LEATHERFACE (1990)

Un troisième épisode qui se regarde sans trop de déplaisir, à condition bien sûr d'éviter la comparaison avec ses prédécesseurs

LEATHERFACE

1990 – USA

Réalisé par Jeff Burr

Avec R.A. Milhailoff, William Butler, Viggo Mortensen, Ken Foree, Kate Hodge, Toni Hudson, Joe Unger

THEMA TUEURS I CANNIBALES I SAGA MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE

Avec Massacre à la Tronçonneuse 2, Tobe Hooper avait prouvé que sa famille de cannibales texane pouvait être affublée d’un second film, pour peu que le réalisme glauque cède quelque peu le pas au second degré. Détenteur de la franchise, New Line décida évidemment de ne pas en rester là et envisagea de confier à Hooper la réalisation d’un troisième épisode, offre que le cinéaste déclina en partie à cause d’une incompatibilité de planning due au tournage du Feu de l’au-delà. Avec à son actif une poignée de films d’horreur pas vraiment marquants, Jeff Burr hérita du bébé. En guise de prologue, un résumé nous apprend que la seule survivante du massacre raconté dans le premier film est morte dans un hôpital psychiatrique, et que le dangereux Leatherface est toujours en liberté. Le scénario semble donc faire abstraction du second film. Michelle et Ryan, un jeune couple en villégiature dans les bois, fait une halte dans une station-service peu engageante où, d’emblée, le film s’offre une référence à Psychose, via un détraqué qui s’est ménagé un trou dans le mur pour espionner les filles aux toilettes. Ce peu recommandable individu menace ensuite ouvertement nos tourtereaux, qui prennent la fuite et sont bientôt attaqués en pleine nuit par Leatherface. Jeff Burr concocte à l’occasion une séquence de suspense plutôt réussie, nos infortunés protagonistes s’efforçant de changer au plus vite le pneu crevé de leur voiture tandis que le tueur approche inexorablement en faisant grincer sa jambe équipée d’une attelle.

Ce troisième épisode se permet par ailleurs quelques moments de poésie macabre du plus étonnant effet, comme cette maison jonchée d’ossements dans laquelle une petite fille joue avec une poupée dont la tête a été remplacée par un crâne humain. Le film nous gratifie aussi d’un brin d’humour noir plutôt bienvenu, comme lors de ce dialogue surréaliste entre un cannibale et l’une de ses victimes potentielles : « pourquoi vous ne nous foutez pas la paix ? » – « On a la dalle ! »  – « Vous n’aimez pas la pizza ? ». Mais pour le reste, Leatherface se contente des sentiers battus : l’héroïne est capturée par la famille anthropophage, le grand-père momifié est nourri avec du sang, les victimes sont accrochées à des crocs de bouchers…

« Vous n'aimez pas la pizza ? »

Rien de bien nouveau, donc, malgré l’ajout de nouveaux membres à cette joyeuse sarabande, notamment une marâtre sur un fauteuil roulant et un manchot dont le faux bras fait office de pince ou de torche. Leatherface lui-même, surnommé « Junior » pas sa famille, n’a plus aucune aura. Ce n’est qu’un vulgaire psychopathe affublé d’un masque hideux qui s’amuse à jouer au chat et à la souris dans les bois avec ses victimes. Au détour du casting, on reconnaît Ken Foree (héros de Zombie) en randonneur, et Viggo Mortensen (pas encore intronisé par Le Seigneur des Anneaux) dans le rôle du cowboy Tex. Le climax se déroule dans un marécage où Leatherface arbore fièrement la tronçonneuse flambant neuve que sa famille lui a offert, sur laquelle on peut lire l’inscription « The Saw is Family ». Et tandis que tout le monde se bat et hurle dans l’hystérie générale, le film s’achemine vers un épilogue un tant soit peu ridicule.

 

© Gilles Penso

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PARANORMAL ACTIVITY : THE MARKED ONES (2014)

Un cinquième épisode qui joue prudemment la carte de la routine et marque l'infléchissement inexorable de la franchise

PARANORMAL ACTIVITY : THE MARKED ONES

2014 – USA

Réalisé par Christopher Landon

Avec Molly Ephraïm, Andrew Jacobs, Crystal Santos, Richard Cabral, Chloe Csengery

THEMA DIABLE ET DEMONS I SAGA PARANORMAL ACTIVITY

Comme chaque année depuis 2009, la franchise Paranormal Activity se voit gratifiée d’un nouvel épisode destiné à remplir les poches de son petit malin de créateur, Oren Peli. On ne va pas lui en tenir rigueur, le bougre exploite son concept jusqu’à la corde et ne fait que répondre à la demande d’un public qui répond toujours présent. Il aurait tort de se priver. Si la franchise est d’une rentabilité à toute épreuve (les films ne coûtent pas grand-chose à la fabrication et ont déjà rapporté près d’un milliard de dollars), artistiquement on frôle le néant absolu. Mais il semblerait que les spectateurs commencent à renifler l’arnaque car le quatrième épisode marque un net recul en termes de recettes. Le but de ce nouvel épisode est donc de remonter la tendance, de faire le plein de pépettes et donc d’en mettre plein les yeux. Bon, évidemment tout cela est raté et le film ne fait que décrédibiliser encore plus le reste de la série via un scénario totalement illogique qui va jusqu’à défier les lois de continuum espace-temps en piétinant la « logique » chronologique interne de la saga.

