MAD MAX (1979)

Le film qui a transformé George Miller en cinéaste mondialement connu et Mel Gibson en superstar

MAD MAX

1979 – AUSTRALIE

Réalisé par George Miller

Avec Mel Gibson, Joanne Samuel, Steve Bisley, Hugh Keays-Byrne, Tim Burns, Roger Ward, Lisa Aldenhoven, David Bracks

THEMA FUTURSAGA MAD MAX

Le carton d’introduction de Mad Max annonce que nous sommes « quelque part dans le futur ». C’est la seule indication spatio-temporelle que nous aurons à nous mettre sous la dent. A-t-on réellement besoin d’en savoir plus ? A peine le métrage commence-t-il que les pneus crissent, les moteurs vrombissent, la tôle se froisse… Il ne faut pas plus de quelques secondes pour que George Miller s’impose comme un cinéaste d’exception, immergeant les spectateurs de son premier long-métrage dans une poursuite automobile hallucinante qui ne cesse qu’au bout de dix minutes de furie mécanique. On n’avait pas vu ça depuis Bullit ou French ConnectionUn fou du volant, auto-proclammé « Chevalier de la Nuit », est pris en chasse par les voitures de la police, jusqu’à ce qu’intervienne le véhicule « Interceptor » piloté par l’agent Max Rockatansky. Les cadrages au format scope, les mouvements fébriles de la caméra, le montage nerveux, tout dans ce prologue est ciselé au millimètre près.

 Le  héros, lui, ne nous est révélé que progressivement : d’abord les bottes, ensuite le dos, puis le regard dissimulé derrière les lunettes noires, jusqu’à ce que le visage d’un tout jeune Mel Gibson débordant déjà de charisme n’emplisse l’écran, iconisant ce Max qui n’a encore rien de « Mad ». Quand une horde de motards dirigée par le psychopathe Toecutter (Hugh Keays-Byrne) investit une petite ville pour récupérer à la gare le cercueil du Chevalier de la Nuit, la nature du film se révèle sans fard : ce récit d’anticipation est en réalité un western d’un nouveau genre. Dans ce futur proche peu engageant, la folie s’est emparée du monde, et des policiers désabusés (surnommés « bronzes » à cause de leur plaque) filent le train à des gangsters équipés de véhicules customisés aux moteurs surgonflés. Le commissariat lui-même est un bâtiment délabré qui semble à l’abandon et résume bien la situation. Lorsque la bande de Toecutter prend au piège Jim Goose, le co-équipier de Max, la violence monte d’un cran. Elle ne quittera plus l’écran, moins visuellement que psychologiquement. 

L'innocence perdue

Car les épreuves de plus en plus douloureuses et de plus en plus éprouvantes que s’apprête à vivre Max vont le changer à tout jamais, au rythme impitoyable des pneus arpentant le bitume comme autant de coups de couteau plantés dans une innocence perdue. A l’issue de ce parcours du combattant, Max bascule et laisse rugir la bête qui sommeille en lui. Ce revirement est symbolisé par un masque de monstre de carnaval qu’il utilisait jadis pour s’amuser avec son tout jeune fils, et qu’il tord désormais de rage entre ses mains. Le point de non-retour est atteint, et Mad Max justifie enfin son titre, s’acheminant inexorablement vers un dénouement nihiliste. Le compositeur Brian May écrit à l’occasion une partition exagérément épique, parfois en décalage avec l’aspect brut de la mise en scène, mais qui dote le récit d’une indéniable dimension tragique. Chef d’œuvre de nervosité et d’efficacité, le premier volet de la saga Mad Max fit découvrir au grand public la richesse potentielle du cinéma australien, remporta le Prix Spécial du Jury du festival d’Avoriaz et rapporta 250 fois son budget estimé à 400 000 dollars.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

NEW YORK 1997 (1980)

Dans le futur, New York est devenu une prison à ciel ouvert où sévissent les pires individus de la société…

ESCAPE FROM NEW YORK

1980 – USA

Réalisé par John Carpenter

Avec Kurt Russell, lee Van Cleef, Ernest Borgnine, Donald Pleasence, Isaac Hayes, Harry Dean Stanton, Adrienne Barbeau

THEMA FUTUR I SAGA JOHN CARPENTER

John Carpenter avait déjà détourné les codes du western pour les besoins de son thriller Assaut. Ici, il les transpose quelques années dans le futur. Alors que la ville de New York est devenue un quartier de haute sécurité pour trois millions de criminels, le prisonnier Snake Plissken (Kurt Russell) se voit offrir la liberté s’il peut secourir le président des Etats-Unis (Donald Pleasence) dont l’avion s’est écrasé dans la ville. Pour s’assurer de sa loyauté, on lui inocule une bombe miniature dans le corps qui explosera s’il n’a pas accompli sa mission au bout d’un délai de 24 heures. Lâché dans la jungle urbaine de New York, Snake Plissken se fait quelques alliés en chemin, dont Cabbie (Ernest Borgnine), Maggie (Adrienne Barbeau) et Brain (Harry Dean Stanton), et découvre que le président a été enlevé par la dangereuse bande de Duke (Isaac Hayes)…

