PIRANHA (1995)

Un remake terne du film de Joe Dante, produit directement pour le format vidéo par Roger Corman

PIRANHA

1995 – USA

Réalisé par Scott P. Levy

Avec William Katt, Alexandra Paul, Monte Markham, Darleen Carr, Mila Kunis, Soleil Moon Frye, Kehli O’Byrne, James Karen 

THEMA MONSTRES MARINS I SAGA PIRANHAS

Remake version années 90 du Piranhas de Joe Dante, toujours produit par Roger Corman, ce téléfilm laisse imaginer, via sa séquence d’intro, une réjouissante variante sur le genre, à base d’excès polissons (une jeune fille à la poitrine démesurée se dévêt allègrement), de clins d’œil cinéphiliques (il y est fait allusion à L’Etrange Créature du Lac Noir et L’Attaque des Crabes Géants) et de références marquées (la scène se démarque à peine du prologue des Dents de la Mer). Mais la suite manque singulièrement de fantaisie et entraîne le désenchantement généralisé. A vrai dire, ce film suit les péripéties de son modèle avec une fidélité et une aliénation telles qu’on se demande sincèrement l’intérêt de sa mise en chantier. Il y est donc toujours question d’une jolie détective privée (Alexandra Paul, ex-sirène d’Alerte a Malibu) faisant équipe avec un pêcheur porté sur la bouteille (William Katt, héros récurrent de Ralph Super-Héros et Perry Mason) pour retrouver la trace d’un jeune couple disparu dans une région écartée et montagneuse, le fin mot de l’énigme étant une race de piranhas mutants de trente centimètres de long créés par l’armée et répondant au doux nom d’« opération dents tranchantes ». 

Comble de l’absurdité de ce remake, l’humour et le gore ont ici complètement été évacués. Exit le cynisme insolent de Joe Dante et les effets spéciaux inventifs de Rob Bottin. Les vues des bancs de piranhas et les gros plans furtifs de « grignotage » intempestif sont tout simplement des stock-shots du film précédent. Les quelques effets additionnels du film sont dus à John Carl Buechler et son équipe (Re-Animator et From Beyond) mais n’apportent strictement rien de neuf. C’est d’autant plus surprenant que 17 ans séparent les deux films et que les techniques, en la matière, ont sensiblement évolué. Pour couronner le tout, le casting de ce nouveau Piranha est d’une triste fadeur. Dans le film de Dante, il y avait tout de même Barbara Steele, Dick Miller, Kevin McCarthy et Paul Bartel dans de réjouissants seconds rôles. Là, nous n’avons droit qu’à d’anciennes « gloires » du petit écran guère convaincantes, peu aidées il est vrai par un réalisateur en manque total d’inspiration (Scott Levy, habitué aux « direct to video » sans éclat).

Quelques gouttes d'eau salée dans un océan d'inspidité

Certes, il y a bien quelques scènes de suspense habilement ficelées (notamment la course pour éviter l’ouverture des vannes et l’attaque de la colonie de vacances par les piranhas), une poignée de clins d’œil amusants (une allusion à un cabinet d’avocats nommé Dante & Sayles, qui sont les noms respectifs du réalisateur et du scénariste du premier film) et de timides écarts horrifiques (comme le bras arraché d’une nageuse, allusion à la jambe tranchée des Dents de la Mer, ou quelques blessures sanglantes assez gratinées), mais ce ne sont que des gouttes d’eau salées dans un océan d’insipidité. Bref, voilà encore un remake inutile et indigent, à ranger aux côtés du Psycho de Gus Van Sant et du Fog de Rupert Wainwright. Cela dit, nous sommes sans doute passés à côté du pire : personne, en effet, n’a encore eu l’idée saugrenue de mettre en chantier une séquelle de Piranhas 2 les tueurs volants !

 

© Gilles Penso

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PIRANHA 3DD (2012)

La suite du remake de Piranhas commence à ressembler à une mauvaise photocopie qui mise tout sur l'humour gras, le gore et l'érotisme

PIRANHA 3DD

2012 – USA

Réalisé par John Gulager

Avec Danielle Panabaker, Matt Bush, Katrina Bowden, Jean-Luc Bilodeau, David Koechner, Ving Rhames, David Hasselhoff 

THEMA MONSTRES MARINS I SAGA PIRANHAS

Dans la foulée du succès du Piranha 3D d’Alexandre Aja, une séquelle ne tarda pas à pointer le bout de son museau, signée par John Gulager (réalisateur des trois Feast). Le DD de son titre est à la fois une boutade autour de la 3D (le film bénéficie lui aussi du relief) et une allusion au bonnet double D des soutiens-gorge. On l’aura compris, Piranha 3DD surfe lui aussi sur la triple tendance du gore, de l’érotisme et de l’humour noir. En ce domaine, le sommet est probablement atteint avec la scène la plus mythique du film, celle où une jeune femme ayant avalé par mégarde un œuf de piranha fait l’amour avec son petit ami jusqu’au moment où un monstre vorace surgit de son intimité pour refermer ses mâchoires acérées sur le sexe de son partenaire ! Ce cocktail d’horreur viscérale et de parodie potache s’achève par une auto-émasculation sanglante. 

