LE CRI DE LA MORT (1959)

L’intrépide cowboy mexicain Gaston Santos enquête sur d’étranges statuettes antiques et se retrouve confronté à une sinistre femme-zombie…

EL GRITO DE LA MUERTE

 

1959 – MEXIQUE

 

Réalisé par Fernando Mendez

 

Avec Gaston Santos, Maria Duval, Pedro de Aguillon, Carlos Ancira, carolina Barret, Antonio Raxel, Hortensia Santoveña

 

THEMA ZOMBIES

Le producteur mexicain Alfredo Ripstein Jr et le réalisateur Rafael Baledon s’étaient essayés en 1957 au mixage du western et du fantastique avec Le Monstre du marécage, qui confrontait des cow-boys avec une bête aquatique et écailleuse se démarquant de L’Étrange créature du lac noir. Fernando Mendez, maître d’œuvre des Proies du vampire et du Retour du vampire, se laisse à son tour tenter par le mélange des genres en prenant la relève de Baledon pour une nouvelle aventure de l’intrépide héros du Far West Gaston et de son fidèle compagnon Coyote Loco. Il quitte du même coup son noir et blanc de prédilection pour un Technicolor plus adapté aux cavalcades à cheval et aux vastes panoramas rocailleux. Point d’homme-poisson ici, mais une morte-vivante sinistre et exsangue qui reprend à son compte la fameuse légende de la « pleureuse », déjà illustrée dans le très gothique Les Larmes de la malédiction.

Le récit prend place en 1916, dans une hacienda jadis prospère mais tombée depuis dans le discrédit et la ruine. L’intrépide Gaston enquête sur deux étranges statuettes aux allures d’idoles antiques. La belle Maria Elena lui apprend que c’est sa défunte tante Clotilde qui les a sculptées, en mémoire des deux fils qu’elle a perdus, engloutis dans les sables mouvants. Ces poupées, représentant chacune une femme éplorée, symbolisent la mort. Or Clotilde a disparu de sa tombe le lendemain de son enterrement, voilà un an. Depuis, on dit qu’elle erre en pleurant près du sinistre « marécage du squelette ». Pour empêcher le retour de la morte-vivante, les superstitieux ont planté un couteau dans le cadran d’une horloge, à l’heure exacte de sa mort. Mais Maria Elena se moque de ces croyances bigotes, et finit même par arracher le couteau, un soir de désespoir. Bien mal lui en prend, car bientôt Clotilde revient d’entre les morts, le visage terreux, le regard sombre, et les griffes acérées…

Le retour de la morte-vivante

Le Cri de la mort mixe ainsi les codes du film d’épouvante classique (brumes inquiétantes, cadavre ambulant, victimes ensanglantées) et ceux du western (combat de saloon, fusillades, poursuites à cheval). A vrai dire, le mixage fonctionne plutôt bien, malgré la relative insipidité de Gaston Santos dans le rôle du héros sans peur et sans reproche, et la lourdeur des gags véhiculés par son faire-valoir comique (Pedro de Aguilon), qui passe son temps à chercher un lit pour dormir et dont les scènes de combat sont accompagnées de bruitages de dessin animé. Le passage à la couleur prive également le film de la photogénie macabre dont Fernando Mendez s’était fait une spécialité. Le Cri de la mort se laisse malgré tout apprécier sans déplaisir, grâce aux charmes de Maria Duval, aux apparitions morbides de la morte-vivante assoiffée de vengeance, et aux rebondissements d’un scénario plein de surprises laissant jusqu’au bout planer le doute quant à la possibilité d’une explication logique et rationnelle à tous ces événements surnaturels. Après avoir résolu enfin cette étrange affaire, nos deux héros regagnent leurs pénates en s’éloignant à cheval dans la plaine, à la manière de Lucky Luke, tandis que la partition de Gustavo Carrion prend des accents épiques qui n’auraient pas dépareillé dans un film de John Ford.

 

© Gilles Penso


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KWAÏDAN (1965)

Un film de fantômes japonais qui allie l’épouvante primitive, les croyances ancestrales et une splendeur esthétique de premier ordre…

KAIDAN

 

1965 – JAPON

 

Réalisé par Masaki Kobayashi

 

Avec Tatsuya Nakadai, Tetsuro Tamba, Rentaro Mikuni, Michiyo Aratama, Keiko Kishi, Katsuo Nakamura, Kan-Emon Nakamura

 

THEMA FANTÔMES

Inspiré par les contes de l’auteur Lafcadio Hearn, Kwaïdan est conçu sous forme d’un film à sketches et démarre sur un très beau générique où de l’encre colorée dessine des nuages dans l’eau. Le ton est donc donné dès les premières minutes : le spectacle qui nous attend sera graphique, folklorique et contemplatif. La première histoire de cette anthologie nippone, « Les Cheveux noirs », raconte l’aventure d’un samouraï abandonnant sa femme pour épouser la fille d’un homme fortuné dans le but de pouvoir évoluer sur l’échelle sociale. Mais les jours heureux avec son ancienne femme finissent par lui manquer. Toujours amoureux d’elle, il décide de la rejoindre… La macabre découverte qui l’attend annonce avec 25 ans d’avance la grande vogue des fantômes féminins aux longs cheveux noirs qui hanteront les écrans japonais des années 2000. (Ring, Dark Water, The Grudge et consort).

