GREMLINS (1984)

La fusion entre les univers de Spielberg et Dante donne naissance à un conte de fées drôle, acerbe, effrayant et touchant

GREMLINS

1984 – USA

Réalisé par Joe Dante

Avec Zach Galligan, Phoebe Cates, Hoyt Axton, Polly Holliday, Keye Luke, John Louie, Scott Brady, Dick Miller, Corey Feldman 

THEMA CONTES I MUTATIONS

Dans l’argot des pilotes américains, les « gremlins » sont des lutins responsables des avaries dont sont victimes les avions. Détournant ce mythe, le scénariste Chris Columbus a bâti un conte de Noël d’un genre très spécial dont s’éprit aussitôt le producteur Steven Spielberg. Il fut d’abord question d’en confier la réalisation à Tim Burton, dont les courts-métrages de l’époque (Vincent, Frankenweenie) avaient séduit le père d’E.T. Mais Burton n’ayant encore dirigé aucun long-métrage, Spielberg se tourna vers un réalisateur plus aguerri, en l’occurrence Joe Dante, remarqué par ses réjouissants Piranhas et Hurlements. Gremlins démarre le soir de Noël. Désireux d’offrir à son fils un cadeau exceptionnel, Rand Peltzer lui ramène un Mogwaï, sympathique petite créature poilue qu’il a achetée dans une boutique chinoise et qu’il a baptisée Gizmo. Le vénérable vendeur lui demande de respecter trois règles : ne pas l’exposer à la lumière, car elle est dangereuse pour lui ; ne pas le mouiller, car il se multiplierait ; et surtout ne pas le nourrir après minuit, car il se transformerait alors en affreux Gremlin. Hélas, par inadvertance, les trois règles sont transgressées et bientôt une nuée de monstres voraces et facétieux se met à terroriser les habitants de Kingston Falls.

Une bonne partie du succès de Gremlins repose sur le mariage heureux des univers pourtant très distincts du réalisateur et de son producteur. Les bestioles mignonnes, les enfants astucieux et les Américains moyens dans leurs maisons de banlieue hérités de Steven Spielberg se mêlent ainsi au cynisme, à l’horreur mâtinée d’humour noir et aux clins d’œil de Joe Dante. Le mixage de ces deux influences est un cocktail explosif d’action, de rire, de suspense et de folie. Du coup, le ton de Gremlins est souvent ambigu et quelques scènes – en particulier celle où Kate raconte la mort de son père – jouent un étrange jeu d’équilibre entre la farce et le mélodrame. Remarquables marionnettes conçues par Chris Walas, les Mogwaïs sont des sortes d’E.T. en peluche dont les enfants peuvent facilement raffoler, mais leurs alter egos, les Gremlins, font carrément basculer le film dans l’épouvante, voire l’horreur.

« Vous n'êtes pas prêts… »

A ce titre, la scène dans laquelle la mère de Billy est attaquée dans sa cuisine verse volontiers dans le gore (les monstres sont massacrés à coups de couteau, réduits en charpie dans un mixer ou désintégrés dans un four à micro-ondes). Féru de références cinéphiliques, Joe Dante s’en donne à cœur joie, s’inspirant des Oiseaux pour décrire l’attaque de la bourgade, emmenant ses petits monstres voir Blanche Neige et les sept nains au cinéma, et concoctant un climax mouvementé qui s’achève comme Le Cauchemar de Dracula. On note également les apparitions furtives de prestigieux figurants tels que Steven Spielberg, Chuck Jones, Jerry Goldsmith, mais aussi Robbie le Robot et même la machine à explorer le temps de George Pal. Derrière le délire ambiant de Gremlins s’extrait en filigrane une critique acerbe de la société de consommation et de l’incapacité, pour l’homme occidental, de préserver les merveilles de la nature sans les pervertir. D’où le discours final de Keye Luke, ouvertement culpabilisateur.

 

© Gilles Penso

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LE GRINCH (2000)

Jim Carrey incarne le célèbre monstre vert imaginé par le Dr Seuss dans ce conte pour enfants réalisé par Ron Howard

HOW THE GRINCH STOLED CHRISTMAS

2000 – USA

Réalisé par Ron Howard

Avec Jim Carrey, Taylor Momsen, Jeffrey Tambor, Christine Baranski, Bill Irwin, Molly Shannon, Clint Howard

