CURTAINS, L’ULTIME CAUCHEMAR (1983)

Six actrices réunies dans un manoir pour une session de casting sont assassinées l’une après l’autre par un meurtrier masqué…

CURTAINS

 

1983 – CANADA

 

Réalisé par Richard Ciupka

 

Avec Samantha Eggar, John Vernon, Linda Thorson, Anne Ditchburn, Lynne Griffin,Sandee Currie, Lesleh Donaldson, Deborah Burgess, Michael Wincott

 

THEMA TUEURS

Après le succès du Bal de l’horreur, le producteur Peter Simpson cherche à réitérer l’exploit avec un nouveau slasher à fort potentiel. L’idée germe lors d’une discussion avec le scénariste Robert Guza Jr. : un thriller centré sur des actrices assassinées une à une pendant des auditions dans un manoir isolé de la Nouvelle-Angleterre. Contrairement aux nombreux films d’horreur de l’époque, Simpson souhaite viser un public adulte et s’éloigner de la formule du Monstre du train, par exemple. Pour la mise en scène, il mise sur Richard Ciupka, directeur de la photographie prometteur, fraîchement sorti du tournage d’Atlantic City de Louis Malle. Ciupka est séduit par le projet et y voit l’occasion de créer un film d’horreur influencé par les giallos italiens, avec un style plus européen que nord-américain. Mais la production finit par virer au cauchemar. Entre le ton voulu par Ciupka et la vision plus directe et plus commerciale qu’envisage Simpson, les tensions s’accumulent. Le conflit culmine avec le départ de Ciupka, qui renonce au projet avant la fin du tournage. Simpson reprend alors les rênes, orchestre des réécritures et supervise de nombreux tournages additionnels. Résultat : le film met près de deux ans à voir le jour. En désaccord profond avec le résultat final, Ciupka demandera à être crédité sous un pseudonyme. Voilà pourquoi Curtains est signé par un certain Jonathan Stryker – nom du personnage central du film !

C’est le vétéran John Vernon (L’Inspecteur Harry, American College) qui incarne ce fameux Jonathan Stryker, metteur en scène de renom qui collabore depuis longtemps avec la comédienne Samantha Sherwood (Samantha Eggar, l’héroïne de Chromosome 3). Étant donné qu’elle l’a accompagné sur tous ses plus grands succès, elle est certaine d’obtenir le rôle-titre de son nouveau projet, Audra. Stryker l’encourage dans cette idée, mais lui demande d’abord d’« approfondir son personnage ». Puisqu’Audra est une malade mentale, pourquoi ne se ferait-elle pas provisoirement interner dans un hôpital psychiatrique pour vivre pleinement ce que vivra l’héroïne ? Samantha accepte, sans imaginer une seule seconde qu’il compte l’y abandonner. Pendant ce temps, il convoque six jeunes actrices aux profils variés pour auditionner à sa place. Mais Samantha finit par s’échapper et retourne au vieux manoir isolé où ont lieu les auditions. Or les candidates disparaissent une à une, massacrées par un assassin qui se cache sous un masque de vieille sorcière. Qui est responsable des disparitions des jeunes prétendantes ? Samantha, dévorée par la vengeance ? Stryker, manipulateur jusqu’au bout ? Ou bien l’une des actrices, prête à tout pour décrocher le rôle ?

Casting sanglant

La suspension d’incrédulité des spectateurs est mise à mal dès les premières minutes du film. Comment croire à la motivation de cette actrice qui se fait interner volontairement au nom de la « méthode », à cette machination invraisemblable fomentée par son metteur en scène, ou encore à cette ridicule et interminable scène de fausse agression qui persiste à démontrer que les comportements des personnages n’ont pas la moindre cohérence ? Le tiraillement à l’origine des conflits survenus en coulisses du film est très perceptible à travers son grand écart permanent entre les codes du slasher post-Halloween et ceux du giallo. Entre deux meurtres routiniers (agrémentés de visions surréalistes à la limite de la parodie involontaire, comme l’assassin masqué en vieille femme qui avance vers une de ses victimes en glissant sur des patins à glace, une faucille à la main !), l’ombre de Mario Bava et Dario Argento plane sur le film. D’où la présence de cette poupée angoissante, ces mains gantées qui saisissent les victimes ou ce dernier acte qui semble vouloir payer son tribut à Six femmes pour l’assassin avec ses mannequins en plastique et ses éclairages rouges et bleus. Au-delà de ses « crises d’identité, Curtains souffre d’un problème de gestion du rythme, s’encombrant de scènes inutiles qui trainent en longueur (la fille qui fait du patin, celle qui danse). Au détour du casting, les spectateurs avisés reconnaîtront Linda Thorson, la Tara King de Chapeau melon et bottes de cuir, ainsi qu’un Michael Wincott débutant, le futur salaud mémorable de The Crow, 1492 et Strange Days se contentant ici d’une apparition éclair.

