KILLJOY 2 (2002)

Le clown diabolique est de retour, terrorisant cette fois-ci cinq délinquants juvéniles isolés au milieu des bois…

KILLJOY 2

 

2002 – USA

 

Réalisé par Tammi Sutton

 

Avec Austin Priester, Wayland Geremy Boyd, Bobby Marsden, Aaron Brown, Logan Alexander, Debbie Rochon, Nicole Pulliam, Choice Skinner, Olimpia Fernandez

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS I CLOWNS I SAGA KILLJOY I CHARLES BAND

Entre 1999 et 2001, Charles Band et Mel Johnson Jr. ont produit quatre films de blaxploitation confrontant un casting d’acteurs afro-américains à des entités surnaturelles diverses : Ragdoll, The Horrible Doctor Bones, Killjoy et The Vault. Le départ de Johnson Jr. aurait dû logiquement stopper cet élan. Mais Band se dit qu’il y a sans doute matière à poursuivre dans cette lancée, notamment avec le personnage du clown maléfique Killjoy qui a le potentiel de devenir un croquemitaine populaire (malgré l’accueil très mitigé réservé au premier film). J.R. Bookwalter se voit donc confier la production de Killjoy 2 et Tammi Sutton sa réalisation. Engagé pour écrire le scénario, Douglas Snauffer a comme instruction de partir dans une toute autre direction que celle du premier film. « Je suis un grand fan de Quentin Tarantino, et j’aime beaucoup Une nuit en enfer », raconte-t-il. « J’aimais le principe d’un film qui passe brutalement d’un genre à l’autre. D’abord ils font un casse et s’enfuient, puis ils se retrouvent dans un relais routier assiégé par des vampires. J’ai essayé de retrouver une structure proche en écrivant Killjoy 2. » (1) Sur le papier, l’idée tient la route. À l’écran, c’est une autre histoire.

En route depuis Los Angeles vers un refuge délabré, qu’ils doivent rénover dans le cadre de travaux d’intérêt général, un groupe de cinq jeunes délinquants et les deux chaperons qui les accompagnent (Logan Alexander et Debbie Rochon) rencontrent un petit problème lorsque leur van tombe en panne en pleine campagne, au milieu de la nuit. En essayant de trouver un téléphone, l’un des voyous se fait tirer dessus par une campagnarde qui croit qu’on veut la cambrioler et le groupe trouve refuge auprès d’une femme étrange (Rhonda Claerbaut) qui n’a ni téléphone, ni voiture, mais propose de les aider. Face à l’état critique de leur ami, deux des jeunes gens, qui ont entendu parler de la légende de Killjoy, décident d’invoquer cet esprit diabolique et le libèrent. Le monstre au nez rouge et aux grosses chaussures entame alors un massacre méthodique.

Le clown du spectacle

Conformément à l’envie initiale du scénariste, le clown se fait attendre, le temps pour les spectateurs de se familiariser avec les sept personnages principaux. La dynamique du groupe est intéressante, le sort des petites frappes et des policiers qui les ont sous leur responsabilité parvient à nous intéresser, bref la situation de départ fonctionne plutôt bien. Ces protagonistes ne sont d’ailleurs pas sans nous évoquer ceux du Ticks de Tony Randell, des ados à problème et leurs chaperons attaqués eux aussi par une monstruosité dans les bois. Bien sûr, le manque de moyen se fait cruellement sentir, la prise de son est souvent catastrophique, certains acteurs nous convainquent plus que d’autres (Debbie Rochon surjoue hélas sans subtilité en appuyant chacune de ses répliques avec un accent de cowboy). Mais la tonalité pour laquelle optent Snauffer et Sutton est intrigante. Le problème, c’est qu’il faut bien faire surgir le clown à un moment donné. Et à partir de là, rien ne va plus. Remplaçant au pied levé Angel Vargas, qui incarnait le démon dans le premier film, le producteur associé Trent Haaga fait ce qu’il peut pour nous distraire en forçant sur les ricanements hystériques, mais dès lors le scénario patine, les dialogues deviennent insipides, les rebondissements ne riment plus à rien et le film s’achève n’importe comment. La franchise Killjoy ne s’arrêtera pourtant pas là. Quand Charles Band tient un filon, il ne lâche pas si facilement l’affaire !

 

(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)

 

© Gilles Penso

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TROUBLE (2005)

Benoît Magimel joue un double rôle dans ce thriller psychologique qui bascule lentement mais sûrement vers la paranoïa fantastique…

TROUBLE

 

2005 – FRANCE / BELGIQUE

 

Réalisé par Harry Cleven

 

Avec Benoît Magimel, Natacha Régnier, Olivier Gourmet, Nathan Lacroix, Christian Crahay, Patrick Descamps, Sabrina Leurguein

 

THEMA DOUBLES

Acteur depuis le milieu des années 80, Harry Cleven est apparu dans des films aussi divers que Rue barbare, L’Amour braque, Kamikaze ou Toto le héros. À partir de 1993, sans quitter sa carrière de comédien, il passe à la mise en scène avec le drame policier Abracadabra, puis enchaîne avec la comédie dramatique Pourquoi se marier le jour de la fin du monde ? Trouble, son troisième long-métrage pour le cinéma, contient plusieurs des obsessions et des thèmes récurrents présents dans ses films précédents, mêlant étroitement l’amour et la haine, les sentiments complexes et l’autodestruction. Fruit d’une écriture collective (au sein de laquelle Cleven s’associe à Isabelle Coudrier, Sophie Hiet, Yann Le Nivet et Jérôme Salle), le scénario de Trouble tourne autour d’un protagoniste plongé dans un engrenage dont il ne comprend pas les rouages mais qui semble vouloir se refermer sur lui comme un piège. Or lui seul détient manifestement la clé qui lui permettra d’échapper à cette situation virant au cauchemar paranoïaque. Comme dans Abracadabra et Pourquoi se marier le jour de la fin du monde ?, l’histoire de Trouble s’intéresse à des personnages ordinaires masquant des failles profondes et s’inscrit dans un contexte à priori banal. Mais ici, le Fantastique va progressivement s’immiscer dans la réalité.