Mais le reste du métrage n’est pas aussi extrême, Gulager s’avérant beaucoup moins inventif qu’Aja en matière de séquences gore. Le scénario lui-même ne donne pas vraiment dans l’originalité. Après le massacre survenu à Lake Viktoria, les piranhas préhistoriques mangeurs d’hommes se préparent un nouveau festin à l’occasion de l’inauguration de Big Wet, un parc d’attractions aquatique ouvert à un public familial, à l’exception d’une section « adulte » gorgée de sirènes dénudées qui s’ébattent dans l’eau javellisée pour le plus grand bonheur des visiteurs mâles à la libido exacerbée. Emule féminin du Roy Scheider des Dents de la Mer, la jolie Maddy (Danielle Panabaker) pressent très tôt le danger et s’efforce de prévenir son père, patron du parc Big Wet. Mais l’appât du gain aveugle ce dernier, et ce qui devait arriver arrive : les poissons anthropophage s’immiscent dans tous les bassins pour transformer les piscines en bouillons écarlates et sanguinolents. 

David Hasselhoff à la rescousse !

L’humour quasi omniprésent est principalement véhiculé par les guest stars du film : Christopher Lloyd et Ving Rhames, qui reprennent les rôles qu’ils tenaient dans Piranha 3D, ainsi que David Hasselhoff, trop heureux de se parodier lui-même sans le moindre complexe. Adepte de l’autodérision depuis belle lurette, l’ancienne star de K 2000 joue ici son propre rôle, s’offusque en découvrant qu’un petit garçon n’a jamais entendu parler de lui (il essaie en vain de lui rafraîchir la mémoire en lui citant sa filmographie, sans omettre Anaconda 3 !), et s’efforce de sauver les baigneurs en détresse en courant au ralenti, sa planche à la main, comme dans le générique d’Alerte à Malibu ! Bien sûr, cette bonne humeur et cette légèreté sont communicatives, mais le film semble finalement un peu vain, et cette vacuité se confirme au moment du générique de fin (qui dure presque un quart d’heure, alors que le film lui-même dure moins d’une heure et demie) : un enchaînement ininterrompu de bêtisiers, de prises ratées et de private-jokes s’y déroule joyeusement. Sans doute trop conscient de son propre potentiel comique, Piranha 3DD oublie en cours de route son objectif principal – nous effrayer – même si son grain de folie peut s’interpréter comme un hommage sincère à la spontanéité mi-horrifique mi-humoristique du Piranhas original signé par Joe Dante.

 

© Gilles Penso

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INSIDIOUS CHAPITRE 2 (2013)

Les protagonistes de cette séquelle efficace repartent à la chasse aux entités maléfiques sous la direction habile de James Wan

INSIDIOUS CHAPTER 2

2913 – USA

Réalisé par James Wan

Avec Patrick Wilson, Rose Byrne, Ty Simpkins, Lin Shayne, Barabara Hershey, Leigh Whannell, Angus Sampson

THEMA FANTÔMES I DIABLES ET DEMONS I SAGA INSIDIOUS

Le succès d’Insidious était mérité, James Wan et Leigh Whannell ayant su remettre au goût du jour les thèmes classiques de la maison hantée et de la possession diabolique en créant leur propre mythologie. En accord avec leur producteur Oren Peli (à qui nous devons la « saga » Paranormal Activity), ils ne tardèrent pas à mettre en chantier une séquelle. Artistiquement, le défi et la prise de risques étaient minimaux, et sans doute les duettistes décidèrent-ils de donner eux-mêmes à Insidious un deuxième chapitre pour éviter de le confier à quelqu’un qui risquerait de le décliner maladroitement (Saw est à ce titre un bon exemple de franchise dénaturée dès son second épisode). Le film commence par un flash-back situé en 1986 et nous met en présence de trois personnages clé de l’épisode précédent : Josh Lambert, alors enfant, sa mère Lorraine et la voyante Elise Rainier, ici flanquée d’un assistant nommé Carl. Tous s’efforcent de chasser l’entité maléfique qui hante Josh et de lui faire oublier sa capacité à sortir de son enveloppe corporelle pour visiter l’entre-deux-mondes qu’Elise nomme « Lointain ».