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

BLANCHE NEIGE (2025)

Un énième remake « live » d’un classique de Disney dont chacun des choix artistiques est une énorme erreur qui précipita sa chute au box-office…

SNOW WHITE

 

2025 – USA

 

Réalisé par Marc Webb

 

Avec Rachel Zegler, Gal Gadot, Emilia Faucher, Andrew Burnap, Ansu Kabia, Andrew Barth Feldman, Tituss Burgess, Martin Klebba, Jason Kravits

 

THEMA CONTES

Marc Webb ne nous avait pas particulièrement convaincus avec son diptyque The Amazing Spider-Man. Mais à sa décharge, comment lutter contre la géniale trilogie de Sam Raimi ? Il échoue une nouvelle fois à nous séduire avec ce Blanche-Neige, qui s’avère être une véritable catastrophe artistique et industrielle. L’entrée en matière est déjà peu engageante : des animaux en image de synthèse dignes du siècle dernier, une voix off envahissante au ton exagérément mélancolique, un numéro musical médiocre filmé comme un spot publicitaire… Lorsque Gal Gadot entre en scène, les choses semblent s’améliorer, dans la mesure où la beauté envoûtante de l’ex-Wonder Woman nous ferait presque croire à ses pouvoirs surnaturels. Le choix de Rachel Zegler est beaucoup plus discutable, pas tant parce que c’est une actrice d’origine latino-américaine (décision tant décriée à l’époque de la sortie du film, qui semblait entrer en contradiction radicale avec les caractéristiques physiques intrinsèques d’un personnage nommé Blanche Neige), mais parce qu’elle n’a tout simplement pas l’étoffe du rôle. Sous la direction inspirée de Steven Spielberg, elle nous émouvait par sa candeur et sa fragilité dans la peau de la Maria de West Side Story. Mais au jeu du mimétisme avec son illustre ancêtre dessiné, la comédienne se prend hélas les pieds dans le tapis.

Cette erreur de casting n’est pourtant pas le problème principal du film de Marc Webb, dont le défaut majeur réside dans une consensualité poussée à l’extrême. Lorsque Walt Disney initiait le classique de 1937, il cassait les codes, repoussait les limites, prenait tous les risques : un pari jugé insensé, mais couronné de succès. Ce remake, au contraire, adopte une démarche diamétralement opposée : ne froisser personne, plaire à tout le monde, cocher toutes les cases imposées par un bureau de marketing, quitte à perdre toute audace créative. Soucieux d’afficher des valeurs de diversité et d’inclusion, le Blanche Neige de 2025 en oublie l’essentiel : proposer une œuvre originale, artistiquement ambitieuse, guidée par de vrais choix d’auteur. Las, c’est exactement l’inverse qui nous est servi.

Nain porte quoi !

Quand il ne se contente pas de singer platement son modèle animé (avec des costumes dignes d’un rayon déguisement et des effets visuels ratés), le film ajoute des chansons d’une mièvrerie confondante, refuse d’employer des acteurs de petite taille pour éviter toute stigmatisation (au prix de sept rôles supprimés, remplacés par des créatures numériques bas de gamme), et revendique fièrement son audace : Blanche-Neige ne sera pas blanche cette fois-ci. Ce geste politique mal assumé aurait pu rester anecdotique si l’actrice incarnait pleinement le personnage. Mais le film s’en empare comme d’un argument de vente, et se prend logiquement le retour de flamme (sans compter – mais c’est un autre débat – que la beauté de Rachel Zegler peine objectivement à rivaliser avec celle de Gal Gadot, pourtant enjeu majeur du scénario du film). Il y a fort à parier que si le public a boudé ce Blanche Neige revu et corrigé (dont le titre prend bien soin d’expurger les sept nains), ce n’est pas tant à cause de la couleur de peau de son héroïne que de l’indigence du projet lui-même, lequel achève de démontrer — encore plus que les laborieux Aladdin, Peter Pan et Wendy ou La Petite Sirène — à quel point l’industrialisation des remakes live-action des classiques de la maison de Mickey est une impasse artistique. L’audace du Walt Disney de 1937 nous semble aujourd’hui bien lointaine…

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

SINNERS (2025)

Deux frères jumeaux inaugurent un club de blues dans le Mississipi ségrégationniste des années 30, sans se douter qu’une nuit d’horreur les attend…

SINNERS

 

2025 – USA

 

Réalisé par Ryan Coogler

 

Avec Miles Caton, Saul Williams, Andrene Ward-Hammond, Jack O’Connell, Tenaj L. Jackson, Michael B. Jordan, Dave Maldonado, Aadyn Encalarde, Helena Hu

 

THEMA VAMPIRES

Révélé par la bombe indé Fruitvale Station, érigé au rang d’incontournable avec Creed et le dissident Black Panther, Ryan Coogler s’aventure ici sur les terres de Jordan Peele, mélangeant discours humaniste portant haut la culture noire et irruption d’un fantastique décomplexé. Dès les premières minutes, une guitare profonde à la Ry Cooder s’accorde et donne le ton : l’atmosphère s’annonce poisseuse comme une soirée d’été sudiste et la musique sera indissociable du propos. On parle évidemment de blues, déchirante complainte viscéralement liée à la souffrance des esclaves, transformée en chant gospel dans les églises, récupérée plus tard à leur compte par les Blancs sous le nom de rock n’ roll. En ces temps troublés, les Noirs ont peu d’options pour survivre, options habilement illustrées par les divers protagonistes : ramasser le coton dans les champs, expulser cathartiquement leurs malheurs en louant le Seigneur, ou devenir gangsters pour s’extirper d’un destin tout tracé. Chose rare dans le genre, la mise en place prend le temps de caractériser des seconds rôles attachants brassant les croyances, vaudou, chrétienne, asiatique ou indienne face aux suprémacistes Blancs, tous fascinés par le Dieu Argent.