Les films de John Carpenter reposent souvent sur une idée simple et diablement efficace. C’est plus que jamais le cas ici, et la mise en scène ciselée du réalisateur d’Halloween s’adapte à merveille à ce concept, profitant largement de toute l’étendue du format Cinémascope pour composer des images nocturnes superbes. D’autant que Carpenter n’a pas son égal pour maîtriser l’unité de lieu et de temps. 24 heures, les rues de New York, un homme seul contre tous : à partir de ces données simples, l’action est savamment orchestrée, avec une prédilection pour les décors sordides, les individus autant bigarrés que dangereux et les situations extrêmes. Le plus étonnant est sans doute que le résultat soit si spectaculaire malgré les faibles moyens du film. « New York 1997 a coûté six millions de dollars, ce qui effectivement était un budget plutôt restreint », confirme John Carpenter. « Nous sommes allés tourner à Saint Louis, où avait eu lieu un grand incendie en 1977. Tout le centre-ville avait été dévasté, et c’est ce qui nous a servi de décor principal. Pour les effets spéciaux, nous avons fait appel à la société de Roger Corman, New World, parce qu’ils étaient très bon marché. » (1) Parmi les talentueux artistes embauchés par Corman à cette époque, James Cameron, bientôt en passe de devenir metteur en scène, s’attela aux matte-paintings décrivant les buildings lointains de New York.

Snake Plissken, nouvelle icône de la science-fiction

Le casting du film, constitué de gueules impayables et de réjouissants seconds couteaux, est dominé par Kurt Russell, l’acteur fétiche du cinéaste, portant sur ses épaules le rôle le plus marquant de sa carrière. Snake Plissken, l’homme dont tout le monde a entendu parler dans ce New York d’apocalypse, celui que l’on croit mort sans que personne ne s’en explique, ce mercenaire débonnaire et antisocial au patch de pirate et à la coupe hippie s’est mué en icône immuable du cinéma d’action et de science-fiction. Il est amusant de noter que le studio envisageait à l’époque de proposer le rôle à Charles Bronson ou Tommy Lee Jones, ce que le cinéaste refusa sans appel. Maintes fois imité, notamment via une myriade de petites productions italiennes, New York 1997 demeure une œuvre résolument à part, un petit miracle que Carpenter lui-même ne parvint pas à égaler lorsqu’il en signa tardivement une poussive séquelle.

(1) propos recueillis par votre serviteur en février 1995

 

© Gilles Penso 

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

CONAN LE BARBARE (1982)

Le film ultime de « Sword and Sorcery » qui a fait entrer Arnold Schwarzenegger dans la légende

CONAN THE BARBARIAN

1982 – USA

Réalisé par John Milius

Avec Arnold Schwarzenegger, James Earl Jones, Sandahl Bergman, Max von Sydow, William Smith

THEMA HEROIC FANTASY I SAGA CONAN

Douze mille ans avant notre ère, le jeune Conan reçoit de son père un glaive d’acier et une mission : découvrir le secret de cet alliage que détient le dieu Crom. Mais son village est dévasté par les cavaliers du Nord et sa mère est décapitée par leur chef, Thulsa Doom. Esclave, Conan passe sa jeunesse à actionner la roue d’un moulin, ce qui sculptera son impressionnante musculature. Un jour, il reconquiert la liberté et part avec deux compagnons, le Mongol Subotaï et la ravissante reine des voleurs, à la recherche de Thulsa Doom… Il y a de fortes chances pour que les amateurs du Conan de Robert Howard (dix-sept récits publiés dans « Weird Tales » entre 1932 et 1936) aient été assez déçus par cette adaptation appauvrie en terme de fantasy pure. Où sont donc passés les morts-vivants, les araignées géantes, les statues vivantes, les limaces monstrueuses et les vampires des merveilleuses pages de l’écrivain ? Pour autant, il serait injuste d’en conclure que Conan le barbare, écrit par Oliver Stone et dirigé par John Milius (lui-même scénariste d’Apocalypse Now), soit un échec.

Le producteur Dino de Laurentiis s’étant spécialisé dès le milieu des années 70 dans la mise à mal des grands mythes fantastiques (King Kong, Flash Gordon, Sheena, Dune), on pouvait tout de même craindre le pire. Fort heureusement, si on fait abstraction de la richesse incomparable de son origine littéraire, Conan se révèle être un film d’action mené avec beaucoup d’habileté, mais aussi le mètre étalon de toute l’héroïc fantasy cinématographique à venir. Une grande partie du crédit de cette réussite est à attribuer à Arnold Schwarzenegger, qui s’avère tout simplement parfait dans le rôle du Cimmérien. Ex Monsieur Univers, Ex Hercule, Arnold se rapproche tant du Conan décrit par Howard, ainsi que des magnifiques dessins de Frank Frazetta, qu’il paraît désormais inconcevable d’imaginer un autre acteur dans la peau du personnage.