Matyas Hebert (Benoît Magimel), photographe tranquille, mène une vie épanouie avec sa femme Claire (Natacha Régnier), enceinte, et leur fils de cinq ans, Pierre (Nathan Lacroix). Mais son bonheur bascule le jour où il reçoit une lettre du notaire : sa mère, qu’il croyait morte depuis longtemps, vient de décéder, et il apprend l’existence d’un frère jumeau nommé Thomas. En le rencontrant, Matyas découvre que ses parents, loin d’être morts dans un accident, l’ont abandonné à l’âge de six ans. Alors que Thomas, charmant et proche de sa famille, tente de rattraper le temps perdu, Matyas, lui, plonge dans un tourbillon de doutes. Pourquoi n’a-t-il aucun souvenir de son enfance ? Pourquoi son frère semble-t-il vouloir prendre sa place, s’immiscer dans sa vie, et se rapprocher de Claire et Pierre ? Les questions s’accumulent et l’ombre du passé semble de plus en plus menaçante. Matyas se demande si le seul moyen de comprendre ce qui se cache derrière tout cela ne serait pas de se souvenir… mais à quel prix ?

Quitte ou double

Trouble est pétri de qualités. Benoît Magimel y livre une double prestation extraordinaire, Natacha Régnier se révèle diablement convaincante, la mise en scène de Cleven est truffée d’idées visuelles intéressantes, la photographie de Vincent Mathias, la bande originale de George Van Dam et Dimitri Coppe, le design sonore méticuleux sont à l’avenant. Bref, c’est une indiscutable réussite formelle, à laquelle s’ajoutent de nombreux effets visuels hallucinants de réalisme (on finirait presque par se demander si Magimel n’a pas vraiment un frère jumeau qui lui donne la réplique). La déception que finit par procurer le film n’en est que plus grande. Car Cleven, au lieu de pleinement exploiter le potentiel de son idée de départ pour faire monter la pression en crescendo, joue la carte de l’encéphalogramme plat. Dénué de dynamique, Trouble est un film morose, triste, lent, pesant, bref monocorde, provoquant plus d’ennui que de frissons, jusqu’à un twist final peu concluant. Ces réserves n’empêchèrent pas le jury du Festival du Film Fantastique de Gérardmer de décerner à Trouble son Grand Prix en 2005.

 

© Gilles Penso


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LA BÊTE D’AMOUR (1980)

Isolée sur une île paradisiaque avec son compagnon, une jeune femme rencontre un grand singe aux yeux bleus…

TANYA’S ISLAND

 

1980 – CANADA

 

Réalisé par Alfred Sole

 

Avec D.D. Winters, Richard Sargent, Don Mc Cloud, Mariette Levesque, Donny Burns

 

THEMA SINGES

C’est en pensant à deux de ses films préférés, La Belle et la Bête de Jean Cocteau et Sa Majesté des mouches de Peter Brook, et en couvant d’un œil envieux le succès planétaire d’Emmanuelle, que le producteur canadien Pierre Brousseau commence à développer le projet de La Bête d’amour. Il n’est pas impossible que La Bête de Walerian Borowczyk l’ait aussi influencé. Toujours est-il qu’il partage son idée avec le réalisateur Alfred Sole, dont il a apprécié Communion sanglante malgré son échec au box-office. Sole travaille avec Mick Garris sur un script que Brousseau trouve trop humoristique. Il reprend donc l’histoire pour lui donner une tonalité plus grave. Pour que le film fonctionne, il faut non seulement une actrice photogénique et impudique (ce qu’est sans conteste D.D. Winters, alias Denise Matthews, future star de la pop et protégée du chanteur Prince sous le nom de Vanity), mais aussi un faux singe plus vrai que nature. Brousseau sollicite donc le plus grand spécialiste en ce domaine, le maquilleur Rick Baker (qui donna corps au King Kong de 1976 et concevrait plus tard les primates de Greystoke et Gorilles dans la brume). Baker hésite, d’abord parce qu’il craint que le film soit classé X, ensuite parce qu’il ne souhaite pas concevoir un singe banal. Assuré d’avoir carte blanche sur le design, il imagine un croisement entre le babouin, le gorille et l’orang-outang, dont il confie la fabrication à son assistant surdoué Rob Bottin pour pouvoir partir créer le gorille factice de La Femme qui rétrécit.

