X-MEN (2000)

Grâce au savoir-faire de Bryan Singer, les super-héros de l'univers Marvel font enfin leurs premiers pas sur grand écran

X-MEN

2000 – USA

Réalisé par Bryan Singer

Avec Patrick Stewart, Hugh Jackman, Ian McKellen, Halle Berry, Famke Janssen, James Marsden, Rebecca Romijn-Stamos

THEMA SUPER-HEROS I MUTATIONS I SAGA X-MEN I MARVEL

Après tant d’adaptations modestes (L’Incroyable Hulk), ratées (Captain America) voire catastrophiques (L’Homme Araignée) de l’univers Marvel, X-Men apparaît comme une bouffée d’air frais. Stan Lee trouve enfin une fière transcription de ses héros de papier sur grand écran, un mouvement amorcé par le Blade vivifiant (malgré ses nombreux défauts) que réalisa Stephen Norrington en 1998. Certes, X-Men est loin d’être parfait. La faute en incombe principalement à la nature même de la BD originale : mettre en vedette un large groupe de héros, qui par ailleurs n’a pas cessé de changer et d’évoluer au cours des années. Difficile, en deux heures, de s’attacher à chacun d’entre eux. Le film pèche donc par excès de protagonistes, et faute de les traiter tous, il se contente de les survoler. Cyclope et Tornade ne sont que figurants, Malicia est un peu abandonnée en cours de route, Xavier n’intervient que par intermittence… Seul Wolverine a droit à un traitement de faveur, et on en vient à se demander si le film n’aurait pas dû se concentrer davantage sur lui.

La structure globale du scénario souffre des mêmes problèmes. Témoin le prologue à tiroirs qui s’ouvre sur l’enfance de Magnéto, puis sur les déboires amoureux de Malicia, puis sur la vie bohème de Wolverine… La thématique générale du film elle-même, qui tourne autour du racisme et de l’intolérance, ne parvient pas non plus à se développer par manque de place. C’est d’autant plus dommage que les intentions de Bryan Singer, le talentueux réalisateur et scénariste d’Usual Suspect, étaient on ne peut plus honorables. « Peu importent le nombre d’effets spéciaux ou le genre de bande dessinée dont on s’inspire », déclare-t-il. « Ce qui m’intéresse de prime abord dans un scénario, c’est l’aspect humain. A mes yeux, les gens sont comme des oignons : chaque couche révèle de nouvelles facettes. Voilà ce qui me fascinait notamment chez les X-Men. Il faut creuser pour apprendre à les connaître, quel que soit le camp qu’ils ont choisi. » (1)

Un casting idéal

Or il y avait matière à de nombreux approfondissements en puisant dans le riche matériau créé par Stan Lee et Jack Kirby, et partiellement hérité du roman « A la poursuite des Slans » d’A.E. Van Vogt (1946) dans lequel les mutants étaient déjà objets de haine et de jalousie à cause de leurs capacités paranormales les reléguant automatiquement au rang d’êtres anormaux aux yeux du commun des mortels. Restent quelques séquences d’anthologie, comme l’apesanteur des armes qui se retournent contre leurs possesseurs ou la brève altercation entre Cyclope et le Crapaud dans la gare. Notons aussi un casting très judicieux, qui a permis à chaque héros de papier de trouver un visage en chair et en os, Hugh Jackman et Patrick Stewart en tête. Au final, X-Men ressemble au pilote d’une série TV luxueuse plus qu’à un film à part entière, et le dénouement très ouvert est d’ailleurs construit en ce sens. Toujours est-il que le film de Bryan Singer a su revigorer un genre en sérieuse perte de vitesse – le film de super-héros – et donner une seconde chance cinématographique au patrimoine Marvel, dont le point culminant allait être le prodigieux Spider-Man de Sam Raimi.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en juillet 2006

 

© Gilles Penso

 

Pour en savoir plus

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SUPERMAN LE FILM (1978)

En 1978, Christopher Reeve est devenu l'incarnation parfaite de "l'homme d'acier" pour les spectateurs du monde entier

SUPERMAN THE MOVIE

1978 – USA

Réalisé par Richard Donner

Avec Christopher Reeve, Margot Kidder, Marlon Brando, Gene Hackman, Valerie Perrine, Susannah York, Terence Stamp

