WOLF MAN (2025)

Dans le même esprit que son Invisible Man, Leigh Whannell revisite le mythe du loup-garou sous un angle modernisé et intimiste…

WOLF MAN

 

2025 – USA

 

Réalisé par Leigh Whannell

 

Avec Christopher Abbott, Julia Garner, Matilda Firth, Sam Jaeger, Ben Prendergast, Zac Chandler, Benedict Hardie, Milo Cawthorne, Leigh Whannell, Rob MacBride

 

THEMA LOUPS-GAROUS

Lorsque Joe Johnston réalisait en 2010 un remake très élégant du Loup-garou de George Waggner, la porte semblait ouverte vers une relecture à grand spectacle des films de monstres classiques d’Universal. Mais après l’accueil glacial réservé à Dracula Untold et La Momie, il était clair que le « Dark Universe » envisagé par le studio menait à une impasse. D’où un changement radical de cap. Les reconstitutions historiques et les têtes d’affiche coûteuses cèdent la place à des récits minimalistes produits pour de petits budgets. La première tentative allant dans ce sens, Invisible Man de Leigh Whannell, est un grand succès. Le co-créateur de la saga Saw est donc logiquement invité par Universal à proposer un sujet voisin. C’est dans la foulée du confinement imposé par la pandémie du Covid-19 que Whannell et son épouse Corbett Tuck se lancent dans l’écriture d’une première version de Wolf Man. Leur scénario aborde les notions d’isolement, de maladie, de déséquilibres au sein d’une cellule familiale dysfonctionnelle, bref s’éloigne volontairement du Loup-garou de Waggner et du Wolfman de Johnston pour réinventer le mythe du lycanthrope sous un tout nouveau jour. Confiants, les dirigeants d’Universal allouent au cinéaste un budget de 25 millions de dollars, soit plus du triple de celui d’Invisible Man.

En 1995, dans les montagnes isolées de l’Oregon, la disparition d’un randonneur soulève des rumeurs autour d’un mystérieux virus touchant la faune locale. Un matin, lors d’une partie de chasse, le jeune Blake Lovell (Zac Chandler) et son père autoritaire Grady (Sam Jaeger) aperçoivent une étrange créature humanoïde dissimulée dans la forêt. Terrifiés, ils se réfugient dans une cabane surélevée. La suite des événements est volontairement occultée par le scénario qui nous transporte aussitôt trente ans plus tard. Désormais adulte, Blake (Christopher Abbott, vu dans Possessor) vit à San Francisco avec sa femme Charlotte (Terry Garner, l’héroïne de L’Appartement 7A), très absorbée par son travail de journaliste, et leur fille Ginger (Matilda Firth). À l’image de son père, avec qui il a coupé les ponts, Blake lutte pour maîtriser son tempérament. Or un jour, il reçoit un certificat de décès concernant Grady, disparu depuis longtemps, ainsi que les clés de la maison de son enfance. Blake décide alors de s’y rendre pour y passer des vacances et tenter de reconstruire son couple qui bat de l’aile…

Dégénérescence

Choisir une approche intimiste pour aborder le mythe du loup-garou est de toute évidence la meilleure idée du film. Ces parents en crise sont crédibles, leurs interprètes très convaincants, et la dynamique du couple fragilisé s’appuie sur une mise en scène habile isolant souvent par ses cadrages une mère un peu laissée sur le bas-côté, trop occupée par ses activités professionnelles pour passer suffisamment de temps avec sa fille. La transformation de l’homme en loup, cœur de l’enjeu dramatique de Wolf Man, est ici lente et graduelle, suivant fidèlement le schéma dicté par La Mouche (auquel le film se réfère plusieurs fois). La lycanthropie se vit ici comme une contamination inexorable, une maladie dégénérative incurable. Whannell évoque d’ailleurs parmi ses influences Still Alice, qui abordait frontalement les affres de la maladie d’Alzheimer. Nous pensons aussi au Mutants de David Morley, avec lequel Wolf Man partage de nombreux points communs. Redoublant d’inventivité, le réalisateur nous permet de vivre la mutation de son héros « de l’intérieur », nous montrant l’altération de son ouïe et de sa vue, mais aussi son incapacité progressive à s’exprimer dans un langage intelligible et à comprendre les mots qu’il entend. Il faut souligner au passage la qualité des effets spéciaux de maquillage d’Arjen Tuiten, Whannell ayant pris le parti d’évacuer les images de synthèse pour visualiser la créature. Toutes ces bonnes idées – et une poignée de séquences de suspense réussies comme celle située au-dessus de la serre – sont un peu sabordées par une chute qui nous semble bâclée et très prévisible. Cette réserve – qui contribua à un bouche-à-oreille échaudé et à des résultats décevants au box-office – n’empêche pas Wolf Man d’être une excellente surprise redynamisant intelligemment un des motifs les plus classiques du cinéma fantastique.

 

© Gilles Penso

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FRANKENSTEIN (2004) (TV)

Kevin Connor s’attaque à une adaptation très fidèle de Mary Shelley, sous forme d’un long téléfilm au casting international prestigieux…

FRANKENSTEIN

 

2004 – GB

 

Réalisé par Kevin Connor

 

Avec Luke Goss, Alec Newman, Julie Delpy, William Hurt, Nicole Lewis, Monika Hilmerova, Donald Sutherland, Jean Rochefort

 