Tanya (D.D. Winters), mannequin à succès originaire de Toronto, vit une relation toxique avec son fiancé Lobo (Richard Sargent), un peintre tourmenté et violent. Brutalement rejeté par lui alors qu’elle venait de lui déclarer sa flamme, la jolie brune s’évade dans ses rêves, où elle imagine une île tropicale paradisiaque et déserte loin de tout, sur laquelle elle vit les Robinson Crusoé avec Lobo. À la recherche d’inspiration pour ses œuvres, Lobo persuade Tanya de l’accompagner explorer l’autre côté de l’île. C’est là qu’elle découvre une grotte abritant une étrange créature : un grand primate aux yeux bleus qu’elle baptise Blue. Contrairement à Lobo, Blue se montre doux, curieux et étonnamment amical. Tanya, attirée par la présence apaisante du singe, passe de plus en plus de temps à ses côtés, trouvant en lui une source de réconfort et de complicité. Mais la jalousie de Lobo ne tarde pas à éclater. Voyant Tanya s’attacher à Blue, il perd pied…

Gorille dans la brune

« Ce que je voulais réaliser, c’était un conte de fées contemporain, en allant là où La Belle et la Bête n’aurait jamais osé aller », raconte Alfred Sole à l’époque. « Je suis trop proche du tournage pour juger le résultat final. Je ne le regarde pas comme un film mais comme un accomplissement, malgré tous les problèmes de production que nous avons connus. Bon ou mauvais, le film fonctionne techniquement et cinématographiquement. Et j’en suis très heureux. » (1) Effectivement, le tournage de La Bête d’amour aura été un véritable parcours du combattant. Parachutés au milieu de la jungle portoricaine, sans infrastructure digne de ce nom, soumis à mille dangers dus à l’environnement hostile, astreints à des journées de 15 heures, limités par un budget ridicule, Alfred Sole et son équipe font ce qu’ils peuvent. Malgré toute la promotion faite à l’époque autour du film, à grand renfort de photos sensuelles évoquant l’accouplement entre la Belle et la Bête, cette relation reste majoritairement platonique à l’écran, La Bête d’amour s’attachant principalement à montrer jusqu’où la jalousie, la possessivité et la perversion narcissique de l’homme peuvent mener. Car plus Blue révèle sa sensibilité, plus Lobo bascule dans la sauvagerie. Film hybride qui semble hésiter entre la romance érotico-exotique (D.D. Winters exhibe son anatomie complète sous toutes les coutures), le conte fantastique (Blue nous rappelle bien sûr ce bon vieux King Kong) et le drame sentimental, La Bête d’amour patine un peu, s’encombre de dialogues simplistes et d’un jeu d’acteur pas très subtil. Il n’empêche que le caractère atypique de ce film inclassable prouve une fois de plus à quel point Alfred Sole refuse les codes du cinéma classique et cherche sans cesse à transporter ses spectateurs sur un terrain glissant et inconnu. En ce sens, le visionnage de La Bête d’amour reste une expérience captivante.

 

(1) Extraits d’une interview parue dans Cinefantastique en 1980.

 

© Gilles Penso


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WITCHOUSE 2 (2000)

Une enseignante et un groupe d’étudiants se rendent dans une petite ville pour analyser quatre squelettes d’origine inconnue…

WITCHOUSE II : BLOOD COVEN

 

2000 – USA

 

Réalisé par J.R. Bookwalter

 

Avec Ariauna Albright, Elizabeth Hobgood, Nicholas Lanier, Kaycee Shank, Alexandru Dragoi, Adriana Butoi, Andrew Prine, Serban Celea, Claudiu Trandafir

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I SAGA WITCHOUSE I CHARLES BAND

Malgré ses nombreuses faiblesses, Witchouse avait été un petit succès en vidéoclub, suffisamment pour que Charles Band lance rapidement l’idée d’en mettre en chantier une suite. David DeCoteau étant occupé ailleurs, c’est le réalisateur J.R. Bookwalter (The Dead Next Door, Robot Ninja, Zombie Cop, Ozone) qui se voit confier cette mission, avec une carte blanche totale si ce n’est les contraintes habituelles des productions Full Moon de Charles Band à l’époque : un tournage à Bucarest qui doit être bouclé en huit jours maximum et un budget anémique de 125 000 dollars. Bookwalter profite de cette liberté pour s’éloigner drastiquement du premier film. « Je n’ai pas senti de poids particulier sur mes épaules », avoue-t-il à l’époque. « Ce n’était pas comme si je faisais une suite des Griffes de la nuit avec un haut niveau d’attentes. Je sais que Witchouse a très bien marché en vidéo, mais je ne sais pas ce que les spectateurs en ont pensé. » (1) Le réalisateur n’en fait donc qu’à sa tête, et c’est tant mieux. Si WItchouse 2 n’a rien d’un chef d’œuvre et parvient mal à cacher les conditions précaires dans lesquelles il fut mis en scène (avec des prises de vues extérieures difficiles, réalisées par très grand froid au beau milieu de l’hiver roumain), il se montre beaucoup plus recommandable que son pesant modèle.

