LA MARCHE DES SOLDATS DE BOIS (1934)

Laurel et Hardy affrontent un sinistre harpagon dans un pays imaginaire peuplé de jouets et de personnages de contes de fées…

BABES IN TOYLAND / MARCH OF THE WOODEN SOLDIERS

 

1934 – USA

 

Réalisé par Gus Meins et Charles Rogers

 

Avec Stan Laurel, Oliver Hardy, Charlotte Henry, Virgina Karns, Felix Knight, Florence Roberts, Henry Kleinbach, Pete Gordon, Angelo Rossitto

 

THEMA CONTES I JOUETS

« Babes in Toyland » est au départ une opérette composée par Victor Herbert sur un livret de Glen MacDonough. Cette fable musicale donnant la vedette à plusieurs personnages de contes de fées se produit pour la première fois en juin 1903 au Grand Opera House de Chicago et rencontre rapidement un gros succès. Quelques décennies et bon nombre de représentations plus tard, le cinéma s’empare du spectacle pour en tirer une adaptation à grande échelle qui bénéficiera non seulement de sa popularité initiale mais aussi de la présence de deux des acteurs comiques les plus appréciés du moment : Stan Laurel et Oliver Hardy. Pour laisser au duo toute la latitude d’expression nécessaire et pour tenir la route sur une durée relativement courte (78 minutes de métrage), Babes in Toyland version grand écran remanie sérieusement l’histoire originale. Seuls six des nombreux numéros musicaux initiaux sont conservés et l’intrigue elle-même ne présente qu’un rapport lointain avec l’histoire du spectacle d’Herbert et MacDonough. La quasi-totalité du récit se déroule désormais dans le monde magique de Toyland, une espèce de parc d’attractions où vivent les plus célèbres personnages des contes de fées ainsi que des enfants, des clowns, un père Noël jovial et un roi versatile.

Au beau milieu de Toyland, Stannie Dum (Laurel) et Ollie Dee (Hardy) sont deux joyeux drilles idiots mais sympathiques, sortes d’enfants dans des corps d’adulte qui vivent à l’intérieur d’une maison en forme de chaussure avec la vénérable Mother Peep (Florence Roberts) et la jeune bergère Bo Peep (Charlotte Henry). Stannie et Ollie travaillent chez un fabricant de jouets tandis que Bo Peep passe son temps à chercher ses moutons et à se laisser conter fleurette par le charmant Tom-Tom (Felix Knight). Ce petit train-train est mis à mal lorsque le vil Silas Barnaby (Henry Brandon), un homme antipathique et avare, réclame à Mother Deep l’argent qu’elle lui doit, faute de quoi il mettra tout ce petit monde dehors et récupèrera sa maison-chaussure. Alors que la situation semble désespérée, le sinistre Silas accepte d’effacer cette dette si Bo Peep accepte de l’épouser. Stannie et Ollie décident alors de trouver une solution pour réunir l’argent nécessaire. Mais leur maladresse va finir par provoquer une série de catastrophes…

Jouets contre cannibales

Si le fil de l’intrigue lui-même n’a rien de particulièrement palpitant et si l’harmonie des chansonnettes vociférées par les protagonistes est discutable, l’intérêt de La Marche des soldats de bois réside ailleurs : dans les facéties de Laurel et Hardy, bien sûr, mais aussi dans cette description étrange d’un monde fantastique mi-féerique mi-sinistre. Il suffit déjà de voir les emprunts inattendus que le film fait à Walt Disney. Ce dernier étant très ami avec le producteur Hal Roach, il accepte ce qui serait impensable aujourd’hui : l’apparition en guest-stars de Mickey Mouse dans une version très peu orthodoxe. La souris vedette est en effet « interprétée » ici par un singe dans un costume très approximatif. Voir ce pseudo-mickey au visage hideux et au pantalon mal ajusté s’agiter bizarrement dans le décor est un spectacle franchement perturbant ! Les trois petits cochons font aussi une apparition (via des déguisements fort peu seyants) et jouent au violon la comptine « qui craint le grand méchant loup ? » La Marche des soldats de bois vire quasiment au film d’horreur lorsque nos héros se retrouvent dans Bogeyland, une grotte souterraine infestée d’alligators, de chauves-souris et de monstres velus et anthropophages ! Dantesque, le climax montre une centaine de jouets soldats de taille humaine qui s’animent soudain (via de vertigineux plans animés en stop-motion) pour affronter les affreux Bogeymen. Connu aussi chez nous sous le titre Un jour une bergère, La Marche des soldats de bois est donc un conte de fées résolument à part.

 

© Gilles Penso


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TWILIGHT CHAPITRE 2: TENTATION (2009)

Le second épisode de la saga Twilight se défait déjà de toute subtilité pour s’engouffrer dans une romance tourmentée digne d’un roman-photo…

THE TWILIGHT SAGA : NEW MOON

 

2009 – USA

 

Réalisé par Chris Weitz

 

Avec Kristen Stewart, Robert Pattinson, Taylor Lautner, Christina Jastrzembska, Billy Burke, Anna Kendrick, Michael Welch

 