En effet, le héros de ce cinquième film, le jeune Jesse, adolescent lambda, est âgé de 18 ans. Une photographie nous montre clairement que le bougre est né en 1994. On en déduit donc, grâce à un simple calcul, que l’action se situe en 2012. Jusque-là rien de bien compliqué. Mais dans une tentative désespérée de se raccrocher au reste de la saga, les scénaristes ont inclus dans leur film un passage se déroulant pendant le premier film. Les héros de ce cinquième épisode croisent donc le désormais fameux couple Katie et Micah lors d’une scène se déroulant durant le premier épisode qui, je le rappelle se déroule lui en 2006. De 2012 en début de métrage, on se retrouve donc plongés en pleine année 2006. Comment expliquer ce miracle ? Sorcellerie ? Satanerie ? Voyage dans le temps ? Quelques vagues pistes sont bien lancées çà et là mais sans aucune conviction. Chaque épisode nous réserve son lot d’objets du quotidien hantés. Après la piscine, le ventilateur, le Kinect de Microsoft dans l’épisode 4, c’est ici un « Simon », le jeu musical et lumineux de notre enfance qui est possédé par on ne sait toujours pas qui ni quoi. Un « Simon » qui annonce à Jesse qu’il va passer un sale quart d’heure sans que personne n’y trouve quoi que ce soit à redire. D’ailleurs le film lorgne honteusement sur le film Chronicle puisque Jesse est soudainement capable d’accomplir des choses surhumaines comme envoyer valdinguer deux malfrats, léviter et tout faire péter lorsqu’il se met en colère. On ne parlera pas de plagiat mais l’idée est là. Mais au moins le film envoie quelques jolis effets spéciaux, c’est toujours ça de pris.

Le vide narratif absolu

Toutefois ce cinquième film est plutôt plaisant, du moins dans sa première partie car le duo de bras cassés au cœur de l’intrigue s’avère finalement assez attachant, notamment Hector qui tient la camera et amène une bonne dose d’humour au film… pour une demi-heure du moins. Pour le reste rien à signaler, on est toujours face au vide narratif et esthétique comblé vaille que vaille à coup de jump scares, d’une bande-son tonitruante et d’écrans noirs. Dès qu’il se passe quelque chose on ne voit plus rien, ce qui est bien pratique… On sent clairement que le réalisateur est plus emmerdé par son concept qu’autre chose et on en vient à se demander pourquoi ces gens filment le moindre de leurs faits et gestes. Dans le premier film, ce procédé était justifié mais ce n’est vraiment plus le cas ici. Paranormal Activity The Marked Ones se lance dans l’occultisme, le satanisme et la sorcellerie sans vraie raison si ce n’est tenter vaguement d’expliquer le pourquoi du comment de l’intrigue. Il se réfère aux films antérieurs via quelques grossiers clins d’œil sans jamais éclaircir quoi que ce soit. Après cinq films censés s’entremêler, on n’en sait toujours pas plus sur la nature de l’entité, de la chose, ou de la personne qui venait chatouiller les pieds de Katie dans le premier film. On ressort encore plus embrouillé qu’avant et on n’a même plus le courage d’essayer de reconstituer un puzzle dont la majorité des pièces sont manquantes. Paranormal Activity The Marked Ones n’est qu’un volet de plus dans le grand n’importe quoi que représente cette saga. Au suivant. 

 

© Seb Lecocq

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LA VIE REVEE DE WALTER MITTY (2013)

Ben Stiller s'investit des deux côtés de la caméra dans ce remake poétique du petit classique de Norman McLeod

THE SECRET LIFE OF WALTER MITTY

2013 – USA

Réalisé par Ben Stiller

Avec Ben Stiller, Adam Scott, Sean Penn, Kristen Wiig, Kathryn Hahn, Jon Daly, Terence Bernie Hines

THEMA RÊVES

Dupont sans joie de l’administration du journal Life, avec sa chemise à manches courtes et sa petite cravate cousue dans un rideau, Walter Mitty est finalement comme pas mal d’entre nous : translucide, commun et définitivement anonyme. Alors, c’est vrai qu’on a tous des rêves mouillés où l’on aimerait ressembler à Indiana Jones, mais Walter a l’ambition modeste : tout ce qu’il souhaite, c’est pouvoir emballer Cheryl, du service de comptabilité. Et son gros souci, outre le fait de n’être personne, c’est que Walter a des rêves éveillés, où le bonhomme s’imagine tour à tour héros du jour, champion du monde des tatanes, globe-trotter invétéré ou encore grande gueule patentée… Bref, tout ce qu’il n’est pas. Jusqu’au jour où le négatif 25, envoyé par l’envoyé spécial mythique Sean O’Connell a disparu…

Ah ! Saint Exupéry traîne définitivement dans les parages : vis tes rêves plutôt que de rêver ta vie. Voilà à quoi pourrait se résumer le nouveau film de Ben Stiller. Et si on le connaissait surtout pour ses déconnades bas du front, telles que Zoolander ou Tropic Thunder (œuvres mythiques, on n’y touche pas !), notre ami Ben a clairement quitté le petit bassin du pipi-caca pour le grand large où croisent les chefs-d’œuvre. Oui, ne mâchons pas nos mots : Walter Mitty est une véritable perle qui a su réinventer une nouvelle désuète de James Thurber (adaptée déjà au cinéma en 1947 par Norman Z. Mcleod avec Danny Kaye).

