L’EXORCISTE, LA SUITE (1990)

L'auteur du roman L'Exorciste décide de passer lui-même derrière la caméra pour réaliser le troisième opus de la saga

THE EXORCIST III

1990 – USA

Réalisé par William Peter Blatty

Avec George C. Scott, Ed Flanders, Jason Miller, Nicol Williamson, Brad Dourif, Scott Wilson, Nancy Fish, George DiCenzo 

THEMA DIABLE ET DEMONS I SAGA L’EXORCISTE

Auteur du best-seller qui inspira le premier Exorciste de William Friedkin, William Peter Blatty s’avoua quelque peu déçu par le montage définitif du film, apparemment éloigné de sa vision initiale du récit. En guise de revanche, il passa lui-même derrière la caméra pour réaliser cette séquelle officielle, ignorant superbement le médiocre Exorciste 2 : L’Hérétique commis par John Boorman. L’intrigue se situe logiquement quinze ans après les tragiques événements de L’Exorciste, et met en vedette le lieutenant de police Kinderman. Interprété par Lee J. Cobb dans le film original, il a pris ici les traits burinés du vétéran George C. Scott (Docteur FolamourPatton), et se retrouve avec plusieurs cadavres sur les bras. Assassinés selon un rituel pour le moins abominable, ils évoquent beaucoup les victimes d’un tueur en série surnommé « Le Gémeau », qui grilla sur la chaise électrique quinze ans plus tôt, autrement dit à l’époque où le père Damien Karras succombait après avoir exorcisé la jeune Regan McNeil. Tandis que l’enquête piétine et que les meurtres se multiplient, Kinderman fait une surprenante découverte. Karras a survécu à sa terrible chute (à la fin du premier Exorciste). Retrouvé amnésique par la police au milieu des années 70, puis assailli par de violents accès de rage et de fureur, il a été interné dans l’aile des fous dangereux d’un hôpital où se déroule dès lors la majeure partie du film. Depuis quinze ans, Karras abrite en son âme un terrifiant démon, celui-là même qui possédait « Le Gémeau ». 

Et si Jason Miller reprend ici le rôle du prêtre tourmenté, c’est l’excellent Brad Dourif, habitué aux personnages psychotiques, qui prête son visage au « Gémeau », et donc au Mal personnifié. La conviction des comédiens et la relative sobriété des effets de mise en scène de Blatty placent le film sous un jour réaliste et presque austère. Point de jets de vomi spectaculaires ni de maquillages horrifiques ici, et à l’exception d’une séquence finale d’exorcisme visiblement imposée par les producteurs pour satisfaire les amateurs de grand-guignol, le reste du métrage joue plutôt la carte de la suggestion et de l’atmosphère angoissante. Les morts horribles, par exemple, nous sont décrites mais jamais montrées. Ce refus du démonstratif est à priori louable, mais le potentiel d’épouvante de ce troisième Exorciste finit par en pâtir sérieusement.

Une variante efficace et souvent effrayante

A force de ne rien montrer et de tout miser sur l’ambiance et les dialogues, Blatty suscite presque l’ennui, notamment lors de ces interminables séquences d’entretien entre George C. Scott et Brad Dourif, au cours desquels le démon qui habite Karras n’en finit plus d’expliquer ses noirs desseins et de se repaître des méfaits commis pour lui par les pauvres gens qu’il possède à tour de rôle. Restent quelques visions furtives mais marquantes, comme ce rêve surréaliste où les anges aux larges ailes côtoient des nains transportant une horloge, ou comme cette apparition fort inquiétante d’une vieille dame rampant comme un insecte sur le plafond d’une des pièces de l’hôpital. Indiscutablement plus intéressant que L’Hérétique, ce troisième épisode n’arrive certes pas à la cheville du chef d’œuvre auquel il succède, mais s’apprécie comme une variante efficace et souvent effrayante.

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

EXORCISTE 2 : L’HERETIQUE (1977)

John Boorman prend le relais de William Friedkin pour se lancer dans une séquelle étrange et déstabilisante