Le second récit, « La Femme des neiges », est une pure merveille visuelle. Un vieux bûcheron et son apprenti sont surpris par une tempête de neige et trouvent refuge dans une cabane. Soudain surgit une créature féminine se repaissant du sang du vieil homme et acceptant d’épargner son disciple à condition que ce dernier ne raconte jamais cette mésaventure. On trouve là une superbe forêt enneigée reconstituée en studio. Sur les cieux peints apparaît régulièrement un œil inquisiteur, réminiscence de celui de Caïn, qui semble veiller à ce que le héros ne brise pas sa promesse. Ce sketch propose également un jeu fascinant sur l’éclairage, qui permet en plan séquence de passer d’une chaumière chaleureuse à un paysage glacé. « Hoïchi sans oreilles », la troisième histoire, met en scène un jeune moine aveugle mandé par des fantômes pour leur conter tous les soirs le combat homérique qui mit fin à leur vie. Ce segment accumule lui aussi les visions mémorables, de l’incroyable bataille navale, tournée dans un bassin devant de nouveaux cieux artificiels, au cimetière embrumé dans lequel les auditeurs fantômes se muent progressivement en pierres tombales, en passant par le corps d’Hoïchi entièrement recouvert de texte sacré calligraphié.

Que se passe-t-il si on avale une âme ?

Le dernier sketch, « Dans un bol de thé », aborde une question étrange : que se passe-t-il si on avale une âme ? Un seigneur est en effet hanté par le visage d’un guerrier qui apparaît dans le bol du thé qu’il boit, avant d’être confronté physiquement à ce mystérieux personnage. Inachevé, cet ultime conte se clôt sur une image pour le moins effrayante. Chaque protagoniste de Kwaïdan est ainsi confronté à un fantôme symbolisant un regret, une rancœur ou une erreur : celui d’un abandon égoïste, d’une promesse bafouée, d’une bataille perdue ou d’une dépossession surnaturelle… Si l’œuvre de Kobayashi est une indéniable réussite visuelle, étalant sur un généreux format Cinémascope ses somptueux décors de studio, la froideur de sa mise en scène et la langueur de son rythme nuisent parfois à l’impact de ses histoires. Chaque conte s’étire en effet sur trois bons quarts d’heure, alors que bien souvent la moitié aurait amplement suffi. Cette réserve mise à part, Kwaïdan demeure la référence ultime en matière de film de fantôme japonais.

 

© Gilles Penso


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NEKROMANTIK 2 (1991)

Jörg Buttgereit donne une suite à son premier long-métrage choc en s’intéressant aux tourments d’une jeune femme nécrophile en quête d’amour…

NEKROMANTIK 2

 

1991 – ALLEMAGNE

 

Réalisé par Jörg Buttgereit

 

Avec Monika M., Mark Reeder, Simone Spörl, Beatrice Manowski, Wolfgang Müller, Lena Braun, Käthe Kruse, Florian Koerner von Gustorf, Eddi Zacharias

 

THEMA MORT

C’est dans une Allemagne encore secouée par la chute du mur de Berlin que Jörg Buttgereit décide de réaliser Nekromantik 2, la suite de son long-métrage sulfureux devenu culte après avoir eu maille à partir avec la censure locale. L’idée de ce second opus est née suite à la lecture du témoignage d’une véritable nécrophile dans les pages du livre « Apocalypse culture ». En découvrant à travers la confession de cette femme non pas un monstre mais une romantique désespérée, Buttgereit sait sous quel angle aborder Nekromantik 2. Au lieu de proposer aux amateurs du premier film une sorte de remake poussant plus loin les excès érotiques et horrifiques, le cinéaste préfère raconter cette suite comme une sorte d’histoire d’amour triste ponctuée d’images gore. Toujours tourné dans des conditions précaires et indépendantes, loin de l’industrie cinématographique officielle, Nekromantik 2 troque le format super 8 de son prédécesseur contre une pellicule 16 mm. La patine reste celle d’un film amateur à l’image délavée, aux mouvements de caméra accidentés, au montage approximatif et à la musique synthétique primitive. Le rythme lui-même est volontairement lent, à l’image des déplacements de cet escargot que le réalisateur filme en gros plan à mi-parcours de son métrage.

Le générique de début se déroule sur les images choc qui achevaient le premier Nekromantik, autrement dit un hara-kiri en pleine érection. Le corps du suicidé est aussitôt dérobé dans son cercueil par Monika (Monika M.) qui le ramène dans son appartement. Après avoir déballé le cadavre hors de son sac mortuaire, elle entreprend de le caresser et de l’embrasser, peu soucieuse de la matière gluante en décomposition qui le recouvre, et ne nous laissant pas de doute sur la suite de ses intentions. Dès qu’elle fait l’amour au macchabée, Jörg Buttgereit recours une nouvelle fois aux hideux effets de ralenti vidéo du film précédent, qui n’ont pas plus d’intérêt esthétique que dramatique. Mais au-delà de l’effet répulsif recherché, cette séquence présente une nouveauté qui justifie la démarche du cinéaste : Monika n’est pas du tout satisfaite par cette séance de nécrophilie. Dégoûtée, elle se réfugie même dans les toilettes. Incapable d’être satisfaite sexuellement par ce fantasme morbide, elle tente alors de mener une vie amoureuse normale auprès d’un jeune homme qu’elle a rencontré au cinéma, le sympathique Mark (Mark Reeder), dont le métier n’est pas banal pour autant : il est doubleur de films pornographiques !

