LA GRIFFE DE FRANKENSTEIN (1973)

Si Mary Shelley n'a rien à voir avec ce film d'horreur au titre français mensonger, un médecin y pratique tout de même des expériences peu avouables

HORROR HOSPITAL

1973 – USA

Réalisé par Anthony Balch

Avec Michael Gough, Vanessa Shaw, Robin Askwith, Dennis Price, Ship Martin, Martin Grace, Ellen Pollock 

THEMA MEDECINE EN FOLIE

Cinéaste expérimental, collectionneur et distributeur de films d’exploitation, admirateur sans borne de Bela Lugosi et collaborateur occasionnel de l’écrivain William S. Burroughs, Anthony Balch était un homme immergé jusqu’au cou dans l’underground britannique des années 60. A la fin de la décennie, il s’associa au producteur Robert Gordon pour réaliser le film Secrets of Sex, au titre pour le moins explicite, et dont le succès en salles fut relativement important. Heureux de leur forfait, les deux hommes décidèrent d’unir une fois de plus leurs forces pour un film d’horreur baptisé Horror Hospital. Sur la base de ce titre prometteur, Balch et l’auteur Alan Watson rédigèrent un scénario à rebondissements oscillant entre la comédie et l’épouvante (une séance d’écriture à quatre mains à laquelle ils s’adonnèrent pendant leur séjour au Festival de Cannes). Nous étions alors en 1973, une époque marquée par la fin d’un règne. Fers de lance de l’horreur anglaise à l’ancienne, les studios Hammer et Amicus étaient sur la pente descendante, laissant la place vacante pour une nouvelle vague.

C’est dans cette brèche que s’engouffre Horror Hospital, surfant avec pas mal de légèreté sur le thème classique du savant fou. Michael Gough, devenu star du genre grâce à ses prestations hallucinées dans Crimes au musée des horreurs, Konga ou Les Fauves meurtiers, s’adonne ici à l’exubérance la plus réjouissante et laisse reposer une bonne partie du film sur ses épaules. Il excelle sous la défroque du maléfique docteur Storm, un rôle écrit sur mesure pour lui. Cloué sur un fauteuil roulant, flanqué d’une infirmière en chef ex-tenancière de maison close, d’un nain facétieux et de plusieurs gardes casqués tout de cuir vêtu, il accueille les jeunes gens en quête de paix et de sérénité à Brittlehurst, son manoir situé en pleine campagne. En réalité, Storm se sert de ces jeunes cobayes pour expérimenter d’étranges opérations chirurgicales du cerveau. Sous son scalpel, les patients se muent ainsi en zombies parfaitement obéissants. « C’est tout simple », explique le docteur en pleine exaltation. « Nous pratiquons une incision, un tunnel dans l’esprit. J’y attrape une petite pensée avec mes mains de magicien, ou j’en mets une pour qu’elle me serve. »

Décapitations en série

Venu passer le week-end à Brittlehurst pour décompresser après une dispute avec son groupe de rock, Jason (Robin Askwith, coiffé comme Mick Jagger) rencontre dans le train la charmante Judy (Vanessa Shaw) qui cherche à renouer le contact avec sa tante. Or la tante en question est justement le bras droit de Storm. Nos deux futurs tourtereaux se jettent ainsi sans le savoir dans la gueule du loup… Fort de ce postulat grand-guignolesque, le film se permet quelques séquences horrifiques assez gratinées, notamment un généreux enchaînement de décapitations à l’aide d’une faux rétractable installée sur le flanc d’une limousine, une poignée d’opérations du cerveau peu ragoûtantes, ou le surgissement final d’une créature difforme et boursouflée. Très motivés par ces excès en tous genres, les distributeurs français n’hésitèrent pas à rebaptiser le film La Griffe de Frankenstein et même à convoquer un monstre karloffien hors-sujet sur certaines des affiches.

 

© Gilles Penso

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LA BELLE ET LA BÊTE (1946)

Jean Cocteau s'empare du conte de Madame Leprince de Beaumont pour en tirer la plus belle des adaptations, à jamais inégalée

LA BELLE ET LA BÊTE

1946 – FRANCE

Réalisé par Jean Cocteau

Avec Jean Marais, Josette Day, Marcel André, Mila Parély, Nane Germon, Michel Auclair, Raoul Marco, Jean Cocteau

