SIDESHOW, LE CIRQUE DES HORREURS (2000)

Un soir, cinq ados visitent un musée des horreurs itinérant dont le directeur, un nain mystérieux, propose d’exaucer leurs désirs les plus chers…

SIDESHOW

 

2000 – USA

 

Réalisé par Fred Olen Ray

 

Avec Jamie Martz, Michael Amos, Scott McCann, Jessi Keenan, Phil Fondacaro, Jeana Blackman, Peter Spellos, Luigi Francis Shorty Rossi, Curran Sympson

 

THEMA FREAKS I SAGA CHARLES BAND

Fred Olen Ray a toujours été fasciné par les spectacles itinérants de forains, que son père l’emmenait visiter dans l’Ohio quand il avait une dizaine d’années. « J’adorais l’ambiance qui y régnait, où tout le monde semblait se connaître, comme une seule et même famille », se souvient-il. « Je m’y sentais à l’aise, comme chez moi. J’adorais particulièrement ces tentes qui exhibaient des aberrations de la nature. Je découvrirais bien plus tard qu’il s’agissait en fait de spectacles d’illusions auxquels collaboraient même parfois des stars hollywoodiennes des effets spéciaux. » (1) Entre deux films, Olen Ray aura même l’occasion de monter lui-même quelques attractions de ce type (notamment avec un « homme alligator » et une « femme électrique » incarnée par sa propre épouse !) et de consacrer un livre complet sur le sujet. Il est donc le candidat idéal pour réaliser Sideshow, que lui propose le producteur Charles Band au tout début des années 2000. Mais il n’est pas simple pour lui de rendre correctement justice à ces « freakshows » qu’il aime tant à cause des conditions précaires dans lesquelles il doit travailler : 120 000 dollars de budget et six jours de tournage dans un lieu unique. Si le résultat est loin d’être grandiose, force est d’admettre que chaque centime est à l’écran et qu’Olen Ray a tiré parti du mieux qu’il pouvait du potentiel de son script.

Caricaturaux en diable et interprétés par des jeunes comédiens pas follement convaincants, les cinq protagonistes de Sideshow n’aident pas facilement à entrer dans le film. Il s’agit de deux couples et du jeune frère de l’un d’eux, cloué sur un fauteuil roulant, qui visitent une fête foraine itinérante abritant des « spécimens uniques ». Dès leur arrivée, nos cinq amis rencontrent une diseuse de bonne aventure (Brinke Stevens, une habituée des films de Fred Olen Ray) qui leur révèle ce que leur avenir leur réserve. Mais ses propos sont tellement nébuleux qu’il n’est pas simple de comprendre ce qui se glisse derrière ses prophéties. Prochaine étape : la visite du chapiteau du docteur Graves (Phil Fondacaro), un « Monsieur Loyal » au bagout inversement proportionnel à sa taille qui s’apprête à leur présenter une série de freaks tous plus bizarres les uns que les autres. S’agit-il d’erreurs de la nature bien réelles ou de trucs d’illusionniste ? Nos cinq héros ne vont pas tarder à le découvrir à leurs dépens…

La foire aux monstres

Si le concept de Sideshow évoque tour à tour Massacres dans le train fantôme, La Foire des ténèbres et Freaks, il place ses ambitions beaucoup moins haut que ses illustres prédécesseurs. Olen Ray se contente en effet d’exploiter le décor pittoresque de son film pour en tirer une succession de séquences insolites et horrifiques sans chercher à révolutionner le genre. Comment pourrait-il en être autrement, sachant que l’équipe de tournage doit mettre en boîte chaque nuit quinze pages de scénario ? Pas le temps de faire dans le détail ! L’un des aspects techniques du film ralentit tout de même considérablement le rythme des prises de vues, mais c’est un élément essentiel. Il s’agit du travail de Gabe Bartalos, chargé des effets spéciaux. Après s’être distingué dans les films de Frank Hennelotter (Frère de sang, Elmer le remue-méninges), il gratifie Sideshow d’une faune hétéroclite, notamment un homme-insecte visqueux, un hercule de foire taciturne avec un visage grimaçant à la place du ventre, une bimbo qui se baigne dans de l’acide digestif gluant, une strip-teaseuse qui s’arrache la peau pour révéler l’intérieur de son anatomie, une femme sans visage ou encore un mutant mi-homme mi-oiseau. Toutes ces créations, conçues à l’aide de prothèses et de marionnettes, sont les attractions principales du film… sa seule raison d’être, serait-on même tentés de dire, malgré l’abattage toujours savoureux de Phil Fondacaro, fidèle membre de la troupe de Charles Band.

 

(1) Propos extraits du livre « Fred Olen Ray : il était une fois à Hollywood » de Damien Granger (2023).

