PIRANHAS (1978)

Avec la bénédiction de son producteur Roger Corman, Joe Dante surfe sur le succès des Dents de la Mer en dirigeant un banc de poissons particulièrement voraces

PIRANHA

1978 – USA

Réalisé par Joe Dante

Avec Bradford Dillman, Heather Menzies, Barbara Steele, Paul Bartel, Dick Miller, Kevin McCarthy, Keenan Wynn, Bruce Gordon

THEMA MONSTRES MARINS I SAGA PIRANHA

Toujours à l’affût des grands succès du moment, Roger Corman ne pouvait décemment passer à côté du raz de marée des Dents de la Mer au box-office. En quête d’un réalisateur capable de surfer sur la vague, il pensa à Joe Dante, qui travaillait pour lui depuis 1974 comme monteur de bandes annonces et avait fait ses débuts de metteur en scène aux côtés d’Allan Arkush à l’occasion de Hollywood Boulevard. Capable de faire des miracles avec des moyens réduits, Dante semblait l’homme de la situation. Corman décida tout de même de limiter la casse en ne lui allouant que trente jours de tournage et une enveloppe de 650 000 dollars. Articulé autour d’un scénario de John Sayles, Piranhas remplace le grand requin blanc de Spielberg par une race de poissons mutants capables de se reproduire et de survivre hors de leur milieu naturel, fruits de recherches entreprises à la demande du gouvernement. Carnassiers et particulièrement voraces, les piranhas sont libérés par inadvertance et remontent le courant, laissant augurer un beau massacre. 

Dès ce premier long-métrage en solo, Dante parvient à affirmer un style très personnel. On y trouve un cynisme désenchanté, une salve impitoyable contre les grandes institutions, de nombreuses références cinématographiques, un humour à froid et quelques guest stars héritées des œuvres fantastiques qui bercèrent l’enfance du cinéaste. Parmi celles-ci, la grande Barbara Steele (sorcière inoubliable du Masque du Démon de Mario Bava) incarne le glacial docteur Mengers à l’origine de la mutation des poissons, tandis que Kevin McCarthy (héros de L’Invasion des Profanateurs de Sépulture qu’on retrouvera dans la majorité des futurs films de Dante) joue le docteur Hoak.

Un monstre géant finalement abandonné

La bande originale fut confiée à Pino Donaggio, alors alter ego musical de Brian de Palma, et les effets spéciaux à deux débutants débordant de talent : Rob Bottin et Phil Tippett. Avec un budget rachitique de 50 000 dollars, Bottin conçut des attaques de piranhas extrêmement efficaces (ce sont généralement des maquettes accrochées à des grandes perches) et des blessures assez sanglantes. Tippett, de son côté, anima en stop-motion une petite créature bipède mutante en hommage direct aux travaux de Ray Harryhausen. « Nous avions prévu de montrer une version géante de cette créature plus tard dans l’histoire, à l’occasion d’une grande scène de poursuite finale », raconte Dante. « Mais les moyens nous manquaient pour concrétiser cette idée. » (1) En l’état, Piranhas est un petit bijou, et si Corman regretta de ne pouvoir sortir le film avant Les Dents de la mer 2ème partie, il se frotta les mains en constatant qu’il tenait là le film le plus rentable jamais produit par sa compagnie New World Pictures. Face aux nombreuses similitudes entre Piranhas et Les Dents de la mer, les cadres de chez Universal envisagèrent un temps d’intenter un procès à Corman, mais Steven Spielberg lui-même, séduit par cette variante irrévérencieuse de son grand succès aquatique, les en dissuada. De fait, Dante et Spielberg collaborèrent avec succès quelques années plus tard à l’occasion du génial Gremlins

(1) Propos recueillis par votre serviteur en novembre 2011.

 

© Gilles Penso

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28 SEMAINES PLUS TARD (2007)

Une séquelle très efficace du shocker de Danny Boyle, dans laquelle les zombies/infectés servent de métaphore à la destruction d'une cellule familiale

28 WEEKS LATER

2007 – GB

Réalisé par Juan Carlos Fresnadillo

Avec Robert Carlyle, Rose Byrne, Jeremy Renner, Catherine McCormack, Mackintosh Muggleton, Imogen Poots

