RUNAWAY L’ÉVADÉ DU FUTUR (1984)

Sous la direction de Michael Crichton, Tom Selleck interprète un policier du futur spécialisé dans les robots déviants

RUNAWAY

1984 – USA

Réalisé par Michael Crichton

Avec Tom Selleck, Cynthia Rhodes, Gene Simmons, Kirstie Alley, Stan Shaw, G.W. Bailey, Joey Cramer, Chris Mulkey

THEMA FUTUR I ROBOTS

Pour son cinquième long-métrage en tant que réalisateur, Michael Crichton décide de reprendre la thématique clef de Mondwest, autrement dit la révolte des robots contre les humains. Mais ici, la donne a changé : l’avarie des machines est d’origine criminelle, et un homme se cache derrière l’enfer mécanique. L’intrigue de Runaway se déroule dans un futur appréhendé de manière très réaliste. Les véhicules et les buildings n’ont rien de foncièrement fantaisistes, et les robots qui se sont installés partout comme auxiliaires, assistants ou domestiques des citoyens n’ont rien d’anthropomorphique. Ce sont des appareils purement fonctionnels, de formes souvent cubiques, montés sur roulettes, munis d’appendices divers, mais dotés en revanche d’une indéniable intelligence.

Le sergent Jack Ramsay (Tom Selleck, superstar de la série Magnum que Crichton fit déjà jouer dans Morts suspectes) est un policier spécialisé dans les « déviants », autrement dit les robots qui se dérèglent et troublent l’ordre public. Flanqué d’une nouvelle partenaire (Cynthia Rhodes), il constate des accidents de plus en plus fréquents, qui entraînent parfois des pertes humaines. Son enquête lui permet de découvrir que les robots coupables de ces exactions ont été munis d’une puce spéciale provoquant leur agressivité. Le responsable est un certain Charles Luther (Gene Simmons), redoutable criminel qui compte monnayer ces puces auprès de la mafia ou des terroristes. Dès que Ramsay se met en travers de son chemin, l’homme n’hésite pas à déployer un arsenal high-tech particulièrement destructeur…

L'attaque des araignées-robots

Beaucoup plus axé sur l’action que les films précédents de Michael Crichton, Runaway est très généreux en morceaux d’anthologie spectaculaires et inédits, mettant à contribution des gadgets extrêmement cinégéniques: un pistolet dont les balles à tête chercheuse foncent à travers les rues jusqu’à atteindre leur cible, des « mines trotteuses » qui glissent sur l’autoroute pour faire exploser les voitures, et surtout une nuée d’araignées robots munies de crocs au vitriol, lesquelles nous gratifient d’un climax pour le moins mouvementé (Steven Spielberg s’en inspirera lui-même pour l’une des scènes clefs de Minority Report). Pour coller au cadre futuriste du film, Jerry Goldsmith se fend pour la première fois d’une partition intégralement synthétique. L’initiative est audacieuse, mais il faut avouer que le résultat n’est guère concluant, le génial compositeur d’Alien et La Planète des singes n’étant jamais mieux servi que par une formation classique. Le film lui-même ne fait pas toujours dans la dentelle, taillant un peu à la serpe la caractérisation de ses personnages au profit d’une profusion de cascades et d’effets pyrotechniques. Mais Runaway s’avère diablement distrayant et ne connaît aucune perte de rythme. Saluons également son casting judicieux. Tom Selleck excelle dans un rôle d’inspiration hitchcockienne (c’est un policier en proie au vertige comme James Stewart dans Sueurs froides) et Gene Simmons sait inquiéter d’un seul regard (Crichton le sélectionna d’ailleurs sur ce seul critère !).

© Gilles Penso  

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MORTS SUSPECTES (1978)

Michael Crichton passe derrière la caméra pour adapter un thriller de Robin Cook qui révèle les secrets innommables d'une clinique bien sous tous rapports

COMA

1978 – USA

Réalisé par Michael Douglas

Avec Genevieve Bujold, Michael Douglas,Rip Torn,Elisabeth Ashley, Richard Widmark, Lois Chiles, Harry Rhodes, Harry Barton