La mort dans la peau

Dès lors, le film s’attarde sur des saynètes en caméra libre décrivant la romance naïve (à la fête foraine, au parc, au zoo) qui s’installe entre Monika et Mark. Malgré le caractère candide de ces séquences, Monika n’a visiblement pas réglé tous ses comptes avec ses envies de cadavres. Lorsqu’elle fait ses adieux déchirants au corps qu’elle a dérobé, le découpant en morceaux dans sa baignoire tandis que la bande originale tente la reprise d’un prélude de Bach, c’est pour finalement décider de conserver sa tête coupée et ses parties génitales. Quand plus tard elle fera l’amour à Mark, le montage alternera furtivement des images du cadavre à la place de son petit ami dans le lit. On sent bien que cette histoire va s’achever dans un bain de sang… Mais avant ce climax extrêmement brutal, Buttgereit prouve qu’il a aussi beaucoup d’humour, concoctant une parodie d’un film d’auteur européen en noir et blanc que va voir notre couple au cinéma (dans lequel un homme et une femme nus avalent des dizaines d’œufs en discutant ornithologie) ou une sorte de vidéoclip sirupeux autour d’une chanson en français qui évoque la putréfaction. Plus encore que Nekromantik, Nekromantik 2 aura de sérieux problèmes avec la censure. Accusé de glorifier la violence, le film est saisi par la police de Berlin en juin 1991 et Buttgereit mis au pilori. Il faudra attendre l’intervention d’un éminent expert en cinéma, prouvant la démarche artistique du réalisateur, pour que cette confiscation prenne fin. Entretemps, le film aura gagné ses galons d’œuvre culte auprès d’une communauté de fans irréductibles.

 

© Gilles Penso


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PREHYSTERIA 3 : LES DINOSAURES ENCHANTÉS AU GOLF (1995)

Les dinosaures miniatures qui surfaient jadis sur le succès de Jurassic Park jouent à la baballe le temps d’une dernière aventure anecdotique…

PREHYSTERIA 3

 

1995 – USA

 

Réalisé par David DeCoteau

 

Avec Whitney Anderson, Owen Bush, Dave Buzzotta, Thomas Emery Dennis, John Fujioka, Matt Letscher, Pam Matteson, Michael R. Thayer, Bruce Weitz, Fred Willard

 

THEMA DINOSAURES I SAGA CHARLES BAND I PREHYSTERIA

Le producteur Charles Band n’est pas du genre à passer à côté d’un filon susceptible de faire entrer quelques dollars dans les tiroir-caisse. Après le succès en vidéoclub du sympathique premier Prehysteria, surfant habilement sur la « dinomania » provoquée par Jurassic Park, un second opus sans grand intérêt était venu alimenter les bacs sous la direction peu inspirée d’Albert Band. Les ventes baissèrent considérablement, certes, mais il y avait sans doute encore un peu de miettes à ramasser. Et surtout, il était temps d’exploiter une dernière fois les marionnettes de dinosaures en latex avant qu’elles ne se détériorent complètement et deviennent inutilisables. Voici donc Prehysteria 3 (titré Les Dinosaures enchantés au golf pour sa sortie en vidéocassette en France). Cette fois-ci, aucun des Band (père ou fils) n’assure la mise en scène, qui est confiée à David DeCoteau. Familier des productions Band mais plutôt porté sur l’horreur à forte connotation érotique que sur l’aventure fantastique pour enfants (Dreamaniac, Creepozoids, Les Créatures de l’au-delà), DeCoteau accepte la mission à condition de signer le film avec un pseudonyme. Prehysteria 3 est donc officiellement réalisé par un certain Julian Breen.

Seul lien humain avec le film précédent, le vénérable monsieur Cranston (Owen Bush) trimballe les cinq petits dinosaures dans son camion rempli de caisses de raisins secs (apparemment le péché mignon des sauriens miniatures) et tombe en panne à l’entrée d’un terrain de golf. Le brachiosaure Paula, le chasmosaure Hammer, le tyrannosaure Elvis, le stégosaure Jagger et le ptéranodon Madonna en profitent pour prendre la poudre d’escampette. Plus blagueurs et anthropomorphes que jamais (il ne leur manque plus que la parole !), les mini-dinos viennent en aide à Ella MacGregor (Whitney Anderson), une gamine amoureuse de la culture écossaise qui rêve de remettre à neuf le terrain de mini-golf de son jardin, transformé en décharge publique, et qui doit lutter contre les manigances de son oncle Hal (Bruce Weitz), déterminé à s’emparer du terrain par tous les moyens afin de créer un gigantesque complexe de golf professionnel.