THEMA SUPER-HEROS I SAGA SUPERMAN I DC COMICS

Pour célébrer le quarantième anniversaire de Superman, le producteur Ilya Salkind décide d’offrir au super-héros un film colossal. Certes, « l’homme d’acier » avait déjà crevé l’écran avec la série animée des frères Fleischer, les serials de 1948 et 1950 et le long-métrage Superman and the Mole Men de Lee Sholem en 1951. Mais l’avancée des effets spéciaux démontrée par les films catastrophe des années 70 et par La Guerre des étoiles laisse augurer une nouvelle adaptation spectaculaire. Salkind met le paquet : un budget de 55 millions de dollars, onze équipes de tournage et mille techniciens répartis sur les trois continents où s’établit un tournage d’un an et demi. « Sur ce film, nous étions toute une armée de directeurs artistiques » confirme le chef décorateur Stuart Craig (1). Quelques superstars figurent dans le film, notamment Marlon Brando (dont le salaire de quatre millions de dollars pour dix minutes d’apparition à l’écran fait couler beaucoup d’encre à l’époque) et Gene Hackman. Mais pour le rôle-titre, on se perd en conjectures. Toutes les têtes d’affiches du moment sont envisagées, de Warren Beatty à Robert Redford en passant par Nick Nolte, Clint Eastwood, James Caan, Jon Voight et même Sylvester Stallone, qui rêve d’endosser le costume rouge et bleu. Mais le rôle est finalement confié à Christopher Reeve, un quasi-débutant qui se livre à un entraînement intensif pour que sa musculature puisse rivaliser avec celle de son modèle dessiné. Son coach n’est rien moins que David Prowse, l’homme qui prête sa silhouette altière à Dark Vador !

Il ne reste plus qu’à trouver le réalisateur idéal. Steven Spielberg et Guy Hamilton sont fortement pressentis, jusqu’à ce que Richard Donner, fort du succès de La Malédiction, n’hérite de la mise en scène. Le scénario de Mario Puzo (Le Parrain) revient aux origines du héros. En début de film, la planète Krypton agonise. Avant sa totale destruction, le juge Jor-El (Brando) envoie son bébé sur la Terre pour qu’il puisse survivre. Grâce au soleil de notre galaxie, l’enfant acquiert des pouvoirs incroyables. Il est élevé par un couple de fermiers du Middle West, les Kent, et prend plus tard l’identité de Clark Kent, journaliste au Daily Planet. Dès qu’une catastrophe menace la population, il devient Superman, héros invincible au collant rouge et bleu, et s’oppose au maléfique Lex Luthor (Hackman).

Le plus gros succès de la Warner

Les effets visuels époustouflants, combinaison de maquettes, d’incrustations et de projections frontales, permettent la matérialisation de séquences folles, comme le sauvetage de l’hélicoptère, la promenade romantique au-dessus de la ville ou le vol supersonique autour de la Terre pour faire remonter le temps. Et Christopher Reeve a indéniablement « la gueule de l’emploi », épousant le personnage avec un charisme immédiat. Dommage que le scénario et la mise en scène ne soient pas toujours à la hauteur, assurant le service minimum en se réfugiant derrière les exploits techniques. A l’occasion du film, John Williams retrouve le London Symphonic Orchestra de La Guerre des étoiles pour diriger une partition héroïque de toute beauté. Avec ses 300 millions de dollars de recette, Superman sera longtemps le plus gros succès de la Warner.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en décembre 2005

 

© Gilles Penso

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HELLRAISER, LE PACTE (1987)

L'écrivain Clive Barker réalise lui-même cette adaptation d'un de ses écrits et révèle au grand public l'inquiétante étrangeté de son univers

HELLRAISER

1987 – USA

Réalisé par Clive Barker

Avec Ashley Laurence, Andrew Robinson, Clare Higgins, Olivier Smith, Sean Chapman

THEMA DIABLE ET DEMONS I SAGA HELLRAISER

L’univers de Clive Barker a souvent été comparé à celui de Stephen King, mais au milieu des années 80, l’écrivain n’avait pas encore eu les adaptations cinématographiques qu’il méritait (Transmutations et Rawhead Rex de George Pavlou n’étaient pas d’exemplaires réussites). Alors, prenant le taureau par les cornes, Barker décida, après avoir tourné deux courts-métrages, de réaliser lui-même un film tiré de son roman « The Hellbound Heart ». Tourné en Angleterre sous le titre de travail « Sadomasochists from Beyond the Grave » (« Les sado-masochistes d’outre-tombe » !), Hellraiser raconte l’emménagement de Larry Cotton (Andrew Robinson) et de sa femme Julia (Clare Higgins) dans une maison délabrée où est mort quelques années plus tôt Frank (Sean Chapman), le jeune frère de Larry. Julia se laisse convaincre en se remémorant la violente passion qu’elle avait vécue avec Frank.

Or ce dernier n’a pas tout à fait passé l’arme à gauche. Hantant le grenier dans un état embryonnaire, il est ranimé par une goutte de sang de Larry. La résurrection de Frank est l’un des moments forts du film, sollicitant les talents variés du créateur d’effets spéciaux Bob Keen. A l’aide d’effets de plateau, de maquillages spéciaux, de marionnettes et d’animation image par image, une créature poisseuse et squelettique émerge du plancher puis se recouvre progressivement de chair gluante. C’est sous forme d’un écorché digne du Monstre qui vient de l’espace que le revenant apparaît à Julia. « J’ai besoin de sang pour retrouver mon apparence » brame-t-il avec une voix gutturale. « Ça nourrit mon corps. S’il te plaît, guéris-moi ! » Julia se met alors à draguer des hommes dans les bars du coin, les ramène chez elle puis les assassine à coup de marteau. Alors que Frank reprend peu à peu forme humaine, nous apprenons qu’il revient d’une dimension parallèle peuplée de démons, les Cénobites, lui ayant fait découvrir les joies du plaisir mêlé à la douleur. C’est en faisant l’acquisition d’une boîte mystérieuse en forme de casse-tête chinois qu’il a ouvert la porte de ces monstres qui, désormais, sont sur ses traces…

