MIMIC (1997)

Le deuxième long-métrage de Guillermo del Toro nous plonge dans les égouts de New York infestés d’insectes géants

MIMIC

 

1997 – USA

 

Réalisé par Guillermo del Toro

 

Avec Mira Sorvino, Josh Brolin, Giancarlo Giannini, Jeremy Northam, Charles S. Dutton

 

THEMA INSECTES ET INVERTÉBRÉS

C’est en 1942 qu’est publiée pour la première fois la nouvelle « Mimic » de Donald A. Wolheim, dans la célèbre revue de science-fiction « Astonishing Stories ». Ce récit troublant, s’appuyant sur l’idée d’insectes ayant naturellement évolué pour imiter la morphologie des humains, tapa dans l’œil des cadres de Dimension Films, le département « films d’horreur » de Miramax, justement à la recherche d’une histoire courte susceptible de s’intégrer dans un film à sketches. Mais le projet change progressivement de tournure pour se transformer en long-métrage à part entière. Remarqué pour son premier long-métrage Cronos et passionné par les insectes, Guillermo del Toro est sollicité pour la mise en scène et la co-écriture du scénario, son partenaire d’écriture étant Matthew Robbins, proche collaborateur de George Lucas et Steven Spielberg dans les années 70 et réalisateur du Dragon du lac de feu. A la demande de la production, l’idée d’une « évolution naturelle » des insectes vers le mimétisme humain est écartée au profit d’une manipulation génétique. Ce parti pris classique n’est qu’une des nombreuses concessions que Del Toro va devoir faire pour satisfaire le studio, s’éloignant progressivement de sa vision initiale pour diriger Mimic vers la routine et les clichés.

Le personnage central de Mimic est le docteur Susan Tyler (Mira Sorvino), professeur d’entomologie à la recherche d’un remède contre une redoutable épidémie qui frappe les enfants new-yorkais. Cette maladie étant véhiculée par les cafards, elle crée un « contre-agent » qu’elle baptise Judas en croisant l’ADN d’une termite et d’une mante. Les résultats sont fulgurants. Renversés par ces nouveaux prédateurs, les cafards cessent de transmettre le mal, aussitôt enrayé. Mais trois ans plus tard, le docteur Tyler découvre que les Judas, pourtant programmés pour s’éteindre au bout de six mois, ont survécu et se reproduisent. Pire : ils ont muté pour atteindre des proportions alarmantes et ont développé un système de camouflage leur permettant d’imiter parfaitement la silhouette humaine. « L’évolution s’arrange toujours pour maintenir les choses en vie », commente alors un collègue scientifique incarné par F. Murray Abraham, une phrase qui nous évoque bien sûr les considérations de Jeff Goldblum dans Jurassic Park. D’ailleurs, le thème développé dans les deux films est identique : l’apprenti-sorcier dont la création finit par échapper à tout contrôle.

Les monstres tapis dans l’ombre

Comme toujours, Del Toro transfigure le moindre des décors de son film en le dotant d’un esthétisme étrange à la lisière du surréalisme. C’est notamment le cas de cet hôpital qui apparaît en début de métrage et où s’aligne une infinité de lits recouverts d’une sorte de suaire blanc (une séquence qui aurait apparemment été dirigée par le coproducteur Orne Bornedal), cette église abandonnée dont les statues sont à moitié camouflées par des bâches transparentes ou ce vieil appartement dont les éclairages aux couleurs saturées semblent presque échappés d’un film de Dario Argento. On sent bien que le cinéaste essaie d’immiscer de la poésie chaque fois qu’il le peut, notamment à travers le vieux cireur de chaussure (un rôle qu’il envisageait au départ pour l’acteur principal de Cronos, Federico Lupi, hélas pas assez anglophone) et son jeune fils qui s’amuse à imiter le bruit des insectes géants. Mais ces éléments s’intègrent mal dans le récit. Car chaque fois que Del Toro et Matthew Robbins tentent d’élaborer des idées originales, étranges ou surprenantes, Harvey et Bob Weinstein les « remettent sur le droit chemin ». Les ressorts de l’épouvante utilisés dans Mimic empruntent donc tous les lieux communs, puisant une grande partie de leur inspiration du côté d’Alien. Il nous est difficile de réprimer un sentiment de déjà-vu face à cette poignée de personnages traqués dans des décors sombres et humides par des créatures tapies dans l’ombre à la morphologie mi-humanoïde mi-insectoïde. Laborieuse, la narration s’encombre de longues explications assénées mécaniquement par des personnages peu attachants. Car au moment de la post-production, les producteurs reprennent le montage en main, coupant de nombreuses séquences dirigées par Del Toro et rajoutant artificiellement un grand nombre d’images tournées par la deuxième équipe. Frustré, Del Toro garde un souvenir amer de Mimic, fruit d’interminables compromis lui ayant tout de même permis de faire ses premiers pas à Hollywood. Le film génèrera d’ailleurs deux séquelles, et le cinéaste aura plus tard l’occasion de concocter un « director’s cut » plus proche de ses intentions initiales.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

YÉTI, LE GÉANT D’UN AUTRE MONDE (1977)

Grand spécialiste de l’imitation des succès hollywoodiens, le cinéma bis italien tente ici de surfer sur le succès du King Kong de John Guillermin

YETI, IL GIGANTE DEL 20e SECOLO

 

1977 – ITALIE / CANADA

 

Réalisé par Frank Kramer (alias Gianfranco Parolini)

 

Avec Mimmo Crau, Antonella Interlenghi, Jim Sullivan, Tony Kendall, Edoardo Faieta, John Stacy, Stellio Candelli, Loris Bazzocchi, Donald O’Brien

 