THEMA CONTES

A l’époque où Tim Burton était sur le point de perdre peu à peu son âme en sacrifiant au cynisme nihiliste (Mars Attacks !), à la redite sans finesse (Sleepy Hollow) et à la recette impersonnelle (La Planète des singes), ses imitateurs, eux, tentèrent maladroitement de prendre le relais. Le Grinch est probablement l’un des plus poussifs de ces avatars d’inspiration burtonesque. Certes, les historiens rétorqueront que le film de Ron Howard adapte un roman écrit en 1957 par Dr Seuss, un auteur qui inspira largement le réalisateur de Beetlejuice tout au long de sa carrière. Mais il n’empêche que l’ombre de L’Etrange Noël de monsieur Jack et de Edward aux mains d’argent plane avec omniprésence sur ce conte de fée sans saveur. Tout y est, du village kitsch et coloré surplombé par une montagne en forme de vague sur laquelle sévit un paria au monstre qui se déguise en Père Noël pour faire basculer la fête dans l’épouvante, en passant par la comptine de la petite fille et le swing du méchant qui scandent le récit pour le muer de temps en temps en comédie musicale… 

Le Grinch du titre est un croquemitaine aux poils verts exilé depuis cinquante-trois ans par le peuple des Whos dans une grotte du mont Crumpit, en compagnie de son chien Max. Misanthrope, solitaire et grognon, il a développé une véritable allergie pour tout ce qui a un rapport avec Noël. Aussi, lorsque les habitants de Whoville entament les préparatifs du réveillon, décorent leurs maisonnettes et entonnent les chants de rigueur, une terrible colère s’empare de lui (comme on le comprend !). Malgré les interventions de Cindy Lou, une petite fille décidée à en savoir plus sur lui, le Grinch prépare une vengeance à la hauteur de sa sinistre réputation : se substituer au Père Noël et gâcher à tout jamais les festivités…

Terrain connu

Ce n’est ni dans les costumes bigarrés, ni dans les décors dégoulinants à la Gaudi, ni dans la direction artistique d’une manière plus générale qu’il faut chercher de la nouveauté. Tout a déjà été vu ailleurs, en mieux, et l’absence d’unité visuelle crée un sentiment proche de l’indigestion. Le peuple des Whos en est un bon exemple. Selon les personnages, certains arborent des prothèses grotesques, d’autres de simples faux nez, d’autres un visage humain normal, en dépit de toute logique. Seul le Grinch bénéficie d’un maquillage digne de son créateur Rick Baker, mais comme Jim Carey se contente la plupart du temps d’auto-parodier sa performance dans The Mask, nous sommes une fois de plus en terrain archi-connu. Quelques bonnes idées visuelles pointent parfois le bout de leur nez, comme le porte-voix qui permet à un petit chien de rugir comme un monstre, le trombone qui abrite un trompettiste miniature, ou la mitrailleuse à guirlandes, mais ça reste assez maigre côté innovations. Mais où est donc passé Ron Howard derrière toute cette guimauve ? A part quelques nains qui s’agitent et une descente endiablée le long d’une montagne enneigée, timides réminiscences de Willow, l’auteur d’Apollo 13 brille ici par son absence. Il nous avait pourtant prouvé de vraies affinités avec le conte de fées via de sympathiques œuvrettes telles que Splash, Cocoon ou justement Willow.

 

© Gilles Penso

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TWILIGHT (2008)

Premier volet d'une saga inspirée de l'œuvre littéraire de Stephenie Meyer, Twilight intègre le vampirisme dans l'univers réaliste des lycéens américains

TWILIGHT

2008 – USA

Réalisé par Catherine Hardwicke

Avec Kirsten Stewart, Robert Pattinson, Billy Burke, Ashley Greene, Nikki Reed, Jackson Rathbone, Kellan Lutz, Peter Facinelli

THEMA VAMPIRES I SAGA TWILIGHT

Avant même de sortir sur les écrans, Twilight est déjà un phénomène, puisqu’il s’agit de l’adaptation de « Fascination », un best-seller adulé par les adolescents depuis sa sortie en 2005. Le livre, premier tome de la « Saga du désir Interdit », est l’œuvre de Stephenie Meyer, et son immense succès réside dans l’insertion intelligente du mythe du vampirisme au sein de l’univers réaliste et contemporain des lycéens américains. Avec beaucoup de finesse, la réalisatrice Catherine Hardwicke (Thirteen, Les Seigneurs de Dogtown) et la scénariste Melissa Rosenberg (Newport Beach, Dexter) se sont emparées du roman et y ont injecté leur propre sensibilité. Twilight est donc un film constellé de touches féminines, qui sait parler aux adolescentes et les inciter à s’identifier à cette histoire d’amour trouble, sans pour autant laisser sur le carreau les spectateurs masculins et adultes, pour peu que ces derniers se laissent gagner par le charme d’une révision vampirique du thème de « Roméo et Juliette ».

