LE DICTATEUR (1940)

Charlie Chaplin invente un dictateur qui ressemble comme deux gouttes d'eau à hitler et se lance dans une diatribe enflammée contre l'intolérance

THE GREAT DICTATOR

1940 – USA

Réalisé par Charlie Chaplin

Avec Charlie Chaplin, Paulette Goddard, Jack Oakie, Reginald Gardiner, Henry Daniell, Billy Gilbert, Grace Hayle

THEMA POLITIQUE FICTION

Un jour, le cinéaste Alexander Korda fit part à Charlie Chaplin des ressemblances physiques qu’il présentait avec adolf hitler. Il n’en fallut pas plus au génial réalisateur des Temps Modernes pour imaginer un récit de politique fiction parodiant ouvertement les faits et gestes du dictateur allemand. Le film entra en production en 1937, période où le nazisme n’avait pas encore exposé à la face du monde l’ampleur du danger qu’il représentait. Trois ans plus tard, lorsque Le Dictateur sortit sur les écrans, la menace à croix gammée s’était effroyablement concrétisée, et l’impact du film n’en fut que plus grand. L’Amérique réserva au culot de Chaplin un accueil triomphal, tandis qu’en Allemagne et en Europe occupée, hitler interdisait toute projection du film, sans doute outré par le reflet déformant que lui renvoyait effrontément l’acteur/réalisateur à petite moustache. L’arc narratif du Dictateur évolue en même temps que sa tonalité s’altère, comme si Chaplin, prenant progressivement conscience des atrocités perpétrées par le nazisme, faisait basculer ouvertement sa comédie burlesque vers la tragédie.

Les premières séquences, qui se déroulent pendant la première guerre mondiale, se réclament ainsi du slapstick cher à Mack Sennett, Buster Keaton ou Tex Avery, enchaînant les morceaux d’anthologie démentiels tels que les essais infructueux de la grosse Berta, les jets de grenades laborieux ou le décollage catastrophique d’un avion qui s’achève par un crash cartoonesque. C’est l’occasion pour le spectateur de découvrir sous les traits de Chaplin un jeune soldat empoté, Adenoid Hynkel, promis à un avenir de dictateur mégalomane, fasciste et tout puissant. Parallèlement, l’intrigue s’intéresse à un modeste barbier juif, Schultz, à qui Chaplin prête aussi ses traits, les deux personnages ignorant qu’ils sont de parfaits sosies. Avec Le Dictateur, l’acteur/cinéaste porte aux nues l’art de la pantomime, le plan-séquence du rasage en rythme sur la Danse Hongroise de Brahms ou la chorégraphie d’Hynkel avec la mappemonde en baudruche témoignant d’un sens du rythme hallucinant. Tout se passe comme si Chaplin continuait à faire du cinéma muet, ses imitations hilarantes des harangues d’hitler s’appuyant sur une langue imaginaire aux accents teutons plus proches de l’onomatopée que du dialogue. 

Une soif effrénée de fraternisation

Quant au barbier, il ne s’exprime quasiment jamais par la voix et possède d’ailleurs les attributs habituels du personnage vagabond de Charlot, icône universelle des années précédant l’avènement du cinéma parlant. Sa tirade finale a d’autant plus d’impact, le rire des spectateurs se figeant face à cette diatribe enflammée, poignante et inattendue. Finalement, les similitudes physiques entre Hynkel et Schultz servent moins de support au quiproquo (lequel n’intervient que très tardivement dans l’intrigue) que de véhicule au thème majeur du film : la soif effrénée de fraternisation, la culture des similitudes et non celle des différences. Chef d’œuvre atemporel et universel, Le Dictateur se bonifie avec le temps, d’autant que son discours est d’une actualité hélas toujours aussi brûlante.

 

© Gilles Penso

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THX 1138 (1971)

Le premier long-métrage de George Lucas est un film de science-fiction glacial et austère conçu sous l'influence de George Orwell

THX 1138

1971 – USA

Réalisé par George Lucas

Avec Robert Duvall, Donald Pleasence, Maggie MacOmis, Don Pedro Colley, Ian Wolfe, Marshall Efron

THEMA FUTUR

Pour qui n’y est pas préparé, la découverte du tout premier long-métrage de George Lucas peut s’avérer déconcertante. La retenue, l’austérité et le relatif hermétisme de l’œuvre semblent contraster fortement avec la fameuse Guerre des Etoiles qui le rendra célèbre six ans plus tard. THX 1138 est l’adaptation du cinquième court-métrage que Lucas réalisa en 1967 pendant ses études à l’USC. Très remarqué pour son audace et sa maîtrise technique, cet impressionnant galop d’essai de 17 minutes était une réinterprétation libre du « 1984 » de George Orwell. La version longue, produite par la compagnie de Francis Ford Coppola Zoetrope et financée – un peu à contrecœur – par Warner Bros, en reprend la trame principale tout en la développant. Le malaise s’instille dès les premières secondes, à travers un générique insolite qui s’obstine à défiler à l’envers sur une musique atonale de Lalo Schifrin. Les premières images sont difficiles à identifier, mais l’univers aseptisé et informatisé que Lucas nous laisse apparaître par bribes fait déjà froid dans le dos. La couleur blanche domine, sur les uniformes tous identiques des citoyens au crâne rasé, sur les murs, sur les sols… Les prénoms et les noms n’existent plus. Chacun porte désormais un matricule.