THEMA MEDECINE EN FOLIE

Morts suspectes marque la rencontre entre deux sommités de la fiction médicale : l’auteur/réalisateur/ producteur Michael Crichton et l’écrivain Robin Cook, à l’origine du roman « Coma » transposé ici à l’écran. La chirurgienne Susan Wheeler (Geneviève Bujold) et son chef de service Mark Bellows (Michael Douglas), qui exercent au Boston Memorial Hospital, forment un couple qui bat de l’aile. Tandis qu’il lui reproche de vouloir à tout prix porter la culotte, elle déplore son machisme patent. Un jour, Nancy Grinley (Loïs Chiles, future héroïne de Moonraker), une amie de Susan, vient subir un avortement thérapeutique. Alors qu’il s’agit d’une intervention banale, elle sombre dans le coma sans explication. Susan mène l’enquête et découvre que plusieurs cas similaires se sont déclarés dans cet hôpital, des opérations bénignes se soldant toutes par des comas irréversibles. Enfreignant le règlement interne pour obtenir des informations, Susan finit par se mettre à dos le docteur Harris (Richard Widmark), directeur de l’hôpital, qui lâche en aparté un inénarrable « les bonnes femmes, quelle plaie ! », puis exige la visite de la trop curieuse chirurgienne chez un psychiatre. « Un état de stress assorti de paranoïa », conclue ce dernier. Mais peu après, un autre malade, Sean Murphy (ce bon vieux Tom Selleck), connaît le même sort que Nancy, et tous deux finissent par passer l’arme à gauche.

Susan se demande si du monoxyde de carbone n’est pas utilisé pour tuer discrètement les patients dans la salle d’opération. Sa théorie du complot semble se confirmer lorsque le responsable de l’entretien de l’hôpital, qui s’apprêtait à lui faire des révélations, est retrouvé assassiné. Notre héroïne elle-même est bientôt prise en chasse par le tueur, dans une série de lieux aux multiples possibilités visuelles et dramatiques : conduits sinistres et claustrophobiques, amphithéâtre où des diapositives aveuglent momentanément le poursuivant, morgue où pendent dans des sacs des cadavres à perte de vue… Un gigantesque trafic d’organes se cache derrière tous ces mystères, et la tension continue de croître jusqu’à un excellent suspense final.

Un avant-goût de la série Urgences

Le film tire sa force de son réalisme, grâce à la double expertise de Cook et Crichton. La rigueur scientifique des méthodologies médicales, le descriptif de la politique interne de l’hôpital, les coucheries, les rivalités entre praticiens (« les chirurgiens ne connaissent rien à l’anesthésie ») annoncent les composantes de la série Urgences. Dommage que la mise en scène soit si académique, évacuant tout parti pris artistique, comme dans un téléfilm des années 70. Même la musique de Jerry Goldsmith est sans éclat, notamment dans l’embarrassante scène « idyllique » du week-end à la mer. Mais la fin rattrape toutes ces carences, et le décor hallucinant du Jefferson Institute, où des centaines de corps éclairés par une lumière ultraviolette sont suspendus par un enchevêtrement de câbles comme des marionnettes au bout de ficelles, est encore dans toutes les mémoires. Cette excellente œuvre paranoïaque, qui évoque les meilleurs films de Peter Hyams, donne à Ed Harris son premier rôle, celui d’un interne en pathologie.


© Gilles Penso

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MONDWEST (1973)

Dans un parc d'attractions du futur, les robots se détraquent et se mettent à agresser les visiteurs !

WESTWORLD

1973 – USA

Réalisé par Michael Crichton

Avec Richard Benjamin, James Brolin, Yul Brynner, Alan Oppenheimer, Norman Bartold, Victoria Shaw, Dick Van Patten

THEMA ROBOTS I FUTUR

C’est en découvrant le buste animatronique d’Abraham Lincoln dans un parc Disney que l’écrivain Michael Crichton eut l’idée de Mondwest. Son envie initiale fut d’en tirer un roman, mais le potentiel cinématographique d’un tel sujet le poussa à en écrire un scénario, la MGM acceptant de lui en confier la réalisation à condition qu’il ne dépasse pas un budget d’1,5 million de dollars. Mondwest se déroule dans un futur proche. La robotique ayant atteint des progrès considérables, les riches touristes ont désormais la possibilité de passer des vacances originales à Delos, un complexe de loisirs dans lequel les androïdes remplacent les humains. Trois univers ultra-réalistes s’offrent aux clients : le moyen âge, la Rome antique et le Far West. C’est cette dernière option que choisissent Peter et John, deux businessmen de Chicago en mal de sensations fortes et de dépaysement.