THEMA YÉTIS ET CHAÎNONS MANQUANTS

Le raz de marée médiatique du King Kong produit par Dino de Laurentiis aura eu des répercussions surprenantes sur tous les continents, chacun cherchant avec un succès variable à récupérer sa part du gâteau. Toujours promptes à surfer sur les modes du moment, les productions italiennes n’ont pas été insensibles aux attraits de la « Kongmania ». D’où cette coproduction italo-canadienne surprenante, mixant le mythe du gorille géant à celui de l’abominable homme des neiges et confiée aux bons soins de Gianfranco Parolini. Réalisateur stakhanoviste spécialisé autant dans le péplum que dans le western spaghetti, le film de guerre, d’espionnage ou d’action, Parolini utilise depuis le milieu des années soixante le pseudonyme Frank Kramer lorsqu’il veut cacher ses origines d’outre-Rhin. C’est donc sous ce faux nom aux sonorités américaines qu’il signe Yéti, le géant d’un autre monde, un film aux allures de superproduction internationale spectaculaire… qui s’avère finalement n’être qu’un nanar gorgé d’humour involontaire.

Alors que retentit avec emphase une imitation (sans les chœurs) du Carmina Burana composée par Sante Maria Romitelli, nous apprenons que la fonte des glaces a des répercussions inattendues. Un énorme bloc gelé se détache ainsi de la banquise et vogue jusqu’au Canada en passant par le Groenland. Flairant la bonne affaire, le puissant magnat Morgan Hunnicut (Edoardo Faieta) demande à son ami d’enfance le paléontologue Henry Wasserman (John Stacy) d’analyser ce que ce bloc renferme. N’y allant pas par quatre chemins, les techniciens attaquent la glace au lance-flammes pour la faire fondre. Bientôt, deux gigantesques pieds velus en émergent. Le savant est alors formel : « c’est un Yéti » ! Appâté par le gain, Hunnicut veut faire de cette créature l’emblème publicitaire de sa compagnie. La particularité de ce Yéti est qu’il est grand comme King Kong, ce qui tombe bien puisque le film cherche justement à capitaliser sur le succès encore récent du film de John Guillermin, même si la piètre qualité des effets visuels et les situations rocambolesques nous rapprocheraient plus de King Kong contre Godzilla. D’autant qu’une fois que la glace a totalement fondu, le monstre arbore une apparence insolite, prenant les allures d’un homme barbu (incarné par Mimmo Crau) dont le corps simiesque est recouvert de poils (à l’exception d’un visage parfaitement humain), dont les dialogues ressemblent à des barrissements d’éléphant et dont les mouvements sont filmés au ralenti.

« Ça alors, c’est vraiment un monstre étrange ! »

Sans le moindre complexe, le scénario co-écrit par Gianfranco Parolini, Marcello Coscia et Mario di Nardo pille King Kong dans tous les sens, y compris lorsque le monstre, exhibé sur le toit d’une tour à Toronto, s’avère sensible aux flash des appareils photos, s’énerve et sème la panique, enlevant dans sa grosse patte poilue la jolie Jane (Antonella Interlenghi, créditée sous le nom clinquant de Phoenix Grant) avant d’aller gambader au milieu des buildings de la ville. Un complot ourdi par de vilains traitres vient s’intégrer dans le scénario sans que l’on comprenne l’intérêt de leur félonie, si ce n’est une tentative désespérée de relancer cette intrigue qui coule à pic, plombée par un jeu d’acteurs catastrophique. Des répliques improbables d’une désarmante naïveté scandent régulièrement le film, comme « Le Yéti sera le géant du 20ème siècle », « Les cannibales sont toujours gentils avec leurs victimes avant de les manger » ou encore « Ça alors, c’est vraiment un monstre étrange ! ». Quant aux scènes de panique collective, elles sont tellement grotesques qu’on les croirait échappées de Y’a-t-il un pilote dans l’avion ? Composant comme il peut avec le budget mis à sa disposition, le superviseur des effets visuels Ermanno Biamonte utilise une main géante, des jambes immenses et un certain nombre d’incrustations sur fond bleu, avec hélas un résultat souvent désastreux. Il faut dire que sa filmographie compte aussi quelques perles comme L’Humanoïde ou L’Incroyable homme puma. Tellement raté qu’il en devient fascinant, Yéti, le géant d’un autre monde surprend par sa propension à multiplier la mise en scène de morts violentes, alors qu’il semblait à priori destiné à un jeune public. Dans le genre abominable homme des neiges inspiré de King Kong, on préfèrera largement se rabattre sur le sympathique Colosse de Hong-Kong.

  

© Gilles Penso

Partagez cet article

RUBBER (2010)

Un film drôle, gore et absurde dans lequel un pneu prend vie pour se transformer en tueur en série !

RUBBER

 

2020 – FRANCE

 

Réalisé par Quentin Dupieux

 

Avec Roxane Mesquida, Haley Ramm, Stephen Spinella, Thomas F. Duffy, Jack Plotnick, Wings Hauser, Daniel Quinn, Devin Brochu, Remy Thorne, Courtnay Taylor

 

THEMA OBJETS VIVANTS

Pour son troisième long-métrage, Quentin Dupieux s’installe dans le désert californien, décide de filmer à l’aide de deux appareils photo Canon Mark II, s’astreint à un planning de tournage de quatorze jours pour un budget étriqué avoisinant les 800 000 dollars et dirige un casting intégralement anglophone. Cette multiplication de challenges et de contraintes l’incite à pousser le plus loin possible ce qui deviendra le leitmotiv de sa démarche artistique : une culture joviale de l’absurdité doublée d’une critique adressée à ceux qui cherchent désespérément du sens là où il n’y en n’a pas. L’insolite et la loufoquerie s’installent dès les premières secondes du film. Des chaises joliment disposées en plein désert sont renversées par une voiture du coffre duquel émerge un policier en uniforme. Ce dernier s’adresse directement à la caméra pour affirmer que tous les grands films possèdent au moins un élément que rien ne peut expliquer, appuyant son raisonnement sur E.T., Love Story, Massacre à la tronçonneuse, JFK et Le Pianiste. Il achève son monologue en déclarant que le film que nous nous apprêtons à visionner est justement une sorte d’ode à l’inexplicable. Nous voilà prévenus.