THEMA VAMPIRES I LOUPS-GAROUS I SAGA TWILIGHT

Le succès de Twilight appelait cette séquelle, adaptée du second roman de la saga romantico-vampirique concoctée par Stephenie Meyer. Le réalisateur Chris Weitz (À la croisée des mondes : la boussole d’or) remplace au pied levé Catherine Hardwicke et livre un film bien peu convaincant. Du premier Twilight émanait de la spontanéité, par le biais du jeu naturaliste d’acteurs pas encore emportés par la tourmente médiatique réservée à la saga. Ici, la donne semble avoir considérablement changé. Chacun, bien conscient de l’impact de ses faits et gestes sur un public déjà acquis, en rajoute dans la minauderie. Robert Pattinson abuse jusqu’à la caricature des poses iconiques et des regards de chien battu, Kristen Stewart troque la justesse de ses attitudes contre une batterie de mines boudeuses trop mécaniques pour être honnêtes, Taylor Lautner exhibe pesamment son torse bodybuildé à l’attention de jeunes spectatrices à l’émoi facile… La recette est visible, les ficelles bien apparentes. Du coup, même les idées visuelles inventives, comme ce plan-séquence circulaire qui embrasse la mélancolie de Bella tandis que les saisons passent à travers sa fenêtre, se surchargent d’effets appuyés (chanson doucereuse, voix-off redondante) jusqu’à la vider de tout impact.

Avec la finesse d’un roman-photo des années 80, Twilight chapitre 2 consacre ses vingt premières minutes à multiplier les allusions à « Roméo et Juliette ». Puis survient la « déchirante » scène de rupture dans les bois, violons d’Alexandre Desplat à l’appui. « Tu ne me reverras plus » lâche Edward à Bella, « poursuis ta vie, ce sera comme si je n’avais jamais existé. » La jeune fille comble alors son vide affectif comme elle peut (à coup de courses de motocross, de visionnage de films de zombies ou de plongeons dans l’océan…). Le beau vampire n’étant plus là pour veiller sur elle (sauf lorsqu’il lui apparaît sous la forme d’un fantôme flottant peu avare en conseils et en mises en gardes, façon Jiminy Cricket), c’est auprès de son ami Jacob qu’elle trouve refuge. Les sentiments de Bella envers le sympathique Indien deviennent ambigus, d’autant que le jeune homme a, depuis, acquis une musculature digne d’un abonné du Gymnase Club.

Sans chemise, sans pantalon

Au bout d’une heure, nous subissons une seconde scène de rupture à peu près aussi édifiante que la première, cette fois-ci sous la pluie battante pour varier un peu les plaisirs. Nous découvrons alors que Jacob appartient à un groupe de loups-garous qui arbore tour à tour les traits d’un boys band errant torse nu dans les bois et ceux de bébêtes en image de synthèse velues supervisées par le génie des effets visuels Phil Tippett (L’Empire contre-attaque, Jurassic Park, Starship Troopers), seule touche de fantaisie un tantinet réjouissante dans ce mélo sirupeux. Un petit détail technique nous interpelle par ailleurs : étant donné qu’ils se retrouvent nus à chaque transformation en loup, d’où viennent les vêtements qu’ils portent lorsqu’ils retrouvent leur aspect humain ? Hulk lui-même a au moins le bon sens de conserver son pantalon en toutes circonstances (même s’il semble à géométrie variable !). Mais plus que la paresse avec laquelle est traité l’argument fantastique du film ou son maniérisme excessif, c’est finalement sa quasi-absence d’intrigue qui désespère le plus, lacune d’autant plus regrettable que le métrage dure tout de même plus de deux heures.

 

© Gilles Penso


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LA CRYPTE (2005)

Une équipe de scientifiques s’enfonce dans une caverne inexplorée au fin fond de la Roumanie et y rencontre des dangers imprévus…

THE CAVE

 

2005 – USA

 

Réalisé par Bruce Hunt

 

Avec Cole Hauser, Eddie Cibrian, Morris Chestnut, Lena Headey, Piper Perabo, Rick Ravanello, Daniel Dae Kim, Kieran Darcy-Smith, Marcel Iures, Vlad Radescu

 

THEMA MUTATIONS

La Crypte s’inspire en partie de découvertes scientifiques réelles selon lesquelles plusieurs grottes très profondes, notamment celles situées en Europe de l’Est, recèlent des formes de vies nouvelles qui ont longtemps échappé aux connaissances biologiques. À la fin des années 80, par exemple, plus de trente espèces jusqu’alors inconnues sont répertoriées dans les cavernes souterraines de Movila en Roumanie, notamment un mille-pattes de dix centimètres de long à la morsure particulièrement venimeuse. D’où ces créatures viennent-elles ? Comment ont-elles évolué ? Ces questions enflamment bientôt l’imagination du producteur Andrew Mason (L’Âme des guerriers, Dark City, Planète rouge, la trilogie Matrix) et le poussent à initier un film d’horreur situé dans les entrailles de la terre. Tandis que les scénaristes Bruce Hunt et Tegan West s’attellent à l’écriture du film, quelques-uns des plus grands spécialistes mondiaux de la plongée spéléologique sont sollicités en tant que consultants pour renforcer la crédibilité de l’histoire. Pour la mise en scène, Mason choisit Bruce Hunt. S’il s’agit de son premier film en tant que réalisateur, Hunt n’est pas un débutant puisqu’il dirigea les secondes équipes de Dark City, les trois Matrix, Australia et Don’t Be Afraid on the Dark. Ce solide technicien se confronte sans mal aux contraintes logistiques complexes du film, comme la construction d’un gigantesque réservoir pour les nombreuses scènes sous-marines requises par le scénario.