THEMA ZOMBIES I SAGA 28 JOURS PLUS TARD

Difficile de succéder à 28 Jours plus Tard, qui redéfinissait les codes du film de zombies avec une indéniable originalité. D’autant qu’entre-temps, les variantes n’ont cessé de fleurir sur les écrans. Comment, dans ce cas, capitaliser sur le succès du film de Danny Boyle tout en préservant la fraîcheur du concept initial ? En dénichant un auteur/réalisateur hors du serail hollywoodien, doté d’un sens visuel hors norme. En jetant leur dévolu sur Juan Carlos Fesnadillo, à qui nous devons l’excellent Intacto, Boyle et son co-producteur Andrew Mac Donald ont eu la main heureuse. L’idée semblait d’autant plus judicieuse que les réalisateurs hispaniques n’en finissaient plus, à l’époque, de redynamiser les grands mythes du cinéma fantastique en leur insufflant une vibration toute personnelle, comme le prouvaient les bouleversants FragileLes Fils de l’Homme ou Le Labyrinthe de Pan

Dans cette mouvance, Fesnadillo succède au réalisateur de Trainspotting  en livrant une séquelle au moins aussi époustouflante que son prestigieux modèle. Six mois après que le terrible virus ait transformé la quasi-totalité de la population britannique en monstres sanguinaires, les forces américaines d’occupation déclarent que l’infection est éradiquée et que la reconstruction du pays est en route. Survivant des terribles événements, Don (Robert Carlyle) est rongé par la culpabilité depuis la mort de son épouse. Lorsqu’il retrouve ses enfants à Londres, il tente de reconstituer son noyau familial. Mais la situation s’apprête à empirer…  « Le scénario n’a cessé d’évoluer, et nous n’avons abouti à la version définitive qu’au bout d’un an de labeur », nous raconte Fesnadillo. « L’une des difficultés était de mettre en place un contexte qui ne dépayse pas les fans du premier film tout en développant des éléments entièrement nouveaux » (1).

Dans la mouvance de George Romero

A plus d’un titre, le diptyque 28 Jours/28 Semaines se rattache à la saga des morts-vivants de George Romero. Ici aussi, le monde bascule dans le chaos, l’armée et les scientifiques n’adoptent pas les mêmes méthodes mais s’avèrent incapables de lutter intelligemment contre la menace croissante, et les monstres semblent être les seuls vainqueurs possibles d’une telle guerre. Autre rapprochement : si la situation décrite dans chaque film est la même, les protagonistes diffèrent, nous offrant des points de vues variés et des histoires distinctes. Malgré ces évidentes filiations, Boyle et Fesnadillo rejettent sans appel le terme « zombie », bien peu approprié selon eux au fléau qu’ils décrivent. « Ici, nous parlons de gens qui sont encore en vie », explique Fesnadillo. « Ils sont contaminés par un virus qui les transforme en bêtes enragées. La rage est un sentiment vivant. Ce n’est pas un sentiment lié à la mort. Du coup, nos contaminés sont pleins d’énergie, ils sont rapides, agressifs… Rien à voir avec des morts-vivants » (2). A mi-chemin entre la film d’horreur, la satire politique, le film d’action, le drame familial et le film catastrophe, 28 Semaines plus tard est une œuvre d’exception, laissant une impression durable longtemps après sa projection, et ouvrant grand la porte vers un éventuel troisième épisode. 

 

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en juillet 2007

 

© Gilles Penso

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LA MALEDICTION (2006)

Ce remake sans saveur n'a qu'une seule véritable vertu : revaloriser l'originalité et l'efficacité de son modèle

THE OMEN

2006 – USA

Réalisé par John Moore

Avec Liev Schreiber, Julia Stiles, David Thewlis, Mia Farrow, Seamus Davey-Fitzpatrick, Pete Postletwaite, Michael Gambon

THEMA DIABLE ET DEMONS I SAGA LA MALEDICTION

En multipliant à ce point le nombre de remakes de films d’horreur des années 70-80, les grands studios hollywoodiens ne se contentent pas d’exploiter jusqu’à la trogne des franchises qui ont fait leurs preuves par le passé. Ils témoignent également d’un inquiétant vide créatif, comme si les nouvelles idées n’avaient plus cours. Ainsi, pour honorable et efficace qu’elle soit, cette nouvelle version du classique de Richard Donner affirme tout au long de ses 100 minutes de métrage sa parfaite inutilité, tant elle s’efforce de reproduire fidèlement son modèle, la trame globale et chaque séquence étant quasiment respectées à la lettre. D’ailleurs, comble d’un système qui finit par se mordre la queue, c’est David Seltzer, scénariste de la première Malédiction, qui fut commissionné pour écrire le script du remake. Quoiqu’ « écrire » fut un bien grand mot. Photocopier semblerait plus approprié. 

Nous revoilà donc chez la famille Thorn, accueillant en son sein un petit garçon qui s’avère être l’antéchrist en personne, et qui multiplie autour de lui les morts violentes pour pouvoir progressivement étendre son pouvoir et établir son royaume sur Terre. Le récit initial n’est même pas actualisé, malgré de très maladroites allusions aux attentats du 11 septembre ou au Tsunami asiatique, prétendus préludes d’une ère apocalyptique. Seuls les effets d’épouvante sont modernisés (montage cut, trucages numériques, déflagrations sonores), mais la force du film original demeure inégalée. D’autant que la mise en scène très anonyme de John Moore s’abstient de tout parti pris, hésitant entre plusieurs styles pour finalement n’en adopter aucun.

