GREEN LANTERN (2011)

Malgré la présence du solide Martin Campbell derrière la caméra, cette incarnation à l'écran d'un des super-héros de l'univers DC est un spectacle plutôt embarrassant

GREEN LANTERN

2011 – USA

Réalisé par Martin Campbell

Avec Ryan Reynolds, Blake Lively, Peter Sarsgaard, Mark Strong, Temuera Morrison, Jeena Craig, Jon Tenney, Mike Doyle

THEMA SUPER-HEROS I EXTRA-TERRESTRES I SAGA DC COMICS

Green Lantern est un super-héros de l’écurie DC Comics créé par Bill Finger et Martin Nodell en juillet 1940. Alors que ses petits camarades Superman et Batman ont rapidement assailli les grands et petits écrans, « La Lanterne verte » est sagement restée cantonnée sur le support papier jusqu’au milieu des années 90 où quelques séries animées lui offrirent de timides apparitions. Lorsqu’on découvre le premier long-métrage consacré au justicier vert, on comprend aisément les raisons de ce débarquement tardif au cinéma. Tous ces extra-terrestres multicolores, ces boules d’énergie disco, ces planètes tourbillonnantes et ces rayons verdâtres sont certes très jolis sous les crayons et les pinceaux des dessinateurs, mais à l’écran leur restitution s’avère assez risible. Ainsi, malgré la présence expérimentée de Martin Campbell derrière la caméra (Le Masque de Zorro, Casino Royale), Green Lantern a bien du mal à convaincre. Le prologue nébuleux nous explique que l’univers est protégé par une confrérie de protecteurs de la paix portant un anneau émeraude aux vertus exceptionnelles. Qu’ils aient une peau violette, un faciès de poisson, des allures de crocodile bipède, de méduse géante ou de cyclope gélatineux, ces milliers de guerriers portent tous le surnom de « Green Lantern » et doivent faire face à une entité redoutable du nom de Parallax qui commence à décimer leurs rangs.

L’intrigue se transporte ensuite sur Terre où le pilote Hal Jordan (Ryan Reynolds), dans une ambiance post-Top Gun, joue les mauvaises têtes avec sa hiérarchie et agace la jolie Carol Ferris (Blake Lively) qui fut son amour d’enfance. Soudain, sans crier gare, des images de synthèse vertes surgissent à l’écran et entourent Jordan, car il a été choisi pour devenir le tout premier être humain à intégrer le corps des Green Lantern. Le voilà désormais revêtu d’une combinaison synthétique moulante et d’un loup qui masque son identité. La suite du récit enchaîne les péripéties improbables : un savant contaminé par du sang extra-terrestre se boursoufle comme un ballon de baudruche et développe des pouvoirs télékinésico-télépathiques, les Green Lanterns décident de créer une bague avec de l’énergie jaune parce que « le vert est la couleur de la volonté et le jaune la couleur de la peur », notre super-héros conte fleurette à son amoureuse sur une terrasse comme dans Superman, puis un gigantesque monstre mi-vaporeux mi-tentaculaire (fort bien conçu au demeurant) attaque notre planète en provoquant une belle panique.

« Le vert est la couleur de la volonté »

Cette succession d’événements épars bénéficie souvent d’effets visuels réussis (fruit du labeur d’une armada de techniciens dépensant sans compter les cinquante millions de dollars mis à leur disposition) et d’actions surprenantes, dans la mesure où les Green Lanterns ont le pouvoir de matérialiser tous les objets qui leur viennent à l’esprit pour les muer en armes offensives ou défensives. Mais ce film patchwork ne parvient jamais à véhiculer la moindre émotion, si ce n’est la tristesse de voir Tim Robbins y cachetonner dans le rôle d’un sénateur véreux. Suivant le modèle des productions Marvel, une mini-scène post-générique annonce sous forme de teaser une suite possible. Une suite qui, fort heureusement, ne verra jamais le jour, Ryan Reynolds préférant effacer ce film de sa mémoire pour passer quelques années plus tard du côté de Marvel, sous la défroque impertinente de Deadpool.

 

© Gilles Penso

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LE JUSTICIER D’ACIER (1997)

Le basketteur Shaquille O'Neal incarne un super-héros DC engoncé dans une armure truffée de gadgets

STEEL

1997 – USA

Réalisé par Kenneth Johnson

Avec Shaquille O’Neal, Annabeth Gish, Judd Nelson, Richard Roundtree, Irma P. Hall, Charles Napier, Ray J. Harvey Silver