La suite se raccorde directement avec la fin des événements du premier Insidious, s’appuyant sur un suspense lié aux motivations de Josh (Patrick Wilson). Est-il possédé par l’esprit maléfique de la Dame en Noir qu’il a lui-même ramené de son dernier voyage dans le « Lointain » ? Est-il coupable du meurtre d’Elise ? Sa famille court-elle un danger en restant à son contact ? Dans la maison, son épouse Renai (Rose Byrne) est à nouveau témoin de choses étranges : le piano joue tout seul, son bébé est sorti du lit comme par enchantement, une femme fantomatique fait son apparition… On retrouve ainsi la dynamique du premier film, dans lequel Renai assistait à des phénomènes paranormaux et se heurtait à l’incrédulité de son mari. Josh n’étant pas lui-même, la situation prend bien sûr une tournure différente. Si le couple Lambert tenait la vedette dans Insidious, les choses se rééquilibrent ici différemment dans la mesure ou le duo de « chasseurs de fantômes » Specs et Tucker (Leigh Whannell et Angus Sampson) prend désormais autant d’importance qu’eux, s’efforçant d’entrer en communication avec l’esprit d’Elise pour élucider sa mort.

Clins d'œils aux classiques du genre

L’une des idées intéressantes du scénario est de déployer sa narration sur plusieurs espaces-temps, les défunts et les visiteurs du « Lointain » étant capable de revisiter certains épisodes passés et d’interagir avec les vivants, d’où la relecture sous un autre angle d’une des scènes du film précédent mais aussi du flash-back du prologue de celui-ci. Toujours soucieux de se rattacher à leurs racines, Wan et Whannel citent au fil du métrage quelques classiques tels que PsychoseShining ou L’Invasion des Profanateurs. L’efficacité de cette séquelle est cependant amenuisée par une propension un peu systématique à multiplier jusqu’à l’excès les rebondissements et les révélations, comme si Whannell et Wan n’avaient pas suffisamment confiance en leur récit pour le laisser se dérouler naturellement. Insidious chapitre 2 n’a donc pas autant d’impact que son prédécesseur, malgré quelques séquences d’angoisse particulièrement réussies.

 

© Gilles Penso

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INSIDIOUS (2010)

Les créateurs de la saga Saw nous emmènent dans une maison hantée à mi-chemin entre modernisme et classicisme

INSIDIOUS

2010 – USA

Réalisé par James Wan

Avec Patrick Wilson, Rose Byrne, Ty Simpkins, Andrew Astor, Lin Shayne, Barabara Hershey, Leigh Whannell

THEMA FANTÔMES I DIABLES ET DEMONS I SAGA INSIDIOUS

Saw était un coup de maître. James Wan et Leigh Whannell y révélaient leurs talents respectifs de réalisateur, de scénariste et d’acteur. Mais face à l’orientation de cette franchise vers une escalade de gore évacuant leurs influences initiales (Dario Argento, Mario Bava, Robert Fuest, Alfred Hitchcock), ils décidèrent de concocter un film d’épouvante à l’ancienne : Dead Silence. Les intentions étaient louables, mais le résultat pataud et quelque peu anachronique. Insidious est donc l’œuvre du rééquilibrage, cherchant à se réinscrire dans un contexte moderne sans trahir pour autant leurs sources d’inspiration premières. On décèle d’ailleurs quelques clins d’œil au répertoire classique tout au long du métrage, notamment Poltergeist et L’Exorciste, tandis que la présence de Barbara Hershey est motivée par sa prestation inoubliable dans L’Emprise de Sidney J. Furie. Le film s’ouvre sur l’installation de la famille Lambert dans une nouvelle maison, suffisamment spacieuse pour accueillir Josh (Patrick Wilson), Renai (Rose Byrne) et leurs trois enfants. Un soir, leur fils aîné Dalton tombe d’une échelle. Le lendemain matin il ne se réveille pas, tombé dans un coma soudain et inexplicable. La médecine étant impuissante, il ne reste pas à l’hôpital et regagne la demeure familiale, installé dans une chambre médicalisée. C’est là que les événements surnaturels commencent à se manifester…

Le prologue d’Insidious nous laisse craindre un train fantôme reprenant les codes du film de maison hantée en les saupoudrant d’effets choc artificiels n’ayant d’autre but que le sursaut régulier du spectateur sur son fauteuil. Mais en réalité le traitement choisi par James Wan s’avère plus subtil. Le cinéaste instille en effet la peur en douceur, par touches successives. Le visage derrière la fenêtre, la voix dans le babyphone, les coups à la porte en pleine nuit sont bien plus effrayants que ne le seraient des effets spéciaux spectaculaires. Même lorsque les visions se précisent, notamment cet individu surgissant dans la maison pour agresser Renai ou cet enfant inconnu courant de chambre en chambre, la retenue reste de mise. Dans le rôle de l’épouse qui, la première, perçoit l’anormalité de la situation, Rose Byrne s’avère touchante, les yeux toujours embués, prête à craquer d’une seconde à l’autre. A ses côtés, Patrick Wilson est tout autant crédible, certains détails de la vie quotidienne (ses applications de crème antiride le soir avant de se coucher) renforçant le réalisme de leur couple. 