Mia Farrow retrouve l'antéchrist !

Liev Schreiber et David Thewlis s’en tirent pourtant plutôt bien dans la peau respective du diplomate Thorn et du photographe Jennings. Mais comment oublier les performances proprement habitées de Gregory Peck et David Warner ? Quant à Julia Stiles et Seamus Davey-Fitzpatrick, ce ne sont rien moins que deux colossales erreurs de casting. La première, en jeune mère inquiète, ne véhicule pas l’ombre d’une émotion. Le second, incarnant Damien, saborde toutes les séquences qui le mettent en scène, ses bouderies et ses froncements de sourcils prêtant plus au rire qu’à l’effroi. L’une des seules vraies trouvailles du film est finalement la présence de Mia Farrow, délicieusement détestable dans le rôle de la satanique nourrice. Après tout, n’était-elle pas déjà la mère de l’antéchrist dans Rosemary’s Baby ? Reconnaissons tout de même au film un certain esthétisme à mettre au compte du chef opérateur Jonathan Sela et du chef décorateur Patrick Lumb, notamment au sein d’une poignée de décors étranges comme l’antre du père Brennan ou l’antique cimetière étrusque. Avouons également que Marco Beltrami signe ici une partition particulièrement inspirée, s’inscrivant sans fausse note dans la continuité des flamboyants travaux de Jerry Goldsmith. Mais ce remake de La Malédiction manque cruellement de sincérité et de personnalité pour convaincre. Produit marketing savamment huilé, il sortit d’ailleurs sur les écrans le 06/06/2006… Ça ne s’invente pas !

 

© Gilles Penso 

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LA MALEDICTION 4 : L’EVEIL (1991)

Un quatrième épisode tout à fait facultatif qui se contente pour toute nouveauté de changer le sexe de l'antéchrist

OMEN IV : THE AWAKENING

1991 – USA

Réalisé par Jorge Montesi

Avec Michael Woods, Michael Lerner, Asia Vieira, Faye Grant, Madison Mason, Ann Hearn, Jim Byrnes, Don S. Davis

THEMA DIABLE ET DEMONS I SAGA LA MALEDICTION

La Malédiction Finale n’appelait aucune suite, mais les voix du profit sont impénétrables, et un tardif quatrième épisode de la saga The Omen vit le jour en 1991. Destiné directement au marché vidéo, ce film fut commencé par Dominique Othenin-Girard (signataire d’un Halloween 5 très dispensable) qui quitta le tournage en cours de route, cédant la place au téléaste Jorge Montesi. C’était déjà mauvais signe. Le visionnage de ce quatrième opus confirme effectivement sa vacuité, le scénario se contentant de puiser ses idées dans les épisodes précédents avec beaucoup moins de talent, d’innovation et d’ambition.Seul changement notable : le sexe de l’antéchrist a changé. Damien Thorn ayant passé l’arme à gauche, le Mal renaît dans le corps d’une fillette prénommée Delia (Asia Vieira), adoptée par un couple d’avocats, Gene et Karen York (Michael Woods et Faye Grant). Les incidents étranges qui ponctuent l’enfance de Delia commencent à mettre la puce à l’oreille de sa mère, alors que son père continue à lui accorder le bénéfice du doute. Or ce dernier entame une carrière politique, et c’est justement par cet intermédiaire que l’antéchrist compte étendre son pouvoir. « Un enfant n’est pas prédisposé au mal, c’est le monde qui le pourrit au fur et à mesure » dira une vénérable religieuse à la pauvre madame York.

Handicapé par sa facture de téléfilm, La Malédiction 4 ne laisse aucun souvenir impérissable. Ainsi, lorsque la bande originale ample de Jonathan Sheffer laisse les cuivres et les chœurs exploser, le décalage avec l’absence désespérée d’action à l’écran n’en est que plus grand. Certes, on sent bien l’envie de créer de nouvelles scènes spectaculaires, mais l’absence de moyens et d’originalité étouffe dans l’œuf toutes ces tentatives, telles la défenestration d’une baby-sitter, la décapitation d’un automobiliste, l’incendie destructeur qui frappe une foire de l’occultisme, l’attaque des serpents dans l’église ou l’accident avec la grue de chantier. Au fil du récit, l’influence de deux autres œuvres incontournables, Rosemary’s Baby et L’Exorciste, imprègne fortement les péripéties.