La guerre du golf

Honnêtement, cette histoire de golf et de mini-golf nous indiffère au plus haut point, d’autant que les problèmes des héros sont réglés dès le milieu du film, la suite du scénario s’évertuant alors à inventer toutes sortes d’obstacles artificiels pour relancer l’intrigue et atteindre les 90 minutes de métrage. Certes, la mise en scène s’avère mieux maîtrisée que dans le film précédent. Le rythme est plus resserré, la photo plus soignée et la musique plus habilement utilisée. Quelques seconds couteaux charismatiques pointent même le bout de leur nez dans le film, comme Bruce Weitz (pilier de la série Hill Street Blues), John Fujioka (American Warrior, Mortal Kombat) ou Bill Moseley (The Devil’s Rejects). Le scénario co-écrit par Michael Davis et Neil Ruttenberg s’octroie au passage une série de clins d’œil cinéphiliques plus ou moins surprenants (Godzilla et Les Flintstones, mais aussi Marathon Man, JFK et Apocalypse Now !). Plus figés que jamais, les dinosaures se contentent de mouvements mécaniques extrêmement limités (hochements de tête, ouvertures de gueules, remuages de queues) et n’interviennent donc dans aucune séquence mémorable. Ils pourraient d’ailleurs disparaître du film sans incidence majeure sur le déroulement des événements. Après ce Prehysteria 3, les cinq petites bêtes seront rangées dans un placard pour une retraite bien méritée.

 

© Gilles Penso


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BARB WIRE (1996)

Pamela Anderson joue une mercenaire dure à cuire à la gâchette facile dans cette adaptation ratée d’une bande-dessinée de SF…

BARB WIRE

 

1996 – USA

 

Réalisé par David Hogan

 

Avec Pamela Anderson, Temuera Morrison, Victoria Rowell, Jack Noseworthy, Xander Berkeley, Udo Kier, Steve Railsback, Mary Anna Reyes, Andre Rosey Brown

 

THEMA FUTUR

Créé par Chris Warner et l’équipe de Comics Greatest Worlds (un label de Dark Horse Comics), le personnage de Barb Wire fait sa première apparition sur papier en 1993 puis a droit à sa propre série le temps de neuf numéros publiés entre 1994 et 1995. Cette héroïne experte en combats et en armes en tous genres vit des aventures mouvementées dans un monde alternatif où les super-pouvoirs, les technologies science-fictionnelles et les entités extra-terrestres sont monnaie courante. Les scénaristes Ilene Chaiken (Le Prince de Bel-Air) et Chuck Pfarrer (Darkman, Chasse à l’homme) s’emparent de ce matériau prometteur pour l’adapter à l’écran. Revu de fond en comble, l’univers des aventures de Barb Wire est désormais futuriste, les éléments surnaturels ou trop fantastiques ayant été quant à eux largement revus à la baisse. Bizarrement, le scénario présente en filigrane de très nombreuses similitudes avec celui du Casablanca de Michael Curtiz (avec Pamela Anderson à la place d’Humphrey Bogart !). Réalisateur d’une tonne de clips musicaux pour des artistes aussi divers que Toto, Survivor, Diana Ross, Prince, Rod Stewart, Kylie Minogue, Earth Wind & Fire ou Sheryl Crow, David Hogan se voit confier la mise en scène de Barb Wire. Ce sera son premier long-métrage.

Nous sommes en 2017, soit environ dix ans dans le futur. Encore auréolée du succès de la série Alerte à Malibu qui l’a muée en icône sexy s’exhibant en maillot de bain sur les petits écrans du monde entier, Pamela Anderson incarne Barbara Kopetski, alias Barb Wire, mercenaire et chasseuse de prime qui vend ses services aux plus offrants. Lorsqu’elle ne joue pas de la gâchette, elle dirige le Hammerhead, une boîte de nuit de Steel Harbor, la dernière ville encore libre dans ces Etats-Unis futuristes ravagés par la seconde guerre civile de son histoire. Or un beau jour débarque Axel (Temuera Morrison), un « combattant de la liberté » dont Barb fut jadis amoureuse et qui vient réclamer son aide. Il s’est en effet fixé pour mission d’aider la résistante Cora (Victoria Rowell) à rejoindre le Canada. Cette dernière semble la seule capable de contrecarrer les plans diaboliques du gouvernement qui entend bien utiliser une redoutable arme bactériologique pour mettre fin à la guerre…

Barb nous barbe

Fort du budget de 9 millions de dollars mis à sa disposition, David Hogan multiplie à loisir les fusillades, les cascades et les explosions pour en mettre plein la vue au public. Mais cette cosmétique de film d’action nerveux et violent (qui lorgne vers son climax du côté de Mad Max) reste très superficielle. Sans charme, sans style, sans véritable dynamique, Barb Wire souffre en outre de son incapacité à intéresser les spectateurs à son intrigue nébuleuse, entravée par des enjeux dramatiques mous et une héroïne finalement très peu sympathique. A trop vouloir jouer les dures à cuire, Pamela Anderson nous indiffère. Lucide, le réalisateur mise plus sur la profondeur du décolleté de l’actrice que sur la finesse de son interprétation. En désespoir de cause, la star aguiche comme elle peut les spectateurs en enfilant toutes les tenues sexy qui passent à sa portée, jouant tour à tour les strip-teaseuses dégoulinantes, les prostituées en corset ou les baigneuses en monokini mousseux. C’est sympathique mais bien peu mémorable. Pour assumer ses emprunts au film noir, le film sollicite la voix off de la comédienne qui vient inutilement paraphraser ce qui se passe à l’écran, tandis qu’Udo Kier et Temuera Morrison gâchent leur charisme en jouant les faire-valoir d’arrière-plan. Certains mauvais films prennent de la patine avec l’âge. Celui-ci, hélas, n’a pris que de la poussière. L’échec cuisant du film au box-office a d’ailleurs provoqué l’arrêt de la publication du comics original. Et si Barb Wire a finalement atteint cette petite notoriété « culte » à laquelle il tenait tant, c’est surtout au regard de sa spectaculaire médiocrité.