THEMA SUPER-HEROS I SAGA DC COMICS

Conforté par les succès télévisés de L’Homme qui valait trois milliards, Super Jaimie et L’Incroyable Hulk, Kenneth Johnson choisit pour son second long-métrage cinéma (après Appelez-moi Johnny 5) de persister dans la voie du super-héros. D’où ce Justicier d’acier, librement inspiré d’un personnage de DC Comics créé par Louise Simonson et Jon Bogdanove. Le basketteur Shaquille O’Neal interprète donc du haut de ses deux mètres seize John Henry Irons (ça ne s’invente pas !), concepteur d’armes pour l’armée américaine. Son dernier projet en date est un projectile hyper-puissant qui crée de gros dégâts sans blesser aucun humain. Le rêve de tous les militaires soucieux de se donner bonne conscience, en somme. Mais le jour de la démonstration, l’arme est sabotée, provoquant un gros désastre et paralysant les jambes de Susan Sparks, collègue d’Irons. Dégoûté, celui-ci démissionne de l’armée et décide de retrouver sa famille pour oublier le drame. Or l’auteur du sabotage, Nathaniel Burke, a intégré une société de jeux vidéo servant de couverture à du trafic d’armes, et s’est mis en tête de lancer sur le marché les redoutables fusils expérimentaux imaginés par Irons et Sparks. Ces derniers décroisent leurs bras et décident d’intervenir.

Irons deviendra l’homme d’acier, un super-héros engoncé dans une armure invincible truffée de gadgets, et Sparks le guidera à distance depuis son fauteuil roulant. Et c’est parti pour de nouvelles aventures ! Dans la bande-dessinée originale, largement inspirée par le personnage d’Iron Man des Marvel Comics, l’homme d’acier était sauvé de la mort par Superman, et lorsque celui-ci mourait, le super-héros métallique reprenait son flambeau en lui rendant hommage. D’où une cape rouge et un bouclier arborant fièrement un grand « S ». Ici, l’allusion à Superman ayant été évacuée (à l’exception d’un tatouage sur l’épaule), notre homme d’acier se contente d’une carcasse à la Robocop et d’un marteau multi-fonctions ! Quant aux envolées du héros de papier, elles se sont muées en escalades à bout de filin et en poursuites à moto. Pourquoi pas ? A vrai dire, le problème du Justicier d’acier ne réside pas dans son manque de fidélité au matériau dessiné initial, mais dans son manque d’ambition et d’ampleur.

Un homme d'acier tombé dans l'oubli

Certes, les cascades et la pyrotechnie sont largement de la partie, et les effets spéciaux sont tout à fait honorables. Mais le ton gentillet, le scénario basique et l’interprétation lisse de Shaquille O’Neal et de Judd Nelson, méchant sans aucun charisme, jouent sérieusement en sa défaveur. Le choix d’un basketteur superstar en guise de tête d’affiche fut probablement dicté par le succès de Space Jam, qui mettait en vedette Michael Jordan l’année précédente, mais il ne suffit guère à faire passer à la postérité Le Justicier d’acier, qui ressemble beaucoup plus au pilote d’une série TV des années 80 qu’à un long-métrage post-Batman. Le résultat reste distrayant d’un bout à l’autre, notamment pour le jeune public à qui il semble être destiné en priorité, mais le film sombra rapidement dans l’oubli et dans l’univers impitoyable des rediffusions tardives et anonymes sur les chaînes câblées.

 

© Gilles Penso 

AVENGERS : L’ÈRE D’ULTRON (2015)

Joss Whedon tente un nouveau film choral réunissant tous les Vengeurs du Marvel Cinematic Universe mais ne retrouve pas l'alchimie de l'opus précédent

AVENGERS : AGE OF ULTRON

2015 – USA

Réalisé par Joss Whedon

Avec Robert Downey Jr, Chris Hemsworth, Mark Ruffalo, Scarlett Johansson, Chris Evans, Jeremy Renner, Aaron Taylor-Johnson

THEMA SUPER-HEROS I ROBOTS I SAGA MARVEL I AVENGERS I IRON MAN  CAPTAIN AMERICA I THOR  HULK

Soyons honnêtes : Avengers : l’ère d’Ultron est impossible à appréhender comme un film traditionnel. A la fois séquelle du premier Avengers et crossover de pas moins de huit longs-métrages, il doit aussi tenir compte de toutes les productions Marvel programmées par le studio jusqu’en 2019 et de l’ensemble des comics consacrés aux Vengeurs depuis 1963. Or si Avengers avait su trouver le parfait équilibre entre les impératifs stratégiques d’un studio en pleine expansion et les intentions d’un auteur amoureux de son sujet, ce second opus peine à retrouver l’harmonie et la pureté de son modèle. Certes, les séquences d’action irradient avec générosité un écran saturé de visions iconiques conçues comme autant de cadeaux livrés aux appétits des amateurs de comics. Les morceaux de bravoure s’enchaînent, donnant la part belle à des chorégraphies d’autant plus grisantes qu’elles reposent souvent sur le principe de la complémentarité. Les pouvoirs respectifs de chaque membre de l’équipe des Avengers s’additionnent ainsi pour décupler leur efficacité.