Le prologue se déroule pendant la guerre froide. Un groupe de pillards soviétiques et britanniques entreprend de fouiller une abbaye abandonnée du XIIIème siècle dans les Carpates et provoque un éboulement qui les enferme sous terre. Puis nous voilà dans les années 2000. Une équipe de scientifiques constutuée du docteur Nikolaï (Marcel Iures), de son associée le docteur Kathryn Jennings (Lena Headey) et du caméraman Alex Kim (Daniel Dae Kim), fouille le site de cette ancienne abbaye et y découvre un réseau de grottes souterraines qui s’étendent sur plusieurs kilomètres. Nikolaï engage alors un groupe de plongeurs professionnels mené par les frères McAllister (Cole Hauser et Eddie Cibrian) pour arpenter avec eux la rivière souterraine et les aider à explorer les secrets de cet univers inconnu. Sur place, ils ne sont pas au bout de leurs surprises. Plusieurs indices prouvent en effet que d’autres humains sont venus avant eux. Plus troublant : des créatures étranges semblent se cacher dans les crevasses et les roches. Et elles ne semblent guère amicales, c’est le moins qu’on puisse dire…

20 000 lieues sous les terres

Le défaut majeur de La Crypte est sans conteste son manque de surprises, et ce malgré un point de départ qui semblait singulier. Comment ne pas penser à Alien et Aliens lorsque ces créatures bestiales mi-humaines mi-reptiles mi-insectes aux mâchoires garnies de dents acérées surgissent de l’ombre pour attaquer les protagonistes ? Le designer Patrick Tatopoulos a beau se creuser les méninges pour tenter de concevoir des monstres originaux, il nous semble avoir déjà vu de tels prédateurs mille fois. D’autant que le scénario ne cherche jamais à échapper aux poncifs du genre. Ce petit groupe en danger dans une caverne peuplée de bêtes agressives nous évoque même l’inénarrable Aventure au centre de la Terre d’Alfredo B. Crevenna et la nouvelle « La Bête dans la caverne » d’H.P. Lovecraft. Avec ses péripéties répétitives, ses personnages peu attachants, sa réalisation fonctionnelle et ses mécanismes d’épouvante émoussés, La Crypte n’a pas beaucoup d’atouts en poche, malgré une poignée de séquences originales comme le suspense à front de falaise avec une Piper Perabo muée en véritable émule des artistes du Cirque du Soleil. Sur un sujet voisin, The Descent de Neil Marshall s’avérait bien plus convainquant et sut déplacer les foules en masse. La Crypte, lui, aura tout juste réussi à rembourser son budget de 30 millions de dollars. Ce sera la seule tentative de Bruce Hunt dans le domaine de la réalisation.

 

© Gilles Penso


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LE WAGON-LIT DE LA MORT (1990)

Un homme sans le sou accepte de loger dans un ancien wagon reconverti en appartement… et hanté par un fantôme revanchard !

THE SLEEPING CAR

 

1990 – USA

 

Réalisé par Douglas Curtis

 

Avec David Naughton, Judie Aronson, Kevin McCarthy, Jeff Conaway, Dani Minnick, Ernestine Mercier, John Carl Buechler, Gary Brockett, Ste Lundquist, Bill Stevenson

 

THEMA FANTÔMES

Douglas Curtis fit ses débuts en réalisant la comédie horrifique The Hazing en 1977 avant de produire quelques sympathiques pellicules des années 80 comme l’aventure de science-fiction Philadelphia Experiment, le thriller Sans issue ou la comédie romantique fantastique Tout feu tout femme. Le Wagon-lit de la mort (dont le titre original The Sleeping Car joue un peu plus la carte de la sobriété que sa « traduction » française) est son second et dernier long-métrage, notre homme préférant par la suite reprendre ses activités de producteur. Nous le retrouverons ainsi au générique de Save the Last Dance, Repli-Kate, Freddy contre Jason, Cellular, Shoot’Em Up ou Shark 3D. Le prologue du Wagon-lit de la mort plante tout de suite le décor. Au beau milieu de la nuit, un train de marchandise roule beaucoup trop vite. Cette allure anormale semble être due à une anomalie technique. Dans sa cabine, le chef technicien Erickson cherche à ralentir, en vain. Il se met alors en quête de son assistant, occupé à une partie de jambes en l’air et pas du tout concerné par la situation. La catastrophe ferroviaire est imminente. Le choc avec un autre train est inévitable et personne ne survit à l’accident.

Le film nous transporte alors dix ans plus tard et se focalise sur un sympathique protagoniste, Jason McCree, dont l’interprète n’est autre que David Naughton, le héros velu du Loup-garou de Londres. Récemment séparé de sa femme, Jason cherche à se loger pour pas cher et tombe sur une proposition originale : un ancien wagon-lit qui a été réaménagé en appartement. La propriétaire est Madame Erickson (Ernestine Mercer), veuve du conducteur accidenté une décennie plus tôt. Malgré les railleries de son meilleur ami Bud (Jeff Conaway, échappé de Peter et Elliot) et de la petite amie de ce dernier Kim (Judie Aronson, vue dans Vendredi 13 chapitre final), Jason décide de s’installer dans ce logement atypique dans l’espoir de rebondir dans la vie et de reprendre ses études de journalisme. L’un de ses voisins est un vieil homme curieux incarné par Kevin McCarthy (héros de L’Invasion des profanateurs de sépulture devenu second rôle comique en grande partie grâce aux films de Joe Dante). Bientôt, Jason est victime d’épouvantables hallucinations qui semblent directement liées au wagon et à son passé…