L'opéra épique de Basil Poledouris

Le film comporte en outre un certain nombre d’attraits et de personnages étonnants : une fiancée coriace pour Conan qui prend les traits de Sandhal Bergman (tous deux effectuant eux-mêmes leurs cascades dans la mesure où aucune doublure convaincante ne fut dénichée pour les remplacer), James Earl Jones en méchant (dont le look et les attitudes sont directement inspirés par les guerriers du Alexandre Nevsky d’Eisentsein), le grand Max Von Sydow (L’Exorciste) en roi viking, et en prime un serpent géant fort impressionnant. Conan le barbare doit également beaucoup à la sublime et emphatique partition de Basil Poeldouris, qui lui donne bien souvent les allures d’opéra wagnérien. Assez curieusement, c’est d’abord Vladimir Cosma, le légendaire compositeur de La Boum et de Rabbi Jacob, qui était pressenti pour composer la musique du film. « Le succès de Diva avait fait connaître mon nom en Amérique », explique-t-il. « De Laurentiis m’a contacté, j’ai fait mes valises, j’étais prêt à partir… Et puis au dernier moment j’ai refusé leur offre, pour une raison très triviale : j’ai la hantise de l’avion ! » (1) Comme quoi, les grandes décisions artistiques du cinéma tiennent parfois à peu de choses.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en mai 2005

© Gilles Penso 

Partagez cet article

L’EXORCISTE (1973)

William Friedkin effectue le grand écart entre l'épouvante suggérée et l'horreur visuelle, clé de la réussite miraculeuse de cette œuvre intense

THE EXORCIST

1973 – USA

Réalisé par William Friedkin

Avec Linda Blair, Max Von Sydow, Ellen Burstyn, Lee J. Cobb, Jason Miller, Kitty Winn, Jack MacGowran, William O’Malley 

THEMA DIABLE ET DEMONS I SAGA L’EXORCISTE

Longtemps estampillé « film le plus terrifiant de tous les temps », L’Exorciste adapte un best-seller écrit en 1971 par William Peter Blatty, lequel s’inspire de faits réels survenus aux Etats-Unis en 1949. Actrice de télévision, Chris McNeil (Ellen Burstyn) est inquiète au sujet de Regan (Linda Blair), sa fille de douze ans. Celle-ci semble anormalement perturbée depuis quelque temps, et de curieux bruits proviennent de sa chambre. Lorsque Regan se met à adopter un comportement anormalement agressif tout en proférant des insanités ordurières, Chris fait appel à la médecine. Mais aucune lésion n’est visible dans son cerveau, et les psychiatres eux-mêmes s’avouent impuissants. Les crises s’avérant de plus en plus violentes, altérant le visage de la gamine jusqu’à la monstruosité, la jeune mère, désemparée, se tourne vers la religion. Deux exorcistes, le père Karras (Jason Miller) et le père Merrin (Max Von Sydow), entrent alors en jeu et découvrent bien vite qu’une entité diabolique a pris possession du corps de Regan. « Mon angle d’attaque était quasiment celui d’un documentaire », explique William Friedkin. « Je n’ai jamais appréhendé L’Exorciste comme un film de monstres à la Frankenstein. J’adore les films d’horreur purs, les films de monstres, mais ce n’était pas mon approche. Pour moi, il s’agissait avant tout d’une histoire explorant les mystères de la foi. Je pense que le démon – ou la force maléfique, appelez-la comme vous voulez – qui habite l’esprit de cette jeune fille innocente cherche en réalité à posséder le jeune prêtre qui est en train de perdre la foi. » (1)

L’étrange alchimie qu’a osée Friedkin, et que s’efforcèrent maladroitement de reproduire ses successeurs et imitateurs, consiste à mêler deux styles de mise en scène à priori antithétiques : l’ultra-réalisme du reportage (notamment lors des premières séquences situées en Irak) et l’épouvante la plus outrancière qui soit, à la limite du grand guignol. D’où les maquillages excessifs du génial Dick Smith, les hectolitres de vomi projetés au visage des exorcistes ou encore les têtes qui tournent à 360°. Miraculeusement, cet audacieux exercice d’équilibre fonctionne à merveille, occasionnant un climat sans cesse dérangeant que Friedkin se complaît à ponctuer de scènes provocantes, la plus célèbre d’entre elles étant la masturbation avec le crucifix. La jeune Linda Blair fut donc doublée à plusieurs reprises, par Eilen Dietz pour les actions trop physiques, par Mercedes McCambridge pour les insultes blasphématoires, et par la contorsionniste Linda Hager pour une scène de « démarche d’araignée » hallucinante qui fut coupée au montage puis réintégrée lors de la ressortie du film en 2000.