 

© Gilles Penso


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TIGER STRIPES (2023)

Gratifié du Grand Prix de la Semaine de la Critique à Cannes et censuré à son retour dans son pays d’origine, un film horrifique joyeusement campy…

TIGER STRIPES

 

2023 – MALAISIE

 

Réalisé par Amanda Nell Eu

 

Avec Zafreen Zairizal, Piqa, Deena Ezral, June Lojong, Khairunazwan Rodzy, Shaheizy Sam, Fatimah Abu Bakar, Bella Rahim, Ti Arneez, Natasha Rafizi

 

THEMA MUTATIONS

Amanda Nell Eu a grandi à Kuala Lumpur. À onze ans, elle rejoint sa grand-mère au Royaume-Uni où elle achèvera ses études. Après deux court-métrages, It’s Easier to Raise Cattle et Vinegar Baths, qui mettent en scène des monstres féminins, la réalisatrice malaisienne, libre et fougueuse, exprime avec Tiger Sripes à la fois son amour du fantastique et du folklore malaisien. Elle rend particulièrement hommage aux vieux films fantastiques malais en noir et blanc comme Revenge of the Pontianak (1957) ou à ceux distribués en Malaisie par la Shaw Brothers. C’est eux qui sont à l’origine de la création de Tiger Stripes. « Je voulais avoir dans le film des effets avec ce rendu organique, en jouant sur les lumières », explique-t-elle. « Nous avons fait réaliser des effets visuels mineurs à Taïwan, mais les maquillages spéciaux sont effectués par des artistes malaisiens que j’admire beaucoup. Avec mon directeur de photographie Jimmy Gimferrer, nous nous sommes inspirés aussi d’un film japonais des années 1970 : House (Hausu) de Nobuhiko Ōbayashi. » (1)

Tiger Stripes, que l’on pourrait traduire par « Camouflage » (celui qui évoque les rayures du tigre), met en scène Zafaan (Zafreen Zairizal), onze ans, dont la figure enthousiaste et souriante pourrait être emblématique d’une spécialité du pays, celle d’un islam tolérant qui cohabiterait paisiblement avec toutes les autres religions, même si cette harmonie semble de plus en plus menacée. Dans un contexte politique et religieux qui est également au centre des inquiétudes occidentales, il est cependant recommandé de se libérer de ce prisme pour regarder ce “feel-good movie”, joyeux par l’énergie et la soif de liberté que dégage son héroïne, tout comme sa réalisatrice. Car la jeune fille en pleine puberté se retrouve, à l’instar de la Carrie de Brian de Palma, à affronter le harcèlement d’ex-copines, la mutation de son corps accompagnée d’une force bestiale, de démangeaisons et d’excroissances qui la dénaturent et la déforment, rappelant les créatures du Règne animal de Thomas Cailley. Une drôle de créature se montre à elle dans un arbre, sorte d’appel à rejoindre la jungle, loin de ses congénères humains qui la mettent en rage.

Une fable sur l’émancipation

Puisant dans le riche folklore malaisien qui abonde en créatures fantastiques comme le « pontianak », la réalisatrice partage avec nous, et avec bonheur, son amour des monstres et des vieux films d’horreur asiatiques des années 50 qui l’ont inspirée. Servi par une bande originale envoutante et des éclairages qui subliment la jungle, ce film de série B qui célèbre le genre a séduit la critique cannoise, qui l’a couronné d’un Grand Prix de la Semaine de la Critique. A son retour de France, le film s’est malheureusement retrouvé amputé par la censure dans son pays d’origine, poussant la réalisatrice à officiellement renier cette version. Mais c’est bien le director’s cut qui est finalement sorti sur nos écrans. Zafaan nous y entraine dans sa danse libératrice, et telle un beau tigre féroce, elle n’est monstrueuse qu’aux yeux de ceux dont elle suscite l’incompréhension. Une magnifique fable où le thème de l’émancipation est central.

 

(1) Propos recueillis par Quélou en mai 2024

 

© Quélou


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LA NUIT DU CHASSEUR (1955)

L’unique long-métrage réalisé par Charles Laughton transforme Robert Mitchum en inoubliable croquemitaine…

THE NIGHT OF THE HUNTER

 

1955 – USA

 

Réalisé par Charles Laughton

 

Avec Robert Mitchum, Shelley Winters, Lilian Gish, Billy Chapin, Sally Jane Bruce, James Gleason, Evelyn Varden, Peter Graves, Don Beddoe, Gloria Castillo

 

THEMA TUEURS

Au cours de sa prolifique carrière de comédien entamée en 1928, Charles Laughton incarna Néron, le docteur Moreau, l’inspecteur Javert, Quasimodo, bref une belle galerie de monstres auxquels son visage replet seyait à merveille. Pour son premier long-métrage en tant que metteur en scène, il décide cependant de rester derrière la caméra et de céder la vedette à une star, en grande partie pour convaincre les producteurs de se lancer dans le financement de l’entreprise. Car Si Laughton est bien connu à Hollywood, son expérience de metteur en scène se limite alors à un segment de L’Homme de la Tour Eiffel (coréalisé par Burgess Meredith et Irving Allen) et à quelques pièces à Broadway. Après avoir envisagé Gary Cooper – qui refuse la proposition – et Laurence Olivier – qui n’est pas disponible -, Laughton jette son dévolu sur Robert Mitchum. La Nuit du chasseur adapte fidèlement le roman homonyme écrit en 1953 par Davis Grubb, lui-même inspiré des méfaits d’un assassin bien réel. Formé au dessin, l’écrivain réalise plusieurs croquis à l’attention de Laughton, qui décide de tous les intégrer dans son storyboard. Mais le studio préfère un scénariste plus expérimenté que Grubb pour adapter le roman et sollicite donc James Agee – dont la prose jugée trop longue et trop « bondieusarde » sera entièrement retravaillée par Laughton.