THEMA CONTES 

Le mythe de la Belle et la Bête est ancestral et fondateur, et ses origines semblent remonter à la nuit des temps. C’est en 1757, sous la plume de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, que le conte se formule dans le recueil « Le Magasin des Enfants » et acquiert la popularité que nous lui connaissons. L’idée d’en tirer un long-métrage est attribuée au comédien Jean Marais, qui n’eut guère de difficultés à convaincre son complice Jean Cocteau. Le poète trouva là l’occasion de repasser derrière la caméra quinze ans après Le Sang d’un poète. Le récit reste fidèle au texte initial. Belle (Josette Day) vit avec son père (Marcel André), un négociant qui est sur le point d’être ruiné, avec ses deux sœurs Adélaïde (Nane Germon) et Félicie (Mila Parély), et avec son frère Ludovic (Michel Auclair). Adélaïde et Félicie ne pensent qu’à leur toilette et Ludovic qu’à courir la campagne. Un jour, alors que le père revient d’un voyage d’affaires, un monstre se présente devant lui et le condamne à mort pour crime de viol de territoire. Mais la vie du père peut être épargnée en échange du sacrifice d’une des filles. Belle accepte alors de se jeter dans la gueule du loup… Le motif central du conte, qui relativise les notions de beauté et de laideur, est ici transcendé par un choix artistique audacieux : confier à Jean Marais le rôle de la créature, et demander au maquilleur Hagop Arakelian de concevoir un faciès félin en parfait équilibre entre la bestialité hideuse et la majesté altière.

Griffu, velu, le croc acéré et la truffe grimaçante, la Bête dégage malgré tout une humanité diffuse, une mélancolie enfouie et une beauté intérieure palpable. Le génie d’Arakelian aura été de laisser s’exprimer le regard de l’acteur sous les prothèses, et son maquillage demeure à ce jour un chef d’œuvre inégalé. Un tel résultat valait bien les cinq heures de grimage quotidien subies par Marais. Pour pousser le paradoxe encore plus loin, le comédien endosse deux autres rôles : celui du prince que redevient la Bête lorsque sa malédiction est enfin brisée, et celui d’Avenant, un prétendant hâbleur qui représente l’exact opposé de la Bête, autrement dit une laideur intérieure que camouflent des traits gracieux. « Je vous aime mieux, avec votre figure, que ceux qui, avec la figure d’un homme, cachent un cœur faux, corrompu, ingrat », disait la Belle à la Bête dans le conte. C’est en images que Jean Cocteau traduit cette dualité.

« Rêver le plus beau des rêves… »

A l’avenant de ce jeu des contrastes, la direction artistique oscille sans cesse entre le naturalisme (le jeu « moderne » de ses acteurs et les décors naturels captés dans l’Oise et la Loire) et la fantaisie pure (les magnifiques lumières contrastées d’Henri Alekan qui s’inspirent des gravures de Gustave Doré, les trucages artisanaux et surréalistes qui ponctuent le métrage). Pour l’aider à donner corps à ses visions, Cocteau s’appuie sur le savoir-faire technique d’un véritable génie qui sera co-réalisateur officieux du film : le surdoué René Clément, tout juste sorti de son premier long-métrage, La Bataille du rail« J’estime que notre travail nous oblige à dormir debout, à rêver le plus beau des rêves », disait Jean Cocteau dans le journal du tournage qu’il tint en août 1945. « Il nous permet de manier à notre guise ce temps humain si pénible à vivre minute par minute et dans l’ordre. Ce temps rompu, bouleversé, interverti, est une véritable victoire sur l’inévitable. » Quand fusionnent le poète et le cinéaste, la magie irradie souvent l’écran. La Belle et la Bête en est l’un des plus beaux exemples.

 

© Gilles Penso

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LE PORTRAIT DE DORIAN GRAY (1945)

Une fable fantastique, philosophique, cruelle et désenchantée adaptée du classique d'Oscar Wilde

THE PICTURE OF DORIAN GRAY

1945 – USA

Réalisé par Albert Lewin

Avec Hurd Hatfield, George Sanders, Donna Reed, Peter Lawford, Angela Lansbury, Lowell Gilmore, Alan Campbell 

THEMA DOUBLES I DIABLE ET DEMONS 

Poète, dramaturge, journaliste et essayiste, Oscar Wilde n’écrivit qu’un seul roman au fil de sa vie mouvementée : « Le Portrait de Dorian Gray », une fable fantastique, philosophique, cruelle et désenchantée qui fit grand bruit lors de sa publication en 1890. En toute logique, le cinéma s’en empara dès 1899 avec Le Portrait mystérieux de Georges Méliès. Six autres versions filmées suivront, jusqu’à celle-ci, bien souvent considérée comme la meilleure. En tête d’affiche, George Sanders incarne Lord Henry Wotton, un aristocrate cynique qui ne s’exprime que par aphorismes et constitue de toute évidence un alter ego fictif d’Oscar Wilde lui-même. Un jour qu’il rend visite à son ami peintre Basil Hallward (Lowell Gilmore), notre dandy oisif découvre le jeune homme qui lui sert de modèle, un certain Dorian Gray (Hurd Hatfield) aux traits gracieux et au caractère sensible. Mais Lord Henry reste persuadé que la beauté et la bonté ne vont pas de pair. Lorsque la première flétrira avec l’âge, les regrets se manifesteront. Sa théorie consiste donc à profiter de la vie sans s’embarrasser de barrière morale. « Le seul moyen de se délivrer de la tentation, c’est d’y céder », clame-t-il, reprenant textuellement les termes d’Oscar Wilde. Ces mots résonnent dans l’esprit de Dorian Gray. Face au magnifique portrait que Basil vient de peindre, le jeune homme formule le souhait de rester éternellement jeune et de laisser le tableau vieillir à sa place, quitte à sacrifier son âme.