Les enjeux s’entrelacent crescendo jusqu’à la fameuse inauguration du « juke joint » supposé devenir un havre de paix et de liberté pour la communauté noire, voyant un estomaquant plan-séquence convoquer les esprits passés, présents et futurs dans une transe musicale anachronique surpuissante (d’ores et déjà la scène indétrônable de l’année). Transe qui trouvera sa réponse antagoniste à travers une gigue irlandaise nocturne démente aux résonances inquiétantes. Défloré dès les premiers teasers du film, le virage fantastique s’amorce par le biais d’un malin retour aux sources du mythe : les suceurs de sang ne peuvent pas passer le seuil du club sans y être invités (arrangement scénaristique qui finit par poser question : pourquoi ne pas simplement mettre le feu au club pour pousser les proies à sortir ?). À ce stade du métrage, les influences se bousculent déjà beaucoup (John Carpenter, Stephen King, Walter Hill, Angel Heart, Aux frontières de l’aube ou Des hommes sans loi)…

From Blues ‘til Dawn

Cependant Coogler, visiblement peu passionné par l’argument horrifique, n’hésite pas à singer à outrance Une nuit en enfer dès l’affrontement attendu, pour ce qui s’avère être le segment le plus décevant : cadrée trop serrée, l’action devient mécanique, sombrant dans le déjà-vu (on préfèrera de loin le climax à l’aube en forme de massacre à la Peckinpah). Qu’importe, le fond demeure primordial : le pont entre le monde des vivants et des morts se construisant par le truchement de la musique, la communauté vampirique se mue en union païenne réunie par le blues au sein de laquelle les disparités n’existent plus, où un Noir et une Blanche peuvent s’aimer sans retenue, et où membres du Ku Klux Klan et esclaves dansent ensemble la sarabande autour d’un feu de joie. Critique acerbe de la religion et du pouvoir en place qui condamne hypocritement les libres pécheurs débridés en titre (toujours d’actualité) ou analogie avec l’appropriation/digestion de la culture afro-américaine ? Toujours est-il qu’un blockbuster avec une âme aussi vibrante ne se refuse pas en 2025. Alléluia !

 

© Julien Cassarino

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

PETRIFIED (2006)

Une momie d’origine extra-terrestre revient à la vie et s’introduit dans une clinique pour jeunes patientes atteintes de nymphomanie…

PETRIFIED

 

2006 – USA

 

Réalisé par Charles Band

 

Avec Roark Critchlow, Kimberly Dawn Guerrero, Kathryn Adams, Shirley Brener, Robert Buckley, Stephanie Gentry, Darrow Igus, Christopher Bergschneider

 

THEMA MOMIES I EXTRA-TERRESTRES I MAINS VIVANTES I SAGA CHARLES BAND

Si l’on excepte l’amusant The Creeps, qui réinventait plusieurs monstres du répertoire classique dans une version « demi-portion », Charles Band et ses productions Full Moon ne s’étaient encore jamais frottés au thème des momies. Petrified comble cette lacune en s’appuyant sur une idée qui fut soufflée à Band par Don Adams, l’un de ses anciens collaborateurs. Tourné en six jours, le film est partiellement financé par les fans, l’astucieux producteur ayant promis un statut de producteur exécutif à tous ceux qui participeraient aux frais dès un achat de 100 dollars parmi les nombreux produits proposés par la boutique Full Moon (posters, jouets, DVD et autres). Résultat : plus de 200 personnes sont créditées au poste de producteurs exécutifs dans le générique ! Pour concevoir la momie d’origine extra-terrestre (surnommée « mumlien » par l’équipe, contraction de « mummy » et « alien »), Band fait appel à son expert des effets spéciaux attitré depuis plusieurs années, Christopher Bergschneider. Ce dernier recycle un vieux costume de momie échappé d’une production précédente, y ajoute des bouts de tissus brillant et modifie sa tête et ses mains avec l’aide de son associé de l’époque Jeff Farley. Dans la foulée, grand amateur de Lon Chaney Jr., Bergschneider joue le monstre lui-même.

Lorsque Reggie Coscarella (Nick Stellate) et sa petite amie Lin Hooper (Elina Madison) sabotent une vente d’antiquités sur le marché noir, tout dérape. Le sang d’Eldridge (Darrow Igus, ex-Doctor Bones), le marchand assassiné, ranime accidentellement la relique qu’ils tentaient de vendre : une momie extraterrestre assoiffée de sang. Tandis que la créature s’échappe, Buzz York (Roark Critchlow) – agent des opérations spéciales du FBI – trouve refuge dans une étrange clinique spécialisée dans le traitement de la nymphomanie. Petrified commence donc très fort ! Sur place, Buzz fait la rencontre du très antipathique infirmier Garth (Tim Murphy), du fantasque Dr Horatio Von Gelder (Ozman Sirgood) – obsédé par le secret de la jeunesse éternelle – et de plusieurs patientes émoustillées par sa présence. Buzz temporise en attendant l’arrivée des renforts, autrement dit sa co-équipière Kate Shelly (Stephanie Gentry) et l’agent Tanner (Robert Buckley), qui se croient visiblement dans un épisode des X-Files. Mais l’accalmie est de courte durée, car la momie infiltre à son tour l’établissement, multipliant les victimes et provoquant la panique à tous les étages.