L’intrigue se situe dans les années 1930, en Virginie-Occidentale. Harry Powell (Mitchum) est un prédicateur psychopathe qui parcourt le pays, séduit des veuves, les épouse puis les assassine en justifiant ses actes au nom de la volonté divine. Arrêté pour vol de voiture, Powell est condamné à trente jours de prison. Le temps de sa peine, il partage sa cellule avec Ben Harper (Peter Graves, le futur Mr. Phelps de Mission impossible), un homme acculé par la pauvreté qui, pour sauver sa famille, a commis un braquage suivi du meurtre de deux hommes. Avant d’être arrêté, Ben a confié un secret à ses deux jeunes enfants, John et Pearl : il a caché les 10 000 dollars du hold-up à l’intérieur de la poupée de Pearl, leur faisant jurer de ne jamais révéler la cachette. Powell tente de soutirer cette information à Harper, mais ce dernier reste silencieux. Convaincu que les enfants connaissent l’emplacement de l’argent, le prédicateur élabore un plan. Après l’exécution de Harper par pendaison, il se rend chez la veuve, Willa (Shelley Winters). Manipulée par son charme et son apparence pieuse, la jeune femme accepte de l’épouser, sans savoir qu’elle vient d’ouvrir les portes de l’enfer…

La rivière sans retour

Mis simplement à plat, le scénario de La Nuit du chasseur est celui d’un film noir relativement classique. Mais Charles Laughton tient à transfigurer l’intrigue policière pour muer ce premier long-métrage en une sorte de conte de fées cauchemardesque. Tout y est exagéré, déformé, esthétisé jusqu’à ce que le spectateur – vivant ce drame à travers les yeux des jeunes enfants en cavale – finisse par perdre pied avec le monde réel. Formé à la bonne école, le réalisateur emprunte ses effets de style au cinéma expressionniste allemand et s’éloigne donc volontairement de ce que font ses contemporains. Les ombres s’allongent, les perspectives prennent des proportions monstrueuses, les cieux étoilés surplombent les gamins livrés à eux-mêmes et les animaux de la forêt s’ébattent au premier plan, un peu comme si Alfred Hitchcock rencontrait F.W. Murnau, Lewis Carroll, les frères Grimm et Mark Twain en un cocktail parfaitement surréaliste. Quant à la rivière, à la fois symbole de vie – elle permet aux jeunes héros de prendre la fuite – et de mort – elle engloutit les victimes qui y flottent mollement comme dans un film d’horreur gothique -, elle finit par prendre des atours surnaturels empruntés à la fois aux fables pour enfants et au Styx de la mythologie grecque. La Nuit du chasseur n’est donc définitivement pas un film comme les autres, le chef d’œuvre unique d’un cinéaste surdoué qui s’en tiendra pourtant là, en grande partie échaudé par l’accueil glacial reçu par son film lors de sa sortie en 1955. Laughton s’éteindra en 1962, ne nous léguant qu’un seul film hélas – mais quel film !

 

© Gilles Penso


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PENDANT CE TEMPS SUR TERRE (2024)

Après le coup d’éclat de J’ai perdu mon corps, Jérémy Clapin passe aux prises de vues réelles sans perdre sa vision poético-fantastique du monde…

PENDANT CE TEMPS SUR TERRE

 

2024 – USA

 

Réalisé par Jérémy Clapin

 

Avec Megan Northam, Sofia Lesaffre, Catherine Salée, Nicolas Avinée, Sam Louwyck, Roman Williams et les voix de Dimitri Doré et Sébastien Pouderoux

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Avec ce second long-métrage, après J’ai perdu mon corps qui a récolté un flot de récompenses prestigieuses en 2019, Jérémy Clapin change de technique en passant de l’image animée à la prise de vue directe. Les familiers du cinéaste y retrouveront cependant son univers à nouveau sublimé par la musique envoutante de Dan Levy. Le capitaine Franck Martens est un spationaute, héros national qui honore sa région et qui est adoré par sa petite sœur. Les étoiles, l’espace, les astres… Elsa a grandi en observant le ciel de nuit avec son grand frère, tout en dessinant pour combler sa soif d’imaginaire. Ensemble, ils avaient l’habitude de partager leurs rêves d’avenir : pour lui, devenir cosmonaute, pour elle, entrer aux Beaux-Arts. Franck lui a montré comment atteindre son but : pointer une étoile et ne plus dévier de son objectif jusqu’à l’atteindre. Mais alors que Franck, parti en mission il y a trois ans, a mystérieusement disparu, Elsa travaille en gériatrie dans l’établissement tenu par sa mère. Là, peu à peu, elle va se perdre dans le rêve et l’espoir obsessionnels de retrouver son grand frère.

Un père professeur et mélomane qui partage volontiers un peu d’herbe avec sa fille, un petit frère qui n’a pas connu son grand frère et cherche le contact avec sa grande sœur, une mère dévastée par la perte de son aîné mais qui fait preuve de courage et continue de travailler et de s’occuper des autres, une collègue qui l’invite à la suivre au bord de la mer où elles pourraient faire le même travail en allant à la plage… tout dans l’environnement d’Elsa a de quoi la tirer vers la vie. D’ailleurs, son habitude de croquer les gens sur son carnet nous donne à penser qu’elle finira par devenir dessinatrice, et ainsi réaliser son rêve tel qu’elle l’avait partagé avec Franck.