On le voit, le mythe de Faust n’est pas loin, tout comme l’influence du roman « L’étrange cas du docteur Jekyll et de Mister Hyde », publié quatre ans avant celui de Wilde. Car Dorian Gray se met bientôt à fréquenter les bas quartier, à mépriser son prochain pour mieux satisfaire ses besoins égoïste, et même à provoquer quelques trépas sans se départir de son insolente indifférence et de sa beauté glaciale. Le tableau, en revanche, s’enlaidit peu à peu, se ride et se couvre de sang… Dominé par la prestation impressionnante d’Hurd Hatfield, qui parvient sous son impassibilité apparente à communiquer au spectateur une foule de sentiments complexes et de conflits internes, Le Portrait de Dorian Gray pèche parfois par excès de fidélité au matériau littéraire. Car la voix off omniprésente, qui reprend souvent à la virgule près les mots de Wilde, accompagne chaque action jusqu’à la paraphrase. Sans doute eut-il été préférable de laisser le langage cinématographique l’emporter sur le verbe.

La couleur du Mal

D’autant que sous son classicisme apparent, la mise en scène de Lewin regorge d’inventivité. Cette statue de chat égyptien, qui entre souvent dans le champ à l’avant-plan pour imposer sa mystérieuse présence, symbolise à merveille les forces démoniaques ayant sellé le pacte de Dorian Gray. La scène du meurtre dans le grenier, où l’ombre de l’assassin se projette sur le tableau et où la victime bouscule les jouets d’enfance – métaphore d’une innocence perdue – est un morceau de choix. Quant à l’idée de tourner intégralement le film en noir et blanc, à l’exception d’une poignée d’inserts en Technicolor révélant le portrait dans toute son inquiétante beauté, elle relève du génie et résume parfaitement l’essence même du fantastique : l’interpénétration de deux niveaux de réalité qui, logiquement, ne devraient jamais cohabiter.

 

© Gilles Penso 

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LE TERRITOIRE DES OMBRES : LE SECRET DE VALDEMAR (2010)

La première partie d'un diptyque lovecraftien très ambitieux malgré des moyens particulièrement limités

LA HERENCIA VALDEMAR

2010 – ESPAGNE

Réalisé par José Luis Aleman

Avec Daniele Liotti, Oscar Jaenada, Laia Marull, Silvia Abascal, Santi Prego, Rodolfo Sancho, Ana Risueño, Norma Ruiz 

THEMA DIABLE ET DEMONS

Contrairement à l’ensemble de ses homologues, le cinéaste espagnol José Luis Aleman n’a bénéficié d’aucune aide gouvernementale pour financer Le Territoire des ombres. L’ambition de son projet n’en est que plus étonnante : tourner dans la foulée deux longs-métrages d’époque s’inspirant des univers créés par l’écrivain H.P. Lovecraft. A vrai dire, le titre de cette première partie, Le Secret de Valdemar, évoque surtout Edgar Poe, Valdemar étant le nom de l’infortuné héros d’une des fameuses « Histoires Extraordinaires » publiées en 1845. A moins qu’il ne s’agisse d’un hommage à Waldemar Daninsky, le personnage frappé de lycanthropie qu’interpréta une douzaine de fois le mythique comédien Paul Naschy, qui joue ici le rôle du majordome Jarvas, et dont ce sera d’ailleurs le dernier rôle. Dès ses premières minutes, Le Territoire des ombres frappe par sa beauté plastique. Le générique de début, variante gothique de celui de Delicatessen, décline tous les postes clés de l’équipe du film sous forme d’objets anciens, au fil d’un magnifique plan-séquence porté par les envolées symphoniques du compositeur Arnau Bataller (qui orchestra les bandes originales de Beyond Re-Animator et [Rec] 3). La suite du métrage confirme le soin apporté à sa mise en forme : photographie somptueuse, décors à l’avenant, effets spéciaux de haute qualité, interprétation solide… Bref, Aleman a mis toutes les chances de son côté.