Dans l’un des amphithéâtres de l’université de Boston, le doyen (Serban Celea) prend une mine grave : non seulement deux jeunes gens ont disparu dans les bois de Covington County sans laisser de trace (à part une cassette vidéo) mais en plus des ouvriers qui préparaient la construction d’un centre commercial dans la région ont découvert quatre tombes anonymes visiblement très anciennes. Le professeur Sparrow (Ariauna Albright) se voit donc confier une mission délicate : emmener avec elle un petit groupe d’étudiants pour exhumer les quatre squelettes d’origine inconnue, faire les prélèvements d’ADN nécessaires et les analyser. « Ça s’annonce fun ! » dit-elle aussitôt. L’enseignante et ses élèves débarquent donc dans la petite ville, prennent leurs quartiers dans une grande maison un peu sinistre et commencent leurs recherches. En enquêtant auprès de la population locale, ils apprennent que la bourgade était habituée à l’immolation de sorcières dans les années 1800…

Blair Witchouse

J.R. Bookwalter se soucie visiblement bien peu du prétexte scénaristique qui justifie le grand retour de la maléfique Lilith. En gros, l’enseignante est contaminée après s’être blessée en découpant le crâne d’un des corps. Elle se transforme dès lors en sorcière grimaçante engoncée dans une tenue gothique et injecte l’ADN des autres squelettes à plusieurs étudiants pour en faire ses adeptes zombifiés. Le réalisateur en profite surtout pour consteller cette séquelle de touches d’humour, notamment avec le personnage grotesque de l’entrepreneur de pompes funèbres ou pendant la longue séquence parodique du micro-trottoir dans la ville. Car les images filmées au camescope s’insèrent régulièrement dans le métrage, justifiées par la caméra DV qu’utilisent les étudiants pour documenter leurs recherches. Le Projet Blair Witch vient de cartonner en salles et fait visiblement des émules. Dès l’entame de Witchouse 2, Bookwalter utilise donc des images vidéo pour montrer les errances d’un couple dans les bois, filmées à la première personne, puis réutilise régulièrement les codes encore balbutiants du « found footage ». Même si nous ne sommes pas loin du plagiat pur et dur de Blair Witch, ce parti pris dynamise le film et lui offre une touche de fraîcheur intéressante. Très satisfait par le résultat final, Charles Band confiera par la suite à Bookwalter la production et la réalisation de toute une série de films pour Full Moon.

 

(1) Extrait d’une interview parue dans Fangoria en février 2000.

 

© Gilles Penso


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KILLJOY (2000)

Invoqué par un lycéen que martyrisent des petites frappes, un clown démoniaque surgit et sème la terreur en ricanant…

KILLJOY

 

2000 – USA

 

Réalisé par Craig Ross Jr.

 

Avec Angel Vargas, Vera Yell, Lee Marks, Dee Dee Austin, Kareem J. Grimes, Corey Hampton, Rani Goulant, Napiera Groves, Arthur Burghardt

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS I CLOWNS I SAGA KILLJOY I CHARLES BAND

Pour s’inscrire dans la continuité des deux premiers films d’horreur « urbains » qu’ils avaient produits avec un casting exclusivement afro-américain, Ragdoll et The Horrible Doctor Bones, Charles Band et Mel Johnson Jr. envisagent l’histoire d’un clown maléfique sans idée précise de scénario. C’est là qu’intervient Carl Washington, un tout jeune auteur. « J’avais 21 ans et c’était mon premier grand film, donc c’était vraiment, vraiment excitant », se souvient-il. « Pour moi, c’était l’occasion de créer mon propre Freddy Krueger, ou Jason, ou Michael Myers. Je suis très heureux d’être le scénariste qui a lancé la franchise Killjoy, surtout à un si jeune âge. Je leur serai toujours reconnaissant d’avoir eu cette opportunité ! » (1) C’est spontanément que Washington entre en contact avec Mel Johnson Jr., après avoir vu Ragdoll, et lui propose ses services. Le traitement qu’il propose pour cette histoire de clown est suffisamment convaincant pour qu’il soit aussitôt engagé en tant que scénariste. La réalisation est confiée à Craig Ross Jr., qui n’a jusqu’alors signé qu’un seul film, le thriller Capuccino. La bride sur le cou, ce dernier peut choisir ses acteurs et son équipe technique pour mener le tournage comme bon lui semble, dans la mesure où il respecte les drastiques restrictions budgétaires qu’on lui impose.

Killjoy raconte l’histoire de Michael (Kareem J. Grimes), un lycéen gentil et naïf qui en pince pour la jolie Jada (Vera Yell), sa camarade de classe, à qui il propose de l’accompagner pour le bal de fin d’année. Mais Jada est la petite-amie de Lorenzo (William Johnson, vu dans Ragdoll), un gangster qui n’aime pas beaucoup qu’on empiète sur ses plates-bandes. Il roue donc de coups le pauvre Michael, avec ses deux sbires T-Bone (Corey Hampton) et Baby Boy (Rani Goulant). Le soir même, ivre de vengeance, le lycéen s’enferme chez lui, s’entoure de bougies, brandit une poupée de clown et se lance dans une séance de magie noire au cours de laquelle il invoque une entité nommée Killjoy. Or rien ne se produit. Dans la foulée, Lorenzo et ses gorilles le kidnappent et l’emmènent dans les bois pour lui faire peur. Mais un coup de feu intempestif part trop vite et Michael passe aussitôt de vie à trépas. Un an plus tard, Jada a changé de petit ami et Lorenzo poursuit ses activités illicites. C’est le moment que choisit Killjoy, le clown démoniaque et vengeur, pour faire son apparition…