L'influence de Friedkin et de Polanski

La grossesse de la mère, seule à croire au complot démoniaque qui la menace, évoque ainsi le chef d’œuvre de Roman Polanski, tandis que les regards noirs de la petite Delia et l’intervention d’un détective privé opiniâtre nous renvoient à celui de William Friedkin. Les dialogues eux-mêmes osent parfois l’allusion directe, comme cette réplique évoquant les pouvoirs de Carrie. Bref, tous les classiques du genre sont convoqués, la source d’inspiration majeure demeurant la première trilogie de La Malédiction dont nous retrouvons même un molosse noir, métaphore canine du Mal. Si quelques trouvailles de mise en scène font leur petit effet (les nombreuses variantes sur le motif de la croix inversée accompagnées d’une musique proche du thème de Dracula composé jadis par James Bernard pour la Hammer), d’autres n’échappent pas au grotesque, comme les hallucinations du détective privé ou les ultimes rebondissements d’une intrigue franchement chaotique. 

© Gilles Penso

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LA MALÉDICTION FINALE (1981)

Damien l'antéchrist est désormais adulte, a pris les traits de Sam Neill et vise la présidence des États-Unis !

THE FINAL CONFLICT

1981 – USA

Réalisé par Graham Baker

Avec Sam Neill, Lisa Harrow, Barnaby Holm, Rossano Brazzi, Don Gordon

THEMA DIABLE ET DEMONS I SAGA LA MALEDICTION

Bien qu’elle n’ait été réalisée que trois ans après Damien, cette seconde séquelle de La Malédiction se projette neuf ans dans le futur, puisqu’ici Damien Thorn l’antéchrist a ternte-deux ans. Comme c’était à prévoir, il dirige maintenant la puissante multinationale Thorn Corporation et prépare lentement mais sûrement son règne de terreur à la surface de la Terre. Dans le rôle de Damien, on trouve un tout jeune Sam Neill, dont l’accès à la célébrité via des œuvres aussi dissemblables que Jurassic ParkL’Antre de la folie ou La Leçon de piano n’avait pas encore eu lieu. Le visage avenant, le sourire séduisant et le regard vif, il incarne à la perfection un fils de Satan adulte et présente une vraie similitude physique avec Jonathan Scott-Taylor qui le précédait à l’âge de 13 ans dans Damien. Les prières qu’il adresse à son père cornu et les joutes verbales dont il accable Jésus le Nazaréen par l’intermédiaire d’une statue grandeur nature sont quelques-uns des passages les plus mémorables de sa brillante interprétation. Introduites dans les deux premiers films, les sept épées sacrées, seules capables d’anéantir l’antéchrist, ont été récupérées par un ordre secret de l’église catholique basé dans un village italien. Sept hommes d’église sont donc désignés pour exécuter le monstre à figure humaine, mais le Mal les en empêche de fort spectaculaire manière.

D’où une nouvelle série de séquences choc, notamment sur un plateau de télévision et au beau milieu d’une chasse à courre. Alors que dans Damien les corbeaux annonçaient les morts violentes des ennemis du Malin, c’est ici un gros molosse noir qui assure le rôle d’oiseau de malheur. Avec beaucoup d’élégance et de distinction, Damien fait pression auprès du président des Etats-Unis pour devenir ambassadeur d’Angleterre, son prédécesseur s’étant mystérieusement suicidé d’un coup de fusil en plein visage devant une dizaine de journalistes. Si l’antéchrist tient absolument à ce poste, c’est qu’une prophétie annonce la naissance prochaine d’une réincarnation du Christ quelque part au Royaume-Uni, sitôt que trois étoiles se seront parfaitement alignées entre minuit et six heures dans la matinée du 24 mars. N’y allant pas par quatre chemins, Damien ordonne à ses milliers de serviteurs d’assassiner tous les enfants mâles nés ce jour-là en Angleterre.

Une plongée introspective au cœur du Mal

Les moments de pure angoisse se succèdent alors au cours du dernier acte, la violence psychologique prenant largement le pas sur l’horreur visuelle et nous assénant une poignée de séquences pour le moins perturbantes. Promu successeur de Richard Donner et Don Taylor, le réalisateur Graham Baker donne à cet ultime épisode une telle ampleur que nous n’avons plus affaire à un simple film d’horreur à suites, mais à une véritable saga dont les élans épiques trouvent leur écho dans la bande originale de Jerry Goldsmith, plus emphatique que jamais. Du coup, toutes proportions gardées, la trilogie la Malédiction est au Diable ce que Le Parrain était à la mafia : une plongée introspective au cœur du Mal, une fresque complexe et mouvementée dont chaque volet enrichit le précédent d’une profondeur nouvelle.