EXORCIST 2 : THE HERETIC

1977 – USA

Réalisé par John Boorman

Avec Linda Blair, Richard Burton, Louise Fletcher, Max Von Sydow, Kitty Winn

THEMA DIABLE ET DEMONS I SAGA L’EXORCISTE

Même s’ils étaient peu enclins à se lancer dans une suite de L’Exorciste, le réalisateur William Friedkin et l’auteur William Peter Blatty se penchèrent par principe sur cette éventualité, suite au succès colossal né de leur collaboration en 1973. Mais bien vite, ils se heurtèrent à l’impossibilité d’établir un scénario cohérent, et abandonnèrent donc l’idée. Les cadres de Warner Bros ne l’entendant pas de cette oreille, une suite fut malgré tout mise en chantier et confiée aux bons soins de John Boorman. Après un début de carrière fulgurant (Le Point de non retourDuel dans le Pacifique, Délivrance)le cinéaste britannique avait essuyé l’échec de Zardoz et cherchait donc un moyen de revenir sur le devant de la scène. Peine perdue : cet Exorciste 2 : l’Hérétique est tellement à côté de la plaque qu’il restera dans les mémoires comme l’une des séquelles les plus incongrues de l’histoire du cinéma. Certes, Boorman n’a pas choisi la facilité, refusant de se soumettre aux mêmes recettes horrifiques que le premier Exorciste pour explorer une voie plus mystique. Mais à trop vouloir transcender le sujet initial, il s’en éloigne jusqu’à l’absurde.

Regan, toujours incarnée par Linda Blair, est aujourd’hui une adolescente rondouillarde qui semble bien dans sa peau et se détend en préparant un spectacle de claquettes. Mais le démon qui jadis la posséda est toujours là, quelque part, tapi au plus profond de son inconscient. La psychothérapeute Gene Turney (Louise Fletcher) lui dispense des soins routiniers, et reçoit un jour la visite du père Lamont (campé par l’immense Richard Burton). Ce dernier est chargé d’enquêter sur la mort du père Merrin, le fameux exorciste du film précédent, et souhaite donc rencontrer Regan. Obsédé par la chasse au démon, il se laisse aller à quelques envolées lyriques telles que « Le mal est une réalité spirituelle, qui existe et qui est en vie, pervertie et pervertissante, qui tisse sa trame insidieusement dans le tissus de la vie ». La psychologue, pour sa part, ne croit qu’aux maladies mentales, mais propose à Regan de vivre avec elle une séance d’hypnose synchronisée pour aider Lamont dans ses investigations. La séquence, assez interminable, permet d’entrevoir Regan possédée et met en évidence la présence latente du maléfique démon Pazuzu.

Des séquences rocambolesques dignes d'un serial

A partir de là, Exorciste 2 l’Hérétique prend une tournure des plus étranges. Tandis que Regan est en proie à des crises de somnambulismes, le père Lamont part en Afrique à la recherche des origines de Pazuzu et d’un homme qui fit jadis exorcisé par Merrin (lequel apparaît en flash-back sous les traits de Max Von Sydow). Les séquences rocambolesques dignes d’un serial ou d’un vieux Tarzan (l’escalade de la montagne pour atteindre une cité afriaine de carte postale), les effets spéciaux approximatifs (maquettes, incrustations, rotoscopie) et les dialogues extravagants (Burton et James Earl Jones devisent gravement entre ce qui différencie les gentilles et les méchantes sauterelles !) parachèvent le massacre. Ni les envolées de la partition d’Ennio Morricone, ni le jeu habité de Burton ne parviennent à sauver l’entreprise que les fans du premier film rejetteront violemment. Boorman, pour sa part, se rattrapera en réalisant quelques années plus tard l’épique Excalibur.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

KAMIKAZE (1986)

La police est sur les dents : un homme a trouvé le moyen de tuer à distance ceux qui passent à la télé !

KAMIKAZE

1986 – FRANCE

Réalisé par Didier Grousset

Avec Richard Bohringer, Dominique Lavanant, Michel Galabru, Romane Bohringer, Etienne Chicot

THEMA CINEMA ET TELEVISION

Produit et co-écrit par Luc Besson, que Didier Grousset assista sur le tournage de Subway, Kamikaze part d’un postulat étonnant, une idée délirante qui semble détourner l’un des gags récurrents du fameux Hamburger Film Sandwich de John Landis. Génie de l’informatique renvoyé du laboratoire où il exerce, Albert (Michel Galabru) s’installe chez sa nièce et son mari, dans une grande maison retirée du monde, et s’abrutit devant la télévision. Bientôt révolté par la stupidité des programmes que le poste diffuse à longueur de journée, il invente un rayon révolutionnaire capable d’assassiner les speakrines à distance. Tandis que les meurtres inexpliqués se multiplient, l’inspecteur de police Romain Pascot, incarné par Richard Bohringer, mène l’enquête et se heurte au Ministère de la Communication. Pendant que les journaux titrent « meurtres en chaînes », son enquête piétine. « J’ai 55 millions de suspects » soupire-t-il. En désespoir de cause, le Ministère de l’Intérieur le dote d’un budget illimité afin qu’il puisse trouver la source de ces morts en série et l’éradiquer au plus vite. Pascot convoque alors tous les plus grands scientifiques à sa portée, et une théorie folle commence à s’échafauder. « L’individu qui nous intéresse a substitué au faisceau hertzien un faisceau d’ultrasons très concentré » explique ainsi lors d’une conférence un éminent professeur incarné par Etienne Chicot. « Ce faisceau remonte jusqu’à la caméra de télévision et va faire éclater de l’intérieur les os et les organes de la victime. » L’explication est certes complètement farfelue, mais elle est délivrée avec tellement d’aplomb que le spectateur est tout disposé à y croire. 