Des voix dans la tête

Seulement tout bascule dans sa tête… des voix… celle de Franck, et celles d’entités extraterrestres qui lui lancent un défi sous forme de chantage. Ils sont cinq, veulent venir sur Terre et ont besoin de cinq corps vivants qu’Elsa doit leur amener à un endroit précis de la forêt, en échange de quoi ils pourront faire revenir Franck qu’ils tiennent en otage. Les circonstances semblent d’abord pencher en faveur de ces maîtres chanteurs en mal d’une enveloppe physique, mais à quel prix pour notre héroïne ? Elsa, attachante, empathique, à la fois en marge et ancrée dans son monde, va se retrouver face à des questions morales impossibles à résoudre sans y perdre son âme. Le suspense est haletant tout au long de ce film sensoriel à la croisée des genres, qui ne parle en creux que de la vie et de ce qu’il en reste quand les êtres qu’on aime disparaissent.

 

© Quélou


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DEAR SANTA (2024)

En croyant envoyer une lettre au Père Noël, un garçon dyslexique écrit « Satan » à la place de « Santa »… Et Jack Black débarque !

DEAR SANTA

 

2024 – USA

 

Réalisé par Bobby Farrelly

 

Avec Jack Black, Robert Timothy Smith, Brianne Howey, Hayes MacArthur, Jaden Carson Baker, Kai Cech, Keegan-Michael Key, Post Malone, P.J. Byrne

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS

C’est au tout début des années 2010 que les scénaristes Pete Jones et Kevin Barnett pitchent aux frères Farelly l’idée de Dear Santa : un enfant envoie une lettre au Père Noël mais se trompe dans l’orthographe, écrivant « Satan » au lieu de « Santa ». Les créateurs de Mary à tout prix et Dumb & Dumber sont immédiatement conquis. Il leur faudra pourtant plus de dix ans pour monter le film, trouver la juste tonalité et les interprètes idéaux. « Nous ne voulions pas faire de film d’horreur, nous voulions faire un vrai conte de Noël qui puisse s’adresser à toute la famille », explique Bobby Farrelly. « Voilà pourquoi nous avons choisi Jack Black dans le rôle principal. Il a un côté diabolique, et en même temps vous ne pouvez pas vous empêcher de l’aimer, parce qu’il est très drôle. » (1) La star du King Kong de Peter Jackson retrouve ainsi les Farrelly deux décennies après L’Amour extra large. Bizarrement, un autre film produit en même temps repose exactement sur le même principe et possède d’ailleurs un titre très similaire : Dear Satan, réalisé par le Philippin RC Delos Reyes et prévu pour une sortie en septembre 2024, mais jamais distribué à cause de sérieuses démêlées avec la censure (visiblement, on ne s’amuse pas à mélanger le diable et les fêtes de fin d’années dans cette partie de l’Asie). Il est donc difficile de savoir s’il y a plagiat ou s’il s’agit d’un étrange hasard.

Dear Santa tourne autour de la vie de Liam Turner (Robert Timothy Smith), un gamin de onze ans sympathique mais un peu à l’écart, qui souffre de dyslexie et surtout de la tension permanente qui règne entre ses parents. Un drame passé semble avoir frappé la petite famille, mais à ce stade nous n’en savons pas plus. Amoureux d’une fille qui lui semble inaccessible, ami avec un garçon aussi peu populaire que lui, Liam est un peu trop grand pour croire encore au Père Noël. Mais s’il y a ne serait-ce qu’une infime chance qu’il existe, pourquoi ne pas lui écrire et formuler un vœu ? Qu’y a-t-il à perdre ? Malgré la réaction embarrassée de son père (Hayes MacArthur), qui voudrait le voir grandir, et avec l’approbation de sa mère (Brianne Howey), qui a tendance à le surprotéger, Liam rédige donc une lettre à l’attention de ce bon vieux Santa Claus. Mais la dyslexie lui joue des tours : au lieu de « Cher Santa », il écrit « Cher Satan ». Aussitôt, la missive arrive à bon port, c’est-à-dire en Enfer. Le soir-même, Satan (Jack Black) débarque dans la chambre de Liam et lui propose d’exaucer trois de ses vœux en échange de son âme…

Un Noël d’enfer

Au-delà de la force de son concept, Dear Santa s’appuie sur la justesse de son casting. Jack Black dévore bien sûr l’écran dans le rôle de ce diable sympathique mais machiavélique. Les Farrelly le laissent en totale roue libre, permettant à son enthousiasme exubérant de se propager chez les spectateurs. Robert Timothy Smith lui donne la réplique avec beaucoup de conviction, dans le rôle d’un garçon complexé mais particulièrement vif qui désarçonne Satan par sa logique imparable et son empathie incompréhensible. Du côté des adultes, Brianne Howey et Hayes MacArthur nous livrent une prestation à fleur de peau en perpétuel équilibre entre le rire et l’émotion, offrant au film son supplément d’âme. On note aussi la présence toujours délectable de Keegan-Michael Key, qui campe ici un psychiatre hilarant. Pris séparément, tous ces ingrédients fonctionnent à merveille. Le mélange a pourtant du mal à prendre. Dear Santa nous donne sans cesse le sentiment de ne pas aller assez loin, comme si Bobby Farrelly se bridait, partagé entre l’envie de faire rire en gardant son impertinence naturelle et celle de ne pas trop heurter le grand public. Nous nous retrouvons de fait avec un film hybride qu’on aurait aimé plus percutant dans ses rebondissements et plus incisif dans ses traits d’humour. Un peu tiède, le résultat ne convainquit sans doute qu’à moitié les dirigeants de Paramount, qui le sortirent directement sur leur plateforme de streaming en toute discrétion.

