SAW 5 (2008)

La dégringolade artistique continue avec ce cinquième opus qui cache son incapacité à effrayer les spectateurs sous des tonnes de sang et de tripailles

SAW V

2008 – USA

Réalisé par David Hackl

Avec Tobin Bell, Costas Mandylor, Scott Patterson, Betsy Russell, Mark Rolston, Julie Benz, Carlo Rota, Mike Butters, Meagan Good

THEMA TUEURS I SAGA SAW

On croyait avoir touché le fond avec Saw IV, épuisant jusqu’à l’auto-parodie involontaire tous les mécanismes mis en place par Leigh Whannell et James Wan dans le premier Saw. Or le pire était encore à venir. « Vous pensiez vraiment que c’était fini ? » peut-on lire sur le poster de Saw V. Non, on ne le pensait pas vraiment, mais on l’espérait, et dès la scène d’ouverture, on est tenté de tourner les talons et de quitter la salle de cinéma. On y assiste en effet à une version ultra-gore du « Puits et du Pendule » d’Edgar Poe, un homme se faisant couper en deux par une lame montée sur un balancier tandis que la bande son se sature de hurlements, d’effets sonores stridents et de musique tonitruante. Certes, les effets spéciaux sont bluffants et les nerfs mis à rude épreuve, mais à quoi bon ? En quoi le découpage ultra-réaliste du corps d’un homme constitue-t-il un spectacle intéressant pour un spectateur, fut-il amateur de films d’horreur ? Le cinéma de genre ne puise-t-il pas au contraire sa force dans son pouvoir suggestif et ses vertus cathartiques ? Rien de tel ici. D’ailleurs, dès qu’il s’agit de faire peur, Saw V s’avère parfaitement incompétent (voir la scène ridicule du chien qui aboie et de l’ascenseur en panne). De fait, l’escalade toujours plus extrême dans l’étalage de viande ne confère pas une once de plus-value à ce cinquième opus de bien triste facture. Promu réalisateur après avoir été chef décorateur puis assistant réalisateur sur les trois précédents épisodes, David Hackl se révèle bien peu inspiré.

Hystérique lors des scènes de torture (où il abuse de ralentis, d’accélérations, de flash blancs, de bruitages excessifs), il perd tous ses moyens pendant les séquences de dialogues, à peine dignes d’un téléfilm allemand des années 70 (photographie hideuse, cadrages dénués de sens, décors d’une grande pauvreté). Difficile, du coup, de nous intéresser à l’intrigue et aux personnages. D’autant que le scénario de Marcus Dunstan (Feast, Saw IV) ne sait pas trop où donner de la tête, puisant des idées dans chacun des Saw précédents tout en multipliant une fois de plus les flash-backs. Pour qui n’est pas familier avec les quatre premiers épisodes, le démarrage de celui-ci risque d’ailleurs d’être assez abscons, dans la mesure où il se réfère à bon nombre de péripéties survenues précédemment.

Jigsaw est mort ? Vive Jigsaw !

Le tueur au puzzle et son « assistante » Amanda ayant passé l’arme à gauche, un nouveau tueur a pris le relais en la personne de l’inspecteur Mark Hoffman (Costas Mandylor, tout à fait inexpressif). Un prétexte assez grotesque justifie ce passage de relais, faisant fi au passage de toutes les incohérences qui en sont corollaires (comment le policier en question est-il capable de concevoir lui aussi des pièges sophistiqués dignes d’un ingénieur en mécanique ?), et le jeu de massacre peut tranquillement continuer. Pendant ce temps, l’agent Strahm (Scott Patterson) mène l’enquête et devine tout avant tout le monde, énonçant à voix haute chacune de ses découvertes pour que les spectateurs ne perdent pas une miette de son raisonnement. Le film s’achève comme il a commencé, c’est-à-dire n’importe comment, et laisse hélas la porte grande ouverte à une nouvelle suite, dont le seul mérite sera probablement de favoriser les jeux de mots à base de charcuterie !

 

© Gilles Penso

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SAW 3 (2006)

Le duo de scénaristes Leigh Whannel et James Wan se reconstitue pour un troisième épisode

SAW 3

2006 – USA

Réalisé par Darren Lynn Bousman

Avec Tobin Bell, J. LaRose, Angus MacFayden, Debra McCabe, Dina Meyer, Kim Roberts, Shawnee Smith, Bahar Soomekh