Tous les clichés inhérents au western y sont réunis, et Michael Crichton en profite pour aborder frontalement un genre cinématographique qui lui tient à cœur (ce que prouvera La Grande attaque du train d’or qu’il réalisera quelques années plus tard). Bientôt, nos deux hommes sont défiés par un tireur solitaire, incarné avec froideur par Yul Brynner, lequel arbore exactement le même look que dans Les Sept mercenaires. Il s’agit bien entendu d’un robot, que l’on peut abattre impunément, puisque les techniciens de Delos réparent les machines toutes les nuits afin de les rendre opérationnelles dès le lendemain. La mise en scène alterne d’ailleurs des séquences très cliniques situées dans les centres de contrôle immaculés avec les vacances bigarrées des différents protagonistes. Voir ces hommes en blouse blanche déclencher avec un sérieux papal une bagarre de saloon ou une séquence de séduction médiévale a quelque chose de délicieusement surréaliste.

Psychose mécanique

Mais bientôt, une avarie se manifeste. Les pannes chez les robots, minimes et conformes aux prévisions jusqu’alors, s’avèrent de plus en plus fréquentes. « Nous avons affaire à un processus qui rappelle une maladie infectieuse se transmettant de station en station » constate un scientifique. « Une psychose mécanique ? » avance un de ses confrères. Probablement, car les robots se mettent bientôt à agresser les touristes, quand ils ne les tuent pas purement et simplement. La panique s’empare alors des humains, soudain impuissants face à cette révolte imprévue. Gisant dans un ruisseau, le trône d’une statue antique crée dès lors l’analogie entre la chute de l’Empire Romain et celle d’une civilisation moderne trop confiante en sa technologie. Mondwest porte en germe les thèmes de Jurassic Park, narrant lui aussi la catastrophe provoquée par le dysfonctionnement d’un parc d’attractions futuriste. Quant à Yul Bryner, inoubliable en robot tueur opiniâtre au regard infra-rouge, il servit sans nul doute d’inspiration à James Cameron et Arnold Schwarzenegger pour la création du cyborg assassin de Terminator. Réussite indiscutable et succès immédiat, Mondwest incita Crichton à poursuivre ses expériences de metteur en scène avec des œuvres aussi passionnantes que Morts suspectes, Looker ou Runaway.

© Gilles Penso

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EXCALIBUR (1981)

John Boorman adapte la légende du Roi Arthur avec emphase en se laissant influencer par les écrits de Tolkien

EXCALIBUR

1981 – GB

Réalisé par John Boorman

Avec Nigel Terry, Gabriel Byrne, Helen Mirren, Nicholas Clay, Nicol Williamson, Cherie Lunghi, Liam Neeson, Paul Geoffrey 

THEMA HEROIC FANTASY

Après DélivranceL’Exorciste 2 et Zardoz, John Boorman se mit en tête d’adapter « Le Seigneur des Anneaux ». Dans l’incapacité d’en récupérer les droits, il se tourna vers les légendes arthuriennes, et si son Excalibur est une adaptation fidèle du classique « La Morte Darthur » de Sir Thomas Malory, l’influence de Tolkien y est palpable. Somptueux d’un bout à l’autre, magnifiquement mis en lumière par Alex Thomson et en musique par Trevor Jones, le huitième long-métrage de Boorman choisit comme pivot le personnage de Merlin (Nicol Williamson), un magicien qui fait alterner les discours sentencieux et le cynisme désabusé. Au service du roi Uther Pendragon (Gabriel Byrne), il lui remet la mythique épée Excalibur et lui permet de prendre l’apparence du duc de Cornouailles pour abuser de son épouse Igraine (Katrine Boorman). De cette union naît Arthur, que Merlin enlève en déclarant : « l’avenir a pris racine dans le présent ». Pris dans une embuscade, Uther plante Excalibur dans un rocher avant de mourir. Dès lors, la prophétie annonce que celui qui retirera l’épée de la pierre deviendra roi.

Des années plus tard, des tournois s’organisent pour que le vainqueur gagne le droit d’essayer d’arracher Excalibur à son socle naturel. Nul n’y parvient, jusqu’au jour où le jeune écuyer Arthur (Nigel Terry) ne la retire accidentellement du rocher. Proclamé roi, Arthur épouse Guenièvre (Cherie Lunghi) et fait bâtir le château Camelot avec sa fameuse table ronde. La paix et l’harmonie reviennent dans le royaume, mais Merlin recommande une certaine prudence : « Le bien est indissociable du mal », dit-il. Le trouble couve en effet sous l’apparat de la sérénité. Tandis que Guenièvre tombe amoureuse du chevalier Lancelot (Nicholas Clay), Morgane (Helen Mirren), demi-sœur d’Arthur, s’intéresse de près à la magie de Merlin et rêve de « trouver un homme pour enfanter un dieu ». Utilisant la même ruse qu’Uther, elle s’accouple avec Arthur et donne naissance à un fils, Mordred. Arthur en ressort affaibli, et donne à ses chevaliers comme ordre ultime de retrouver le Graal. Tous échouent, sauf Perceval (Paul Geoffrey) qui continue la quête coûte que coûte. Entre-temps, Mordred (Robert Addie) devient un homme et réclame le trône, tandis que la terreur et la misère s’emparent du royaume. Lorsque Perceval trouve enfin le Graal et le porte aux lèvres de son roi, l’espoir revient, et la dernière bataille se prépare…