Bandages et débandades

La créature vedette est plutôt réussie : des dents acérées, des yeux noirs, un look original qui tranche agréablement avec les momies classiques. Son regard incandescent lui permet de pétrifier ses victimes – d’où le titre –, sans qu’on en comprenne vraiment l’intérêt, puisqu’elle passe le reste du temps à se nourrir du sang de ses autres victimes. Son mode opératoire reste donc assez confus. Pour ajouter à la folie ambiante, une main coupée appartenant à une autre momie se balade toute seule dans le décor et occis les malheureux qu’elle croise. Charles Band profite du décor improbable de cette clinique dédiée aux nymphomanes pour filmer la majorité de ses actrices en petites tenues, dans les positions les plus suggestives. Le monstre lui-même ne semble pas insensible aux charmes des demoiselles, se dissimulant dans les coins en grognant pour jouer les voyeurs. Les personnages de Petrified se révèlent tous plus stéréotypés les uns que les autres, les péripéties tournent en boucle et les situations frôlent souvent l’absurde, quand elles ne sombrent pas carrément dans l’incohérence. Car comme souvent chez Band, le concept de départ est drôle et prometteur, mais l’ensemble est bâclé, emballé à la va-vite pour pouvoir rapidement passer au film suivant sans trop dépenser d’argent.

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

PRIMEVAL (2007)

Un producteur de télévision et son caméraman s’enfoncent dans la jungle africaine à la recherche d’un redoutable crocodile mangeur d’hommes…

PRIMEVAL

 

2007 – USA

 

Réalisé par Michael Katleman

 

Avec Dominic Purcell, Orlando Jones, Brooke Langton, Jurgen Prochnow, Gideon Emery, Dumisani Mbebe, Gabriel Malema, Patrick Lyster, Linda Mpondo

 

THEMA REPTILES ET VOLATILES

Lorsque Primeval sort en 2007, les crocodiles tueurs semblent être les nouvelles stars des écrans. Entre les très efficace Solitaire et Black Water, le dispensable Lake Placid 2 et les ultra-cheaps Croc et Supercroc, les sauriens aux grandes dents ne manquent pas cette année-là. Malgré son titre, Primeval n’a donc aucun lien avec la série britannique homonyme diffusée la même année sur ITV mais nous propose lui aussi un croco qui a les crocs. Le scénario s’inspire librement d’une histoire vraie : celle de Gustave (ainsi nommé par l’herpétologue Patrice Faye), un redoutable crocodile du Nil de plus de six mètres de long et de près d’une tonne, accusé d’avoir tué des centaines de personnes en Afrique de l’est. Réalisé par Michael Katleman, dont c’est le tout premier long métrage après une carrière bien remplie à la télévision, le film est écrit par John Brancato et Michael Ferris, duo à l’origine de thrillers et de films d’action et de suspense à la qualité très variable comme The Game, Traque sur Internet, Terminator 3 ou Catwoman. À la croisée des genres, Primeval est un film de monstre croisé avec un thriller politique. Le projet ne manque pas d’ambition mais aura toutes les peines du monde à convaincre le public. Accablé par une salve de critiques négatives, le film sera un flop au box-office mondial.

Primeval s’intéresse à une équipe de reporters américains menée par le producteur Tim Manfrey (Dominic Purcell) et le caméraman Steven Johnson (Orlando Jones). Alertés par la présence du vorace Gustave et par ses méfaits aux confins de la jungle africaine, ils décident de partir à sa recherche. Leur mission : filmer la terrifiante créature et, si possible, la capturer vivante. Mais très vite, ce qui devait être un simple reportage se transforme en cauchemar. Sur place, ils découvrent un pays ravagé par la guerre civile, à la frontière du Burundi et du Rwanda, où la violence des hommes rivalise avec celle de la nature. Quant à Gustave, habitué au goût de la chair humaine, c’est un prédateur incroyablement rusé et dangereux. Comme si cela ne suffisait pas, un dictateur local qui se fait appeler Little Gustave (Dumisani Mbebe) fait régner sa propre terreur. Traqués à la fois par l’animal et par des miliciens sans pitié, Tim et son équipe vont vite réaliser que leur mission n’a rien d’une partie de plaisir…

Le croco a les crocs

Primeval tire parti de superbes extérieurs naturels captés en Afrique et se distingue par un contexte politique qui lui donne une autre dimension que les simples péripéties d’un « monster movie » classique. On ne se contente donc pas ici de fuir une bête sanguinaire : la violence humaine, bien réelle celle-là, rôde aussi hors-champ. Quelques images choc restent en mémoire après le visionnage du film, comme cette séquence glaçante où le crocodile engloutit un enfant dans la rivière. Michael Katleman nous offre une poignée de scènes de suspense et d’action réussies, notamment la poursuite haletante d’Orlando Jones dans les hautes herbes ou le climax très tendu dans une voiture embourbée. Les apparitions du croco sont souvent impressionnantes, mises en scène avec efficacité et brutalité. Bref, le bilan est plutôt positif de ce côté-là. Mais le film pèche sérieusement du côté de ses personnages, tous très stéréotypés. Jurgen Prochnow campe une espèce d’Achab moderne hanté par la mort de son épouse, Brooke Langton joue la belle journaliste qui n’a pas froid aux yeux, Purcell endosse le rôle du héros taciturne et Orlando Jones assure la touche d’humour sous la défroque du cameraman rigolo. Difficile de s’attacher à ces « clichés sur pattes », d’autant que la direction d’acteurs reste évasive et que les dialogues peinent à convaincre. Primeval pèche donc par manque de finesse, même s’il faut lui reconnaître son efficacité indiscutable.