Mais deux bémols viennent entraver la force de ces pugilats spectaculaires : une lisibilité parfois difficile due à une propension systématique à la secousse de caméra doublée d’une 3D inconfortable, ainsi qu’un sentiment de répétition et d’accumulation des péripéties, l’ultime bataille rappelant par bien des aspects celle qui opposait nos héros aux aliens du Avengers précédent. Soucieux de ne pas perdre de vue l’angle humain de son récit, Joss Whedon laisse ses héros exposer leurs tourments au sein de séquences dialoguées redéfinissant leurs rapports et leurs statuts respectifs au sein du groupe. Inattendue, la relation presque fusionnelle qui lie Natasha Romanoff et Bruce Banner ou la vie de famille paisible d’Hawkeye ouvrent de nouveaux horizons narratifs et placent sur le devant de la scène des personnages habituellement en retrait. Mais du coup, le « trio vedette » constitué de Captain America, Thor et Iron Man, perd de sa consistance. Tony Stark, notamment, vit très peu de conflits internes au fil du récit, alors qu’il est censé en être le personnage central dans la mesure où il est à l’origine du redoutable Ultron.

La spontanéité n'a plus cours

Or la décision qui préside à la création du robot meurtrier est expédiée en quelques minutes, l’inquiétude face à ce danger soudain est à peine esquissée, et le syndrome de l’apprenti-sorcier – qui aurait dû logiquement constituer le cœur même de la narration – n’est quasiment jamais traité. D’autant que la toute-puissance d’Ultron le rend techniquement invincible. Il peut se faufiler dans tous les réseaux, contrôler toutes les machines, habiter tous les corps mécaniques qu’il souhaite… Lorsque les Avengers finissent par se débarrasser de lui au bout de deux heures vingt de métrage, d’une manière somme toute assez expéditive, on ne peut s’empêcher d’y voir une certaine facilité scénaristique, là où un autre atout que la force physique aurait sans doute dû être sollicité. Le bilan de ce second Avengers est donc mitigé, fixant les limites d’un système menaçant d’enfermer ses films dans une mécanique narrative sclérosée empêchant l’émergence de la personnalité de leurs auteurs. 

 

© Gilles Penso

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LE VILLAGE DES DAMNÉS (1995)

John Carpenter nous offre un remake fidèle du classique de Wolf Rilla, avec Christopher Reeve en tête d'affiche

VILLAGE OF THE DAMNED

1995 – USA

Réalisé par John Carpenter

Avec Christopher Reeves, Kirtsie Alley, Linda Kozlowski, Michael Paré, Meredith Salenger, Mark Hamill, Pippa Pearthree 

THEMA ENFANTS I EXTRA-TERRESTRES I SAGA JOHN CARPENTER

« J’adore les vieux films de science-fiction. C’est mon amour premier, mon genre de prédilection », confesse John Carpenter. « J’ai vu Le Village des Damnés lorsque j’avais douze ans, et j’étais tombé amoureux d’une des jeunes filles du film ! » (1) En réalisant un remake du classique de Wolf Rilla trente-cinq ans plus tard, le réalisateur d’Halloween s’est heurté à un obstacle de taille : réussir à étonner un public qui a gardé en mémoire les incroyables péripéties du film original. La surprise n’est donc pas le moteur principal de cette nouvelle version, d’autant que contrairement à son remake de The Thing ou sa relecture de L’Homme Invisible, ce nouveau Village des Damnés reste fidèle, dans les grandes lignes, au film original, lui-même tiré du roman « Les Coucous de Midwich » de John Wyndham. Christopher Reeve reprend le rôle tenu par George Sanders en 1960, et se trouve à son tour confronté aux enfants télépathes et albinos. Petite différence avec le film original : au lieu d’être menée par un garçon (interprété jadis par Martin Stephens), la petite bande est dirigée par une fillette, à qui Lindsey Haun prête ses traits inquiétants. Le scénario intègre également deux éléments nouveaux : la scientifique qui tente de percer à jour le mystère de cette génération spontanée, et le petit garçon qui, privé de sa « compagne », se détache du groupe d’enfants assassins et commence à ressentir des émotions.

Aux côtés de Christopher Reeve, on reconnaît le visage marqué de Mark Hamill, dans le rôle du révérend George. Transfuges respectifs de Superman et La Guerre des Etoiles, ces deux solides comédiens nous font magistralement oublier leur passé de super-héros, pour camper des personnages désespérément humains, fragilisés par une menace résidant dans ce qu’ils ont de plus cher : leur progéniture. « Que se passe-t-il si vous êtes le père d’un enfant qui n’a pas d’émotions, qui tue… ? C’est ce qui se passe en ce moment en Amérique, et c’est la métaphore que j’ai souhaité faire passer », nous explique John Carpenter. « Attention, ce n’est pas un film à message. Je me suis simplement demandé à quoi ce genre de comportement pourrait aboutir, en quoi est-ce que cela éveille une émotion chez nous, spectateurs. Avant tout, Le Village des Damnés traite d’extra-terrestres qui descendent sur notre planète pour engrosser toutes les filles qu’ils croisent ! » (2) 

