SOLO : A STAR WARS STORY (2018)

Après Rogue One, la saga Star Wars s'offre un second spin-off consacré cette fois à la jeunesse de Han Solo

SOLO: A STAR WARS STORY

2018 – USA

Réalisé par Ron Howard

Avec Alden Ehrenreich, Emilia Clarke, Donald Glover, Woody Harrelson, Joonas Suotamo, Thandie Newton, Paul Bettany

THEMA SPACE OPERA I SAGA STAR WARS

Depuis la reprise de la franchise Star Wars par Disney, les épisodes de la saga s’enchaînent à une telle vitesse sur les écrans qu’ils ne créent plus vraiment l’événement. L’époque où les spectateurs fébriles devaient attendre trois ans pour que se résolve le terrible suspense final de L’Empire Contre-Attaque est bien lointaine. Désormais, un nouveau Star Wars sort tous les six mois, suivant deux trajectoires distinctes : les épisodes numérotés reprenant la chronologie établie initialement par George Lucas et les films isolés s’attardant sur des morceaux d’histoire non encore racontés. C’est dans cette optique que s’inscrit Solo, conçu pour narrer les aventures du fringuant Han avant qu’il ne rencontre Luke Skywalker dans La Guerre des Etoiles

Pour tout dire, une telle entreprise ne suscitait pas un fol enthousiasme : son concept même avait de quoi laisser perplexe, le choix du comédien principal n’était à priori pas très convaincant et le changement de réalisateur à la dernière minute n’avait rien de très rassurant. Pourtant, force est de constater que Solo dégage une indéniable sympathie, sans doute parce qu’il se positionne ouvertement comme un chapitre « mineur » de la saga et qu’il place ses ambitions narratives loin des combats quasi-métaphysiques opposant les Jedi des deux côtés de la force. La nature même du personnage principal pousse l’intrigue sur la voie du western, du film de guerre et du serial d’aventure, incitant John Powell à composer une bande originale trépidante à mi-chemin entre le space opera et le film de pirates.

Les pirates de l'espace

Plusieurs morceaux de bravoure ponctuent le métrage, notamment une incroyable course-poursuite sur un train futuriste, un chassé-croisé cosmique dans une nébuleuse digne de Star Trek 2 de laquelle émerge une abomination tentaculaire qui n’aurait pas dépareillé dans les écrits de H.P. Lovecraft ou encore la première rencontre entre Solo et Chewbacca (sans doute l’une des séquences les plus réjouissantes du film). L’intervention de Lando Carlissian lui-même (fort bien interprété par Donald Glover) offre au film de beaux moments de comédie. Tout en assumant pleinement son caractère « pulp », Solo nous offre une vision étonnamment réaliste de ce que serait un monde sous le régime de l’Empire. Les soldats grivois infestant les cantinas ont les allures familières d’officiers nazis se pavanant sous l’occupation, les films de propagande enjoignant la jeunesse à s’enrôler dans les armées impériales nous ramènent huit décennies en arrière et les scènes de combat au corps à corps dans les tranchées trouvent leurs échos chez les poilus de la grande guerre. Dommage que le personnage incarné par Emilia Clarke soit si peu crédible et que les ultimes rebondissements versent autant dans la caricature. Car l’enthousiasme de Ron Howard est franchement communicatif, le cinéaste retrouvant là la fougue de Willow (l’intervention furtive du comédien Warwick Davis n’est certainement pas innocente) avec une légèreté et une absence de prétention bien agréables. Certes, Solo est sans doute l’un des opus les plus facultatifs et les plus anecdotiques de la saga Star Wars, mais c’est aussi le plus décomplexé et le plus désinvolte. Pourquoi refuser un plaisir si simple ?

© Gilles Penso

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LE CHIEN DES BASKERVILLE (1959)

La plus fantastique des aventures de Sherlock Holmes portée par le trio Terence Fisher, Peter Cushing et Christopher Lee

HOUND OF THE BASKERVILLE

1959 – GB

Réalisé par Terence Fisher

Avec Peter Cushing, Christopher Lee, André Morell, Marla Landi, David Oxley, Francis De Wolff, Miles Malleson, Ewen Solon

THEMA MAMMIFÈRES

Après avoir respectivement excellé dans les rôles titres de Frankenstein s’est échappé et Le Cauchemar de Dracula, Peter Cushing et Christopher Lee trouvent à nouveau des rôles à la mesure de leur talent et de leur prestance dans cette très élégante version du fameux roman d’Arthur Conan Doyle. Cushing y campe un Sherlock Holmes imbu de lui-même au flegme délicieusement irritant, et Lee un Henry Baskerville taciturne à la haute stature et au charme ténébreux. Celui-ci revient dans la maison de ses ancêtres au beau milieu de la lande écossaise, après que son oncle Charles ait été retrouvé mort dans d’étranges circonstances. D’aucuns attribuent ce décès à la malédiction qui frappe la famille Baskerville depuis que le détestable Sir Hugo a assassiné une jeune paysanne qui se refusait à lui. Selon la légende, cette malédiction prend la forme d’un chien assoiffé de sang venu tout droit de l’enfer. Holmes mène donc l’enquête, accompagné du docteur Watson, interprété avec beaucoup de finesse par André Morell. 