L'Empire des Lumières

Malmenant sans cesse ses comédiens pour obtenir les performances les plus réalistes (il n’hésite pas à les gifler, à tirer des coups de feu pour les surprendre ou à les faire secouer sans ménagement par l’équipe technique), Friedkin réalise-là son chef d’œuvre absolu, récipiendaire en 1973 de l’Oscar du meilleur scénario et du meilleur son. La musique du film elle-même est entrée dans la légende. Après avoir envisagé de solliciter Bernard Herrmann et Lalo Schifrin, Friedkin opte pour une approche à la Kubrick en utilisant des morceaux de musique classique contemporaine, auxquels il ajouta le célèbre « Tubular Bells » de MIke Oldfield. « Je cherchais un thème musical dans l’esprit de « La Berceuse » de Brahms, une mélodie simple au piano qui nous ramène à l’enfance », explique-t-il (2). On note que la célèbre séquence du père Merrin débarquant pour la première fois chez les McNeil, dans la lueur surnaturelle d’un lampadaire (et qu’on retrouve sur l’affiche du film), fut inspirée au cinéaste par la peinture « L’Empire des Lumières » de René Magritte.

 

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en septembre 2017

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

JOSHUA (2007)

Le petit Joshua est-il un enfant maléfique aux sombres desseins, ou tout se passe-t-il dans la tête de ses parents névrosés ?

JOSHUA

2007 – USA

Réalisé par George Ratliff

Avec Sam Rockwell, Vera Farmiga, Jacob Kogan, Celia Weston, Dallas Roberts, Michael McKean, Nancy Giles, Linda Larkin

THEMA ENFANTS

A priori, Joshua Cairn n’a rien d’un monstre. Certes, l’exceptionnelle intelligence de ce garçon de neuf ans, sa passion pour l’antiquité égyptienne, ses dons pour la musique et son manque d’intérêt pour le sport le marginalisent quelque peu par rapport à ses petits camarades, mais rien d’anormal n’est à signaler… Jusqu’à la naissance de Lily, sa petite sœur. Dès lors, l’univers bien ordonné de sa famille new-yorkaise aisée commence à se détériorer. Cette inexorable descente aux enfers est-elle due à un spectaculaire « baby blues » poussant la jeune mère à une dépression paranoïaque ? Ce serait l’explication la plus logique. Mais plus les choses dégénèrent, plus le père soupçonne Joshua de mettre son esprit surdoué au service d’une machination machiavélique…

A la manière d’un Michael Haneke se réappropriant le slasher pour en livrer une vision hyperréaliste débarrassée de ses codes habituels, George Ratliff nous raconte l’enfance diabolique sous un jour étonnamment naturaliste. Empruntant ses effets de style au cinéma américain indépendant plutôt qu’au film d’épouvante, le cinéaste nous brosse le tableau d’une famille crédible, portée par des comédiens sensationnels. Brad, le père, est gestionnaire de fonds dans une compagnie d’investissements à haut risque, un self made man ambitieux et un rien arriviste issu d’un milieu catholique modeste (sa mère est évangéliste et adepte du prosélytisme). L’excellent Sam Rockwell (qui fut un méchant mémorable dans Charlie’s Angels et La Ligne verte) prête son charisme et son bagout à ce personnage pivot sur le point de basculer.

Un petit air du Damien de La Malédiction

Abby, la mère, a coupé les ponts avec ses parents et frôle dangereusement la crise de nerfs lorsque les cris de son bébé deviennent trop insistants. Bouleversante, à fleur de peau, Vera Farmiga (Un Crime dans la tête, Les Infiltrés) nous livre là une prestation proprement habitée. Quant à Joshua, dont la froideur, les cheveux bien peignés et le costume impeccable évoquent irrésistiblement le Damien de la trilogie La Malédiction, il prend les traits du quasi-débutant Jacob Kogan, dissimulant soigneusement ses émotions sous un masque glacial. Toute la subtilité du film consiste à bâtir un environnement réaliste et identifiant (les scènes de crise postnatales sentent le vécu !) pour mieux le bousculer au fil de l’intrigue. La terreur que ressentent les adultes est insidieuse, palpable, d’autant que nous ne savons jamais vraiment si l’inquiétude est justifiée ou le fruit d’une imagination trop fertile. Le chien de la maison est-il mort par hasard ? Les cris incessants du bébé sont-ils provoqués par une cause extérieure ? La panique croissante d’Abby est-elle sciemment déclenchée ? La jalousie supposée de Joshua va-t-elle aboutir au drame tant redouté ? Toutes ces interrogations trouvent leur réponse dans un dénouement saisissant, sans tambours ni trompettes mais avec quelques notes de piano, une chansonnette « innocente » et une subtilité qui nimbe le film tout entier. Joshua est un film d’horreur élégant, en quelque sorte, échappant si bien aux étiquettes qu’il fut primé non pas à Gerardmer mais au Festival du Film Indépendant de Sundance.