L'épée surgie des eaux

On ne compte plus les séquences de pure magie qui émaillent Excalibur : l’épée étincelante qui surgit des eaux, le cheval d’Uther qui galope sur une mer de brume, l’apparition de la Dame du Lac, Lancelot affrontant son double, Morgan et Merlin pénétrant dans la caverne du dragon, l’arbre aux pendus, le duel final devant la lune rouge sang… Quant à la chevauchée d’Arthur aux accents emphatiques du Carmina Burana, c’est une de ces fusions sublimes entre la musique classique et le spectacle cinématographique comme il en existe peu, comparable au « Zaratoustra » de 2001 ou aux Valkyries d’Apocalypse Now. « Je ne suis pas né pour être un homme mais pour être le tissu de la mémoire future » déclare Arthur au cours du dénouement. On pourrait en dire autant du film tout entier, tant il marqua les mémoires.

© Gilles Penso

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SAW 5 (2008)

La dégringolade artistique continue avec ce cinquième opus qui cache son incapacité à effrayer les spectateurs sous des tonnes de sang et de tripailles

SAW V

2008 – USA

Réalisé par David Hackl

Avec Tobin Bell, Costas Mandylor, Scott Patterson, Betsy Russell, Mark Rolston, Julie Benz, Carlo Rota, Mike Butters, Meagan Good

THEMA TUEURS I SAGA SAW

On croyait avoir touché le fond avec Saw IV, épuisant jusqu’à l’auto-parodie involontaire tous les mécanismes mis en place par Leigh Whannell et James Wan dans le premier Saw. Or le pire était encore à venir. « Vous pensiez vraiment que c’était fini ? » peut-on lire sur le poster de Saw V. Non, on ne le pensait pas vraiment, mais on l’espérait, et dès la scène d’ouverture, on est tenté de tourner les talons et de quitter la salle de cinéma. On y assiste en effet à une version ultra-gore du « Puits et du Pendule » d’Edgar Poe, un homme se faisant couper en deux par une lame montée sur un balancier tandis que la bande son se sature de hurlements, d’effets sonores stridents et de musique tonitruante. Certes, les effets spéciaux sont bluffants et les nerfs mis à rude épreuve, mais à quoi bon ? En quoi le découpage ultra-réaliste du corps d’un homme constitue-t-il un spectacle intéressant pour un spectateur, fut-il amateur de films d’horreur ? Le cinéma de genre ne puise-t-il pas au contraire sa force dans son pouvoir suggestif et ses vertus cathartiques ? Rien de tel ici. D’ailleurs, dès qu’il s’agit de faire peur, Saw V s’avère parfaitement incompétent (voir la scène ridicule du chien qui aboie et de l’ascenseur en panne). De fait, l’escalade toujours plus extrême dans l’étalage de viande ne confère pas une once de plus-value à ce cinquième opus de bien triste facture. Promu réalisateur après avoir été chef décorateur puis assistant réalisateur sur les trois précédents épisodes, David Hackl se révèle bien peu inspiré.

Hystérique lors des scènes de torture (où il abuse de ralentis, d’accélérations, de flash blancs, de bruitages excessifs), il perd tous ses moyens pendant les séquences de dialogues, à peine dignes d’un téléfilm allemand des années 70 (photographie hideuse, cadrages dénués de sens, décors d’une grande pauvreté). Difficile, du coup, de nous intéresser à l’intrigue et aux personnages. D’autant que le scénario de Marcus Dunstan (Feast, Saw IV) ne sait pas trop où donner de la tête, puisant des idées dans chacun des Saw précédents tout en multipliant une fois de plus les flash-backs. Pour qui n’est pas familier avec les quatre premiers épisodes, le démarrage de celui-ci risque d’ailleurs d’être assez abscons, dans la mesure où il se réfère à bon nombre de péripéties survenues précédemment.

Jigsaw est mort ? Vive Jigsaw !