« Ce n'est pas un film à message ! »

Si les cheveux blond platine passent moins bien en couleur qu’en noir et blanc, le regard hypnotique des enfants voit en revanche son potentiel inquiétant décuplé par l’ajout d’effets visuels et sonores agressifs (ceux de 1960, créés avec des caches optiques, étaient déjà très impressionnants). Quant aux suicides des adultes sous l’emprise des têtes blondes, ils ont évidemment gagné en violence. Carpenter se permet même quelques écarts gore que n’aurait jamais osé Wolf Rilla en 1960, comme cet homme grillé sur un barbecue pendant le black-out de Midwich. Le mur de brique, image clef du dénouement du premier film qui symbolise la barrière mentale créée par le héros adulte, a évidemment été repris par Carpenter, offrant au spectateur une ultime séquence de suspense franchement éprouvante.

 

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en février 1995

 

© Gilles Penso

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BLACULA (1972)

Dans les années 70, le phénomène de la blaxploitation s'étendait à tous les genres, y compris bien sûr le film d'horreur…

BLACULA

1972 – USA

Réalisé par William Crain 

Avec William Marshall, Thalmus Rasulala, Denise Nicholas, Elisha Cook Jr, Vonetta McGee, Gordon Pinsent, Charles Macaulay 

THEMA VAMPIRES I DRACULA

Le début des années 70 ayant marqué les premiers pas de la blaxploitation, le studio AIP (partenaire de longue date de Roger Corman) eut l’idée de se mettre au goût du jour en proposant une série de films d’horreur dont les personnages principaux, héros ou monstres, seraient interprétés par des acteurs noirs. Blacula est le premier du genre, et même s’il a mal traversé le cap des années, il reste probablement le plus intéressant spécimen de cette vogue éphémère. Le prologue, situé en Transylvanie au 18ème siècle, met en scène une délicieuse joute verbale entre le prince africain Manuwalde (William Marshall) et un Dracula aristocrate empli de duplicité, de lubricité et de racisme, à qui Charles Macaulay prête ses traits. Cordiale au début, la discussion vire donc rapidement à la dispute, jusqu’à ce que le comte ne dévoile ses canines tranchantes et ne morde son invité avant de l’enfermer dans une tombe au fin fond de la crypte de son château et de le laisser dépérir.

Passée cette introduction empreinte de classicisme, le générique en animation, accompagné d’une pétillante partition funky de Gene Page, nous donne le vrai ton du film. Nous voilà donc transportés à l’aune des seventies, où un couple homosexuel (l’un arbore une longue chevelure blonde à la Hair, l’autre une improbable coupe afro) achète le château de Dracula dans le but de le retaper. En fouillant la crypte, ils trouvent un cercueil et, curiosité oblige, entreprennent de l’ouvrir. Aussitôt surgit le prince Manuwalde, arborant désormais une cape noire et des crocs acérés, et répondant au doux nom de Blacula. Après avoir saigné à blanc les importuns, le prince vampire gagne Los Angeles, où il croit voir chez la belle Tina (Vonetta McGee) la réincarnation de son épouse, morte des mains mêmes de Dracula. Alors que les victimes s’accumulent, un entreprenant médecin légiste (Thalmus Rasulada) décide de mener une enquête qui le jettera tout droit dans les griffes de Blacula.

A cheval entre deux univers

Le film hésite sans cesse entre les tics inhérent à la blaxploitation (notamment les intermèdes musicaux aux chorégraphies improbables qui ponctuent l’histoire) et les figures imposées de l’épouvante classique (avec quelques scènes choc comme l’attaque d’une morte qui se relève de son lit de morgue, les dents longues et les cheveux hérissés, ou l’affrontement entre la police et une horde de vampires dans un entrepôt). Pourtant, la mayonnaise prend plutôt bien, en particulier grâce au charisme des comédiens et à la mise en scène efficace de William Crain, qui allait se spécialiser dans la réalisation d’épisodes de séries populaires telles que Starsky et HutchMatt Houston et Shérif fais moi peur. Et ce qui aurait pu rapidement se muer en parodie disco des films de la Hammer trouve finalement un assez juste équilibre, jusqu’à un final étrangement triste et pathétique. Bien accueilli lors de sa sortie, Blacula entraînera une séquelle, Scream Blacula Scream, ainsi qu’une succession de réadaptations « noires » des mythes de l’horreur classique, notamment BlackensteinDr Black and Mister Hyde, ou encore Abby la Malédiction Noire.