THEMA TUEURS I SAGA SAW

Saw bousculait tous les lieux communs du slasher pour désarçonner ses spectateurs, tant du point de vue de l’horreur graphique et psychologique que de celui de sa narration déconstruite. Saw 2 exploitait le filon sans beaucoup d’imagination, optant pour une lecture plus linéaire et substituant à la terreur sourde une action soutenue. Quant à Saw 3, il se positionne quelque part entre les deux tendances, un parti pris dicté par le maintien de Darren Lynn Bousman à la réalisation et la reconstitution du duo Leigh Whannel & James Wan au scénario. N’hésitant pas à reculer très – trop ? – loin les limites de ses séquences de torture (rarement l’intégrité du corps humain fut aussi peu respectée), Saw 3 semble vouloir se placer en tête d’une compétition douteuse initiée par ses deux prédécesseurs et leurs émules, notamment Hostel. Fort heureusement, ce troisième épisode ne se limite pas au déchirement des poitrines, à la torsion des membres et à l’arrachage des épidermes. Dans le cas contraire, il eut été non seulement insupportable mais aussi vide de sens et inconsistant.

Or le scénario choisit ici de nous faire adopter le point de vue du psychopathe, autrement dit un Jigsaw mourant (Tobin Bell), alité dans son repaire orné de pièges en construction, soigné par sa fidèle assistante Amanda (Shawnee Smith, personnification exacerbée du syndrome de Stockholm) et par une infortunée chirurgienne (Bahar Soumekh) contrainte de le maintenir en vie sous peine de voir sa tête réduite en cendres par une bombe à retardement nouée autour de son cou. Plusieurs intrigues parallèles se joignent à ce fil conducteur, notamment le parcours du combattant d’un pauvre hère (Angus McFayden) dont le fils a succombé sous les roues d’un chauffard, et qui doit choisir entre le pardon et la vengeance, chacune de ses décisions ayant de très sanglantes conséquences…

Un « slasher philosophique » ?

Succinctement évoquées dans le premier Saw, les motivations de notre « tueur au puzzle » sont ici étalées avec beaucoup d’insistance. Ses longs discours sur la perspective d’une mort atroce comme seule véritable possibilité d’apprécier la vie semblent principalement être conçus pour donner au film une once de respectabilité, justifiant du même coup ses débordements gore sous des allures de « slasher philosophique ». Cela dit, force est de constater que Saw 3 sait se montrer palpitant et développer des séquences réellement éprouvantes. Même Bousman semble avoir réfréné ses tics hérités du vidéoclip, optant pour une mise en scène moins voyante et plus appropriée au sujet. L’autre grand atout de Saw 3 est sa volonté de dépasser le simple cadre de la séquelle pour s’inscrire dans une trilogie cohérente, nous proposant du même coup de redécouvrir plusieurs séquences des deux opus précédents sous un nouvel angle, et avec des informations supplémentaires. Dommage que le scénario se laisse aller aux multiples rebondissements incongrus de dernière minute. Certes, il s’agit là de la marque de fabrique de la série, et ces coups de théâtre finaux ouvrent la porte vers de nouvelles suites possibles, mais leur manque de crédibilité et de finesse amenuisent considérablement leur impact.


© Gilles Penso

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SAW 2 (2005)

Dès son second épisode, la franchise Saw perd tout le sel du premier opus pour s'adonner à la facilité du "torture porn"

SAW II

2005 – USA

Réalisé par Darren Lynn Bousman

Avec Tobin Bell, Shawnee Smith, Donnie Wahlberg, Erik Knudsen, Franky G, Glenn Plummer, Emmanuelle Vaugier, Dina Meyer

THEMA TUEURS

Le succès instantané de Saw incita les décideurs de Lion Gates et Twisted Pictures à enchaîner rapidement avec une séquelle, dans l’espoir de mettre sur pied une franchise aussi juteuse que Scream ou Halloween. Mais James Wan et Leigh Whannell, les principaux intéressés, se sont retirés du devant de la scène, même si Whannell co-signe le scénario avec Darren Lynn Bousman. Du coup, ce second opus fait bien pâle figure face à son modèle, cultivant le déjà-vu tout en se laissant plus que jamais influencer par les mécaniques de Cube et Seven. Lorsque le film commence, un indicateur de la police se réveille avec la tête coincée dans une espèce de piège à loup, variante recto-verso du « masque du démon » de Mario Bava. Sur un écran de télévision, le tueur au puzzle (Jigsaw en V.O.) lui donne le choix : utiliser un scalpel pour récupérer la clef enfouie chirurgicalement derrière son œil, ou avoir la tête broyée par le mécanisme diabolique. Peu après, le cadavre du malheureux est retrouvé par l’inspecteur de police Eric Matthews. Ce dernier décrypte un message du tueur psychopathe qui lui est directement adressé et ne tarde pas à mettre la main sur lui. Mais au lieu d’un colosse masqué armé d’une machette ou d’une tronçonneuse, archétype du psycho-killer moyen, Matthews découvre un vieil homme moribond, suicidaire et cynique, tué à petit feu par le cancer. Son arrestation est aisée, mais il faut d’abord déjouer son ultime piège.