Rubber raconte l’histoire d’un pneu qui émerge soudain du sable, s’éveille à la vie sans la moindre raison, commence à rouler dans le désert, comme mû par une vie propre, et s’amuse à détruire les bouteilles et les boîtes de conserve qu’il croise. Quand il ne les écrase pas, il parvient à les faire exploser à distance. « Psychokinésie ! », commente quelqu’un. Car non content de cette intrigue passablement insensée, Quentin Dupieux croit bon d’y ajouter une couche supplémentaire d’excentricité en montrant un groupe de spectateurs qui regardent le film en échangeant des commentaires. Si ce n’est qu’au lieu d’être assis dans une salle de cinéma, ce public est debout au milieu du désert, équipé de jumelles, observant par le biais d’un miracle qui nous échappe des événements se déroulant plusieurs kilomètres plus loin. Les contours qui séparent la fiction de la réalité s’érodent ainsi peu à peu, au fil des déambulations du pneu destructeur. Après avoir anéanti quelques objets, ce dernier s’en prend à des animaux qu’il désintègre avec une apparente jubilation : un scorpion, un lapin, un oiseau. Comme on peut s’y attendre, ses victimes suivantes sont des humains, dont il fait exploser la tête à distance comme dans Scanners !

Un serial killer en caoutchouc

Le savoir-faire technique et l’inventivité en effervescence de Dupieux, véritable couteau-suisse qui cumule les postes d’auteur, de réalisateur, de directeur de la photographie, de monteur et de compositeur, dotent ce film à tout petit budget d’une patine impeccable. Les étendues désertiques de Palmdale et de Lancaster occupent tout l’écran avec une belle photogénie, accompagnés d’une bande originale électro co-écrite par Dupieux (sous son habituel pseudonyme de Mr. Oizo) et son complice Gaspard Augé. Les effets spéciaux eux-mêmes rivalisent d’ingéniosité. Car les goûts du cinéaste et les moyens à sa disposition ne s’accordent pas à un recours intensif aux effets numériques. Le pneu tueur se déplace donc grâce à une série de mécanismes et de moteurs radiocommandés, et les têtes qui explosent dans d’hallucinantes gerbes de sang s’appuient principalement sur des effets pyrotechniques bricolés en direct devant la caméra. Plus le récit avance, plus le lien entre les deux intrigues (les exactions du psychopathe en caoutchouc et le comportement des spectateurs aux jumelles) se resserre, l’une influant sur l’autre jusqu’à quasiment muer le fil narratif de Rubber en abstraction. Quatre ans plus tard, Dupieux poussera encore plus loin ce jeu de miroir tendu entre le monde réel et le monde fictionné dans un long-métrage au titre éloquent : Réalité.

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

GEMINI MAN (2019)

Will Smith s’affronte lui-même dans ce thriller de science-fiction mené à 100 kilomètres/heure par un Ang Lee survolté

GEMINI MAN

 

2019 – USA

 

Réalisé par Ang Lee

 

Avec Will Smith, Clive Owen, Mary Elizabeth Winstead, Benedict Wong, Linda Emond, Ralph Brown, E.J. Bonilla, Ilia Volok, Douglas Hodge

 

THEMA DOUBLES

Insaisissable, rétif à toutes les étiquettes qu’on voudrait essayer de lui coller, Ang Lee se distingue par la versatilité des genres qu’il aborde. Qui d’autre est capable d’enchaîner avec autant d’aisance une comédie sociale taiwanaise, une romance du 19ème siècle d’après Jane Austin, un grandiose film d’arts martiaux, une adaptation des aventures de Hulk, une histoire d’amour entre deux cow-boys ou l’odyssée épique d’un jeune Indien et d’un tigre au milieu des océans ? Autre composante récurrente de sa filmographie éclectique : un goût manifeste pour les défis techniques. C’est lui qui parvint à soustraire Chow Yun Fat et Michelle Yeoh aux lois de la pesanteur dans Tigre et Dragon, qui transforma Eric Bana en géant vert dans Hulk ou qui fit concevoir d’immenses décors virtuels et un animal star 100% numérique pour L’Odyssée de Pi. On s’étonne moins, du coup, de retrouver Ang Lee à la tête de Gemini Man, qui ne ressemble à aucune de ses réalisations précédentes et qui repousse les possibilités du rajeunissement digital des comédiens. Il ne fut pourtant pas le premier cinéaste pressenti. Lorsque le scénario initial de Darren Lemke atterrit sur le bureau de Jerry Bruckheimer à la fin des années 90, c’est plutôt Tony Scott qu’on imaginait derrière la caméra. Mais la technologie du maquillage numérique n’était pas encore assez au point. Vingt ans plus tard, le projet redémarre (Bruckheimer s’associant avec Skydance et Paramount), confié cette fois-ci aux bons soins du réalisateur de Brokeback Mountain.