THEMA FRANKENSTEIN

Très apprécié des amateurs de cinéma fantastique grâce à ses adaptations des récits d’Edgar Rice Burroughs (Le Sixième continent, Centre Terre : Septième continent, Le Continent oublié), à ses épopées exotiques (Les Sept cités d’Atlantis, Le Trésor de la montagne sacrée) et ses films d’horreur excessifs (Frissons d’outre-tombe, Nuits de cauchemar), Kevin Connor s’est spécialisé à partir du début des années 2000 dans les téléfilms et mini-séries de luxe produits par Hallmark Entertainment. Ainsi, après le biblique Au commencement, le mignon S.O.S. Père Noël ou le thriller Innocence suspecte, le voilà qui s’attaque à Mary Shelley. Il n’était pas évident de renouveler Frankenstein, d’autant qu’une autre adaptation sortait la même année sous la direction de Marcus Nispel (le remake de Massacre à la tronçonneuse). Connor, Hallmark et le scénariste Mark Kruger se distinguent en prenant l’option d’une fidélité maximale au texte original. Le Frankenstein de Kenneth Branagh prônait déjà un retour complet aux sources, mais force est de constater que cette version télévisée (diffusée sous forme d’une mini-série de 200 minutes en deux épisodes les 5 et 6 octobre 2004 puis ramenée au format d’un téléfilm unitaire de trois heures) pousse encore plus loin le respect de la prose de Mary Shelley.

Le capitaine Robert Walton (Donald Sutherland) part explorer le pôle Nord et approfondir ses connaissances scientifiques dans l’espoir de devenir célèbre. Alors qu’il est pris dans les glaces, son équipage aperçoit deux traîneaux à chiens, l’un poursuivant l’autre. Quelques heures plus tard, les hommes de Walton sauvent l’un des conducteurs de traîneau, Victor Frankenstein (Alec Newman, le Paul Atreides des mini-séries Dune et Les Enfants de Dune), qui s’avère gravement malade. Alors qu’il se rétablit, Victor raconte à Walton l’histoire de sa vie. Né à Genève en 1793 dans une famille aisée, Victor décide très tôt de devenir médecin. Quelques semaines avant son départ pour l’université en Allemagne, sa mère (Julie Delpy) meurt de la scarlatine. À l’université, il met au point une technique secrète pour donner vie à des corps inanimés, avec les encouragements de son mentor, le professeur Waldman (William Hurt, affublé d’un accent européen indéfinissable). Après avoir temporairement ressuscité un chien, Victor passe à l’étape suivante, crée un être humain à partir de morceaux de cadavres et le ramène à la vie.

Haute-fidélité

Indubitablement, ce Frankenstein atteint au moins l’un de ses objectifs : se positionner comme l’une des versions filmées les plus proches du roman de Mary Shelley, toutes époques confondues. Mais ce parti pris n’est pas sans inconvénient. Car la quête de fidélité génère finalement un film très classique, dénué de surprises et de prises de risque narratives. James Whale nous avait prouvé en son temps les merveilleuses vertus d’une trahison flamboyante du matériau littéraire original. D’ailleurs, lors des rares moments où il s’éloigne un peu du texte de Mary Shelley, le Frankenstein de Kevin Connor se réfère aux classiques d’Universal, reproduisant – avec une issue moins dramatique – la séquence de la petite fille au bord du lac, mais aussi le soulèvement colérique des villageois ou encore la rencontre avec le vieux violoniste aveugle (ici campé par ce bon vieux Jean Rochefort). Formellement, ce téléfilm se distingue par la beauté de sa photographie et le lyrisme de sa bande originale (signé Roger Bellon, compositeur de la série Highlander). En revanche, on émettra plus de réserves sur la créature elle-même, interprétée sans beaucoup d’intensité par Luke Gross (le prince Nuada de Hellboy 2) et affublée d’un maquillage au design très discutable.

 

© Gilles Penso

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STITCHES (2001)

Un démon déguisé en vieille dame s’installe dans une pension de famille des années 20 pour capturer l’âme de ses occupants…

STITCHES

 

2001 – USA

 

Réalisé par Neal Marshall Stevens

 

Avec Elizabeth Ince, Robert Donavan, Kaycee Shank, Lindy Bryant, Marc Newburger, Alex Peabody, Debra Mayer, Maggie Rose Fleck, Marsy Blasgen

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS I SAGA CHARLES BAND

Stitches est le premier long-métrage réalisé par Neal Marshall Stevens, un scénariste stakhanoviste ayant signé des tonnes de scripts pour les productions Charles Band, généralement sous le pseudonyme de Benjamin Carr (Zarkorr ! The Invader, Le Cerveau de la famille, Hideous, The Creeps, Shriek, Le Retour des Puppet Master, Talisman, Frankenstein Reborn, The Killer Eye…). Le scénario qu’il écrit pour Stitches est au départ destiné au film Witchouse, mais son metteur en scène, David DeCoteau, préfère changer de cap et adopter un autre récit, plus conforme à ce qu’il a en tête (en gros une imitation de Night of the Demons). Charles Band n’étant pas du genre à jeter ce qui pourrait toujours servir, il propose donc à Stevens de récupérer le script non utilisé pour son premier film en tant que réalisateur. Ainsi naît Stitches, dont le titre pourrait être traduit par « Points de suture ». D’où une phrase d’accroche sur-mesure sur la jaquette du film lors de sa distribution en France : « L’horreur cousue main ». La séquence d’introduction se situe dans un décor infernal enfumé où pendouillent des bouts de cadavres ensanglantés et où un démon brièvement aperçu s’adonne à des travaux de couture avec de la chair humaine pour pouvoir adopter un déguisement qui lui permettra de passer inaperçu : une vieille dame bien sous tous rapports répondant au nom de Madame Albright (Elizabeth Ince).