Une histoire à dormir debout

Le Wagon-lit de la mort n’est pas la parodie ou la série Z que son titre français laisse imaginer. Nous avons plutôt affaire là à une classique histoire de fantômes dont seul le cadre (un wagon recyclé en appartement) fait véritablement preuve d’originalité. Certes, les personnages sont plutôt attachants (même si Jeff Conaway en fait des tonnes dans le registre du copain lourdaud) mais ça ne suffit pas à rendre l’histoire crédible ni même particulièrement intéressante. On se rabat donc sur les excellents effets spéciaux de John Carl Buechler, un habitué des productions Roger Corman et Charles Band qui s’en donne ici à cœur joie. La scène du canapé dont les ressorts transpercent ses victimes est à ce titre un morceau d’anthologie. Ce type d’exubérance semble vouloir surfer sur le succès encore vivace de la saga Freddy Krueger, comme en témoigne la reprise fidèle de la mort de Johnny Depp dans Les Griffes de la nuit ou le visage calciné du fantôme qui hante les lieux. Quant au final, il cligne visiblement de l’œil vers Poltergeist. Le Wagon-lit de la mort est donc un film sous influence, se raccrochant comme il peut à l’esprit déclinant des films horrifico-comiques des années 80 tout en gérant par-dessus la jambe les manifestations surnaturelles qui se déroulent à tort et à travers, au mépris de toute rigueur et de toute logique.

 

© Gilles Penso


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SUPER (2010)

Désespéré après avoir été quitté par sa femme, un homme décide de devenir un super-héros et de combattre le mal…

SUPER

 

2010 – USA

 

Réalisé par James Gunn

 

Avec Rainn Wilson, Ellen Page, Liv Tyler, Kevin Bacon, Nathan Fillion, Gregg Henry, Michael Rooker, Andre Royo, Sean Gunn, Stephen Blackheart, Linda Cardelini

 

THEMA SUPER-HÉROS

James Gunn travaille sur le scénario de Super depuis 2002. À l’époque, il n’a encore réalisé aucun long-métrage et doit la grande majorité de son expérience cinématographique aux productions trash et bis de la compagnie Troma (pour qui il écrit notamment Tromeo and Juliet). Jugé trop violent et trop bizarre pour un film de super-héros, son scénario est rejeté par tous les producteurs auxquels il le propose. Entretemps, Gunn écrit les scripts de Scooby-Doo, Scooby-Doo 2 et L’Armée des morts et finit par diriger son premier film, la comédie de SF et d’horreur Horribilis. Super redevient d’actualité et trouve finalement son financement. Reste à trouver les bons acteurs. Dans le rôle principal du loser mué en super justicier névrosé, Gunn pense d’abord à John C. Reilly mais essuie un refus poli. C’est l’ex-femme du réalisateur, l’actrice Jenna Fischer, qui lui recommande Rainn Wilson, avec qui elle joue dans la série The Office. Wilson lit le scénario, l’adore, accepte immédiatement et embarque dans l’aventure la jeune Ellen Page, sa partenaire de jeu dans Juno. Pour le méchant de l’histoire, Gunn pense à Jean-Claude Van Damme. La star belge donne son feu vert mais sa personnalité atypique effraie le cinéaste, pas certain de pouvoir garder le contrôle sur le plateau de tournage. C’est finalement Kevin Bacon qui le remplace à la dernière minute.

Frank Darbo (Rainn Wilson) travaille comme cuistot dans une chaîne de fast-food et mène une vie un peu triste qu’égaient deux souvenirs joyeux : son mariage avec l’ex-junkie Sarah (Liv Tyler) et un incident au cours duquel il a aidé un policier à attraper un voleur de sac à main. Mais un jour, Sarah le quitte pour Jacques (Kevin Bacon), le propriétaire mafieux d’un club de strip-tease qui la rend accro à la drogue. En pleine dépression, Frank rêve une nuit que Dieu s’adresse à lui et le choisit pour combattre le mal. Bien décidé à devenir un super-héros redresseur de torts, il déambule dans un magasin de bandes dessinées pour trouver l’inspiration. Revêtu d’une combinaison rouge bricolée avec les moyens du bord et armé d’une clef anglaise, il devient « L’Éclair cramoisi » et s’efforce très maladroitement de lutter contre le crime dans les rues de la ville. Libby (Ellen Page), vendeuse de comic books, finit par percer son secret et lui propose de devenir sa co-équipière masquée…

L’anti-Marvel/DC

Dès le prologue qui résume en quelques saynètes la situation de ce protagoniste attachant mais pathétique, dès le générique déjanté en dessin animé, le ton est donné. Super ne sera pas un film comme les autres. Et si l’on ne peut s’empêcher de le comparer à Kick-Ass, sorti la même année et partageant avec lui de très nombreux points communs (y compris dans son approche frontale de la violence et sa liberté de ton éloignée des canons habituels des films de super-héros), Super possède une personnalité bien à part, un ton indéfinissable partagé entre l’humour potache, la mélancolie, le gore et le surréalisme. Pour bien marquer la rupture avec les superproductions Marvel et DC qui commencent alors à pulluler sur les écrans, James Gunn reprend à son compte les artifices du cinéma d’auteur indépendant, cadrant de près ses acteurs avec une caméra portée, privilégiant les décors urbains ordinaires, évitant la musique orchestrale de blockbuster. Son héros névropathe s’inscrit donc dans un contexte banal et réaliste, ce qui n’empêche pas le film de s’offrir quelques fulgurances fantasmagoriques, notamment lors de cette scène d’hallucination au cours de laquelle des tentacules ouvrent la calotte crânienne de Frank pour que le doigt de Dieu puisse toucher son cerveau ! Et que dire des apparitions de « Saint Vengeur », le super-héros d’une émission de télévision pour la jeunesse qui combat le Mal au nom de Jésus Christ ? Épaulé par quelques acteurs qui reviendront de manière récurrente dans son cinéma (Michael Rooker, Gregg Henry, Sean Gunn, Nathan Fillion), James Gunn confirme avec Super tout le bien que nous pensons de lui. Ironiquement, Marvel et DC lui feront ensuite les yeux doux pour qu’il appose sa patte à des films de super-héros à très gros budgets comme la trilogie des Gardiens de la Galaxie ou The Suicide Squad.