Will Smith incarne Henry Brogan, un tireur d’élite tellement doué qu’il est capable d’abattre d’un coup de fusil une cible à bord d’un TGV lancé à 300 kilomètres heure, ce que nous prouve une séquence d’ouverture redoutablement efficace. Mais notre tueur professionnel a décidé de prendre sa retraite et d’aller couler des jours tranquilles au fin fond de la Georgie. Peine perdue : un commando lancé à ses trousses tente de lui faire passer l’arme à gauche. Pourquoi ? Une jeune recrue de la Defense Intelligence Agency et un de ses vieux camarades de guerre vont l’aider à comprendre… Jusqu’à ce qu’il soit confronté à un tireur d’élite extrêmement doué qui s’avère être son double parfait, plus jeune de trente ans ! De toute évidence, Gemini Man est avant tout un terrain de jeu pour Ang Lee, qui s’amuse à poursuivre ses expérimentations sur la 3D au format 4K et le tournage à 120 images par seconde (ses essais précédents en la matière datant du film de guerre Un jour dans la vie de Billy Lynn). Le scénario lui donne l’occasion de mettre au point des séquences d’action inédites et survitaminées, notamment une poursuite à moto dans les rues de Carthagène, un combat à mains nues dans des catacombes souterraines et un gunfight final peu avare en explosions. Le dynamisme de telles échauffourées est indiscutable, même si le revers de la médaille est un certain irréalisme dans les actions les plus rapides, qui semblent directement issues d’une animatique de jeu vidéo.

Double impact

La performance technologique qui permet à Will Smith de partager l’affiche avec son frère jumeau rajeuni de trois décennies reste le moteur de Gemini Man, sa raison d’être. Techniquement, il n’y a rien à dire, le résultat est bluffant, même si les plus méticuleux trouveront quelques imperfections dans les mimiques et les regards qui traduisent la nature digitale de ce clonage. Mais il est dommage que le script écrit à six mains par Darren Lemke, Billy Ray et David Benioff ne cherche jamais à discourir sur les dérives de l’eugénisme, ni même à construire des péripéties un tant soit peu cohérentes. L’action mouvementée et le suspense soutenu parviendraient presque à nous faire oublier le manque de crédibilité de certains événements et de la plupart des comportements, notamment cet échange improbable avec le malfrat russe ou ces monologues peu inspirés de Clive Owen. Les ambitions du film n’étant ouvertement pas philosophiques et son statut purement récréatif étant assumé d’un bout à l’autre, Gemini Man se savoure distraitement mais avec entrain, comme une distraction légère et rafraîchissante.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

SIMETIERRE (2019)

Une nouvelle relecture du célèbre roman de Stephen King qui ne parvient pas à retrouver la miraculeuse alchimie de la version signée Mary Lambert

PET SEMATARY

 

2019 – USA

 

Réalisé par Kevin Kölsch et Dennis Midmyer

 

Avec Jason Clarke, Amy Seimetz, John Lithgow, Sonia Maria Chirila, Jeté Laurence, Hugo Lavoie, Lucas Lavoie, Obssa Ahmed, Alyssa Brooke Levine, Maria Herrera

 

THEMA ZOMBIES I ENFANTS I SAGA STEPHEN KING

Après la remarquable adaptation de « Simetierre » par Mary Lambert, toute nouvelle transposition à l’écran du roman de Stephen King semblait superflue. D’autant que les raisons ayant présidé à la mise en route de ce remake semblaient pour le moins triviales : Paramount était sur le point de perdre les droits d’adaptation du livre, d’où la nécessité urgente de produire un nouveau film. Les premiers noms qui circulèrent autour de ce projet éveillèrent malgré tout quelques espoirs, Matt Greenberg (Chambre 1408) étant pressenti pour le scénario et Juan Carlos Fresnadillo (28 semaines plus tard) pour la réalisation. Mais nous étions alors au début des années 2010, et la production évolua pendant presque dix ans jusqu’à ce que le script soit finalement confié à Jeff Buhler (Midnight Meat Train, ABC of Death 2) et la réalisation au duo Dennis Widmyer et Kevin Kölsch (le thriller Absence, le slasher Starry Eyes et quelques épisodes de la série Scream). Tourné au Canada, le Simetierre de 2019 s’amorce de manière très classique, suivant un refrain connu des lecteurs du roman et de ceux qui sont familiers avec le premier film.

La famille du docteur Louis Creed (Jason Clarke) quitte donc Boston pour venir s’installer dans une région rurale du Maine : son épouse Rachel (Amy Seimetz), sa fille Ellie (Jeté Laurence), son fils Gage (Hugo et Lucas Lavoie) et leur chat Church. Tandis que Rachel trimbale comme un fardeau un traumatisme d’enfance lié à la maladie et la mort de sa sœur, Louis est hanté par son dernier patient qu’il n’a pas pu sauver et qui revient le harceler sous forme d’un fantôme partiellement défiguré. C’est dans ce climat oppressant que survient le premier drame familial : la mort du chat, écrasé par un camion sur la route qui jouxte la maison. Face à la peine apparemment inconsolable d’Ellie, le vieux voisin Jud Crandall (John Lithgow) montre à Louis une sorte de sanctuaire indien qui a été érigé dans les bois, au-delà d’un cimetière pour animaux où les enfants du coin enterrent leurs petits compagnons disparus trop tôt. Ce lieu étrange aurait des vertus magiques de résurrection qui obsèdent bientôt le père de famille. « Cet endroit se nourrit de votre chagrin et envahit votre esprit » confirme Jud. Les deux hommes y enterrent le chat en attendant son retour à la vie. Mais ce premier acte va déclencher une série d’événements tragiques aux conséquences catastrophiques…