Cette dame, à qui on donnerait le bon dieu sans confession, s’installe dans une pension de famille des années 20 tenue par Madame Grove (Lindy Bryant). Elle y découvre les autres occupants des lieux : l’agent d’assurances Robert Delaney et son épouse Ellen (Alex Peabody et Debra Mayer), la très timide Miss Lester (Kaycee Shank), l’étudiant Will Reynolds (Marc Newburger), le retraité Sam Gray (Robert Donavan) et l’employée maladroite Kathryn (Maggie Rose Fleck). Lorsqu’elle arrive, la discussion dans le petit salon tourne autour de l’existence présumée du diable. Ça ne peut pas mieux tomber. En effet, Madame Albright a pour mission d’utiliser tous les maléfices à sa disposition pour capturer l’âme des occupants et les emprisonner dans son « livre de souvenirs »…

Hot couture

Pour mener à bien ses sinistres besognes, notre démone est capable de changer d’apparence à loisir, peut déplacer les objets à distance et utilise une boulette de papier-espion qui arbore un visage grimaçant. Son mode opératoire est toujours le même : elle promet aux pensionnaires de les aider à exaucer leurs vœux les plus intimes (répondre à des questions métaphysiques, apprendre à lire, guérir d’une blessure mortelle, échapper à la police). En échange, elle récupère la peau de ses victimes qu’elle étire pour en faire du fil qu’elle enroule dans les bobines de sa machine à coudre. Des effets numériques passables visualisent cet étrange phénomène qui tombe un peu comme un cheveu dans la soupe au beau milieu de ce huis-clos par ailleurs économe en effets spectaculaires. Chaque âme capturée habite ensuite une poupée en papier qui vient orner sa collection diabolique. Une première version du scénario envisageait plutôt des poupées en chiffon, mais il était préférable d’éviter une redite après Ragdoll. Construit sur un rythme lent, ce petit film élégant à défaut d’être particulièrement passionnant s’appuie beaucoup sur la prestation d’Elizabeth Ince, parfaite dans le registre de la duplicité et de la fausse affabilité. Sous ses allures de Cluedo mâtiné d’un soupçon d’Agatha Christie, Stitches se révèle finalement bien plus réussi que le balourd Witchouse.

 

© Gilles Penso

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I SPIT ON YOUR GRAVE 2 (2013)

Dans cette fausse suite, une jeune apprentie-mannequin qui cherche à faire carrière à New York tombe dans un piège redoutable…

I SPIT ON YOUR GRAVE 2

 

2013 – USA

 

Réalisé par Steven R. Monroe

 

Avec Jemma Dallender, Joe Absolom, Yavor Baharov, George Zlatarev, Mary Stockley, Valentine Pelka, Aleksandar Aeksiev, Peter Silverleaf, Michael Dixon

 

THEMA TUEURS I SAGA I SPIT ON YOUR GRAVE

Particulièrement apprécié malgré – ou à cause de – son caractère sulfureux et profondément dérangeant, I Spit on your Grave de Steven R. Monroe, remake d’un classique du cinéma d’exploitation des années 70, poussa logiquement les producteurs de Cinetel Films et les distributeurs d’Anchor Bay à plancher sur une suite. Mais il aura fallu près d’un an pour aboutir à un scénario qui tienne la route. « L’histoire a été très difficile à trouver », raconte Monroe. « Les producteurs avaient une idée de ce qu’ils voulaient faire lorsque je suis arrivé, mais il restait encore beaucoup de chemin à parcourir. Il y a eu de nombreuses et très longues tables rondes créatives avant que nous ayons une ébauche acceptable. Il y avait eu un autre concept que nous avons fini par mettre au rebut, parce qu’il n’allait nulle part et me paraissait totalement irréaliste. » (1) Pour que la franchise possède une certaine cohérence, Monroe tient à conserver la même approche esthétique et à s’appuyer toujours sur la même mécanique scénaristique du « rape and revenge », tout en poussant un cran plus loin la violence et la brutalité. Pour autant, I Spit on your Grave 2 n’est pas à proprement parler une suite mais plutôt une variante sur le même thème, dans la mesure où aucun personnage ne relie les deux films.

Ce second opus se distingue déjà par un changement radical de décor. La campagne de l’Amérique profonde cède le pas à un cadre urbain et la dynamique s’en trouve inversée. Au lieu d’une citadine s’échappant dans la nature (comme dans I Spit on your Grave premier du nom et son remake), nous découvrons ici une provinciale qui cherche à se faire une place dans la cité. La jeune Katie Carter a en effet quitté les fermes du Missouri pour tenter sa chance dans le mannequinat à New York. Elle vit dans un petit appartement mal insonorisé et gagne sa vie comme serveuse en attendant son heure de gloire. Le book qu’elle a constitué est jugé comme un peu trop « amateur » par ceux à qui elle le présente, mais faire appel à un photographe professionnel n’est financièrement pas à sa portée. Aussi, lorsqu’elle tombe sur une petite annonce proposant des séances photo gratuites, Katie y voit naïvement une aubaine. Le studio photo dans lequel elle se rend, installé dans le sous-sol d’un petit immeuble newyorkais, n’est guère engageant. Connaissant le principe narratif des deux films précédents, le spectateur imagine aisément la tournure dramatique que vont prendre les choses. Le scénario réserve tout de même un certain nombre de rebondissements inattendus. D’autant qu’ici, le sujet de la traite des blanches, du trafic humain et de l’esclavage sexuel organisé vient se greffer à l’intrigue. 