L’héroïne de Twilight est Bella Swan (Kirsten Stewart, la fille de Jodie Foster dans Panic Room et la victime des fantômes des Messagers). A 17 ans, elle prend la décision difficile de quitter sa mère pour laisser cette dernière accompagner son nouveau mari sportif aux quatre coins du monde. Elle débarque donc à Forks, une petite ville pluvieuse de l’Etat de Washington, et s’installe chez son père (Billy Burke). La nouvelle vie monotone qui l’attend est soudain bouleversée par sa rencontre avec Edward Cullen (Robert Pattinson, camarade de Daniel Radcliffe dans les épisodes 4 et 5 de la saga Harry Potter). Ce lycéen taciturne et ténébreux la fascine par-dessus tout, et une idylle naît bientôt entre eux. Lorsqu’elle comprend qu’il s’agit d’un vampire, il est déjà trop tard…

Les nouveaux vampires

Le scénario de Twilight est extrêmement respectueux du roman qui l’inspire. Il ne pouvait pas en être autrement étant donnée l’impressionnante communauté de fans qui chérit l’œuvre de Stephenie Meyer (certaines adolescentes se seraient même fait tatouer quelques phrases clefs du livre !). Pour autant, le film de Catherine Hardwicke ne tombe pas dans le travers du premier Harry Potter de Chris Columbus, adaptation très scolaire de l’univers créé par J.K. Rowling. Afin d’éviter cet écueil, la réalisatrice a puisé dans ses propres souvenirs de lycéenne et retranscrit ainsi avec beaucoup de finesse cette période pleine d’espoirs, de désillusions et de sentiments exacerbés. Malgré d’évidentes allusions aux classiques (le nom de Bella Swan semble se référer à Bela Lugosi et au « Swan Lake » qui sert de bande originale au Dracula de Tod Browning) les vampires échappent ici à de nombreuses conventions du genre. Le soleil ne les brûle pas, les miroirs les reflètent, les cercueils ne les accueillent pas en plein jour et les canines pointues n’ornent pas leurs mâchoires. Malgré tout, leur nature de suceurs de sang est demeurée intacte, et si certains d’entre eux, tels les membres de la famille Cullen, ne se repaissent qu’auprès des animaux, d’autres ont bien moins de scrupule, s’adonnant même à la chasse aux humains avec un zèle effrayant. Ce qui nous vaut un affrontement final propre à ravir tous les fantasticophiles.

 

© Gilles Penso

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LE PERE NOËL CONTRE LES MARTIENS (1964)

Dans ce conte de science-fiction parfaitement absurde, les habitants de la planète Mars décident de kidnapper le Père Noël pour faire plaisir à leurs enfants

SANTA CLAUS CONQUERS THE MARTIANS

1964 – USA

Réalisé par Nicholas Webster

Avec John Call, Leonard Hicks, Vincent Beck, Bill McCutcheon, Victor Stiles, Donna Conforti, Chris Month, Pia Zadora, Leila Martin 

THEMA CONTES I EXTRA-TERRESTRES I ROBOTS

Le Père Noël contre les Martiens est un film aussi improbable que ce que son titre laisse imaginer. Ultra kitsch, parfaitement grotesque, ce conte de fées de science-fiction est, selon les humeurs, considéré comme un nanar délectable ou comme un objet de culte incontournable. Le scénario, il faut l’avouer, laisse déjà rêveur. Tandis que, sur Terre, des caméras de télévision ont réussi pour la première fois à pénétrer dans l’atelier du Père Noël, sur la planète Mars, les parents s’inquiètent de la morosité de leurs enfants qui ont perdu l’appétit et le sommeil et passent leurs journées à regarder les programmes télévisés terriens. Pour redonner le goût de vivre à leur progéniture, les Martiens ne voient qu’une seule solution : débarquer sur Terre, kidnapper le Père Noël et le ramener chez eux.

En parfait synchronisme avec  l’absurdité du propos, la direction artistique du film est d’une pauvreté qui confine à l’anémie. En guise d’atelier de Père Noël, nous avons droit à un triste décor où traînent négligemment trois jouets, deux lutins, un barbu rondouillard qui fait oh oh oh et sa peu amène mère Noël. Sur Mars, c’est encore pire : les murs et les hublots en bois semblent avoir été fraîchement peints et découpés par une école maternelle, et les costumes des extra-terrestres se limitent à une combinaison noire, une cape, un maquillage à la truelle et de ridicules antennes sur la tête. La production n’ayant pas les moyens de se payer un studio pour édifier ses décors, c’est un hangar d’aéroport abandonné de Long Island qui accueillit l’équipe du tournage pour la plupart des prises de vues.