 

© Gilles Penso


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POSSESSED (2009)

Une étudiante enquête sur la disparition inexpliquée de sa sœur cadette et plonge progressivement dans un cauchemar inexplicable…

BOOL-SIN-JI-OK

 

2009 – CORÉE DU SUD

 

Réalisé par Lee Yong-Joo

 

Avec Young-nam Jang, Bo-yeon Kim, Chang-jik Lee, Hee-Kyung Moon, Sang-mi Nam, Ji-eun Oh, Seung-ryong Ryu

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS

La production fantastique coréenne est foisonnante et se distingue généralement par des films bénéficiant d’extraordinaires qualités artistiques. Possessed ne déroge pas à la règle, orné d’une photographie somptueuse, de décors chargés d’atmosphère et d’une bande originale très envoûtante. Cette patine impeccable témoigne d’un savoir-faire évident de la part du jeune réalisateur Lee Yong-ju et permet d’entrer de plain-pied dans cette sombre histoire de possession. C’est à travers le regard de l’étudiante Hee-jin (incarnée par la magnifique Nam Sang-mi) que le drame nous est narré. Un jour, la jeune fille reçoit un appel de sa mère lui apprenant la disparition soudaine de sa sœur cadette So-jin (étonnante Shim Eun-kyung). Un inspecteur de police (Ryoo Seung-yong, la trogne patibulaire et le regard las) se rend à leur domicile et conclut à une simple fugue. Mais Hee-jin est persuadée que les choses sont moins « banales » que le fonctionnaire veut bien le croire, d’autant que le quartier est frappé d’une soudaine vague de suicides et de morts brutales. Envers et contre tous, elle décide de mener sa propre enquête.

Le climat d’angoisse et d’inconfort dans lequel nous plonge Lee Yong-ju dès les premières minutes contribue beaucoup à l’efficacité du film et au conditionnement psychologique du spectateur. Dès lors, le moindre détail insolite nous saute aux yeux, le cinéaste se complaisant dans la construction de séquences d’hallucinations à mi-chemin entre le surréalisme, l’horreur et le burlesque, quelque part entre David Lynch et Takashi Miike. Témoin l’apparition insolite d’un héron en quête de dents arrachées dans un jardin, ou la vision cauchemardesque de cet homme obèse assis sur notre héroïne et la grattant avec une frénésie décuplée par des effets sonores stressants ! Lee Yong-ju ne néglige pas non plus les chocs sensoriels propices aux bonds systématiques des spectateurs sur leurs sièges. Mais pour que Possessed marque vraiment les mémoires, il eut fallu que ce matériau qualitatif se mette au service d’un récit plus rigoureux. Or ici, la confusion progressive des péripéties et l’absence opiniâtre d’explications finissent par susciter la frustration.

« L’enfer des non-croyants »

C’est d’autant plus regrettable que le cœur du récit, autrement dit l’opposition des différents courants de pensée religieux au sein d’un quartier pauvre et populaire, proposait matière à d’intéressants développements psychologiques et sociaux. Le titre original Bulshin Jiok pourrait d’ailleurs se traduire par « l’enfer des non-croyants », ce qui, avouons-le, témoigne d’une touche d’originalité rafraîchissante par rapport au très convenu Possessed choisi pour la distribution internationale. Car sous ses atours horrifiques, le film de Lee Yong-ju est surtout la métaphore d’une enfance sacrifiée sur l’autel du fanatisme religieux, prise entre les feux du christianisme et du paganisme. Or le récit s’éparpille, effectue quelques écarts excessifs (l’homme qui meurt au milieu d’hectolitres de vomi !) mais ne résout pas les conflits qu’il se contente de placer sous le feu des projecteurs. Possessed fait pourtant partie de ces œuvres qui valent un petit détour pour les fulgurances rares mais intenses qui le ponctuent.

 

© Gilles Penso


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TAXANDRIA (1995)

Raoul Servais mêle l’animation et les prises de vues réelles à l’occasion d’un premier long-métrage graphiquement très audacieux…

TAXANDRIA

 

1995 – BELGIQUE / ALLEMAGNE / FRANCE

 

Réalisé par Raoul Servais

 

Avec Armin Mueller-Stahl, Richard Kattan, Elliott Spiers, Katja Studt, Chris Campion, Daniel Emilfork

 

THEMA CONTES

Au milieu des années 90, Taxandria était attendu avec une certaine impatience mêlée de curiosité. En effet, son réalisateur, Raoul Servais, talentueux artisan belge porté sur le fantastique et l’animation, signait là son premier long métrage, après une dizaine d’œuvres courtes dont un très remarqué Harpya mariant les prises de vues réelles aux éléments animés. De plus, le projet Taxandria, visant à l’époque à porter à son plus haut degré technique et esthétique le mélange entre acteurs réels et décors animés, était né à la fin des années 70, et devait son aboutissement à des années d’écriture, de préparation, de tournage, de post-production, d’effets spéciaux et de finitions. Certains dessins de François Schuiten, concepteur graphique du film, et les premiers extraits, très alléchants, s’étaient mis à circuler très en avance et au compte-goutte, attisant efficacement une légitime attente. Hélas ! Là où l’on attendait une véritable cathédrale, on ne trouve qu’une modeste cabane, de fort honnête facture, distillant un charme indéniable, certes, mais n’atteignant en aucun cas l’ampleur imaginée.