Les clous du spectacle

Particulièrement sanglant, Hellraiser anticipe sur les excès gore des Saw et Hostel en nous montrant sans concession des crochets s’enfonçant en gros plan dans des chairs ou des cadavres salement décomposés. Les clous du spectacle sont bien entendu les Cénobites, qui apparaissent ici sous quatre visages différents : une créature obèse arborant des lunettes de soleil, une espèce d’alien aux dents qui claquent, un androgyne adepte du piercing et le célèbre Pinhead au visage recouvert de clous. Dans le registre des monstres, on se souviendra également de cette bestiole innommable qui poursuit la jeune Kirsty (Ashley Laurence) dans une chambre d’hôpital. Tourné pour un budget d’à peine un million de dollars, Hellraiser n’est pas exempt de maladresses et souffre d’un scénario quelque peu filiforme. Mais l’univers qu’il décrit est suffisamment intrigant pour emporter l’adhésion et susciter la curiosité. Rapportant vingt fois sa mise, il devint dès lors le premier épisode d’une longue saga horrifique.

 

© Gilles Penso

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GODZILLA (1954)

Concentré de toutes les peurs du peuple japonais, Godzilla est le précurseur d'un nouveau genre : le "Kaiju Eiga" ou "film de grands monstres"

GOJIRA

1954 – JAPON

Réalisé par Inoshiro Honda

Avec Akira Takarada, Takashi Shimura, Momoko Kawauchi, Akihiko Hirata, Takashi Shimura, Fujuki Murakami

THEMA DINOSAURES I SAGA GODZILLA

Ami de longue date d’Akira Kurosawa, Inoshiro Honda réalisa son premier film en 1951, mais ce n’est qu’en 1954 qu’il entra dans la légende en donnant corps à Godzilla, métaphore rugissante des horreurs d’Hiroshima qui traumatisèrent le jeune cinéaste alors qu’il était mobilisé sur le front. Mine de rien, peu de réalisateurs peuvent se vanter d’avoir créé un mythe ayant perduré à travers les décennies, ainsi qu’un genre cinématographique à part entière, le « kaiju eiga », autrement dit le film de monstres japonais. Inspiré au producteur Tomoyuki Tanaka par le succès de King Kong et par le scénario du Monstre des temps perdusGodzilla raconte les méfaits d’un reptile préhistorique qui dormait depuis un million d’années au fond des mers avant d’être réveillé par des expériences atomiques. Le monstre gagne le Japon à la nage et sème la mort et la désolation dans Tokyo, écrasant les habitations et broyant les trains. L’armée est impuissante contre lui, car son corps semble être chargé d’électricité. Tanks, camions, bateaux, pièces d’artillerie, rien ne résiste aux assauts répétés du monstre antédiluvien. Les scientifiques perplexes se réunissent, mais la population s’affole. Alors que tout espoir semble perdu, le docteur Serizawa trouve le moyen d’éliminer le dinosaure en détruisant l’oxygène autour de lui. Il donnera sa vie pour tuer le monstre en provoquant une explosion sous-marine.

Très sombre, parfois carrément mélodramatique, le film utilise le monstre comme moteur central d’une tragédie classique où se nouent des liens sentimentaux entre les jeunes protagonistes, où l’on se sacrifie, où l’on tire des leçons de morales désenchantées de la situation (« A trop vous moquer des légendes, vous allez finir en pâture » déclame un vieillard qui sent poindre à l’avance la colossale menace). L’impact de Godzilla au milieu des années 50 fut impressionnant, d’autant qu’il défrichait un terrain alors totalement vierge dans le paysage cinématographique japonais. Symbole des phobies nippones de l’époque (le péril nucléaire mais aussi les catastrophes naturelles et une certaine idée du fléau planétaire venu de l’irresponsabilité de l’Occident), le monstre possède la tête d’un tyrannosaure, le corps d’un iguanodon et les plaques dorsales d’un stégosaure, même si son aspect général évoque surtout le dragon traditionnel asiatique.