En effet, sept personnes ont été kidnappées par ses soins et enfermées dans une vieille maison truffée de pièges, en un lieu inconnu. A l’issue d’un compte à rebours de deux heures, ils mourront asphyxiés par un gaz mortel. Parmi eux se trouve l’une des anciennes victimes de Jigsaw (la fameuse prisonnière du casque broyeur) ainsi que Daniel, le propre fils de l’inspecteur Matthews. Aucun d’entre eux ne se connaît, mais chacun a un point commun, seul moyen apparent de trouver une issue et d’échapper à la mort. Dès lors, le film nous narre à la fois les confrontations tendues entre le policier et le tueur, et le parcours du combattant des prisonniers, en quête d’antidote contre le gaz, mourrant un à un dans des conditions souvent atroces et spectaculaires (un pistolet caché derrière une porte qui explose la cervelle d’un curieux, un homme progressivement brûlé dans un four, des lames entaillant les poignets d’une femme jusqu’à l’hémorragie).

L'effet de surprise s'est émoussé

La structure éclatée du premier Saw se substitue ainsi à un plus classique montage parallèle, même si les dernières séquences bouleversent quelque peu cette sage juxtaposition. Il faut reconnaître que Saw 2 bénéficie d’un casting impeccable et sait collecter les séquences de suspense efficace, le point d’orgue en la matière étant l’ultime poursuite dans les couloirs de la maison-prison. Mais la surprise n’est plus vraiment au rendez-vous, et la franchise tant espérée par les producteurs s’essouffle déjà considérablement, comme le prouve une révélation finale conçue pour désarçonner le spectateur, à l’instar de celle du film précédent, mais qui n’échappe ni au grotesque, ni à l’incohérence la plus totale. Ce qui n’empêcha pas l’équipe du film d’enchaîner aussitôt sur la mise en chantier d’un Saw 3, histoire de battre le fer pendant qu’il était encore chaud.

© Gilles Penso

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SAW (2004)

Contrairement à sa sanglante descendance, le premier Saw s'intéresse moins au gore qu'aux rebondissements tortueux d'une vertigineuse intrigue à tiroirs

SAW

2004 – USA

Réalisé par James Wan

Avec Leigh Whannell, Cary Elwes, Danny Glover, Monica Potter, Ken Leung, Dina Meyer, Mike Butters, Michael Emerson

THEMA TUEURS I SAGA SAW

Jusqu’alors inconnus au bataillon, les scénaristes James Wan et Leigh Whannell provoquèrent un petit raz de marée à Hollywood en faisant circuler le script de Saw, relecture surprenante du thème éculé du psycho-killer. Soucieux de convaincre d’éventuels financiers, ils tournèrent avec leurs économies l’une des scènes clefs du film et la montrèrent au producteur Gregg Hoffman qui décida aussitôt de se lancer dans l’aventure, acceptant les conditions posées par Wan et Whannell : le  premier réaliserait le film et le second y jouerait l’un des rôles principaux. Pour limiter les risques, Saw fut tourné dans des conditions précaires, avec un modeste budget de 1,2 million de dollars, un planning serré de 18 jours et un destin de film directement distribué en DVD. Les projections test enthousiasmantes en décidèrent autrement, et ce slasher d’un genre nouveau eut droit à une sortie en salles.

Dès ses premières minutes, Saw agrippe son spectateur et ne le lâche plus. Dans une salle de bain en décrépitude, deux hommes qui ne se connaissent pas se réveillent endoloris, chacun étant enchaîné à un des murs de la pièce. Au sol gît un cadavre ensanglanté. Pourquoi sont-ils là ? Qui les a enfermés ? David (Leigh Whannell) est un jeune photographe sans le sou, Lawrence Gordon (Cary Elwes) un chirurgien renommé, et rien ne semble les relier. Autour d’eux, plusieurs objets leur donnent des indices sur la situation et sur la marche à suivre : un revolver, des balles, des cigarettes, une clef, deux scies, des photos, des minicassettes et un dictaphone. Le kidnappeur leur lance bientôt un ultimatum sans appel : si Lawrence ne tue pas David d’ici 18 heures, sa famille sera massacrée… A priori, Saw évoque beaucoup Cube, avec ce prologue en forme de point d’interrogation dans un huis clos mystérieux, et Seven, à travers ce tueur vengeur dont la machiavélique intelligence semble suivre un plan minutieusement préétabli. Mais il faut surtout chercher les influences de Wan et Whannell ailleurs, du côté de l’Europe et du giallo italien.