 

© Gilles Penso

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LA CITÉ DE LA PEUR (1994)

Réalisé par Alain Berbérian, le premier long-métrage des Nuls fait surgir un tueur psychopathe en plein Festival de Cannes

LA CITÉ DE LA PEUR

1994 – FRANCE

Réalisé par Alain Berbérian

Avec Alain Chabat, Chantal Lauby, Dominique Farrugia, Gérard Darmon, Sam Karman, Valérie Lemercier, Jean-Pierre Bacri, Eddy Mitchell, Tcheky Karyo

THEMA CINÉMA ET TÉLÉVISION I TUEURS

Pendant le festival de Cannes, Odile Deray (Chantal Lauby), petite attachée de presse de cinéma, essaie de faire parler de son film « Red is Dead », une série Z d’horreur navrante de médiocrité. Soudain, un tueur se met à commettre des meurtres de la même manière que dans « Red is Dead ». Opportuniste, Odile fait immédiatement venir à Cannes Simon Jérémi (Dominique Farrugia), l’acteur principal de « Red is Dead », histoire de profiter de cette publicité inespérée. Pour le protéger – et surtout pour la frime – elle engage un garde du corps, Serge Karamazov (Alain Chabat). Mais les meurtres continuent inlassablement, frappant un à un tous les projectionnistes qui osent toucher aux bobines du film maudit…

L’idée d’un tueur psychopathe en plein Festival de Cannes est excellente, même si elle était déjà présente dix ans plus tôt dans Les Frénétiques. Mais plutôt que reprendre à son compte l’humour noir et désespéré présent dans l’œuvre de David Wickes, « Le Film de Les Nuls » se réclame de la parodie pure et dure, genre comique peu pratiqué en France. Il faut dire qu’Alain Chabat, Dominique Farrugia et Chantal Lauby puisent directement leur inspiration chez David Zucker, Jim Abrahams et Jerry Zucker, trio impayable à qui le film semble presque dédié. Cela surprend peu, dans la mesure où leurs sketches télévisés étaient déjà très influencés par les ZAZ, ainsi que par les délires absurdes des Monty Pythons. « Ce qui est très agaçant avec les Monty Pythons, c’est qu’ils ont tout inventé trente-cinq ans avant tout le monde », raconte Chabat. « On a beau écrire des comédies, il est sacrément difficile d’être aussi inventif qu’eux. Si on revoit aujourd’hui le Monty Python’s Flying Circus, c’est toujours aussi fort. » (1)

« Meurs, pourriture communiste ! »

Après la télé et la radio, les Nuls franchissent sans mal le cap du grand écran, en particulier grâce à leur réalisateur Alain Berbérian qui a concocté un film techniquement très maîtrisé, lequel se paie le luxe du Dolby SR et du format Cinémascope. « On était entre copains, avec Alain Berbérian qui travaillait avec nous depuis longtemps, donc on était très détendus », confesse Chabat. « On était en famille. » (2) Évidemment, cette histoire de tueur fou n’est qu’un prétexte pour les gags divers, les apparitions de guest stars dans le rôle des projectionnistes assassinés (Jean-Pierre Bacri, Eddy Mitchell, Tchecky Karyo), et quelques savoureuses parodies, en particulier Basic InstinctLes IncorruptiblesTerminatorPretty Woman, et tous les sous Vendredi 13. Gérard Darmon se met au diapason des Nuls avec beaucoup de bonheur. Il faut dire qu’il avait déjà goûté à leur délire au cours d’un de leurs shows live sur Canal Plus « Les Nuls l’émission ». Dommage en revanche que Valérie Lemercier, au lendemain des Visiteurs, soit si sous-exploitée. On peut aussi regretter que certains gags traînent un peu en longueur pour tomber finalement à plat (comme le baiser de Lauby et Darmon, ou l’interminable saut de Chabat en pleine course-poursuite). Quoiqu’il en soit, ce coup d’essai se muera en film culte pour toute une génération de spectateurs et mettra le pied à l’étrier d’Alain Chabat. Quelques années plus tard, ce dernier fera ainsi ses débuts de metteur en scène avec Didier

 

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en janvier 2007.

 

© Gilles Penso

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LE DEMON D’HALLOWEEN (1988)

Pour son premier long-métrage en tant que réalisateur, le génie des effets spéciaux Stan Winston crée un monstre diablement iconique

PUMPKINHEAD

1988 – USA

Réalisé par Stan Winston

Avec Lance Henriksen, Jeff East, Kimberly Ross, John d’Aquino, Joel Hoffman, Cynthia Bain, Kerry Remsen, Florence Schauffler 