Le film laissant la part belle à ses extraordinaires comédiens et à de savoureux dialogues (au cours desquels Cushing prononce avec délectation le fameux « élémentaire mon cher Watson »), les scènes d’action et d’épouvante restent discrètes et se voient réserver la portion congrue. Elles s’avèrent cependant très efficaces, notamment le prologue qui conte les méfaits sanguinaires de Hugo Baskerville, ou cette séquence londonienne qui semble annoncer l’un des moments forts de James Bond contre Docteur No et dans laquelle Henry est menacé par une redoutable tarentule. D’un bout à l’autre du métrage, la mise en scène de Terence Fisher s’avère inspirée, fluide et judicieusement dynamique. On émettra plus de réserves sur le fameux chien du titre, qui n’apparaît furtivement qu’à la toute fin du film, et dont la tête disproportionnée aux oreilles dressées lui donne un peu les allures d’une chèvre ! Nous sommes bien loin de la description de Conan Doyle, qui affirmait tout de même : « jamais aucun rêve délirant d’un cerveau dérangé ne créa vision plus sauvage, plus fantastique,
plus infernale que cette bête qui dévalait du brouillard. » Les fantasticophiles de tous poils étaient donc en droit d’espérer une vision plus marquante que ce pauvre cabot vaguement grimé pour symboliser le chien de l’enfer, d’autant que l’un des posters les plus connus du film exhibait un molosse baveux aux crocs acérés autrement plus terrifiant… 

L'une des meilleures incarnations de Holmes à l'écran

Cette maladresse mise à part, Le Chien des Baskerville de Fisher demeurera sans doute l’une des meilleures incarnations à l’écran de Sherlock Holmes. Ce fut d’ailleurs, pour l’anecdote, la première adaptation en couleurs d’une aventure du célèbre détective. La Hammer envisageait d’ailleurs d’enchaîner avec d’autres films mettant en vedette Peter Cushing dans le rôle du héros fétiche de Conan Doyle, mais le fond de commerce de la compagnie britannique étant les monstres, les autres romans n’offrirent pas la matière nécessaire à de nouveaux développements fantastiques. Le Chien des Baskerville de Terence Fisher demeura donc une tentative isolée.
 
© Gilles Penso

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TEEN WOLF (1985)

Dans la foulée du triomphe de Retour vers le futur, Michael J. Fox se transforme en lycéen loup-garou

TEEN WOLF

1985 – USA

Réalisé par Rod Daniel

Avec Michael J. Fox, James Hampton, Susan Ursitti, Jerry Levine, Scott Paulin, Lorri Griffin, Mark Arnold, Jim Mackwell

THEMA LOUPS-GAROUS

Le succès fulgurant de Retour vers le Futur fit monter en flèche la cote de Michael J. Fox, qui se vit logiquement proposer d’autres comédies fantastiques. Le voilà donc à l’affiche d’un Teen Wolf recyclant sans finesse les thématiques d’I Was a Teenage Werewolf, notamment l’emploi de la lycanthropie comme métaphore des métamorphoses de l’adolescence. L’ex-Marty McFly incarne ici Scott Howard, un lycéen banal amoureux de la blonde Pamela, laquelle n’a d’yeux que pour le musclé Mick, alors que Scott, lui, est aimé en secret par la discrète Myriam. D’emblée, on sent que les choses s’apprêtent à voler haut. Le film nous livre alors les principales préoccupations de ses protagonistes : se faire inviter à une fête, acheter de la bière alors qu’on n’est pas encore majeur, participer à des jeux stupides, ou encore danser sur le toit d’une camionnette qui roule en pleine ville (via une scène pesante qui utilise le tube « Surf in USA » en guise de bande originale). 

Membre d’une exécrable équipe de basket, Scott découvre avec stupeur qu’il est en train de changer. Des poils lui poussent sur le torse et les mains, les ultrasons le titillent, son dos le gratte, ses oreilles commencent à ressembler à celles de Monsieur Spock… Il tente bien d’en parler avec son père, brave propriétaire d’une quincaillerie, ou son entraîneur (le seul personnage vraiment drôle du film), mais personne n’y prête vraiment attention. Or un soir, après une fête très années 80, il se métamorphose totalement. Ses dents s’affûtent comme celles de Dracula, ses ongles poussent, son visage se déforme avec des bladders, et le voilà finalement affublé d’un visage et de mains de loup-garou, un maquillage épuré de Tom Burman qui semble imiter celui de Roy Ashton dans La Nuit du Loup-Garou. Là, il faut tout de même reconnaître que Teen Wolf nous offre un gag très réussi, car au moment où son père frappe à la porte pour voir Scott, celui-ci refuse obstinément puis finit par céder… Et le face à face qui s’ensuit, que nous ne révèlerons pas ici, vaut son pesant de cacahuètes. A l’issue de quoi Scott s’entend dire par son géniteur : « ayant ce grand pouvoir, tu auras de grandes responsabilités », clin d’œil au célèbre leitmotiv des aventures de Spider-Man. 