 

© Gilles Penso


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LA MAISON DE L’HORREUR (1999)

William Malone réalise un remake de La Nuit de tous les mystères avec Famke Janssen en femme fatale et Geoffrey Rush en sosie de Vincent Price…

HOUSE ON HAUNTED HILL

 

1999 – USA

 

Réalisé par William Malone

 

Avec Geoffrey Rush, Famke Janssen, Taye Diggs, Peter Gallagher, Chris Kattan, Alo Larter, Bridgette Wilson-Sampras, Max Perlich, Jeffrey Combs, Dick Beebe

 

THEMA FANTÔMES

Grand amateur de cinéma d’horreur, William Malone s’attaque au genre en réalisant Scared to Death et Créature mais aussi des épisodes des Cauchemars de Freddy et des Contes de la crypte. En 1999, il décide de s’atteler au remake d’un de ses films de chevet : La Nuit de tous les mystères de William Castle. Deux producteurs prestigieux apposent leur nom au générique, Robert Zemeckis et Joel Silver, La Maison de l’horreur marquant les débuts de la compagnie Dark Castle Entertainment (à qui nous devrons par la suite 13 fantômes et Le Vaisseau de l’angoisse). L’entame du film ne joue pas la carte de la subtilité mais nous intrigue par son atmosphère de train fantôme et par les acteurs qui y pointent le bout de leur nez. Tout commence par un flash-back situé en 1931 dans un institut psychiatrique dirigé par le sadique docteur Richard B. Vannacutt (Jeffrey Combs, ce bon vieux Re-Animator). Alors que ce dernier pratique des expériences douteuses, les patients se révoltent contre le personnel, provoquant un incendie qui ravage le bâtiment. Cet épisode macabre est raconté dans une émission de TV racoleuse dont le présentateur n’est autre que Peter Graves dans son propre rôle. Ce programme est suivi avec délectation par une femme dans son bain moussant, Evelyn Stockard-Price (Famke Janssen), qui décide d’organiser son anniversaire dans l’ancien asile désormais abandonné.

C’est le moment de faire la connaissance de l’époux d’Evelyn, un certain Steven Price dont le nom n’a pas été choisi au hasard, puisque l’acteur principal de La Nuit de tous les mystères était Vincent Price. Steven est incarné par Geoffrey Rush qui, non content de reprendre le rôle tenu en 1959 par le prestigieux comédien moustachu, se refait exactement la même tête. À ce titre, la prestation de Rush et le travail des maquilleurs se révèlent remarquables : il nous semble presque voir la réincarnation du grand Vincent Price à l’écran. Steven est un bonimenteur spécialisé dans les manèges à sensation pour parcs d’attraction. En ce sens, le personnage se calque aussi sur William Castle, réalisateur de La Nuit de tous les mystères qui adorait accompagner la sortie de ses films de gimmicks spectaculaires. Il accepte d’organiser l’anniversaire de son épouse dans la grande demeure sinistre à condition d’agrémenter cette fête d’animations à sa façon. Mais rien ne va se passer comme prévu et la petite sauterie va vite virer au cauchemar sanglant.

Le train fantôme

Pour mettre toutes les chances de son côté, William Malone soigne tout particulièrement la mise en forme de son film. Les décors sont somptueux, la lumière particulièrement soignée, le sound design ciselé au millimètre. Don Davis compose pour sa part une musique atmosphérique d’une grande efficacité et les petits génies de l’atelier KNB conçoivent des effets spéciaux de maquillage saisissants. Une création du génial maquilleur Dick Smith non utilisée pour Le Fantôme de Milburn est même recyclée pour une scène de cauchemar (une jeune femme dont le visage n’est qu’une immense gueule garnie de dents acérées). Mais toute cette belle cosmétique ne fait pas illusion bien longtemps face à des personnages aux comportements parfaitement incohérents et à un scénario bancal qui hésite sans cesse entre la machination façon Les Diaboliques et les phénomènes paranormaux hérités de La Maison du diable sans jamais parvenir à se décider. En perte d’inspiration, Malone finit par piller plusieurs effets de mise en scène de L’Échelle de Jacob (notamment les têtes sans visages qui s’agitent en accéléré), déploie pour son climax un monstre numérique tentaculaire bien peu convaincant et finalement peine à nous intéresser à ce rollercoaster vide de sens. Malgré des critiques globalement négatives, La Maison de l’horreur sera un joli succès commercial et donnera naissance en 2007 à une suite directement conçue pour le marché de la vidéo, Return to House on Haunted Hill.