THEMA DIABLE ET DEMONS

Pour son premier film en tant que réalisateur, l’as des effets spéciaux Stan Winston puise son inspiration dans un poème d’Ed Justin et en tire un scénario qu’il co-écrit avec Mark Patrick Carducci, Richard Weinman et Gary Gerani. Au fin fond de l’Amérique profonde, le fermier Ed Harley (Lance Henriksen) tient une petite épicerie avec son jeune fils Billy (Matthew Hurley). Bientôt débarque la traditionnelle bande de jeunes écervelés, qui ont hâte de faire crisser les pneus de leurs motos dans la montagne. Deux d’entre eux se lancent dans une course pétaradante et Billy est renversé par accident, succombant vite à ses blessures. Fou de douleur, Ed se met en quête de la vieille Haggis (Florence Shauffler), une femme qui vit dans une cabane sinistre au sommet de la montagne et possède selon la rumeur des dons de guérisseuse. « Je n’ai pas le pouvoir de ressusciter les morts », lui dit-elle d’emblée. En revanche, elle peut lui permettre de se venger. Suivant ses instructions, Ed se rend dans un cimetière abandonné, déterre un cadavre desséché et le lui ramène. « Pour chacun des maux de l’homme, il y a un démon particulier », explique Haggis. « Celui-là, c’est la vengeance. La vengeance cruelle, sournoise, pure comme le venin ». Elle entaille la main d’Ed et Billy, fait couler leur sang sur le cadavre.

Aussitôt, Pumpkinhead revient à la vie. Haut de près de trois mètres, le crâne hypertrophié, les doigts griffus et les os saillants, c’est un monstre superbe, entré au pantéhon des créatures légendaires du cinéma d’horreur. Sa morphologie possède bien des points communs avec le prédateur d’Alien, et Stan Winston, qui fut à la bonne école, le filme de manière fort similaire, fractionnant par le cadrage le dévoilement de son anatomie et le plongeant dans une pénombre constante. La mise en scène de Pumpkinhead s’avère ainsi très soignée. La tension est vraiment palpable dans la première moitié du film, celle qui raconte les prémisses de l’accident et ses conséquences immédiates. On constate du coup un décalage entre le traitement formel du film, typique des années 80 (lumières colorées peu réalistes, fumigènes à outrance, musique synthétique), et le réalisme avec lequel sont traitées les situations et les réactions des personnages. 

La quête vengeresse

Hélas, dès que le monstre paraît et entame sa quête vengeresse, les lieux communs prennent le relais. Les protagonistes ne sont plus dès lors que de la chair à saucisse qui hurle et court en tous sens, sous les assauts répétés du croquemitaine sournois. L’originalité est alors à chercher du côté du personnage incarné par Lance Henriksen, qui regrette très vite d’avoir sollicité ce démon. Dévoré par les remords, il se tourne contre lui, tel un capitaine Achab, et n’a plus qu’une idée en tête : le détruire. « Je vais le renvoyer à l’Enfer d’où il vient », lance-t-il, un lance-flammes à la main. C’est là une belle métaphore de l’homme luttant contre ses propres désirs de vengeance. Pumpkinhead se clôt sur un climax déchirant, proche de celui de La Mouche et sur un bel épilogue qui annonce une suite possible. Il y en aura trois, respectivement réalisées par Jeff Burr en 1994, Jake West en 2006 et Michael Hurst en 2007.

 

© Gilles Penso

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THE GATE (1986)

La combinaison des effets de style de Tibor Takacs et des trucages de Randy Cook dote ce petit film d'épouvante de séquences follement surréalistes

THE GATE

1986 – CANADA / USA

Réalisé par Tibor Takacs

Avec Stephen Dorff, Christa Denton, Louis Tripp, Kelly Rowan, Jennifer Irwin, Deborah Grover, Scot Denton 

THEMA DIABLE ET DEMONS PETITS MONSTRES

A peine arrivé à Los Angeles, le réalisateur roumain Tibor Takacs s’est retrouvé aux commandes de The Gate, dont le postulat de départ s’avère être très inspiré de H.P. Lovecraft, à mi-chemin entre « La Couleur Tombée du Ciel » et le mythe de Cthulhu et des Grands Anciens. La foudre s’abat sur une petite ville des Etats-Unis, et dévoile une cavité étrange dans le jardin du jeune Glen (Stephen Dorff). Aidé de son ami Terry (Louis Tripp), Glen entreprend d’élargir le trou. Le sang de ce dernier, blessé au doigt, coule sur le sol. Il suffit alors d’une formule magique pour que les deux garçons libèrent malgré eux des forces maléfiques… Armé de moins d’un million de dollars de budget, Takacs réussit bien des fois à créer une atmosphère insolite, avec un rythme languide et d’inquiétantes images récurrentes comme la fissure dans le sol ou l’ombre des insectes qui se détache sur les murs nocturnes. Quant aux effets visuels de Randy Cook, qui interviennent au bout de trois quarts d’heure de métrage, ils provoquent une surprise permanente dans la mesure où ils sont souvent indécryptables et parfois complètement inédits. Par une combinaison savante de maquillages spéciaux, de perspectives forcées, d’animation image par image et d’effets optiques divers, des démons miniatures s’agitent en tous sens, un bras coupé se mue en serpents gigotants qui se faufilent sous une porte, un titan à la morphologie bestiale et composite jaillit hors d’un plancher… Bref, c’est un festival de visions incroyables, fruit de techniques diablement inventives.