Les débuts de Pia Zadora

Le plus drôle du film reste cependant à venir. Car au moment où les Martiens, atterrissant sur notre belle planète, s’apprêtent à capturer deux enfants bien de chez nous, un ours polaire et un robot géant interviennent. Et il faut bien avouer que ce pauvre costume en peluche vaguement animé par un acteur peu convaincu ou que cette grosse boîte de conserve en carton stimulent les zygomatiques avec beaucoup d’efficacité. Une histoire de trahison et de mutinerie au sein des Martiens s’efforce vaguement de relancer l’intérêt, en vain. Conçu à l’origine comme un de ces traditionnels contes de Noëls adressés aux têtes blondes pour les fêtes de fin d’années, Le Père Noël contre les Martiens n’a pas vraiment trouvé son public au moment de sa sortie et s’est un peu évaporé dans la nature, jusqu’à ce que les joyeux drilles de l’émission télévisée parodique Mystery Science Theatre 3000 ne l’exhument pour l’intégrer dans leur listing des séries Z les plus calamiteuses de l’histoire du cinéma. Le film de Nicholas Webster est donc surtout populaire pour son hilarante médiocrité et pour son titre impensable qui s’efforce de mixer l’influence des bons vieux contes du 24 décembre avec celle des Flash Gordon des années 40. Au beau milieu d’un casting parfaitement inconnu, les plus observateurs reconnaîtront, dans le rôle de la petite fille martienne, le minois de Pia Zadora, future chanteuse à succès des années 80 dont le duo « When the Rain Begins to Fall » avec Jermaine Jackson fit les beaux jours du Top 50.

 

© Gilles Penso

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DOUCE NUIT SANGLANTE NUIT (1984)

Les joyeuses festivités de fin d'année tournent au cauchemar lorsqu'un tueur psychopathe endosse le costume du Père Noël

SILENT NIGHT DEADLY NIGHT

1984 – USA

Réalisé par Charles E. Sellier Jr.

Avec Robert Brian Wilson, Lilyan Chauvin, Gilmer McCormick, Toni Nero, Britt Leach, Nancy Borgenicht, H. D. Redford, Linnea Quigley

THEMA TUEURS I SAGA DOUCE NUIT SANGLANTE NUIT

Le succès des sagas Halloween et Vendredi 13 prouvait que le choix d’une date symbolique (fête, jour férié ou autre) jouait beaucoup sur l’inconscient collectif et favorisait la popularité des slashers. Partant de ce principe, le producteur Ira Richard Barmak décida d’ensanglanter une partie du calendrier jusqu’alors emplie de rires, de joies et de bons sentiments : le soir de Noël ! S’appuyant sur une histoire imaginée par Paul Caimi et sur un scénario de Michael Hickey, Douce nuit sanglante nuit raconte les malheurs de Billy, dont l’enfance ne fut pas vraiment une partie de plaisir. Traumatisé à l’âge de cinq ans par un grand-père sénile lui racontant que le Père Noël vient châtier les enfants n’ayant pas été sages toute l’année, il assiste dans la foulée à l’assassinat de ses parents par un malfrat déguisé en Père Noël. Recueilli dans un orphelinat religieux, il subit ensuite les humiliations et les punitions à répétition d’une mère supérieure très portée sur le châtiment. Lorsqu’il devient un beau jeune homme de 18 ans, Billy semble pourtant tiré d’affaire. Il trouve un travail dans la remise d’un magasin de jouets, sympathise avec ses collègues et flirte même avec une jolie vendeuse. Mais dès que les fêtes de fin d’année approchent et que son employeur lui demande de jouer le rôle du Père Noël pour les besoins du magasin, la raison de Billy vacille subitement en le voilà mué en redoutable croquemitaine.

Si Douce nuit sanglante nuit semble tranquillement emboîter le pas des psycho-killers qui le précédèrent, il se distingue tout de même par la dureté de son propos et par sa tendance systématique à profaner tous les icônes et tous les symboles généralement rattachés à la fête de Noël. Cette incorrection politique fait tout le sel du film et lui permet de s’extraire du lot. Voir ce jeune homme déguisé en Père Noël, une hache à la main, trucider tout ce qui lui passe sous la main tout en hurlant « châtiment ! » a quelque chose de délicieusement irrévérencieux.

Politiquement très incorrect

Les meurtres s’enchaînent donc sans discontinuer, leur brutalité étant contrebalancée par l’utilisation régulière de l’iconographie festive du 24 décembre : pendaison à la guirlande, décapitation sur une luge, massacre dans un magasin de jouets et – fin du fin – empalement d’une fille à moitié nue sur les bois d’une tête de renne ! La jeune fille en question, notons-le au passage, est incarnée par la scream queen Linnea Quigley, qui allait ensuite exhiber sa poitrine agressive dans Le Retour des Morts-Vivants de Dan O’Bannon. La transgression du sirupeux « esprit de Noël » se poursuit jusqu’au dénouement, lorsque le tueur à la barbe blanche lâche aux enfants terrifiés : « vous ne risquez plus rien : le Père Noël est mort ». Evidemment, un tel film ne fit pas très bonne impression aux bien pensantes associations de parents américains. Leur colère fut si bruyante et leur pression si forte que Douce nuit sanglante nuit fut retiré des affiches après deux semaines d’exploitation (il faut dire que la compagnie Tri Star eut l’outrecuidance de le distribuer en salles en pleine période de Noël !) et ne poursuivit sa carrière qu’en vidéo. Ce qui n’empêcha pas la mise en chantier de plusieurs séquelles à partir de 1987.