D’entre les morts

Conformément aux codes déjà établis par Meir Zarchi puis Steven R. Monroe, la descente aux enfers que vit la protagoniste est lente, pénible et éprouvante. Difficile pour autant de dire si elle sert un quelconque propos féministe, social ou politique, ou si elle se contente de donner au public avide de sensations fortes ce qu’il attend, en s’aventurant parfois sur le même terrain qu’Hostel d’Eli Roth. On note qu’ici, la toxicité n’est pas l’unique apanage des hommes, même si elle reste majoritairement masculine. Contrairement au film précédent, qui s’éloignait provisoirement du destin de la protagoniste pour la faire ensuite ressurgir d’entre les morts, ce second opus ne lâche pas d’une semelle son infortunée héroïne, donnant à sa résurrection une tournure quasiment christique. D’où le détournement d’un certain nombre de symboles religieux, de l’église orthodoxe au petit crucifix en passant par la mise en exergue de la phrase « À moi la vengeance » issue de l’Ancien Testament. Une fois ressurgie des sous-sols crasseux où elle croupissait – métaphore à peine voilée de l’Enfer -, Katie entame la vengeance tant attendue, retournant contre chacune de ses victimes les arguments qu’elles s’amusaient à débiter lorsqu’elle subissait les pires sévices. Comme toujours, l’implication physique et émotionnelle de l’actrice principale – ici la remarquable Jemma Dallender – reste très impressionnante et laisse imaginer des conditions de tournage pas toujours simples. Fort du succès de cette variante, I Spit on your Grave 3 sera produit deux ans plus tard.

 

(1) Extrait d’une interview parue dans The Movie Sleuth en septembre 2013

 

© Gilles Penso

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LE BAISER DE LA TARENTULE (1975)

Une jeune fille solitaire se venge de ceux qui lui causent du tort grâce à une horde d’énormes araignées apprivoisées…

KISS OF THE TARANTULA

 

1975 – USA

 

Réalisé par Chris Munger

 

Avec Suzanne Ling, Eric Mason, Patricia Landon, Herman Wallner, Beverly Eddins, Jay Scott, Rebecca Eddins, Rita French, W. James Eddins, Jared Davis

 

THEMA ARAIGNÉES

Développé à partir de 1972 sous le titre Tarantula, sans pour autant présenter le moindre lien avec le classique homonyme de Jack Arnold, Le Baiser de la tarentule est au départ censé être réalisé par John Hayes (Dream No Evil, Bébé vampire, Le Jardin des morts). Le tournage est planifié pour se dérouler à l’automne 1974 en Californie, mais trouver une jeune actrice principale qui n’aura aucun problème pour côtoyer de très près des dizaines de tarentules n’est pas une mince affaire. Le film ne se tournera finalement qu’en décembre avec un autre réalisateur, Chris Munger, qui n’a à son actif qu’un seul autre long-métrage, le drame Black Starlet. C’est finalement à Columbus, Géorgie, que se déroulent les prises de vues, la majorité des rôles étant confiés à des habitants de la région (dont quatre membres de la même famille, les Eddins, pour incarner plusieurs personnages clés du scénario). Suzanne Ling, l’heureuse élue choisie pour tenir le haut de l’affiche aux côtés d’une horde de partenaires velues à huit pattes, est inconnue au bataillon, et n’apparaîtra d’ailleurs dans aucun autre film à notre connaissance. Elle s’en tire pourtant avec les honneurs et assure ce rôle principal complexe avec une certaine conviction.

La petite Susan Bradley (Rebecca Eddins) est passionnée par les araignées, une fascination qui répugne profondément sa mère Martha (Beverly Eddins). Cette dernière déteste tout autant son mariage avec John (Herman Wallner), un entrepreneur de pompes funèbres. Frustrée par sa vie, la mégère entretient une liaison secrète avec Walter (Eric Mason), le frère policier de John, et élabore même un sombre plan pour se débarrasser de son mari. En les entendant comploter, Susan décide de réagir. Elle sort donc une énorme tarentule qu’elle gardait précieusement dans un aquarium et la glisse dans le lit de Martha. Terrifiée, la mère est victime d’une attaque cardiaque. Les années passent. Susan devient une jeune femme séduisante (Suzanne Ling), mais son étrange passion pour les tarentules reste intacte : elle en fait une véritable collection. Alors que son oncle Walter commence à la couver d’un regard libidineux, Susan devient la cible des moqueries de jeunes de son âge. Le soir d’Halloween, un groupe d’entre eux décide de s’introduire chez elle pour dérober un cercueil dans le showroom de son père. Mais leur intrusion tourne mal : ils tombent sur les précieuses araignées de la jeune femme et en tuent une. Susan prépare alors sa vengeance…

Prends garde car l’araignée est là !

Le scénario relativement basique du Baiser de la tarentule semble vouloir décliner celui de Willard en remplaçant les rats par des araignées. On pense aussi beaucoup à Carrie, même si dans ce cas le jeu des influences ne peut pas avoir joué puisque le classique de Brian de Palma n’est sorti que l’année suivante. Accompagnée par une musique synthétique entêtante de Philian Bishop (Messiah of Evil), Susan passe le plus clair de son temps à cajoler ses tarentules, les nourrir, leur parler et se confier à elles. Il faut saluer la pleine implication de la jeune actrice qui interagit sans aucun trucage avec les arachnides, tout comme le reste du casting. Le budget du film (150 000 dollars environ) ne permettant l’emploi d’aucun effet spécial, les bestioles se promènent en effet réellement sur le corps – et parfois le visage – des comédiens. Jay Scott, fournisseur des tarentules (de beaux et gros spécimens avec le corps et les pattes rayés), responsable des araignées sur le plateau et interprète d’une des victimes, effectue là un travail impressionnant. L’impact des séquences mettant en scène les invertébrés est d’autant plus fort que tout ce qui est vu à l’écran est réel. Les séquences de suspense jouent sur l’attente et la durée, laissant tranquillement les bébêtes ramper dans les lits, les voitures ou les conduits d’aération. Fait notable : ici, les araignées elles-mêmes ne tuent personnes mais provoquent des réactions horrifiées. Les gens meurent donc de peur ou se blessent mortellement dans la panique. La facture semi-amateur du métrage joue un peu en sa défaveur, mais le film reste efficace et développe quelques rebondissements inattendus jusqu’à son final cruellement ironique.