THX-1138 (Robert Duvall), un ouvrier chargé de réparer les robots, vit comme ses semblables sous sédatif pour oublier la morne morosité de son quotidien vide de sens. La notion d’individualité n’a plus cours, le sexe est prohibé, ceux qui ne se conforment pas aux prescriptions médicales sont accusés de « non alignement thérapeutique ». La bande son du film, supervisée par le co-scénariste Walter Murch, se sature ainsi de messages lancinants tels que « pour plus de plaisir et d’efficacité, nous standardisons la consommation » ou « soyons heureux d’avoir une tâche à accomplir ». L’abrutissement des masses se poursuit dans les appartements – immaculés eux aussi – où la télévision du futur, sous forme d’hologrammes en 3D, diffuse des programmes idiots ou avilissants. Le gouvernement, les médias et l’église se confondent d’ailleurs lorsqu’il s’agit de prier devant son écran, face à une figure christique qui incite au travail et à l’accroissement de la production.

Le grain de sable qui va gripper la mécanique

THX-1138 est le grain de sable qui va gripper cette mécanique bien huilée. Oubliant d’absorber ses sédatifs, il transgresse un grave interdit en faisant l’amour à sa compagne LUH-3417 (Maggie MacOmis) et devient dès lors un fugitif en cavale. En gérant avec soin le maigre budget à sa disposition et en choisissant avec attention des lieux de tournage atemporels et déshumanisés (centres d’affaires, parkings, tunnels, souterrains), Lucas compose un futur plausible et oppressant. L’ultime séquence entre en rupture avec le rythme languissant du reste du métrage à travers une poursuite automobile effrénée que George Lucas, passionné de sport mécanique, filme comme les futurs vaisseaux spatiaux de La Guerre des Etoiles : avec frénésie, dynamisme et euphorie. Grisante, la vitesse semble ici symboliser la liberté. Une liberté qui prend tout son sens lors du plan final, extrêmement iconique, et dont jouira Lucas lui-même, ce premier long-métrage lui ouvrant les voies d’Hollywood avec le succès que l’on sait.

© Gilles Penso

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FORTRESS (1993)

Le réalisateur de Re-Animator enferme Christophe Lambert dans une prison futuriste dont personne ne semble pouvoir s'évader

FORTRESS

1993 – USA

Réalisé par Stuart Gordon

Avec Christophe Lambert, Kurtwood Smith, Loryn Lochlin, Lincoln Kilpatrick, Jeffrey Combs, Clifton Gonzalez, Tom Towles 

THEMA FUTUR 

Monté sur le piédestal des maîtres du cinéma d’horreur grâce au prodigieux Re-Animator, Stuart Gordon change ici de registre et prouve par là même un indéniable savoir-faire en matière d’action mouvementée et de suspense, même s’il avait déjà goûté aux joies des univers futuristes à l’occasion du méconnu Robot Jox. Armé d’un budget plus conséquent qu’à son habitude, il concocte avec Fortress un film nerveux et efficace qui démarre en trombe, sans exposition préalable, tous les éléments nécessaires à la compréhension de la situation étant disséminés par la suite. La surpopulation est devenue le principal fléau de la Terre. La loi interdit désormais à chaque femme d’avoir plus d’un enfant. Dans cette société dystopienne en diable, le capitaine John Brennick (Christophe Lambert) et sa femme Karen (Loryn Lochlin) sont des hors-la-loi. Après avoir perdu leur premier bébé, ils ont en effet décidé d’en avoir un second. Repéré au passage de la frontière américaine, John s’interpose pour que son épouse enceinte puisse s’enfuir. Il est capturé et emmené dans « la forteresse », centre carcéral conçu par la multinationale Men-Tel Corporation. Toute tentative d’évasion y est inutile. L’ensemble du complexe, étalé sur trente étages souterrains, est placé sous la surveillance du plus puissant ordinateur au monde. Les caméras et les sensors épient les prisonniers jusque dans leurs rêves, les lasers les contiennent dans leurs cellules, et les intestinators qui leur sont implantés dans le ventre à leur arrivée peuvent leur infliger sur ordre des douleurs allant jusqu’à la mort. Évidemment, rien n’empêchera Brennick d’envisager malgré tout une évasion prochaine…