 

(1) Extrait d’une interview publiée sur ComingSoon.net en novembre 2024.

 

© Gilles Penso


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THE HORRIBLE DOCTOR BONES (2000)

Un célèbre producteur de musique spécialisé dans le hip-hop fomente un plan machiavélique pour dominer le monde…

THE HORRIBLE DOCTOR BONES

 

2000 – USA

 

Réalisé par Ted Nicolaou

 

Avec Darrow Igus, Larry Bates, Sarah Scott Davis, Rhonda Claerbaut, Danny Wooten, Tangelia Rouse, Derrick Delaney, Nathaniel Haywood, Manoushka Guerrier

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I ZOMBIES I SAGA CHARLES BAND

Après Ragdoll : magie noire, le producteur Charles Band poursuit dans la veine de la blaxploitation urbaine en initiant un second film s’appuyant sur un concept voisin. Il est donc à nouveau question d’un groupe de jeunes musiciens qui rêvent de percer dans le milieu du hip-hop et font face à une menace diabolique. Écrit par Raymond Forchion (un acteur qu’on a vu dans des dizaines de séries et de films comme Massacres dans le train fantôme, Le Vol du navigateur, Mac et moi ou Point Break), The Horrible Doctor Bones est mis en scène par Ted Nicolaou. Fidèle collaborateur de Band, le réalisateur doit composer avec un planning encore plus serré et un budget encore plus réduit que d’habitude. « Ce film a été tourné en neuf jours », se souvient-il amèrement. « C’est là que j’ai réalisé que je ne pourrais jamais faire un film qui me plairait en si peu de temps. » (1) Pas très fier, Nicolaou demande à être crédité sous le nom d’Art Carnage au générique (un pseudonyme qui ne manque pas d’ironie !). Lors de ses ressorties ultérieures en DVD puis en streaming, The Horrible Doctor Bones sera vendu comme un film dans la lignée de Bones et Hood of Horror avec Snoop Dogg, qui sont pourtant loin d’être des chefs d’œuvre.

Les Urban Protectors, un jeune groupe de hip-hop très prometteur, remportent un concours de talents organisé par Dr. Bones (Darrow Igus), célèbre producteur de disques et propriétaire de la station KZMB. Enthousiastes, les quatre musiciens signent rapidement avec le label Boneyard Records. Leur rêve de percer dans l’industrie musicale semble à portée de main. Mais Jamal (Larry Bates), auteur-compositeur et manager du groupe, se méfie de Dr. Bones. Le spectateur ne saurait lui donner tort, une scène prégénérique ayant montré cet étrange sorcier coiffé de dreadlocks en train de faire exploser à distance la tête d’un pauvre gars après l’avoir soumis à une musique visiblement diabolique. Car derrière sa voix enjôleuse et son sourire charmeur, Bones est un sorcier vaudou machiavélique désireux de contrôler les esprits à travers la musique. Son plan ? Dominer le monde en transformant les auditeurs de sa radio en zombies grâce aux chansons du groupe, qu’il mixe en live avec des incantations d’outre-tombe. Signer sous son label, c’est donc en quelque sorte se soumettre à un pacte digne de Faust…

La musique zombifie les mœurs

Les vingt premières minutes du film nous font rapidement comprendre que Nicolaou va devoir tirer à la ligne, faute de temps, nous imposant trois chansons hip-hop d’affilée chantées dans un très mauvais play-back. C’est de beaucoup de patience qu’il va donc falloir nous armer pour tenter d’apprécier le film. Car The Horrible Doctor Bones manque cruellement de péripéties (l’intrigue se traîne, les personnages n’en finissent pas de discuter dans le vide) et trahit un certain amateurisme indigne du réalisateur de la saga Subspecies. La prise son directe est parfois inaudible, les images tournées en extérieurs sont surexposées, les décors d’une pauvreté désarmante, les effets vidéo très maladroits… Restent quelques maquillages spéciaux réussis bricolés par Gabe Bartalos (Frère de sang, Elmer le remue-méninges, Sideshows), comme la version « maléfique » du docteur Bones ou cette femme zombie aux yeux cousus. Mais c’est un peu court pour maintenir un semblant d’attention. C’est d’autant plus dommage que l’idée initiale – l’emploi de la musique pour manipuler les foules – ne manquait pas d’intérêt. Hélas, Nicolaou n’a pas les moyens de tirer grand-chose de ce scénario et emballe donc la chose à la va-vite, sans talent ni passion. Les deux films suivants de cette série « urbaine » seront Killjoy et The Vault.