Kamikaze adjoint à son scénario étonnant un casting de premier choix. Michel Galabru y est délectable en misanthrope ultime, Richard Bohringer déborde comme toujours de charisme (son enfant étant joué dans le film par sa propre fille Romane) et Dominique Lavanant nous surprend dans un registre éloigné de la comédie qui l’a rendue populaire. Seuls la nièce d’Albert et son époux s’avèrent insipides, d’autant que leur rôle dans le film aurait quasiment pu être effacé sans trop d’incidence sur le déroulement du récit. Didier Grousset fait ici montre d’un indéniable savoir-faire, notamment lorsqu’il s’agit de concevoir des séquences de suspense comme celle au cours de laquelle un technicien sur le plateau d’une émission télévisée s’apprête à mourir en direct.

L'influence de Videodrome ?

Les meurtres eux-mêmes sont violents et sanglants, ne s’embarrassant guère d’une quelconque auto-censure. Au passage, la séquence où Galabru s’approche de son écran de télévision pour embrasser la bouche immense d’une présentatrice pulpeuse nous renvoie illico à Videodrome, et il n’est pas impossible que le chef d’œuvre de David Cronenberg ait d’une manière ou d’une autre influencé Kamikaze. Excellente surprise doublée d’une salve acerbe contre un petit écran nivelant son public par le bas, le film de Grousset nargue superbement les programmes télévisés à travers ses images léchées qui s’étalent sur un généreux format Cinémascope. Finalement, seule la bande originale d’Eric Serra aura mal passé le cap des années, le reste du métrage demeurant d’excellente facture.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

TRAITEMENT DE CHOC (1973)

Annie Girardot et Alain Delon s'affrontent dans ce thriller fantastico-médical mené de main de maître par Alain Jessua

TRAITEMENT DE CHOC

1973 – FRANCE / ITALIE

Réalisé par Alain Jessua

Avec Annie Girardot, Alain Delon, Michel Duchaussoy, Jean-François Calve, Robert Hirsch, Gabriel Cattand

THEMA MEDECINE EN FOLIE

Partisan d’un fantastique soigneusement ancré dans le réalisme (Armaguedon, Les Chiens, Paradis pour tous), Alain Jessua a planté sa caméra à Quiberon, dans le Morbihan, pour composer un intéressant exercice de suspense médical qui annonce certaines œuvres de Michael Crichton, notamment Morts suspectes avec lequel il présente plusieurs similitudes. Personnage central de Traitement de choc, Hélène Masson, incarnée par Annie Girardot, est une riche styliste de trente-six ans qui se sent au bord de la dépression suite à une déception amoureuse (son petit ami l’a en effet quittée pour une femme plus jeune). Pour reprendre du poil de la bête, elle décide de faire une cure au prestigieux institut de thalassothérapie du docteur Devilers, dont on lui a dit le plus grand bien, et se rend donc à sa clinique privée confortablement édifiée le long de la côte bretonne. Une clinique très luxueuse et très onéreuse. Hélène y rencontre du beau monde, notamment le patron de la clinique, le séduisant docteur Devilers (les anglophones auront bien sûr repéré le diable qui se dissimule à peine sous ce patronyme très suggestif).

Interprété par un Alain Delon de 45 ans toujours fringant, Devilers redonne énergie et santé à une clientèle fortunée grâce à un procédé secret à base de cellules animales régénérantes. Hélène, comme les autres malades, se sent rapidement mieux, et découvre que la plupart des patients font une ou deux cures chaque année, ce qui les rajeunit considérablement. Entre deux clients fortunés en peignoir de bain, Hélène retrouve son ami Jérôme Savignat (Robert Hirsch), mais celui-ci, ayant des problèmes d’argent, n’a plus les moyens de suivre le traitement fort coûteux et va bientôt être chassé de la clinique. Quelques jours plus tard, il se donne la mort en se jetant du haut d’une falaise. Ce suicide traumatise Hélène qui devient méfiante et entreprend une enquête personnelle. Ses investigations la conduisent pas à pas vers une abominable découverte. Car le secret du miraculeux élixir de jouvence de Devilers repose sur un secret épouvantable.