© Gilles Penso

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DAMIEN : LA MALEDICTION 2 (1978)

Don Taylor succède à Richard Donner et signe une suite très efficace de La Malédiction

DAMIEN – OMEN 2

1978 – USA

Réalisé par Don Taylor

Avec William Holden, Lee Grant, Jonathan Scott-Taylor, Robert Foxworth, Lucas Donat, Nicholas Pryor, Lew Ayres, Sylvia Sidney

THEMA DIABLE ET DEMONS I SAGA LA MALEDICTION

Pour cette suite très attendue de La Malédiction, Richard Donner passe le relais à Don Taylor, à qui l’on doit entre autres la version seventies de L’île du Docteur Moreau et Nimitz retour vers l’enfer. Désormais, Damien a treize ans, et il grandit au sein d’une nouvelle famille adoptive, sous la coupe de son oncle Richard Thorn qui juge bon de lui faire intégrer une école militaire pour parfaire son éducation, aux côtés de son cousin Mark. Mais plusieurs serviteurs du Malin guettent ses faits et gestes et s’efforcent de le préparer en douceur à son machiavélique destin, notamment l’un de ses enseignants interprété par Lance Henriksen, et un associé de son oncle qui compte exploiter la famine dans le monde pour faire fructifier la compagnie Thorn Industries dont il vient de devenir président. Symbolisée par la découverte d’un pictogramme en forme du nombre 666 sur son crâne chevelu, la prise de conscience par le jeune antéchrist de son rôle sur Terre passe par une étape de rejet. Terrifié, courant comme un dément jusque sur une berge, il crie face au ciel et à l’océan « pourquoi moi ? » Mais bien vite, il se rallie à la cause diabolique, et rien ne semble alors pouvoir l’empêcher d’étendre son règne de terreur. 

Suivant le schéma de l’épisode précédent, le scénario est ponctué de morts violentes sitôt qu’un individu s’efforce d’entraver la marche du Mal. La plus mémorable de ces scènes choc est probablement l’attaque d’une journaliste par un corbeau meurtrier au beau milieu d’une campagne déserte. Hurlant à la mort, les yeux crevés et ensanglantés, elle finit ses jours sous les roues d’un poids lourd. Réminiscence des Oiseaux et de La Mort aux Trousses, cette mise à mort paie donc son tribut à Hitchcock, mais les autres assassinats déguisés en accidents sont tout autant gratinés. Notamment l’ensevelissement de deux archéologues au fond d’une grotte tapissée de symboles diaboliques en plein Jérusalem, l’homme noyé dans un lac glacé qui cède soudain sous son poids, le docteur littéralement coupé en deux dans un ascenseur échappant subitement à tout contrôle, ou encore ce malheureux empalé par un train roulant tout seul à vive allure. 

Inquiétant et amoral

Oiseaux de mauvais augure au sens littéral du terme, les corbeaux annoncent ici chaque malheur, soulignés par des ponctuations musicales stressantes à base de cordes pincées et de voix graves. Le scénario se référant régulièrement à la Bible, Jerry Goldsmith gonfle une fois de plus sa partition de chœurs religieux, puisant parfois son inspiration du côté du Carmina Burana. Fils d’un chacal selon la légende, Damien est interprété avec beaucoup de charisme par le jeune Jonathan Scott-Taylor, dont chaque regard s’avère glacial et effrayant. Le reste du casting, s’il ne bénéficie pas des têtes d’affiche de la première Malédiction, s’en tire malgré tout avec les honneurs. Avec une mention spéciale pour William Holden, en père adoptif bienveillant tiraillé par des sentiments contraires. L’efficace mise en scène de Don Taylor ne pâlit guère de la comparaison avec celle de Richard Donner, et ce second épisode se clôt à son tour sur une note inquiétante, amorale et ouverte sur une nouvelle séquelle potentielle.

 

 © Gilles Penso

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LA MALEDICTION (1976)

Pour son premier long-métrage au cinéma, Richard Donner s'attaque au thème de l'antéchrist et réalise un classique de l'épouvante

THE OMEN

1976 – USA

Réalisé par Richard Donner

Avec Gregory Peck, David Warner, Lee Remick, Billie Whitelaw, Harvey Stephens 

THEMA DIABLE ET DEMONS I SAGA LA MALEDICTION

En 1973, Hollywood était encore sous le choc de L’Exorciste et de son score spectaculaire au box office. Tous les producteurs se mirent alors en branle pour essayer de proposer leur propre film d’épouvante démoniaque. Le studio Fox décida ainsi de lancer un film à gros budget et au casting prestigieux : La Malédiction. Le scénario de David Seltzer avait pourtant fait le tour des studios sans trouver acquéreur, sans doute à cause de son approche trop frontale des phénomènes surnaturels. C’est Richard Donner, alors spécialisé dans la réalisation de séries et de téléfilms, qui donna l’impulsion au projet après que l’agent Ed Rosen lui ait proposé de lire le script. Donner parvint à convaincre Alan Ladd Jr, alors à la tête de la Fox, de le laisser diriger le film. Allégé de ses allusions trop directes aux démons et aux sorcières, La Malédiction se transforma en thriller réaliste teinté d’horreur et de fantastique. Gregory Peck, pourtant à la retraite depuis plusieurs années, accepta d’endosser le rôle du diplomate américain Robert Thorn et permit au film de se concrétiser.