Le film démarre à notre époque. Lluisa Lorente, experte en biens immobiliers, est chargée d’évaluer la richesse d’une vaste demeure victorienne ayant appartenu à la famille Valdemar. Mais elle disparaît après avoir fait d’inquiétantes découvertes. Pour la retrouver, le directeur de l’agence engage le détective Nicolas Tramel. « A chaque océan ses mythes et légendes », lui dit-on. « C’est pareil avec les demeures. » L’intrigue nous transporte alors en 1874. Pour financer leur fondation de jeunes orphelins, Lazaro Valdemar et son épouse organisent chez eux de fausses séances de spiritisme. Mais un journaliste met à jour la tricherie et envoie Lazaro au cachot. Le destin de ce dernier s’apprête bientôt à basculer…

La fiction et la réalité s'entrechoquent

Les éléments fantastiques du récit ne se révèlent qu’avec parcimonie, le cinéaste s’attachant d’abord à nous intéresser à ses protagonistes et à affiner sa reconstitution historique. Pour brouiller les cartes, il mêle même à la fiction des personnages historiques réels, tels l’écrivain Bram Stoker (auteur de « Dracula »), les criminelles Belle Gunness et Lizzie Borden ou encore l’occultiste Aleister Crowley. Leur présence anachronique en pleine Espagne du XIXème siècle surprend quelque peu, d’autant que leur réunion au cours du dernier acte ouvre les portes d’une dimension inconnue et réveille des forces démoniaques prêtes à déferler sur notre monde. On le voit, les écrits de Lovecraft n’ont que peu de rapport avec le film, mais il ne s’agit que d’un premier acte prometteur, et les amateurs du tentaculaire Cthulhu pourront retrouver leur démon favori au cours du second épisode, comme le laissent imaginer les images furtives disséminées au cours du générique de fin.

 

© Gilles Penso

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C’EST ARRIVÉ DEMAIN (1944)

Un jeune journaliste ambitieux découvre un jour qu'il peut obtenir toutes les nouvelles 24 heures à l'avance…

IT HAPPENED TOMORROW

1944 – USA

Réalisé par René Clair

Avec Dick Powell, Linda Darnell, Jack Oakie, Edgar Kennedy, John Philliber, Edward Brophy, George Cleveland, Sig Ruman 

THEMA CONTES I VOYAGES DANS LE TEMPS

Des deux côtés de l’Atlantique, René Clair s’est distingué en réalisant quelques mémorables contes fantastiques tels que Ma femme est une sorcière ou La Beauté du Diable. Dans le genre, C’est arrivé demain fait également figure de classique et son sujet, que convoitait à l’origine Frank Capra, trouve son origine dans une pièce en un acte écrite par Lord Dunsay. En reprenant le projet à son compte, le cinéaste s’adjoignit les services du scénariste Dudley Nichols, collaborateur régulier de John Ford, avec lequel il rédigea le script final de C’est arrivé demain, à l’issue d’une session de travail marathon de trois semaines ininterrompues. Le postulat de départ du film, original en diable, n’aurait guère dépareillé dans un épisode de La Quatrième Dimension.

Nous sommes dans les années 1890, et Larry Stevens (Dick Powell), jeune journaliste plein d’ambition œuvrant pour l’« Evening News », rêverait de pouvoir briller dans tout New York par l’exclusivité de ses scoops. Epris de la belle Silvia (Linda Darnell) qui présente un numéro de voyance avec son oncle Ciglioni (Jack Oakie), il croise un soir le chemin du vieil archiviste Pop Benson (John Philliber), qui lui remet une édition spéciale, tout en lui déconseillant de s’en servir. Larry tombe des nues lorsqu’il constate qu’il possède le journal du lendemain. Désormais, il a le pouvoir de connaître les informations 24 heures à l’avance. N’écoutant évidemment pas les conseils du vieux Pop, Larry use et abuse de cet incroyable avantage, distançant tous ses confrères, faisant grimper la cote de l’« Evening News », annonçant à l’avance des cambriolages ou des tentatives de suicides, et gagnant sans entrave aux courses. Le troisième jour, Larry déchante en apprenant dans son fameux journal qu’il mourra le lendemain, en un lieu précis et à une heure déjà déterminée. Il s’efforcera dès lors d’éviter à tout prix ce rendez-vous funeste, mais peut-on échapper à son destin ?

Connaître l'avenir rend-il plus heureux ?

La mise en scène impeccable de René Clair sert admirablement ce savoureux scénario porteur en substance d’un message sommaire mais plutôt efficace : connaître l’avenir ne rend pas plus heureux, mieux vaut profiter de la vie au présent. Le film prend ainsi les allures d’un conte de fées moderne, d’où cette structure en flash-back qui permet d’adopter un mode de narration à la « il était une fois ». Revers de la médaille, ce procédé narratif prive le récit d’un enjeu intéressant : le protagoniste va-t-il ou non mourir ? La réponse est donnée dès les premières minutes du film. Les comédiens surjouent un peu, notamment Dick Powell et Jack Oakie, et certaines poursuites endiablées semblent payer leur tribut au splastick des temps muets. Mais C’est arrivé demain ne cède jamais complètement au burlesque, lui préférant le registre de la comédie romantique teintée par moments de mélancolie. En 1972, l’écrivain Robert Silverberg s’inspirera partiellement des thématiques du film de René Clair pour son roman « Ce qu’il y avait dans le journal ce matin »… Jusqu’à ce que la série télévisée Demain à la une (Early Edition) ne reprenne intégralement le principe de C’est arrivé demain pour le décliner épisode par épisode à partir de 1996.