La suspension d'incrédulité

La présence de l’acteur Haruo Nakajima dans le costume reste évidente, malgré l’utilisation du ralenti destiné à lui donner un pas lourd, et malgré les magnifiques maquettes de la ville de Tokyo vouées à la destruction. Mais c’est une sorte de convention passée entre le cinéaste et ses spectateurs, une « suspension d’incrédulité » qui permet d’accepter la tangibilité de cette créature et la réalité de ses méfaits. Artisan des mémorables effets spéciaux donnant corps au monstre, Eiji Tsuburaya porte une grande partie du succès du film sur ses épaules. Dans la version américaine de Godzilla, le comédien Raymond Burr fait de la présence passive, afin que les spectateurs occidentaux puissent voir un visage familier au milieu de tous ces acteurs japonais inconnus. Le procédé, douteux, sera souvent employé par les distributeurs américains pour d’autres films fantastiques nippons. Il faudra plusieurs années pour que le public américain et européen puisse à nouveau visionner le film d’Inoshiro Honda dans sa version originale, expurgée de ces compléments facultatifs.

 

© Gilles Penso

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LE MONSTRE EST VIVANT (1974)

Ce premier film d'horreur de Larry Cohen ose briser le tabou de l'enfance monstrueuse avec son nouveau-né anthropophage

IT’S ALIVE !

1974 – USA

Réalisé par Larry Cohen

Avec John P. Ryan, Sharon Farrell, James Dixon, William Wellman Jr, Shamus Locke, Andrew Duggan, Guy Stockwell

THEMA ENFANTS

« Il est né il y a trois jours. Il a tué sept personnes. Ses parents sont des êtres humains. Quoique ce soit, c’est vivant ! » C’est accompagné de ce slogan intrigant que sortit Le Monstre est vivant en 1974. Après trois longs-métrages d’exploitation (Bone, Black Caesar et Hell-Up in Harlem), l’auteur/réalisateur/producteur Larry Cohen attaquait ainsi pour la première fois son genre de prédilection, l’épouvante, à travers un concept pour le moins audacieux. A Los Angeles, Lenore Davis met au monde un bébé monstre qui, dès sa naissance, sectionne avec ses dents acérées son cordon ombilical, tue médecins et infirmières de la clinique d’accouchement, puis s’échappe aussitôt, épargnant sa mère. Fruit de mutations liées à des produits commercialisés pour le grand public, le monstre tue plusieurs fois sur son passage, traqué par la police. Puis il est instinctivement guidé vers une maison… Celle de ses parents. Frank, le père de ce bébé mutant, se joint aux policiers pour retrouver sa trace et l’empêcher définitivement de nuire. Mais bientôt, des sentiments contraires animent l’infortuné géniteur…

Assez proche des angoisses chirurgicales et organiques de David Cronenberg, ce film phare de Larry Cohen distille une angoisse très efficace, via une juxtaposition thématique aux frontières du tabou : le nouveau-né et la monstruosité. Le traitement est novateur, dans la mesure où le bébé monstre, né dans une scène d’accouchement assez éprouvante, est un tueur mutant avide de chair et de sang, dont les relations avec sa famille (le père, la mère, le frère) sont très ambiguës, partagées entre l’amour et la haine, la peur et la compassion. Le jeu très intériorisé de John P. Ryan participe à cette ambiguïté. Conçue par Rick Baker, la créature s’avère très efficace, même si elle manque de finitions (en particulier au niveau des mains), probablement à cause d’un budget anémique. Avec intelligence, Larry Cohen, homme à tout faire sur le film, comme souvent, filme son bébé monstre avec parcimonie, jouant sur l’ombre, les avant-plans et le montage nerveux.

« It's alive ! »

Le final, au cours duquel la police traque le mutant dans les égouts de la ville, évoque celui de Des Monstres attaquent la ville réalisé vingt ans plus tôt par Gordon Douglas. Les cadrages approximatifs à l’épaule, la lumière peu travaillée et le montage parfois maladroit trahissent les faibles moyens du film, mais n’atténuent aucunement son impact. Cet impact est d’ailleurs amplifié par la partition du grand Bernard Herrmann qui, après ses collaborations avec Orson Welles, Alfred Hitchcock et Ray Harryhausen, signait ici l’un de ses derniers joyaux. Le titre original, It’s Alive !, se réfère à la célèbre réplique de Colin Clive lorsqu’il voit sa créature s’animer dans le légendaire Frankenstein de James Whale (Cohen y fait d’ailleurs allusion, à travers le dialogue de deux personnages dissertant sur la célèbre confusion que le public entretient entre le nom du docteur et celui de son monstre). La dernière réplique de Le Monstre est vivant laisse bien comprendre que la menace reste en suspens, et annonce déjà la possibilité d’une séquelle, ce que les confortables recettes du film au box-office permirent de concrétiser aussitôt avec la bénédiction de la Warner.