L'élixir de jouvence

Traitement de choc est une inquiétante allégorie sur la vampirisation des couches sociales démunies par une élite de nantis, une thématique que revisiteront entre autres Rod Hardy (Soif de sang) et Brian Yuzna (Society), et qui prend ici l’image finale de corps éventrés dans une chambre froide. Dommage que l’angoisse inhérente à un tel récit soit quelque peu amenuisée par des problèmes de rythme et une tendance fâcheuse à multiplier les dialogues explicatifs. Mais il faut reconnaître que Girardot et Delon sont impeccables dans leurs rôles respectifs. La partition, signée en partie par Jessua, joue sur les percussions et les vocalises ethniques, comme pour mieux accentuer la sauvagerie cannibale qui sommeille chez tous ces curistes de la haute bourgeoisie. En Grande-Bretagne, Traitement de choc fut distribué sous l’étrange titre de Doctor in The Nude, sans doute en référence à une scène naturiste au cours de laquelle Delon et Girardot se baignent nus dans l’océan.

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

EDEN LOG (2007)

Clovis Cornillac plonge corps et âme dans un voyage initiatique conceptuel aux résonances bibliques

EDEN LOG

2007 – FRANCE

Réalisé par Franck Vestiel

Avec Clovis Cornillac, Vimala Pons, Zohar Wexler, Sifan Shao, Arben Bajraktaraj, Abdelkader Dahou, Toni Amoni, Antonin Bastian

THEMA FUTUR I VEGETAUX I MUTATIONS

Eden Log nous ramène à l’aube des années 80, époque où certains cinéastes français osaient se lancer dans des exercices de science-fiction atypiques et conceptuels tels que Le Bunker de la Dernière Rafale de Caro et Jeunet ou Le Dernier Combat de Besson et Jolivet. On retrouve dans le premier long-métrage de Franck Vestiel ce goût prononcé pour la monochromie épurée, la plastique glacée et l’épure du dialogue. Quand le film commence, c’est presque à la Genèse que nous croyons assister. Un homme nu et apeuré reprend conscience au fin fond d’une grotte. Qui est-il ? D’où vient-il ? Le mystère est entier. Dès cette scène d’introduction au rythme languissant, dans laquelle les grognements remplacent les mots, où la pénombre règne, où les décors s’avèrent boueux et sales, le spectateur est prévenu : il va devoir être patient, attentif et participatif. Peu à peu, la boue élémentaire révèle un décor industriel qui semble à l’abandon. De vieilles hélices rouillées apparaissent à l’arrière-plan, des hologrammes féminins parlent dans toutes les langues… Au fil de son parcours, notre homme trouve des vêtements poussiéreux, une lampe de poche, et se civilise peu à peu, quittant sa première apparence quasi-paléolithique.

Le premier dialogue n’arrive au bout de 17 minutes, et se résume à ces deux répliques : « Qui es tu ? », « Je ne sais pas ». Nous voilà bien avancés ! Les brumes de l’énigme se dissipent tout de même au bout d’un moment. Le labyrinthique laboratoire en ruines qu’arpente notre héros appartient à Eden Log, une compagnie jadis en quête de nouvelles énergies puisées dans les arbres. Or au fil des prélèvements de sa sève, la plante a commencé à se défendre et à se développer au-delà de tout contrôle, transformant les ouvriers en mutants monstrueux qui ne sont pas sans évoquer le concept de Doom. Tout le film peut d’ailleurs s’appréhender comme un jeu vidéo dont le héros s’efforce de traverser chaque niveau en échappant aux opposants (soldats et monstres) lancés à ses trousses. Le maquillage des créatures, œuvre de Jean-Christophe Spadaccini, est particulièrement réussi et extraordinairement mis en valeur par la photographie tout en contrastes de Thierry Pouget.

La terrible mutation

Bientôt, le protagoniste lui-même semble être sur le point de connaître la terrible mutation. D’où une scène d’amour pour le moins étonnante. Notre protagoniste l’imagine romantique, mais en réalité c’est un viol, et le montage parallèle alterne les deux versions, soutenu par une bande sonore perturbante. Toute la question du Ça, de la bête intérieure et du contrôle de soi est abordée en quelques secondes. Dans Eden Log, Clovis Cornillac mouille plus que jamais sa chemise, même si ce sont moins ici ses talents d’acteur que son énergie et sa présence physique qui sont sollicités. Le film de Vestiel bénéficie donc, on l’aura compris, d’une mise en scène et d’une direction artistique impeccables. Mais son audace suscite assez rapidement un hermétisme et une austérité un brin agaçants. Ce qui aurait sans doute fait fureur sur un format de court-métrage peine à captiver sur une durée d’une heure et demie, et le dénouement incompréhensible nous laisse un peu sur notre faim.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

TED 2 (2015)

Une séquelle du conte de fées pour adultes de Seth MacFarlane qui se transforme en road movie puis en film de tribunal absurde