Meurtres surréalistes

Car le surréalisme des meurtres et l’outrance des situations évoquent finalement plus Dario Argento et Mario Bava que Vincenzo Natali et David Fincher. Notamment ce désormais célèbre casque broyeur, réminiscence visuelle d’un des pièges de Terreur à l’opéra, ou cet emprisonnement dans les fils de fer hérité de Suspiria. Les mises à mort machiavéliques de L’Abominable docteur Phibes nous reviennent également en mémoire. D’ailleurs, cette marionnette de ventriloque que le « tueur au puzzle » emploie comme avatar se réfère directement à une imagerie « à l’ancienne » du cinéma d’épouvante. L’Œuvre d’Alfred Hitchcock figure également parmi les références de Saw, qui recycle habilement le flash de l’appareil photo de Fenêtre sur cour et les ciseaux du Crime était presque parfait. Summum de suspense, de tension et d’horreur psychologique, le premier long-métrage de James Wan est donc une perle rare truffée de trouvailles, bénéficiant en outre de la présence de Danny Glover, vieux routard venu prêter sa trogne familière à cette œuvre de jeunesse dont il apprécia l’inventivité et l’audace. Certes, le twist final est un peu gros et plutôt difficile avaler, mais il ménage une sacrée surprise et parachève en beauté ce bel exercice de style.
 

© Gilles Penso

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HALLOWEEN RESURRECTION (2002)

Non, Michael Myers n'était pas vraiment mort ! Le voilà star d'une émission de télé-réalité qui tourne au massacre…

HALLOWEEN RESURRECTION

2002 – USA

Réalisé par Rick Rosenthal

Avec Jamie Lee Curtis, Sean Patrick Thomas, Busta Rhymes, Tyra Banks, Bianca Kajilich, Thomas Ian Nicholas, Ryan Merrimam

THEMA TUEURS I SAGA HALLOWEEN

Halloween Résurrection de Rick Rosenthal, c’est un peu comme Alien la résurrection de Jean-Pierre Jeunet : la volonté de poursuivre coûte que coûte une franchise fort rémunératrice, malgré la mort violente et indiscutable du personnage principal à la fin du film précédent. Et si le quatrième Alien utilisait la thèse du clonage pour ressusciter Helen Ripley, les scénaristes de ce huitième Halloween optent pour une solution plus proche du serial des années 30. Nous avons tous vu de nos propres yeux Michael Myers se faire décapiter d’un coup de hache par Laurie Strode au cours du climax d’Halloween 20 ans après. Et bien ce n’était qu’un leurre ! En réalité, le tueur fratricide a troqué son bleu de travail et son masque blanc contre un costume de policier, comme dans Le Silence des agneaux, et c’est donc un innocent gardien de la paix qui a perdu la tête. Traumatisée par cette méprise, Laurie végète depuis trois ans dans un asile psychiatrique, jusqu’à ce que son frère ne vienne lui rendre visite et ne la trucide d’un coup de couteau bien placé. Exit donc cette bonne vieille Jamie Lee Curtis, place à une nouvelle livrée de victimes jeunes et glamour. Ces derniers sont une demi-douzaine d’adolescents qui acceptent de passer une nuit dans la maison de Michael Myers, à Haddonfield, à l’occasion d’un jeu de télé-réalité retransmis en direct sur le site internet du producteur Fred Harris, répondant au doux nom de « dangertainment.com ».

Le concept est des plus séduisants, en ce sens qu’il porte en lui le potentiel d’une belle satire des médias, de la starification en série et de la quête de popularité éphémère. Hélas, ce postulat n’est qu’un prétexte terriblement sous-exploité, et les meurtres de nos ados suivent un schéma terriblement codifié qui ne suscite aucune surprise, malgré quelques clins d’œils inattendus comme cet assassinat au pied de caméra visiblement inspiré par Le Voyeur. C’est d’autant plus dommage que le scénario permettait de savoureux exercices de mise en abîme, lesquels ne sont que timidement ébauchés lorsque deux psycho-killers se croisent dans la maison par exemple (le vrai et un acteur costumé), ou lorsque l’organisateur du jeu déclare que Michael Myers est un concept juteux qu’on ressort tous les ans pour renflouer les caisses…

Un concept juteux

On croirait entendre parler Mustapha Akkad, producteur de tous les films de la série depuis Halloween 4 ! Car franchement, Halloween 20 ans après eut constitué un point final idéal pour cette série en perte de vitesse permanente. Le rôle du maître de cérémonie est ici attribué au rappeur Busta Rhymes, qui cabotine sans l’once d’une finesse, à l’instar de la majeure partie du casting, handicapé il est vrai par une caractérisation filiforme et des dialogues stupides. Rien de bien neuf à l’horizon, donc, malgré une mise en scène plutôt efficace de Rick Rosenthal (déjà aux commandes d’un fort honorable Halloween 2) jouant avec les images captées par les caméras vidéo que portent les protagonistes (d’où d’inévitables réminiscences du Projet Blair Witch), et malgré une intéressante partition de Danny Lux réorchestrant une nouvelle fois le célèbre thème de John Carpenter.