Un basketteur au poil

Cette métamorphose n’étant à priori que physique, dans la mesure où le personnage ne change pas de comportement, le symbole de la puberté perd tout son sel. Comme en outre tout le monde admet sans problème que Scott est un loup-garou, dès sa première transformation publique en plein match de basket, la carte du quiproquo et des situations comiques n’est même pas exploitée par le film. Reste donc une série de séquences ineptes où le jeune loup-garou devient un sportif de haut niveau, est adulé par les foules, dragué par la fille de ses rêves, admiré par les professeurs, sollicité pour des autographes, tandis que son ami Steve vend des produits dérivés aux lycéens. Le spectateur, dont la patience est mise à rude épreuve, doit encore supporter un bal de fin d’années et un interminable match de basket pour que lui soit enfin assénée la morale de l’histoire : « il faut avoir confiance en soi et savoir rester soi-même ». Une séquelle, Teen Wolf Too, verra le
jour en 1987, avec Jason Bateman dans le rôle du cousin de Scott.

© Gilles Penso

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LA PEAU SUR LES OS (1996)

Le réalisateur du premier Chucky adapte Stephen King et nous révèle les secrets d'un régime redoutablement efficace !

THINNER

1996 – USA

Réalisé par Tom Holland

Avec Robert John Burke, Joe Mantegna, Lucinda Jenney, Michael Constantine, Kari Wuhrer, Joie Lenz, Time Winters

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I SAGA STEPHEN KING

Un an après s’être attaqué à l’adaptation des “Langoliers“, le cinéaste Tom Holland se penche sur une autre œuvre de Stephen King en portant à l’écran “La Peau sur les Os“, un roman que l’écrivain signa Richard Bachman en 1984. Le héros de ce récit cruel est un homme en surpoids qui, suite à un maléfice, maigrit de manière inexorable. Pour le rôle principal, King verrait bien John Goodman, dont l’embonpoint est alors légendaire. Mais comment le faire maigrir ? On opte finalement pour la solution inverse, bien plus logique : choisir un acteur de gabarit moyen et le faire grossir grâce à des prothèses. Le comédien sélectionné est Robert John Burke, que les fantasticophiles connaissent pour le rôle principal qu’il tint dans Robocop 3, remplaçant au pied levé Peter Weller sous l’armure du policier cyborg. Le talentueux Greg Cannom (Cocoonle Dracula de Coppola, The Mask) est chargé de muer Burke en bibendum mais aussi de visualiser les différentes mutations décrites dans le scénario. Son travail s’avère assez spectaculaire, bien qu’un peu trop excessif pour convaincre totalement. Directement destiné au marché vidéo, La Peau sur les Os se pare aussi d’une très belle bande originale de Daniel Licht, sous l’influence manifeste de Bernard Herrmann et Danny Elfman. 

Le personnage principal de La Peau sur les Os est donc Billy Halleck, un avocat obèse peu embarrassé par les problèmes d’éthique liés à son métier. Il défend ainsi le gangster Richie Ginelli  (Joe Mantegna) et le fait innocenter. C’est alors qu’une foire de gitans s’installe en ville, juste devant son cabinet. Un soir, son épouse lui prodigue une petite gâterie pendant qu’il est au volant. Distrait, il ne voit pas une vieille gitane qui traverse la route et l’écrase. Le procès qui s’ensuit le disculpe de toute accusation, avec la complicité d’un juge complaisant (John Horton). Tadzu Lempke (Michael Constantine), le vénérable gitan dont la victime était la femme, décide alors de se venger en jetant un sort aux complices de cet homicide. Il rend ainsi visite au juge en le touchant au ventre et en lui murmurant le mot « lézard ». Puis il vient à la rencontre de Billy et effleure sa joue en prononçant le mot « maigris ». Il procède de manière assez similaire avec le policier qui a témoigné en faveur de Billy. 

« C'est l'évolution à l'envers ! »

Les effets de cette triple incantation ne tardent pas à se faire sentir. Le juge développe sur son torse une sorte de psoriasis qui ressemble de plus en plus à des écailles. « C’est l’évolution à l’envers ! » s’exclame son épouse. Le policier, de son côté, voit sa peau se recouvrir d’horribles boursouflures. Quant à Billy, il commence à maigrir, alors que son alimentation d’ogre reste la même. Hélas, malgré un point de départ plutôt intriguant, le concept de La Peau sur les Os fixe ses propres limites au bout d’environ trente minutes. A partir de ce premier tiers de métrage, le scénario commence à tourner en rond et les derniers rebondissements deviennent ridicules, au mépris de la logique et de la psychologie la plus élémentaire. On note que Stephen King fait ici une petite apparition dans le rôle d’un pharmacien nommé Bangor.