« Dans le scénario, le Seigneur des Démons était décrit comme un grand homme dans un costume de monstre, pourchassant les enfants dans la maison », raconte Randy Cook. « Je l’ai transformé en horreur gigantesque munie de plusieurs bras tentaculaires surgissant du centre de la terre, et ce changement d’apparence a dicté une approche différente : l’emploi d’une figurine d’animation à la Ray Harryhausen. » (1) Autre contribution de Cook au scénario : le mort-vivant qui surgit derrière un mur et s’écroule au sol avant que son corps ne se transforme en une nuée de monstres minuscules. « Ce plan a pratiquement été réalisé en direct sur le plateau », explique-t-il. « Le scénariste Michael Nankin avait écrit que le Démon s’éventrait lui-même, et que les démons se ruaient de l’intérieur de son corps. Je trouvais que l’homme tombant au sol et se démultipliant serait une surprise plus intéressante, une espèce de gag à la Tex Avery. » (2)

Entre H.P. Lovecraft, Ray Harryhausen et Tex Avery

Pourquoi donc, avec tant d’atouts, The Gate ne parvient-il jamais à décoller ? Probablement à cause d’un scénario très évasif qui piétine, fixe ses propres limites et se perd dans la puérilité et l’incohérence. Comment croire une seconde à cette incantation trouvée sur un disque de hard rock ou à ces fusées de carnaval qui permettent de se débarrasser des démons ? Les jeunes héros du film étant par ailleurs assez insipides, le processus d’identification est exclu. Toutes les bonnes idées et les prouesses visuelles du film se perdent donc dans un tissu d’invraisemblances, mais on peut imaginer qu’en présence d’un scénario digne de ce nom, Tibor Takacs et Randy Cook auraient pu faire des merveilles. Les deux hommes se retrouveront d’ailleurs à l’occasion de Lectures Diaboliques, qui remportera en 1990 le grand prix du festival d’Avoriaz.

 

(1) et (2) : Propos recueillis par votre serviteur en mai 1999.

 

© Gilles Penso

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BIENVENUE A GATTACA (1997)

Pour son premier long-métrage, Andrew Niccol nous décrit un futur froid et terriblement réaliste dans lequel la position sociale dépend du patrimoine génétique

GATTACA

1997 – USA

Réalisé par Andrew Niccol

Avec Ethan Hawke, Uma Thurman, Jude Law, Alan Arkin, Loren Dean, Ernest Borgnine

THEMA FUTUR

Et si, dans un futur proche, la discrimination n’était plus liée au sexe ou à la couleur de peau mais au patrimoine génétique ? Tel est le postulat de Bienvenue à Gattacaremarquable premier long-métrage du cinéaste néo-zélandais Andrew Niccol, jusqu’alors réalisateur de films publicitaires et auteur du scénario de The Truman Show. La première chose qui frappe, dans Gattaca, est la superbe sobriété de sa direction artistique. Dans cet avenir indéterminé, les modes vestimentaires, architecturales, automobiles ou musicales semblent s’être arrêtées dans les années 50, comme si les progrès technologiques étaient inversement proportionnels à l’évolution des états d’esprits et des idéaux. Bien entendu, le choix de ces bâtiments postmodernes et de ces costumes étriqués n’est pas hasardeux. Il évoque le totalitarisme réel des années staliniennes et celui, fictif, du roman le plus exemplaire du genre : « 1984 » de George Orwell, écrit justement en 1948. D’ailleurs, rien n’est laissé au hasard dans Gattaca, du choix de son titre (référence aux quatre nucléotides composant l’ADN humain) à celui du nom de ses personnages (Eugène pour eugénisme, Cassini pour l’astronome ayant mis à jour les spécificités de la planète Saturne) en passant par le choix du mobilier (notamment un grand escalier en colimaçon, lieu d’une séquence clef du film, qui évoque la double hélice de l’ADN). Andrew Niccol est un perfectionniste, et le paradoxe s’avère étonnant lorsqu’on découvre que son film est justement une ode à l’imperfection. 

Car dans ce futur faussement idyllique, seuls les « bien nés », autrement dit les êtres humains conçus par voie non naturelle et donc génétiquement « valides », sont promus aux postes et aux rôles les plus importants de la société. Les autres (désignés par l’euphémisme « enfants de la providence » pour ne pas dire « dégénérés ») sont relégués aux tâches subalternes. Personne ne remet en cause cet état de fait, sauf Vincent Freeman (Ethan Hawke) qui rêve de voyager dans l’espace, mais doit se contenter de nettoyer les toilettes des futurs astronautes dans la mesure où il est né par voie naturelle. Il décide alors de tricher et de prendre le système à son propre jeu, s’accaparant l’identité de Jérome Morrow (Jude Law), un homme « génétiquement parfait » mais cloué sur un fauteuil roulant suite à un accident.