Ce très inquiétant univers futuriste est servi par des décors sobres mais convaincants, des effets spéciaux impeccables et tout un tas de trouvailles scénaristiques, notamment le redoutable intestinator ou la capacité technologique de digitaliser les rêves. Christophe Lambert évolue avec suffisamment de conviction dans cette cauchemardesque forteresse, dotant son personnage d’une fragilité et d’une humanité qu’Arnold Schwarzenegger, pressenti pour le rôle, aurait probablement amenuisées. Inoubliable méchant de Robocop, Kurtwood Smith incarne un directeur de prison détestable à souhait, tandis que Jeffrey Combs, le célèbre Herbert West de Re-Animator, joue un prisonnier particulièrement perturbé qui répond au surnom de D-Day.

Les clichés des films de prison

Le problème des films de prison est de crouler souvent sous une montagne de lieux communs. Stuart Gordon, même s’il en est visiblement conscient, ne les évite pas tous, et l’ultime partie du film ne laisse que peu de place aux situations imprévues. Quant au dénouement, expédié en quelques plans, il surprend par son manque d’audace et de surprise, comme s’il avait fallu se débarrasser en vitesse des derniers rebondissements. Du coup Fortress, qui démarrait plutôt bien, nous laisse sur notre faim, ce qui ne l’empêcha pas de se comporter très honorablement au box-office, entraînant une séquelle tardive réalisée sept ans plus tard par le metteur en scène australien Geoff Murphy, avec toujours Christophe Lambert sous la défroque du prisonnier.

 

© Gilles Penso

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FURIA (1999)

Le premier long-métrage d'Alexandre Aja est un plaidoyer pour la liberté d'expression, au sein d'un monde futuriste totalitaire

FURIA

1999 – FRANCE

Réalisé par Alexandre Aja

Avec Stanislas Mehar, Marion Cotillard, Pierre Vaneck, Wadeck Stanczak, Julien Rassam

THEMA FUTUR I SAGA ALEXANDRE AJA

Au début des années 2000, Alexandre Aja n’était pas encore connu pour ses remakes à succès des grands classiques du cinéma d’épouvante (La Colline a des YeuxPiranha 3D) mais pour sa filiation avec Alexandre Arcady, réalisateur du Grand Pardon et de L’Union Sacrée. Piqué au virus du cinéma en visitant les plateaux de tournage de son père, Aja se découvre une passion commune avec son ami d’enfance Grégory Levasseur : les films d’horreur. Après Over the Rainbow, un court métrage mi-horrifique mi-comique qui connaîtra les honneurs du festival de Cannes, les deux compères décident de se lancer dans leur premier long-métrage. Ce sera Furia, adaptation de la nouvelle « Graffiti » de Julior Cortazar. « A l’époque, nous voulions faire nos preuves sur un projet ambitieux », confesse Alexandre Aja. « Vous savez, quand on a dix-huit ou vingt ans, on est très orgueilleux, très naïf et très romantique. Et le scénario de Furia est à cette image (1). »

Le film se situe dans une société mise à mal par les conséquences d’une guerre engagée par un gouvernement totalitaire. Dans cet étrange futur alternatif ravagé par treize années de combats, le pouvoir a restauré l’ordre, neutralisé la résistance et contrôlé toutes les libertés individuelles. C’est le prix à payer, dit-on, pour le maintien de la paix. Mais quelques individualistes opiniâtres défient encore les autorités. C’est le cas de Théo, vingt ans, qui sort tous les soirs clandestinement pour dessiner sur les murs son idée de la liberté. Or le gouvernement a strictement interdit les graffitis, sous peine de sanctions sévères. Un soir, Théo rencontre Elia, une jeune fille qui dessine aussi. A travers leurs œuvres, une étrange histoire d’amour s’instaure. « Tout le monde nous encourageait à concrétiser ce projet, sauf mon père qui était persuadé que ce film était un peu gros pour nos petites épaules », raconte Aja. « Nous avons remporté le Prix Junior du Meilleur Scénario. C’était une étape décisive, car les membres du jury étaient tous les pré-acheteurs des chaînes de télévision. Une partie du financement du film était donc déjà assurée. Dans la foulée, nous avons rencontré le comédien Stanislas Merhar, qui a adoré le script et qui venait de remporter un César. Le film s’est donc monté sans trop de difficultés (2). »