Et, de ce fait, Taxandria passa complètement inaperçu, ce qui est fort regrettable au regard des efforts perfectionnistes de Raoul Servais. Taxandria est le nom d’une ville soumise à un régime dictatorial par le régent Virgilius (Armin Mueller-Stahl), une ville dans laquelle le temps n’existe pas et où les machines sont bannies, une ville où, bien entendu, un grain de sable viendra un jour enrayer les rouages. Cet élément perturbateur involontaire est le jeune Aimé (Elliott Spiers), qui tombe amoureux de la princesse Ailée (Katja Studt) et tente de s’enfuir avec elle hors de la ville… Cette histoire singulière est contée par Karol (qu’interprète également Mueller-Stahl), un gardien de phare entouré d’oiseaux, à Jan (Richard Kattan), un tout jeune prince venu hors saison dans une cité balnéaire pour étudier sous la tutelle d’un vieux percepteur.

Surréalisme

Il serait injuste de ne pas louer la double réussite technique et esthétique du film, cette association de comédiens en chair et en os et de décors dessinés exhalant une beauté surréaliste. On se croirait revenu à l’époque des films tchèques de Karel Zeman, comme L’Invention diabolique dans lequel les héros se promenaient dans un univers de gravures animées directement inspirées des illustrations des romans de Jules Verne. Où donc le bât blesse-t-il dans Taxandria ? Du côté des personnages d’abord, dont la caractérisation évasive et les motivations guère définies ne facilitent pas le processus d’identification. Du côté de l’intrigue ensuite, mêlant peu adroitement la réalité et le rêve sans tisser de lien vraiment justifié entre ces deux univers apparemment parallèles. Du côté du rythme enfin, les longueurs et les piétinements du récit émoussant progressivement l’intérêt du spectateur. C’est trois fois dommage, car l’originalité de la démarche de Servais et la beauté visuelle du résultat auraient pu, servies par une écriture plus rigoureuse, muer cette œuvrette en pur joyau.

 

© Gilles Penso


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HISTOIRES DE FANTÔMES CHINOIS (1987)

De la romance, des spectres, des combats en apesanteur, de l’humour et des chansons sont au menu de ce cocktail délirant made in Hong-Kong…

A CHINESE GHOST STORY / CH’IEN-NU YU-HUN

 

1987 – HONG-KONG

 

Réalisé par Ching Siu-Tung

 

Avec Leslie Cheung, Joey Wong, Wu Ma, Wai Lam, Siu-Ming Lau, Zhilun Xue, Jing Wong, David Wu, Ha Huang, Yau Cheung Yeung, Mei-Yee Sze

 

THEMA FANTÔMES I SAGA HISTOIRES DE FANTÔMES CHINOIS

À partir de la fin des années 70, Tsui Hark ravale spectaculairement la façade du cinéma de Hong-Kong à travers des films aussi marquants que The Butterfly Murders (1979), Histoire de cannibales (1980), L’Enfer des armes (1980) ou encore Zu, les guerriers de la montagne magique (1983). En 1986, il devient producteur de John Woo à l’occasion du Syndicat du crime et prépare dans la foulée Histoires de fantômes chinois. Ce dernier projet, en développement depuis quasiment une décennie, adapte librement la nouvelle « L’étui merveilleux » issue du recueil « Histoires étranges » de Pu Songling publié au XVIIème siècle. L’autre source d’inspiration d’Histoires de fantômes chinois est le conte fantastique L’Ombre enchanteresse réalisé en 1960 par Han Hsiang Li, dont il reprend la trame principale et plusieurs éléments scénaristiques. La réalisation du film est confiée à Ching Siu-tung, grand spécialiste des cascades, des chorégraphies de combat et des séquences d’action, qui signe ainsi son troisième long-métrage en tant que metteur en scène après Duel to the Death et Qi yuan. Avec un tel homme derrière la caméra, le résultat s’annonce grandiose et ébouriffant.