 

© Gilles Penso


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PAUL (2011)

Deux amis passionnés par les ovnis font la rencontre d’un extra-terrestre en cavale qu’ils vont aider à rentrer chez lui…

PAUL

 

2011 – USA / GB

 

Réalisé par Greg Mottola

 

Avec Simon Pegg, Nick Frost, Blythe Danner, Jane Lynch, Joe Lo Truglio, Jason Bateman, Sigourney Weaver, Seth Rogen

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Paul poursuit la vaste entreprise de pastiches cinématographiques de Simon Pegg et Nick Frost, amorcée avec Shaun of the Dead et Hot Fuzz. Après le film de zombies et le blockbuster d’action musclée, les duettistes britanniques s’attaquent ici au cinéma de science-fiction et plus précisément aux aliens. Et comme ils sont désormais adoubés par leurs idoles (George Romero adore Shaun of the Dead), ils bénéficient même d’une petite intervention vocale de Steven Spielberg dans son propre rôle, ce dernier ayant accepté de participer à Paul en apprenant que Rencontres du troisième type et E.T. l’extra-terrestre figuraient parmi les films préférés de Pegg et Frost. Il les embaucha d’ailleurs quelques mois avant le tournage de Paul pour incarner Dupont et Dupond dans Les Aventures de Tintin. En toute logique, Edgar Wright (déjà metteur en scène de Shaun of the Dead et Hot Fuzz) était prévu pour réaliser cette troisième parodie, mais son calendrier l’en empêche, puisqu’il est alors au travail sur Scott Pilgrim. Son remplaçant sera Greg Mottola, réalisateur de En route vers Manhattan, SuperGrave, Adventureland et de plusieurs épisodes des Années campus.

Dans Paul, Pegg et Frost incarnent – avec une certaine dose d’autobiographie – Graeme et Clive, deux fans de science-fiction anglais qui se lancent en camping-car dans un pèlerinage sur la trace des sites touristiques américains liés aux apparitions d’ovnis. Au cours de leur voyage, ils font la rencontre accidentelle de Paul, un extra-terrestre qui vit sur notre planète depuis six décennies et collabore avec le gouvernement américain, caché à l’abri des regards dans une base militaire top secrète. C’est à lui que nous devons toute la culture populaire liée aux aliens, y compris le merchandising et les scénarios de nombreux films et séries télévisées. Mais aujourd’hui, le gouvernement n’a plus besoin de lui et décide de s’en débarrasser. Paul s’est donc enfui avant de tomber sur nos deux adolescents attardés. Graeme et Clive acceptent de l’aider à quitter la terre, mais ils sont bientôt pris en chasse par des agents fédéraux et le père d’une jeune femme qu’ils ont accidentellement kidnappée…

Le troisième type, c’est lui !

Paul ne manque pas d’atout, le moindre n’étant pas l’alchimie qui se crée entre les trois personnages principaux. Pegg et Frost continuent à démontrer l’efficacité de leur duo comique, auquel ils adjoignent cette fois-ci Seth Rogen (interprète de Paul à travers sa voix et sa gestuelle captée en motion capture). La créature elle-même est conçue en image de synthèse et se révèle joyeusement expressive, avec des tendances anthropomorphiques qui accentuent le caractère burlesque des situations qui la mettent en scène. Comme on pouvait s’y attendre, le film regorge de clins d’œil, non seulement à l’œuvre de Spielberg (Rencontres du troisième type et E.T., ainsi que Les Dents de la mer, Duel, Les Aventuriers de l’arche perdue) mais aussi à La Guerre des étoiles, Retour vers le futur, Les Goonies, Alien, Predator, X-Files, Star Trek, Titanic, Les Blues Brothers ou encore Blade… La démarche est appréciable, mais Paul finit par souffrir justement d’un trop-plein de références, de post-modernisme et d’autosatisfaction. La fraîcheur de Shaun of the Dead (et dans une moindre mesure de Hot Fuzz) fait défaut à ce Paul sans doute trop conscient de son potentiel comique et de son pouvoir de séduction auprès des « geeks » et des « nerds » pour pleinement nous convaincre. Le film fait rire et distrait, certes, mais ne reste pas longtemps dans les mémoires. Une suite est un temps envisagée, sous le titre de Pauls, mais son budget est estimé trop élevé et le projet est finalement abandonné.

 

© Gilles Penso


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LA VEILLÉE (1985)

Dans ce film à sketch structuré autour de cinq récits contés dans la vieille maison d’un village espagnol, les fantômes du passé refont surface…

EL FILANDRON

 

1985 – ESPAGNE / FRANCE

 

Réalisé par José Maria Martino Sarmiento

 

Avec Dionisio Alvarez, Santiago Alvarez, Mercedes Calvete, Felix Canal, Isabel Cueto, Luis Mateo Diez

 

THEMA FANTÔMES

Chaque fois que la cloche de la chapelle d’un petit village espagnol tinte toute seule et que l’eau de la rivière devient rouge sang, la coutume veut qu’une veillée soit organisée en l’honneur de Saint Pélage, au cours de laquelle cinq histoires sont racontées. Cette tradition se déroule en souvenir des cinq jours pendant lesquels le saint retint le chef militaire Almanzor par ses contes, facilitant ainsi la lutte de ses compagnons chrétiens contre les Maures, pendant la Reconquête. Des écrivains sont donc sollicités à l’occasion et se réunissent dans une mansarde, de nuit, pour conter leurs récits. La Veillée se structure alors sous forme d’un film à sketches, au rythme de chacune des histoires narrées pendant la veillée. « Des conséquences de haïr les crabes pour un chanoine gourmand » est le titre de la première histoire, au cours de laquelle un curé, après avoir été ridiculisé par un corbeau alors qu’il était en plein sermon, capture tous ses congénères et les mange. Peu à peu il se met à adopter lui-même les allures d’un volatile. Ce premier sketch, mêlant l’humour et l’étrangeté, donne le ton et annonce aux spectateurs ce qui les attend…