L’intrigue commence à Rome, où Thorn et son épouse Katherine (Lee Remick) attendent leur premier enfant. Incapable d’annoncer à sa femme la mort tragique de leur nouveau-né, le diplomate décide de prendre comme fils un bébé orphelin. Mais lorsque le petit garçon, prénommé Damien, grandit, il devient évident qu’il ne s’agit pas d’un enfant ordinaire. Robert Thorn réalise peu à peu que le Mal se cache derrière le visage angélique de son fils. Et si le véritable père de Damien n’était autre que Satan lui-même ? Et si sa venue annonçait une confrontation entre les forces du bien et du mal ? Terriblement angoissant parce que profondément tangible, La Malédiction est ponctué de scènes choc mémorables, comme une chute accidentelle filmée de manière inédite (grâce à un décor inversé, le sol étant bâti contre un mur) ou une décapitation filmée avec cinq caméras simultanées et entrée dans l’histoire du cinéma d’horreur.

Les chœurs démoniaques de Jerry Goldsmith

Richard Donner semblait attendre l’occasion de prouver son savoir-faire, et La Malédiction fit office de tremplin pour sa prestigieuse carrière. Il eut l’excellente idée de tirer le chef opérateur Gilbert Taylor (Docteur Folamour, Répulsion, Frenzy) de sa retraite pour bénéficier de son sens unique de l’image. Taylor se prit tellement au jeu qu’il entama dès lors une seconde carrière, signant dans la foulée les images de La Guerre des Etoiles et du Dracula de John Badham. Donner eut aussi l’audace de réclamer une rallonge budgétaire auprès d’Alan Ladd Jr pour pouvoir se payer les services du compositeur Jerry Goldsmith. Puisant dans le répertoire religieux et s’inspirant des classiques, comme « Alexandre Newsky » de Prokofiev, le compositeur signa à l’occasion une partition magnifique qui lui permit de remporter un Oscar et sur laquelle repose une grande partie de l’impact de La Malédiction. Il faut aussi saluer la prestation glaciale du jeune Harvey Stephens dans le rôle de Damien, et celle de David Warner en photographe promis à un funeste destin. Le phénomène La Malédiction était lancé, et pour Richard Donner, une nouvelle carrière commençait. 

 

© Gilles Penso

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CRIME A FROID (1973)

Agressée, exploitée, mutilée, une jeune fille muette se transforme en ange vengeur et exterminateur

THRILLER

1973 – SUEDE

Réalisé par Bo Arne Vibenius

Avec Christina Lindberg, Heinz Hopf, Despina Tomazani, Per-Axel Arosenius, Solveig Andersson, Björn Kristiansson

THEMA TUEURS

Dépité par le cuisant échec de son premier long-métrage, le conte fantastique tout public Hur Marie Träffade Frederik, le cinéaste suédois Bo Arne Vibenius décida d’en prendre le total contrepied en imaginant un film violent et délibérément adulte qu’il baptisa Thriller : En Grym Film (autrement dit « Thriller : un film cruel »). Difficile d’être plus explicite. En revanche, quand on sait que Vibenius s’efforça de faire de Thriller le film le plus commercial et le plus rentable possible, on se perd quelque peu en conjectures. Certes, le sang et le sexe, omniprésents tout au long du métrage, étaient alors des valeurs marchandes incontestables. Mais les partis pris de mise en scène de Vibenius sont étranges, conceptuels, souvent déstabilisants, à tel point qu’ils muent parfois Thriller en œuvre macabrement poétique, loin des canons habituels du cinéma d’exploitation. Quant aux inserts pornographiques que le réalisateur fit ajouter dans certaines copies du film, ils sont traités cliniquement, sans aucun glamour, soutenus de surcroît par des effets sonores plus propices à un film d’horreur qu’à une grivoiserie classée X.