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

THE WHISPERER IN DARKNESS (2011)

Un professeur de l’université de Miskatonic enquête sur une race de crustacés extra-terrestres qui se seraient installés dans le Vermont…

THE WHISPERER IN DARKNESS

 

2011 – USA

 

Réalisé par Sean Branney

 

Avec Matt Foyer, Barry Lynch, Stephen Blackehart, Autumn Wendel, Zack Gold, P.J. King, Casey Kramer, Annie Abrams, Andrew Leman, Matt Lagan, Daniel Kaemon

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Si La Couleur tombée du ciel est sans conteste le plus célèbre des récits de H.P. Lovecraft consacré aux horreurs venues du cosmos, ce n’est pas le seul. En 1931, très impressionné par la découverte encore toute récente de Pluton par l’astronome Clyde William Tombaugh, l’écrivain se lance dans Celui qui chuchotait dans les ténèbres. Cette histoire insensée s’intéresse à une race d’hommes-crabes géants d’outre-espace s’étant établis dans une région reculée du Vermont depuis leur base située sur la planète « Yuggoth », autrement dit Pluton. Mais l’auteur s’empresse de dire que l’origine de ces monstres est encore plus lointaine. « Yuggoth n’est qu’un avant-poste », dit-il. « La plupart de ces êtres habitent dans des abîmes curieusement organisés, entièrement inconcevables pour l’esprit humain. » Habituellement chiche en descriptions pour laisser l’imagination des lecteurs vagabonder, Lovecraft se veut un peu plus précis lorsqu’il s’agit de tracer les contours de ces arthropodes venus d’ailleurs. « C’étaient des créatures rosâtres d’environ cinq pieds de long », détaille-t-il. « Leur corps crustacéen portait une paire de vastes nageoires dorsales ou d’ailes membraneuses, et plusieurs groupes de membres articulés ; une espèce d’ellipsoïde couvert d’une multitude de courtes antennes leur tenait lieu de tête. »

Si elle inspire de manière très lointaine le troisième segment du film à sketches Necronomicon co-réalisé par Brian Yuzna, Christophe Gans et Shusuke Kaneko, la nouvelle attend encore son adaptation officielle. C’est la très respectable H.P. Lovecraft Historical Society qui va s’en charger en 2011. Déjà responsable du très réussi The Call of Cthulhu, qui transposait à l’écran l’un des plus fameux mythes lovecraftiens en adoptant la mise en forme d’un film muet des années 20, la HPLHS produit cette fois-ci un long-métrage imitant les classiques de l’épouvante en noir et blanc des années 30, pour se conformer une fois de plus à la date de publication du texte original. C’est donc dans une atmosphère héritée des Universal Monsters que s’inscrit The Whisperer in Darkness. Matt Foyer entre dans la peau d’Albert Wilmarth, professeur de folklore à l’université Miskatonic, parti enquêter sur les légendes des étranges créatures qui habiteraient les montagnes les plus reculées de la Nouvelle Angleterre. Ses investigations le poussent d’abord à entamer une relation épistolaire avec Henry Akeley (Barry Lynch), un autochtone harcelé par les monstres dans sa maison isolée, puis à se rendre lui-même sur place. Ce qu’il va découvrir va sérieusement mettre à mal sa santé mentale…

Attack of the Crab Monsters

Même si le pseudo-orchestre symphonique qui agrémente sa bande originale fait un peu fausse note, The Whisperer in Darkness joue avec beaucoup de talent la carte de l’imitation des codes du cinéma d’époque, notamment via sa photographie achrome très atmosphérique et sa mise en scène ample masquant l’étroitesse de son budget (estimé à environ 350 000 dollars). Le scénario de Sean Branney et Andrew Leman choisit d’enrichir le matériau initial en ajoutant plusieurs séquences, notamment une joute radiophonique entre le héros et l’un de ses plus farouches opposants, et surtout un climax en plein ciel extrêmement ambitieux au cours duquel les monstres (créations biomécaniques surprenantes sollicitant tour à tour des marionnettes, de la stop-motion et des images de synthèse) attaquent un avion au-dessus des montagnes nocturnes. Sans doute le rythme du film aurait-il gagné à être resserré et le recours à certains artifices narratifs (notamment la voix off peu convaincante de Matt Foyer) aurait-il pu être évité. C’est notamment le cas lorsque le mystérieux Ashley chuchote de terribles vérités à l’oreille de notre protagoniste. Au lieu de laisser travailler l’imagination du spectateur, le narrateur se sent obligé de surligner les choses en déclarant « Il était épouvantable d’entendre les cauchemars les plus répugnants de la mythologie secrète dévoilés dans des termes aussi concrets ». Or ce qui marche en littérature nécessite généralement d’être retranscrit en termes cinématographiques pour en conserver l’impact. Mais ces réserves n’empêchent pas The Whisperer in Darkness d’être une très honorable réussite, surtout si l’on tient compte des faibles moyens à la disposition de cette production indépendante portée à bout de bras par des passionnés bouillonnant d’enthousiasme.