 

© Gilles Penso

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HALLOWEEN : 20 ANS APRES (1998)

Ne tenant aucunement compte des épisodes précédents, cet épisode anniversaire ramène Jamie Lee Curtis sur le devant de la scène

HALLOWEEN H20

1998 – USA

Réalisé par Steve Miner

Avec Jamie Lee Curtis, Josh Hartnett, LL Cool J, Adam Arkin, Michelle Williams, Janet Leigh

THEMA TUEUR I SAGA HALLOWEEN

Scream ayant sapé les bases du slasher traditionnel en en démontant tous les mécanismes, la saga Halloween ne pouvait plus se contenter de suivre sa petite routine. Pour ce septième épisode, les producteurs décidèrent donc de laisser tomber les réalisateurs anonymes au profit d’un vrai spécialiste du genre. C’est donc Steve Miner (Le Tueur du vendredi, House, Warlock) qui hérita du bébé. Deuxième apport de taille : le retour de Jamie Lee Curtis, absente de la « saga » depuis le deuxième épisode. Le troisième parti pris décisif est corollaire du second : ignorer purement et simplement les quatre films précédents – comme s’ils n’avaient jamais existé – pour se concentrer sur le personnage de Laurie Strode (Curtis, donc).

Comme son titre l’indique, Halloween 20 ans après se situe deux décennies après le massacre perpétré par Michael Myers dans la petite ville d’Haddonfield. Toujours hantée par le psychopathe au masque blanc, sa sœur Laurie, qui vit dans l’anonymat sous le nom de Keri Tate, redoute tout particulièrement la soirée d’Halloween, que son fils John et son groupe de copains ont décidé de fêter dans un collège désaffecté. Evidemment, ce grand malade de Michael revient sur les lieux de son crime et se remet à planter opiniâtrement son grand couteau dans la chair humaine. Suivant la voie de Kevin Bacon et Johnny Depp, qui firent tous deux leurs débuts dans un slasher (le premier dans Vendredi 13, le second dans Les Griffes de la nuit), Josh Hartnett tient ici son premier rôle sous la défroque de John Tate. Aux côtés du futur héros de Pearl Harbor, on trouve d’autres visages familiers comme L.L. Cool J ou Janet Leigh, inoubliable vedette de Psychose qui est aussi, rappelons-le, la mère de Jamie Lee Curtis.

Aucun véritable sang neuf

Empli de références et pavé de bonnes intentions, Halloween 20 ans plus tard a pourtant du mal à contourner les lieux communs et susciter un réel intérêt. Malgré un budget plus confortable qu’à l’accoutumée (17 millions de dollars, plus du triple de celui d’Halloween 6) et une volonté visible de revenir aux sources de la saga, cette séquelle anniversaire se perd dans les méandres du cliché et n’apporte aucun sang neuf au mythe créé par John Carpenter. A ce constat s’adjoint une déception d’ordre artistique liée à la bande originale. John Ottman, le compositeur attitré de Bryan Singer, écrivit en effet pour ce septième Halloween une partition flamboyante et énergique, reprenant notamment sur un mode symphonique le fameux thème de John Carpenter. Hélas, les producteurs décidèrent de la remplacer en grande partie par d’anciens morceaux composés par Marco Beltrami pour d’autres films (Scream, Scream 2 et Mimic). Une décision absurde et franchement douteuse, qui découle directement des dérives du « temp tracking » et qui dénote une volonté maladroite de surfer sur le succès du slasher de Wes Craven. Certes, Halloween 20 ans après demeure probablement l’une des séquelles les moins brouillonnes de La Nuit des masques, mais son intérêt demeure très limité et rien de bien mémorable ne s’y déroule, à part peut-être son dénouement choc plutôt osé… mais hélas gâché par la séquelle suivante.

© Gilles Penso

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HALLOWEEN 6 : LA MALEDICTION (1995)

Rien ne va plus dans la franchise Halloween dont le premier cycle s'achèvera avec cet opus d'une grande médiocrité

HALLOWEEN : THE CURSE OF MICHAEL MYERS

1995 – USA

Réalisé par Joe Chappelle

Avec Donald Pleasence, Paul Rudd, Marianne Hagan, Mitch Ryan, Kim Darby, Bradford English, Keith Bogart