Le tueur au puzzle et son « assistante » Amanda ayant passé l’arme à gauche, un nouveau tueur a pris le relais en la personne de l’inspecteur Mark Hoffman (Costas Mandylor, tout à fait inexpressif). Un prétexte assez grotesque justifie ce passage de relais, faisant fi au passage de toutes les incohérences qui en sont corollaires (comment le policier en question est-il capable de concevoir lui aussi des pièges sophistiqués dignes d’un ingénieur en mécanique ?), et le jeu de massacre peut tranquillement continuer. Pendant ce temps, l’agent Strahm (Scott Patterson) mène l’enquête et devine tout avant tout le monde, énonçant à voix haute chacune de ses découvertes pour que les spectateurs ne perdent pas une miette de son raisonnement. Le film s’achève comme il a commencé, c’est-à-dire n’importe comment, et laisse hélas la porte grande ouverte à une nouvelle suite, dont le seul mérite sera probablement de favoriser les jeux de mots à base de charcuterie !

 

© Gilles Penso

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SAW 3 (2006)

Le duo de scénaristes Leigh Whannel et James Wan se reconstitue pour un troisième épisode

SAW 3

2006 – USA

Réalisé par Darren Lynn Bousman

Avec Tobin Bell, J. LaRose, Angus MacFayden, Debra McCabe, Dina Meyer, Kim Roberts, Shawnee Smith, Bahar Soomekh

THEMA TUEURS I SAGA SAW

Saw bousculait tous les lieux communs du slasher pour désarçonner ses spectateurs, tant du point de vue de l’horreur graphique et psychologique que de celui de sa narration déconstruite. Saw 2 exploitait le filon sans beaucoup d’imagination, optant pour une lecture plus linéaire et substituant à la terreur sourde une action soutenue. Quant à Saw 3, il se positionne quelque part entre les deux tendances, un parti pris dicté par le maintien de Darren Lynn Bousman à la réalisation et la reconstitution du duo Leigh Whannel & James Wan au scénario. N’hésitant pas à reculer très – trop ? – loin les limites de ses séquences de torture (rarement l’intégrité du corps humain fut aussi peu respectée), Saw 3 semble vouloir se placer en tête d’une compétition douteuse initiée par ses deux prédécesseurs et leurs émules, notamment Hostel. Fort heureusement, ce troisième épisode ne se limite pas au déchirement des poitrines, à la torsion des membres et à l’arrachage des épidermes. Dans le cas contraire, il eut été non seulement insupportable mais aussi vide de sens et inconsistant.

Or le scénario choisit ici de nous faire adopter le point de vue du psychopathe, autrement dit un Jigsaw mourant (Tobin Bell), alité dans son repaire orné de pièges en construction, soigné par sa fidèle assistante Amanda (Shawnee Smith, personnification exacerbée du syndrome de Stockholm) et par une infortunée chirurgienne (Bahar Soumekh) contrainte de le maintenir en vie sous peine de voir sa tête réduite en cendres par une bombe à retardement nouée autour de son cou. Plusieurs intrigues parallèles se joignent à ce fil conducteur, notamment le parcours du combattant d’un pauvre hère (Angus McFayden) dont le fils a succombé sous les roues d’un chauffard, et qui doit choisir entre le pardon et la vengeance, chacune de ses décisions ayant de très sanglantes conséquences…

Un « slasher philosophique » ?

Succinctement évoquées dans le premier Saw, les motivations de notre « tueur au puzzle » sont ici étalées avec beaucoup d’insistance. Ses longs discours sur la perspective d’une mort atroce comme seule véritable possibilité d’apprécier la vie semblent principalement être conçus pour donner au film une once de respectabilité, justifiant du même coup ses débordements gore sous des allures de « slasher philosophique ». Cela dit, force est de constater que Saw 3 sait se montrer palpitant et développer des séquences réellement éprouvantes. Même Bousman semble avoir réfréné ses tics hérités du vidéoclip, optant pour une mise en scène moins voyante et plus appropriée au sujet. L’autre grand atout de Saw 3 est sa volonté de dépasser le simple cadre de la séquelle pour s’inscrire dans une trilogie cohérente, nous proposant du même coup de redécouvrir plusieurs séquences des deux opus précédents sous un nouvel angle, et avec des informations supplémentaires. Dommage que le scénario se laisse aller aux multiples rebondissements incongrus de dernière minute. Certes, il s’agit là de la marque de fabrique de la série, et ces coups de théâtre finaux ouvrent la porte vers de nouvelles suites possibles, mais leur manque de crédibilité et de finesse amenuisent considérablement leur impact.