 

© Gilles Penso

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LE CHAT QUI VIENT DE L’ESPACE (1978)

Un OVNI vient d’atterrir au beau milieu de la campagne américaine. À son bord : un félin extra-terrestre aux pouvoirs surnaturels…

THE CAT FROM OUTER SPACE

 

1978 – USA

 

Réalisé par Norman Tokar

 

Avec Ken Berry, Sandy Duncan, Harry Morgan, Roddy McDowall, McLean Stevenson, Jesse White, Alan Young, Hans Conried, Ronnie Schell

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I MAMMIFÈRES

À partir du milieu des années 70, le studio Disney se focalise plus sur ses films en prises de vues réelles que sur ses longs-métrages animés. « L’âge d’or » est derrière la compagnie et ne renaîtra qu’à la fin de la décennie suivante. Entre-temps, à part un Robin des Bois et un Bernard et Bianca, le département animation de chez Mickey ne fait pas beaucoup d’éclats. Les films « live » sortent en revanche tous azimut, notamment les épisodes de la saga La Coccinelle, La Montagne ensorcelée, L’Île sur le toit du monde ou encore Un vendredi dingue, dingue, dingue, pour n’en citer que quelques-uns. Nimbés d’une patine volontiers « rétro », ces films semblent souvent un peu à la traîne par rapport aux tendances du moment. Aussi, lorsque La Guerre des étoiles et Rencontres du troisième type affolent le grand public, Disney se dit qu’il est temps de sauter sur l’occasion. Sans changer ses fondamentaux (la comédie façon « slapstick », les animaux sympathiques, les gentils idiots au grand cœur, les romances naïves), le studio décide d’intégrer plus ouvertement des éléments de science-fiction. Ainsi naît Le Chat qui vient de l’espace, dernier film de Norman Tokar (téléaste depuis le début des années 50 et réalisateur de plusieurs films Disney comme Quatre Bassets pour un Danois ou La Course au trésor) avant son décès en 1979.

Un OVNI aux allures de tête de félin fait un atterrissage d’urgence sur Terre, sur le terrain d’une ferme isolée. Les militaires débarquent aussitôt et récupèrent le vaisseau pour l’emmener dans un entrepôt top-secret, espérant percer les secrets de sa source d’énergie. Mais l’occupant de l’OVNI, un chat extra-terrestre qui répond au nom de Zunar-J-5/9 Doric-4-7, échappe à leur vigilance. Grâce au collier lumineux qu’il porte autour du cou, le minou extra-terrestre possède des pouvoirs télékinétiques, parle par télépathie, peut jouer de la musique à distance ou figer les gens pendant plusieurs minutes. Après avoir observé les scientifiques à la dérobée, il se rapproche de Frank Wilson (Ken Berry, héros d’Un nouvel amour de Coccinelle), un chercheur dont les théories controversées sur l’énergie extraterrestre s’avèrent étonnamment justes. Intrigué par cet animal, Frank décide de l’adopter et le baptise Jake. Mais ce dernier lui révèle bientôt sa véritable identité et ses capacités extraordinaires…

Cosmocat

Brocardant gentiment l’armée américaine, sa rigidité hiérarchique et son anticommunisme primaire (« Je ne vois ni marteau ni faucille », dit un officier en observant l’engin aux jumelles, « C’est peut-être à l’intérieur », s’entend-il rétorquer), Le Chat qui vient de l’espace offre un rôle savoureux à Harry Morgan en général têtu et autoritaire. Ken Berry, lui, se contente du registre que nous lui connaissons déjà, celui du type sympathique, distrait et maladroit promis à une gentille amourette avec une ingénue que joue Sandy Duncan. En arrière-plan, Roddy McDowall joue les espions industriels, au service d’un super-vilain réfugié dans une caverne qui semble s’être échappé d’un James Bond. Le film tire la grande majorité de ses scènes comiques et de ses morceaux de bravoure des pouvoirs magiques que possède le chat. D’où une partie de billard ensorcelée qui rappelle la scène de la roulette du Fantôme de Barbe Noire, une moto qui s’envole au nez et à la barbe de l’armée (avant-goût de l’un des passages les plus célèbres de E.T. l’extra-terrestre) ou encore une poursuite aérienne finale entre un hélicoptère et un vieux coucou rouillé, bourrée de cascades audacieuses mais sans doute trop longue. Le Chat qui vient de l’espace est en quelque sorte un film de transition. Dès l’année suivante, Disney abordera en effet la SF sous un angle beaucoup plus adulte avec Le Trou noir, premier d’une série de longs-métrages à la tonalité plus grave tels que Les Yeux de la forêt, Le Dragon du lac de feu, Tron ou La Foire des ténèbres.

 

© Gilles Penso

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AMERICAN NIGHTMARE (2013)

Dans un proche futur dystopique, le gouvernement américain organise « La Purge », une nuit par an où tous les crimes sont autorisés…

THE PURGE

 

2013 – USA

 

Réalisé par James DeMonaco

 

Avec Ethan Hawke, Lena Headey, Max Burkholder, Adelaide Kane, Edwin Hodge, Rhys Wakefield, Tony Oller, Arija Bareikis, Tom Yi, Chris Mulkey, Tisha French

 