Poésie, humour et métaphysique

On a beau lui coller plein de références (Terry Gilliam, Wes Anderson, un zeste de Dupontel et on en passe), le film de Stiller est à marquer d’une pierre blanche dans le sérail : qu’un grand studio se lance dans une telle aventure prouve qu’on est sur le point d’en finir avec les blockbusters décérébrés et que la prédiction de Spielberg et Lucas était assez juste (pour rappel, les deux principaux créateurs du « blockbuster » avaient prédit une implosion des films à gros budget et à effets spéciaux maousse lors d’une table ronde à l’Université de Californie du Sud. Lone Ranger et After Earth sont sortis juste après, c’est dire…). Pour en revenir à notre Walter chéri (et nous sommes impartiaux), Stiller réussit un alliage parfait entre poésie, humour, métaphysique de comptoir (dans le bon sens du terme) en mettant des effets spéciaux époustouflants au service d’une histoire universelle et magnifique. Que des stars telles que Shirley MacLaine ou Sean Penn se soient greffées au projet, c’est une évidence quand on voit le projet fini. Bref, chef d’œuvre ! Entre poésie et humour, Ben Stiller montre beaucoup plus de profondeur que dans ses précédentes – et très appréciées – conneries sur grand écran. Avec un film pareil, c’est SOS Suicide qui risque d’être en manque de clients. On conseille, on conseille et on conseille !

 

© Wizzdumb

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THE POSTMAN (1997)

Sept ans après Danse avec les loups, Kevin Costner se lance dans un ambitieux western post-apocalyptique

THE POSTMAN

1997 – USA

Réalisé par Kevin Costner

Avec Kevin Costner, Will Patton, Olivia Williams, Larenz Tate, James Russo 

THEMA FUTUR

L’année 1990 voit le sacre foudroyant d’un grand cinéaste : le pseudo-western Danse Avec Les Loups séduit les foules et critiques de tous horizons par sa mise en scène brillante et son propos universel (réinvesti à l’envi, entre autres par James Cameron dans son Avatar). Le cinéma américain regorge de ces essais, plus ou moins transformés, où des acteurs s’improvisent réalisateurs – mais peu auront d’emblée fait l’unanimité comme Kevin Costner. Dès lors, asseyant par là même son statut de star planétaire, l’homme se trouve attendu au tournant. Il enchaîne les grands succès en tant que comédien et souvent producteur, mais ce n’est que sept ans plus tard, avec le post-apocalyptique The Postman, qu’il récidive officiellement derrière la caméra. Perdu dans un monde à l’agonie où seuls subsistent de petits îlots de civilisation terrorisés par la secte armée des « holnistes », un vagabond sans idéal y subit une traversée du désert littérale qui le conduira à devenir – bien malgré lui – le symbole de l’espoir retrouvé. Et ce… en livrant le courrier !

Pour beaucoup, la déception est au rendez-vous et le film se fait d’abord massacrer par bon nombre de critiques, bouder par le plus large public, puis relativement oublier par tout le monde… Sans doute la faute à une ambition démesurée pas toujours bien perçue, à un trop grand écart formel avec le premier chef d’œuvre de Costner (en surface seulement) et surtout, pour le public mondial, à un « I believe in the United States » mal digéré – comme souvent. Il faudra encore six longues années à la vedette pour se remettre de cet échec (juste derrière celui de Waterworld dont il a lui-même supervisé la plus grande partie) et réaliser l’excellent Open Range dans son genre de prédilection. Ce genre, c’est évidemment le western – et contre les apparences The Postman en est un. Du reste, quel western ! Partant de la figure de « l’étranger » dérivée de Clint Eastwood pour s’achever sur le film de cavalerie façon John Ford en passant par John Sturges (Les 7 Mercenaires), John Wayne (Alamo) et bien d’autres, il profite également de son enrobage SF pour brasser les ersatz les plus fameux du film de cow-boys, du Mad Max 2 de George Miller (déjà cloné d’autre manière dans Waterworld) au plus récent Los Angeles 2013 de Carpenter, de Le Lion Et Le Vent de John Milius à sa propre version de Robin Des Bois, Prince Des Voleurs mise en boîte quelques temps plus tôt par Kevin Reynolds – au détour de nombreuses séquences-citations, ou plus généralement de choix qui ne trompent pas dans la direction artistique.