© Gilles Penso

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36 15 CODE PERE NOËL (1990)

René Manzor orchestre un duel sans merci entre un enfant surdoué et un psychopathe déguisé en père Noël

36-15 CODE PERE NOEL

1990 – FRANCE

Réalisé par René Manzor

Avec Alain Musy, Brigitte Fossey, Louis Ducreux, Patrick Floersheim, François Eric Gendron

THEMA TUEURS

Le fantastique cinématographique de qualité made in France n’était pas légion depuis le début des années 80, malgré quelques intéressantes tentatives de Caro et Jeunet (Le Bunker de la dernière rafale), Francis Leroi (Le Démon dans l’île), Luc Besson (Le Dernier combat), Jean-Jacques Annaud (La Guerre du feu) ou Alain Robak (Baby Blood). Au début de la décennie suivante, René Manzor tenta de renouveler quelque peu le genre. Attiré depuis toujours par le fantastique sous toutes ses formes (comme en témoignent ses participations aux séries L’Auto-stoppeur et Sueurs froides, ainsi que son premier long-métrage Le Passage), Manzor sort du lot avec 36-15 code Père Noël, grâce à une mise en forme soignée et un argument plutôt efficace. Thomas (Alain Musy), un gamin surdoué, passionné d’électronique et d’informatique, doute de tout en bloc. Il remet en cause aussi bien l’existence des hommes préhistoriques que celle de Vercingétorix. Par contre il croit aux extra-terrestres, et à la rigueur il admettrait – s’il existe vraiment – que le Père Noël soit originaire d’une autre planète. Pour en avoir le cœur net, Thomas va utiliser tous ses équipements techniques sophistiqués, dont un fabuleux circuit vidéo, pour le voir et peut-être même le capturer. Ce qu’il ignore, c’est que cette année, sous la robe rouge et derrière la fausse barbe blanche se cache un dangereux psychopathe prêt à liquider tout le monde. Un duel sans merci s’engage donc dans le manoir familial…

Chaque séquence de 36-15 code Père Noël témoigne d’une forte inspiration anglo-saxonne, et au-delà d’un argument de départ qui semble vouloir opérer un croisement étrange entre le slasher des années 80 et Maman j’ai raté l’avion, on sent planer constamment des références au cinéma d’Alfred Hitchcock et Steven Spielberg, références qui viennent dicter bon nombre d’éclairages et de cadrages supervisés par le chef opérateur Michel Gaffier. Sous influence, le cinéaste s’en tire avec bonheur, stylisant sa mise en scène avec beaucoup de savoir-faire, et affirmant une personnalité forte déjà perceptible dans Le Passage. Ici, les effets de suspense et l’exploitation de l’unité de lieu et de temps sont souvent remarquables, même si certaines séquences clipées ont forcément pris un petit coup de vieux.

Une affaire de famille

Les acteurs sont très convaincants, surtout l’incroyable Alain Musy, petit génie déjà présent dans Le Passage, qui s’avère en fait être le propre fils de René Manzor. Une mention spéciale également à Patrick Floersheim, parfait en Père Noël psychopathe au regard glaçant. Les films de Manzor étant des affaires de familles, le cinéaste fait une apparition dans le rôle du responsable de stock d’un magasin, et son frère Jean-Félix Lalanne compose une nouvelle fois la bande originale. Le titre du film est évidemment très daté aujourd’hui, mais il fait office de témoin d’une époque révolue où Internet n’était encore qu’un doux rêve. D’ailleurs, l’affiche portait la mention « le film » pour que le public ne croit pas avoir affaire à une affiche publicitaire pour le minitel.