La rage primaire de la jeunesse

S’appuyant sur un concept profondément poétique, Furia témoigne de la rage, de la jeunesse et de l’esprit rebelle de ses investigateurs. C’est son atout principal. C’est aussi sa faiblesse, le film manquant singulièrement de finesse. La primarité de son discours et la frontalité de son approche amenuisent considérablement son impact. Aja y fait pourtant déjà preuve d’un grand savoir-faire, d’un sens de l’image indéniable et d’une absence de retenue délibérée lorsqu’explose finalement la violence à l’écran. « Furia a les qualités et les défauts que nous avions à l’époque, et aurait nécessité un travail d’écriture plus rigoureux », avoue rétrospectivement Aja. « Je pense que nous sommes un peu passés à côté du sujet, mais ce n’est pas pour autant un film que je regrette (3) ». On ne peut que donner raison au cinéaste, le film conservant un charme et une sincérité incontestables. Après tout, quelles que soient ses maladresses, un plaidoyer pour la liberté de s’exprimer à travers le dessin ne peut qu’emporter l’adhésion, non ?

(1), (2) et (3) Propos recueillis par votre serviteur en mai 2006

 

© Gilles Penso

 

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EQUILIBRIUM (2002)

Dans un monde futuriste où toute émotion est strictement interdite, un grain de sable va enrayer la machine…

EQUILIBRIUM

2002 – USA / ALLEMAGNE

Réalisé par Kurt Wimmer

Avec Christian Bale, Emily Watson, Taye Diggs, Angus MacFadyen, Sean Bean, Matthew Harbour, William Fichtner, Sean Pertwee

THEMA FUTUR

De prime abord, Equilibrium a les allures d’un vulgaire succédané de Matrix. Mais en réalité, à l’exception des grands manteaux noirs de ses héros et de quelques fusillades superbement chorégraphiées, le premier long-métrage de Kurt Wimmer n’a pas grand-chose à voir avec la trilogie des frères Wachowski, et s’apparenterait plutôt à une relecture de Fahrenheit 451 dont il reprend de nombreuses composantes. Suite à une troisième guerre mondiale, les gouvernements ont décrété que les sentiments étaient la cause de tous les maux. Nous vivons donc désormais dans un état policier où les émotions sont endiguées et proscrites. Grâce à une drogue spécialement mise au point, le prozium, les citoyens se comportent comme des robots productifs et efficaces. Tout ce qui pourrait s’avérer « émotionnellement contaminant », notamment les romans et les œuvres d’art, est brûlé sous les lance-flammes. D’où une évidente filiation avec Ray Bradbury. Equilibrium puise aussi une part de son inspiration chez George Orwell, le fameux « Big Brother » étant ici remplacé par un « Père » tout puissant qui veille sur le bien être de ses sujets. Cette société totalitaire et rétro-futuriste, dont les hauts buildings sont survolés par d’immenses ballons dirigeables, incite à la délation, envoie à l’incinérateur tous les contrevenants (ici nommés « transgresseurs ») et se pare d’un logo en forme de croix de Lorraine pas très éloignée d’un svastika. 

Les ecclésiastes « Tetragrammaton », une section d’élite entraînée au combat sous toutes ses formes, sont chargés de veiller à l’absorption du prozium et au respect des règles. John Preston est l’un d’entre eux, et c’est Christian Bale, excellent comme à son habitude, qui lui prête ses traits. Par le passé, son épouse a été exécutée pour transgression, ce qui l’a laissé parfaitement indifférent. Désormais, il vit avec ses deux enfants et accomplit son travail comme un parfait automate. Mais un jour, après avoir brisé par mégarde sa capsule de prozium, Preston se retrouve submergé par toute une gamme d’émotions qu’il n’avait jamais connues jusqu’alors. Poussé par la curiosité, il cesse de prendre sa drogue et finit par se ranger du côté des résistants terrés sous terre. Ces derniers lui demandent instamment d’infiltrer le domicile ultra-sécurisé du « Père » et de l’abattre afin de faire tomber la dictature.

Entre George Orwell et Ray Bradbury

Par les thématiques qu’il développe et les séquences de suspense dont il se pare régulièrement, Equilibrium s’avère passionnant d’un bout à l’autre. Et même si le film de Wimmer emprunte beaucoup de ses idées chez les classiques de l’anticipation littéraire et cinématographique (outre les références citées ci-dessus, on pense aussi à THX 1138L’Âge de Cristal et Blade Runner), il sait les recycler pour mieux s’en défaire, atteignant le but ultime que tout bon film de science-fiction devrait logiquement se fixer : refléter tel un miroir déformant les turpitudes du monde actuel et les extrapoler vers un monde parallèle dangereusement plausible. Comme d’ébouriffantes séquences d’action viennent en outre ponctuer le film, Equilibrium justifie d’autant plus son titre qu’il parvient à équilibrer le divertissement pur et dur et la satire sociale réflexive.