Dans le second récit, « Du danger de sauver et recueillir une jeune fille en danger de mort », un homme tue un inconnu qui s’apprêtait à assassiner dans les bois une jeune fille sourde et muette. Après l’avoir secourue, il la recueille et la baptise Lancara. Mais l’ingénue adopte bientôt un comportement des plus inquiétants. La troisième histoire s’appelle « Quand un fruit aussi délicieux qu’une poire devient écœurant ». Après une récolte florissante, une famille se retrouve dans l’incapacité de vendre son stock de poires à cause de la concurrence. Chacun se voit donc obligé d’en manger à tous les repas, jusqu’à développer une aversion contre les poires… « Un déserteur républicain durant la guerre d’Espagne refuse la mort » est le titre du quatrième sketch. Pendant la guerre, un soldat quitte le champ de bataille pour s’en aller retrouver son épouse. Mais son geste ne sera pas sans conséquence. Enfin, « L’appel d’un village englouti par les eaux d’un barrage » s’intéresse à un homme qui décide de retourner dans la bourgade qui l’a vue naître. Or celle-ci a été submergée par les flots…

Le berceau des légendes

Comme pour ne pas troubler la tranquillité des petits villages ibériques campagnards dans lesquels se déroulent ses cinq sketches, le film écrit et réalisé par José Maria Martino Sarmiento adopte un rythme lent et paisible, auquel on adhère assez facilement. Le fantastique est omniprésent à travers les histoires de cette veillée, mais il n’apparaît jamais ouvertement. Ainsi, le curé se muant presque en corbeau, la jeune fille diabolique, le soldat fantôme ou le village endormi sous les eaux sont-ils amenés en douceur, presque avec naturel, dans un contexte qui, malgré son réalisme – voire son naturalisme – est prêt à accueillir facilement la légende. L’une des idées brillantes du film réside dans le fait que chaque sketch fait allusion au précédent par le biais d’un détail. Ainsi Lancara apparaît-elle au début de la récolte des poires – seul sketch non fantastique, dans lequel on fait également allusion au curé mangeur de corbeaux -, le sac de poires abandonnées joue-t-il un rôle dans le village des femmes pendant la guerre, et le couple de vieux endormis de ce sketch réapparaît-il dans le dernier, le plus poétique et le plus court des cinq. Comédie presque burlesque, angoisse, parfum de nostalgie légèrement érotique, mélancolie et onirisme se partagent donc la vedette de cette bien curieuse Veillée.

 

© Gilles Penso


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LE MANOIR DES FANTASMES (1974)

Christopher Lee, Joan Collins et Jane Birkin partagent l’affiche de cette histoire trouble de maison hantée et de possession…

DARK PLACES

 

1974 – GB

 

Réalisé par Don Sharp

 

Avec Robert Hardy, Christopher Lee, Joan Collins, Herbert Lom, Jane Birkin, Jean Marsh, Carleton Hobbs, Roy Evans

 

THEMA FANTÔMES

Réalisateur de plusieurs épisodes de Chapeau melon et bottes de cuir mais aussi de quelques films d’épouvante marquants des années 60 (Le Baiser du vampire, La Malédiction de la mouche, Le Masque de Fu Manchu, Raspoutine le moine fou), Don Sharp accepte de tourner Le Manoir des fantasmes pour honorer un contrat qui le lie à l’époque la compagnie Scotia, elle-même redevable au producteur James Hannah. « C’était une production très étrange », se souvient Sharp. « Le producteur lui-même était un homme excentrique dont personne ne comprenait pourquoi il faisait ce film. Selon certaines rumeurs, la raison principale était d’ordre fiscal » (1). Pour les besoins du tournage, l’équipe s’installe dans un ancien institut psychiatrique abandonné près d’Uxbridge. Le scénario, co-écrit par Ed Brennan et Joseph Van Winkle s’intéresse à Edward Foster (Robert Hardy), un homme qui vient de se voir léguer par un ami décédé dans un asile d’aliénés le manoir « Marr’s Grove ». Avant de rendre son dernier souffle, le moribond lui a révélé que plus de deux millions de livres sterling étaient cachées quelque part dans la vieille demeure. Mais Edward n’est pas le seul à chercher le magot. L’étrange docteur Ian Mandeville (Christopher Lee), sa sœur Sarah (Joan Collins) et le notaire Prescott (Herbert Lom) sont aussi sur le coup…

Ce qui pourrait n’être qu’une histoire de viles cupidités prend une nouvelle tournure lorsque nous apprenons que le manoir a été jadis témoin d’un crime atroce à l’origine de la folie de son ancien propriétaire. « Des choses arrivent, des gens se blessent », prévient un autochtone en voyant arriver Edward. Effectivement, en arrivant sur les lieux, ce dernier passe à travers les planches du pont devant la bâtisse et se meurtrit la jambe. C’est là qu’entre en scène le docteur Ian Mandeville, médecin du coin, qui semble apporter quelques crédits aux superstitions locales, déconseillant à Foster de s’installer dans le manoir. Les lieux montrent en effet très tôt des signes d’étrangeté : une silhouette féminine qui apparaît à la fenêtre, les portes qui se ferment toutes seules, la présence d’un tableau qui provoque un malaise, un blason qui semble avoir été tout récemment dessiné dans la poussière, des poupées qui se brisent sur le sol, des voix inexpliquées, des bruits de pas… Et si le manoir était hanté par des enfants assassinés, comme le prétend Mandeville ?