 

© Gilles Penso

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THE SPIRIT (2008)

Cette adaptation pataude de la BD de Will Eisner prouve que Frank Miller, passé ici derrière la caméra, est bien meilleur auteur de comics que réalisateur

THE SPIRIT

2008 – USA

Réalisé par Frank Miller

Avec Gabriel Macht, Eva Mendes, Samuel L. Jackson, Sarah Paulson, Paz Vega, Eric Balfour, Jaime King, Scarlett Johansson

THEMA SUPER-HEROS I SAGA DC COMICS

Frank Miller est un auteur surdoué qui participa activement au renouveau du comic book traditionnel dans les années 80 et 90. Pour son premier long-métrage en tant que réalisateur, il s’attaqua à « The Spirit » de Will Eisner, une œuvre majeure de la BD américaine des années 40. « The Spirit » est l’histoire d’un policier, Denny Colt, mystérieusement revenu d’entre les morts après une fusillade et mué en justicier affrontant le mal dans les rues de Central City. Son ennemi juré est Octopus, un génie du crime omniprésent. Confiant dans les techniques déjà éprouvées sur Sin City et 300, le réalisateur décida de tourner son film sur fond vert, laissant aux infographistes tout le loisir de reconstituer après coup des décors immenses et excessifs. Ce choix se justifie pleinement par l’aspect iconique du personnage et par ses origines dessinées. Libre à Miller, dès lors, de faire voltiger son justicier au-dessus des toits de la ville avec l’agilité d’un acrobate ou de mettre en scène des bagarres homériques dignes d’un cartoon de Tex Avery.

Suivant une méthode établie par Richard Donner pour Superman, Frank Miller choisit un acteur peu connu pour incarner son super-héros, en l’occurrence Gabriel Macht, et offre le rôle de son ennemi juré à un comédien renommé, l’incontournable Samuel L. Jackson. Car si l’Octopus de la bande dessinée originale n’apparaissait que sous forme de gants blancs énigmatiques, il affirme ici sa présence avec une emphase ostentatoire, arborant toutes sortes de tenues excentriques (cow-boy de western spaghetti, combattant chinois, officier nazi) et pratiquant des expériences scientifiques démesurément contre-nature. Hélas, The Spirit ne parvient jamais à convaincre et encore moins à toucher, tant il multiplie les maladresses et les fautes de goût. La direction artistique est partiellement en cause. L’idée de Frank Miller consiste à inscrire le film dans un contexte rétro-futuriste au datage indéterminé. Or la mayonnaise ne prend pas, faute d’homogénéité et d’unité. Comment pourrait-il en être autrement lorsque des héros vêtus à la mode des années 40 et conduisant des berlines des années 50 utilisent des caméscopes numériques, sont équipés de téléphones portables et chaussent des baskets dernier cri ?

Les clones zozotants de Samuel Jackson

Au lieu de s’harmoniser, les anachronismes se nuisent ici les uns aux autres et brisent la cohérence de l’univers mis en place dans le film. Mais le pire travers du film est probablement son traitement de l’humour. Certes, le sujet prête volontiers à la dérision et Will Eisner lui-même n’était pas d’un sérieux papal. Mais de là à déculotter le super-héros lorsqu’il se trouve en mauvaise posture, à laisser cabotiner Samuel Jackson jusqu’à l’indigestion ou à accumuler les séquences embarrassantes donnant la vedette à une infinité de clones stupides et zozotants, il y a tout de même une marge ! Au détour de plusieurs séquences, The Spirit laisse pourtant entrevoir le passionnant long-métrage qu’il aurait pu être, assumant pleinement son caractère fantastique et muant la ville imaginaire de Central City en personnage à part entière, à la fois alliée et maîtresse éternelle d’un héros qu’on eut aimé plus torturé et plus sombre.

 

© Gilles Penso

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BUVEURS DE SANG (1970)

Les membres d'une secte de hippies satanistes ingurgitent sans le savoir du sang de chien enragé…

I DRINK YOUR BLOOD

1970 – USA

Réalisé par David E. Durston

Avec Bhaska Roy Chowdhury, Jadine Wong, Ronda Fultz, George Patterson, Riley Mills, John Damon, Elizabeth Marner-Brooks

THEMA TUEURS

I Drink your Blood s’intitulait à l’origine Phobia, avant que sa distribution en double programme avec I Eat Your Skin n’incite les producteurs à le retitrer. Deux films projetés côte à côte et nommés respectivement « Je bois ton sang » et « Je mange ta peau », voilà en effet de quoi accrocher un public avide de sensations fortes ! En France, la sortie VHS poussa les distributeurs à une traduction relativement fidèle : Buveurs de sang. Horace Bones (interprété avec beaucoup de conviction par le chorégraphe indien Bhakshar Roy Chowchury) dirige une secte de hippies satanistes directement inspirés par la communauté de Charles Manson. Auto-proclammés fils du diable, ils s’adonnent à des sacrifices nocturnes et violent Sylvia, une jeune fille qui eut la mauvaise idée de les espionner à travers bois. En quête d’un refuge et de nourriture, ils s’installent dans un ancien hôtel désaffecté, au cœur d’une minuscule ville américaine quasiment abandonnée. Le docteur Banner (aucun lien avec Hulk), grand-père de la malheureuse Sylvia, décide de les chasser manu militari. Mais ils le violentent, le droguent au LSD et le lâchent hagard dans la nature.