THEMA TUEURS I POLITIQUE FICTION I SAGA AMERICAN NIGHTMARE

Si le studio A24 tend à se parer d’une aura un peu classieuse avec le concept d’« elevated horror » (Midsommar, Beau is Afraid, The Lighthouse…), Blumhouse, quant à lui, assume son statut moins prestigieux de faiseur de séries B à petits budgets et à la qualité fluctuante. Néanmoins, les adeptes de frissons leur doivent de belles surprises comme Insidious (2010), Get Out (2017) ou bien sûr l’extrêmement rentable Paranormal Activity (2007). Et ces succès ont eu pour effet d’enclencher une ribambelle de suites et de spin-off afin de faire fructifier les bénéfices. C’est dans ce contexte que le scénariste et réalisateur James DeMonaco sort en 2013 The Purge, devenu chez nous par une inexplicable adaptation American Nightmmare. Avec un budget de trois millions de dollars, le film va – relativement – réitérer l’exploit de Paranormal Activity en récoltant plus de 89 millions de dollars au box-office mondial. Ce succès surprise va donc entraîner dans son sillage la création d’une longue saga et ce malgré une réception critique mitigée. Au casting, on retrouve Ethan Hawke, Lena Headey et Rhys Wakefield dans le rôle de l’antagoniste. Des prestations plutôt convaincantes qui ne vont cependant pas éviter au film de se perdre dans les écueils inhérents au genre.

Pendant « La purge » annuelle, une nuit au cours de laquelle tous les crimes sont autorisés voire encouragés, les habitants d’un petit quartier huppé de Los Angeles se préparent, chacun à leur manière. James Sandin, brillant commercial dans une société qui vend des systèmes de sécurité, rentre chez lui. Ayant fait fortune en équipant tous ses voisins, James annonce à sa famille sa promotion. Pendant ce temps, sa fille Zoey reçoit à l’insu de tous son petit ami Henry, plus âgé qu’elle. Sachant que son père réprouve cette liaison, Zoey lui demande de partir avant le début de « La Purge ». Au signal annonçant cette nuit de violence, James barricade la maison. Mais les choses ne vont pas se dérouler comme il l’avait prévu… Le moins que l’on puisse dire est que cet American Nightmare ne tient pas vraiment ses promesses. Si l’idée de départ est alléchante, son exploitation parcellaire, voire inexistante, nous fait rapidement déchanter. De cette nuit d’épouvante censée ravager tout le pays, nous n’en verrons rien, à peine entendrons-nous quelques coups de feu au loin et des cris de terreur. Le choix assez surprenant d’en faire un huis-clos et un bête « home invasion » dessert totalement le propos social et politique qui sous-tend l’intrigue.

American Way of Lies

Ce n’est pas dans le développement des personnages que James DeMonaco va trouver son salut (artistique, car le financier a plutôt bien marché). Ethan Hawke peine à donner corps à un personnage creux, à l’instar du reste du casting, livrant une performance honnête malgré le peu de matière à disposition. Si tous ces points négatifs vont peu à peu être rectifiés dans les suites, d’autres problèmes vont surgir. Car outre ces quelques défauts, la réalisation purement fonctionnelle de James DeMonaco ne crée jamais de tension, et les ralentis assez disgracieux n’iconisent aucun des assaillants. L’incontournable « décision stupide » sans laquelle il n’y aurait tout simplement pas de film est extraordinairement mal amenée. Cette saga, partant pourtant d’un concept original et plutôt intéressant, se révèle très frustrante et l’on se prend à rêver d’un John Carpenter ou d’un Wes Craven aux commandes. Ce manque de stylisation, de maîtrise de l’action et de caractérisation sera malheureusement une constante dans la saga, à divers degrés, même si les opus suivants seront bien moins déceptifs sur ces points précis.

 

© Christophe Descouzères

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SCANNERS III : PUISSANCE MAXIMUM (1991)

La fille adoptive d’un scientifique teste un traitement expérimental pour calmer ses maux de tête et se mue en super-vilaine aux pouvoirs redoutables…

SCANNERS III :  THE TAKEOVER

 

1991 – CANADA

 

Réalisé par Christian Duguay

 

Avec Liliana Komorowska, Valérie Valois, Steve Parrish, Colin Fox, Daniel Pilon, Peter Wright, Sith Sekae, Harry Hill, Claire Cellucci, Michael Copeman

 

THEMA POUVOIRS PARANORMAUX I SAGA SCANNERS

Tourné dans la foulée de Scanners II, avec le même réalisateur, les mêmes producteurs et le même scénariste (auquel se sont adjoint cette fois-ci un trio de co-auteurs supplémentaires), ce troisième épisode continue de décliner les thématiques développées par David Cronenberg dans Scanners en mettant en scène de tout nouveaux personnages sans aucun lien direct avec ceux vus précédemment. Le niveau qualitatif n’a guère augmenté depuis Scanners II, mais cet opus présente tout de même le mérite de tenter de varier les plaisirs en oubliant l’organisation top-secrète qui étudie les cobayes humains dans le but de s’en servir d’armes. Cette fois-ci, la redistribution des forces du bien et du mal prend une tournure nouvelle et inattendue. Pas de quoi crier au génie pour autant, bien sûr, ce Scanners III arpentant plus encore que son prédécesseur les voies de la série Z nanardesque avec une absence de complexe qui laisse rêveur. Christian Duguay semble là en pilote automatique, comme s’il était pressé de se débarrasser de cette séquelle avant de pouvoir attaquer des films plus intéressants. Sur le plan personnel, Scanners III lui aura tout de même permis de rencontrer l’actrice polonaise Liliana Komorowska, qui deviendra son épouse et la mère de ses deux enfants.