© Gilles Penso

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SAW 2 (2005)

Dès son second épisode, la franchise Saw perd tout le sel du premier opus pour s'adonner à la facilité du "torture porn"

SAW II

2005 – USA

Réalisé par Darren Lynn Bousman

Avec Tobin Bell, Shawnee Smith, Donnie Wahlberg, Erik Knudsen, Franky G, Glenn Plummer, Emmanuelle Vaugier, Dina Meyer

THEMA TUEURS

Le succès instantané de Saw incita les décideurs de Lion Gates et Twisted Pictures à enchaîner rapidement avec une séquelle, dans l’espoir de mettre sur pied une franchise aussi juteuse que Scream ou Halloween. Mais James Wan et Leigh Whannell, les principaux intéressés, se sont retirés du devant de la scène, même si Whannell co-signe le scénario avec Darren Lynn Bousman. Du coup, ce second opus fait bien pâle figure face à son modèle, cultivant le déjà-vu tout en se laissant plus que jamais influencer par les mécaniques de Cube et Seven. Lorsque le film commence, un indicateur de la police se réveille avec la tête coincée dans une espèce de piège à loup, variante recto-verso du « masque du démon » de Mario Bava. Sur un écran de télévision, le tueur au puzzle (Jigsaw en V.O.) lui donne le choix : utiliser un scalpel pour récupérer la clef enfouie chirurgicalement derrière son œil, ou avoir la tête broyée par le mécanisme diabolique. Peu après, le cadavre du malheureux est retrouvé par l’inspecteur de police Eric Matthews. Ce dernier décrypte un message du tueur psychopathe qui lui est directement adressé et ne tarde pas à mettre la main sur lui. Mais au lieu d’un colosse masqué armé d’une machette ou d’une tronçonneuse, archétype du psycho-killer moyen, Matthews découvre un vieil homme moribond, suicidaire et cynique, tué à petit feu par le cancer. Son arrestation est aisée, mais il faut d’abord déjouer son ultime piège.

En effet, sept personnes ont été kidnappées par ses soins et enfermées dans une vieille maison truffée de pièges, en un lieu inconnu. A l’issue d’un compte à rebours de deux heures, ils mourront asphyxiés par un gaz mortel. Parmi eux se trouve l’une des anciennes victimes de Jigsaw (la fameuse prisonnière du casque broyeur) ainsi que Daniel, le propre fils de l’inspecteur Matthews. Aucun d’entre eux ne se connaît, mais chacun a un point commun, seul moyen apparent de trouver une issue et d’échapper à la mort. Dès lors, le film nous narre à la fois les confrontations tendues entre le policier et le tueur, et le parcours du combattant des prisonniers, en quête d’antidote contre le gaz, mourrant un à un dans des conditions souvent atroces et spectaculaires (un pistolet caché derrière une porte qui explose la cervelle d’un curieux, un homme progressivement brûlé dans un four, des lames entaillant les poignets d’une femme jusqu’à l’hémorragie).

L'effet de surprise s'est émoussé

La structure éclatée du premier Saw se substitue ainsi à un plus classique montage parallèle, même si les dernières séquences bouleversent quelque peu cette sage juxtaposition. Il faut reconnaître que Saw 2 bénéficie d’un casting impeccable et sait collecter les séquences de suspense efficace, le point d’orgue en la matière étant l’ultime poursuite dans les couloirs de la maison-prison. Mais la surprise n’est plus vraiment au rendez-vous, et la franchise tant espérée par les producteurs s’essouffle déjà considérablement, comme le prouve une révélation finale conçue pour désarçonner le spectateur, à l’instar de celle du film précédent, mais qui n’échappe ni au grotesque, ni à l’incohérence la plus totale. Ce qui n’empêcha pas l’équipe du film d’enchaîner aussitôt sur la mise en chantier d’un Saw 3, histoire de battre le fer pendant qu’il était encore chaud.

© Gilles Penso

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SAW (2004)

Contrairement à sa sanglante descendance, le premier Saw s'intéresse moins au gore qu'aux rebondissements tortueux d'une vertigineuse intrigue à tiroirs

SAW

2004 – USA

Réalisé par James Wan

Avec Leigh Whannell, Cary Elwes, Danny Glover, Monica Potter, Ken Leung, Dina Meyer, Mike Butters, Michael Emerson

THEMA TUEURS I SAGA SAW

Jusqu’alors inconnus au bataillon, les scénaristes James Wan et Leigh Whannell provoquèrent un petit raz de marée à Hollywood en faisant circuler le script de Saw, relecture surprenante du thème éculé du psycho-killer. Soucieux de convaincre d’éventuels financiers, ils tournèrent avec leurs économies l’une des scènes clefs du film et la montrèrent au producteur Gregg Hoffman qui décida aussitôt de se lancer dans l’aventure, acceptant les conditions posées par Wan et Whannell : le  premier réaliserait le film et le second y jouerait l’un des rôles principaux. Pour limiter les risques, Saw fut tourné dans des conditions précaires, avec un modeste budget de 1,2 million de dollars, un planning serré de 18 jours et un destin de film directement distribué en DVD. Les projections test enthousiasmantes en décidèrent autrement, et ce slasher d’un genre nouveau eut droit à une sortie en salles.