Pete, le petit-fils de Banner, décide alors de prendre sa revanche. Abattant un chien enragé qui rôdait dans les bois, il lui prélève un bon demi-litre de sang qu’il injecte ensuite dans les tourtes à la viande fabriquées par la boulangerie locale. Lorsque la bande d’Horace Bones dévore les tourtes en question, les effets indésirables ne tardent pas à se manifester. « La rage attaque le système nerveux des carnivores, humains compris », explique le vieux Banner, afin que le spectateur appréhende la mutation en cours. « L’hydrophobie provoque une sensation d’étouffement, des convulsions, de l’hyper salivation, une forte fièvre, une soif insatiable, l’incapacité d’avaler et la phobie de l’eau, voire la panique ». Et de conclure : « c’est comme si le Diable prenait possession du corps malade ». Or la rage couplée à la psychopathie et à la drogue, on s’en doute, ne donne guère un cocktail des plus heureux. Gagnés par une folie meurtrière, l’écume aux lèvres et le corps en sueur, nos joyeux hippies s’en prennent dès lors à tous ceux qui ont le malheur de croiser leur chemin, étendant l’épidémie de rage dans un grand bain de sang…

La bave aux lèvres

En bon film « grindhouse » des années 70, Buveurs de sang contient son lot respectable de sexe et de sang. Quelques fesses et une ou deux paires de seins s’agitent donc au fil du métrage, tandis que des effets gore hérités d’Herschell Gordon Lewis constellent régulièrement l’action avec force jets de sang écarlate. Coups de couteau frénétiques, démembrement à coup de hache ou au couteau électrique, massacre à la fourche, décapitation, éventrements et éviscération en gros plan sont donc au programme des festivités, tandis qu’une musique synthétique particulièrement stressante joue efficacement avec les nerfs des spectateurs. Le réalisateur sait d’ailleurs compenser son manque manifeste de moyens (moins de 100 000 dollars de budget), limitant judicieusement ses décors à quelques sites naturels semi-déserts et ponctuant son film d’images frappantes, comme ces ouvriers contaminés battant la campagne en hurlant, armés de machettes. Notons au passage que Buveurs de sang est entré dans l’histoire comme le premier film ayant été classé X pour cause de violence.

 

© Gilles Penso

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LAST HOUSE ON DEAD END STREET (1973)

Un cinéaste underground décide de réaliser le film d'horreur ultime en tuant réellement ses acteurs devant la caméra

LAST HOUSE ON DEAD END STREET

1973 – USA

Réalisé par Roger Watkins (sous le pseudonyme de Victor Janos)

Avec Roger Watkins, Ken Fisher, Bill Schlageter, Kathy Curtin, Pat Canestro, Steve Sweet, Edward E. Pixley, Nancy Vrooman

THEMA TUEURS I CINEMA ET TELEVISION

Last House on Dead End Street fut longtemps entouré de mystère. Tous les noms au générique étant des pseudonymes (le film est signé Victor Janos) et aucun membre de l’équipe n’ayant officiellement admis y avoir participé, il fallut attendre le début des années 2000 pour que Roger Watkins, auteur, réalisateur et acteur principal du film, n’avoue être l’homme à la tête de ce projet fou. Tourné en 1972 avec un budget ridicule, sorti brièvement en salles en 1977 sous le titre Fun  House, ressorti deux ans plus tard sous son nouveau titre Last House on Dead End Street (inspiré par celui de La Dernière maison sur la gauche), puis très furtivement distribué en vidéo, cet OVNI a ensuite disparu de la circulation, à tel point que son existence même fut souvent remise en cause. Aujourd’hui, grâce à son exhumation en DVD, le premier long-métrage de Roger Watkins est enfin visible.

Malgré la pauvreté de ses moyens (une caméra 16 mm sans prise de son directe, des comédiens amateurs, un budget de 1500 dollars servant principalement à acheter des drogues), Watkins a de grandes intentions, imaginant son film comme un croisement entre Orange mécanique et Un chien andalou, et tenant lui-même le rôle principal d’un cinéaste underground nommé Terry Hawkins. Tout juste sorti de prison pour trafic de drogue, Hawkins a décidé de délaisser les films pornos confidentiels qu’il tournait à la sauvette pour se lancer dans une nouvelle entreprise : le film d’horreur le plus réaliste de tous les temps. Pour y parvenir, il convoque des amis dans une grande maison abandonnée et décide de les tuer réellement devant la caméra. La bande son se sature alors de hurlements, de battements de cœur, de rires hystériques et de voix off nébuleuses, tandis que les massacres éclaboussent l’écran. A ce titre, l’abominable séquence du dépeçage sur la table d’opération s’avère particulièrement gratinée. D’autres scènes hallucinantes ponctuent le film, témoignage de l’état second dans lequel Watkins et son équipe devaient probablement se trouver pendant le tournage : la femme maquillée en noir et fouettée interminablement par un bossu dans une soirée mondaine, l’homme obligé de faire une gâterie buccale à une patte de cerf, l’œil crevé à la perceuse… 

Un vrai snuff movie ?