 

© Gilles Penso

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MOONRAKER (1979)

Pour suivre la mode lancée par La Guerre des étoiles, James Bond troque son smoking contre une combinaison d'astronaute

MOONRAKER

1979 – GB

Réalisé par Lewis Gilbert

Avec Roger Moore, Lois Chiles, Michael Lonsdale, Richard Kiel, Corinne Clery, Bernard Lee, Geoffrey Keen, Toshiro Suga

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I SAGA JAMES BOND

Suite au triomphe de La Guerre des étoiles, le producteur Albert Broccoli décide de surfer sur la vague du space opera en propulsant James Bond dans le cosmos. Son prétexte est le roman « Moonraker », publié par Ian Fleming en 1958 (et traduit en français par « Entourloupe dans l’Azimut » !). A vrai dire, le livre a pris un sacré coup de vieux en l’espace de vingt ans, et le scénariste Christopher Wood n’en conserve que le titre et quelques idées générales. Le scénario semble quelque peu calqué sur celui de L’Espion qui m’aimait, reprenant un prologue similaire et un super-vilain aux motivations très proches de celles de l’océanographe Stromberg, si ce n’est qu’ici la mer a cédé le pas aux étoiles. James Bond doit ainsi retrouver une navette spatiale qui a disparu au cours de son transfert en avion entre les Etats-Unis et l’Angleterre. Son adversaire est Hugo Drax, l’énigmatique constructeur de la navette qui, par ses projets, menace l’humanité entière. Il compte en effet détruire la population actuelle de la Terre et la repeupler ensuite avec une super race qu’il aura créée à l’aide d’une centaine de jeunes couples réunis dans une gigantesque station spatiale. Pour l’en empêcher, Bond s’associe au docteur Holly Goodhead et lutte contre un groupe de tueurs à la solde de Drax éparpillés partout dans le monde.

Si L’Espion qui m’aimait jouait à fond la carte de la surenchère, que dire de Moonraker ? Ici, l’auto-parodie atteint son comble, et le film multiplie les clins d’œils burlesques, en particulier à travers sa bande son (les trois premières notes du « Zarathoustra » de 2001 l’odyssée de l’espace jouées au cor de chasse, le code d’entrée d’une porte qui sonne avec les cinq notes de Rencontres du troisième type, la musique des Sept mercenaires qui accompagne une poursuite à cheval…). Si la belle Loïs Chiles se tire fort bien de son rôle de Bond Girl employée du programme spatial, c’est encore une fois du côté des méchants que le casting fait des étincelles. Michael Lonsdale compose ainsi un méchant tout en retenue et en duplicité (bien plus raffiné que son rustre modèle littéraire) et Richard Kiel fait son grand retour dans le rôle du colossal Requin aux dents d’acier. Icône désormais indissociable de l’univers de James Bond, ce pittoresque vilain nous offre une vertigineuse séquence au cours de laquelle il mord le câble d’un téléphérique pour faire basculer nos héros dans le vide. Il se rallie finalement du côté des bons lorsqu’il comprend que Drax compte se débarrasser de lui, mais ce sera sa dernière apparition dans un film de la série.

Flash Gordon 007

Nous sommes certes bien plus proches de Buck Rogers et Flash Gordon que d’Ian Fleming, mais il faut reconnaître que le spectateur en a pour son argent. A ce titre, les effets spéciaux du génial Derek Meddings sont de toute beauté, notamment la mémorable apparition de l’immense station orbitale de Drax ou la bataille finale des deux armées d’astronautes (variante spatiale du combat sous-marin d’Opération tonnerre). Quant à John Barry, il compose là une partition grandiose et envoûtante en accord avec les œuvres de science-fiction auxquelles il participa la même année (Star CrashLe Trou noir). Avec 210 millions de recettes mondiales, Moonraker fut à l’époque le film le plus rentable de la série.

 

© Gilles Penso

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LE CAUCHEMAR DE DRACULA (1958)

Le Bela Lugosi blafard et théâtral du studio Universal cède le pas à un Christopher Lee bestial aux crocs acérés et aux yeux injectés de sang

DRACULA / HORROR OF DRACULA

1958 – GB

Réalisé par Terence Fisher

Avec Christopher Lee, Peter Cushing, Michael Gough, Melissa Stibling, Carol Marsh, John Van Eyssen, Miles Malleson 

THEMA DRACULA I VAMPIRES I SAGA DRACULA DE LA HAMMER

Avant sa carrière cinématographique, Christopher Lee envisageait plutôt un avenir musical. C’est presque par hasard qu’il fut contacté par Terence Fisher, dont le flair infaillible avait vu là l’interprète idéal d’un Dracula moderne, à mille lieues de l’incarnation blafarde et théâtrale de Bela Lugosi. Un choix ô combien judicieux. Ce qui attira Lee semble avoir été entre autres la fidélité de l’histoire au texte de Bram Stoker, par la grâce d’un scénario signé Jimmy Sangster. Le récit commence en mai 1895. Jonathan Harker entre comme bibliothécaire dans le château du comte Dracula. En réalité, Jonathan est persuadé que Dracula est un vampire et il veut le démasquer pour mettre un terme à ses agissements. Lors de ses recherches, il se heurte à une femme-vampire et échappe de justesse à sa morsure. Mais il ne peut éviter celle du comte Dracula. Son ami, le docteur Van Helsing, s’inquiète alors de son silence. En découvrant son journal intime, il ne se fait plus d’illusion sur son sort peu avouable, qu’il annonce tristement à Lucy Holmwood, la fiancée de Jonathan. Or Lucy a été vampirisée par l’impitoyable Dracula. Avant que celle-ci ne soit définitivement ralliée à la cause du comte sanglant, Van Helsing s’adjoint les services d’Arthur, le frère de Lucy, et se met en chasse contre Dracula.