Dès ses prémisses, Thriller est anxiogène. Une fillette y est agressée sexuellement dans un parc par un vagabond. Certes, tout se joue hors champ, mais le malaise demeure intense. Rendue muette par ce traumatisme, Madeleine (Christina Lindberg) grandit et travaille dans la ferme d’un village, son visage angélique camouflant une fêlure encore vive. Un soir, elle rate son bus et accepte d’être accompagnée en voiture par un homme séduisant, Tony (Heinz Hopf), qui révèle bientôt sa véritable nature. Proxénète impitoyable, il drogue la jeune fille, la rend dépendante à l’héroïne et la prostitue. Alors qu’elle se refuse à son premier client, lui griffant violemment le visage, Tony décide de lui donner une leçon. Armé d’un couteau, il lui crève un œil. Digne de Lucio Fulci, la scène est d’autant plus choquante qu’elle est filmée en gros plans. Et les conditions dans lesquelles cet « effet spécial » fut tourné n’en atténuent nullement l’impact, bien au contraire. Jusqu’au-boutiste, le réalisateur utilisa en effet le cadavre d’une jeune fille, entreposé dans la morgue locale, qu’il fit maquiller comme sa comédienne et dans l’œil duquel il fit enfoncer une lame de couteau ! 

Œil pour œil

Madeleine prépare dès lors sa vengeance, économisant tout ce qu’elle gagne pour prendre des leçons de conduite, d’arts martiaux et de tir. La seconde partie du film mue donc notre victime muette et éborgnée en ange exterminateur, basculant dans une irréalité telle qu’on en vient à douter de la réalité des faits narrés (et si tout se passait dans la tête de Madeleine ?). Car les incohérences comportementales de la vengeresse sont légion et ses aptitudes physiques s’avèrent soudain surhumaines (elle neutralise tous les hommes rompus au combat en un claquement de doigt), tandis que l’abus de ralentis extrêmes pendant les séquences d’action frôle parfois l’abstraction. Ses excès et son caractère insolite permirent à Thriller d’atteindre aisément le statut de film culte, son titre variant au gré des distributions : Crime à Froid, They Call Her One Eye ou carrément Hooker’s Revenge.

 

© Gilles Penso

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CANDYMAN (1992)

Bernard Rose met en scène un croquemitaine charismatique et très effrayant tout droit sorti de l'imagination de Clive Barker

CANDYMAN

1992 – USA

Réalisé par Bernard Rose

Avec Virginia Madsen, Tony Todd, Xander Berkeley, Kasi Lemmons, Vanessa Williams, Ted Raimi

THEMA DIABLE ET DEMONSSAGA CANDYMAN

Les écrits horrifiques de Clive Barker ne surent pleinement s’épanouir à l’écran que lorsque l’auteur décida lui-même de les mettre en image, nous livrant coup sur coup les cauchemardesques Hellraiser et Cabal. Comme s’il avait donné les clefs de la juste transposition filmique de son œuvre, d’autres cinéastes purent s’engouffrer dans la brèche pour s’efforcer de rester fidèles à son univers tout en l’imprégnant de leur propre personnalité. Ainsi naquit Candyman, scénarisé par Barker d’après son roman « The Forbidden » et réalisé par Bernard Rose. Assistant de Jim Henson sur Le Muppet Show et Dark Crystal, réalisateur du fameux clip « Relax » pour le groupe Frankie Goes to Hollywood, Rose se fit remarquer avec le long-métrage fantastique Paperhouse en 1988, une sorte de tremplin vers Candyman.

Tout part d’une légende urbaine se répandant depuis des siècles dans le quartier défavorisé de Cabrini-Green. En 1890, le fils d’un esclave profita de la fortune soudaine de son père, inventeur d’une machine à fabriquer des chaussures après la guerre civile, pour suivre un cursus universitaire prestigieux et fréquenter la haute société. Artiste de grand talent, il se spécialisa dans les portraits de personnes fortunées. Le drame survint le jour où on le pria de capturer la beauté d’une jeune fille dont il tomba amoureux et qu’il mit enceinte. Fou de rage, le père de la belle engagea des hommes qui tranchèrent la main du peintre et le jetèrent dans une ruche où des milliers d’abeilles le piquèrent jusqu’à la mort. Son corps fut brûlé et ses cendres éparpillées dans Cabrini-Green. Depuis, la légende raconte que quiconque osera prononcer le nom de Candyman cinq fois devant un miroir ramènera dans le monde réel cet être maudit mué en monstre vengeur, armé d’un crochet et assoiffé de sang. Helen Lyle (Virginia Madsen) et Bernadette Walsh (Kasi Lemmons) souhaitent publier une thèse sur ce personnage mythique à qui on attribue deux meurtres récents. Peu à peu, leur vie s’apprête à basculer dans l’horreur… 