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

LE VILLAGE DES DAMNÉS (1960)

Douze femmes d'un village britannique accouchent d'enfants d'origine extra-terrestres doués d'inquiétants pouvoirs

VILLAGE OF THE DAMNED

1960 – GB

Réalisé par Wolf Rilla

Avec George Sanders, Barbara Shelley, Martin Stephens, Michael Gwynn, Laurence Naismith, Richard Warner, Jenny Laird 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I ENFANTS

Le Village des damnés fait partie de ces classiques de la science-fiction dont chaque scène ou presque est devenue mythique. A l’origine se trouve un roman écrit en 1957 par John Wyndham, l’auteur de « La Révolte des Triffides ». Contrairement à ce que pourrait faire croire le titre du livre, « Les Coucous de Midwich », il n’est pas ici question d’ornithologie mais d’une armée d’enfants maléfiques semant la terreur chez leurs aînés. Tout commence dans le village anglais de Midwich, frappé un beau jour par un étrange phénomène de perte de conscience collective. Tous les habitants s’y endorment subitement, s’écroulant au sol sans préavis. Les tracteurs tournent en rond, les fers à repasser brûlent sur leurs planches, les robinets coulent inlassablement, et tous les êtres vivants restent inertes pendant plusieurs heures… Cette brutale narcolepsie est délimitée par une zone invisible entourant le village, et tous ceux qui y pénètrent sombrent aussitôt dans les bras de Morphée. Deux mois après cet événement inexplicable, douze femmes de Midwich se retrouvent enceintes, alors qu’aucun acte sexuel ne semble en être à l’origine.

Or cette immaculée conception n’a pas une origine divine mais extra-terrestre, comme en prélude à une invasion massive et parasitaire. D’où la référence aux coucous, connus pour déposer leurs œufs dans les nids des autres oiseaux. Les douze enfants issus de ces grossesses mystérieuses s’avèrent différents du commun des mortels. Parfaitement développés d’un point de vue physique, ils arborent tous une crinière blonde platine bien peignée et un regard glacial. Aucune chaleur humaine ne se dégage d’ailleurs de cette progéniture à l’intelligence bien au-dessus de la moyenne. Lorsqu’ils révèlent leur capacité à lire dans les pensées d’autrui et à influer sur leur comportement, poussant ceux qui les gênent à se suicider brutalement, la menace devient tout à fait tangible. Mais comment lutter contre des enfants capables par simple suggestion de vous inciter à précipiter votre voiture contre un mur, à vous tirer une balle en pleine tête ou à vous immoler ? Le professeur Gordon Zellaby (George Sanders), lui-même père d’une de ces redoutables têtes blondes, va tenter le tout pour le tout…

Le mur de briques…

L’efficacité du récit imaginé par John Wyndham est ici relayée par une mise en scène efficace, nerveuse et dénuée de fioritures. Entrée au panthéon des séquences clef de l’histoire du cinéma fantastique, la vision très inquiétante des enfants fixant sur les adultes un regard lumineux hypnotisant fut obtenue en incrustant sur le visage des jeunes comédiens l’image en négatif de leurs propres pupilles. Quant à leur perruque blonde, les maquilleurs les conçurent autour d’une structure conique laissant subtilement imaginer un crâne surdéveloppé. Mais toutes ces trouvailles n’auraient été que d’ingénieux artifices sans le jeu extraordinaire des acteurs en culottes courtes, dominés par un Martin Stephens tout à fait étonnant. Le suspense final, au cours duquel notre héros s’efforce de se concentrer sur l’image d’un mur de briques pour ne pas laisser les petits monstres pénétrer dans ses pensées, clôt magnifiquement ce chef d’œuvre incontesté.


© Gilles Penso

Partagez cet article

LA NUIT DES MASQUES (1978)

Le film le plus rentable de John Carpenter est aussi celui qui a lancé officiellement la vogue du slasher

HALLOWEEN

1978 – USA

Réalisé par John Carpenter

Avec Jamie Lee Curtis, Donald Pleasence, Nancy Loomis, P.J. Soles, Charles Cyphers, Kyle Richards, Brian Andrews

THEMA TUEURS I SAGA HALLOWEEN I JOHN CARPENTER

Souvent galvaudée, l’expression « film culte » s’adapte pourtant à merveille à certains longs-métrages entrés dans la légende. Halloween en fait partie. D’abord titré La Nuit des Masques lors de sa première sortie en salles chez nous, à une époque où la fête des citrouilles n’avait pas encore gagné la France, le slasher de John Carpenter est emblématique par bien des aspects : sa musique électronique, son tueur muet, son masque blanc recyclant celui du capitaine Kirk, sa jeune héroïne incarnée par une Jamie Lee Curtis à l’aube de sa carrière… L’histoire commence comme une légende urbaine, au milieu des années soixante. La petite ville américaine d’Haddonfield, dans l’Illinois, est frappée par un crime abominable : celui d’une jeune fille par son frère Michael Myers, âgé d’à peine six ans, en plein soir d’Halloween. Dix-sept ans plus tard, l’assassin s’échappe de l’institut psychiatrique où il était interné et revient sur les lieux de son crime. La vogue du psycho-killer, annoncée par Psychose, aura été définitivement lancée par Halloween, qui en a dicté les principes majeurs. Rançon de la gloire : aux yeux du jeune public, le film de John Carpenter, qui faisait office de précurseur lors de sa sortie, ne se distingue plus beaucoup désormais de sa trop prolifique descendance, ses mécanismes ayant notamment été galvaudés par la franchise Vendredi 13. Carpenter nous avouait avec le recul : « A l’époque, personne n’avait encore vu de film utilisant de tels artifices : la musique, le rythme du montage… A présent, c’est le lot quotidien du cinéphile. Tous les films d’horreur contiennent désormais ces effets de mise en scène. Au moment de sa sortie, les gens criaient en voyant ce film, mais plus maintenant. » (1) 