 

© Gilles Penso 

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VAUDOU (1943)

Après le coup d'éclat de La Féline, Jacques Tourneur et Val Lewton nimbent le thème des zombies d'une inoubliable poésie macabre

I WALKED WITH A ZOMBIE

1943 – USA

Réalisé par Jacques Tourneur

Avec Frances Dee, Tom Conway, James Ellison, James Bell, Edith Barrett, Christine Gordon, Theresa Harris, Sir Lancelot 

THEMA ZOMBIES

Deuxième film issu de la collaboration du producteur Val Lewton et du réalisateur Jacques Tourneur, un an après La FélineVaudou emprunte un sillon voisin, cultivant à son tour l’épouvante, la poésie et l’étrangeté. Au cours du prologue, nous faisons la connaissance de l’infirmière Betsy Conwell (Frances Dee), acceptant un poste dans les Antilles, sur l’île de Saint Sebastian. A son employeur qui lui demande si elle croit au surnaturel, Betsy répond en riant que ce ne sont pas des choses qu’on apprend à l’hôpital. Elle joue donc auprès du spectateur le rôle de pôle identificateur, et c’est à travers ses yeux que nous quittons progressivement le réalisme rassurant de la ville pour un voyage exotique qui sera aussi – et surtout – initiatique.

La première grande scène de Vaudou intervient en pleine nuit, sur un bateau précaire actionné par des marins chantants. Là, Betsy fait la connaissance du planteur Paul Holland (Tom Conway), l’époux de sa future patiente Jessica. Mélancolique comme un personnage d’Edgar Poe, taciturne et broyant volontiers du noir, il brise le charme de cette dépaysante soirée au clair de lune, affirmant que les beaux reflets à la surface de l’eau sont dus à des animaux en décomposition, que les jolis poissons qui sautent cherchent à éviter de se faire dévorer, et que la voûte étoilée n’est rien d’autre que le spectacle d’astres morts. La première rencontre entre Betsy et sa patiente est également marquante, dans la mesure où celle-ci erre comme une somnambule dans l’escalier en colimaçon d’une tour sombre, la chemise de nuit flottant au vent, le visage livide et les yeux fous. Mais l’infirmière comprend peu à peu que cette « folie » n’est pas naturelle. Jessica a été envoûtée selon les rites pratiqués sur l’île. Morte puis ressuscitée, elle végète désormais sous forme d’un zombie désespérément incurable.

Cadavres d'animaux et zombies monolithiques

Même si le vaudou, les Antilles et les cérémonies tribales sont ici à l’honneur, nous sommes à mille lieues des Morts-Vivants de Victor Halperin. L’épouvante classique chère à Bela Lugosi cède le pas à une poésie macabre, servie par une magnifique photographie noir et blanc, une bande son extrêmement travaillée et des acteurs très convaincants. Cette atmosphère pesante est véhiculée par un exotisme d’autant plus efficace qu’il ne prend jamais les allures d’une reconstitution pour touristes, et ce malgré les faibles moyens mis à la disposition de Tourneur. Mettant de côté ses à priori et ses croyances, Betsy finira par emmener Jessica au cœur d’une cérémonie vaudou dans l’espoir de la guérir. Les deux femmes traversent donc une forêt nocturne inquiétante. Des cadavres d’animaux y sont accrochés aux arbres, et un grand indigène aux yeux exorbités, image iconique du zombie tel que le cinéma le popularisera plus tard, les y attend pour les orienter à travers les bois. Ces images fortes restent longtemps en mémoire après la vision du film, preuve de son indéniable force évocatrice. Au cours du générique de début de Vaudou, on pouvait lire : « Toute ressemblance avec des personnes existantes, vivantes, mortes ou possédées, serait une pure coïncidence. » 


© Gilles Penso

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LA FELINE (1942)

Au sommet de son art, Jacques Tourneur raconte l'histoire d'une femme condamnée à se transformer en panthère à cause d'une malédiction ancestrale

CAT PEOPLE

1942 – USA

Réalisé par Jacques Tourneur

Avec Simone Simon, Kent Smith, Tom Conway, Jane Randolph, Jack Holt, Elizabeth Russell 