Des choix douteux

Peu confiants dans une intrigue qu’ils savent connue, les deux réalisateurs et le scénariste de ce Simetierre prennent une décision douteuse. Au lieu d’essayer d’apporter à ce remake une vision personnelle et une sensibilité nouvelle, ils se contentent d’imiter servilement le film de Mary Lambert en ajoutant artificiellement quelques éléments insolites improbables (comme les enfants qui enterrent leurs bêtes en portant d’étranges masques d’animaux) et surtout en faisant dévier radicalement le récit à son moment le plus crucial. Ce changement imprévu à mi-parcours semble n’exister que pour apporter du sang neuf à une histoire qui n’en réclamait pas tant. Pire : il élimine une grande partie de l’insolente originalité du concept initial pour revenir à une mécanique plus traditionnelle. Certes, ce Simetierre est efficace, bien réalisé, interprété avec conviction, et sait déployer des moments de terreur bafouant les tabous liés à la mort et à l’enfance. Mais on sent bien l’embarras de ses investigateurs face à ce terrain aussi balisé et leurs tentatives maladroites de surprendre coûte que coûte. Nous aurions honnêtement préféré des surprises liées à des choix de mise en scène audacieux plutôt qu’à une réécriture artificielle des péripéties. Quant au final parfaitement grotesque, il montre bien l’indécision des auteurs. Pour preuve, plusieurs fins ont été tournées et soumises à un public test pour pouvoir trancher au moment du montage.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

PASSÉ VIRTUEL (1999)

Une variation fascinante sur le thème des univers artificiels, qui jette un pont entre les années 2000 naissantes et la fin des années 30

THE THIRTEENTH FLOOR

 

1999 – USA / ALLEMAGNE

 

Réalisé par Josef Rusnak

 

Avec Craig Bierko, Dennis Haysbert, Gretchen Mol, Josef Rusnak, Vincent D’Onofrio, Armin Mueller-Stahl

 

THEMA MONDES PARALLÈLES ET MONDES VIRTUELS

Publié en 1964, le roman de science-fiction « Simulacron 3 » de Daniel Galouye était précurseur dans la description des univers virtuels, anticipant avec des décennies d’avance un phénomène qui n’était alors que pure spéculation. Une première adaptation du récit fut réalisée en 1973 par R. W. Fassbender, sous forme d’un téléfilm titré en français Le Monde sur le fil. A l’aube des années 2000, le studio Columbia et le producteur Roland Emmerich décident de s’associer pour se lancer dans une nouvelle transposition du livre de Galouye, destinée cette fois au grand écran. Cédant la mise en scène à Josef Rusnak, qui fut son réalisateur de deuxième équipe sur Godzilla, Emmerich met à la disposition du film les moyens de sa compagnie Centropolis, et notamment le département effets visuels que supervise à cette occasion Joe Bauer (vétéran des séries Star Trek la nouvelle génération et Star Trek Voyager). Contrairement à ce qu’on aurait pu craindre, The Thirteenth Floor (que les distributeurs français « traduisirent » trivialement par Passé virtuel) n’est pas un blockbuster balourd dans l’esprit des superproductions ampoulées du Emmerich post-Independence Day mais une sorte de film noir à cheval entre deux époques, nimbé d’une élégance et d’un charme inattendus.

Le treizième étage du titre original est celui d’un immeuble où siège le laboratoire d’expérimentation mis au point par le richissime génie de l’informatique Hannon Fuller (Armin Mueller-Stahl). Tous ses efforts se sont concentrés sur la création d’un programme imitant à la perfection le Los Angeles de 1937, celui de son enfance. Nostalgique, il s’y plonge souvent, satisfaisant sa nostalgie mais aussi quelques fantasmes liés à la présence de jeune est jolies danseuses peuplant un des luxueux établissements de la ville. Mais au fil de ses errances dans ces années trente factices, il fait une découverte bouleversante qu’il souhaite communiquer à son associé Douglas Hall (Craig Bierko). En revenant dans son époque, Fuller est assassiné dans la pénombre d’une ruelle. La police se met aussitôt à soupçonner Douglas, que tous les indices semblent désigner comme coupable idéal. Pour se disculper et comprendre la nature des informations que son défunt associé souhaitait partager avec lui, il décide de plonger dans le Los Angeles virtuel de 1937 et d’y enquêter. Or voilà que surgit de nulle part June Fuller (Gretchen Mol) qui se présente comme la fille du savant assassiné et qui s’apprête à prendre la tête de la société pour pouvoir la liquider…

Les personnages virtuels ont-ils une âme ?

Sans artifices ni poudre aux yeux, Passé virtuel parvient à tendre un pont entre le futurisme des années 2000 naissantes et la fin des années 30, nimbée alors dans une fragile insouciance loin des proches tourments de la guerre. A ce titre, il faut saluer le remarquable travail effectué sur cette reconstitution d’époque, qui n’est pas sans évoquer le charme rétro d’un Rocketeer. Au diapason, le compositeur Harald Kloser, pas encore formaté par le modèle « hanszimmerien » que lui dicteront ses participations aux futurs films de Roland Emmerich (Le Jour d’après, 10 000, 2012, Independence Day : Resurgence, Midway), fait osciller sa bande originale entre les sonorités jazzy joliment désuètes, les envolées symphoniques qui évoquent celles de David Arnold sur Stargate ou les violons romantico-troubles à mi-chemin entre Bernard Herrmann et Pino Donaggio. Craig Bierko s’affirme comme un héros très charismatique, Gretchen Mol est l’archétype idéal de la femme fatale des films noirs, Armin Mueller-Stahl nous touche en vieux génie prisonnier de ses propres rêves, mais c’est surtout Vincent d’Onofrio qui crève l’écran, même si sa prestation reste cantonnée à l’arrière-plan. Dans le double rôle d’un programmateur geek maladroit des années 2000 et d’un barman agressif des années 30, le futur Winston Fisk de la série Daredevil marque chacune de ses scènes d’une patte indélébile. Le film s’appréhende comme une énigme dont les pièces du puzzle s’assemblent peu à peu. Plus l’enquête avance, plus la frontière entre le réel et le virtuel s’estompe jusqu’à disparaître. Et l’inéluctable question finit par se poser : les personnages factices conçus pour animer les mondes virtuels et servir d’enveloppe provisoire aux visiteurs venus du monde réel n’ont-ils pas une âme et des sentiments qui leur sont propres ? Passé totalement inaperçu lors de sa sortie, en grande partie parce qu’il fut éclipsé par le phénomène Matrix, Passé virtuel mérite amplement d’être redécouvert et apprécié à sa juste valeur.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