Serial blagueur

Extrêmement mal fichu, d’une stupidité sans pareille, trahissant sans cesse son budget ridicule, Killjoy se révèle pourtant plus distrayant que Ragdoll ou The Horrible Doctor Bones, sans doute parce qu’il ne se prend jamais trop au sérieux, ne perd pas de temps en trop longs préliminaires, évite de nous asséner une chanson rap ou RnB toutes les dix minutes et s’offre les services d’un croquemitaine boute-en-train. Incarné par Ángel Vargas sous un maquillage de David Lange, Killjoy est bien sûr l’intérêt principal du film. Blagueur, insensible aux balles, capable de se téléporter, visiblement doté du don d’ubiquité, ce mixage improbable entre le Pennywise de Ça et le Stanley Ipkiss de The Mask se promène dans un camion de glaces et transporte ses captifs dans un monde parallèle – une espèce d’entrepôt abandonné – où il s’amuse un peu avec eux avant de les tuer. De très vilains effets numériques sont sollicités pour montrer les morts des victimes du clown, qu’on aurait aimé plus originales et mieux mises en scènes. Les trépassés réapparaissent ensuite sous forme de fantômes/zombies amochés, au fil d’une intrigue sans queue ni tête. Visiblement à cours d’idées, le scénariste et le réalisateur nous offrent une scène de douche parfaitement gratuite qui s’attarde sur l’anatomie de la peu pudique Dee Dee Austin, puis font intervenir aux deux tiers du métrage un SDF mystérieux qui nous raconte tout ce que nous venons déjà de voir, au cours de l’une des scènes les plus inutiles de l’histoire du cinéma. Sympathique mais très dispensable, Killjoy donnera naissance à une petite franchise permettant au clown psychopathe de refaire régulièrement des siennes.

 

(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)

 

© Gilles Penso


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LA DOUBLE VIE DE VÉRONIQUE (1991)

Weronika et Véronique sont deux femmes identiques qui existent sans se connaître, l’une en Pologne, l’autre en France…

LA DOUBLE VIE DE VÉRONIQUE / PODWÓJNE ZYCIE WERONIKI

 

1991 – FRANCE / POLOGNE / NORVÈGE

 

Réalisé par Krzystof Kieslowski

 

Avec Irène Jacob, Halina Gryglaszewska, Kalina Jedrusik, Aleksander Bardini, Wladyslaw Kowalksi, Jerzy Gudejko, Janusz Sterninski, Philippe Volter

 

THEMA DOUBLES

Si La Double vie de Véronique développe un sujet ouvertement surnaturel, liée à l’existence de deux êtres humains identiques connectés par un lien insaisissable, Krzystof Kieslowski décide de ne donner aucune explication aux spectateurs pour laisser son récit ouvert à toutes les interprétations. Plusieurs thèmes du film étaient déjà amorcés dans quelques œuvres précédentes du cinéaste, notamment dans Le Décalogue et Le Hasard. En ce sens, cette Double vie fait un peu office d’œuvre somme, prélude à la très populaire trilogie que Kieslowski dirigera dans la foulée : Trois couleurs : Bleu, Trois couleurs : Blanc et Trois couleurs : Rouge. Au départ, le réalisateur envisage de proposer le rôle de Véronique et de son alter-ego à Andie MacDowell avant de pencher plutôt pour Julie Delpy, dans la mesure où ses deux personnages sont européens. Mais l’audition de la comédienne française ne le convainc pas. Il opte donc finalement pour Irène Jacob, qu’il fera à nouveau jouer dans Trois couleurs : Rouge. Delpy, elle, campera le premier rôle de Trois couleurs : Blanc.

Weronika, une jeune Polonaise atteinte d’une déficience cardiaque, chante avec sa chorale lors d’un concert en plein air lorsque la pluie et une tempête interrompent leur performance. Quelques jours plus tard, elle part pour Cracovie, où sa tante est gravement malade. Avant de partir, elle confie à son père avoir le sentiment étrange de ne pas être seule au monde. Un jour, alors qu’elle se promène sur la Grand-Place, elle aperçoit une touriste française qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau et qui la prend en photo. Cette vision la trouble beaucoup. Quelques jours après, lors d’un concert où elle chante en solo, Weronika est victime d’un arrêt cardiaque. Son double, Véronique, est une jeune Française qui vit à Clermont-Ferrand et enseigne la musique…

Brève rencontre

La très belle photographie monochrome de Slawomir Idziak, l’émouvante musique de Zbignew Preisner et le jeu très juste d’Irène Jacob dotent le film d’un charme formel auquel il est difficile de rester insensible. On ne peut pas en dire autant du scénario co-écrit par Krzystof Kieslowski et Krzystof Piesiewicz, qui tourne malheureusement en rond au bout d’un quart d’heure. Le thème ô combien passionnant de deux femmes alter-ego qui ne se connaissent pas et vivent en deux contrées différentes laissait présager des développements narratifs passionnants qu’il faudra hélas nous contenter d’imaginer. La scène de la brève rencontre entre Weronika et Véronique était, à ce titre, fort prometteuse. Que se passe-t-il lorsque deux doubles cohabitent sans le savoir à des milliers de kilomètres de distance et soudain se croisent ? Quelles sont les conséquences, à l’échelle à la fois de l’homme et de l’univers ? Quel est le lien émotionnel qui les unit ? Mais Weronika meurt, et dès lors l’intrigue nous emmène ailleurs. On ne sait plus où Kieslowski veut en venir, la conclusion de son film nous abandonnant à nos frustrations. La Double vie de Véronique reste un bel objet filmique, très apprécié par la critique internationale et récipiendaire de nombreux prix. Mais un développement plus profond et plus captivant de son concept n’aurait pas été pour nous déplaire.