THEMA MAMMIFERES

« Alors que le brouillard rampe dans les vallées, nos antiques péchés s’enfouissent dans les recoins les plus bas, et la dépression dans la conscience du monde ». C’est par cette citation sinistrement poétique, issue d’un ouvrage imaginaire rédigée par l’un des protagonistes du film, que s’ouvre La Féline. En quelques lignes, le ton est donné : nous allons nous immerger dans une profonde étrangeté, où l’ombre s’immiscera insidieusement et où la suggestion l’emportera largement sur le spectaculaire. Saluée pour ses prestations dans La Bête humaine et Tous les biens de la Terre, Simone Simon incarne Irena Dubrovna, une jeune new-yorkaise hantée par la peur d’être la descendante d’une race de créatures qui se transforment en panthères dès qu’elles perdent leur virginité. Oliver Reed (Kent Smith), un architecte naval, tombe amoureux de sa touchante beauté féline et l’épouse. Mais le comportement de la jeune mariée commence à se dégrader d’inquiétante manière…

Si La Féline a fait date dans l’histoire du cinéma fantastique, c’est sans doute parce que ses initiateurs étaient vierges de toute expérience en ce domaine, offrant aux spectateurs une approche novatrice, loin des canons savamment établis depuis l’âge d’or du genre au début des années 30. Val Lewton, parachuté du jour au lendemain responsable des films fantastiques du studio RKO, chercha un moyen de transformer en atout deux obstacles de taille : sa relative méconnaissance du genre et les moyens ridicules mis à sa disposition (un budget de 135 000 dollars et trois semaines de tournage). Son premier choix consista à s’adjoindre une équipe en béton armé, constituée du réalisateur Jacques Tourneur, du monteur Mark Robson, du scénariste DeWitt Bodeen et du directeur de la photographie Nicholas Musuraca. Avec ces atouts en poche, il proposa une approche atmosphérique aux antipodes des monster movies des studio Universal. Les effets spéciaux sophistiqués n’étant guère envisageables, les éléments fantastiques sont cachés dans les ténèbres, laissant l’imagination des spectateurs matérialiser l’invisible. Lewton et son équipe muent ainsi une faiblesse en parti pris artistique.

La peur de l'invisible

Dans La Féline, la terreur nait de ce qu’on ne voit pas, le paroxysme étant atteint dans cette scène désormais mythique où une jeune femme, persuadée d’être traquée par un fauve, presse le pas dans une rue nocturne chichement éclairée par des réverbères clairsemés. La démarche s’accélère, les plans se resserrent, la bande son se charge de feulement, la tension monte, et soudain un bus entre dans le champ à l’avant-plan en crissant des pneus. Le sursaut cède le pas à la dédramatisation, en un effet de douche écossaise qui fera largement école dans le domaine du cinéma d’épouvante. Nimbé de clairs-obscurs hérités de l’expressionnisme allemand, porté par la beauté glaciale d’une Simone Simon irrésistiblement mélancolique, La Féline rapportera plusieurs millions de dollars à la RKO, et lancera deux autres futurs classiques signés par la même équipe : Vaudou et L’Homme-léopard.

© Gilles Penso

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MAMBA (1988)

Seule dans son grand appartement, une jeune femme est forcée de cohabiter avec un immense serpent au venin mortel

FAIR GAME / MAMBA

1988 – ITALIE

Réalisé par Mario Orfini

Avec Trudie Styler, Gregg Henry, Bill Moseley, John Randolph, Rene Auberjonois, John MacAndrews 

THEMA REPTILES ET VOLATILES

Connu également sous le titre Fair GameMamba est un pur produit des années 80. Tout y est : la musique synthétique de Giorgio Moroder, l’esthétique des vidéo-clips, les brushings impeccables, les « tubes » à la Cindy Lauper… Et pourtant, ce petit thriller d’épouvante a franchi sans trop de mal le cap des années, grâce à l’efficace sobriété de son concept et à son habile gestion de l’unité de lieu et de temps. Frais émoulu de sa remarquable prestation dans Body Double, Gregg Henry interprète ici Gene, un concepteur de jeux vidéo. Contrairement aux archétypes fantasques et lunaires souvent de mise dans ce corps de métier, Gene est un homme froid et calculateur qui met un point d’honneur à tout contrôler sans supporter le moindre imprévu. Aussi, lorsqu’Eve, sa petite amie, décide de se séparer de lui, autant dire qu’il réagit mal. Point de cris ni de larmes, ce n’est pas le genre du bonhomme, mais un acte de vengeance qui prend la forme d’un machiavélique stratagème.