TED 2

2015 – USA

Réalisé par Seth MacFarlane

Avec Mark Wahlberg, Amanda Seyfried, Seth MacFarlane, Jessica Barth, Giovanni Ribisi, Morgan Freeman, Sam Jones

THEMA JOUETS

Fort du succès de sa première aventure, l’ourson mal léché est de retour dans une séquelle déjantée qui reprend les protagonistes du film précédent à peu près là où nous les avions laissés en 2012. L’ours en peluche grivois et la belle Tamy-Linn (Jessica Barth) ont décidé de se marier, ce qui semble ne poser aucun problème aux yeux de la loi ou de l’église. En effet, comme les dinosaures de Jurassic World, ce jouet vivant et turbulent n’étonne plus personne. Les gens se sont habitués à sa présence, signe d’une société de plus en plus blasée et de moins en moins encline à l’émerveillement. Lorsque l’ours et son épouse humaine décident de se reproduire, les choses se compliquent. La voie naturelle étant exclue (notre ami Ted n’est pas physiquement « équipé » pour procréer) et l’insémination ne fonctionnant pas, l’adoption semble être la seule solution viable. Mais en remplissant les documents administratifs nécessaires, Ted alerte le gouvernement qui finit par se demander si un ours en peluche a les mêmes droits qu’un être humain. Les conséquences ne tardent pas : Ted est destitué de son statut de citoyen américain. Il perd son emploi, voit son mariage annulé et redevient aux yeux du monde un simple objet.

La question existentielle que soulève le scénario de Ted 2 est potentiellement passionnante : un objet doué de raison et d’émotion doit-il être considéré comme un bien matériel ou comme une personne ? A vrai dire, le scénario n’exploite que superficiellement ces interrogations, proches de celles soulevées par Steven Spielberg dans A.I. Intelligence Artificielle, pour se concentrer sur son moteur principal : la satire potache, grasse et de préférence située en dessous de la ceinture. Les spectateurs qui ne sont pas allergiques aux gags paillards et aux loufoqueries puisées dans la culture geek verront leurs zygomatiques sollicités avec autant d’efficacité que pour le premier Ted, les deux films cultivant le même esprit salace et le même humour référentiel. Les autres ont tout intérêt à passer leur chemin sous peine de pousser de longs soupirs d’exaspération tout au long du métrage. Car Seth MacFarlane est bien conscient d’avoir ses fans et ses détracteurs, caressant les premiers dans le sens du poil sans se soucier des autres. 

Guest stars et cascade de gags

Désireux de ne pas se cantonner à l’espace étriqué d’une comédie traditionnelle, le scénariste/réalisateur/acteur a décidé pour cette séquelle d’élargir son horizon, empruntant tour à tour les codes du film de tribunal (le cœur du récit est un procès au cours duquel Ted clame son humanité), du road movie (les trois héros traversent une partie de l’Amérique en voiture pour trouver un avocat) et même de la comédie musicale, le temps d’un générique flamboyant hérité des chorégraphies de Busby Berkeley. Comme toujours, quelques guest stars viennent égayer le film. Sam Jones, héros du Flash Gordon de 1980, revient ainsi jouer son propre rôle, Morgan Freeman incarne un vieil avocat acquis tardivement à la cause de Ted et Liam Neeson nous gratifie d’un passage hilarant dans lequel il semble autoparodier sa prestation tourmentée dans Taken. Cerise sur le gâteau, le climax du film se situe en plein Comic Con, prétexte idéal pour une cascade de gags absurdes conçus comme autant de clins d’œil aux fans de SF et de comics.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

ANT-MAN (2015)

Le plus petit des Avengers se lance dans une aventure à mi-chemin entre Mission Impossible et L'Homme qui rétrécit

ANT-MAN

2015 – USA

Réalisé par Peyton Reed

Avec Paul Rudd, Michael Douglas, Evangeline Lilly, Corey Stoll, Hayley Atwell, Michael Peña, Bobby Carnavale 

THEMA SUPER-HEROS I NAINS ET GEANTS I SAGA AVENGERS I MARVEL

Distribué en salles trois mois après un Avengers : l’ère d’Ultron un peu indigeste marquant l’essoufflement du système Marvel, médiatisé par le départ de son réalisateur Edgar Wright pour cause de « différends artistiques » avec la production, Ant-Man ne partait pas gagnant. Sa réussite n’en est que plus remarquable. S’éloignant sciemment du schéma héroïque des Avengers, le cinéaste Peyton Reed nous dépeint un homme ordinaire et sans envergure dont le seul titre de gloire est sa capacité à cambrioler son prochain. Tout juste sorti de prison, incapable de s’occuper de sa famille, colocataire d’une poignée de malfaiteurs minables aux ambitions étriquées, Scott Lang (Paul Rudd) n’a pas vraiment l’étoffe d’un héros.