FONDU AU NOIR (1980)

Un jeune homme obsédé par le cinéma se transforme en tueur en série dont les meurtres s’inspirent de ses films préférés

FADE TO BLACK

 

1980 – USA

 

Réalisé par Vernon Zimmerman

 

Avec Dennis Christopher, Tim Thomerson, Gwynne Gilford, Normann Burton, Linda Kerridge, Morgan Paull, James Luisi

 

THEMA CINÉMA ET TÉLÉVISION I TUEURS

Avec Fondu au noir, le réalisateur et scénariste Vernon Zimmerman nous offre un slasher d’un genre très spécial, très éloigné de la tendance amorcée avec La Nuit des masques et surexploitée par la saga Vendredi 13 et ses imitations. Le sous-genre déjà formaté des psycho-killers était pourtant alors en plein essor. Eric Binford, cinéphile invétéré fan de polars des années 30 et 40 et de films d’épouvante, vit avec sa tante Stella, qui s’occupe de lui depuis la mort de sa mère. Il travaille dans un laboratoire de cinéma et passe tout son temps libre à regarder des films. De brefs extraits de longs-métrages en noir et blanc traduisent ses états d’âme, avec une décennie d’avance sur la série Dream On qui fera de ce mécanisme narratif son leitmotiv. L’Étrange créature du lac noir, Le Carrefour de la mort, La Nuit des Morts-Vivants ou Le Cauchemar de Dracula se bousculent ainsi dans sa tête et érodent peu à peu sa perception de la réalité.

Un jour, Eric fait la connaissance d’une ravissante jeune femme qui ressemble comme deux gouttes d’eau à Marilyn Monroe. Mais un soir où elle lui pose un lapin, poussé à bout par sa tante paralytique, il tue cette dernière comme dans l’extrait du Carrefour de la mort qu’il est en train de regarder et bascule dans la psychose. Il passe alors de l’autre côté de l’écran pour se transformer en une sorte d’ange exterminateur référentiel. Maquillé comme Bela Lugosi dans Dracula, il provoque la mort d’une jeune femme dont il suce ensuite le sang. Déguisé en cowboy masqué, il vide le chargeur de son pistolet sur son collègue Richie (joué par un tout jeune Mickey Rourke !). Costumé comme Lon Chaney Jr dans les séquelles de La Momie, il provoque la crise cardiaque de son patron. Déguisé en mafieux d’un autre âge, il mitraille un producteur qui lui a volé une idée de film. Le film s’offre aussi un hommage appuyé à Psychose, et notamment à l’incontournable séquence de la douche. Le jeune homme s’inspire ainsi des héros du cinéma qui l’obsèdent pour se créer des alter-égo agressifs capables de prendre sa revanche à sa place, de le venger de ceux qui l’ont trahi, frustré ou humilié. Et tandis qu’il se livre à une croisade sanglante, un psychologue intègre un commissariat pour mener l’enquête.

Le miroir aux illusions

Même s’il manque parfois de finesse et s’encombre au cours de sa première partie de dialogues explicatifs laborieux (comment est morte la mère d’Eric, comment sa tante est devenue paralytique, pourquoi elle a hérité de sa garde), Fondu au noir exerce une certaine fascination. La prestation de Dennis Christopher (révélé dans La Bande des quatre de Peter Yates) est franchement étonnante. Son désespoir face à un grand écran blanc, lorsqu’il semble réaliser qu’il ne s’agit que d’un tissu à projeter des illusions, est presque palpable. En toute logique, le climax se déroule dans un cinéma, en l’occurrence le fameux Chinese Theater sur Hollywood Boulevard, et nous renvoie à celui de King Kong, dont il reprend le caractère inéluctable et pathétique. Ce sera le seul véritable titre de gloire de Vernon Zimmerman, qui disparaîtra du paysage hollywoodien après ce coup d’éclat insolite.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

CRAWL (2019)

Alexandre Aja joue avec nos peurs primaires en enfermant ses héros dans un sous-sol inondé où rodent d’énormes alligators affamés

CRAWL

 

2019 – USA

 

Réalisé par Alexandre Aja

 

Avec Kaya Scodelario, Tina Pribicevic, Barry Pepper, Ross Anderson, Anson Boon, George Somner, Ami Metcalf, Jose Palma, Morfydd Clark

 

THEMA REPTILES ET VOLATILES I CATASTROPHES I SAGA ALEXANDRE AJA

Le mélange du film catastrophe et du film de monstres marins a déjà fait ses preuves avec la saga Sharknado, versant volontiers dans la parodie, le second degré référentiel et le post-modernisme auto-satisfait. Alexandre Aja allait-il emprunter cette voie légère et distanciée ? Allait-il traiter Crawl dans le même esprit que sa relecture potache du Piranhas de Joe Dante ? Fort heureusement, il n’en est rien. Aux excès en tout genre de son Piranha 3D (du sexe, du gore, de l’humour en-dessous de la ceinture), le réalisateur français préfère une certaine sobriété et une approche au premier degré, comme s’il s’agissait d’un retour à l’épure de ses premières œuvres, à l’époque où il avait encore tout à prouver, aux temps de Haute tension et de La Colline a des yeux. Force nous est de préférer ce parti pris plus sincère et finalement beaucoup plus efficace. Ramené à sa plus simple expression, le huis-clos décliné dans ce « film-concept » sollicite les peurs les plus primaires des spectateurs : l’enfermement, la noyade et la dévoration. Et pour que l’implication soit plus grande et dépasse le cadre d’une sympathique attraction de fête foraine, Aja appuie sa narration sur une relation père-fille conflictuelle.