S.O.S. Fantômes

Mais la demi-mesure n’est pas toujours au menu. Lorsque débarque l’improbable trio de parapsychologues constitué de deux adolescents attardés (Leigh Whannell et Angus Sampson) et d’une femme joviale (Lin Shaye), Wan joue volontairement la carte du contraste pour renforcer la dynamique de son film. Certes, les ultimes rebondissements en font sans doute trop et semblent obéir un peu artificiellement à une marque de fabrique que Wan et Whannell se sont imposés : le fameux « twist » final. Mais à cette réserve près, Insidious est une réussite assez exemplaire parvenant à convoquer chez le spectateur ses peurs les plus intimes et les plus primaires.

 

© Gilles Penso

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INSIDIOUS CHAPITRE 3 (2015)

Un troisième épisode en forme de prequel dans lequel James Wan cède la mise en scène à Leigh Whannell, plus porté sur le réalisme et l'intimisme

INSIDIOUS CHAPTER 3

2015 – USA

Réalisé par Leigh Whannell 

Avec Lin Shaye, Stefanie Scott, Dermot Mulroney, Angus Sampson, Leigh Whannell, Ele Keats, Steve Coulter 

THEMA FANTÔMES I DIABLES ET DEMONS I SAGA INSIDIOUS

Affubler une saga d’épouvante d’un troisième épisode en forme de prequel est une habitude qui marque généralement une perte d’inspiration, comme en témoignent pèle mêle Cube zéro, Ring 0, Dragon Rouge ou [Rec] 3 : Genesis. Leigh Whannell, promu réalisateur après le départ de son compère James Wan parti tourner Fast and Furious 7, nous livre pourtant un épisode de haute tenue évitant les écueils de mise en pareille situation. Il s’éloigne d’ailleurs volontairement des effets de style marqués de Wan pour proposer une approche plus classique et plus directe. L’adéquation avec le récit est idéale, puisque le scénario d’Insidious chapitre 3 cherche justement à éviter l’un des défauts de l’épisode précédent, accumulant à outrance les rebondissements et les révélations, pour réduire le nombre de personnages principaux et d’intrigues secondaires et du coup gagner en efficacité. 

Marquée par le décès de sa mère et persuadée que celle-ci cherche à lui envoyer un message depuis l’au-delà, la jeune Quinn Brenner (Stefanie Scott) se tourne vers les dons de médium d’Elise Rainier (Lin Shaye). Mais celle-ci ne veut plus communiquer avec les défunts depuis une expérience traumatisante qui l’a marquée à vie. Elle se ravisera en découvrant que Quinn est régulièrement agressée par une entité maléfique capable de s’immiscer dans sa chambre et de la tourmenter jour et nuit. Force est de constater que Whannell a fait le bon choix en optant pour une prequel. Il eut été en effet invraisemblable de faire subir à la famille Lambert, héroïne des deux premiers Insidious, de nouveaux outrages d’origine paranormale, sous peine de sombrer dans le grotesque accumulatif. Se focaliser sur un autre démon tourmentant une autre famille était donc judicieux. 

« Quand on communique avec un défunt,
tous les morts entendent… »

D’autre part, les scènes d’épouvante à répétition distillées dans les films précédents étaient astucieusement contrebalancées par la présence de deux jeunes chasseurs de fantôme exubérants, Specs (Leigh Whannell) et Tucker (Angus Sampson), et de la médium Elise. Cette dernière ayant passé l’arme à gauche à la fin du premier Insidious, il était impossible de retrouver ce joyeux trio en respectant la chronologie classique. Le scénario choisit donc de revenir dans le temps, pour faire d’Elise son personnage central, et de nous raconter sa première rencontre avec Tucker et Specs. L’intervention des deux compères en deuxième partie de métrage offre aux spectateurs une respiration humoristique bienvenue. Car par ailleurs, Insidious chapitre 3 ne prête guère à rire. On y parle de maladie au stade terminal, de dépression, de mort, et de nombreuses séquences savent provoquer une de ces peurs primales comme en n’en ressent plus beaucoup au cinéma. Or Whannell ne recours jamais à la violence physique ou au gore, comme s’il voulait prendre le contrepied de la tournure ultra-sanglante prise par la saga Saw qu’il avait initiée avec James Wan dix ans plus tôt. Le pari est réussi : nous ne sommes pas près d’oublier cet horrible démon rachitique au masque respiratoire, ni cette phrase inquiétante d’Elise annonçant à Quinn : « Attention : quand on communique avec un défunt, tous les morts entendent ». 