 

© Gilles Penso

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LE RETOUR DE CHUCKY (2017)

Le septième opus de la saga Chucky joue la carte du huis-clos en multipliant les massacres dans un institut psychiatrique

CULT OF CHUCKY

2017 – USA

Réalisé par Don Mancini

Avec Fiona Dourif, Alex Vincent, Jennifer Tilly, Michael Therriault et la voix de Brad Dourif

THEMA JOUETS I SAGA CHUCKY

Scénariste débutant à l’époque de Jeu d’Enfant (dont le script fut largement réécrit par Tom Holland), Don Mancini s’est érigé depuis Le Fils de Chucky en « autorité suprême » de la saga de la poupée tueuse, ne laissant plus personne que lui écrire ou réaliser les épisodes de la franchise. Quatre ans après une Malédiction de Chucky ayant laissé aux spectateurs un sentiment un peu mitigé, Mancini redonne la vedette au personnage de Mica (Fiona Dourif, dont les traits ressemblent de plus en plus à ceux de son père le comédien Brad Dourif). Accusée de tous les meurtres de Chucky, diagnostiquée schizophrène, elle a été internée dans une institution psychiatrique. Selon les médecins, la poupée vivante n’est qu’une hallucination permettant à la jeune femme de se déresponsabiliser de ses actes meurtriers. Après quatre ans, on estime qu’elle a fait
suffisamment de progrès pour être transférée dans un centre de sécurité moyenne. 

Jennifer Tilly, qui jouait le rôle de Tiffany dans La Fiancée de Chucky puis son propre rôle dans Le Fils de Chuckyhérite ici d’un troisième personnage : Madame Valentine, tutrice de la nièce de Nica. Ce triple rôle successif est un peu déstabilisant, et Mancini croit bon de cligner de l’œil à l’attention du spectateur avec une réplique directement adressée à la comédienne : « on vous a déjà dit que vous ressembliez à Jennifer Tilly ? » L’intrigue démarre vraiment lorsque deux poupées Chucky viennent prendre place dans l’établissement. L’une est utilisée par le psychiatre pour la thérapie de Nica, l’autre est apportée par Madame Valentine. Quand les meurtres recommencent, la confusion devient totale. Car ici, Chucky semble capable d’habiter plusieurs corps en même temps, qu’ils soient en plastique ou en chair vivante. 

Deux poupées pour le prix d'une

Les rebondissements n’ont bientôt plus aucun sens et les nouveaux pouvoirs démoniaques de la poupée sanglante entrent en totale contradiction avec le concept initialement établi en 1988. Le film cherche pourtant à retourner aux sources en convoquant Alex Vincent, qui jouait Andy dans Jeu d’Enfant et qui reprend son rôle à l’âge adulte en ne reculant devant aucun excès archétypal. Son personnage vit en effet reclus dans une cabane truffée d’armes et garde dans un coffre fort la tête défigurée – et encore vivante – de Chucky. Signés Tony Gardner, les effets spéciaux de maquillage jouent la carte du gore excessif, notamment lors des nombreuses mises à mort de ce nouveau Chucky doué d’ubiquité. La mise en scène, de son côté, hésite entre plusieurs styles, se laissant tour à tour influencer par Brian de Palma (la séquence de suspense en split-screen), Dario Argento (la vitre brisée d’un plafond qui décapite une victime façon Suspiria) et Alfred Hitchcock (la découverte d’un cadavre ensanglanté à la manière des Oiseaux), tandis que le compositeur Joseph LoDuca rend hommage à Bernard Herrman (et notamment à Psychose) pendant le générique. Maladroit, poussif, absurde, Le Retour de Chucky continue donc de déprécier une franchise n’ayant connu finalement que deux véritables éclats : Jeu d’Enfant et La Fiancée de Chucky.
 
© Gilles Penso

 

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LES LANGOLIERS (1995)

Un long téléfilm qui s'efforce maladroitement de rendre justice à un roman de SF de Stephen King

THE LANGOLIERS

1995 – USA

Réalisé par Tom Holland

Avec David Morse, Dean Stockwell, Patricia Wettig, Kate Maberly, Bronson Pinchot, Christopher Collet, Kimber Riddle

THEMA MONDES PARALLELES ET MONDES VIRTUELS I SAGA STEPHEN KING

Stephen King n’a jamais caché ses sources d’inspiration. Lorsqu’il écrit le court roman “Les Langoliers“, publié dans le recueil “Minuit 2“ en 1990, il joue à faire glisser ses personnages dans un dérèglement de la réalité, suivant ainsi la trace des récits de H.P. Lovecraft et de la série mythique La Quatrième Dimension. Dans “Les Langoliers“, les passagers d’un avion se retrouvent dans une sorte de monde alternatif où des entités extraterrestres dévoreuses de mondes sont à leur poursuite. Pour transformer ce récit en téléfilm en deux parties d’une heure trente chacune, on sollicite Tom Holland, réalisateur de deux longs-métrages qui occupent une place particulière dans le cœur des fantasticophiles : Vampires vous avez dit vampire et Jeu d’Enfant