Dès ses premières minutes, Saw agrippe son spectateur et ne le lâche plus. Dans une salle de bain en décrépitude, deux hommes qui ne se connaissent pas se réveillent endoloris, chacun étant enchaîné à un des murs de la pièce. Au sol gît un cadavre ensanglanté. Pourquoi sont-ils là ? Qui les a enfermés ? David (Leigh Whannell) est un jeune photographe sans le sou, Lawrence Gordon (Cary Elwes) un chirurgien renommé, et rien ne semble les relier. Autour d’eux, plusieurs objets leur donnent des indices sur la situation et sur la marche à suivre : un revolver, des balles, des cigarettes, une clef, deux scies, des photos, des minicassettes et un dictaphone. Le kidnappeur leur lance bientôt un ultimatum sans appel : si Lawrence ne tue pas David d’ici 18 heures, sa famille sera massacrée… A priori, Saw évoque beaucoup Cube, avec ce prologue en forme de point d’interrogation dans un huis clos mystérieux, et Seven, à travers ce tueur vengeur dont la machiavélique intelligence semble suivre un plan minutieusement préétabli. Mais il faut surtout chercher les influences de Wan et Whannell ailleurs, du côté de l’Europe et du giallo italien.

Meurtres surréalistes

Car le surréalisme des meurtres et l’outrance des situations évoquent finalement plus Dario Argento et Mario Bava que Vincenzo Natali et David Fincher. Notamment ce désormais célèbre casque broyeur, réminiscence visuelle d’un des pièges de Terreur à l’opéra, ou cet emprisonnement dans les fils de fer hérité de Suspiria. Les mises à mort machiavéliques de L’Abominable docteur Phibes nous reviennent également en mémoire. D’ailleurs, cette marionnette de ventriloque que le « tueur au puzzle » emploie comme avatar se réfère directement à une imagerie « à l’ancienne » du cinéma d’épouvante. L’Œuvre d’Alfred Hitchcock figure également parmi les références de Saw, qui recycle habilement le flash de l’appareil photo de Fenêtre sur cour et les ciseaux du Crime était presque parfait. Summum de suspense, de tension et d’horreur psychologique, le premier long-métrage de James Wan est donc une perle rare truffée de trouvailles, bénéficiant en outre de la présence de Danny Glover, vieux routard venu prêter sa trogne familière à cette œuvre de jeunesse dont il apprécia l’inventivité et l’audace. Certes, le twist final est un peu gros et plutôt difficile avaler, mais il ménage une sacrée surprise et parachève en beauté ce bel exercice de style.
 

© Gilles Penso

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HALLOWEEN RESURRECTION (2002)

Non, Michael Myers n'était pas vraiment mort ! Le voilà star d'une émission de télé-réalité qui tourne au massacre…

HALLOWEEN RESURRECTION

2002 – USA

Réalisé par Rick Rosenthal

Avec Jamie Lee Curtis, Sean Patrick Thomas, Busta Rhymes, Tyra Banks, Bianca Kajilich, Thomas Ian Nicholas, Ryan Merrimam

THEMA TUEURS I SAGA HALLOWEEN

Halloween Résurrection de Rick Rosenthal, c’est un peu comme Alien la résurrection de Jean-Pierre Jeunet : la volonté de poursuivre coûte que coûte une franchise fort rémunératrice, malgré la mort violente et indiscutable du personnage principal à la fin du film précédent. Et si le quatrième Alien utilisait la thèse du clonage pour ressusciter Helen Ripley, les scénaristes de ce huitième Halloween optent pour une solution plus proche du serial des années 30. Nous avons tous vu de nos propres yeux Michael Myers se faire décapiter d’un coup de hache par Laurie Strode au cours du climax d’Halloween 20 ans après. Et bien ce n’était qu’un leurre ! En réalité, le tueur fratricide a troqué son bleu de travail et son masque blanc contre un costume de policier, comme dans Le Silence des agneaux, et c’est donc un innocent gardien de la paix qui a perdu la tête. Traumatisée par cette méprise, Laurie végète depuis trois ans dans un asile psychiatrique, jusqu’à ce que son frère ne vienne lui rendre visite et ne la trucide d’un coup de couteau bien placé. Exit donc cette bonne vieille Jamie Lee Curtis, place à une nouvelle livrée de victimes jeunes et glamour. Ces derniers sont une demi-douzaine d’adolescents qui acceptent de passer une nuit dans la maison de Michael Myers, à Haddonfield, à l’occasion d’un jeu de télé-réalité retransmis en direct sur le site internet du producteur Fred Harris, répondant au doux nom de « dangertainment.com ».