« Je t'ai prêté mon corps, tu m'as prêté ton rêve… »

Jérome accepte pour l’argent, mais aussi et surtout parce qu’il va pouvoir vivre la destinée de son usurpateur par procuration. « J’ai eu la meilleure part dans l’affaire », avouera-t-il la larme à l’œil. « Je t’ai seulement prêté mon corps, tu m’as prêté ton rêve. » Dès lors, tous les faits et gestes de Vincent sont savamment calculés pour éviter d’être détecté comme invalide. Mais le directeur de la mission spatiale est un jour assassiné, et l’enquête qui se déclenche risque de fragiliser son stratagème. Truffée d’idées ingénieuses (le stand où l’on peut faire des analyses express d’ADN pour savoir si le garçon ou la fille qu’on a embrassé est un bon parti) et de séquences de suspense tétanisantes (le héros contraint de se débarrasser de ses lentilles de contact et de traverser une autoroute alors que sa vue défaille), Gattaca est un joyau d’autant plus savoureux qu’il s’avère terriblement plausible.

 

© Gilles Penso

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BIRDMAN (2015)

Le réalisateur de Babel suit en plan-séquences les affres d'un metteur en scène de théâtre hanté par le super-héros qu'il interpréta jadis à Hollywood

BIRDMAN OR THE UNEXPECTED VIRTUE OF IGNORANCE

2015 – USA

Réalisé par Alejandro Gonzalez Iñarritu 

Avec Michael Keaton, Emma Stone, Edward Norton, Naomi Watts, Andrea Riseborough, Zach Galifanakis, Amy Ryan

THEMA SUPER-HEROS

Vertige : voilà le premier mot qui vient à l’esprit quand on découvre Birdman. Vertige parce que son personnage principal, une star hollywoodienne sur le retour qui monte pour la première fois une pièce à Broadway, a de plus en plus de mal à gérer son spectacle, ses comédiens, sa petite amie, son producteur, son ex-femme, sa fille… et surtout une double personnalité qui s’avère de plus en plus envahissante. Vertige parce que le réalisateur Alejandro Gonzalez Iñarritu (signataire de 21 Grammes et Babel) a décidé de tourner l’intégralité de son film en plan-séquence, la caméra ne s’arrêtant jamais de tourner autour des comédiens, même lorsque les jours défilent et que les heures s’enchaînent, sans aucune coupure, sans aucune interruption, avec une virtuosité et un sens de la chorégraphie qui nous laissent sur les rotules. Vertige parce que dans Birdman la réalité et la fiction s’entremêlent bizarrement via un jeu de miroirs et de mises en abyme qui donnent le tournis. Car notre protagoniste, Riggan Thomson, est un acteur rendu célèbre par le super-héros Birdman qu’il incarna dans les années 90, un succès colossal mais éphémère l’incitant aujourd’hui à tenter un come-back auprès du public.

Or son interprète est Michael Keaton, rendu lui aussi célèbre par un super-héros, Batman, qu’il incarna successivement en 1989 et 1992, et qui revient aujourd’hui sur le devant de la scène. Il convient de saluer comme il se doit la performance exceptionnelle de ce comédien qu’on adore depuis Beetlejuice et qui joue la carte de l’introspection et de la fausse autobiographie avec une délectation palpable et communicative. Assister à ses joutes excessives avec Edward Norton est un grand moment de bonheur, Keaton incarnant l’artiste tourmenté face à la star déjantée, tous deux symbolisant finalement les deux facettes d’un seul et même personnage schizophrénique: le comédien. Emma Stone nous séduit à son tour dans la peau de la fille de Riggan Thomson, chacune de ses apparitions traduisant une fragilité à fleur de peau dissimulée sous des atours faussement coriaces. 

Le défilement incontrôlable du temps

Et l’on ne peut que savourer le culot du réalisateur mexicain, détournant à son profit les acteurs s’étant « égaré » par le passé dans l’univers des super-héros. Outre Keaton, ex-Dark Knight de Tim Burton, Emma Stone campa la fiancée de Peter Parker dans les deux Amazing Spider-Man et Edward Norton L’Incroyable HulkLoin d’être un simple gadget, le plan-séquence est ici le meilleur moyen de fusionner le langage cinématographique et le temps réel du théâtre, mais aussi de discourir sur le défilement incontrôlable du temps et d’enchaîner sans transition la réalité et le fantasme. Iñarritu ose ainsi l’impensable, comme muer dans le même mouvement de caméra sa comédie dramatique intime en blockbuster spectaculaire le temps d’un affrontement bref mais étourdissant entre le super-héros Birdman et un gigantesque oiseau mécanique juché tel le Rodan d’Inoshiro Honda sur un des immeubles de la cité. Inclassable, insaisissable, Birdman s’apprécie davantage à chaque visionnage et impose une fois de plus la personnalité hors-norme de son réalisateur.

 

© Gilles Penso

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