Un certain héritage moral et esthétique

Un tel brassage force autant le respect qu’il risque l’embourbement. Chacun se fera son opinion là-dessus. On peut tout de même affirmer que l’entreprise n’a jamais la prétention d’inventer la poudre, mais toujours la volonté de transmettre le mieux possible un certain héritage moral et esthétique. De prime abord, eu égard à cet idéalisme, ce classicisme, ce sens de l’humour très particulier, cette puissance iconique et cette obsession des valeurs traditionnelles véhiculés par son cinéma, on n’attend pas forcément Kevin Costner dans le registre de la science-fiction, plus sophistiqué et moins directement historique. En toute logique, The Postman ne constitue pas une date dans le cinéma de science-fiction mais rappelle de façon inattendue, et avec un incontestable panache, que Costner est sans doute ce qui est arrivé de mieux au western durant les années 1990 !

 

© Morgan Iadakan

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LE HOBBIT : LA DESOLATION DE SMAUG (2013)

L'épisode central de la trilogie du Hobbit nous met en présence avec l'un des dragons les plus impressionnants de tous les temps

THE HOBBIT : THE DESOLATION OF SMAUG

2013 – NOUVELLE-ZELANDE

Réalisé par Peter Jackson

Avec Martin Freeman, Ian McKellen, Richard Armitage, Ken Stott, Graham McTavish, Orlando Bloom, Evangeline Lily

THEMA HEROIC FANTASY I DRAGONS I ARAIGNÉES I SAGA LE SEIGNEUR DES ANNEAUX

L’Empire Contre-Attaque l’a prouvé en son temps : pour transcender le matériau développé dans le film qui le précède, le volet central d’une trilogie épique se doit de durcir ses enjeux, de complexifier ses liens inter-protagonistes et de noircir sa tonalité. Fidèle à cette règle dramaturgique imparable, La Désolation de Smaug nous plonge sans préambule dans les ténèbres d’une forêt ensorcelée, première étape d’un voyage initiatique semé d’embûches qui se vit autant comme un train fantôme que comme un rollercoaster déchaîné. Le jeu de Martin Freeman s’en trouve enrichi. Son remarquable sens du rythme et de la pantomime, jeté sous le feu des projecteurs dans l’épisode précédent, s’accompagne ici d’un enchaînement d’émotions contraires particulièrement impressionnant. Car ici, Bilbo vit le conflit interne ultime, celui de la tentation engendrée par les pouvoirs fascinants de l’anneau qu’il vola à Gollum. A l’issue du premier morceau de bravoure du film, un hallucinant combat contre d’hideuses araignées géantes, le Hobbit est au bord du précipice émotionnel, partagé entre sa bonhommie naturelle et les mauvais penchants que George Lucas popularisa sous l’appellation universelle de « côté obscur de la Force ». En ce moment clef, la performance du comédien touche au sublime et mériterait une avalanche d’Oscars.

Mais ce n’est que le début du parcours du combattant, et Peter Jackson nous réserve maints rebondissements, l’un des plus spectaculaires étant probablement une incroyable course-poursuite entre Orques, Elfes et Nains utilisant comme véhicules des tonneaux lancés à vive allure dans un torrent furieux. La virtuosité de la mise en scène, l’audace des péripéties et la multiplicité des enjeux dramatiques coupent le souffle. Alors que les séquences d’action d’Un Voyage Inattendu s’articulaient majoritairement autour d’exercices de déséquilibre vertigineux, celles de La Désolation de Smaug fonctionnent sur le mode de la fuite en avant, comme si rien ne pouvait ralentir la folle course du récit.

Le grand écart de Peter Jackson

Plus que jamais, Jackson effectue le grand écart entre la beauté décomplexée des grands sentiments (dilemmes, esprit de sacrifice, romances impossibles) et l’humour potache mâtiné de gore qui marqua ses débuts de cinéaste (les belligérants pratiquent ici la décapitation à grande échelle), étalant sur grand écran toute la latitude de son désemparant savoir-faire. Le dernier acte du film repose bien sûr sur la confrontation de notre petite troupe avec le redouté saurien incandescent qui couve le trésor de la cité d’Erebor. Et si nous conservons un attachement indéfectible pour le  Vermithrax Pejorative du Dragon du Lac de Feu, force est de reconnaître que Smaug est sans conteste le dragon le plus impressionnant de l’histoire du cinéma, exhibant fièrement et pesamment ses tonnes de folies destructrice tout en s’exprimant avec la voix de Benedict Cumberbatch, dont l’élocution caverneuse n’est pas sans évoquer l’immense Vincent Price. Encore une géniale idée de casting, au sein d’une œuvre sans faute dont le dénouement ouvert nous secoue de frissons.