 

© Gilles Penso


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CANDYMAN 3, LE JOUR DES MORTS (1999)

Un troisième épisode parfaitement dispensable dans lequel Tony Todd assure le service minimum au fil d'une intrigue sans surprise…

CANDYMAN, DAY OF THE DEAD

 

1999 – USA

 

Réalisé par Turi Meyer

 

Avec Tony Todd, Donna D’Errico, Jesu Garcia, Alexia Robinson, Mark Adair-Rios, Lupe Ontiveros, Elizabeth Guber

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS SAGA CANDYMAN

La franchise Candyman s’était déjà épuisée au cours du deuxième épisode. Mais dans le monde merveilleux hollywoodien, l’appât du gain est généralement plus fort que la démarche artistique. D’où ce troisième opus, directement exploité en vidéo et parfaitement dénué d’intérêt dans la mesure où il calque la majeure partie de son intrigue sur celle du premier film de la série et ne laisse donc aucune place à la surprise ou l’innovation. Derrière la caméra, le téléaste Turi Meyer signe une mise en scène carrée et anonyme, sans odeur ni saveur, entravé dans ses mouvements par des producteurs qui réduisent le budget au minimum (environ un million de dollars à peine) et le contraignent à des délais de tournage impossibles. En désespoir de cause, Meyer compte visiblement beaucoup sur la photogénie de son actrice principale pour combler les lacunes du script. Il faut dire que celle-ci est gironde, puisqu’il s’agit de la playmate Donna D’Errico, l’une des sirènes à la poitrine hypertrophiée d’Alerte à Malibu

D’Errico incarne ici Caroline, l’arrière-arrière-petite-fille de Daniel Robitaille, ancien peintre de talent devenu le redoutable démon Candyman après avoir été torturé et tué par une horde de blancs jaloux et racistes. Le soir du vernissage des œuvres de son ancêtre, Caroline se prête au jeu publicitaire et ose prononcer cinq fois « Candyman » devant un miroir. La suite est tellement prévisible qu’elle surprend presque par son manque d’audace. Le tueur au crochet surgit donc régulièrement et tue tous les proches de Caroline, qui se retrouve aussitôt accusée des meurtres puisque personne d’autre qu’elle n’a vu le croquemitaine. Coproducteur du film, Tony Todd assure ici le service minimum, répétant inlassablement les deux mêmes phrases tout au long du film, autrement dit « Donne-toi à moi ! » et « Sois ma victime ! ». Turi Meyer use jusqu’à la corde des effets censés faire sursauter le public, et chaque apparition du Candyman est ruinée par le jeu catastrophique de Donna D’Errico, incapable d’exprimer la moindre épouvante.

Fin de série

Même la bande originale se prive du thème envoûtant composé par Philip Glass, dont la production n’a plus les droits. Adam Gorgoni compose donc une musique de remplacement beaucoup moins atmosphérique. Que reste-t-il à sauver de Candyman 3 ? Principalement quelques idées visuelles issues des hallucinations de Caroline, comme ce jaune d’œuf où grandit progressivement une tache de sang jusqu’à ce qu’une abeille n’en surgisse en très gros plan. Quant à l’astuce scénaristique qui permet à Caroline de se débarrasser enfin du démon récidiviste, elle laisse rêveur : il lui suffit de déchirer à coups de crochets l’autoportrait peint de Daniel Robitaille… Pourquoi pas ? A ce stade du calvaire, on est prêt à accepter n’importe quoi pour que le film s’arrête… Contrairement aux deux premiers opus, celui-ci aura été exploité directement en vidéo sans passer par la case de la salle de cinéma. Quelques années plus tard, lorsque Lionsgate évoquera – après le succès de Freddy contre Jason – la possibilité d’un crossover entre la saga Candyman et la franchise Leprechaun, Tony Todd refusera catégoriquement, de peur de ridiculiser encore plus son personnage. La série s’arrêtera donc là… jusqu’à la séquelle tardive de 2021.

 

© Gilles Penso


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DEADGIRL (2008)

En pleine école buissonnière, deux lycéens s’aventurent dans un hôpital abandonné et y découvrent le corps enchaîné d’une jeune fille…

DEADGIRL

 

2008 – USA

 

Réalisé par Michael Sarmiento et Gadi Harel

 

Avec Shiloh Fernandez, Noah Segan, Candice Accola, Andrew DiPalma, Michael Bowen, Jenny Spain

 

THEMA ZOMBIES

Deadgirl a bien failli être un film Troma. Son scénariste Trent Haaga, ayant longtemps œuvré pour la compagnie de Lloyd Kaufman, se tourna naturellement vers les producteurs du Toxic Avenger. Mais ces derniers, pourtant peu réputés pour leur frilosité, n’osèrent pas se lancer dans un film aux thématiques si déviantes. Deadgirl est donc finalement produit par Hollywoodmade, une éphémère compagnie de production basée à Los Angeles dont ce sera le seul fait d’arme notable. Les deux réalisateurs du film, l’Américain Michael Sarmiento et l’Israélien Gadi Harel, collaborent ici pour la première fois et accordent leurs violons autour d’un film au sujet très délicat. Auparavant, les deux hommes s’étaient illustrés séparément dans le domaine de la comédie, Harel avec Opération Midnight Climax (2002) et Sarmiento avec Toi, moi… et mon chien (2007). Or si l’humour affleure aussi dans Deadgirl, ce n’est pas le moteur principal de cette chronique lycéenne malsaine virant au film d’horreur pur et dur. Comme décor principal, les deux cinéastes choisissent un souterrain que les fantasticophiles connaissent déjà. « C’est là qu’a été tournée la mort de Freddy Krueger », nous confie Michael Sarmiento. « Des tas de films ont été tournés là-bas. Avec l’aide de notre chef opérateur, nous nous sommes efforcés d’aborder cet endroit sous un nouvel angle. » (1)

