’un homme beaucoup plus jeune qu’elle, Istvan Thurzo (Daniel Brühl). Or le père du jeune homme (William Hurt) brise cette union et provoque la lente descente aux enfers de la comtesse. Cette dernière est désormais obsédée par le rajeunissement. Après avoir battu une de ses servantes, elle se persuade que la projection du sang de la malheureuse sur son visage efface ses rides. Dès lors, elle fait saigner toutes les vierges qui sont à sa portée pour s’appliquer quotidiennement de macabres crèmes de soin… Le sang des vierges permet-il réellement à la comtesse de rajeunir ? Sur ce point, le film se prononce ouvertement : il s’agit d’une affabulation née d’une déception amoureuse ayant tourné à la folie. En ce qui concerne la véracité des méfaits sanglants d’Erzsébet, chacun sera libre d’y croire ou de préférer la théorie du complot, moins « romantique » mais probablement plus crédible.

La femme-orchestre

Véritable femme-orchestre, Julie Delpy porte son film à bout de bras, incarnant avec intensité le rôle-titre, assurant elle-même la mise en scène, l’écriture du scénario mais aussi la composition d’une bande originale tour à tour teintée d’inquiétude, de menace et de tristesse. Quelques faiblesses altèrent un peu l’impact de La Comtesse, notamment une voix-off souvent redondante et une narration un tantinet linéaire. Mais la facture impeccable du film, la crudité des séquences sanglantes, le réalisme de la reconstitution historique et la justesse des comédiens en font l’un des meilleurs « biopics » consacrés à Erzsébet Bathory. « J’apprécie autant les comédies que les films de Mario Bava et Georges Franju, les films dits “de genre“ mais aussi les drames », explique la réalisatrice. « Je n’avais pas envie de me cantonner à un seul style de film. La Comtesse tient autant du drame grec que du film d’horreur, avec quelques éléments épiques et romantiques. » (1)

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en mars 2010

 

© Gilles Penso

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LE CHOC DES TITANS (2010)

Malgré toute la bonne volonté de Louis Leterrier, ce remake à grande échelle peine à retrouver la magie naïve de son modèle

CLASH OF THE TITANS

2010 – USA

Réalisé par Louis Leterrier

Avec Sam Worthington, Liam Neeson, Ralph Fiennes, Jason Flemyng, Gemma Arterton, Alexa Davalos, Mads Mikkelsen

THEMA MYTHOLOGIE

Fan du Choc des Titans original depuis son enfance et chouchou des grands studios grâce au succès de L’Incroyable Hulk, Louis Leterrier s’attaqua à ce remake après le désistement de Stephen Norrington (Blade). Rasé de près comme un G.I. anachronique, Sam Worthington incarne Persée, fils de Zeus et d’une mortelle dont la famille d’adoption fut massacrée à cause du dieu des enfers Hadès. Îvre de vengeance, il mène une troupe de soldats aux confins du monde pour trouver le moyen de détruire le Kraken, un monstre abominable créé par Hadès. Si Persée et ses hommes échouent, le Kraken ravagera la cité d’Argos, à moins que la belle princesse Andromède ne soit livrée à ses appétits.

La trame principale du premier Choc des Titans a donc été respectée, mais les motivations des protagonistes ont considérablement évolué. Car si le Persée de 1981, amoureux d’Andromède, acceptait sagement l’aide de Zeus pour sauver sa dulcinée, celui de 2010 est un homme en colère. La princesse en péril n’est qu’un prétexte, sa quête prenant la tournure d’une crise d’adolescence tardive. Persée refuse en effet l’autorité parentale pour pouvoir s’affirmer en tant qu’homme. Rejetant la part de divinité qui coule dans ses veines, il lutte contre les obstacles dressés sur sa route mais aussi contre sa propre dualité. Ce thème passionnant s’efface hélas sous les traits bruts d’un scénario qu’on eut aimé moins mécanique. A ce titre, les interventions artificielles de la demi-déesse Io (Gemma Arterton) et des exaspérants faire-valoir comiques incarnés par Ashraf Barhom et Mouloud Achour laissent perplexe.