 

© Gilles Penso

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ASYLUM (1972)

L'un des meilleurs films à sketches d'épouvante des années 70, avec un casting de premier ordre

ASYLUM

1972 – GB

Réalisé par Roy Ward Baker

Avec Robert Powell, Sylvia Sims, Peter Cushing, Barry Morse, Charlotte Rampling, Britt Eckland, Herbert Lom, Patrick Magee

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I MAINS VIVANTES I JOUETS

Si elles n’atteignirent que rarement le niveau qualitatif des classiques de la Hammer, les productions de la compagnie anglaise Amicus rivalisèrent souvent d’inventivité, notamment à travers l’exercice du film à sketches qui devint vite leur marque de fabrique. Dans ce domaine, Asylum se situe en haut du panier, porté par un casting impeccable, une mise en scène efficace du vétéran Roy Ward Baker et un scénario plein de rebondissements signé Robert Bloch (à qui nous devons le roman « Psychose » adapté par Alfred Hitchcock en 1960). Robert Powell incarne le docteur Martin, qui brigue un poste de médecin dans l’institution psychiatrique de Dunsmoor. Accueilli par le docteur Rutherford (Patrick Magee), il apprend que l’ancien directeur, le docteur Starr, a basculé dans la folie et fait désormais partie des patients internés. Si Martin parvient à savoir lequel d’entre eux est Starr, Rutherford acceptera de l’engager.

Cet habile prétexte permet à quatre malades mentaux de nous raconter leur histoire, chacune se situant à mi-chemin entre la légende urbaine et les bandes dessinées horrifiques de chez EC Comics. Le premier récit, « Terreur Glacée », est celui de Bonnie, une jeune femme qui incite son amant à tuer sa femme. Le refrain est connu, si ce n’est que la défunte épouse, coupée en morceaux entreposés dans un congélateur, semble bien décidée à revenir d’entre les morts. La frayeur qu’engendrent ces bras, ces jambes et cette tête soigneusement empaquetés, rampant lentement vers le mari assassin, s’avère redoutablement efficace. Proche du conte classique, « Le Tailleur Mystérieux » raconte les déboires d’un tailleur sans le sou (Barry Morse, héros récurrent de la série Cosmos 1999). Pour payer son loyer, il accepte de confectionner un costume avec l’étrange tissus étincelant que lui fournit le mystérieux Monsieur Smith (l’immense Peter Cushing). Adepte de sorcellerie, ce dernier veut utiliser ce vêtement pour ressusciter son fils. Evidemment, les choses ne tardent pas à virer au drame.

Quatre histoires de fous

Avec « Lucy va venir », nous suivons les pas de Barbara (une toute jeune Charlotte Rampling), regagnant le domaine familial après une longue hospitalisation. Lorsque son étrange amie Lucy (la splendide Britt Eckland) lui rend visite, le sang se met bientôt à couler. Le dernier segment, « Mannequins de l’Horreur », est probablement le plus marquant et le plus atypique, présentant en outre la particularité de ne pas être narré sous la forme d’un flash-back. Le docteur Byron (Herbert Lom), interné depuis des années, s’est spécialisé dans la fabrication de poupées robot dont le visage est à l’effigie de ses anciens confrères. Son dernier modèle imite à merveille ses propres traits. Or Byron est persuadé que ces petits jouets apparemment inoffensifs sont dotés d’un cerveau et d’une anatomie humaine, et qu’il est capable de les animer par télékinésie. Le dénouement, au cours duquel la poupée Byron s’empare d’un scalpel et se dirige inexorablement vers le docteur Rutheford pour l’éliminer, est encore dans toutes les mémoires. En 1980, Asylum fut retitré House of Crazies pour sa ressortie aux Etats-Unis, dans une version amputée de six minutes.

 

© Gilles Penso

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DRACULA PERE ET FILS (1976)

Le choc surréaliste entre l'épouvante britannique gothique et la bonne vieille comédie à la française a accouché d'une œuvrette étrange et sympathique

DRACULA PÈRE ET FILS

1976 – FRANCE

Réalisé par Edouard Molinaro

Avec Christopher Lee, Bernard Menez, Marie-Hélène Breillat, Bernard Alane, Catherine Breillat, Raymond Bussières

THEMA DRACULA I VAMPIRES

Le dernier Dracula interprété par Christopher Lee n’est pas un film de la Hammer mais une comédie française dans laquelle il partage l’affiche avec Bernard Menez (La Nuit Américaine, La Grande Bouffe) sous la direction d’Edouard Molinaro (Hibernatus, La Cage aux Folles) ! Un tel choix de carrière peut surprendre de la part de l’immense comédien britannique, mais quand on s’attarde sur le projet, on comprend son envie d’en découdre une dernière fois avec le personnage qui le rendit célèbre sous l’angle de l’auto-dérision. D’autant qu’ici Christopher Lee se voit octroyer bien plus de dialogues que dans tous les Dracula de la Hammer mis bout à bout, des dialogues écrits par Jean-Marie Poiré (Le Père Noël est une ordure) et que Lee prononce dans un français impeccable.