Le décalage entre sa situation précaire et sa destinée hors du commun est le moteur principal d’Ant-Man, qui permet non seulement d’appréhender cette histoire de costume rétrécissant avec un certain second degré mais aussi de trouver auprès de cet anti-héros un terrain d’identification idéal. Bardé de défauts et de faiblesses, Scott Lang est l’archétype du protagoniste cher à Stan Lee et nous évoque souvent Peter Parker, même si les deux personnages diffèrent par bien des aspects. Ainsi, alors que l’homme-araignée est un être solitaire, l’homme-fourmi travaille au sein d’une équipe menée par le scientifique Hank Pym, qui porta le costume avant lui et qui agit à ses côtés comme un mentor. Dans le rôle de cet aîné parfois dépité par le manque de maturité de son élève, Michael Douglas excelle. Sa fille Hope, interprétée par Evangeline Lilly, constitue l’autre pilier de cette équipe hors norme à laquelle s’adjoignent trois malfrats à la petite semaine.

Espionnage, comédie et science-fiction

Si les enjeux narratifs d’Ant-Man visent une fois de plus la préservation du monde libre, ses péripéties restent ancrées sur terre, d’autant que l’aventure prend vite les allures d’un « film de casse » à l’ancienne, en une sorte de mariage surprenant entre L’homme qui rétrécit et Mission impossible (la bande originale de Christophe Beck rendant régulièrement hommage à Lalo Schifrin). Le parti pris d’une intrigue plus proche de l’espionnage que de la science-fiction n’empêche nullement Ant-Man de se déchaîner en matière d’effets spéciaux, et ce dès le pré-générique, où Michael Douglas redevient quadragénaire par l’entremise d’un rajeunissement numérique incroyablement réaliste. Confiés à une dizaine de compagnies, les effets visuels permettent de donner corps aux multiples miniaturisations de Scott ou aux armadas de fourmis l’accompagnant dans ses missions. Certes, l’affrontement final d’Ant-Man avec une sorte de double monstrueux obéit à un lieu commun déjà présent dans Iron Man et L’Incroyable Hulk, mais une fois de plus Peyton Reed désamorce la séquence par un humour omniprésent, la situant au beau milieu d’un train électrique lancé à vive allure digne d’une aventure de Wallace et Gromit. Garni de morceaux d’anthologie et d’idées de mise en scène réjouissantes (les flash-back racontés en play-back par Michael Peña), Ant-Man est un spectacle délectable à l’issue duquel l’univers de Scott Lang finit par croiser celui des Avengers, prélude à un Captain America : Civil War très attendu.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

LE BAL DES VAMPIRES (1967)

Entre deux œuvres tourmentées, Roman Polanski s'offre un éclat de rire en parodiant les films d'épouvante gothique de l'époque

THE FEARLESS VAMPIRE KILLERS / DANCE OF THE VAMPIRES

1967 – GB / USA

Réalisé par Roman Polanski

Avec Roman Polanski, Sharon Tate, Jack MacGowran, Alfie Bass, Jessie Robbins, Ferdy Mayne, Iain Quarrier, Terry Downes

THEMA VAMPIRES

Le Bal des Vampires ressemble à un OVNI au milieu de la filmographie de Roman Polanski, et l’on pouvait légitimement se demander, à l’époque, ce que cette farce débridée venait bien faire entre Cul de Sac et Rosemary’s Baby. L’explication est pourtant simple : le réalisateur avait envie de se détendre et de s’offrir quelques éclats de rire entre deux œuvres tourmentées. Sans doute est-ce l’une des raisons qui l’on poussées à tenir lui-même le rôle du clown, autrement dit Alfred, assistant maladroit d’un vieux chasseur de vampires nommé Abronsius (Jack MacGowran). Tous deux débarquent dans une auberge d’Europe Centrale, au milieu du 19ème siècle, afin de mettre la main sur le redoutable compte Von Krolock (Ferdy Mayne). Ils apprennent bien vite que tout le village a la morsure facile.

Flanqué de son fidèle scénariste Gérard Brach, Polanski s’essaie ainsi à l’exercice de la comédie fantastique sans chercher particulièrement à pasticher les grands classiques, même si l’ombre des productions Hammer plane inévitablement sur le film, notamment Le Baiser du Vampire de Don Sharp duquel provient l’idée du grand bal. Si l’hilarité n’est pas toujours au rendez-vous et si le rythme s’essouffle par moments, Le Bal des Vampires est une œuvre sincère et éminemment rafraîchissante, sans doute parce que Polanski refuse de dépeindre ses vampires comme de simples monstres définis uniquement par leur voracité et leur soif d’hémoglobine.