Le prologue nous donne la tonalité pataude du film dès les premières minutes. Pendant une fête de Noël, Alex Monnet (Steve Parrish) tue accidentellement son meilleur ami lors d’une démonstration de ses pouvoirs de Scanner. Dévasté, il prend alors la fuite, fait le tour du monde et trouve finalement refuge dans un monastère en Thaïlande pour apprendre à contrôler ses pouvoirs, ce que nous explique sa voix off solennelle. Deux ans plus tard, alors qu’il est toujours aux abonnés absents, son père adoptif Elton (Colin Fox), un scientifique de renom, développe un patch médicamenteux expérimental appelé EPH-3 qui, espère-t-il, pourra aider les Scanners à réprimer leurs pouvoirs et à vivre une vie normale. Sa belle-fille Helena (Liliana Komorowska), la sœur d’Alex, rêverait d’utiliser ce médicament pour inhiber les maux de tête dont elle souffre à cause de ses capacités de Scanner. Mais Elton reste ferme : à ce stade, le produit est encore expérimental et pourrait se révéler dangereux. Or une nuit, alors qu’elle est victime d’un nouvel accès de migraine, Helena fait fi de l’interdiction et s’applique un des patchs. Aussitôt, son comportement change radicalement…

Explosions de têtes en série

Dans le monde que nous décrit le film, les gens ont fini par s’habituer à la présence des Scanners. On ne s’étonne plus d’en voir un utiliser ses pouvoirs en pleine rue ou lors d’une soirée privée. Plusieurs cliniques spécialisées semblent avoir par ailleurs été installées dans les grandes villes. Cet aspect intéressant du scénario est pourtant à peine exploité, l’intrigue s’attachant surtout à montrer la transformation de sa protagoniste principale en super-vilaine assoiffée de mort, de vengeance et de pouvoir. À ce titre, la prestation de Liliana Komorowska est plutôt intéressante, plus pétillante en tout cas que celle du fade Steve Parrish héritant du rôle du « gentil Scanner » bien résolu à la ramener sur le droit chemin. Helena change donc de look (troquant ses vêtements très sages contre des tenues chic et sophistiquées), fait exploser un pigeon qui a eu l’outrecuidance de lâcher sa fiente sur elle, oblige son partenaire professionnel à se lancer dans une chorégraphie/strip-tease ridicule au milieu d’un restaurant guindé, mutile le médecin qui l’avait martyrisée pendant son enfance et multiplie les meurtres violents en ricanant. Scanners III comporte son lot de cascades impensables, de fusillades et de pyrotechnie, sans oublier bien sûr, le « plan signature » de la saga : la tête qui explose. Plusieurs variantes de l’effet nous sont proposées, dont l’une sous l’eau et l’autre dans une porte à tambour (avec à la clé une malformation faciale improbable digne d’Elephant Man). Tout s’achève par un climax ridicule qui aurait dû logiquement marquer la fin de la franchise. Mais le producteur Pierre David tient à exploiter encore le filon. Il initiera donc Scanner Cop et Scanner Cop 2.

 

© Gilles Penso

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SCANNERS II : LA NOUVELLE GÉNÉRATION (1991)

Cette suite tardive du thriller fantastique de David Cronenberg s’intéresse à d’autres êtres dotés de pouvoirs paranormaux…

SCANNERS II : THE NEW ORDER

 

1991 – CANADA

 

Réalisé par Christian Duguay

 

Avec David Hewlett, Deborah Raffin, Yvan Ponton, Isabelle Mejias, Tom Butler, Raoul Max Trujillo, Vlasta Vrana, Murray Westgate, Doris Petrie, Dorothée Berryman

 

THEMA POUVOIRS PARANORMAUX I SAGA SCANNERS

Scanners avait-il besoin d’une suite ? Non, bien sûr, d’autant que David Cronenberg continua à creuser un sillon voisin quelques années plus tard en revisitant Stephen King à l’occasion de Dead Zone. Mais le producteur Pierre David est un malin. Pas question pour lui de laisser tomber ce qui pourrait ressembler à une franchise juteuse. Après avoir un temps envisagé de décliner Scanners sous forme de série télévisée, il s’associe avec René Malo, à la tête de Malofilm, et initie Scanners II et Scanners III. Ces deux suites sont tournées ensemble et confiées à un talentueux directeur de la photographie effectuant là ses premiers pas de réalisateur de longs-métrages (après avoir dirigé plusieurs épisodes de Crossbow et Le Voyageur) : Christian Duguay. Futur metteur en scène de Planète hurlante, L’Art de la guerre, Hitler : la naissance du mal, Jappeloup ou Un Sac de bille, cet homme au style très éclectique n’est franchement pas très emballé par les scénarios de Scanners II et III. Alors qu’il est sur le point de passer la main, Malo lui assure qu’il pourra mettre son grain de sel dans l’écriture et tenter d’y apporter sa propre vision. Duguay finit donc par accepter, un peu à contrecœur, sachant que les amateurs de Cronenberg risquent de le détester !

Le film s’ouvre sur le visage grimaçant d’un certain Peter Drak, incarné par l’acteur Raoul Max Trujillo qui ignore visiblement ce que signifie le terme demi-mesure. Dépenaillé, le teint livide, le cheveu gras, il sème la panique dans une salle d’arcade, détruisant à distance tous les jeux vidéo qui l’entourent en une grande orgie pyrotechnique, puis trouve refuge dans un entrepôt où l’assaillent des milliers de voix qui s’insinuent dans son cerveau. Intercepté par les autorités qui lui administrent un tranquillisant, Drak est rapatrié dans l’institut de recherche neurologique du docteur Morse (Tom Butler) qui étudie les Scanners, autrement dit des personnes nées avec des capacités télépathiques et télékinétiques. Or Morse travaille secrètement pour l’inspecteur Forrester (Yvan Ponton), un policier qui rêve d’instaurer un « nouvel ordre » moral en s’attaquant au crime grâce à la puissance des Scanners, dont il veut faire ses chiens de garde. Ses plans vont cependant être contrariés par David (David Hewlett), un étudiant en médecine vétérinaire qui, lui aussi, possède des capacités psychiques exceptionnelles…