 

© Gilles Penso

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RETROACTION (1997)

Spécialiste des séries B efficaces et nerveuses, Louis Morneau transforme James Belushi en gangster hargneux et le plonge dans une boucle temporelle

RETROACTIVE

1997 – USA

Réalisé par Louis Morneau

Avec James Belushi, Kylie Travis, Shannon Whirry, Frank Whaley, Jesse Borrego, M. Emmet Walsh, Sherman Howard, Guy Boyd 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS

Laissée en plan sur une autoroute déserte au fin fond du Texas après un accident de voiture, Karen Warren (Kylie Travis) se résout à faire de l’auto-stop. Elle s’embarque alors dans la voiture de Frank (James Belushi) et Rayanne (Shannon Whirry). En route pour vendre des puces informatiques qu’il a obtenues illégalement, Frank s’engage dans une violente dispute avec Rayanne, qu’il soupçonne de vouloir trahir sa confiance, et finit par l’abattre froidement sans autre forme de procès. Paniquée, Karen se jette alors hors de la voiture et se réfugie dans un bunker en béton. Elle ignore que cet endroit est un lieu expérimental où le scientifique Brian (Frank Whaley) est en train de mettre à point une machine à remonter le temps, s’efforçant de déplacer un animal 1200 secondes dans le passé. La voilà transportée à la place du cobaye quelques minutes avant le drame. Elle essaye alors de contrecarrer les plans de Frank et de sauver la vie de Rayanne. Mais sa tentative échoue lamentablement. Dès lors, elle va revivre inlassablement la même scène, cherchant à chaque fois à éviter le pire…

Futur réalisateur des forts sympathiques La Nuit des Chauves-Souris et Fausse Donne, Louis Morneau s’est spécialisé dans les films de genre efficaces à budgets modestes. Rétroaction ne déroge pas à la règle, magnifiant comme souvent chez Morneau de vastes et photogéniques paysages désertiques. Rétroaction s’affirme comme nouvelle variante sur le thème de la boucle temporelle condamnée à se répéter perpétuellement, une mécanique narrative qui servit déjà de charpente à Un Jour sans fin et 12 : 01. Ici, comme le titre l’indique sans détour, c’est l’action qui prime. Du coup, même si l’argument de départ repose sur une expérience scientifique qui tourne mal, les multiples paradoxes métaphysiques liés au bouleversement du continuum espace-temps ne sont pas l’intérêt prioritaire des scénaristes Michael Hamilton-Wright, Robert Strauss et Philip Badger. Plus laconiquement, comme le dit Emmet Brown dans Retour vers le Futur 2ème partie, « on s’en balance ». 

Un suspense haletant

Le moteur principal de Rétroaction, ce sont les poursuites de voitures, les fusillades et le suspense haletant. Et comme le drame sanglant qui sert de base au récit ne cesse de se répéter, le public se demande en permanence : « comment tout cela va-t-il finir cette fois ? » Le scénario redouble donc d’ingéniosité en nous proposant des variantes sur le même événement, chaque nouvelle version s’avérant plus catastrophique que la précédente, limitant les possibilités de dénouements positifs et illustrant avec efficacité la fameuse théorie du chaos. Plutôt habitué à la comédie légère, James Belushi campe un fort savoureux méchant, entouré de Kylie Travis et Shannon Whirry, deux charmantes et charismatiques comédiennes qui lui donnent la réplique et tentent d’échapper à ses griffes (il nous livre même un hommage furtif à son frère John, le temps d’une allusion aux Blues Brothers, à quelques secondes de la fin du film). Pétri de qualités, Rétroaction a longtemps été film dont Louis Morneau était le plus fier. Comment lui donner tort ?

 

© Gilles Penso

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RETOUR VERS LE FUTUR 2ème partie (1989)

Une suite incroyablement ambitieuse qui nous transporte non seulement dans le futur mais aussi dans un présent alternatif et dans un passé revisité

BACK TO THE FUTURE PART 2

1989 – USA

Réalisé par Robert Zemeckis

Avec Michael J. Fox, Christopher Lloyd, Lea Thompson, Thomas F. Wilson, Elisabeth Shue, James Tolkan 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS I SAGA RETOUR VERS LE FUTUR

A l’aube de sa carrière, Robert Zemeckis tutoyait déjà la perfection avec Retour vers le Futur, une œuvre enchanteresse adulée par une vaste communauté de fans irréductibles. Magistral, ce film hors norme se suffisait à lui-même et, malgré les apparences, sa fin ouverte n’appelait aucune suite. Dans l’esprit de Zemeckis et de son co-scénariste Bob Gale, il s’agissait simplement d’un gag final rebondissant vers des aventures ultérieures laissées à la discrétion imaginative des spectateurs. Mais après un second coup d’éclat – l’inestimable Qui veut la peau de Roger Rabbit – le cinéaste se livra à un exercice intellectuel consistant à imaginer ce que serait, dans l’absolu, une séquelle idéale. La réponse finit par s’imposer d’elle-même : « le même film, mais différent ». Et pour appliquer cet axiome infaillible, pourquoi ne pas prolonger Retour vers le Futur et raconter une nouvelle fois le même film, mais sous un angle différent ? Tel fut le défi que se lancèrent Zemeckis et Gale, co-signant avec enthousiasme la séquelle la plus audacieuse de tous les temps.