 

© Gilles Penso

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DRACULA VIT TOUJOURS A LONDRES (1973)

Christopher Lee / Dracula et Peter Cushing / Van Helsing s'affrontent une dernière fois pour le compte du studio Hammer

THE SATANIC RITES OF DRACULA

1973 – GB

Réalisé par Alan Gibson

Avec Christopher Lee, Peter Cushing, Michael Coles, William Franklyn, Freddie Jones, Joanna Lumley, Richard Vernon 

THEMA DRACULA I VAMPIRES I SAGA DRACULA DE LA HAMMER

Poursuivant la modernisation du mythe de Dracula qu’il avait amorcée avec Dracula 73, Alan Gibson situe en toute logique cette séquelle au milieu des années 70. La séquence d’introduction nous décrit une messe noire dans la plus pure tradition : femme nue prête à être sacrifiée, coq égorgé, grande prêtresse, hommes en capuche, tout y est. Infiltré dans le groupe pour mieux le dénoncer, un homme est repéré par les satanistes, et il a tout juste le temps de s’échapper et de témoigner auprès de Scotland Yard avant de mourir de ses blessures. Les photos qu’il a prises sur place démontrent que les participants de ce sanglant rituel sont tous des notables fort respectables : un général, un ministre, un riche propriétaire et un prix Nobel de médecine. Dépêché par les enquêteurs, le professeur Lorimer Van Helsing, descendant du célèbre chasseur de vampires, accepte de leur prêter main-forte, et c’est toujours l’incontournable Peter Cushing qui lui prête ses traits émaciés. Spécialiste des sciences occultes, Van Helsing ne tarde pas à soupçonner le comte Dracula, qu’il avait détruit à la fin du film précédent, mais qui semble être revenu à la vie par réincarnation.

Cette explication fantaisiste ressemble fort à un raccourci scénaristique évasif, d’autant que la résurrection du vampire ne nous est jamais montrée. Le grand Christopher Lee se contente d’ailleurs de faire de la simple figuration pendant la majeure partie du film, comme s’il jouait à contrecœur son personnage fétiche dans un ultime épisode pâlissant de la comparaison avec ses illustres prédécesseurs. Il faut avouer que ce Dracula vit toujours à Londres manque beaucoup de crédibilité et se perd dans de longues scènes dialoguées ralentissant sérieusement son rythme. D’autant que la confrontation tant attendue entre Lee et Cushing n’intervient qu’au bout d’une bonne heure de métrage. Il y a pourtant de bonnes idées dans le scénario de Doug Houghton, notamment l’idée de muer Dracula en homme important de la société londonienne, à la tête d’une puissante multinationale. Mais le parallèle entre vampirisme et capitalisme est à peine exploité, et le plan machiavélique de Dracula s’avère invraisemblable, puisqu’il consiste à anéantir purement et simplement l’humanité à l’aide d’une nouvelle peste, se condamnant du coup lui-même à l’extinction.

Un plan machiavélique mais absurde

Les effets de cette arme bactériologique nous sont d’ailleurs montrés sur un malheureux dont la peau se décompose à la vitesse grand V. Le maquillage n’est guère subtil, certes, mais l’effet répulsif est fort réussi. L’horreur et l’érotisme sont donc plus présents que dans les autres épisodes de la série, assortis de quelques fusillades sanglantes visiblement inspirées par les Bonnie and Clyde et autres Parrain qui triomphaient à l’époque. Quelques scènes de suspense réussies émaillent également le film, notamment l’attaque de la fille de Van Helsing (interprétée par Joanna Lumley) par quatre femmes-vampires dans une grange. Mais on sent bien que la franchise est en bout de course. Les cinéastes de la Hammer, incapables de renouveler davantage le mythe, abandonneront donc là leur personnage favori.

 

© Gilles Penso

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DRACULA 73 (1972)

Pour se mettre dans l'air du temps, le studio Hammer arrache Dracula à son environnement gothique et le fait débarquer au milieu des années 70

DRACULA A.D. 72

1972 – GB

Réalisé par Alan Gibson

Avec Christopher Lee, Peter Cushing, Stephanie Beacham, Christopher Neame, Michael Coles, Marsha Hunt, Caroline Munro

THEMA DRACULA VAMPIRES I SAGA DRACULA DE LA HAMMER

Avec Les Cicatrices de Dracula, le studio Hammer prouvait qu’il avait atteint les limites de la franchise tirée de Bram Stoker et que les variantes autour du mythe commençaient sérieusement à tourner en rond. D’où la volonté, en ces jeunes années 70, de remettre le comte vampire au goût du jour en le transposant à l’époque moderne. Pour que la transition se fasse relativement en douceur, le prologue, situé en 1872, nous montre un affrontement entre Dracula et Van Helsing sur une carriole lancée à vive allure. A l’issue du combat, les deux belligérants périssent, Dracula se retrouvant empalé par l’une des roues du véhicule. Miraculeusement présent sur les lieux, un adepte du vampire (Christopher Neame) récupère ses cendres et les enterre dans un mausolée. Aussitôt, le film nous transporte cent ans dans le futur, au beau milieu des seventies du plus mauvais goût qui soit. Aux accents d’une musique pop hystérique, nous nous retrouvons dans une party pas piquée des vers. Les filles en maillot de bain se déhanchent, les coupes de cheveu sont improbables, les costumes semblent échappés de Hair.