Mais pour qui se replonge dans la prodigieuse atmosphère bâtie par Carpenter, Halloween n’en finit plus de révéler ses trésors de mise en scène et ses trouvailles visuelles. Le film s’ouvre sur un long plan-séquence en caméra subjective qui se conclue de fort surprenante manière. Puis le film donne la vedette à Jamie Lee Curtis, dans un rôle de baby-sitter ingénue. Sa présence dans le film est très symbolique dans la mesure où elle est la fille de Janet Leigh, héroïne de Psychose. La suite immédiate de sa carrière la confirmera d’ailleurs comme « star des slashers » (Le Bal de l’horreur, Le Monstre du train, Déviation mortelle). Dans le rôle du psychiatre Loomis, Donald Pleasence déambule dans le film en ne cessant de ressasser à qui veut l’entendre que Michael Myers n’est pas un homme mais le mal personnifié. Comme toujours, John Carpenter gère avec beaucoup de maestria l’unité de lieu (une rue avec deux maisons adjacentes) et de temps (la nuit d’Halloween), ainsi que les apparitions furtives et inquiétantes du tueur – connues du spectateur mais pas des protagonistes – sur lesquelles repose une bonne partie des effets de suspense. La musique synthétique, sommaire et répétitive de Carpenter accentue la tension du film. Elle s’est muée depuis en véritable classique du genre.

La naissance d'une légende

Malgré le prologue nous le présentant enfant, il est difficile d’appréhender le personnage de Myers comme un tueur classique, rien n’expliquant son invulnérabilité aux balles ou ses motivations meurtrières. À moins qu’il ne soit pas un simple humain – ce que Loomis se tue à dire aux autorités – mais une sorte de croquemitaine surnaturel ? C’est en tout cas la voie que prendront progressivement les épisodes ultérieurs de la saga. Par ailleurs, la perplexité nous gagne face à cette tendance à préserver ou punir les personnages selon qu’ils font preuve de chasteté ou non. Étant donné qu’il est difficile de soupçonner de puritanisme un cinéaste aussi peu politiquement correct que John Carpenter, sans doute faut-il voir dans cette équation sexe = mort la concrétisation d’une obsession commune à maints tueurs en série, témoin Jack l’éventreur qui n’assassinait que des prostituées. Quinze ans après la sortie d’Halloween, John Carpenter déclarait : « Je n’arrive toujours pas à croire qu’on ait réussi à faire ce film pour 300 000 dollars en 22 jours ! » (2) Et de conclure : « Les autres films de la série Halloween n’étaient que des photocopies du film original. Mais la présence de Donald Pleasence suffit à les rendre intéressants. » (3) Toujours est-il que La Nuit des masques est entré dans la légende, tandis qu’aucune de ses séquelles ne laissa de trace marquante dans l’histoire du cinéma fantastique.

 

(1), (2) et (3) Propos recueillis par votre serviteur en février 1995

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

PSYCHOSE (1960)

Alfred Hitchcock adapte le roman de Robert Bloch et crée l'ancêtre de tous les slashers de la décennie suivante

PSYCHO

1960 – USA

Réalisé par Alfred Hitchcock

Avec Janet Leigh, Anthony Perkins, Vera Miles, John Gavin, Martin Balsam, John McIntyre

THEMA TUEURS I SAGA PSYCHOSE

La Mort aux trousses était une superproduction colossale aux moyens impressionnants et au casting prestigieux. Pour son film suivant, Alfred Hitchcock décida de revoir ses ambitions à la baisse, pour éviter la surenchère. Psychose est donc une œuvre plus minimaliste, et son impact n’en est que plus fort. Le scénario de Joseph Stefano adapte assez fidèlement le roman homonyme de Robert Bloch, édité l’année précédente. Mais là où l’écrivain évacuait tout glamour, décrivant son héroïne Mary Crane avec « un visage ravagé, aux traits tirés » et affublant son anti-héros Norman Bates d’« un gros visage à lunettes d’où sortait une voix hésitante et douce », Hitchcock opte pour des choix plus séduisants. Mary – rebaptisée Marion – a désormais les traits particulièrement avenants de Janet Leigh, et Norman le visage sympathique et la silhouette svelte d’Anthony Perkins. Pourquoi ? Pour l’agrément du spectateur, sans doute, mais aussi et surtout pour que le choc gigantesque, surgissant à un tiers du métrage, n’en soit que plus fort. Car Psychose est une véritable montagne russe horrifique.