Révélée par la série Skin puis par la trilogie Le Labyrinthe, Kaya Scodelario joue le rôle de Haley, une nageuse professionnelle qui a toujours souffert de la rivalité avec sa sœur. Sa mère a refait sa vie et son père Dave (Barry Pepper, sniper dans Il faut sauver le soldat Ryan), qui fut jadis son coach, s’est peu à peu éloigné d’elle. Mais lorsqu’elle apprend qu’un gigantesque ouragan s’apprête à s’abattre chez lui en Floride et que ce dernier ne donne aucune nouvelle, elle brave les barrages policier et se jette dans la tourmente pour s’assurer qu’il va bien. Elle le retrouve, inconscient et blessé dans le sous-sol de leur maison familiale qui menace de céder sous les assauts répétés des éléments déchaînés. L’eau ne cesse de monter, le piège se referme, et lorsque les choses ne semblent pouvoir empirer, Haley découvre avec horreur que deux énormes alligators ont élu domicile dans le sous-sol et attendent la première occasion de ne faire qu’une bouchée du père et de sa fille. « Je me suis rendu compte au fil de mes films que je m’identifiais autant à mes personnages masculins que féminins », explique Alexandre Aja. « Je n’ai jamais vécu en Floride au milieu d’une tempête, ce qui ne m’empêche pas de me projeter dans cette lutte du personnage interprété par Kaya pour sauver son père non seulement de la noyade et des alligators mais aussi de son renoncement à vivre. L’histoire de Crawl est totalement imaginaire, mais elle s’appuie sur des sentiments palpables et réels. » (1)

I will survive

Filmé à Belgrade entre août et septembre 2018 dans des conditions souvent épuisantes, particulièrement pour l’actrice principale qui passa la majeure partie du tournage pieds nus et immergée dans un décor réel pendant des journées de 16 à 18 heures de travail ininterrompues, Crawl traduit ces efforts physiques à l’écran. Le moteur narratif du film étant la résilience et la volonté farouche de ne jamais baisser les bras, même lorsque tout espoir semble définitivement anéanti, il était nécessaire que cette opiniâtreté et cette résistance physique soient palpables aux yeux des spectateurs. Le film tire une grande force de cette quête de réalisme. Comme en outre Alexandre Aja n’a rien perdu de son savoir-faire, que ses acteurs semblent pleinement impliqués, que les effets spéciaux physiques sont 100% crédibles et que les alligators numériques conçus par l’équipe de Rodéo FX s’avèrent très impressionnants, Crawl agrippe son public avec autant de puissance que la mâchoire d’un saurien affamé et ne le relâche qu’au moment d’un générique de fin libérateur. En 2019, Quentin Tarantino déclara avec enthousiasme que ce « train fantôme » aquatique, produit par Sam Raimi, était son film préféré de l’année.


(1) Propos recueillis par votre serviteur en juin 2021

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

DESTINATION FINALE 5 (2011)

L’ultime opus de la saga macabre est une excellente surprise qui met en scène la catastrophe la plus spectaculaire de la série

FINAL DESTINATION 5

 

2011 – USA

 

Réalisé par Steve Quale

 

Avec Nicholas D’Agosto, Emma Bell, Arlen Escarpeta, Miles Fisher, David Koechner, Jacqueline MacInnes Wood, Ellen Wroe, P.J. Byrne

 

THEMA MORT I CATASTROPHES I SAGA DESTINATION FINALE

Après la lente dégradation de la franchise Destination finale constatée dans les opus 3 et 4, peu d’espoirs planaient sur l’intérêt que pouvait susciter un cinquième épisode motivé principalement par le succès financier du précédent. La surprise n’en est que plus grande – et plus agréable. Steven Quale (qui œuvra tout de même comme réalisateur de deuxième équipe sur Titanic et Avatar) assure la mise en scène, sur un scénario signé Eric Heisserer (visiblement plus inspiré que lorsqu’il écrivit le remake des Griffes de la nuit ou la prequel de The Thing). Le générique spectaculaire de Destination finale 5, déployé sur toute la latitude de l’écran Imax 3D et soutenu par une partition orchestrale de Brian Tyler, nous promet un show plein d’emphase. Et effectivement, la monstrueuse catastrophe qui inaugure le film dépasse en gigantisme tout ce que la saga avait montré jusqu’alors. Les effets visuels impeccables de ce prologue très adroitement mis en scène provoquent un choc qui nous rappelle l’impact des deux premiers films de la saga, avant qu’elle ne s’embourbe dans la routine.

Cette fois-ci, le désastre inaugural concerne un pont suspendu en construction sur lequel circulent des centaines de véhicules, notamment un autocar transportant Sam Lawton (Nicholas d’Agosto) en route pour un séminaire d’entreprise avec ses collègues. Suite à un enchaînement d’incidents techniques, le pont de disloque avec fracas, provoquant une succession de morts particulièrement violentes. Mais Sam a eu la prémonition de cette catastrophe et a pu persuader sept personnes de quitter le pont avant l’effondrement, parmi lesquelles se trouve sa petite amie Molly (Emma Bell). Lors du service commémoratif auquel ils assistent quelques jours plus tard, les rescapés croisent un médecin légiste étrange. Après son absence dans le film précédent, l’incontournable Tony Candyman Todd revient donc imposer son impressionnante présence et lance à nos miraculés un avertissement énigmatique : « La mort n’aime pas être dupée… Soyez tous très prudents ».