THEMA TUEURS I SAGA HALLOWEEN

Qu’espérer d’une énième séquelle d’Halloween après les inepties de l’épisode 5 ? Pas grand-chose en vérité. Et c’est exactement ce que nous propose ce sixième opus, raclant les fonds de tiroir, peinant terriblement pour raccorder son intrigue à celle des films précédents et se trouver une légitimité au sein de la saga, quitte à accumuler en chemin des incohérences colossales. Signé Daniel Farrands, le scénario fut d’ailleurs réécrit plus de dix fois avant les premiers tours de manivelle, et ça se sent. Au cours du prologue, la jeune Jamie Strode (J.C. Brandy) accouche dans un lieu étrange, sombre et empli de bougies fort décoratives. Là sévissent le tueur Michael Myers et un étrange personnage coiffé d’un chapeau (est-ce le même que celui qui hantait bizarrement l’épisode précédent, affublé de bottes ferrées ? Nous n’en saurons jamais rien). Parvenant à s’enfuir avec son bébé, Jamie tente de prévenir la radio locale d’Haddonfield que le tueur au masque blanc sévit toujours. Mais personne ne la croit. Nous sommes en effet la veille d’Halloween, et les blagues de cet acabit sont légion. Fatalement, ce bon gros Michael finit par la retrouver et la trucide sans autre forme de procès. Fort heureusement, le bébé lui échappe. C’est le jeune Tommy (Paul Rudd), que gardait Laurie Strode lorsqu’elle était baby sitter, qui le déniche et le cache. Nous apprenons bientôt que Michael Myers ne tue pas par hasard, contrairement à ce qu’on aurait pu croire, mais respecte une prophétie druidique qui consiste à assassiner tous les membres d’une famille pour sauver le reste du monde, menacé par une malédiction ancestrale. Pour éviter le cataclysme promis, l’enfant doit être sacrifié à son tour.

Nous naviguons donc dans du grand n’importe quoi, et les choses ne font hélas qu’empirer au fil du métrage. Myers n’est ici qu’un gorille au service d’une espèce de secte absurde vouée au mal, ses membres se drapant de noir et trouvant refuge dans un hôpital psychiatrique, au grand dam du docteur Loomis (Donald Pleasence toujours). Bien en peine de créer des scènes d’épouvante digne de ce nom, le réalisateur Joe Chappelle abuse des déflagrations sonores qu’il nous assène chaque fois qu’une main se pose sur l’épaule d’un personnage, dans l’espoir de faire sursauter les spectateurs. Peine perdue, la plupart se sont déjà endormis.

Le chant du cygne de Donald Pleasence

La bande son en fait donc souvent des caisses, et malgré une intéressante variante hard-rock sur le thème musical composé par Carpenter (uniquement proposée au cours de la scène d’intro), aucune inventivité n’est à signaler. Il en est de même du côté des meurtres en série, certes violents mais fort peu imaginatifs. Quant à la poursuite finale dans les couloirs de l’hôpital, elle ne véhicule aucun suspense et s’achève sur un épilogue grotesque. Ce fut le dernier film de Donald Plesance, qui s’éteignit avant la fin du tournage. Halloween 6 lui est dédié, mais cet immense acteur eut mérité un plus glorieux chant du cygne. Joe Chappelle, pour sa part, allait plus tard redorer son blason en produisant notamment quelques séries à succès comme Sur écoute ou Les Experts Miami.

 

© Gilles Penso

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HALLOWEEN 4 : LE RETOUR DE MICHAEL MYERS (1988)

L'écart du troisième épisode n'ayant pas plu à tout le monde, Michael Myers revient sagement semer la terreur dans ce quatrième opus prévisible

HALLOWEEN 4 : THE RETURN OF MICHAEL MYERS

1988 – USA

Réalisé par Dwight H. Little

Avec Donald Pleasence, Ellie Cornell, Danielle Harris, George P. Wilbur, Beau Starr, Michael Pataki, Kathleen Kinmont

THEMA TUEUR I SAGA HALLOWEEN

Lancer sur les écrans un Halloween 3 dénué de la moindre allusion à Michael Myers constituait un pari osé, mais n’était-ce pas tuer la poule aux œufs d’or ? Face à l’accueil mitigé de ce troisième opus volontairement hors sujet, Halloween 4 marque le retour du croquemitaine au visage blanc, ce que souligne sans équivoque le sous-titre « le retour de Michael Myers ». Ce quatrième opus marque également le dixième anniversaire de la création du personnage. A cette occasion, John Carpenter fut invité à imaginer une histoire originale, laquelle concernait des événements surnaturels touchant les habitants de la ville d’Haddonfield suite aux funestes événements survenus dans les deux premiers Halloween. Plus proche de Fog que de La Nuit des masques, cette approche fut jugée trop peu conformiste par des producteurs peu imaginatifs soucieux de revenir à la formule du slasher classique.