Histoires de fantômes chinois s’intéresse à Lin Choi San, un jeune homme sans le sou qui tente de gagner chichement sa vie en collectant les impôts à travers les villages ruraux. Ce garçon timide et maladroit est incarné par Leslie Cheung, familier des productions Tsui Hark (Le Syndicat du crime I et II) et également chanteur à succès (c’est d’ailleurs lui qui interprète le générique du film). Alors qu’il trouve refuge dans un monastère sinistre, Lin rencontre un moine très étrange (Wu Ma), aussi adroit à l’épée que prompt à détruire les spectres. Inconscient du danger qui plane au-dessus de lui, Lin tombe amoureux d’une adorable jeune femme, Lip Siu Sin, incarnée par la toute belle Joey Wong (ancienne basketteuse professionnelle et mannequin reconvertie à la comédie). Mais sous cette apparence séduisante se dissimule un fantôme redoutable qui séduit les hommes pour les livrer ensuite en pâture à sa démoniaque matrone. Attendrie par l’innocence et la pureté de Lin, elle tombe à son tour amoureuse du garçon et décide de le protéger. Or les forces du mal rôdent dans les bois et elle-même est promise au monstrueux Seigneur Noir…

« Poyé Polomi ! »

Moine taoïste adepte des arts martiaux et des incantations explosives (« Poyé Polomi ! »), fantômes féminins, entités démoniaques, monstres multiformes, langues géantes, têtes flottantes, sabres volants, tentacules et murs hérissés de bras hantent ce film hallucinant dont l’une des particularités est de faire régulièrement défier à ses personnages les lois de la pesanteur. Loin des canons esthétiques du cinéma fantastique hollywoodien, Hong-Kong montrait alors à la face du monde la richesse et la folie de son folklore avec une énergie rafraîchissante. Pour autant, Histoires de fantômes chinois ne rechigne pas à citer ses sources occidentales. Il est par exemple difficile de ne pas penser à Evil Dead face à cette caméra qui rampe dans la forêt, cette cabane dans les bois, ces cadavres desséchés animés en stop-motion, ces arbres qui s’animent pour attaquer les vivants, cette forêt nocturne embrumée, ces monstres dans la cave ou ce livre d’incantations. Mais la manière inédite dont Tsui Hark et Ching Siu-Tung réinventent cette imagerie fait toute la différence. Comment ne pas se laisser séduire par la beauté étourdissante de Joey Wong et la candeur irrésistible de Leslie Cheung ? Comment ne pas s’enthousiasmer face à cette aventure fantasmagorique truffée de trouvailles visuelles et d’idées originales qui ose sans cesse le grand écart entre la romance, la comédie, le kung-fu et l’épouvante ? Prix spécial du jury au Festival international du film fantastique d’Avoriaz 1988, Histoires de fantômes chinois fit de nombreux émules et donna naissance à une véritable franchise (plusieurs longs-métrages et une série animée).

 

© Gilles Penso


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LE FANTÔME DE L’OPÉRA (1990)

Charles Dance incarne le célèbre Fantôme dans cette prestigieuse adaptation télévisée agrémentée d’un casting international…

THE PHANTOM OF THE OPERA

 

1990 – USA

 

Réalisé par Tony Richardson

 

Avec Burt Lancaster, Adam Storke, Teri Polo, Charles Dance, Ian Richardson, Andréa Ferréol, Jean-Pierre Cassel

 

THEMA SUPER-VILAINS

A l’origine de ce téléfilm conçu pour la chaîne NBC, l’auteur Arthur Kopit envisageait au départ un spectacle musical qu’il commença à écrire dans les années 80. Son idée était de développer l’aspect romantique du héros, au détriment de l’horreur, et d’utiliser de nombreux morceaux musicaux puisés dans le répertoire classique. C’est alors qu’Andrew Lloyd Webber lança son propre spectacle adapté du roman de Gaston Leroux, rendant caduque celui de Kopit. Pour ne pas abandonner son scénario et son approche, ce dernier se tourna alors vers la télévision. Son livret, riche et abondant, se transforma ainsi en téléfilm de trois heures, produit aux États-Unis et enrichi d’un casting international de très haut niveau. À contre-courant du caractère gore de la version réalisée l’année précédente par Dwight Little, ce Fantôme de l’Opéra suggère l’horreur au lieu de la montrer et prône un traitement de l’épouvante « à l’ancienne ». C’est aussi la première de toutes les adaptations à utiliser le véritable Opéra Garnier comme décor naturel.

Nouvellement nommé directeur de l’Opéra de Paris, le très snob Cholet (Ian Richardson) ne tient aucun compte des révélations de son prédécesseur, le vieux Gérard Carrière (Burt Lancaster), à propos de l’existence d’un fantôme qui hanterait le labyrinthe souterrain de l’Opéra. Le téléfilm reprend ainsi du roman l’idée de la passation de pouvoir au sein du prestigieux établissement et des instructions – non respectées – passées d’une direction à l’autre (si ce n’est que chez Leroux les directeurs allaient par paires). Campé par le très charismatique Charles Dance, le Fantôme apparaît très tôt à l’écran. Son masque élégant imite quelque peu les traits du comédien, et de fait le spectateur le reconnaît presque sous ce visage rigide et blafard. Petite nouveauté par rapport à ses prédécesseurs, il a pour habitude de porter plusieurs masques emboîtés les uns aux autres. Celui qui ne le quitte jamais est le plus sobre. Les autres semblent témoigner extérieurement de ses états d’âme. Plus ou moins sombres, plus ou moins grimaçants, ils varient du clown triste au démon agressif. Comme dans le Batman de Tim Burton, l’acteur a les yeux maquillés en noir pour que son regard ressorte mieux sous le masque. Mais au début du métrage, sa présence est la plupart du temps suggérée par sa main gantée de blanc entrant dans le champ à l’avant-plan.