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

WILLA (2012)

Cette adaptation méconnue d’une nouvelle de Stephen King suit les pas d’un jeune couple marqué par une catastrophe ferroviaire…

WILLA

 

2012 – USA

 

Réalisé par Christopher Birk

 

Avec Clayton Watson, Sara Hogrefe, Theodore Bouloukos, Gregory M. Brown, Jane Brown, Felix Flores, Jennifer Fouche, Susan Kirby, Barbara Linton

 

THEMA FANTÔMES I SAGA STEPHEN KING

Willa est une nouvelle de Stephen King parue dans le magazine Playboy en 2006 puis intégrée dans le recueil Juste avant le crépuscule deux ans plus tard. Après le déraillement d’un train, les « naufragés » attendent sur le quai de la gare qu’une navette vienne les chercher. David, lui, s’éloigne dans les bois pour retrouver sa fiancée Willa qui a disparu. Il la retrouve dans un bar où des autochtones habillés en cowboys et cowgirls dansent au son d’un groupe de country appelé « Les Dérailleurs ». Le jeune homme ne tarde pas à comprendre qu’ils sont morts tous les deux, qu’ils ne sont plus que des fantômes. « Ils nous sentent, pensa David », raconte King en adoptant le point de vue de son héros. « Comme un souffle d’air froid. Voilà ce que nous sommes pour eux, maintenant. » Dans cette nouvelle envoûtante, il est question de perception, d’illusion, de force de la volonté capable de changer le regard des fantômes, tour à tour baignés dans l’illusion de la vie ou contemplant l’horrible réalité de ce qu’ils sont devenus : des cadavres calcinés dans une gare en ruines.

« Mon plus grand espoir est que l’amour survive à la mort » affirme King dans la postface du recueil, explicitant ainsi les raisons qui l’ont poussées à écrire ce texte. Le film qu’en tire l’auteur et réalisateur Christopher Birk est produit dans des conditions tellement sommaires et avec un budget si maigre qu’on ne peut que saluer l’ambition de cette démarche, même si elle peine à convaincre les spectateurs les plus compréhensifs. Les quatre minutes de générique situées dans les bois laissent comprendre qu’il va falloir s’armer de patience pour apprécier ce film. Car le rythme s’y étire plus que de raison, preuve que ce court récit n’était pas adapté à la durée d’un long-métrage. D’autant que tout est un peu trop approximatif pour convaincre, de la direction des acteurs à la photographie en passant par les cadrages, le montage ou le mixage. Il nous semble en réalité visionner un court métrage amateur qui aurait été rallongé artificiellement sur une durée de 80 minutes.

Les passagers de la nuit

Certes, l’atmosphère contemplative et décalée de la nouvelle est assez bien restituée, et certaines séquences évoquent les passages les plus troublants de Carnival of Souls de Herk Harvey. Mais les dialogues trop explicatifs sonnent faux, en particulier ceux de la serveuse qui ressent le besoin d’annoncer qu’un couple de fantômes amoureux hante l’une des tables du bar. D’autant que le scénario tire à la ligne en essayant visiblement de garder pour la fin un coup de théâtre révélateur que tous les spectateurs auront deviné dès les premières minutes. Reconnaissons au film son ambiance réussie, ses maquillages spéciaux efficaces, sa bande originale envoûtante et des comédiens qui font ce qu’ils peuvent pour nous convaincre de l’intensité du drame qu’ils vivent. Après Willa, Christopher Birk poursuivra dans la voie d’un cinéma indépendant souvent confidentiel, partagé entre la fiction volontiers horrifique et le documentaire.

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

EVIL BONG (2006)

Quatre étudiants qui partagent un appartement désordonné font l’acquisition d’un bang supposément possédé par un démon…

EVIL BONG

 

2006 – USA

 

Réalisé par Charles Band

 

Avec David Weidoff, John Patrick Jordan, Mitch Eakins, Brian Lloyd, Robin Sydney, Kristyn Green, Tommy Chong, Michelle Mais, Jacob Witkin, Kristen Caldwell

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS I SAGA CHARLES BAND

En 2006, Charles Band est en pleine effervescence. Producteur infatigable et patron de la mythique compagnie Full Moon, il enchaîne alors les projets avec une cadence frénétique. En quelques mois, il réalise et produit Decadent Evil, Doll Graveyard, The Gingerdead Man et Petrified. C’est dans cette dynamique d’hyperactivité créative que germe l’idée d’Evil Bong. « Je dînais avec mes deux fils cadets, Harlan et Zalman, et nous envisagerions l’idée d’un film sur la weed », raconte-t-il. « Je me suis dit : « Faisons un film loufoque dans lequel des jeunes héros défoncés trouvent un bang et se retrouvent propulsés à l’intérieur. Ce sera le prétexte pour faire des bêtises et montrer des filles à moitié nues“. » (1) Le tournage est expédié en sept jours chrono, dans un esprit aussi artisanal que déluré. Pour donner corps au projet, Band s’entoure de visages familiers. Derrière la caméra, Mac Ahlberg, légende discrète du cinéma de genre — on lui doit la photographie de Re-Animator et From Beyond — signe ici son dernier film avant de se retirer. Ahlberg, décédé en 2012 à 81 ans, laisse derrière lui un héritage visuel qui a marqué plusieurs générations de cinéphiles. Devant la caméra, Band décroche la participation de Tommy Chong, moitié du mythique duo Cheech & Chong, dont les films comme Up in Smoke ou Cheech and Chong’s Next Movie ont façonné toute une culture « stoner ».