Exit donc Carpenter, place au scénariste Alan B. McElroy (futur auteur de Spawn et Détour mortel) et au réalisateur Dwight H. Little. McElroy s’acquitta de sa tâche en une dizaine de jours et livra un script laissant finalement peu de place à la surprise. L’intrigue se situe logiquement en 1988. Michael Myers, qui a tenté dix ans plus tôt de tuer sa sœur Laurie, émerge de l’état cataleptique dans lequel il se trouvait depuis lors. Il réussit à s’enfuir à l’occasion d’un transfert et rejoint Haddonfield, sa ville natale. C’est le début d’une nouvelle succession de meurtres… Dwight Little maîtrise certes les scènes d’action, comme le confirme cette impressionnante poursuite sur le toit, ainsi que les moments de suspense pur (savoir-faire qu’il réutilisera sur des séries comme 24 heures chrono ou Prison Break). Mais le film ne sort pas vraiment de la routine du genre. A grand renfort de plans fort convenus (caméras subjectives, travellings au grand-angle, avant-plans inquiétants), on nous ressert donc l’habituel lot de meurtres, de protagonistes superficiels et de dialogues sentencieux.

« Vous ne pouvez pas tuer la damnation… »

Dans ce domaine, le docteur Loomis (Donald Pleasence) continue sur la voie ouverte dix ans plus tôt («Vous parlez de lui comme si c’était un homme, or cette partie de lui est morte il y a bien longtemps», énonce-t-il gravement), tandis que le personnage de Jack Sayer (Carmen Filipi) en rajoute avec emphase : « Apocalypse, Fin du Monde, Armageddon, ça a toujours un visage et un nom .Vous ne pouvez pas tuer la damnation, elle ne meurt pas comme un homme ! ». Le seul personnage qui présente un peu d’intérêt est Jamie, la nièce de Myers, incarnée par une petite Danielle Harris très expressive. Par son intermédiaire, le dénouement, qui constitue la partie la plus réussie du film, nous renvoie au prologue de La Nuit des masques et clôt la série sur une note très peu rassurante. Trop peu sanglant aux yeux du producteur Moustapha Akad, le premier montage fut modifié à la dernière minute, incluant des séquences gore tournées spécialement par le maquilleur John Carl Buechler, coutumier du genre (Re-Animator, From Beyond).

© Gilles Penso

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L’ÉCHINE DU DIABLE (2001)

Guillermo del Toro inscrit le fantastique dans un contexte historique tangible et s'interroge sur la nature des fantômes

EL ESPINAZO DEL DIABLO

2001 – ESPAGNE / MEXIQUE

Réalisé par Guillermo del Toro

Avec Eduardo Noriega, Marisa Paredes, Federico Luppi, Iñigo Garcés, Fernando Tielve, Irene Visedo, Jose Manuel Lorenzo  

THEMA FANTÔMES

Cronos, son premier long-métrage, ayant beaucoup fait parler de lui, Guillermo del Toro eut immédiatement accès aux gros studios hollywoodiens auprès desquels il se fourvoya dans un Mimic inabouti. Avec L’Echine du diable, il revient à une production plus modeste, orchestrée par Pedro Almodovar. Se laissant porter par ses propres souvenirs d’enfance et par ses croyances de l’époque, le cinéaste signe ici une œuvre magnifique et maîtrisée de bout en bout, aboutissement de plus de quinze ans de gestation (Del Toro en commença l’écriture alors qu’il était encore au lycée) qui porte en germe toutes les composantes de son futur chef d’œuvre Le Labyrinthe de Pan. Les premières images du film, énigmatiques, sont portées par la voix off du vénérable Federico Luppi (héros de Cronos), nous offrant une définition poétique du mot fantôme : « Qu’est-ce qu’un fantôme ? Un fait terrible condamné à se répéter encore et encore ? Un instant de douleur, peut-être. Quelque chose de mort qui semble encore en vie. Un sentiment suspendu dans le temps, comme une photo floue, comme un insecte piégé dans l’ambre. »

Nous découvrons alors le contexte historique du film : la guerre civile espagnole. Carlos, un garçon de douze ans qui vient de perdre son père, débarque à Santa Lucia, un établissement catholique pour orphelins. Il est confié par son tuteur à la directrice Carmen (Marisa Paredes, inoubliable dans Talons aiguilles, La Vie est belle et Tout sur ma mère), et au vieux professeur Casares (Lupi). Dès qu’il découvre les lieux, Carlos se heurte à l’hostilité de ses camarades et de Jacinto (Eduardo Noriega, héros de Tesis et Ouvre les yeux d’Alejandro Amenabar), un homme à tout faire brutal qui semble très attiré par l’or de la cause républicaine caché quelque part en ces lieux sinistres. Bientôt, Carlos découvre que le sous-sol est hanté par le fantôme d’un garçon qui lui rend régulièrement visite et qui semble porter un lourd secret…