Retour vers le Futur 2ème partie commence donc exactement là où son prédécesseur s’arrêtait. Nous sommes en 1985 et Marty McFly a regagné la paisible bourgade de Hill Valley après un voyage mouvementé dans le passé en compagnie de Doc Brown. Son retour aux années 50 lui a permis de donner un discret mais efficace coup de pouce au destin en unissant ses propres parents. Marty s’apprête à savourer le fruit de cet exploit avec sa petite amie Jennifer, lorsque Doc Brown surgit au volant de sa rutilante De Lorean et l’enjoint à un nouveau voyage dans le futur. Car en manipulant l’espace-temps, Marty a aussi bouleversé son avenir. Son fils, Marty junior, tombé sous la coupe du sinistre Griff Tannen, s’apprête à commettre un hold-up qui lui coûtera plusieurs années de prison et ruinera son avenir. Pour éviter ce désastre, Marty va devoir prendre la place de son rejeton…

Une multi-angularité démentielle

Retour vers le Futur 2ème partie se divise en trois actes bien distincts. Le premier, qui nous projette dans un avenir fantasmé (l’an 2015), multiplie les trouvailles technologiques qui, dès lors, entreront dans la légende, du skateboard volant aux hologrammes omniprésents en passant par les vêtements auto-séchants et les autoroutes du ciel. Le second, situé dans des années 80 alternatives, s’attaque à la théorie de la relativité en vulgarisant le principe des lignes du temps et des mondes parallèles, ces fameuses « nouvelles branches de l’arbre du temps » qu’évoquait le romancier Sprague de Camp dans « De peur que les Ténèbres ». Mais en matière de vertige, le troisième acte bat tous les records, puisqu’il dédouble Marty McFly et l’envoie se démener dans deux directions opposées au même moment et au même endroit, tout ça au cours de la fête de fin d’année du film précédent ! Même ceux qui connaissent le premier Retour vers le Futur sur le bout des doigts ont intérêt à être particulièrement attentifs s’ils ne veulent rater aucun détail de cette multi-angularité démentielle, œuvre de l’un des réalisateurs les plus méticuleux, les plus perfectionnistes et les plus jusqu’au-boutistes de l’histoire du cinéma.

 

© Gilles Penso

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ZOLTAN, LE CHIEN SANGLANT DE DRACULA (1977)

Le saviez-vous ? Le plus célèbre des contes vampires possède un chien aux crocs aussi acérés que les siens !

ZOLTAN, THE HOUND OF DRACULA

1977 – USA

Réalisé par Albert Band

Avec Reggie Nalder, Michael Pataki, Jose Ferrer, Jan Shutan, Libby Chase, John Levin, Cleo Harrington, Tom Gerrard 

THEMA DRACULA I VAMPIRES I MAMMIFERES

Albert Band est le père de l’entreprenant Charles Band (créateur des prolifiques compagnies de production Empire, Full Moon et Moonbeam) et du compositeur Richard Band (Re-AnimatorPuppet Master). Producteur lui-même depuis le début des années 50, il réalisa en 1977 cet improbable Zoltan dont le postulat laisse rêveur. Alors qu’ils effectuent plusieurs tests d’explosifs en Roumanie, des militaires russes mettent à jour le caveau de la famille Dracula. En attendant de pouvoir dépêcher un archéologue sur place, on poste un garde, qui a la mauvaise idée d’ouvrir un des cercueils et d’enlever le pieu fiché dans le cœur de la dépouille.

Aussitôt s’éveille Zoltan, un chien aux crocs acérés et aux canines proéminentes qui gratifie le curieux d’une belle morsure puis libère son maître Veidt Smith (Reggie Nalder, qui promena son physique inquiétant dans L’Homme qui en Savait Trop d’Alfred Hitchcock, version 1956). Le visage exagérément émacié, la peau fripée et le regard exorbité, celui-ci, ancien serviteur du comte Dracula, se promène en corbillard, transporte Zoltan dans une caisse et lui donne des ordres par télépathie. Tous deux se rendent ainsi à Los Angeles en quête de Michael Drake (Michael Pataki, qui incarna la même année le capitaine Barbera dans le calamiteux Homme Araignée), dernier descendant de la famille Dracula non encore converti au vampirisme. Or Michael est parti camper avec sa femme, ses deux enfants et ses chiens. Tandis que l’inspecteur Franco (José Ferrer), Van Helsing du pauvre, voyage jusqu’en Californie pour mener l’enquête, Zoltan commence à se mettre quelques confrères canins sous la dent.