L’intrigue d’Evil Bong nous est contée à travers les yeux d’Alistair McDowell, étudiant studieux et un brin naïf qui emménage en colocation avec trois étudiants paresseux et foutraques : Larnell, Bachman et Brett, adeptes de jeux vidéo, de fêtes bruyantes et de fumette en série. Un jour, Larnell tombe sur une étrange annonce : un bang à vendre, dont l’ancien propriétaire prétend qu’il est possédé. Intrigué, il n’hésite pas une seconde et passe la commande. L’objet maudit est livré, et le trio s’empresse de l’essayer, sous le regard dubitatif d’Alistair qui, en garçon sage, préfère s’abstenir. À peine la fumée s’élève que le bang s’anime et les aspire l’un après l’autre dans un monde parallèle, une simulation psychédélique prenant la forme d’un bar de strip-teaseuses. Là, des danseuses affriolantes leur offrent un dernier frisson avant de les massacrer, laissant derrière elles leurs cadavres inanimés dans le monde réel. Alors que les victimes s’enchaînent, piégées par l’attraction mortelle de ce bang démoniaque, Alistair décide de percer le secret de cette étrange relique pour mettre un terme à son influence maléfique…

Le monde est stone

Dès ses premières minutes, le film de Charles Band assume sa nature : une comédie potache confinée dans un unique décor de chambre en désordre. La mise en scène fonctionnelle s’assortit de petits jingles musicaux qui lui donnent des allures de sitcom pour ados. Le vrai coup de folie intervient lorsque le bang maléfique entre en scène. Projetés dans le « Bong World », les protagonistes croisent des strip-teaseuses arborant des soutien-gorge aux bonnets carnassiers : crânes, gueules de requins ou lèvres géantes prêtes à mordre. Le tout sur fond de répliques parfaitement absurdes, comme ce cri du cœur : « Nous sommes en Amérique, terre de la liberté d’être défoncé quand on le veut ! » En bonus pour les amateurs de l’univers Full Moon, la virée dans ce club surnaturel prend les allures d’une sorte de « multiverse » peuplé de plusieurs échappés des productions maison, comme la poupée guerrière Ooga Booga de Doll Graveyard (une version délurée adepte du joint et de la masturbation !), le Gingerdead Man, le Jack Deth de la saga Future Cop (Tim Thomerson, fidèle au poste), le chasseur de vampires de Decadent Evil (Phil Fondacaro) ou encore Bill Moseley reprenant son personnage Synthoid 2030. Totalement décomplexé, réalisé en roue libre par un Charles Band qui semble s’amuser comme un fou, Evil Bong sera le point de départ d’une saga aussi prolifique qu’improbable.

 

(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

D-WAR : LA GUERRE DES DRAGONS (2007)

Échappés d’une légende ancestrale, un serpent géant et un dragon colossal s’affrontent en plein Los Angeles…

D-WAR

 

2007 – CORÉE DU SUD / USA

 

Réalisé par Hyung-rae Shim

 

Avec Jason Behr, Amanda Brooks, Robert Forster, Jesse Jam Miranda, Craig Robinson, Aimee Garcia, Chris Mulkey

 

THEMA REPTILES ET VOLATILES I DRAGONS

Initialement baptisé Dragon Wars, D-War n’aura pas été simple à concrétiser. Lancé en 2001 par le réalisateur sud-coréen Shim Hyung-rae — déjà derrière Yonggary — le projet s’annonce comme un blockbuster aux très grandes ambitions. Prévu avec un budget de 30 milliards de wons (environ 35 millions de dollars), le film explose très vite les compteurs. À tel point que certaines estimations évoquent un coût final flirtant avec les 75 millions… voire 99 millions de dollars. Pour toucher un public international, Shim mise sur un casting majoritairement américain. Pendant trois longues années, l’équipe de Younggu-Art Movies, la société dirigée par le réalisateur, se consacre entièrement à la création des effets spéciaux, réalisés en interne. Ce tour de force technique sera dévoilé en avant-première lors de l’American Film Market début 2007, avant une sortie en Corée du Sud programmée le 1er août. Présenté dans un premier temps dans une version de 110 minutes (notamment à Berlin en février 2007), D-War est finalement resserré à 92 minutes pour sa diffusion en salles, après des projections tests pas particulièrement enthousiastes. Malgré ces coupes, le film est loin d’avoir le succès escompté. Les critiques sont globalement assassines et ses bénéfices mondiaux ne lui permettent pas de rembourser sa donne initiale. D-War ne manque pourtant pas d’attraits.

Dans la Corée du 16ème siècle, une jeune fille portant en elle une force mystique doit être sacrifiée à un serpent légendaire. Mais lorsque le maléfique Buraki attaque le village pour s’emparer de ce pouvoir, les deux jeunes élus, Narin (Hyojin Ban) et Haram (Hyun Jin), préfèrent mourir ensemble plutôt que de se plier à leur destin. Le sacrifice n’ayant pas lieu, la prophétie est suspendue. La légende refait alors surface dans le Los Angeles des années 2000. Ethan Kendrick (Jason Behr), reporter télé, enquête sur d’étranges phénomènes qui plongent la ville dans le chaos. Au fil de ses investigations, il découvre que la jeune femme au cœur de ces événements, Sarah Daniels (Amanda Brooks), est en réalité la réincarnation de Narin — et lui-même celle de Haram. Ensemble, ils doivent affronter Buraki, revenu pour finir ce qu’il avait commencé. Alors que la ville est envahie par l’armée monstrueuse du dragon noir, composée de créatures mythiques et de forces destructrices, Ethan et Sarah doivent faire un choix : répéter le sacrifice d’antan ou tenter de briser la boucle du destin…