Un Kraken très impressionnant

Ces réserves à part, il faut reconnaître à Louis Leterrier un indéniable savoir-faire dans le domaine du grand spectacle. La quasi-totalité du bestiaire imaginé en 1980 par Ray Harryhausen est de retour, relooké par le designer Aaron Sims (Je suis une légende). Les gigantesques scorpions bénéficient ici d’un hyperréalisme étourdissant, les sorcières du Styx et le nocher des enfers Charon arborent d’hideux faciès qui semblent empruntés à l’univers de Guillermo del Toro, le cheval Pégase s’élance dans les airs avec la même grâce que son aîné (même si ici, bizarrement, son pelage a viré au noir) et la femme serpent Méduse préside une belle scène de suspense, rampant à vive allure autour de ses victimes pour mieux les piéger. Certes, plusieurs maladresses entravent l’impact des monstres, notamment le montage épileptique du combat contre les scorpions qui rend la plupart des actions illisibles, ou la texture numérique peu réaliste de la Méduse, calquée sur le corps du top model Natalia Vodianova. Mais l’ampleur du spectacle n’en souffre pas outre-mesure. Le morceau de bravoure du film réside cependant dans son climax, l’intervention du Kraken coupant le souffle grâce au magnifique design de la créature mais aussi à la démesure de son anatomie tentaculaire n’en finissant plus d’émerger des flots. Perfectible mais très divertissant, ce Choc des Titans remplit donc son cahier des charges, nous offrant au passage quelques seconds rôles prestigieux tels que Liam Neeson, Ralph Fiennes, Pete Postlethwaite et Mads Mikkelsen.  

 

© Gilles Penso

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DANS TON SOMMEIL (2009)

Anne Parillaud incarne une femme meurtrie confrontée à un tueur psychopathe au visage désespérément humain

DANS TON SOMMEIL

2009 – FRANCE

Réalisé par Caroline et Eric du Potet

Avec Anne Parillaud, Arthur Dupont, Thierry Frémont, Jean-Hugues Anglade

THEMA TUEURS

Dans ton sommeil commence par un clin d’œil que les cinéphiles apprécieront probablement. Anne Parillaud et Jean-Hugues Anglade reforment en effet le couple qu’ils interprétaient vingt ans plus tôt dans le mythique Nikita de Luc Besson. Mais cette fois-ci, le ton a changé. Oubliée l’idylle glamour entre une tueuse et un caissier sur fond de scènes d’action explosives. Les deux comédiens, en demi-mesure, incarnent ici deux époux tranquillement installés dans la campagne profonde, s’efforçant de renouer le dialogue avec un fils en pleine crise d’adolescence. Lorsque ce dernier meurt brutalement sous ses yeux, Sarah (Anne Parillaud) devient l’ombre d’elle-même. Leur couple n’y survit pas, et notre héroïne erre comme une âme en peine dans les couloirs de l’hôpital où elle travaille comme infirmière. Une nuit, sa voiture percute Arthur (Arthur Dupont), un adolescent qui a sensiblement le même âge que son défunt fils. Alors qu’elle l’emmène chez elle pour le soigner, ils sont pris en chasse par un mystérieux tueur (Thierry Frémont) qui semble prêt à tout pour les massacrer…

Il faut avouer que Dans ton sommeil part avec un sérieux handicap. La réalisation sans éclat et le jeu très approximatif des comédiens nous laissent en effet imaginer le pire, comme si les réalisateurs duettistes peinaient à mettre en forme leur sujet avec la rigueur et la maîtrise nécessaires. Peu convaincus par la teneur de l’intrigue à cause de ces sérieuses carences formelles, nous sommes brutalement secoués par une véritable claque narrative qui remet tout en question et dote aussitôt le film d’un vif intérêt que nous n’espérions plus. Car au bout d’un quart de métrage, un coup de théâtre imprévu fait rebondir l’intrigue avec l’effet d’un électrochoc. Ce que nous pensions comprendre n’est qu’apparence, et le manque de conviction et de cohérence de certains personnages s’explique soudain. Non content de bouleverser le fil du scénario, ce « twist » s’avère extrêmement violent, sur le fond comme sur la forme, et met nos nerfs à rude épreuve. Lorsque le film reprend son cours après cette sanglante parenthèse, le spectateur se prépare au pire et le film prend une tout autre dimension.

Une pulsion incontrôlable

« Il me semble très important de parrainer ce type de film, parce que c’est le cinéma de demain », affirme Anne Parillaud, dont l’implication dans le film a permis son montage financier. « Il faut absolument ouvrir l’éventail et laisser de la place à ces jeunes metteurs en scène qui ont des choses à dire et qui sont prometteurs. Si des acteurs confirmés ne participent pas à ces œuvres-là, nous risquons de passer à côté de quelque chose. Ce serait dommage. Accompagner les premiers pas de réalisateurs, partager leur innocence et leur virginité, ce sont des moments très forts. » (1) Certes, de nombreuses maladresses probablement imputables à la jeune expérience de Caroline et Eric du Potet continuent à amenuiser l’efficacité du récit, mais il faut reconnaître que Dans ton sommeil ne manque pas d’impact et sait osciller de façon troublante entre le drame intimiste, le thriller et le film d’horreur. La froideur des crimes évoque par moment le Michael Haneke de Funny Games, si ce n’est que le tueur n’appréhende jamais ici ses exactions comme un divertissement. Il s’agit d’une pulsion incontrôlable, motivée par de sérieuses carences émotionnelles qui nous renvoient – toutes proportions gardées bien sûr – au psychopathe du Sixième sens de Michael Mann. Dans ton sommeil est très largement perfectible et risque d’en agacer plus d’un à cause du manque de naturel de la plupart de ses dialogues, mais il présente le mérite d’évacuer toute facilité et de trotter longtemps dans la tête des spectateurs après son image finale, dont la poésie macabre n’est pas sans rappeler « Le dormeur du val » d’Arthur Rimbaud.