C’est dans cette ambiance mi-funky mi-hippie qu’un groupe d’amis décide de tromper son ennui en se prêtant au jeu de la messe noire. Cette idée leur est soufflée par le fêtard Johnny Alucard (sic), qui n’est autre que l’adorateur de Dracula que nous croisions un siècle plus tôt, et qui n’a pas pris une ride depuis. Le scénario emprunte donc l’une des idées maîtresses d’Une Messe pour Dracula, les aristocrates blasés étant simplement remplacés par des adolescents… tout aussi blasés. Parmi les jeunes gens réunis au cimetière ce soir-là, on reconnaît la toute belle Caroline Munro, peu encore familière du grand écran, dans le rôle de l’ingénue Laura. A l’issue de la cérémonie, Alucard verse son sang dans les cendres de Dracula et asperge la belle du mélange peu ragoûtant qu’il obtient. Aussitôt, le comte aux dents longues ressuscite, avec force fumigènes, et Laura sera sa première victime. Mais le vampire et son adorateur visent en réalité un autre membre du petit groupe d’amis : Jessica Van Helsing (Stephanie Beacham), dont le grand-père (Peter Cushing) descend en droite lignée du célèbre chasseur de vampires.

Le vampire qui voyageait dans le temps

Tout est donc prêt pour un duel au sommet, mais Dracula 73 fait bien pâle figure face aux épisodes précédents. Il faut dire qu’à trop vouloir être dans l’air du temps, le film d’Alan Gibson finit par sombrer dans le ridicule, d’autant qu’ici, plus que jamais, Christopher Lee n’est plus qu’un figurant dont on sent bien la lassitude et le manque de conviction. Restent quelques dialogues amusants, comme Van Helsing qui déclare solennellement « le Diable existe » et se voit répondre par un inspecteur de Scotland Yard : « Naturellement, voilà pourquoi il y a la police ». D’autres répliques soulèvent d’intéressants points de vue, notamment lorsque le même Van Helsing compare les vampires au Phénix de la mythologie, qui renaît systématiquement de ses cendres. Mais c’est insuffisant pour que la mayonnaise prenne. On note qu’en France et en Espagne, le titre original Dracula A.D. 72 se mua en Dracula 73 à cause du décalage de sa sortie en salles.

 

© Gilles Penso

LES CICATRICES DE DRACULA (1970)

Dracula n'est plus qu'un figurant grimaçant dans cet opus qui accentue la violence et l'érotisme pour marquer l'entrée dans les seventies

SCARS OF DRACULA

1970 – GB

Réalisé par Roy Ward Baker

Avec Christopher Lee, Dennis Waterman, Jenny Hanley, Patrick Troughton, Michael Ripper, Michael Gwynn, Wendy Hamilton 

THEMA DRACULA I VAMPIRES I SAGA DRACULA DE LA HAMMER

L’excellent diptyque Dracula et les Femmes et Une Messe pour Dracula marquait la fin d’une ère. En entrant dans les années 70, le studio Hammer change de politique et s’efforce de s’adapter aux goûts des spectateurs. Le principe consiste alors à laisser les récits se reposer sur leurs acquis en accentuant leur caractère sanglant. C’est dans ce cadre rigide que le cinéaste Roy Ward Baker (auteur des Monstres de l’espace) signe Les Cicatrices de Dracula, probablement l’un des opus les plus faibles de la saga. Les films précédents essayaient tant bien que mal de trouver une explication, si étrange soit-elle, pour ressusciter le vampire après sa mort rituelle. Ici, l’auteur Anthony Hinds ne s’embarrasse pas de circonvolutions scénaristiques. Une chauve-souris en plastique surgit dans le château de Dracula et crache un peu de sang sur son tombeau. Deux volutes de fumigène et quelques fondus enchaînés plus tard, Christopher Lee apparaît, ouvre les yeux et contemple l’horizon d’un regard colérique, que l’on peut interpréter au choix comme une nouvelle menace à l’encontre de l’humanité, ou comme la lassitude extrême d’un comédien condamné à jouer les vampires quasi-muets au lieu de mieux exploiter son potentiel d’acteur.