La boucle est bouclée

Certes, la mécanique habituelle est toujours de mise, mais le scénario d’ Eric Heisserer parvient à y injecter quelques éléments nouveaux, sans pour autant déroger aux règles établies depuis le début de la franchise. L’un de ces ajouts les plus intéressants est l’évolution (ou plutôt la dégradation) psychologique du personnage de Peter (Miles Fisher) face aux événements dramatiques qui ne cessent de s’enchaîner. Bien décidé à passer à l’action pour prendre la Mort de cours, il permet de casser la routine désespérément répétitive adoptée par les deux précédents épisodes et inscrit ses actions dans des séquences de suspense fort efficaces. Pour l’anecdote, Miles Fisher présente une telle ressemblance physique avec Tom Cruise qu’il en joua de manière hilarante dans un faux spot de campagne présidentielle et dans l’épilogue de Super-Heros Movie. Pour décrire les inéluctables stratagèmes morbides orchestrés par la Faucheuse, Destination finale 5, multiplie les séquences éprouvantes pour les nerfs, certaines s’avérant particulièrement stressantes (l’entraînement de gymnastique, la séance chez l’ophtalmo), d’autres relevant presque du cartoon (le salon de massage, l’usine). Au cours de son épilogue, le film réserve aux spectateurs un savoureux clin d’œil aux origines de la saga, bouclant la boucle avec panache et laissant s’enchaîner pendant son générique de fin une sorte de « best of » de toutes les morts de la série.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

DESTINATION FINALE 4 (2009)

La mort continue ses réactions en chaîne macabres en faisant suite ici aux conséquences explosives d’un carambolage sur un circuit de voitures de course

THE FINAL DESTINATION

 

2009 – USA

 

Réalisé par David Richard Ellis

 

Avec Bobby Campo, Shantel VanSanten, Mykelti Williamson, Haley Webb, Nick Zano, Krista Allen, Andrew Fiscella, Justin Welborn

 

THEMA MORT I CATASTROPHES I SAGA DESTINATION FINALE

Le concept de Destination finale était tellement fort, tellement original et tellement en rupture avec le principe habituel des slashers qu’aucune de ses séquelles n’osa déroger à la mécanique mise en place par les scénaristes James Wong et Glen Morgan. De fait, chaque épisode de la « saga » s’articule sur un canevas rigoureusement identique : un jeune héros a la vision prémonitoire d’une catastrophe meurtrière, permet à ses amis d’en réchapper, et voit finalement la Faucheuse réclamer son dû via de sanglantes réactions en chaîne aux conséquences funestes. Si l’effet de surprise fonctionnait encore partiellement dans le second opus, il finissait par lasser dans un Destination finale 3 fixant assez clairement les limites de la franchise. Avec ce quatrième épisode, sobrement titré The Final Destination dans sa langue d’origine, comme pour marquer une sorte d’aboutissement, nous étions en droit d’espérer une variante narrative propre à enrichir le concept initial. Hélas, le scénariste Eric Bress (réalisateur par ailleurs de L’Effet papillon) nous sert exactement la même recette que celle des trois films précédents sans en changer le moindre ingrédient.

Le refrain est donc connu, si l’on excepte le cadre dans lequel commence le film : une course automobile. Nick (Bobby Campo) et sa petite amie Lori (Shantel VanSanten) assistent à la compétition avec leurs amis Hunt (Nick Zano) et Janet (Haley Webb). Soudain, Nick a la vision d’un gigantesque carambolage qui provoque la mort de dizaines de personnes, y compris ses amis et lui-même. Paniqué, il entraîne ses compagnons à l’extérieur, ainsi qu’un petit groupe de spectateurs, juste à temps pour éviter le désastre. Mais peu après, les survivants commencent à mourir les uns après les autres dans des circonstances violentes et spectaculaires. Rien de bien neuf à l’horizon, donc, si ce n’est l’absence du personnage incarné par Tony Todd, pour une raison parfaitement triviale : le comédien était occupé sur le tournage de Transformers 2. Derrière la caméra, nous retrouvons David Richard Ellis, familier de la franchise puisqu’il réalisa Destination finale 2, et habitué au principe du « film concept » accrocheur à défaut d’être subtil (Cellular, Des Serpents dans l’avion, Shark 3D). Ellis assure le service minimum, laissant une grande partie de sa mise en scène reposer sur des effets 3D. La stéréoscopie, qui constitue l’un des arguments marketing majeurs de Destination finale 4, venait en effet d’être remise au goût du jour par James Cameron avec Avatar.

L’épisode le plus rentable de la franchise

Le relief, les effets numériques excessifs et les images de synthèse exubérantes se taillent donc la part du lion dans cet épisode très modérément palpitant. Certes, quelques scènes de suspense fonctionnent plutôt bien, notamment la séance de coiffure chez l’esthéticienne ou le climax situé dans les coulisses d’un cinéma (qui projette un faux film dont les extraits proviennent en réalité d’Au revoir à jamais de Renny Harlin). Mais ces passages efficaces n’atténuent ni l’effet de déjà vu, ni la vacuité de l’ensemble du métrage. D’autant que la plupart des réactions en chaîne mises en scène par David R. Ellis sont irréalistes et absolument pas crédibles. La plupart des personnages sont à l’avenant, évacuant toute tentative de réalisme ou de subtilité, avec une mention spéciale pour le raciste lourdaud qui conduit une remorqueuse en avalant des litres de bière et en écoutant du métal ! Malgré l’accueil glacial qui lui réserva la critique, légitimement lassée par cette gratuité scénaristique confinant au laxisme, Destination finale 4 sera l’épisode le plus rentable de la série. Ainsi, contrairement aux rumeurs persistantes ayant annoncé cet opus comme le dernier de la franchise, un cinquième épisode sera mis en chantier dans la foulée.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article