On peut légitimement être rebuté par l’amateurisme général du résultat, l’incohérence du scénario, l’imprécision du montage, la piètre qualité de l’image ou l’approximation de la post-synchronisation. Mais il faut savoir que les spectateurs qui découvrirent le film en 1977 furent saisis par son réalisme, s’interrogeant même sur sa nature éventuelle de « snuff movie » (s’agissait-il de réelles mises à mort filmées en direct ?). La polémique survint justement à cause du caractère brut et quelque peu primitif du long-métrage, attisée en outre par le film Snuff de Michael et Roberta Findlay, sorti sur les écrans un an plus tôt. Evidemment, tout est faux dans Last House on Dead End Street, et les trucages sont même très sommaires. Mais ce débat participa activement à la réputation sulfureuse du film. A l’image de son héros, Roger Watkins échoua par la suite dans le cinéma porno underground avant de mourir d’une crise cardiaque en mars 2007.

 

© Gilles Penso

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LES ENVAHISSEURS DE LA PLANETE ROUGE (1953)

Un classique du film d'invasion extra-terrestre des années 50, avec un inévitable sous-texte anticommuniste…

INVADERS FROM MARS

1953 – USA

Réalisé par William Cameron Menzies

Avec Jimmy Hunt, Helena Carter, Arthur Franz, Morris Ankrum, Leif Erickson, Hillary Brooke, Max Wagner, Milburn Stone

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Métaphore à peine déguisée de la menace communiste, comme bien des films de science-fiction américains réalisés en pleine guerre froide, Les Envahisseurs de la planète rouge a acquis, assez étrangement, un statut de classique malgré une construction scénaristique plutôt faible. Le prologue, certes, est assez palpitant. En pleine nuit, le jeune David Mac Lean aperçoit depuis sa fenêtre d’étranges lumières derrière la colline. Son père décide d’aller y jeter un coup d’œil, mais lorsqu’il revient son comportement n’est plus le même : froid, insensible, bref méconnaissable. La mère de David subit bientôt la même « métamorphose », tout comme bon nombre de personnes dans l’entourage immédiat du petit garçon. Paniqué, celui-ci remarque une marque étrange sur leur nuque. L’intérêt du spectateur est donc efficacement stimulé, par le biais d’une angoisse paranoïaque lentement distillée.

Tombé entre les griffes de policiers étant eux aussi « passés à l’ennemi », l’infortuné David finit carrément sous les barreaux, et ne doit son salut qu’à une belle scientifique le prenant sous son aile. Dès lors, l’intrigue perd beaucoup de son sel, l’intervention de la science et de l’armée obéissant aux clichés d’usage, avec notamment une interminable scène d’explication dans l’observatoire d’un jeune savant et le pesant défilé de tous les fiers véhicules et armements de l’US Army, sans compter un nombre incalculable de stock-shots faisant quelque peu office de remplissage. La scène finale, située dans la soucoupe volante camouflée sous terre, permet heureusement au film de retrouver un certain souffle. Les mutants emmaillotés comme des momies ne sont pas vraiment crédibles, certes, mais ils sont la plupart du temps plongés dans une pénombre salutaire qui évite de distinguer les coutures et les fermetures éclair. Quant à « l’Intelligence Suprême de Mars », sorte de méduse dorée à tête d’enfant, elle fonctionne plutôt efficacement à l’écran grâce à son design surprenant.

Un conte de fées modernisé

Assurant ici à la fois le poste de directeur artistique et de réalisateur, William Cameron Menzies compose des décors souvent épurés et très graphiques, comme ce hall de commissariat aux murs étroits et dénudés et au plafond haut, ramenant l’enfant désorienté à des proportions ridicules. A l’image de cette vision saisissante, le film tout entier prend les allures d’un conte de fée modernisé, jusque dans le dénouement calqué sur celui d’ «Alice au Pays des Merveilles». Le petit David s’y éveille en effet, comme après un mauvais rêve. Mais en regardant par la fenêtre, il voit d’étranges lueurs près de la colline, et le cauchemar semble donc sur le point de recommencer. Dans certaines copies destinées au marché européen, cette chute fut escamotée, afin de préserver un plus traditionnel happy ending. A l’origine, Les Envahisseurs de la planète rouge devait être tourné en relief, comme Le Météore de la nuit de Jack Arnold qui fut distribué la même année et racontait une histoire très similaire, mais des difficultés techniques et des restrictions budgétaires empêchèrent de concrétiser ce projet.


© Gilles Penso

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