« Le pouvoir ne nous rend pas meilleurs »

On le voit, le script un peu paresseux de B.J. Nelson (Œil pour œil, Shadowchaser IV) se contente de reproduire la dynamique du premier film en redistribuant des rôles que nous connaissons déjà : le « gentil » scanner qui refuse de se laisser manipuler, le « méchant » scanner aux tendances fortement psychopathes, la sympathique petite-amie, la maléfique organisation secrète… La seule nouveauté un tant soit peu notable est la nature de l’antagoniste principal, un flic à tendances fascistes persuadé que sa croisade contre le mal autorise tous les sacrifices. Heureux de jouer les tueurs à gage du moment qu’il a droit aux doses régulières de drogue auxquelles il est accro, Drak l’illuminé finit par avouer à David « le pouvoir ne nous rend pas meilleurs, il nous rend plus fort », contredisant ainsi le célèbre adage sur le pouvoir et la responsabilité cher à Stan Lee. Christian Duguay fait ce qu’il peut pour dynamiser ce récit bancal, esthétisant à l’extrême certaines séquences (la lumière qui filtre à travers les grands ventilateurs), multipliant les fusillades, les poursuites de voiture et même les passages gores pour tous les moments – un peu répétitifs – où les têtes gonflent et explosent. Rien de ben neuf, donc, mais reconnaissons que ce Scanners II, pour facultatif qu’il soit, se regarde sans ennui.

 

© Gilles Penso


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HORRORVISION (2001)

Une entité diabolique a pris le contrôle d’un site internet pour capturer ceux qui le visitent et semer le chaos dans le monde…

HORRORVISION

 

2001 – USA

 

Réalisé par Danny Draven

 

Avec Brinke Stevens, Len Cordova, Maggie Rose Fleck, Michelle Mellgren, David Bartholomew Greathouse, Jeff Scaduto, Brandon Mercer, Del Howison

 

THEMA ROBOTS I SAGA CHARLES BAND

Contrairement à ce que son titre pourrait faire croire, Horrorvision n’est pas une suite de Terrorvision mais plutôt une tentative maladroite de la part du producteur Charles Band de surfer sur le succès de Matrix. Band développe le projet en 1999, d’abord sous le titre Fear.com, avec l’intention de le réaliser lui-même, puis le rebaptise et le confie finalement à J.R. Bookwalter, qui est censé s’y attaquer juste après le tournage de Witchouse 2. Mais Bookwalter préfère refiler le bébé à un tout jeune réalisateur de 21 ans dont ce sera le premier film : Danny Draven. Très motivé malgré le fossé vertigineux creusé entre l’ambition du film et les moyens à sa disposition, Draven décide de tout filmer en vidéo au format DVCam, sans autorisation, au cours d’un tournage marathon de 12 jours. Le concept d’Horrorvision est intéressant : Dez (Len Cordova) et Toni (Brinke Stevens) arrondissent leurs fins de mois en diffusant sur Internet du contenu porno déviant. Mais bientôt, Toni disparaît sans laisser de trace, tout comme Dazzy (Maggie Rose Fleck), la petite-amie de Dez. Une entité maléfique s’est en effet emparée du web pour se nourrir des âmes humaines en les exposant au redoutable site « Horrorvision.com »…

Horrorvision ne manque pas d’éléments attrayants, en particulier le bestiaire cyberpunk qu’il met en scène furtivement. On s’amuse donc avec cette boule métallique qui se matérialise dans les airs (version roulante de celle de Phantasm) avant de se transformer en robot insectoïde multipattes qui attaque ses victimes en les lacérant. Le film révèle aussi à mi-parcours une sorte d’homme-tronc démoniaque aux allures de djinn biomécanique à la peau couverte de veines, dont le crâne et les mains se prolongent par des câbles et des circuits, et dont l’activité principale consiste à télécharger des gens sur ses CD en ricanant. Quant au climax, il exhibe un monstre cybernétique relativement impressionnant – sauf dans les plans larges qui lui donnent les allures d’un super-vilain échappé d’un épisode de Bioman ! Ces apparitions réjouissantes, ainsi qu’une poignée de séquences sous influence manifeste de Tetsuo (Brinke Stevens est attaquée chez elle par des fils électriques, Len Cordova voit des câbles qui surgissent de son entrejambes), sont les passages les plus intéressants du film.

Wild Wild Web

Malheureusement, ces petites fulgurances sont très exceptionnelles. Car la grande majorité du métrage ne raconte rien, fait intervenir comme un cheveu sur la soupe un personnage incarné par James Black qui se prend pour Lawrence Fishburne dans Matrix (grand manteau noir, regard lointain, phrases énigmatiques), se perd dans de longs dialogues inutiles (dont l’un bourré de références à Star Wars) et surtout gaspille d’innombrables minutes avec des séquences de trajets en voiture dans les quartiers les plus laids de Los Angeles, montées comme des clips sur du mauvais rock indépendant. « Je pense qu’Horrorvision aurait fait un très bon film de quarante minutes sans ces montages vidéo musicaux ridicules », avoue le réalisateur. « Je n’avais pas le choix, nous devions respecter une durée de soixante-douze minutes ou nous n’avions pas de film. Lorsque nous avons monté la première version, nous nous sommes rendu compte qu’il ne durait que cinquante minutes et que nous devions trouver un moyen de l’allonger, alors nous avons fait des clips ! Et j’ai détesté ça. » (1) C’est d’autant plus dommage que Danny Draven montre là un intéressant potentiel et que son acteur principal – dont le physique n’est pas sans rappeler le jeune Robert De Niro – aurait pu nous convaincre s’il avait quelque chose à défendre. Mais en l’état, Horrorvision est un film prodigieusement ennuyeux.

 

(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)

 

© Gilles Penso

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