« Pourquoi un Juif craindrait-il la croix ? »

Se prenant d’affection pour eux, il crée au sein même de leur caste des minorités et en tire des gags surprenants. Notamment un vampire blond homosexuel (visiblement inspiré par le comte Meinster des Maîtresses de Dracula), fils efféminé de Krolock, qui courtise le malheureux Alfred au cours d’une séquence mémorable empreinte de slapstick, ou un vampire juif insensible à la présence du crucifix. Cet effet comique inattendu nous renvoie directement à Richard Matheson qui, dans « Je suis une légende », posait pragmatiquement la question : « pourquoi un Juif craindrait-il la croix ? » Mais le gag le plus réussi du film est peut-être celui du miroir dans lequel, parmi tous les invités du bal, se reflètent uniquement les trois héros, lesquels espéraient passer inaperçus dans la foule. Le cinéaste s’amuse ainsi à détourner une fois de plus les codes habituels du genre, le miroir ne servant pas ici à démasquer les vampires mais à repérer les humains. Même le dénouement se soustrait aux clichés habituels pour contourner le happy end traditionnel. Paré d’un casting idéal (dont la délicieuse Sharon Tate, à laquelle Polanski préférait initialement Jill St John, et qui hélas allait périr assassinée deux ans plus tard), Le Bal des Vampires se bonifie en vieillissant, tirant une partie de son charme d’un humour parfois amer et désenchanté, loin des parodies millimétrées d’un Mel Brooks ou d’un Jerry Lewis. Précisions que le titre original complet du film, digne des Monty Pythons, est The Fearless Vampire Killers or Pardon Me, But Your Teeth Are In My Neck, autrement dit « Les tueurs de vampires sans peur, ou excusez-moi mais vos dents sont dans mon cou » !

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

DOCTEUR JERRY ET MISTER LOVE (1963)

Jerry Lewis brosse une savoureuse parodie du mythe de Jekyll et Hyde en inversant les attributs physiques du bon docteur et de son redoutable alter-geo

THE NUTTY PROFESSOR

1963 – USA

Réalisé par Jerry Lewis

Avec Jerry Lewis, Stella Stevens, Del Moore, Kathleen Freeman, Med Flory, Norman Alden, Howard Morris, Elvia Allman 

THEMA JEKYLL ET HYDE

Comme dans Les Deux visages du docteur Jekyll, Jerry Lewis a inversé le concept de base de la nouvelle de Robert Louis Stevenson dont il s’inspire et de la plupart de ses adaptations cinématographiques. En effet, cette fois ci le docteur est laid et maladroit, et son alter ego s’avère jeune et séduisant. Et Jerry Lewis d’exhiber ici toute la latitude de son talent, tour à tour affreux rat de bibliothèque aux dents proéminentes et au regard torve, et bel hidalgo au cheveu gominé et au charisme indéniable. Le maquillage de Wally Westmore aide un peu, mais c’est surtout le jeu de l’acteur/réalisateur qui fait toute la subtilité de cette métamorphose. La première séquence de transformation sacrifie tout de même aux canons du cinéma d’épouvante, avec force gesticulations du scientifique, et même apparition furtive d’un faciès bestial et d’une main recouverte de poils. Une séquence surprenante par son inspiration horrifique au beau milieu d’une comédie aussi légère.

Timide et introverti, affublé d’un nœud papillon d’un autre âge et d’une paire de lunettes bancale, le professeur de chimie Julius Kelp décide d’inventer cette potion le jour où un joueur de football l’humilie publiquement dans le lycée où il exerce, l’enfermant dans une armoire de sa classe. Pathétique aux yeux de ses élèves, et surtout de la jolie Stella Purdy (Stella Stevens) dont les charmes ne le rendent guère insensible, notre savant trouve le moyen d’annihiler toutes ses inhibitions grâce à son double Buddy Love. Petit problème : les effets du produit miracle ne durent que quelques instants, obligeant le séducteur à s’éclipser souvent en pleine conversation, sous peine de retrouver ses traits initiaux. D’où un certain nombre de situations comiques savoureuses. Jusqu’à cet inoubliable dénouement où le beau Buddy redevient progressivement le timide et bégayant docteur Julius Kelp, sous l’œil médusé des naïves donzelles charmées jusqu’alors par sa gouaille inimitable. 