Le glissement progressif de la réalité vers le fantastique

Dans Candyman, le glissement progressif de la réalité vers le fantastique pur s’opère de manière subtile et imprévisible. Helen étant un personnage délibérément sceptique, elle représente le pôle d’identification idéal du spectateur. Et lorsque le surnaturel s’invite dans son existence, nous basculons en même temps qu’elle. Jusqu’à la fin du métrage, le doute reste d’ailleurs permis : les exactions du croquemitaine au crochet, son existence même, sont-elles le fruit de l’imagination de la jeune femme – soudain victime d’hallucinations successives – ou non ? Comme toujours, chez Clive Barker, la tentation du plaisir interdit s’empare des protagonistes, dès lors attirés par le mal et la souffrance. La relation trouble qui se noue entre Helen et Candyman (très impressionnant Tony Todd) illustre à merveille cet effacement de la frontière entre la séduction et la peur, entre le plaisir et la douleur. Nimbé d’une envoûtante partition pour piano, orgues et chœurs composée par Philip Glass, Candyman est un film d’horreur profondément mélancolique qui demeure à ce jour l’une des plus belles adaptations des écrits tourmentés de Clive Barker.

 

© Gilles Penso

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LE MONDE PERDU (1925)

Le Jurassic Park des années 20 est une adaptation spectaculaire du célèbre roman d'Arthur Conan Doyle

THE LOST WORLD

1925 – USA

Réalisé par Harry O’Hoyt

Avec Bessie Love, Lewis Stone, Wallace Beery, Lloyd Hughes, Alma Bennett, Arthur Hoyt, Bull Montana 

THEMA DINOSAURES

Après avoir créé le célébrissime détective Sherlock Holmes, le romancier Sir Arthur Conan Doyle imagina un nouveau personnage de caractère, l’excentrique professeur Challenger, héros de cinq romans. Le premier et le plus connu de la série fut « Le Monde Perdu », publié en 1912. Le savant et son expédition y exploraient un plateau inconnu du Brésil et y rencontraient de gigantesques sauriens ayant survécu à travers les âges. En 1922, le producteur américain Watherson Rothacker se lança dans l’adaptation cinématographique de la première aventure du professeur Challenger, et livra aux spectateurs un monument du cinéma fantastique exotique. Bien sûr, il est difficile d’apprécier Le Monde Perdu à sa juste valeur si on ne tient pas compte de l’époque à laquelle il fut présenté au public, absolument pas préparé à un spectacle aussi surprenant. La première partie du film, destinée à présenter les personnages, emprunte un ton des plus légers, n’hésitant pas par moments à se référer au burlesque très en vogue dans les années 20 (la glissade maladroite du journaliste Malone dans les bureaux de rédaction, puis son combat clownesque contre Challenger). Les motivations et les caractères des personnages, si importants dans le texte de Conan Doyle, disparaissent presque ici, en raison du handicap du muet mais aussi de l’insipidité relative des comédiens.

Les dinosaures constituent donc le principal intérêt du film, et ils sont franchement étonnants. Aussi nombreux que variés, ils fourmillent sur le plateau amazonien qu’explorent les héros, vaquant à leur occupation préférée, le combat inter-espèces. La sensation de vie due à la technique de l’animation image par image fait des miracles. À vrai dire, les créatures sont animées avec plus ou moins de bonheur selon que le superviseur des effets spéciaux Willis O’brien lui-même ou que l’un de ses assistants se soit attelé à la tâche, mais certains passages portent indubitablement l’empreinte du futur créateur de King Kong. Il faut avouer que les scènes de dinosaures s’intercalent assez artificiellement avec celles des acteurs, lesquels n’apparaissent en même temps qu’eux que rarement, par le biais de petits caches en bas des images.

Un brontosaure lâché dans Londres

Dans le roman de Conan Doyle, le professeur Challenger et son équipe finissaient par ramener à Londres un petit ptérodactyle pour prouver la véracité de leur récit. Dans le film, c’est carrément un brontosaure de 20 mètres de long qui est rapatrié en ville ! Bien entendu, il ne tarde pas à s’échapper et à semer la panique. La destruction finale des rues de Londres qui s’ensuit annonce du coup une prolifique descendance de monstres dévastateurs, King Kong et Godzilla en tête. Le film sortit le 15 février 1925, accompagné d’une publicité tapageuse qui le qualifia de « la plus grande attraction que vos yeux aient jamais vus ». Le public et la critique l’encensèrent immédiatement et en firent le blockbuster de l’année. Conan Doyle se prêta même à un petit canular auprès de la Société des Magiciens qu’il fréquentait, laissant croire à ses amis que les dinosaures présents dans le film étaient réels ! Il faut dire qu’en ces temps héroïques, les effets spéciaux n’étaient pas aussi médiatisés que de nos jours.

 

© Gilles Penso

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