Après la découverte d’une jeune fille vidée de son sang, le cou percé de deux orifices écarlates, les villageois partent à l’assaut du château, armés comme il se doit de fourches et de torches. Mais pendant que les hommes incendient les lieux, une chauve-souris vampire massacre les femmes, d’où cette vision macabre d’un amoncellement de cadavres ensanglantés jonchant le lieu saint. En se transportant dans le bourg de Kleinenberg, le film s’adjoint une pointe d’humour (avec les frasques du jeune Paul Carlson) et d’érotisme (la fille du bourgmestre qui se promène les fesses à l’air) pour ratisser large. Par un concours de circonstance vaudevillesque, Paul se retrouve dans le château de Dracula, accueilli par le comte lui-même, mais aussi par un serviteur patibulaire et une jeune femme au décolleté affriolant. Découvrant bien vite dans quel traquenard il est tombé, le jeune homme tente de s’évader, tandis que son frère Simon et son amie Sarah partent à sa recherche.

Grandguignolesque et anecdotique

A partir de là, le scénario n’offre plus rien de consistant, s’appuyant vaguement sur les mécanismes narratifs hérités de Bram Stoker et n’en finissant plus de répéter les mêmes péripéties. Les protagonistes font donc d’incessants allers-retours entre le château et la taverne du coin, quand ils n’arpentent pas les couloirs de l’antre de Dracula en se cherchant les uns les autres. Pour mieux s’accorder avec la violence du cinéma des années 70, Les Cicatrices de Dracula accumule les sévices : coups de poignards répétés, gros plans sur des visages déchiquetés, cadavre découpé à la machette et à la scie, marquage au fer rouge, cadavre empalé… L’aspect érotique n’est pas non plus négligé, quoique de manière moins démonstrative, la morsure du vampire suscitant des râles extatiques chez les victimes féminines. Mais le cocktail a un goût frelaté, et le dénouement grandguignolesque clôt absurdement cet épisode anecdotique.

 

© Gilles Penso

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UNE MESSE POUR DRACULA (1969)

Un épisode cynique et féroce qui relance la saga aux dents longues sous un angle inattendu

TASTE THE BLOOD OF DRACULA

1969 – GB

Réalisé par Peter Sasdy

Avec Christopher Lee, Gwen Watford, Linda Hayden, Ralph Bates, Geoffrey Keen, Peter Sallis, Anthony Higgins

THEMA DRACULA I VAMPIRES I SAGA DRACULA DE LA HAMMER

Suite directe de Dracula et les FemmesUne Messe pour Dracula prend le parti intéressant de s’ouvrir sur un prologue nous montrant le climax du film précédent sous un nouvel angle. Ainsi, nous découvrons qu’au moment précis où le comte vampire expire, empalé sur une croix métallique, un commerçant itinérant, égaré en pleine campagne, assiste à la scène. Ne perdant guère le Nord, il récupère le sang du vampire et son amulette, dans l’espoir de pouvoir les monnayer. Le récit se concentre alors sur trois hommes de la haute bourgeoisie, fréquentant consciencieusement l’église, imposant à leurs enfants une éducation stricte, et consacrant une soirée par mois à une œuvre de charité. En réalité, ce rendez-vous rituel n’est qu’un prétexte qui permet aux trois respectables aristocrates de plonger dans le stupre et la fornication, au beau milieu d’une maison close dont ils sont les clients les plus réguliers. Très tôt, Une Messe pour Dracula annonce ainsi un parti pris féroce et cynique. Il faut y voir un signe des temps (nous sommes en 1969, ère de la remise en cause des valeurs établies) mais aussi la patte du cinéaste anglais d’origine hongroise Peter Sasdy (futur réalisateur de Countess Dracula et La Fille de Jack l’Eventreur).

Avides de nouvelles expériences, les trois hommes se laissent convaincre par Lord Courtley, un jeune oisif superbement incarné par Ralph Bates (qui allait nous offrir d’inoubliables prestations dans Les Horreurs de Frankenstein et Docteur Jekyll et Sister Hyde). Celui-ci leur propose de célébrer une messe noire, en acquérant le sang et l’amulette de Dracula. Les quatre compères investissent donc une vieille cathédrale abandonnée, et Courtley mêle son sang à celui du vampire. Prenant peur, les aristocrates assassinent le jeune homme puis quittent les lieux précipitamment. Il est évidemment trop tard, et l’impressionnant Christopher Lee surgit enfin, la cape immense, le regard rouge et la canine acérée, jurant de se venger. Alors, redoublant de malicieuse ingéniosité, Dracula décide de punir les hommes par l’intermédiaire de leurs filles qu’il vampirise et hypnotise.