(1) Propos recueillis par votre serviteur en janvier 2009

 

© Gilles Penso

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CHARLIE ET LA CHOCOLATERIE (2005)

Tim Burton retombe en enfance avec cette adaptation luxueuse du classique de Roald Dahl

CHARLIE AND THE CHOCOLATE FACTORY

2005 – USA

Réalisé par Tim Burton

Avec Johnny Depp, Freddie Highmore, David Kelly, Helena Bonham Carter, Noah Taylor, Deep Roy, Christopher Lee

THEMA CONTES I SAGA TIM BURTON

Si Big Fish annonçait un grisant retour aux sources pour Tim Burton, Charlie et la chocolaterie le confirme avec éclat. Osons le dithyrambe : cette relecture de l’œuvre de Roald Dahl est une merveille, exaltant tout ce qui fit le succès de BeetlejuiceEdward aux mains d’argent et L’Etrange Noël de monsieur Jack. On y trouve la poésie surréaliste de son auteur, son goût pour l’exubérance ultra-colorée, son rejet en bloc du réalisme moderne, son apologie des êtres originaux et différents et son permanent sens de l’ironie. Charlie Bucket (Freddie Highmore) est un enfant issu d’une famille pauvre entassée dans une petite bicoque tordue. Travaillant pour subvenir aux besoins des siens, il doit économiser chaque penny et ne peut s’offrir les friandises dont raffolent les enfants de son âge. Pour obtenir son comptant de sucreries, il participe à un concours organisé par le mystérieux Willy Wonka, propriétaire de l’imposante fabrique de chocolat qui surplombe la ville. Celui qui découvrira l’un des cinq tickets d’or que Wonka a caché dans les barres de chocolat de sa fabrication pourra visiter chaque recoin de l’usine, habitée par une peuplade de créatures étranges baptisées les Oompas Loompas…

Charlie et la chocolaterie nous émerveille sans cesse, nous fait rire souvent, nous émeut même parfois, car sans larmoyance ni démagogie, le film délivre au détour de ses outrances un plaidoyer pour la générosité et l’optimisme. On a beau apprécier à sa juste valeur la version de 1971, ce Charlie s’impose comme l’adaptation ultime du célèbre classique de la littérature enfantine. Le pari n’était guère aisé, même si toutes les thématiques du texte initial collent à merveille à l’univers de Tim Burton, comme si son mariage avec Dahl avait toujours été une évidence. Après tout, Spielberg ne s’était-il pas cassé les dents avec un Peter Pan qui semblait lui aussi taillé sur mesure ? Stimulés par l’inventivité foisonnante de Burton, ses collaborateurs se sont ici surpassés. « Ses films m’inspirent », dit à ce titre Johnny Depp. « Malgré la pression, il n’a pas changé, ne s’est pas laissé influencer. Les artistes de cette trempe sont rares aujourd’hui à Hollywood. » (1)

Johnny Depp doux-dingue

Le comédien nous livre ici une performance surprenante de doux-dingue hérité d’Ed Wood et Benny and June, Danny Elfman retrouve enfin toute sa verve musicale en mixant partition flamboyante et chansons parodiques, et le génial chef décorateur Alex McDowell (The CrowMinority Report) adapte son savoir-faire aux proportions colossales de l’entreprise. « Ce film est probablement le plus complexe de toute ma carrière », avoue-t-il. « Nous avons occupé l’intégralité des studios de Pinewood, y compris le fameux plateau 007, qui est le plus grand d’Europe. Le décor de la rivière en chocolat mesurait 60 mètres de long sur 35 de large, et nous avons dû utiliser un bon million de litres de faux chocolat, créé avec du colorant alimentaire et de l’additif épaississant. » (2) Bien entendu, ce régal cinématographique ne se déguste à belles dents qu’à condition de troquer son regard adulte contre des yeux d’enfant. C’est là toute la richesse des meilleures œuvres de Burton.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en janvier 2008

(2) Propos recueillis par votre serviteur en juillet 2005

 

© Gilles Penso

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