Le film commence dans la Transylvanie de 1784. Le comte vampire fait enlever en pleine forêt la fiancée d’un duc (Catherine Breillat) pour en faire son épouse. Hélas, après avoir été vampirisée, la jeune femme est surprise par la lumière du soleil et finit en cendres. Ce premier quart d’heure de métrage, traité sous un ton assez sérieux, bénéficie d’une mise en scène soignée qui ne cherche pas pour autant à imiter les effets de style de la Hammer. Dracula y apparaît plus grisonnant, moins bestial et plus humain qu’à l’accoutumée. A l’âge de cinq ans, Ferdinand, l’enfant né de cette union, s’avère particulièrement turbulent, ce qui nous vaut quelques répliques décalées du genre : « Ferdinand, finis ton sang et va te coucher ! » 116 ans plus tard, Ferdinand est devenu un piètre vampire, puisque son père continue à le nourrir au biberon. Même les vieilles paysannes, pourtant des victimes faciles, l’intimident. Alors qu’un gouverneur communiste prend le pouvoir, Dracula et son fils sont contraints de prendre la fuite et passent à l’Ouest. Séparés, ils tentent de s’adapter tant bien que mal au monde moderne. Ferdinand échoue à Paris, où il mène une vie obscure de travailleur immigré, tandis que son père se retrouve à Londres, où son physique lui permet de devenir une vedette de films d’épouvante.

Un exercice d'équilibre inégal

Exercice d’équilibre qui marque la confrontation surréaliste entre deux univers à priori incompatibles (la comédie française des années 70 et l’horreur gothique anglaise), Dracula Père et Fils est un spectacle inégal, à l’image des gags qui le ponctuent régulièrement. Certains font mouche (les communistes chassent un vampire avec une croix improvisée à l’aide d’une faucille et d’un marteau, Ferdinand essaie un cercueil sous l’œil attendri de son père et le regard perplexe de l’entrepreneur de pompes funèbres), d’autres tombent un peu à plat (Dracula croit mordre le cou d’une femme endormie et plante ses crocs dans une poupée gonflable). La seconde partie du film, qui marque les retrouvailles des deux personnages principaux, fixe hélas les limites du concept. Dès lors,  le film piétine, et l’Edouard Molinaro des grands jours, qui nous avait fait mourir de rire avec les crises d’hystérie de Louis de Funès dans Oscar et les élans dépressifs de Jacques Brel dans L’Emmerdeur, brille un peu par son absence. Reste la prestation de Christopher Lee, qui nous communique sa joie manifeste de saluer sur le ton de la boutade ce héros vampirique qui lui colle à la peau depuis la fin des années 50.


© Gilles Penso

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RENDEZ-VOUS AVEC LA PEUR (1957)

L'esthète Jacques Tourneur s'intéresse à la sorcellerie et aux démons qu'il nimbe d'ombres et de mystères

NIGHT OF THE DEMON

1957 – GB

Réalisé par Jacques Tourneur

Avec Dana Andrews, Peggy Cummins, Niall McGinnis, Athene Seyler, Maurice Denham, Evan Roberts, Liam Redmond, Peter Elliott, Reginald Beckwith, Rosamund Greenwood, Brian Wilde, Charles Lloyd Pack

THEMA DIABLE ET DEMONS

Jacques Tourneur a su dès le début des années 40 redéfinir les codes de l’épouvante cinématographique avec un triptyque entré dans la légende : La Féline, Vaudou et L’Homme léopard. Les quinze films qu’il réalisa par la suite n’effacèrent jamais l’ombre de cette prestigieuse trilogie, jusqu’à ce que notre homme aborde une nouvelle fois le genre fantastique avec Rendez-vous avec la peur, inspiré de la nouvelle « Casting the Runes » (« Sortilège ») de Montague R. James. Fidèle à ses habitudes, Tourneur nimbe les sortilèges d’ombre et de mystère, préférant la suggestion à la démonstration. Tandis que les mégalithes de Stonehenge se dressent à l’écran, la voix off qui ouvre le film nous plonge d’emblée dans l’ambiance. « Depuis l’aube des temps il est écrit, et ces vieilles pierres en témoignent, qu’il est des êtres surnaturels mauvais vivant dans l’ombre », nous dit-elle. « La tradition dit que l’homme utilisant le pouvoir des caractères runiques peut évoquer les noires puissances que sont les démons de l’Enfer. » Les ténèbres lugubres d’une forêt britannique nocturne sont soudain percées par les phares d’une voiture lancée à vive allure. Au volant, le professeur Harrington se rend dans la vaste propriété du docteur Julian Karswell. Un différend oppose les deux hommes. Harrington a en effet accusé publiquement Karswell de pratiquer la magie noire, et ce dernier s’est vengé en lui jetant un sort. Le destin du malheureux semble scellé. Quelques heures plus tard, un démon monstrueux l’attaque en effet et le met en pièces.

C’est alors qu’entre en scène Jack Holden, un célèbre psychologue américain venu sur le vieux continent pour prouver que la pratique de la magie n’est qu’une vaste supercherie. Mais en rencontrant le sinistre Karswell, ses certitudes risquent de vaciller. Car il est devenu malgré lui propriétaire d’un parchemin écrit en caractères runiques qui éveillera bientôt un démon destructeur et ne lui laisse que quelques jours à vivre… Serti dans une somptueuse photographie noir et blanc de Ted Scaife, porté par une partition anxiogène de Clifton Parker,  Rendez-vous avec la peur témoigne plan par plan de la géniale minutie de Jacques Tourneur, qui sut toujours rendre crédible l’impensable malgré des budgets souvent rachitiques et des conditions de tournage parfois délicates. 