Un drame humain mâtiné de poésie âpre

Chaque apparition de ce spectre décharné dont le sang s’échappe de sa tête en flottant, partiellement inspiré des fantômes japonais fleurissant sur les écrans depuis Ring, est pour le moins effrayant. Mais L’Echine du diable joue moins la carte de l’horreur que celle du drame humain mâtiné de poésie âpre. D’ailleurs, les pires exactions ne sont pas ici commises par les fantômes mais par les humains, comme en témoignent la révélation finale et un climax particulièrement violent. Les partis pris visuels du film sont forts, notamment une image saturée, presque sépia, signée Guillermo Navarro et quelques visions quasi-surréalistes comme cette immense bombe plantée dans la cour de l’orphelinat, épée de Damoclès menaçant à retardement chaque protagoniste, ou ce bocal de formol abritant le fœtus d’un enfant à la colonne vertébrale malformée, à laquelle le film doit son titre. Quant au casting, il est tout simplement parfait, adultes comme enfants rivalisant de justesse et de sensibilité. Fort de ces multiples atouts, L’Echine du diable est ni plus ni moins l’une des plus belles histoires de fantômes jamais portées à l’écran. Quel dommage qu’il soit autant passé inaperçu au moment de sa sortie en salles…

© Gilles Penso

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BLADE 2 (2002)

Guillermo del Toro réalise le meilleur opus d'une trilogie vampirique inégale inspirée d'un comics Marvel

BLADE 2

2002 – USA

Réalisé par Guillermo del Toro

Avec Wesley Snipes, Ron Perlman, Kris Kristoferson, Leonor Varela, Norman Reedus, Thomas Kretschmann, Luke Goss

THEMA VAMPIRES I SAGA BLADE 

Blade remporta un certain succès auprès du public, d’autant qu’il s’était affirmé comme la première adaptation cinématographique d’un personnage Marvel digne de ce nom. Une séquelle fut donc aussitôt envisagée, mais Stephen Norrington décida de ne pas la diriger, afin d’éviter de se répéter. La réalisation fut alors confiée à Guillermo del Toro, qui avait déjà abordé le thème du vampirisme de manière très expérimentale dans Cronos avant de mettre en scène Mimic, son premier film hollywoodien. Or en se réappropriant le légendaire personnage de Blade, Del Toro trouve enfin le parfait équilibre entre sa sensibilité artistique et les contraintes d’une superproduction de studio, menant tambour battant une séquelle très supérieure au film original. Le scénario de David S. Goyer, truffé de rebondissements et de chausse-trappes, s’articule autour d’un commando de vampires dirigé par l’arrogant Reinhardt (l’excellent Ron Perlman) que Blade est obligé d’épauler pour lutter contre un ennemi commun des plus redoutable : le Faucheur, un mutant insensible à l’argent, au pieu et à l’ail, et se nourrissant du sang des vampires !

Et c’est parti pour 100 minutes d’action ininterrompue, propres à ravir les fans d’horreur, d’arts martiaux et d’effets spéciaux spectaculaires. Dans ce dernier domaine, le mélange de 3D et de maquillages spéciaux permet de visualiser l’ouverture des hideuses mâchoires des Faucheurs, conçues comme des gueules carnassières multiples et visqueuses qui rappellent celles d’Alien et de Predator. Les trucages numériques permettent également de mettre en scène d’étonnantes désintégrations lorsque les vampires sont touchés par des balles d’argent ou lorsque les Faucheurs sont exposés à la lumière du jour. Les combats, très nombreux et pourtant jamais répétitifs, s’inscrivent dans l’héritage logique du cinéma de Hong-Kong et des jeux vidéo, mais sans pour autant marcher sur le terrain balisé par Matrix. Plus charismatique que jamais, Wesley Snipes mouille une fois de plus sa chemise et délivre au passage la célèbre réplique « garde tes amis proches de toi et tes ennemis encore plus proches », se référant ainsi à Sun Tzu comme il le fit déjà dans Passager 57, Soleil levant et L’Art de la guerre.

Le sang des vampires

Au beau milieu de cette frénésie musclée, Blade 2 se permet pourtant une poignée de moments franchement émouvants, comme dans la scène où Blade offre son sang à Nyssa (Leonor Varela) pour qu’elle survive, ou au cours d’un dénouement magnifique et poignant. Emaillant le film de références à d’autres héros de comic books (Daredevil, Docteur Strange, Hellboy), Guillermo del Toro se permet aussi quelques touches d’humour irrésistibles. Témoin ce passage où un personnage à qui Blade demande « êtes-vous humain ? », lui répond sans sourciller « à peine, je suis avocat » ! Blade 2 est donc une surprise permanente, un cinéma jouissif et extrême qui fait vraiment plaisir à voir. Et pour ne rien gâter, Marco Beltrami a remplacé Mark Isham, qui avait signé une bande originale sombre et planante dans le premier Blade, pour composer une musique pleine d’emphase et d’énergie.

 

© Gilles Penso

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