 

(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017) 

 

© Gilles Penso


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LOVE LIES BLEEDING (2024)

La romance trouble qui s’installe entre une jeune femme tourmentée et une culturiste sculpturale prend une tournure très inattendue…

LOVE LIES BLEEDING

 

2024 – USA

 

Réalisé par Rose Glass

 

Avec Kristen Stewart, Katy O’Brian, Ed Harris, Jena Malone, Anna Baryshnikov, Dave Franco, Eldon Jones, Catherine Haun, Orion Carrington

 

THEMA NAINS ET GÉANTS

Comme son titre l’indique, ce film nous parle d’amour, d’une véritable love story qui commence par une attirance physique mutuelle entre deux femmes, et qui se termine en couple soudé pour le meilleur et surtout le pire. Avec une « She-Hulk » à qui il ne manque que la couleur verte, et une « tomboy » écorchée vive par une enfance à la merci d’un père criminel et tordu, si ce conte moderne s’achève en laissant un bain de sang derrière lui, il semble que ce soit pour mieux s’interroger sur la question qui devient de plus en plus perturbante au fil de l’action : jusqu’où irait-on par amour s’il fallait trahir ses valeurs intrinsèques pour protéger l’être cher ? Ici, deux êtres forts mais en détresse sentimentale, un peu à la dérive, se retrouvent en harmonie pour combler leur manque d’amour, enfoui dans leur détermination à s’en sortir.

Pour l’une, Jackie (Katy O’Brian), culturiste, l’ambition est de gagner une compétition de bodybuilding à Las Vegas, se faire un nom et travailler comme coach sportif à Los Angeles, face à la mer. Pour l’autre, Lou (Kristen Stewart), qui travaille dans une salle de sport appartenant à un père qu’elle méprise à juste titre, il s’agit de protéger sa sœur, victime consentante d’un mari violent dont elle espère la débarrasser avant qu’il n’arrive à la tuer. Mais dans la moiteur du sud des Etats-Unis, les corps, pourtant faits pour s’aimer avec ferveur et passion, s’affolent au fil des meurtrissures de l’âme, du vice et des coups tordus d’un caïd paternaliste (Ed Harris) qui fait régner corruption et frayeurs dans la bourgade.

Un thriller fantastique sous stéroïdes

Tourné à Albuquerque, au Nouveau Mexique, avec des talents locaux, ce deuxième film de la réalisatrice britannique Rose Glass, après Saint Maud, Grand Prix au Festival Fantastique de Gérardmer, ne délaisse pas le fantastique pour autant en le distillant savamment sous ses allures de thriller. C’est ainsi que, sous la double emprise de la colère et du dopage qu’elle s’injecte pour développer ses muscles, une force surhumaine s’empare de Jackie qui finit par se transformer en géante dans des scènes sorties tout droit d’Attack of the 50 Foot Woman. La réalisation du film est tout aussi musclée que sa super-héroïne, bénéficiant de la splendide photo de Ben Fordesman qui avait déjà servi la cinéaste sur son film précédent, mais aussi de la bande originale rock, pop, et envoutante de Clint Mansell (ex PWEI, Pop Will Eat Itself), déjà célèbre comme compositeur entre autres pour son travail sur tous les films de Darren Aronofsky de Pi (1998) à Noé (2014) en passant par Requiem for a Dream (2000).

 

© Gilles Penso


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SHERLOCK HOLMES CONTRE JACK L’ÉVENTREUR (1965)

Le détective et l’assassin les plus célèbres de tous les temps s’affrontent dans cette savoureuse production britannique…

A STUDY IN TERROR

 

1965 – GB

 

Réalisé par James Hill

 

Avec John Neville, Donald Houston, John Fraser, Anthony Quayle, Barbara Windsor, Adrienne Corri, Frank Finlay, Judi Dench

 

THEMA TUEURS

Si Arthur Conan Doyle n’a jamais consacré un seul de ses romans à une enquête de Sherlock Holmes liée aux agissements sanglants de Jack l’éventreur, la tentation de faire se rencontrer les deux personnages était trop forte pour qu’un jour où l’autre le cinéma ne tente pas l’aventure. Écrit par Donald et Derek Ford (Le Spectre maudit), le scénario de Sherlock Holmes contre Jack l’éventreur tente ainsi le grand écart entre la réalité et la fiction. Le titre original du film se réfère à celui d’un roman spécifique (A Study un Scarlet de 1887) et le dialogue que le célèbre détective entame avec son frère Mycroft à propos de « l’affaire du manoir » est fidèlement repris à la nouvelle The Greek Interpreter que Doyle écrivit en 1893. Parallèlement, le film met en scène cinq victimes de l’éventreur (Annie Chapman, Mary Ann Nichols, Elizabeth Stride, Catherine Eddowes et Mary Jane Kelly) qui ont réellement existé et sur lesquelles Scotland Yard a mené ses investigations. La mise en scène est assurée par James Hill, qui allait se spécialiser dans la réalisation d’épisodes de séries TV britanniques très recommandables telles que Chapeau Melon et bottes de cuir, Le Saint ou Amicalement vôtre, et à qui nous devons également Le Capitaine Nemo et la ville sous-marine.