Dans un vol qui quitte Los Angeles à destination de Boston, dix passagers se réveillent et découvrent que tous les autres ont disparu en laissant sur place leurs affaires personnelles (y compris l’argent, les bijoux, les lunettes, les appareils dentaires et les perruques). Même le cockpit est vide. La radio est en panne et l’avion est en pilotage automatique. A travers les hublots, seuls des nuages sont visibles. Que s’est-il passé ? Le monde aurait-il disparu ? Le pilote Brian Engle (David Morse) prend les commandes et fait atterrir l’appareil à Bangor, dans le Maine. Or l’aéroport est totalement vide. Autres bizarreries : on n’entend aucun écho et les aliments n’ont pas de goût. L’écrivain Bob Jenkins (Dean Stockwell) développe une théorie : ils sont victimes d’une déchirure dans le temps, plongés dans un passé sans sensibilité ni saveur. Le banquier Craig Toomeey (Bronson Pinchot) commence à être victime d’hallucinations. Il voit des monstres à la place des passagers, est assailli par des souvenirs d’enfance traumatisants, revoit son père qui le tyrannise. 

Des mâchoires volantes en image de synthèse

Maladroits et surabondants, les dialogues ne facilitent pas la crédibilité déjà bien émoussée du récit. « J’ai écrit quarante romans sur le mystère, mais aucun ne l’est autant que ceci », entend-on par exemple de la bouche de Dean Stockwell qui devine tout avant tout le monde. Chacun raconte à tour de rôle une tranche de sa vie, sous forme de confessions aussi mécaniques qu’artificielles, et l’on sent bien que le scénariste parle par la bouche de ses personnages pour tenter de construire leur personnalité puis de nous expliquer laborieusement les théories de science-fiction qui sous-tendent l’histoire. Lorsque vers la fin du métrage les pylônes des lignes à hautes tension vacillent puis se tordent sous le poids d’une entité invisible, un regain d’espoir gagne le spectateur, prêt à découvrir des créatures de la teneur du Monstre de l’Id de Planète Interdite. Hélas, au moment précis où les entités extraterrestres entrent dans le champ, les dernières bribes de vraisemblance des Langoliers volent en éclat. Comment pourrait-il en être autrement face à ces grandes mâchoires volantes qui figurent sans conteste parmi les images de synthèses les plus hideuses et les plus mal animées jamais vues sur un écran ? Il s’agit donc d’un ratage en bonne et due forme, indigne du talent et du savoir-faire de Tom Holland, dont les crédits de scénariste comptent aussi les remarquables Class 1984 et Psychose 2.

 

© Gilles Penso

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STAR WARS EPISODE VIII – LES DERNIERS JEDI (2017)

Rian Johnson prend le relais de J.J. Abrams pour redéfinir sous un angle surprenant les codes et l'esthétisme de la saga

STAR WARS : EPISODE VIII – THE LAST JEDI

2017 – USA

Réalisé par Rian Johnson

Avec Daisy Ridley, John Boyega, Oscar Isaac, Adam Driver, Mark Hamill, Carrie Fisher, Joonas Suotamo, Gwendoline Christie, Andy Serkis, Domhnall Gleeson, Anthony Daniels, Jimmy Vee, Laura Dern, Benicio del Toro

THEMA SPACE OPERA I SAGA STAR WARS

Conscient de certaines des faiblesses narratives du Réveil de la Force, Rian Johnson a trouvé le moyen de les justifier habilement dans Les Derniers Jedi, voire de les tourner gentiment en dérision, en un exercice de haute voltige scénaristique assez étourdissant. Le traitement des nombreux personnages s’affrontant dans ce huitième épisode témoigne de cet état de fait. Si Rey (Daisy Ridley) et Finn (John Boyega) demeurent les figures centrales de l’intrigue, le cinéaste n’hésite pas à les reléguer parfois à l’arrière-plan pour mieux développer les autres personnages. Gauche et peu crédible dans Le Réveil de la Force, Kylo Renn (Adam Driver) s’étoffe. Ses conflits intérieurs et ses prises de position parfois irrationnelles révèlent leur propre cohérence, au sein d’un parcours psychologique semé d’obstacles. Snoke (Andy Serkis) n’est plus un simple ersatz de l’Empereur mais une entité maléfique à part entière, partagée entre la duplicité et la toute-puissance. De l’autre côté de la Force, nous redécouvrons enfin une Princesse Leïa en pleine possession de ses moyens. Si rigide chez J.J. Abrams, la regrettée Carrie Fisher prend l’ampleur qu’elle mérite et révèle même des capacités insoupçonnées lors d’une démonstration inattendue de l’utilisation de la Force, au cours d’une séquence très risquée qui aurait pu sombrer dans le grotesque si Rian Johnson ne l’avait pas nimbée de poésie et de beauté. Luke Skywalker lui-même, resté en suspens deux ans plus tôt, a désormais l’âge et l’expérience du vieil Obi Wan Kenobi, mais a-t-il acquis sa sagesse ? Il est permis d’en douter, et le rôle majeur qu’il s’apprête à jouer dans le dénouement du conflit demeure incertain. Très en retrait jusqu’alors, le pilote Poe Dameron (Oscar Isaac) se révèle être l’un des personnages clés de cette nouvelle guerre des étoiles. Tête brûlée aux décisions souvent impulsives, il rappelle par certains traits de son caractère la fougue de Han Solo sans pour autant chercher à l’imiter. 