La soumission des victimes féminines

La soumission des féminines victimes à leur maître vampire articule ainsi la seconde moitié du récit, l’une des images les plus fortes en la matière étant celle de la jeune Alice (Linda Hayden), langoureusement allongée à plat ventre sur la tombe entrouverte de Dracula qui sommeille en attendant la nuit. Une Messe pour Dracula s’affirme donc comme une œuvre ouvertement subversive, bouleversant le manichéisme généralement établi en pareil contexte et donnant quasiment au comte vampire le rôle de révélateur. C’est en effet par lui que le vernis craque et que l’hypocrisie d’une société victorienne bien pensante est exposée au grand jour. Curieusement, le scénario abandonne son cynisme au moment du final pour basculer dans un premier degré déconcertant. Car Dracula, au beau milieu de la cathédrale, est soudain tétanisé par des chants religieux oniriques qui le conduisent à sa perte. Il s’écroule alors sur un autel et son corps tombe lentement en poussière… Une mort tout à fait provisoire, évidemment.

 

© Gilles Penso

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DRACULA ET LES FEMMES (1968)

Freddie Francis prend le relais de Terence Fisher et fait monter d'un cran l'érotisme inhérent au mythe vampirique

DRACULA HAS RISEN FROM THE GRAVE

1968 – GB

Réalisé par Freddie Francis

Avec Christopher Lee, Veronica Carlson, Michael Ripper, Rupert Davies, Barbara Ewing, Barry Andrews, Ewan Hooper

THEMA DRACULA I VAMPIRES I SAGA DRACULA DE LA HAMMER

Succéder à Terence Fisher, après les deux coups d’éclat que furent Le Cauchemar de Dracula et Dracula, Prince des Ténèbres, n’était pas une mission  facile. Freddie Francis, ancien chef opérateur reconverti à la mise en scène via des œuvres telles que L’Empreinte de Frankenstein, s’est pourtant acquitté de la tâche avec beaucoup de talent, et sans le moindre complexe. En fait, Fisher était logiquement prévu pour signer ce troisième épisode de la saga Dracula/Christopher Lee, mais un accident de voiture l’en rendit incapable. Cinéaste de substitution, Francis marque cette troisième aventure d’une réalisation nerveuse, comme le prouve cette scène d’introduction étonnante où le cadavre ensanglanté d’une jeune femme est découvert pendu dans la cloche d’une église. L’action nous transporte ensuite un an après les événements de Dracula, Prince des Ténèbres. Monseigneur Müller (Rupert Davies), un évêque qui n’a pas froid aux yeux, décide de revenir sur les lieux où sévit jadis le vampire pour vérifier que tout est en ordre. Malgré les avertissements des villageois, il gravit le chemin escarpé qui mène au château de Dracula, en compagnie du curé du village, et scelle la porte avec une grande croix métallique. Mais le curé prend peur, trébuche sur les rochers acérés, se blesse au front, et son sang vient couler sur la glace… à l’endroit précis où Dracula fut retenu prisonnier à la fin du film précédent, comme quoi le hasard fait tout de même bien les choses !

Le Comte aux dents longues fait du curé son esclave, et jure de se venger de l’évêque en le rejoignant dans la petite ville de Keinenberg. Nous retrouvons dès lors le schéma traditionnel mis en place par le roman de Bram Stoker, chaque personnage étant ici un reflet de ceux imaginés par l’écrivain. Ainsi, tandis que le curé possédé et l’évêque en croisade se substituent habilement à Renfield et Van Helsing (on note que ce dernier, pour la seconde fois consécutive après Dracula, Prince des Ténèbres, est remplacé par un homme d’église), le bel étudiant Paul (Barry Andrews) assume le rôle du héros Jonathan Harker, et « les femmes » du titre, autrement dit la vulgaire mais gironde Zena (Barbara Ewing) et la splendide Maria (Veronica Carlson, héroïne du Retour de Frankenstein), remplacent Lucy et Mina.

Plus bestial et inquiétant que jamais

Pour autant, Dracula et les Femmes n’est pas un remake du Cauchemar de Dracula, le scénario d’Anthony Hinds ménageant son lot de surprises et se parant d’un Christopher Lee plus bestial et inquiétant que jamais. L’érotisme vampirique avance d’ailleurs d’un cran, avec cette séquence mémorable où Maria se laisse séduire puis mordre par l’altier Dracula venu la visiter nuitamment dans sa chambre. En bon esthète, Freddie Francis se paie de très beaux décors de studio magnifiquement éclairés, en particulier les toits de la ville où déambule la belle pour retrouver nuitamment son bien-aimé et la sinistre cave de l’hôtel où repose la tombe de Dracula. Ce dernier finira cette aventure empalé sur une croix, celle-là même que l’évêque employa pour le contrecarrer au début du film, le tout aux accents d’une musique très emphatique de James Bernard dont les cuivres n’hésitent pas à en faire des tonnes pour inquiéter le spectateur.

 

© Gilles Penso

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