De sang froid

Face au spectacle démentiel de cet affrontement dantesque entre un serpent géant et un dragon en plein Los Angeles, symbole de la lutte éternelle du bien contre le mal, les amateurs de monstres géants ne peuvent que s’enthousiasmer. Les créatures sont superbes et le film regorge de morceaux d’anthologie, comme la voiture poursuivie par le serpent titanesque dans le parking ou l’assaut par l’armée du monstre juché sur un building, variante du climax de King Kong. Tous les réalisateurs des Godzilla des années 50 à 90 (et même Roland Emmerich) auraient probablement rêvé à l’époque de pouvoir bénéficier d’effets visuels aussi impressionnants. Pour gonfler d’emphase cette épopée aux grandes ambitions, Hyung-rae Shim couple aux compositions électro-orchestrales de Steve Jablonsky (The Island, Transformers) l’usage récurrent du « Dies Irae », ce fameux chant liturgique du 13ème siècle symbolisant habituellement la mort, le jugement et la tragédie (décliné dans des films aussi divers que Citizen Kane, L’Exorciste, Shining, Sleepy Hollow ou Le Roi Lion). Bref, D-War est pétri d’atouts et de belles choses. Le problème est que le scénario lui-même n’a pas beaucoup d’intérêt et que les personnages ne nous importent guère. Malgré son casting occidental et ses seconds rôles familiers, dans le but d’assurer au film un succès international, D-War n’a donc guère conquis le monde. La suite longtemps annoncée, D-War II : Mysteries of the Dragon, est toujours en suspens à ce jour.

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

I SPIT ON YOUR GRAVE 3 : VENGEANCE IS MINE (2015)

L’héroïne du premier film est de retour dans cette suite, s’efforçant de panser ses blessures tout en réfrénant ses pulsions homicides…

I SPIT ON YOUR GRAVE 3 : VENGEANCE IS MINE

 

ANNEE – USA

 

Réalisé par Richard Schenkman

 

Avec Sarah Butler, Jennifer Landon, Doug McKeon, Garbriel Hogan, Harley Jane Kozak, Michelle Hurd, Russell Charles Pitts, Walter Perez, Karen Strassman

 

THEMA TUEURS I SAGA I SPIT ON YOUR GRAVE

Contrairement à I Spit on your Grave 2, qui déclinait les mêmes thèmes que le premier film sans présenter de lien narratif direct avec celui-ci, I Spit on your Grave 3 est la suite directe du film de 2010, lui-même remake du I Spit on your Grave de 1978. Nous retrouvons donc ici le personnage de Jennifer Hills, toujours incarnée par Sarah Butler, encore marquée – et on la comprend – par la violente agression dont elle fut victime et qui la mua en bourreau vengeur. Steven R. Monroe, qui avait réalisé les deux films précédents, cède cette fois-ci la place à Richard Schenkman (The Man From Earth, Abraham Lincoln tueur de zombies), qui signe cette suite sous le pseudonyme de R.D. Braunstein. Avec le scénariste Daniel Gilboy (co-producteur des deux films précédents), Schenkman tient cette fois-ci à explorer les conséquences à long terme du traumatisme de Jennifer, en montrant sa lutte pour retrouver une vie normale tout en étant hantée par son passé. Produit par CineTel Films et distribué par Anchor Bay Films, le film est tourné avec un budget très restreint. Ses résultats au box-office seront plus modestes que ceux de ses prédécesseurs, ce qui n’empêchera pas la mise en chantier d’un quatrième opus en 2019.

Plusieurs flash-backs furtifs nous permettent de revoir brièvement le calvaire enduré par Jennifer dans le premier film. De retour à la civilisation sous le nom d’Angela Jitrenka, la jeune femme tente difficilement d’effacer son traumatisme. Très méfiante envers les hommes, elle vivote grâce à un petit travail routinier dans un bureau et suit une thérapie. « La justice n’est pas une chose qu’on reçoit mais qu’on donne », dit-elle à sa psychologue, avant d’ajouter : « Le monde est empli de prédateurs et de proies. Vous êtes soit l’un, soit l’autre ». Généreuse en aphorismes de cet acabit, la jeune femme est devenue un être solitaire et misanthrope, trimballant dans son sac un taser – au cas où. Lorsqu’elle rejoint un groupe de parole pour victimes de viol, elle se lie d’amitié avec Marla (Jennifer Landon), une militante radicale qui prône une réponse musclée aux hommes irrespectueux. L’engrenage de la violence s’enclenche bientôt, et le sang ne va pas tarder à couler à nouveau…

L’ange de la vengeance

L’image de l’ange exterminateur est évoquée au détour d’une conversation liée au pseudonyme choisi par l’héroïne. Car Jitrenka signifie en tchèque « l’étoile du matin », expression à l’origine du nom de Lucifer, le « porteur de lumière ». La chute de Jennifer dans le premier film puis sa résurrection symboliseraient-elles donc la transformation d’un ange en démon ? Les visions qui frappent notre héroïne à intervalles réguliers, la montrant massacrer ceux qui la contrarient, tendent effectivement à prouver qu’un monstre sommeille toujours en elle. L’originalité de ce troisième épisode est de s’éloigner du schéma habituel du « rape and revenge » pour tenter un pas de côté. Il est certes toujours question de viol et de vengeance, mais l’intrigue n’obéit pas à la mécanique traditionnelle dictée par le film original de Meir Zarchi. Il eut de toute façon été vain de tenter de surenchérir sur I Spit on your Grave 2 qui poussait déjà très loin la visualisation d’abus physique et de violences faites aux femmes. Si les agressions sexuelles sont ici abordées de manière moins démonstrative (le film les évoque mais ne les montre pas), l’engrenage de l’auto-justice, lui, ne s’interdit aucun débordement douloureux et sanglant. Les multiples rebondissements du scénario sont efficaces et inattendus, même si l’on ne peut s’empêcher de penser – mais ce reproche est imputable à la « saga » tout entière – que le message féministe n’est qu’un prétexte pour s’adonner au « torture porn » et procurer aux amateurs d’hémoglobine leur lot de frissons.

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article