Le surgissement de la Bête

Bien sûr, Tourneur aurait largement préféré éviter de montrer le démon en pleine lumière. Mais le producteur Hal Chester imposa un monstre spectaculaire. La bête s’agite donc avec excès dans deux scènes grandguignolesques et souffre hélas d’une animation mécanique approximative. Pourtant, cette faute de goût n’entache pas l’impact du film. Elle se transforme même en atout, Tourneur muant le trucage maladroit en vision de cauchemar surréaliste qui finit par devenir la véritable marque de fabrique du film, s’affichant sur chacun de ses posters. Parfaits dans leurs rôles respectif d’universitaire sceptique et de sataniste gorgé de duplicité, Dana Andrews et Nial MacGinnis contribuent largement à la réussite de  Rendez-vous avec la peur, qui illustre à merveille l’éternel crédo de Jacques Tourneur : « Ne jamais perdre son émerveillement ».

 

© Gilles Penso 

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LÉGITIME VIOLENCE (1977)

William Devane se lance dans une croisade sanglante et meurtrière dont personne ne sortira indemne

ROLLING THUNDER

1977 – USA

Réalisé par John Flynn

Avec William Devane, Tommy Lee Jones, Linda Haynes, James Best, Dabney Coleman, Lisa Blake Richards, Luke Askew

THEMA TUEURS

Œuvre culte au titre français explicite, Légitime violence (à ne pas confondre avec le virulent film de Serge Leroy) porte avant tout la marque de son scénariste, Paul Schrader. Un des piliers du cinéma américain des années 70 et 80, à l’instar de John Milius, avec lequel il partage la même attirance pour les armes à feu, le traumatisme post-vietnamien aux USA, les personnages troubles adeptes d’une autodéfense désespérée et purificatrice, mais aussi un certain romantisme. Rolling Thunder (du nom d’une opération de bombardements aériens intensifs au Vietnam) scrute donc l’Amérique dans les yeux, au plus profond. Le major Charles Rane (William Devane, d’une froideur animale) est un vétéran de guerre (tout comme le Travis Bickle de Taxi Driver, autre scénario de Schrader) qui rentre enfin chez lui après 7 ans d’absence, durant lesquels il a subi les pires tortures aux mains de l’ennemi. Contrairement à Rambo, il est accueilli en héros par les habitants de sa ville texane. On lui offre même une belle Cadillac rouge et une coquette somme pour le féliciter, un dollar d’argent pour chaque jour passé en captivité. Il se rend compte assez rapidement que sa femme l’a trompé avec le shérif et qu’elle veut divorcer, et apprend à découvrir son jeune fils. La réhabilitation est difficile, Rane est harcelé d’images obsédantes de violence et se mure dans le silence. Jusqu’à ce que des voyous viennent pour le dépouiller de son trésor de guerre et massacrent sa famille en le laissant manchot et plus mort que vif…

Tout comme son illustre prédécesseur, Un justicier dans la villeRolling Thunder a souvent été injustement réduit à une simple bande d’exploitation, et ne joue pas la carte de la surenchère, dosant ses débordements de violence. John Flynn (Justice sauvage, Pacte avec un tueur, Haute sécurité, Echec à l’organisation, quel CV !) traite le sujet avec un sérieux essentiel au réalisme, sans toutefois oublier d’iconiser son « héros », jouant avec des clairs-obscurs de toute beauté. L’ouverture se fait en douceur, au rythme d’une chanson nostalgique de Barry de Vorzon qui évoque la mélancolie d’un Paul Williams. Rane, habité par un Devane au physique d’aigle, affiche un calme olympien dans l’épreuve, rompu à tout sévice, démontrant un rapport à la douleur quasi masochiste. A peine sorti de l’hôpital, il n’aura de cesse de traquer mécaniquement ses agresseurs, émergeant de sa fausse résignation, et secondé par un ange gardien inattendu, sa marraine de guerre tombée amoureuse de lui.

Une bataille perdue d'avance

Linda Haynes impose un personnage tout en nuances, d’abord perçue comme une jeune et belle écervelée très sexuée qui lorgne du côté des figures féminines de Peckinpah. Mais comme chez le grand Sam, l’ingénue peut se révéler belliqueuse (on pense à Guet-Apens et Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia). Le film évolue donc tranquillement vers le road-movie, et même carrément vers le western quand le couple fonce vers la frontière mexicaine. Mort à l’intérieur et incapable du moindre ressenti, Rane larguera sa compagne en route pour la préserver (et aussi parce qu’elle tente de le raisonner) et rappellera son ancien compagnon d’armes, incarné par un jeune Tommy Lee Jones, lui aussi impassible et inapte à la réinsertion sociale. Le final guerrier tant attendu pourra alors intervenir, avec nos deux soldats en uniforme à l’assaut d’un bordel, armes à la main, ultime bataille perdue d’avance pour se sentir à nouveau vivants, l’espace d’un instant seulement. Le grand moment d’un film précurseur et objet de fascination (Tarantino le place dans son top 10), empreint d’une tristesse insondable, miroir implacable adressé à une Amérique divisée et meurtrie, génératrice de ses luttes intestines et créatrice de ses propres monstres.  