Car Rian Johnson a compris qu’il n’était plus nécessaire de calquer les épisodes de la trilogie originale pour développer la saga. Le cinéaste la transporte donc dans des territoires inexplorés, resserrant l’intrigue jusqu’à la muer en une sorte de compte à rebours infernal au cours duquel les jours de la Résistance semblent comptés. Ce sentiment d’urgence est perceptible dès l’incroyable bataille spatiale du prologue où des bombardiers rebelles sont lâchés sur un destroyer impérial afin de le détruire, aux accents de la symphonie spatiale d’un John Williams plus inspiré que jamais. « John Williams a la réputation d’être un homme d’une grande gentillesse », nous confie Rian Johnson. « Il l’est encore dix fois plus que ce que vous pouvez imaginer. Nous avons eu quelques désaccords, notamment par rapport à l’émotion que je souhaitais exprimer dans certaines séquences. Mais la plupart du temps, je me contentais d’écouter ses propositions, toutes plus belles les unes que les autres. » (1) Avec l’apport du directeur artistique Rick Heinrichs, Rian Johnson brosse des tableaux rivalisant de beauté plastique, notamment la cour écarlate de Snoke flanqué de ses gardes samouraïs, l’époustouflante bataille finale sur une planète recouverte d’une pellicule de sel immaculé qui, lorsqu’on le heurte, révèle une couche de terre rouge (la planète semble saigner, au cœur d’une échauffourée basculant quasiment dans le surréalisme), ou encore cette séquence à couper le souffle dans laquelle l’emploi de l’hyper-vitesse provoque une réaction en chaine incroyable. 

Un vent de fraîcheur inattendu

Certes, tout n’est pas parfait dans Les Derniers Jedi. Nous nous serions par exemple passés de cette énième imitation de la Cantina sise dans une planète luxueuse où les nantis dépensent des fortunes dans les casinos locaux. La laideur des décors et des créatures est en partie assumée – puisqu’il est question ici de vulgarité – mais le résultat ne convainc guère, d’autant que l’intrigue ralentit et patine un peu à ce stade du récit. Ce passage anecdotique présente tout de même l’intérêt de soulever une thématique jamais abordée jusqu’alors dans la saga : l’activité des marchands d’armes à qui profite la guerre puisqu’ils fournissent aussi bien les Rebelles que l’Empire. Soucieux de capturer l’essence des Star Wars de la première heure, Johnson sollicite l’expertise du superviseur des effets visuels Dennis Muren, vétéran de la saga. « Il m’a donné de précieux conseils pour faire ressentir aux spectateurs la vitesse des flottes de vaisseaux spatiaux, ce qui n’est pas si simple », explique-t-il. « Avec un fond spatial, vous n’avez pas de repère pour appréhender la vitesse des déplacements ». (2) Face à la flamboyance de la mise en scène de Rian Johnson, à la force nouvellement acquise des ses personnages, à la redoutable efficacité de ses moments de suspense et à l’originalité de son approche, nous nous laissons allègrement séduire et transporter par Les Derniers Jedi. Tant pis pour les esprits chagrins sans doute trop bridés par leur allégeance aux épisodes précédents pour accepter ce vent de fraîcheur.

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en décembre 2017

 

© Gilles Penso

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THE MANGLER : LA PRESSEUSE DIABOLIQUE (1994)

Tobe Hooper s'empare d'une nouvelle de Stephen King pour décrire les méfaits d'une machine aux appétits voraces

THE MANGLER

1994 – USA

Réalisé par Tobe Hooper

Avec Robert Englund, Ted Levine, Daniel Matmor, Jeremy Crutchley, Vanessa Pike

THEMA OBJETS VIVANTS SAGA STEPHEN KING

Seize ans après Les Vampires de SalemTobe Hooper retrouve l’univers de Stephen King à l’occasion de The Mangler, d’après la nouvelle « La Presseuse » publiée en 1978 dans le recueil « Danse Macabre ». Ce texte court mais redoutablement efficace est inspiré à l’écrivain par un fait réel. Alors jeune père, il arrondissait ses fins de mois en travaillant d’arrache-pied dans une blanchisserie surchauffée et y rencontra un homme à tout faire qui perdit ses deux bras après une chute dans l’essoreuse. Son imagination ne met pas longtemps à en tirer une histoire d’horreur. Sous sa plume, l’essoreuse se transforme en monstre : « La machine semblait bel et bien vivante – une machine respirant à grandes goulées brûlantes puis émettant pour elle-même des chuchotements sardoniques et sifflants. » Avec le réalisateur de Massacre à la tronçonneuse derrière la caméra et la star des Griffes de la nuit en tête d’affiche, l’adaptation cinématographique de ce texte court et incisif part avec de nombreux atouts en poche. Tobe Hooper donne ainsi corps à cette nouvelle en plantant ses caméras en Afrique du Sud et en s’appuyant sur un scénario qu’il co-écrit avec Stephen David Brooks (Spiders) et Harry Alan Towers (Le Masque de Fu Manchu).