Un petit air de Dean Martin

Nombreux sont ceux qui ont vu dans le personnage de Buddy Love une caricature de Dean Martin, partenaire de longue date de Jerry Lewis dans une quinzaine de films où chacun restait sagement confiné dans un rôle taillé sur mesure, respectivement le tombeur de ces dames et le clown empoté. Le duo se sépara en 1956, après une dispute fort médiatisée, mais Jerry Lewis n’avoua jamais s’être inspiré de son ex-compagnon d’affiche pour Docteur Jerry et Mister Love. Influence subconsciente ou déni embarrassé ? Qu’importe après tout. Ce qui prime, c’est que nous avons affaire là à l’un des pastiches du cinéma fantastique les plus réussis qu’on ait vu de mémoire de cinéphile, aux côtés du Frankenstein Junior de Mel Brooks. Pour y parvenir, Jerry Lewis n’a pas hésité à mouiller sa chemise, cumulant les postes de scénariste (avec Bill Richmond), de producteur, de réalisateur et d’interprète principal (il incarne même le bébé Kelp le temps d’une scène burlesque). Les spectateurs les plus attentifs remarqueront, au milieu des figurants incarnant des bodybuilders dans l’hilarante séquence où Kelp s’essaie au culturisme, la massive silhouette de Richard Kiel, futur « Requin » de L’Espion qui m’aimait et Moonraker.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

LES OISEAUX 2 (1994)

Une séquelle du chef d'œuvre d'Alfred Hitchcock tellement pas assumable que le réalisateur se cache derrière un pseudonyme

THE BIRDS 2 : LAND’S END

1994 – USA

Réalisé par Alan Smithee (alias Rick Rosenthal)

Avec Brad Johnson, Chelsea Field, James Naughton, Jan Rubes, Tippi Hedren, Stephanie Milford, Megan Gallacher, Richard Olsen

THEMA REPTILES ET VOLATILES

Les Oiseaux 2 : le titre de ce téléfilm résume à lui seul l’aberration de son concept. Où diable peut bien résider l’intérêt d’une suite du chef d’œuvre animalier d’Alfred Hitchcock quelque trente ans plus tard ? Certes, Les Oiseaux laissait la menace en suspens au cours de sa mémorable séquence finale, mais c’était justement toute la force de cette fin ouverte, qu’une suite aurait fatalement amenuisée. D’ailleurs, Les Oiseaux 2 ne se hasarde pas sur une tentative de séquelle directe, puisqu’il n’entretient finalement que peu de rapport avec son modèle. L’intrigue ne se situe pas sur Bodega Bay mais sur une toute autre île du nom de Gull Island, et les personnages n’ont aucun lien avec ceux d’Hitchcock, y compris Tippi Hedren qui campe une commerçante sans rapport avec la Melanie Daniels qu’elle incarnait en 1963. A mi-chemin entre le remake (les crédits du générique prétextent une nouvelle adaptation de la nouvelle de Daphné du Maurier) et la suite (un personnage fait référence aux événements survenus trente ans plus tôt à Bodega Bay), Les Oiseaux 2 ne sait visiblement pas sur quel pied danser. 

Les protagonistes sont ici Ted Hocken (Brad Johnson, tête d’affiche de Always de Steven Spielberg), un père de famille professeur de biologie venu s’isoler pour rédiger une thèse, son épouse May (Chelsea Field) décrochant un petit boulot auprès d’un photographe local qui la drague lourdement, et leurs deux fillettes qui batifolent alentour en compagnie de leur bon gros chien baptisé Scout. Tout ceci est d’un ennui mortel, et si ce n’étaient quelques timides attaques de volatiles chichement parsemées au fil du récit, on se croirait dans n’importe quel téléfilm dramatico-sentimentalo-soporifique du dimanche après-midi, programmé entre un soap opéra et un jeu télévisé pour ménagères de moins de cinquante ans. 

Le retour de l'angoisse !

Les spectateurs les plus courageux verront tout de même leur admirable patience récompensée par une scène de panique finale assez gratinée, au cours de laquelle mouettes, goélands et corbeaux s’en prennent méchamment à la population, déchirant les chairs à coup de bec, provoquant jets de sang et explosions à répétition, et détruisant tout sur leur passage. La violence de l’attaque surprend, tant la mièvrerie s’était emparée du reste du récit, et les effets spéciaux mi-numériques mi-mécaniques sont tout à fait honorables. Mais une seule scène ne compense pas l’insipidité de 90 minutes de métrage, et l’ombre immense d’Hitchcock empêche ce petit film mal fichu de décoller. Le final nous montre la nuée des volatiles agressifs se diriger vers le continent, prélude à une invasion à plus grande échelle. Mais pitié, épargnez-nous Les Oiseaux 3 ! D’ailleurs, le cinéaste Rick Rosenthal (réalisateur du très réussi Halloween 2 faisant directement suite à La Nuit des Masques de John Carpenter), eut tellement honte de son « œuvre » qu’il emprunta le fameux pseudonyme hollywoodien « Alan Smithee » pour la signer. Précisons enfin que les distributeurs québécois, qui ne reculent devant rien, sortirent le film sous le titre L’Attaque des Oiseaux 2 : le retour de l’angoisse !

 

© Gilles Penso

Partagez cet article