Deux lycéens, Rickie et J.T., décident de sécher les cours et partent explorer un vieil hôpital désaffecté. Dans les tunnels du sous-sol, ils découvrent avec stupeur une pièce où une femme entièrement nue est enchaînée sur une table. Elle semble morte, mais pourtant une vie mécanique l’anime encore. Aussitôt, J.T. décide de profiter de la situation pour abuser de la jeune femme, ce que Rickie refuse catégoriquement. Alors que l’un – révélant des instincts brutaux et primitifs – n’hésite pas une seule seconde à l’idée de faire de cette proie trop facile une esclave sexuelle, l’autre – dont le cœur bat pour une lycéenne avec qui il a échangé un baiser – ne veut rien savoir. Ce choix moral va sérieusement mettre à l’épreuve l’amitié jusqu’alors solide des deux garçons. Evidemment, les choses se compliquent lorsqu’ils découvrent que cette inconnue en tenue d’Eve est un zombie.

La morte-vivante

Voilà donc une variante inattendue autour d’un thème qui a pourtant déjà été accomodé à toutes les sauces. « Assez tôt, nous avons décidé de ne pas utiliser le mot zombie, pour éviter que les gens n’aillent voir le film avec des idées préconçues sur ce genre de film », explique Sarmiento. « En réalité, la fille n’est qu’un prétexte, un catalyseur permettant de savoir quels choix vont faire les deux teenagers, des choix qui détermineront le genre d’adultes qu’ils deviendront. » (2) En effet, Deadgirl soulève plusieurs questions morales intéressantes liées moins aux morts-vivants – ou même à la nécrophilie – qu’au positionnement des adolescents avec leur propre sexualité et aux dérives perverses qui peuvent en découler en cas de perte de contrôle. Lorsque la pulsion l’emporte sur la raison, rien ne va plus, semble vouloir nous dire Deadgirl. Projeté avec succès dans de nombreux festivals autour du monde, le film fut brocardé par un certain nombre de spectateurs ayant sans doute compris son message de travers, y voyant une incitation à la prédation sexuelle et au viol. Lors de sa discrète sortie en salles sur le territoire américain, il fut classé R (« restricted ») pour « sexualité aberrante, nudité graphique, violence sanglante et langage grossier ». Rien que ça !

 

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en janvier 2009

 

© Gilles Penso


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CAR CRASH (2017)

Prisonnier d’une boucle temporelle, un médecin tente de sauver sa fille d’un accident mortel qui ne cesse de se répéter…

HA-ROO

 

2017 – CORÉE DU SUD

 

Réalisé par Jo Sun-Ho

 

Avec Kim Myung-min, Byun Yo-han, Shin Hye-sun, Jo Eun-hyung, Jang Dae-woong, Lee Do-yeop, Jang In-ho, Yoo Jae-myung, Ko Sang-ho, Cha Sung-je, Kim Ye-jun

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS

Assistant réalisateur sur des films comme Once Upon a Time de Jeong Yong-ki (2008) ou Killer Toon de Kim Yong-gyun (2013), Jo Sun-Ho décide de passer lui-même à la mise en scène en 2017 avec Ha-Roo (littéralement « Un jour »), une histoire de boucle temporelle qu’il co-écrit avec le scénariste Lee Sang-hak et qui s’efforce de s’éloigner un peu des lieux communs auxquels nous ont habitué Un Jour sans fin et ses nombreuses imitations. Pour tenir les deux rôles principaux de son film, Sun-Ho réunit deux acteurs de la mini-série historique Six Flying Dragons, Kim Myung-min et Byun Yo-han. Le premier incarne Joon-yeong, un chirurgien thoracique réputé. Le second joue Min-chul, un ambulancier. Tout commence alors que notre médecin rentre chez lui et voit mourir sous ses yeux sa fille Eun-jung (Jo Eun-hyung), renversée par un taxi. Cet accident provoque aussi la mort d’une femme. Profondément bouleversé, Joon-yeong se réveille dans ce qui semble être le jour précédent. En désespoir de cause, il tente de sauver sa fille mais n’y parvient pas, et la journée se répète encore et encore. Invariablement, dès que sonnent les douze coups de midi, Eun-jung meurt dans le même accident de la route.

Le film commence donc de manière assez classique, évoquant les nombreux exercices de style déclinant le motif de la journée qui n’en finit plus de bégayer, notamment le très recommandable téléfilm 12 : 01 de Jack Sholder. Le principe est en effet connu, dans la mesure où notre infortuné protagoniste, tel le Sisyphe de la mythologie bloqué dans les Enfers, est contraint à chaque fois de courir contre la montre pour essayer de sauver sa fille, en vain. Mais la mécanique se modifie en cours de route avec de nouveaux éléments narratifs qui complexifient la boucle et nous emmènent un peu plus loin des sentiers battus. Les choses se compliquent en effet lorsque notre homme découvre que l’époux de la femme tuée pendant la collision fait lui aussi l’expérience d’une journée qui se répète. Quoi qu’ils fassent, tous deux semblent incapables de sauver leur proche, comme si cette double mort était inscrite dans un destin immuable. 