A la suite d’un accident de travail sanglant, John Hunton (Ted Levine), un inspecteur de police surmené, décide de s’intéresser de près à la vie mystérieuse de Bill Gartley (Robert Englund), le propriétaire de la blanchisserie lugubre où a eu lieu le sinistre. Il y découvre toute une série d’événements préoccupants qui l’amènent à s’intéresser de près à « La Mangeuse », une machine dont la fonction est de repasser et de plier le linge, mais qui est visiblement possédée par une force maléfique. Ne reculant devant aucun excès, Hooper s’adonne sans retenue à l’horreur graphique et malsaine. Les malheureuses victimes de l’impressionnante « Mangeuse » y sont écrasées avec force détails – et bruitages croustillants ! 

Robert Englund plus lugubre que jamais

Robert Englund, maquillé par David Miller (qui avait créé le premier visage de Freddy Krueger dans Les Griffes de la Nuit), s’avère assez dérangeant en patron mutilé et pervers de cette laverie sanglante. Il finira littéralement plié en quatre comme un drap par la machine hantée, dans une scène qui atteint les sommets du gore. Ted Levine, psychopathe du Silence des Agneaux, traîne quant à lui une silhouette massive et fatiguée à la Eddie Constantine dans le rôle du héros policier. La scène spectaculaire de l’esprit maléfique s’échappant d’une glacière nous rappelle que Hooper fut aussi le réalisateur de Poltergeist. Le cinéaste réussit d’ailleurs à doter sa machine d’une personnalité et d’une présence très marquantes, suscitant un climat de sourde inquiétude à chacune de ses apparitions. Au cours du caricatural exorcisme final, à grand coup d’incantations, d’hosties et de jets d’eau bénite, la « Mangeuse » se transforme littéralement en monstre, via quelques images de synthèse s’efforçant de coller au texte de King décrivant « une masse qui le contemplait de ses deux énormes yeux électriques, ouvrant grande sa gueule où palpitait une langue de toile ». Un peu confus, ce climax est révélateur du problème majeur du film, dont les séquences d’horreur efficaces ne masquent guère la vacuité de son scénario. Les multiples réécritures de ce script un peu anémique d’Harry Alan Towers, y compris pendant le tournage, expliquent sans doute cette sensation de vide. The Mangler reste donc très secondaire sur les parcours croisés de Stephen King et Tobe Hooper.

© Gilles Penso

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C.H.U.D. (1984)

Suite à un dépôt illicite de matières radioactives, les clochards de New York se transforment en mutants anthropophages

C.H.U.D.

1984 – USA

Réalisé par Douglas Cheek

Avec John Heard, Kim Greist, Daniel Stern, Christopher Curry, Laure Mattos, Brenda Currin, Justin Hall

THEMA MUTATIONS

C.H.U.D. est un de ces films qu’on aurait du mal à imaginer en dehors du contexte des années 80. Excessive et décomplexée, cette œuvrette éminemment sympathique s’appuie sur un postulat délirant imaginé par Shepard Abbott, dont ce sera le seul titre de gloire. Dans les bas-fonds de New York, les disparitions inexpliquées se multiplient. Le photographe George Cooper (John Heard), le capitaine de police Bosch (Christopher Curry) et le responsable de la soupe populaire locale (Daniel Stern) mènent l’enquête et découvrent finalement l’invraisemblable vérité : suite au dépôt illicite de matières radioactives dans les tunnels et les sous-sols de la ville, des clochards ont subi des mutations les transformant en monstres difformes et sanguinaires qui surgissent des égouts pour engloutir les passants au milieu de la nuit ! 

Pour satisfaire les larges ambitions du film en matière d’effets spéciaux, le producteur Andrew Bonime sait que ses moyens son limités, le budget global de C.H.U.D. se résumant à deux millions de dollars. Il se tourne alors vers deux artistes talentueux qui sauront faire des merveilles sans engendrer de frais trop importants. John Caglione Jr est ainsi chargé de concevoir les monstres mutants et Ed French leurs victimes mutilées. « Nous avons tourné dans les souterrains de New York pendant une énorme vague de chaleur, donc des bouteilles d’oxygène et des climatiseurs ont été utilisés pour pallier à la chaleur extrême et à l’humidité » explique Caglione (1). Ce qui n’empêche pas les interprètes des C.H.U.D. de s’écrouler régulièrement devant les caméras, assommés par la chaleur et le poids des costumes ! 