Combats entre villageois et chiens-vampires

Le concept du film est déjà assez grotesque en soi, mais le traitement ne fait rien pour élever le niveau. Tout dans le film sonne faux, notamment les costumes des militaires (impeccablement repassés) et ceux des villageois, qu’on croirait échappés d’un pot de yaourt La Laitière. La musique assez catastrophique est digne d’un supermarché, les combats entre les hommes et les chiens vampires (qui poussent des cris mêlant joyeusement aboiements canins, feulements de fauves et hurlements de chimpanzés) sont souvent ridicules, les dialogues sont gentiment risibles, tout comme les scènes de flash-back (en particulier celles de Zoltan se souvenant avoir été mordu par Dracula changé en chauve-souris). Il y a bien quelques tentatives d’humour dans le métrage, comme lorsque Michael affirme qu’il pourrait amasser pas mal d’argent en intentant des procès à tous ceux qui ont fait des films sur la famille Dracula sans lui en demander l’autorisation. Mais les meilleurs moments comiques sont involontaires, comme lorsque Franco arpente la campagne, des pieux à la main, en quête de vampires à empaler. Il faut reconnaître que quelques scènes efficaces se détachent du lot, comme l’assaut nocturne des héros enfermés dans un chalet par les canidés assoiffés de sang, mais elles ne sont guère légion. Quant au final, il sacrifie au cliché éculé du faux happy end. Pour l’anecdote, les maquillages spéciaux sont l’œuvre d’un Stan Winston alors débutant.

 

© Gilles Penso

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Y’A-T-IL UN PILOTE DANS L’AVION ? (1980)

Le trio ZAZ reprend à son compte tous les clichés du cinéma catastrophe et réalise la parodie cinématographique ultime

AIRPLANE

1980 – USA

Réalisé par Jim Abrahams, David et Jerry Zucker

Avec Robert Hays, Julie Hagerty, Peter Graves, Lloyd Bridges, Leslie Nielsen, Robert Stack, Kareem Abdul-Jabbar 

THEMA CATASTROPHES

Le succès planétaire de Y’a-t-il un Pilote dans l’Avion ne s’est pas fait tout seul. C’est en réalité l’aboutissement d’une série de jalons posés par les frères David et Jerry Zucker et leur ami Jim Abrahams depuis le début des années 70. Encore étudiants, les trois compères louèrent l’arrière-boutique d’une bibliothèque du Wisconsin pour y monter leur petite troupe de théâtre : le Kentucky Fried Theater. Au menu : des pastiches à foison, de l’improvisation, des extraits de films détournés et des sketches absurdes. 150 000 représentations plus tard, le talent des « ZAZ » s’exportait dans un premier film réalisé par John Landis, Hamburger Film SandwichPotache mais joyeusement délirant, ce galop d’essai servit de tremplin à leur film suivant, Y’a-t-il un pilote dans l’avion, dont Zucker, Abrahams et Zucker signèrent eux-mêmes la mise en scène d’après leur propre scénario. 

Directement inspiré par le film catastrophe Zero Hour, dont il reprend minutieusement la trame, mais aussi par la franchise Airport du studio Universal, Airplane est un délire non-stop qui a littéralement révolutionné le genre comique cinématographique au tout début des années 80. Tandis que le capitaine Oveur (Peter Graves, le Jim Phelps de Mission impossible) et son co-pilote Roger Murdock (le basketteur Kareem Abdul-Jabbar) sont aux commandes du vol 209 assurant la liaison entre Los Angeles et Chicago, l’ancien pilote de chasse Ted (Robert Hays), traumatisé suite à un crash, tente de reconquérir l’hôtesse de l’air Elaine (Julie Hagerty). En plein ciel, tout ce beau monde s’apprête à vivre une catastrophe car les passagers et les membres de l’équipage ayant mangé du poisson tombent soudain malade. Seul Ted semble dès lors capable de prendre les commandes de l’avion…