En 1888, le quartier de Whitechapel devient le théâtre de plusieurs meurtres nocturnes visant des prostituées. Sherlock Holmes (John Neville), d’abord informé de ces crimes par les récits de son ami, le docteur John Watson (Donald Houston), se retrouve impliqué de manière inattendue lorsqu’il reçoit par la poste une trousse de chirurgien incomplète, à laquelle manque un couteau de dissection. Grâce à son œil acéré, Holmes découvre des armoiries dissimulées dans le coffret, celles de la noble famille Osborne. Cette piste les mène, Watson et lui, jusqu’à la propriété du duc de Shires (Barry Jones). Sur place, ils apprennent que la trousse appartenait autrefois à Michael Osborne (John Cairney), le fils aîné de la famille, aujourd’hui disparu et en disgrâce auprès de son père. Ils font également la connaissance de Lord Edward Carfax (John Fraser), le frère cadet de Michael. Poursuivant l’enquête, Holmes découvre qu’un prêteur sur gage a récemment reçu le coffret des mains d’une certaine Angela Osborne (Adrienne Corri). Il charge alors Watson de retrouver cette femme à l’asile pour déshérités du docteur Murray (Anthony Quayle). Pendant ce temps, les effroyables meurtres de Jack l’Éventreur continuent de semer la terreur dans Londres…

Un slasher victorien

Futur Baron de Munchausen pour Terry Gilliam, John Neville est un excellent Sherlock Holmes, son mélange subtil d’élégance, de cynisme et de flegme froid rappelant la prestation de Peter Cushing dans Le Chien des Baskerville. Neville reprendra et enrichira d’ailleurs ce rôle quelques années plus tard sur les planches de Broadway. Le casting, orné de toute une galerie de solides comédiens britanniques, laisse aussi la part belle à Donald Houston, très convaincant en Watson, et laisse apparaître Judi Dench, future interprète de M pour la saga James Bond. Sacrifiant à un certain classicisme, la mise en scène de James Hill laisse toutefois la part belle à quelques idées visuelles très intéressantes, comme ce plan séquence en caméra subjective décrivant – du point de vue du tueur – l’agression d’une des prostituées, un procédé qui sera repris à son compte par John Carpenter pour Halloween, puis deviendra le passage obligatoire de nombreux slashers. La révélation finale est certes un peu décevante, sans toutefois gâcher le plaisir éprouvé par ce long-métrage composite – à mi-chemin entre le film d’épouvante victorien et l’enquête policière en costumes – qui bénéficie en outre d’une très belle partition de John Scott mêlant l’orchestre à d’étranges mélodies solistes à la mandoline.

 

© Gilles Penso


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JOKER : FOLIE À DEUX (2024)

Cette suite des mésaventures du clown macabre revêt la forme inattendue d’une comédie musicale dépressive. La blague de trop ?

JOKER : FOLIE A DEUX

2024 – USA

Réalisé par Todd Philips

Avec Joaquin Phoenix, Lady Gaga, Brendan Gleeson, Catherine Keener, Zazie Beetz, Steve Coogan, Harry Lawtey, Leigh Gill, Ken Leung, Jacob Lofland, Bill Smitrovich

THEMA SUPER-VILAINS I SAGA DC COMICS

Pourquoi diable Todd Phillips, humble faiseur de comédies plus ou moins légères (la trilogie Very Bad Trip, Starsky et Hutch), ayant pleinement profité du système, s’est-il soudain autoproclamé artiste maudit pourfendeur d’Hollywood ? A l’instar de son « héros » à qui l’on demande constamment s’il a une histoire drôle à raconter, le réalisateur en aurait-t-il eu plus qu’assez de faire ce qu’on lui demandait ? L’engouement massif suscité par le Joker premier du nom avait pourtant démontré qu’il était encore possible aujourd’hui de livrer une œuvre nihiliste au rythme lent et de toucher un large public. La performance alors exceptionnelle de Joaquin Phoenix, tantôt pathétique tantôt terrifiant, les intelligentes trahisons faites au matériau d’origine (notamment le handicap du personnage justifiant son rire nerveux), et le soin tout particulier apporté à la mise en scène et à la photographie, parvenant à émuler l’atmosphère et le grain cafardeux des 70’s, autant de qualités indéniables qui permettaient d’oublier des influences envahissantes (La Valse des pantins et Taxi Driver en tête) ainsi qu’un manque de subtilité embarrassant dans le traitement du sujet de fond (face aux méchants riches, seuls l’anarchie et le chaos prévalent).

Heureusement, le film se terminait nappé d’une ambiguïté plus intéressante, voyant un psychopathe devenu symbole de liberté porté aux nues dans un asile à ciel ouvert. Philipps avait donc déjà scruté jusqu’au vertige son monstre en devenir et souligné le fait qu’il soit le seul à s’esclaffer quand il faudrait pleurer, offrant le triste miroir d’un monde à la dérive ne sachant plus où se situe son humanité. Las, la séquelle qui nous occupe ici ne s’avère être qu’une indigente thérapie à 200 millions de dollars, échouant sur tous les tableaux avec une arrogance horripilante. Mauvais film de procès ne cessant de ressasser ad nauseam les éléments du premier volet cités plus haut, analyse pachydermique des maladies mentales enfonçant des portes ouvertes, piètre comédie musicale (ce cher Todd n’a pas dû en regarder beaucoup, ou alors seulement La La Land) à la mise en images banale, aux textes sur-explicatifs des tourments des protagonistes et aux arrangements chouinants de pub télé, l’œuvre manque qui plus est cruellement de la folie promise dans son titre, n’atteignant jamais de véritable alchimie entre réalisme et fantasme (au contraire de Dancer in the Dark de Lars Von Trier auquel le réalisateur emprunte beaucoup).