Première étape : se procurer un mamba, redoutable serpent venimeux, se débarrasser froidement de son propriétaire, puis injecter au reptile une solide dose d’hormones qui décuplent son agressivité mais réduisent son espérance de vie. Deuxième étape : pénétrer dans le splendide loft de l’ex-petite amie et y lâcher la bête, en espérant qu’elle mordra mortellement l’impudente avant de succomber à son trop plein d’hormones. Dernière étape : verrouiller la porte de l’appartement et couper le téléphone. Le compte à rebours est donc lancé, et comme Gene adore tout maîtriser, il peut vérifier le moindre mouvement du prédateur et de la victime sur un écran d’ordinateur qu’il a installé dans sa voiture, grâce à des capteurs judicieusement implantés. C’est ainsi que démarre un diabolique jeu vidéo de son invention, qu’il a naturellement baptisé « Fair Game ».

La future épouse de Sting face au mamba

Le point de départ du film est des plus astucieux. Dommage que deux composantes empêchent le suspense de fonctionner à plein régime : l’interprétation sans saveur de Trudie Styler (compagne et future épouse du chanteur Sting, ce que mentionneront en gros certaines jaquettes allemandes du film) dans le rôle d’une victime au comportement trop excessif pour convaincre, et la rareté des séquences où la jeune femme et le serpent sont vus ensemble dans les mêmes plans. On note plusieurs idées scénaristiques ingénieuses, notamment la manière dont Eve se rend compte de la présence du serpent chez elle (elle l’aperçoit sur son écran de télévision alors qu’elle enregistre un message vidéo pour son ex-petit ami), et le retournement de situation final, pas très crédible mais plutôt surprenant. Artistiquement, le film bénéficie en outre de quelques atouts majeurs, les moindres n’étant pas le directeur artistique Ferdinando Scarfiotti, oscarisé la même année pour son travail sur Le Dernier empereur, et la chef costumière Milena Canonero, à l’œuvre sur rien moins que Barry LindonMidnight Express et Les Chariots de feu. Et puis il y a la présence du trop rare et trop sous-estimé Gregg Henry, extraordinaire de froideur et de duplicité, mais dont le masque robotique et inexpressif laisse transparaître en de fugitifs instants une lourde charge émotionnelle refoulée. 

 

© Gilles Penso

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MOTHER’S DAY (1980)

Un slasher délirant et bourré d'humour noir réalisé par Charles Kaufman, le frère du fondateur de la compagnie Troma

MOTHER’S DAY

1980 – USA

Réalisé par Charles Kaufman

Avec Holden McGuire, Billy Ray McQuade, Rose Ross, Nancy Hendrickson, Deborah Luce, Tiana Pierce 

THEMA TUEURS

Frère de Lloyd Kaufman, le fameux patron de la compagnie Troma, Charles Kaufman signait avec Mother’s Day un slasher atypique, à une époque où Michael Myers et Jason Voorhees commençaient déjà à faire de nombreux émules. Le prologue du film est un excellent faux départ. Au cours d’un séminaire sur l’amour de son prochain, un couple de hippies se fait raccompagner en voiture par une sympathique octogénaire. Visiblement, ils s’apprêtent à la tuer et à la rançonner. Mais soudain, deux hommes surgissent des  bois, décapitent le garçon et s’apprêtent à violer la fille. Ces deux psychopathes habillés à la mode  Mad Max sont les fils de la vénérable vieille dame, qui étrangle elle-même la fille en ricanant ! C’est ainsi que démarre Mother’s Day (sous-titré « Bonne Fête Maman ! » sur les posters français).

Après le générique, nous faisons connaissance avec trois jeunes femmes, anciennes camarades de chambre, qui se retrouvent pour leur réunion annuelle. Elles s’enfoncent en voiture dans la cambrousse, jusque dans les bois de Deep Barons. Les blagues potaches vont bon train, et l’on s’attend à voir surgir les deux tueurs à tout instant. Ils débarquent pourtant au moment où on s’y attend le moins, emportant les filles dans leur sac de couchage jusque dans leur maison perdue au milieu des bois. Ike et Addley – tels sont leurs noms – s’adonnent à des jeux stupides sous la direction de leur vieille mère. Sauf que les divertissements de ces garnements attardés n’ont rien à voir avec « un deux trois soleil » ou la chaise musicale. Leur activité principale consiste en effet à violer et assassiner les filles qu’ils attrapent dans la forêt.

Une critique de la société de consommation ?

Au milieu de leurs jouets Star Trek et de leurs boîtes de céréales Sesame Street, ils conservent des têtes décapitées dans des cages d’oiseaux ou des cadavres ensanglantés accrochés à leur penderie. On détecte ainsi en filigrane une critique de la société de consommation et de l’abrutissement généré par une exposition prolongée aux émissions télévisées. Mother’s Day se réfère également aux codes du conte de fée traditionnel, la matronne correspondant à un « méchant » archétypal chez Grimm et Perrault, et les cannettes éparpillées sur le chemin remplaçant les cailloux du « Petit Poucet ». Il est d’ailleurs question, dans les racontars de la vieille mère, d’une tante maléfique, censée être morte, qui errerait dans les bois, assoiffée de vengeance. La dernière partie du film prend la tournure d’un « revenge movie », variation exubérante sur les thèmes des premières œuvres de Wes Craven.Car après la mort d’une des filles, les deux autres décident de prendre une revanche franchement gratinée : gorge transpercée par une aiguille, marteau planté dans les testicules, étouffement, jet d’acide, massacre au couteau électrique et, fin du fin, tête enfoncée dans un téléviseur encore allumé ! Tourné avec un ridicule budget de 115 000 dollars, Mother’s Day n’a certes rien d’un chef d’œuvre. L’intrigue y est souvent incohérente, la photographie pas vraiment folichonne, la musique carrément inaudible… Mais le film tire son épingle du jeu grâce à son humour, son originalité, son manque de complexe et ce plan final assez réjouissant.