Un faux slasher

Alors que Foster se laisse progressivement posséder par l’esprit du colonel Andrew Marr, son prédécesseur, d’habiles montages parallèles entre le présent et le passé permettent de découvrir Alta, la jeune épouse de l’ancien maître des lieux, incarnée par une toute jeune Jane Birkin. Malgré quelques trouvailles de mise en scène, Le Manoir des fantasmes souffre d’un rythme lent qui édulcore une grande partie de son impact. En outre, pour gagner en efficacité, le film eut sans doute mérité une direction artistique plus soignée et une lumière plus stylisée, dans l’esprit des travaux du réalisateur Terence Fisher pour les productions Hammer de la décennie précédente. Soigné mais pas foncièrement mémorable (d’autant qu’il n’évite pas les lieux communs des récits de maisons hantées), Le Manoir des fantasmes est donc une œuvre mineure dans la filmographie de Don Sharp. En France, le film connut une sortie tardive dans l’année 1979 (soit cinq ans après sa réalisation), à l’heure où le fantastique gothique anglais venait de perdre sa suprématie au profit du slasher américain. D’où un poster cherchant à capitaliser sur le succès récent de La Nuit des masques, avec une silhouette menaçante armée d’une pioche et Jane Birkin en victime offerte à l’avant-plan.

 

(1) Extrait d’une interview publiée en novembre 1993 dans le cadre du « British Entertainment History Project ».

 

© Gilles Penso


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SÉMINAIRE (2023)

Un petit groupe d’employés municipaux se retrouve pour une session de « team building » qui bascule dans l’horreur…

KONFERENSEN

 

2023 – SUÈDE

 

Réalisé par Patrik Eklund

 

Avec Katia Winter, Eva Melander, Adam Lundgren, Lola Zackow, Cecilia Nilsson, Cristoffer Nordenrot, Maria Sid, Amed Bozan, Jimmy Lindstöm, Margatera Pettersson

 

THEMA TUEURS

Adapté du roman éponyme de Mats Strandberg, Séminaire est une production calibrée pour enrichir le catalogue horrifique de Netflix. Depuis longtemps, l’incontournable plateforme de streaming investit dans les films de genre de toutes nationalités, avec plus ou moins de succès. Si l’ADN du géant américain reste la diffusion et la production de séries, avec de très beaux succès critiques et publics comme Stranger Things ou Squid Game, ses films « maison » peinent encore à convaincre et constituent une sorte de plafond de verre que la marque au N rouge n’arrive pas à briser, malgré la présence de grands noms comme David Fincher, Martin Scorsese ou encore Zack Snyder dans leur écurie. Pourtant, en 2017, Okja, fable écologiste et fantastique produite par la firme californienne, avait su créer la surprise et susciter l’adhésion des critiques et des abonnés. Depuis, l’exploit ne semble plus vouloir se renouveler. Cependant, il arrive parfois qu’un de ces films fasse parler de lui sur les réseaux, comme Massacre à la tronçonneuse (2022), avec sa séquence gore dans un bus, ou Séminaire, justement, pour son ton sarcastique sur le monde du travail.

Le métrage de Patrik Eklund possède quelques atouts pour plaire. Il peut déjà compter sur un casting expérimenté avec Katia Winter, vue notamment dans les séries américaines extrêmement populaires Dexter et NCIS, Adam Lundgren (Chernobyl) ou encore Eva Melander (Real Humans : 100% humains), et s’appuyer sur son point de départ plutôt original pour un slasher : pas de groupe d’ados attardés mais des employés de mairie, guère plus intelligents au demeurant. En rase campagne, cette équipe municipale quelque peu dysfonctionnelle se retrouve dans un complexe hôtelier pour un séjour de team building et la célébration d’un projet de construction d’un centre commercial. Mais alors que les activités s’enchaînent, une des employées met au jour les malversations d’un de ses collègues, tandis qu’un tueur masqué commence à semer la mort autour d’eux… 

The Office contre Michael Myers

Les premières minutes annoncent déjà la couleur : aucun de ces personnages naviguant entre incompétence, stupidité et ambition veule n’est à sauver, hormis peut-être l’héroïne. Le propos est résolument cynique, propulsant le film dans la farce macabre. Les futures victimes du tueur masqué sont toutes détestables et caricaturales, comme en atteste la drôlissime introduction, avec ce malaise propre à un certain humour anglais. Et ce décalage frisant l’absurde par moments va hanter le récit, même dans les scènes les plus dramatiques. Les protagonistes, parqués dans des chalets rappelant Crystal Lake, vont devoir affronter cette menace qui, avouons-le, ne brille pas non plus par son efficacité. On est loin d’un Jason Voorhees ou de The Shape et le scénario, de manière assez maligne, le justifie très bien. La toile de fond mêlant corruption, malversations et mépris de la population rurale nous ferait presque prendre parti pour ce tueur qui, le temps d’une courte séquence, s’humanise plus que ceux qu’il poursuit sans relâche. Et si tous ces éléments spécifiques sont à mettre à son crédit, Séminaire reste somme toute assez classique dans son exécution et plutôt sage dans les séquences horrifiques. N’offrant pas de scènes particulièrement mémorables ou réellement effrayantes, la réalisation est néanmoins efficace et sait ménager quelques belles fulgurances dans son dernier tiers, grâce à une photographie et un montage pertinents. Avec une fin cruellement satisfaisante, ce petit film d’horreur au ton parfois inégal et au démarrage relativement lent propose un excellent moment, sinon de frisson, au moins de sourire un peu cynique devant ce massacre d’employés idiots et antipathiques.

 

© Christophe Descouzères 


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