 

© Julien Cassarino

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DOLLS, LES POUPEES (1986)

L'équipe de Re-Animator et From Beyond nous offre un conte macabre dans lequel des poupées vengeresses prennent vie

DOLLS

1986 – USA

Réalisé par Stuart Gordon

Avec Ian Patrick Williams, Carolyn Purdy-Gordon, Carrie Lorraine, Guy Rolfe, Hilary Mason, Bunty Bailey, Cassie Stuart

THEMA JOUETS I SAGA CHARLES BAND

Produit par Charles Band et tourné en Italie, dans les studios que ce dernier a fait construire sur un site ayant appartenu avant lui au mogul Dino de Laurentiis, Dolls marque le retour du réalisateur Stuart Gordon sur les écrans après une adaptation marquante de Lovecraft, le fameux Re-Animator. Gordon était censé enchaîner avec From Beyond, mais Band, qui a toujours eu le sens de l’optimisation, se dit qu’il serait intéressant de tourner un petit film d’horreur sur le même décor que celui prévu pour cette seconde adaptation de Lovecraft, afin de faire des économies d’échelles. C’est à contrecœur que Gordon s’attaque d’abord à Dolls, lui qui est alors obnubilé par From Beyond. Mais il se prête finalement au jeu avec enthousiasme. Ici, le scénario est réduit à son strict minimum. David et Rosemary Bower (Ian Patrick Williams et Carolyn Purdy-Gordon, l’épouse du réalisateur), ainsi que leur petite fille Judy (Carrie Lorraine), partent en week-end. Quelque peu malmenée par sa belle-mère autoritaire, la fillette, très imaginative, rêve à des solutions extrêmes pour écourter un séjour qui s’annonce pénible (ce qui nous vaut la vision onirique d’un ours monstrueux dévorant la marâtre irascible). En pleine campagne, un terrible orage les immobilise. 

La voiture étant embourbée, nos protagonistes se réfugient dans une antique demeure habitée par deux charmants vieillards, Gabriel et Hilary Hartwicke (Guy Rolfe et Hilary Mason). Ceux-ci les accueillent et leur offrent à manger. D’autres visiteurs égarés les rejoignent bientôt : Ralph Morris (Stephen Lee), un gaillard sympathique, ainsi qu’Enid (Cassie Stuart) et Isabel (Bunty Bailey), deux jeunes filles aux manières assez déplaisantes. La maison regorge de poupées fabriquées par leurs hôtes. Elles sont conçues avec amour, indifférentes aux modes d’aujourd’hui. Et surtout, chaque modèle est unique. La nuit finit par tomber. Sans scrupule, Enid et Isabel décident de dérober les objets anciens qui parsèment la maison. Mais les poupées veillent… Le récit suit une trame relativement sommaire, mais l’originalité du concept de base et la qualité de sa mise en scène suffisent à faire fonctionner le film.

Poésie surréaliste et horreur macabre

Les poupées elles-mêmes, conçues par John K. Brunner, sont extrêmement expressives. A tel point que même lorsqu’elles sont parfaitement immobiles, elles distillent tout de même une certaine angoisse. Surtout lorsqu’on découvre que sous la porcelaine se cachent de petits crânes humains et des organes vivants… Les effets spéciaux mécaniques de Giancarlo del Brocco sont la plupart du temps mis à contribution pour donner vie aux jouets. Mais dès que les poupées marchent en plan large, courent ou sautent, c’est l’animation image par image qui prend le relais, sans qu’un problème de raccord ne soit flagrant entre les deux techniques.  « Pour marier l’animation et les plans tournés en direct, je me suis efforcé de créer une série d’effets de flous de mouvement lors des actions les plus violentes et les plus rapides », raconte l’animateur David Allen. « C’était la première fois que je faisais vraiment ça. » (1) Certains plans d’animation, comme celui où les poupées discutent entre elles pour décider du sort des deux personnages principaux, exhalent une certaine poésie et évoquent entre autres les Puppetoons de George Pal. D’autres séquences donnent dans l’horreur graphique, comme lorsqu’une des victimes humaines se métamorphose douloureusement en poupée aux allures de joker, grâce aux maquillages spéciaux de John Buechler. Du coup, Dolls est un film hybride. Trop sanglant pour un conte adressé aux enfants, trop gentil pour les amateurs de gore pur, il passa à côté de son public, faute de ne pouvoir le cibler avec précision. Mais Stuart Gordon gardera toujours une certaine tendresse pour ce film, prélude au tournage complexe de From Beyond.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en avril 1998.

 

© Gilles Penso

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