Dans le rôle du vampire, Christopher Lee est une révélation, aidé pour certains plans par des canines acérées  et des verres de contact injectés de sang (qui obstruaient complètement sa vue pendant le tournage, occasionnant quelques mémorables prises ratées !). Inspiré par le jeu de German Robles dans Les Proies du vampire, l’altier comédien anglais exhale une aura de fascination bestiale et quasi-érotique qu’aucun interprète n’avait jusqu’alors prêtée au personnage de Dracula. Alors qu’il fut l’année précédente un monstre de Frankenstein peu mémorable dans le pourtant magistral Frankenstein s’est échappé, Lee EST indiscutablement Dracula, retrouvant ici l’excellent Peter Cushing, aussi à l’aise en Van Helsing qu’il le fut en docteur Frankenstein. Leur affrontement final, musclé et dynamique, s’achève par une scène de décomposition anthologique, la Hammer étant également la première à montrer – en couleurs flamboyantes – l’horreur visuelle associée au mythe du comte vampire.

Une nouvelle génération de l'épouvante

La photographie et les décors étant somptueux, véritable marque de fabrique de la firme, et le reste du casting s’avérant très convainquant (avec Michael Gough faisant là ses premiers grands pas dans le cinéma d’épouvante), ce Dracula novateur ouvrit une grande brèche dans ce qu’il conviendra d’appeler une nouvelle génération du cinéma fantastique. Quant à la partition tonitruante de James Bernard, elle est encore dans toutes les mémoires des fantasticophiles. Face à la qualité du résultat et à l’accueil enthousiaste du public, Universal, qui avait presque cédé à contre-cœur à la Hammer les droits de Frankenstein et Dracula, n’hésita plus une seconde et proposa à la firme anglaise de racheter tous les autres monstres de son riche patrimoine. Christopher Lee, quant à lui, se drapera à nouveau de la cape de Dracula pour six autres films estampillés Hammer.

© Gilles Penso

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CHAIR POUR FRANKENSTEIN (1973)

Andy Warhol, Paul Morrissey et Antonio Margheriti unissent leurs talents pour concevoir une version trash et excessive du mythe de Mary Shelley… en relief !

FLESH FOR FRANKENSTEIN / CARNE PER FRANKENSTEIN

1973 – ITALIE

Réalisé par Paul Morrissey

Avec Joe Dallessandro, Udo Kier, Dalila di Lazzaro, Monique Van Vooren, Arno Juerging, Srdjan Zelenovic, Nicoletta Elmi

THEMA FRANKENSTEIN

Suite aux nombreux films underground qu’ils signèrent ensemble dès la fin des années 60, Andy Warhol et Paul Morrisey décidèrent de tenter une nouvelle expérience : un film d’horreur produit par le premier et réalisé par le second, avec l’aide du metteur en scène Antonio Margheriti. Le résultat de cette association est Chair pour Frankenstein, une adaptation parfaitement délirante du roman de Mary Shelley. L’apparent classicisme formel du film  – décors, costumes, musique – ne contraste que plus violemment avec ses débordements érotico-gore excessifs, qui semblent avant tout avoir été conçus pour choquer le bourgeois et soulever la controverse. Udo Kier incarne ici le plus illuminé de tous les barons de Frankenstein. Marié avec sa propre sœur (Monique Van Vooren), il déclame des répliques aussi hallucinantes que : « si nous réussissons à découvrir l’obsédé parfait, nos chances seront très grandes, et le mâle ainsi créé sera le fornicateur de ma femelle zombie » ! Et de raconter tout ça en cousant tranquillement des morceaux de cadavres !

Doté d’ambitions carrément nazifiantes, il veut créer une nouvelle race aryenne pour repeupler la terre, « la vraie incarnation de la race serbe », et choisit la tête de sa créature mâle en fonction de son nez grec ! Ses fonctions de chirurgien lui facilitent grandement la tâche pour disposer des corps dont il a besoin dans le but d’effectuer les prélèvements qui serviront à « construire » ses créatures. Très vite pourtant, la matière première manque et il jette alors son dévolu sur les gens des villages environnants. Au comble de cette « folie créatrice », c’est vivants qu’il finira par dépecer ses « donneurs ». Guidé par sa folie créatrice, Frankenstein parviendra effectivement à donner une vie à deux êtres esthétiquement parfaits, un mâle (Srdjan Zelenovic) et une femelle (Dalila di Lazzaro), mais ceux-ci refusent de se laisser manipuler par leur créateur et la révolte ne tardera pas à gronder…