Lorsque le film commence, Marion demande à son amant de l’épouser. Mais il a des difficultés d’argent. Elle se rend alors à son travail, vole à son patron une forte somme d’argent et s’enfuit en voiture. La nuit tombée, elle trouve refuge dans un motel dirigé par un jeune homme sympathique mais un peu timide, Norman Bates, dont la vieille mère vit dans la grande bâtisse qui se dresse près du motel. Alors qu’elle prend une douche, Marion est sauvagement assassinée par une silhouette féminine qui s’enfuit rapidement. En découvrant le cadavre, Norman s’affole, semble croire que sa mère est responsable, et s’empresse de dissimuler le corps… Le film le plus célèbre du réalisateur le plus célèbre du monde, maintes fois copié, plagié et refait, est donc un formidable exercice de style sur la manipulation du spectateur et le faux-semblant.

Un magistral faux départ

En ce sens, la première partie de Psychose est l’un des plus magistraux faux départs qu’il nous ait été donnés de voir. Nous sommes trompés à la fois sur le genre du film, sur son sujet et sur le personnage principal. En effet, ce qui ressemblait à un récit policier bascule brusquement dans l’épouvante, l’argent volé et la fuite ne sont qu’anecdotiques, et celle qui semblait être l’héroïne meurt en plein milieu du film ! Les scènes de meurtres sont d’autant plus efficaces qu’Hitchcock les suggère sans rien montrer, les violons déchirants de Bernard Herrmann décuplant leur impact. Tourné avec une équipe réduite, un budget de téléfilm et une pellicule en noir et blanc, Psychose contourne en beauté ces contraintes, le réalisateur ayant concentré ses efforts sur quelques scènes clefs qui resteront à tout jamais gravées dans la mémoire des spectateurs, tout particulièrement le meurtre sous la douche, l’assassinat d’Arbogast et le coup de théâtre final, donnant soudain un sens nouveau à l’ensemble de l’intrigue. Anthony Perkins est si convaincant en schizophrène inhibé qu’il aura dès lors bien du mal à changer de registre, les réalisateurs l’ayant un peu vite catalogué sous l’étiquette exclusive des tueurs psychopathes.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

TERMINATOR (1984)

Avec un budget très modeste et un acteur principal pas encore devenu superstar, James Cameron crée une véritable légende

THE TERMINATOR

1984 – USA

Réalisé par James Cameron

Avec Arnold Schwarzenegger, Linda Hamilton, Michael Biehn, Paul Winfield, Lance Henriksen, Dick Miller

THEMA ROBOTS I VOYAGES DANS LE TEMPS I FUTUR I SAGA TERMINATOR

Véritable figure emblématique du cinéma d’action et de science-fiction, Terminator est né dans l’imagination de James Cameron sous la forme d’une seule image : le squelette métallique d’un robot surgissant d’un brasier. C’est cette idée visuelle qui guida Cameron dans l’écriture du scénario. Son récit s’amorce en 2019, au cœur d’un futur post-apocalyptique dirigé par des ordinateurs qui ont signé l’arrêt de mort de la race humaine. D’énormes machines roulent dans les montagnes, qui ne sont que d’abominables charniers humains, avec pour mission de détruire les derniers rebelles. Ces “guérilleros”, menés par John Connor, arrivent cependant à percer les lignes de défense des oppresseurs mécaniques et leur victoire est proche. Les machines envoient alors dans le passé un Terminator, cyborg mi-humain mi-mécanique, pour éliminer Sarah Connor, la mère du chef rebelle, empêchant ainsi la naissance de John. Les rebelles envoient à leur tour un des leurs à la poursuite de la machine tueuse. Le Terminator et son poursuivant, le soldat Reese, nus et désarmés, débarquent donc dans le Los Angeles contemporain et se livrent une bataille dont ils sont les seuls à connaître l’enjeu. Ancien homme à tout faire au sein du département effets spéciaux de New World, la compagnie de Roger Corman, James Cameron n’était pas encore considéré comme cinéaste au début des années 80, sa seule incursion dans la mise en scène s’étant résumée au très anecdotique Piranhas 2.

Quant à l’acteur auquel il souhaitait donner la vedette, le sculptural Arnold Schwarzenegger, il n’était alors connu que par le rôle titre de Conan le barbare. La mise en chantier de Terminator n’était donc guère aisée, mais la productrice Gale Anne Hurd tomba vite amoureuse du scénario, et la compagnie Hemdale alloua finalement à Cameron un très modeste budget de six millions et demi de dollars. Si on le schématise à l’extrême, Terminator n’est qu’une longue course-poursuite. Mais l’intrigue prend déjà une toute autre dimension de par l’enjeu de cette course-poursuite (la survie de la race humaine) et grâce à de savoureux paradoxes temporels, dignes de la pentalogie de La Planète des Singes, liant en une boucle complexe présent et futur. « J’ai toujours été féru de science et d’ingénierie, et c’est la raison pour laquelle la technologie a toujours une place importante dans mes films », déclare James Cameron. « Pourtant, c’est en imaginant des personnages forts et en m’entourant d’acteurs de talent que je trouve le plus de plaisir. » (1)