« Cannibales Humanoïdes Usurpateurs Dévastateurs »

Certes, la mise en scène de Douglas Cheek demeure très académique. Mais de nombreuses idées visuelles mémorables émaillent les séquences mettant en vedette les créatures souterraines, notamment les clochards difformes aux yeux lumineux qui apparaissent furtivement dans le sous-sol, la scène du pommeau de douche d’où jaillissent soudain des litres de sang, les monstres qui assaillent violemment les clients d’un snack (parmi lesquels on reconnaît un tout jeune John Goodman) ou l’agression à domicile d’une jeune femme par un C.H.U.D. au cou télescopique. On peut légitimement être frustré par la brièveté à l’écran des effets d’Ed French, concepteur d’un certain nombre de faux cadavres en gélatine et en mousse d’uréthane incroyablement réalistes, mais le maquilleur n’en retire aucune déception. « Dès le début, mes effets étaient conçus pour accentuer l’aspect horrifique du film, mais aucun d’entre eux n’était prévu pour être vu plus de quelques secondes », explique-t-il. « A cette époque, en début de carrière, je faisais tout moi-même : la prise d’empreinte, la sculpture, le moulage et les détails. » (2) Pour l’anecdote, on note que C.H.U.D. est l’acronyme de « Cannibales Humanoïdes Usurpateurs Dévastateurs » en VF et de « Cannibal Humanoid Underworld Dweller » en VO. Si le réalisateur Douglas Cheek a quelque peu disparu de la circulation par la suite, les trois comédiens principaux se sont réunis quelques années plus tard sur la franchise extrêmement populaire Maman, j’ai raté l’avion. Comme quoi, les clochards mutants cannibales mènent à tout !

 

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en août 2015

 

© Gilles Penso

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AVENGERS : INFINITY WAR (2018)

Les Avengers affrontent Thanos, le plus redoutable de tous leurs adversaires

AVENGERS : INFINITY WAR

2018 – USA

Réalisé par Anthony et Joe Russo

Avec Josh Brolin, Robert Downey Jr, Chris Evans, Mark Ruffalo, Chris Hemsworth, Chris Pratt, Tom Holland, Chris Evans

THEMA SUPER-HÉROS I SAGA MARVEL I AVENGERS I CAPTAIN AMERICA I IRON MAN I THOR I HULK I SPIDER-MAN

Pour célébrer ses dix ans d’existence, le studio Marvel se devait de frapper fort et de parvenir à surprendre des spectateurs quelques peu anesthésiés par des dizaines de crossovers titanesques multipliant souvent jusqu’à l’indigestion les échauffourées numériques entre vilains hégémoniques et super-héros blagueurs. Car il faut bien avouer que depuis Iron Man et malgré quelques coups d’éclat notables (la trilogie Captain America, le premier Avengers, les deux Gardiens de la Galaxie), le soufflé du vaste univers cinématique inauguré en 2008 a fini par retomber. L’intrigue d’Avengers : Infinity War démarre « in media res », alors que le tout puissant Thanos et ses sbires terrassent leurs adversaires sans que le spectateur n’ait la possibilité immédiate de comprendre la nature du combat. Le prologue est audacieux mais résume déjà en quelques secondes le problème majeur de ce dix-neuvième long-métrage estampillé Marvel : des enjeux et des motivations mal définis, une relocalisation de l’intrigue dans un cadre cosmique déconnecté de la réalité terrienne, un trop-plein de protagonistes ayant tendance à s’affaiblir les uns les autres au lieu de s’enrichir mutuellement et surtout une gestion incompréhensible des super-pouvoirs de chacun des belligérants. Car entre la nano-technologie starkienne muant les combinaisons en couteaux suisses émules des Transformers, la télékinésie, la maîtrise des univers parallèles, l’altération du temps et de la réalité, les sorts magiques et la puissance divine, on y perd un peu son latin, d’autant que tout se termine finalement à coups de poings et de tatanes. 

Dans cet imbroglio à mi-chemin entre le catch et Dragonball Z, les héros ont du mal à s’affirmer. Tony Stark et Steve Rogers ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes, Spider-Man ne sert strictement à rien, Bruce Banner est relégué au rang de pitre pataud et les femmes – une fois de plus – tapissent gentiment l’arrière-plan. Certes, les Gardiens de la Galaxie et Thor nous égaient quelque peu, mais c’est sans conteste Thanos qui joue ici le rôle le plus intéressant. Magnifiquement incarné par Josh Brolin par motion capture interposée, ce super-vilain franchement impressionnant nous subjugue par sa toute-puissance et son apparente absence de scrupules, laquelle masque en réalité des failles très humaines et des états d’âme tumultueux. 

Un dénouement d'un nihilisme étourdissant

Malgré ses prémisses appauvries, Avengers : Infinity War gagne en ampleur grâce à cet antagoniste hors-normes et se pare en milieu de métrage du combat le plus colossal et le plus épique jamais vu dans un film Marvel, les milliers de guerriers s’affrontant dans une plaine du Wakanda fort heureusement débarrassée des hideux rhinocéros digitaux de Black Panther. A l’issue de cet assaut digne des batailles les plus excessives de la saga du Seigneur des Anneaux, Anthony et Joe Russo (maîtres d’œuvres des deux précédentes aventures de Captain America) nous assènent un dénouement d’un nihilisme étourdissant. Cette noirceur n’est évidemment que temporaire (on ne va pas tuer la poule aux œufs d’or), mais son impact visuel et sa puissance dramatique n’en sont pas pour autant amoindris.

 

© Gilles Penso

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