Joker in the Dark

Les rares défenseurs du film (dont un Quentin Tarantino en plein ego trip qui y a fantasmé son Tueurs nés revisité) clameront que ce cuisant échec public et critique donne raison à son orchestrateur et à son doigt d’honneur visant la vénalité de Warner et DC. La triste vérité est tout autre : ce doigt d’honneur s’adresse avant tout aux spectateurs et à leurs attentes légitimes, Phillips refusant en bloc de faire autre chose que du surplace 2h18 durant, se moquant complètement du Joker (Phoenix, anesthésié, en est ici réduit à jeter constamment la tête en arrière en crachant sa fumée de cigarette), de ses illusoires amours avec Harley Quinn (pauvre Lady Gaga qui se retrouve avec bien peu à exprimer) et de l’univers qu’il a lucrativement investi. Jack Burton et The Thing s’affirmaient comme des gestes artistiques rebelles absolus au sein d’un système hollywoodien oppressif, Gremlins 2 affichait le panache d’un superbe suicide commercial, Kill Bill 2 et The Devil’s Rejects proposaient de véritables remises en question de leurs prédécesseurs… Joker 2 se borne à ériger un monument de prétention bêtement symptomatique du cynisme faussement décalé de son époque.

 

© Julien Cassarino


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MI BESTIA (2024)

Mila, 13 ans, est confrontée à une prophétie qui annonce la venue du diable le jour de la fête de la Lunada…

MI BESTIA

 

2024 – COLOMBIE / FRANCE

 

Réalisé par Camila Beltran

 

Avec Stella Martinez, Mallerly Murillo, Marcela Mar, Hector Sanchez

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS

La cinéaste Camila Beltrán a fait des études artistiques en Colombie avant d’intégrer la prestigieuse Ecole nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy. Pedro Malheur, son court-métrage de fin d’études, a obtenu la mention spéciale du Jury au Festival de Clermont-Ferrand en 2014 et son dernier Pacifico Oscuro a été sélectionné au Festival de Locarno en 2020. Également productrice avec sa société Fellina Films, elle signe avec Mi Bestia, conte horrifique dont le titre est inspiré d’El Dia de la Bestia d’Alex de la Iglesia, un premier long-métrage envoutant et réussi. Portée par le charme de Stella Martinez, son actrice principale filmée en (très) gros plan, l’histoire évoque les souvenirs réels de l’enfance de la cinéaste à Bogota (où est tourné le film), et spécialement des fêtes locales de la Lunada. « Au départ, je ne pensais pas que je faisais un film de genre, parce que la croyance de la venue du diable faisait partie de notre vie », raconte-t-elle. « Il y avait des affiches là-dessus, et je me souviens que tout le monde en avait peur. Ce qui paraît fantastique ici, là-bas c’est le quotidien. » (1)

Le diable, « qui rode en permanence », va profiter de l’arrivée de la lune rouge et d’une éclipse pour se manifester, ainsi est la prophétie, telle que l’assure la religieuse de l’établissement catholique de Mila, élève solitaire et taciturne dont la mère, souvent absente, est occupée par son travail et son amant. D’ailleurs l’insistance de ce dernier à veiller absolument sur Mila est de plus en plus suspecte. Bénéficiant de cadrages serrés s’approchant au plus près des émotions de la jeune fille, Mi Bestia nous raconte intimement les évènements qui la distinguent et l’isolent de son entourage, et qui finissent par la transformer en créature, en démone ou en diable. « C’est un pouvoir que Mila ne comprend pas mais qu’elle accueille et qu’elle accepte », explique la réalisatrice. « Au moment de la transformation, une musique un peu mélancolique accompagne une sorte de sortie, de libération, de survol. Il ne s’agit ni d’un affrontement, ni du besoin de se faire justice à travers une certaine violence venue du monstre ou de l’animal. » (2)

Nuit démonique à Bogota

Doté d’une belle photo dans un format carré 1.33 assez rare à l’heure du 16/9 numérique, ce long-métrage de la réalisatrice colombienne Camila Beltrán, programmé dans la sélection de l’Acid Cannes, s’inscrit dans la lignée des films où l’arrivée de la puberté se confond avec une transformation redoutable sous le poids et l’influence des diktats religieux, des superstitions et des légendes. Métamorphose monstrueuse dans Tiger Stripes d’Amanda Nell Eu, dangereuse dans El Agua d’Elena López Riera, ou démoniaque dans Mi Bestia, tous ces films exempts de manichéisme, véhiculent une poésie métaphorique, et, comme le Carrie de Brian de Palma en 1976, parlent en filigrane de solitude, de différence, de mise au ban, d’agression, d’incertitudes, et de la difficulté à apprivoiser son corps lorsqu’il se transforme à l’adolescence.

 

(1) et (2) Propos recueillis par Quélou en mai 2024

 

© Quélou


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