Naissance d'une icône

Arnold Schwarzenegger était un Conan idéal. Il s’avère tout aussi parfait en cyborg dénué d’émotion qui ne recule absolument devant rien pour accomplir la destructrice mission pour laquelle il a été programmé, reprenant à la puissance dix les attributs du robot tueur quasi-indestructible interprété par Yul Brynner dans Mondwest. James Cameron montre enfin l’ampleur gigantesque de son talent, maîtrisant en virtuose les scènes d’action extrêmement mouvementées et les effets spéciaux complexes. Maquillages (l’œil et le bras arrachés du Terminator), effets mécaniques (les parties robotisées du cyborg qui apparaissent au fur et à mesure de ses altérations physiques) et animation image par image (les vaisseaux spatiaux du futur, et surtout la fabuleuse séquence finale montrant le squelette du robot mis à nu) se mêlent avec une exemplaire homogénéité. Le film aurait pu – aurait dû ? – rester une œuvre unique et singulière sans suite. Mais le succès fut tel qu’une saga multiforme en découla et se propagea bientôt sur tous les écrans. 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en décembre 2009

 
© Gilles Penso

Partagez cet article

LA MACHINE A EXPLORER LE TEMPS (1960)

Une adaptation flamboyante du roman d'Herbert George Wells, sous la direction de George Pal

THE TIME MACHINE

1960 – USA

Réalisé par George Pal

Avec Rod Taylor, Yvette Mimieux, Alan Young, Sebastian Cabot, Whit Bissell, Doris Lloyd, Tom Helmore 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS

Après avoir signé plusieurs merveilles sur pellicule telles que les Pupetoons et Les Aventures de Tom Pouce, George Pal s’attaque à H.G. Wells, d’abord en produisant l’apocalyptique La Guerre des mondes, puis en réalisant lui-même l’adaptation du roman « La Machine à Explorer le temps », publié en 1895. Cette ambitieuse production, réalisée avec un modeste budget de 830 000 dollars, a rapidement atteint le statut de classique du genre. Le scénario se situe le 31 Décembre 1899. Dans un confortable appartement londonien, les amis de George (Rod Taylor, future vedette des Oiseaux), un célibataire épris de recherche scientifique, le voient surgir les vêtements déchirés, le visage et le corps meurtris. Ce dernier leur explique qu’il vient de faire une incursion dans le futur à bord d’une machine à explorer le temps secrètement mise au point dans son laboratoire. Incrédules, ses amis acceptent tout de même son invitation à dîner pour le 5 janvier 1900. Ce jour-là, George raconte aux convives son incroyable aventure. Grâce à son invention, il a pu traverser le temps sans changer d’espace. Via un trucage sommaire mais ô combien inventif, George Pal nous montre ainsi le mannequin d’un magasin de mode qui n’en finit plus de changer de tenue, témoin de la futilité et de la rapidité des modes vestimentaires.

Notre héros se projette ensuite en 1917, 1943 et 1966, où une catastrophe nucléaire ravage la planète, via un emploi intensif de maquettes et d’effets pyrotechniques. George et sa machine se retrouvent prisonniers dans une montagne, qui ne s’érodera que bien plus tard. George arrête alors sa machine le 12 octobre 802701. La vie y semble paradisiaque, la nature a repris ses droits et les humains semblent insouciants et joyeux. Mais ce n’est hélas qu’une apparence, car les hommes, qui répondent au nom d’Elois, n’ont plus aucune émotion dans cet avenir imaginaire, et se sont mués en bétail servant de nourriture à une race de monstrueux mutants troglodytes et nyctalopes, les Morlocks. George, révolté, fomente alors une rébellion, éveillant chez les Elois des sentiments humains enfouis depuis des millénaires, et tombe amoureux de la belle Weena (Yvette Mimieux).

une infinité d'effets spéciaux artisanaux

Technicolor chatoyant, décors dantesques, séquences d’action mouvementées, La Machine à explorer le temps assume pleinement son statut de grand spectacle et de divertissement de tous les instants. Et puis, élément récurrent de l’œuvre de Pal, il comporte une flopée d’effets spéciaux inventifs et surprenants. Le film se permet même une petite incursion dans l’horreur graphique, via cette vision singulièrement gore du cadavre d’un Morlock qui se décompose à toute vitesse, grâce à un effet d’animation image par image. « Tous ces effets étaient très artisanaux », nous raconte Wah Chang, leur superviseur. « Nous n’avions pas d’ordinateur à l’époque, c’étaient des manipulations manuelles. A mon avis, pour réaliser ce type de trucage en image de synthèse, il faudrait beaucoup plus de temps qu’il ne nous en a fallu avec nos maquettes. » (1) En 1960, La Machine à explorer le temps remporte l’Oscar des meilleurs effets spéciaux et s’avèrera être le plus gros succès financier de George Pal. 


(1) Propos recueillis par votre serviteur en novembre 1998. 

© Gilles Penso

Partagez cet article