Un jour sans frein

Bénéficiant d’une mise en scène très élégante ponctuée de morceaux de bravoure surprenants, d’acteurs très impliqués et d’un scénario tortueux à souhait, Car Crash sollicite efficacement le processus d’identification du spectateur. Mais si en cours de route le mystère se désépaissit, le film met aussi à jour un certain nombre de raccourcis scénaristiques pas toujours faciles à avaler. Les motivations et le modus operandi d’un des personnages clé, notamment, manquent singulièrement de crédibilité. Pour autant, ce premier long-métrage reste haletant, le suspense se révèle redoutablement efficace et la durée de 90 minutes sied bien au récit qui n’aurait rien gagné à durer plus longtemps. Jo Sun-Ho signera quelques années plus tard une romance, Hear Me : Our Summer, tandis que Car Crash (primé un peu partout lors de sa tournée mondiale des festivals du cinéma de genre sous son titre international A Day) servira largement d’inspiration au thriller politique de science-fiction Maanaadu signée par le réalisateur indien Venkat Prabhu.

 

© Gilles Penso

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MIMZY, LE MESSAGER DU FUTUR (2007)

Deux gamins découvrent sur une plage une boîte inconnue qui contient des objets mystérieux et les dote de capacités surnaturelles…

THE LAST MIMZY

 

2007 – USA

 

Réalisé par Robert Shaye

 

Avec Timothy Hutton, Joely Richardson, Rainn Wilson, Rhiannon Leigh Wryn, Chris O’Neill, Kathryn Hahn, Michael Clarke Duncan

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS

En 1943, la revue Astounding Science Fiction publie la nouvelle Mimsy Were the Borogoves, œuvre d’un certain Lewis Padgett. Derrière ce pseudonyme se cachent les époux écrivains Henry Kuttner et Catherine L. Moore, tandis que le titre énigmatique de ce court récit est emprunté à un vers du poème Jabberwocky de Lewis Carroll. Dix ans plus tard, l’histoire est traduite en français par Boris Vian et publiée sous un titre tout aussi bizarre : Tout smouales étaient les Borogoves ! Si le réalisateur Daniel Le Comte en tire un téléfilm en 1970 pour l’ORTF (avec comme titre alternatif Tout spliques étaient les Borogoves), l’adaptation cinématographique de la nouvelle ne se concrétise que bien plus tard. Une première version de scénario est écrite en 1993, mais elle n’est pas jugée satisfaisante. Cinq auteurs et 19 versions plus tard, le projet Mimzy peut enfin voir le jour. La mise en scène est assurée par Robert Shaye, qui signe là son second long-métrage après la comédie Elles craquent toutes sauf une. Fondateur de New Line Cinema, Shaye est surtout connu pour ses activités de producteur, notamment via les franchises Freddy et Le Seigneur des anneaux dont il fut l’un des maîtres d’œuvre principaux.

Mimzy raconte l’histoire de Noah Wilder (Chris O’Neill) et de sa petite sœur Emma (Rhiannon Leigh Wryn). Lorsque tous deux ouvrent l’étrange boîte qu’ils ont trouvée sur la plage, ils y découvrent quelques bizarreries et un lapin en peluche, que la petite fille baptise Mimzy. D’où viennent ces mystérieux objets, et à quoi peuvent-ils servir ? Nul ne le sait. Peu après cette découverte, les enfants commencent à développer d’extraordinaires capacités. Emma possède désormais d’inexplicables pouvoirs psychiques et Noah, qui n’a jamais été très fort à l’école, devient un génie scientifique. Il est même capable de déplacer des objets par sa seule volonté. Larry white (Rainn Wilson), le professeur de Noah, comprend que les enfants sont en train d’être transformés dans le but d’accomplir quelque chose qui les dépasse… Face aux adultes, face au FBI et aux scientifiques qui s’intéressent à eux et à leurs mystérieux jouets, Emma et Noah vont devoir s’en sortir seuls et protéger leur trésor…

Trop mièvre pour convaincre

Malgré son intéressant potentiel, Mimzy, le messager du futur nous déçoit. Il faut dire que le décalage entre les passionnantes théories scientifiques évoquées et leur application évasive dans le film est vertigineux, pour ne pas dire abyssal. Car Mimzy hésite sans cesse entre la science-fiction pure et dure et la comédie familiale mièvre et puérile, en penchant finalement hélas vers cette deuxième tendance. Dès que le FBI débarque, l’intrigue semble tenter de calquer ses péripéties sur celles de E.T. et rien ne va plus. À partir de là, les enfants s’échappent avec une facilité déconcertante (sous leur impulsion, des cafards camouflent une caméra de surveillance !) puis prennent la poudre d’escampette au volant d’une camionnette (le garçon a appris à conduire en jouant à un jeu vidéo !). Très éloigné du matériau littéraire original – dont il reprend principalement l’idée de jouets venus du futur permettant d’augmenter les capacités des deux jeunes héros -, Mimzy est un film beaucoup trop anecdotique et insipide pour faire date dans l’histoire du cinéma de SF. Ses résultats au box-office furent du reste très en-deçà des attentes du studio New Line

 

© Gilles Penso


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