 

© Gilles Penso

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LE VOLEUR DE BAGDAD (1940)

Une splendide transposition sur grand écran des contes des Mille et Une Nuits, qui inspira les Sinbad de Ray Harryhausen et le Aladdin de Disney

THE THIEF OF BAGDAD

1940 – USA

Réalisé par Ludwig Berger, Michael Powell, Tim Whellan, Alexander Korda, Zoltan Korda et William Cameron Menzies

Avec Sabu, Conrad Veidt, June Duprez, John Justin, Rex Ingram, Miles Maleson, Morton Selten, Mary Morris, Bruce Winston

THEMA MILLE ET UNE NUITS

Jamais la féerie des 1001 Nuits ne fut transposée avec autant de splendeur sur un écran que dans ce Voleur de Bagdad, seconde et meilleure de toutes les versions cinématographiques du conte. Aveuglé et détrôné par l’infâme Jaffar, le prince Ahmad y partage sa geôle avec le jeune Abu, qui passe pour être le voleur le plus doué de tout Bagdad. Ensemble, les deux hommes s’évadent et s’efforcent de renverser le règne du maléfique usurpateur… Dans un Technicolor resplendissant – chose encore rare en 1940 – se succèdent des tableaux magiques inoubliables : le cheval automate qui transporte le sultan dans les airs, l’apparition du génie gigantesque, la lutte contre une impressionnante araignée géante, ou encore la voltige finale sur le tapis volant. Taillés sur mesure, les quatre rôles principaux vont comme un gant à Conrad Veidt, superbe Jaffar aux yeux hypnotisants et au profil de rapace, à Sabu, voleur sautillant comme le Mowgli qu’il interprétera deux ans plus tard dans Le Livre de la jungle, à June Duprez, magnifique princesse aux yeux clairs (remplaçant haut la main une Vivien Leigh d’abord pressentie), et à John Justin (dans son premier rôle), beau prince déchu transformé en mendiant héroïque.

Parmi l’armada d’artistes et de techniciens sollicités sur le tournage se trouvait le jeune maquilleur de Stuart Freeborn, futur maître d’œuvre des créatures de 2001 et La Guerre des Etoiles« J’ai travaillé sur plusieurs des superproductions de Korda », se souvient-il. « C’est d’ailleurs moi qui ai appris l’anglais au jeune Sabu ! » (1) La partition de Miklos Rosza, aux belles tonalités orientales, s’agrémente parfois de chansons qui annoncent le style que Walt Disney standardisera. L’intrigue, riche en rebondissements savants, s’achève bien entendu par la mort de Jaffar. Frappé en plein front par une flèche, il chute dans le vide tandis que le cheval automate qui l’emportait dans les cieux tombe en morceaux. Très curieusement, le film est l’œuvre combinée de six réalisateurs, chacun étant choisi pour apporter une pierre artistique ou technique à l’édifice. Ludwig Berger fut sollicité pour les scènes romantiques, Tim Whelan pour les séquences d’action, et Michael Powell pour les grandes reconstitutions historiques et fantastiques.

Six réalisateurs et une armada d'artistes

Lorsque l’Angleterre entra en guerre, le tournage fut interrompu, et le film ne fut finalisé qu’en 1940 par les frères Korda et le directeur artistique William Cameron-Menzies, l’équipe déménageant de Londres vers Hollywood. Malgré cette profusion de talents, le film ne souffre guère de manque d’unité, bien au contraire. Des dialogues brillants, des décors superbes et des costumes flamboyants achèvent de faire accéder ce Voleur de Bagdad au statut de chef d’œuvre du cinéma fantastique. Les studios Disney y puisèrent d’ailleurs largement leur inspiration lorsqu’ils s’attelèrent en 1992 à leur long-métrage animé Aladdin, mettant en scène des personnages principaux similaires dont le mimétisme va jusqu’à l’utilisation des mêmes patronymes (notamment Jaffar et Abu, si ce n’est que ce dernier y devient un singe facétieux !).

(1) Propos recueillis par votre serviteur en mai 1996.

 

© Gilles Penso

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