La voix du maestro

L’un des atouts majeurs de ce long téléfilm est la qualité de son interprétation et de son écriture. Ainsi, malgré une mise en scène un peu anonyme et un formatage pour le petit écran (avec une coupure publicitaire toutes les dix minutes), cette adaptation occupe largement le dessus du panier, assortie de surcroit d’une très belle bande originale signée John Addison. Certes, on aurait aimé que la première rencontre entre Christine et le Fantôme, qui survient au bout d’une demi-heure de métrage, soit servie par un découpage plus inventif et plus atmosphérique que ces simples champs et contre-champs dignes d’une pièce de théâtre filmée. De même, les leçons de musique ne se déroulent pas par cloison interposée, comme dans le roman où la voix du Fantôme semblait surgir de l’au-delà, mais simplement côte à côte, comme dans un très classique salon de musique. D’ailleurs, la belle n’appelle plus son mentor « La Voix » ou « L’Ange de la musique » mais simplement « maestro ». A force de nous être montré sous un jour humain, le Fantôme perd rapidement toute aura mystérieuse ou surnaturelle. Il faut sans doute attribuer ce parti pris à l’origine du projet, qui visait d’abord à se concrétiser sous forme d’une comédie musicale renforçant le caractère romantique et sentimental du récit. Accueilli avec enthousiasme, le téléfilm de Tony Richardson remporte deux Emmy Awards ainsi que deux nominations aux Golden Globe Awards.

 

© Gilles Penso


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UN BAQUET DE SANG (1959)

Dick Miller incarne un artiste raté qui se transforme en assassin compulsif dans cette comédie horrifique signée Roger Corman…

A BUCKET OF BLOOD

 

1959 – USA

 

Réalisé par Roger Corman

 

Avec Dick Miller, Barboura Morris, Anthony Carbone, Julian Burton, Ed Nelson, John Brinkley, John Herman Shaner, Judy Bamber, Myrtle Vail, Bert Convy, Jhean Burton

 

THEMA TUEURS

Moins connu que La Petite boutique des horreurs, qu’il précéda d’un an dans la filmographie de Roger Corman, Un baquet de sang le surpasse pourtant sur bien des points dans le domaine de l’humour noir, offrant à Dick Miller l’un des meilleurs rôles de sa carrière. Occupant la tête d’affiche pour la première – et seule – fois de sa carrière, le futur Murray Futterman de Gremlins incarne ici Walter Paisley, le serveur d’un café à la mode peuplé de poètes illuminés déclamant des textes nébuleux, de chanteurs folks poussant des chansonnettes sinistres, de junkies somnolant sur les tables et de policiers infiltrés. Introverti, maladroit et terriblement timide, Walter aimerait séduire sa collègue Carla et ne plus subir les humiliations de son patron autoritaire. Pour y parvenir, une option semble s’offrir à lui : devenir un artiste, seul statut susceptible de l’arracher à sa triste condition subalterne. Il s’essaye donc à la sculpture, sans grand succès. Un soir, il tue accidentellement un chat dans sa modeste mansarde, et l’idée de le recouvrir d’argile lui vient à l’esprit. Le lendemain, il présente sa « sculpture » à son entourage proche qui s’extasie face au rendu hyperréaliste de son œuvre et érige aussitôt Walter en artiste génial et méconnu. Bien vite, on lui réclame une nouvelle sculpture, et Walter décide cette fois de s’attaquer à un modèle humain…

Un baquet de sang est un film de commande, que Roger Corman n’accepta qu’à condition de pouvoir y injecter des éléments de comédie. Avec un budget de moins de 50 000 dollars et un planning de tournage limité à cinq jours, le cinéaste fait des merveilles, soignant tout particulièrement son montage et ses prises de vues, dirigeant avec une bonne humeur communicative sa petite troupe de comédiens, et optant pour une bande originale jazzy du plus bel effet composée par Fred Katz. Ayant longtemps écumé les « coffee shops » branchés du Sunset Strip, Corman et son scénariste Charles B. Griffith se livrent à une satire savoureuse de l’esprit beatnik de l’époque. Pour autant, Un baquet de sang n’opte pas pour un ton unilatéralement comique. Le drame et l’épouvante s’y mêlent en un harmonieux cocktail.

« Cet homme connaît bien son anatomie »

De toute évidence, la référence principale du film est L’Homme au masque de cire d’André de Toth, dont on retrouve ici de nombreux éléments scénaristiques. Corman et Griffith ne s’en cachent pas, réutilisant même une réplique du classique de 1953 : « Cet homme connaît bien son anatomie ». D’ailleurs, le réalisateur sollicitera dès l’année suivante Vincent Price pour en faire l’un de ses comédiens fétiches à l’occasion de La Chute de la maison Usher, premier opus d’une série de flamboyantes adaptations d’Edgar Poe. Poe, dont l’influence est déjà présente dans Un baquet de sang, à travers cette scène du chat coincé derrière la paroi d’un appartement et poussant des miaulements lugubres. Dick Miller deviendra par la suite l’un des seconds rôles favoris de Roger Corman et Joe Dante, ses personnages reprenant parfois même le nom de Walter Paisley en hommage au Baquet de sang (notamment dans Hollywood Boulevard, Hurlements et La Quatrième dimension).


© Gilles Penso


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