Caricature à outrance et sérieux imperturbable

Y’a-t-il un Pilote dans l’Avion s’érige en modèle parodique exemplaire. Son principe consiste à caricaturer à outrance les clichés du grand écran en parfaite connaissance de cause, les protagonistes restant imperturbables quelles que soient les situations. Le résultat a des vertus profondément hilarantes, surtout pour les habitués des films détournés. Répliques, situations et personnages archétypiques se succèdent ainsi avec un singulier parfum de déjà-vu. A cet enchaînement de gags référentiels suscitant la connivence du public, les ZAZ ajoutent une bonne dose de scènes burlesques très proches des univers de Tex Avery et de Hellzapoppin (auquel Airplane emprunte mot à mot le gag des journalistes qui prennent des photos). Généralement, chaque séquence de Y’a-t-il un pilote dans l’avion s’entame le plus sérieusement du monde, puis dégénère tranquillement jusqu’à l’absurde. Témoins cette chorégraphie démentielle sur le « Staying Alive » des Bee Gees, ces scènes de panique nonsensiques ou ces journaux télévisés à travers le monde. Cerise sur le gâteau, Airplane imite le genre catastrophe jusqu’à solliciter des guest-stars sur le retour, lesquels s’en donnent visiblement à cœur joie dans le registre de l’autodérision. Leslie Nielsen, ex-astronaute très sérieux de Planète Interdite, se prend tellement au jeu qu’il en fera dès lors une marque de fabrique.

 

© Gilles Penso

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VIRUS CANNIBALE (1981)

L'une des imitations italiennes de Zombie les plus excessives, les plus gores et les plus portées sur le mauvais goût

VIRUS INFERNO DEI MORTI-VIVANTI

1981 – ITALIE

Réalisé par Bruno Mattei

Avec Margit-Evelyn Newton, Franco Garofalo, José Gras, Selan Karay, Gaby Renom, Josep Lluis Fonoll, Piero Fumelli

THEMA ZOMBIES

Entre la fin des années 70 et le début des années 80, une vogue éphémère s’empara du cinéma italien : celle du film de zombies ultra-gore.  Directement influencés par le succès du Zombie de George Romero, une demi-douzaine de réalisateurs transalpins se laissèrent ainsi aller aux excès horrifiques les plus extrêmes. Certains en tirèrent de fascinantes variations en y injectant leur propre personnalité, notamment Lucio Fulci via sa célèbre tétralogie infernale. D’autres n’hésitèrent pas à entacher le genre d’avatars plus que douteux. A ce titre, Virus Cannibale bat sans doute tous les records. Alors qu’il inspecte la tuyauterie d’une usine, un ouvrier découvre le cadavre d’un rat qui s’anime soudain, se glisse sous sa combinaison et le dévore avec force jets de sang. Bientôt, tous les ouvriers se muent en zombies au visage noirci, dévorant les vivants avec un bel appétit (une épaule est croquée à pleines dents, un corps entièrement ouvert et étripé). Le responsable de l’usine constate alors avec lucidité que leur projet a échoué, déclarant solennellement : « Que Dieu nous pardonne pour ce que nous avons créé ici ».

L’action se transporte ensuite dans une forêt sauvage où bivouaque tranquillement un petit groupe de randonneurs. Mais la sérénité est de courte durée. Bientôt, le père est dévoré par son petit garçon, la mère attaquée par un vieillard au visage écarlate, et des corps décomposés surgissent un peu partout avant de déambuler en traînant la patte. Au beau milieu du carnage, une journaliste et son caméraman semblent ne s’étonner que très modérément face au surgissement de ces zombies anthropophages. « Regarde leurs visages, on dirait des monstres », remarque tranquillement la jeune femme. Les « héros » du film sont les membres d’un commando dépêché sur place. Racistes, fascistes, stupides, ils tirent d’abord et réfléchissent après (y compris sur le petit garçon zombie). Mais comme aucun autre pôle d’identification n’est proposé aux spectateurs, il est difficile de savoir si le réalisateur se moque de ces détestables protagonistes ou se prend de sympathie pour eux. Régulièrement pendant la traversée du petit groupe dans la forêt, le montage insère très maladroitement des stock-shots animaliers au ralenti.

Des effets volontairement repoussants

Et pour que le cocktail gore/exotisme se pare également d’un soupçon d’érotisme, Mattei filme en gros plan les seins de la journaliste lorsque celle-ci, prise d’une soudaine inspiration, se déshabille pour essayer d’infiltrer une tribu locale. Le gore poétique de Lucio Fulci est ici supplanté par des effets volontairement repoussants : vomissements face à la caméra, autochtone affamé qui mastique des asticots grouillant sur un cadavre, chat dévorant les entrailles d’une vieille femme, jambes mangées, doigts arrachés… Mattei tente même de combattre Fulci sur son propre terrain lorsqu’un zombie plonge sa main dans la bouche d’une jeune femme, lui arrache la langue, puis lui fait sauter les yeux des orbites de l’intérieur, avec ses doigts ! Le tout en gros plan, bien sûr ! Pour manger aussi au râtelier de Romero, Mattei filme les débats animés des politiciens s’interrogeant sur le sort à réserver aux zombies, tandis que le montage insère arbitrairement des images d’archives de populations du Tiers-Monde en détresse… Virus Cannibale s’érige ainsi en véritable monument de mauvais goût.

 

© Gilles Penso

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