Le sang gicle en 3D

Éviscérations diverses, décapitations au sécateur, jets de sang et d’organe éclaboussent joyeusement le métrage, tandis que l’érotisme le plus morbide s’étale à l’écran. Le baron s’accouple ainsi à sa « femelle zombie » pas encore vivante, tandis que sa sœur et épouse se laisse volontiers gagner par les charmes de la créature male et du valet incarné par Joe Dallessandro. Quant au climax, il atteint les sommets du genre : la femme de Frankenstein succombe à l’étreinte de la créature mâle, la femelle voit sa cicatrice ventrale grande ouverte par la langue lubrique de l’assistant Otto (Arno Juerling), lequel est étranglé par Frankenstein, ce dernier se retrouvant finalement empalé par une lance au bout de laquelle se suspend son foie avant que le mâle ne finisse par s’auto-éventrer ! Les cinq cadavres s’entassent alors sur le sol du laboratoire, tandis que le valet, attaché au plafond, s’apprête à devenir victime des expériences des deux enfants du Baron, à peine âgés d’une dizaine d’années ! Tourné en relief, Chair pour Frankenstein remporta un grand succès au moment de sa sortie puis de sa réexploitation en 1982, avant de devenir un hit en vidéo. La même équipe tourna dans la foulée Du sang pour Dracula, bénéficiant en outre du même casting et des mêmes décors.

 

© Gilles Penso

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BLADE RUNNER (1982)

Ridley Scott adapte un célèbre roman de Philip K. Dick et signe une œuvre phare qui servira de référence à plusieurs générations de cinéastes

BLADE RUNNER

1982 – USA

Réalisé par Ridley Scott

Avec Harrison Ford, Rutger Hauer, Sean Young, Edward James Olmos, M. Emmet Walsh, Daryl Hannah, William Sanderson

THEMA FUTUR I ROBOTS

Œuvre emblématique de la littérature de science-fiction, « Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? » permit à Philip K. Dick de marcher sur les traces d’Isaac Asimov en s’interrogeant sur l’âme et l’empathie des robots créés par l’homme. Passionnant de bout en bout, le roman n’en est pas moins austère et complexe, ce qui ne rebuta pourtant guère Ridley Scott, rasséréné par le succès de sa première incursion dans le genre, le légendaire Alien. Son adaptation restructure et redynamise le récit, sans en évacuer les questionnements métaphysiques. Nous sommes en 2019. La cité foisonnante de Los Angeles est sans cesse survolée par la police. Des « répliquants », androïdes hyper-sophistiqués, ont détourné un vaisseau pour se cacher dans la ville. Seul l’ex-flic Deckard (Harrison Ford) peut les repérer. On le déniche dans une gargote des bas quartiers pour l’amener auprès de Tyrell (Joe Turkel), le père scientifique des répliquants. Il est accueilli par une superbe créature, Rachel (Sean Young), que Tyrell lui demande de surveiller de près. Mais dans ce monde futuriste où les apparences sont trompeuses, sa mission a-t-elle une chance d’aboutir ? D’autant que le charme de Rachel ne le laisse pas indifférent…

Pour imaginer le Los Angeles de 2019, Ridley Scott (qui citera souvent Blade Runner comme « son film le plus complexe et le plus personnel ») reprend les grandes lignes futuristes de Metropolis pour les adapter à sa propre vision. Sa mégalopole grouillante, battue par une pluie incessante, obscurcie par une nuit permanente et tapissée de messages publicitaires interactifs, s’avère incroyablement réaliste. Le futur décrit par Blade Runner est sans conteste l’un des plus réalistes jamais portés à l’écran, et l’on ne compte plus les films d’anticipation qui en ont subi l’influence, de Batman à Dark City en passant par The CrowLe Cinquième élément, La Menace fantôme ou Minority Report. Aux innombrables trouvailles de l’équipe du superviseur des effets visuels Douglas Trumbull s’ajoute une extraordinaire direction artistique de David Snyder. Certaines maquettes recyclées de L’Empire contre-attaque (le Faucon Millenium), de Dark Star (le vaisseau des héros) et de Rencontres du troisième type (la soucoupe volante en forme de saucière) sont disséminées dans les vastes panoramas de la ville, mais même les yeux les plus attentifs auront bien du mal à les repérer. Comme pour Alien, mais à une plus grande échelle, les éléments science-fictionnels sont filmés avec un tel naturel qu’ils s’intègrent sans heurt dans un contexte rapidement banalisé et accepté par le spectateur.

Les codes du film noir transposés dans le futur

« Il faut savoir que Ridley Scott est un homme dont la créativité est incessante », nous racontait Wesley Sewell, qui collabora aux effets visuels de nombre de ses films. « Il est tout le temps en train d’essayer des choses, de chercher des idées et des possibilités. Ainsi ne cesse-t-il de dessiner de nouveaux plans tous les jours. C’est un excellent graphiste, et à la fin des tournages ses storyboards commencent à ressembler à de véritables œuvres d’art. Il faut dire qu’il possède lui-même de nombreuses œuvres picturales d’artistes variés qu’il utilise en guise d’inspiration et de référence » (1). Au-delà de son contexte futuriste, Blade Runner est aussi et surtout un polar dans la pure règle de l’art. Harrison Ford (à contre-emploi total si on le compare à ses deux rôles vedettes précédents, Han Solo et Indiana Jones) est le portrait typique du privé minable, et la magnifique Sean Young répond exactement aux critères des femmes fatales dont tombent amoureux ces archétypes du film noir. A leurs côtés, Rutger Hauer et Daryl Hannah excellent en robots terrifiants d’humanité et de candeur. La lutte désespérée des androïdes pour survivre – alors que le « héros » a pour mission de les abattre – pose en substance la question du bien et du mal. Une question qui reste bien sûr sans réponse, au mépris d’un manichéisme pourtant fréquent en tel contexte. Mort avant que Blade Runner ne soit achevé, Philip K. Dick aura cependant eu la joie de découvrir une bobine d’essai d’une quarantaine de minutes exhibant les plus beaux effets spéciaux du film, qui lui sera dédié.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en avril 2005 

 

© Gilles Penso

 

Pour en savoir plus…

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300 (2006)

Zack Snyder signe une adaptation brutale, graphique et sans concession du roman graphique de Frank Miller et Lynn Varley

300

2006 – USA

Réalisé par Zack Snyder

Avec Gerard Butler, Lena Headey, David Wenham, Dominic West, Vincent Regan, Michael Fassbender, Rodrigo Santoro

THEMA HEROIC FANTASY

Zack Snyder n’est plus à un défi près. Après son remake réussi de Zombie, il décide d’adapter « 300 », une BD de Frank Miller et Lynn Varley évoquant un épisode mémorable de l’antiquité grecque : la farouche résistance du roi Leonidas 1er et de ses trois cent guerriers spartiates contre les centaines de milliers de Perses dirigés par le conquérant Xerxès. Soucieux de restituer l’esprit et le graphisme du comic book, Snyder se plie aux mêmes méthodes que Roberto Rodriguez sur Sin City, autrement dit un tournage sur fond bleu et une profusion d’effets numérique. Malgré tout, le cinéaste évite le statisme inhérent aux cases d’une bande dessinée. Son film bouge, tremble, hurle avec une férocité et une bestialité qui s’imposent rapidement comme une véritable marque de fabrique.

Magnifiquement éclairé, savamment composé, chaque plan a les allures d’une peinture d’un autre âge soudain douée de vie. D’ailleurs, ces Spartiates sculptés comme des dieux antiques ne semblent-ils pas issus du pinceau d’un David ? A cette beauté formelle, Zack Snyder adjoint une violence physique quasi-surréaliste. Les membres voltigent, les têtes s’expulsent hors des cous, le sang jaillit de toutes parts, sans que rien ne semble pouvoir atténuer cette sauvagerie. On sent bien que le réalisateur connaît ses classiques, qu’Excalibur et Conan le barbare ne sont jamais très loin. Pour autant, 300 ne leur ressemble pas, revendiquant fièrement sa singularité de tous les instants. L’un des pièges du récit était la monotonie qu’aurait pu induire l’accumulation des scènes de batailles. Or, coupant court à tout effet répétitif, Snyder joue la carte du crescendo. Chaque combat est plus ardu, plus sanglant, plus complexe que le précédent.

« Ce soir nous dînons en Enfer ! »

Et si les premiers pugilats nous permettent d’apprécier le génie stratégique des Spartiates, maniant avec une adresse infinie leurs boucliers et leurs lances pour compenser la faiblesse de leurs effectifs, les dernières phases de la guerre basculent de plain-pied dans l’heroïc-fantasy la plus débridée. Car bientôt, les envahisseurs n’ont plus rien d’humain. Géant aux allures de Troll déchaîné, hideux démons masqués, éléphants titanesques, rhinocéros antédiluvien animent ainsi cette folle sarabande, tandis qu’à la cour du roi Xerxès, les femmes possédées se déhanchent lascivement autour d’un homme-bouc qui a tous les attributs du Diable. L’autre grand atout du film est son casting de premier choix, dominé par un Gerard Butler impérial. Le regard fou, le muscle saillant, il harangue ses troupes avec enthousiasme, criant dès l’aube « Spartiates, profitez de votre petit-déjeuner, parce que ce soir nous dînons en Enfer ! » Visiblement porté par l’ampleur du spectacle, le compositeur Tyler Bates s’en donne lui aussi à cœur joie. Empruntant ses chœurs au Carmina Burana dans les moments les plus épiques, entremêlant instrumentations ethniques et voix arabisantes lorsque la tragédie le réclame (dans la droite lignée des travaux de Hans Zimmer et Lisa Gerard sur Gladiator), il n’hésite pas à faire hurler des guitares électriques outrageusement anachroniques lors des combats les plus furieux et les plus spectaculaires du film. 300 se vit plus qu’il ne se regarde, et cette expérience sensitive inédite s’avère des plus réjouissantes.

 

© Gilles Penso  

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