Le concept est des plus séduisants, en ce sens qu’il porte en lui le potentiel d’une belle satire des médias, de la starification en série et de la quête de popularité éphémère. Hélas, ce postulat n’est qu’un prétexte terriblement sous-exploité, et les meurtres de nos ados suivent un schéma terriblement codifié qui ne suscite aucune surprise, malgré quelques clins d’œils inattendus comme cet assassinat au pied de caméra visiblement inspiré par Le Voyeur. C’est d’autant plus dommage que le scénario permettait de savoureux exercices de mise en abîme, lesquels ne sont que timidement ébauchés lorsque deux psycho-killers se croisent dans la maison par exemple (le vrai et un acteur costumé), ou lorsque l’organisateur du jeu déclare que Michael Myers est un concept juteux qu’on ressort tous les ans pour renflouer les caisses…

Un concept juteux

On croirait entendre parler Mustapha Akkad, producteur de tous les films de la série depuis Halloween 4 ! Car franchement, Halloween 20 ans après eut constitué un point final idéal pour cette série en perte de vitesse permanente. Le rôle du maître de cérémonie est ici attribué au rappeur Busta Rhymes, qui cabotine sans l’once d’une finesse, à l’instar de la majeure partie du casting, handicapé il est vrai par une caractérisation filiforme et des dialogues stupides. Rien de bien neuf à l’horizon, donc, malgré une mise en scène plutôt efficace de Rick Rosenthal (déjà aux commandes d’un fort honorable Halloween 2) jouant avec les images captées par les caméras vidéo que portent les protagonistes (d’où d’inévitables réminiscences du Projet Blair Witch), et malgré une intéressante partition de Danny Lux réorchestrant une nouvelle fois le célèbre thème de John Carpenter.

 

© Gilles Penso

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HALLOWEEN : 20 ANS APRES (1998)

Ne tenant aucunement compte des épisodes précédents, cet épisode anniversaire ramène Jamie Lee Curtis sur le devant de la scène

HALLOWEEN H20

1998 – USA

Réalisé par Steve Miner

Avec Jamie Lee Curtis, Josh Hartnett, LL Cool J, Adam Arkin, Michelle Williams, Janet Leigh

THEMA TUEUR I SAGA HALLOWEEN

Scream ayant sapé les bases du slasher traditionnel en en démontant tous les mécanismes, la saga Halloween ne pouvait plus se contenter de suivre sa petite routine. Pour ce septième épisode, les producteurs décidèrent donc de laisser tomber les réalisateurs anonymes au profit d’un vrai spécialiste du genre. C’est donc Steve Miner (Le Tueur du vendredi, House, Warlock) qui hérita du bébé. Deuxième apport de taille : le retour de Jamie Lee Curtis, absente de la « saga » depuis le deuxième épisode. Le troisième parti pris décisif est corollaire du second : ignorer purement et simplement les quatre films précédents – comme s’ils n’avaient jamais existé – pour se concentrer sur le personnage de Laurie Strode (Curtis, donc).

Comme son titre l’indique, Halloween 20 ans après se situe deux décennies après le massacre perpétré par Michael Myers dans la petite ville d’Haddonfield. Toujours hantée par le psychopathe au masque blanc, sa sœur Laurie, qui vit dans l’anonymat sous le nom de Keri Tate, redoute tout particulièrement la soirée d’Halloween, que son fils John et son groupe de copains ont décidé de fêter dans un collège désaffecté. Evidemment, ce grand malade de Michael revient sur les lieux de son crime et se remet à planter opiniâtrement son grand couteau dans la chair humaine. Suivant la voie de Kevin Bacon et Johnny Depp, qui firent tous deux leurs débuts dans un slasher (le premier dans Vendredi 13, le second dans Les Griffes de la nuit), Josh Hartnett tient ici son premier rôle sous la défroque de John Tate. Aux côtés du futur héros de Pearl Harbor, on trouve d’autres visages familiers comme L.L. Cool J ou Janet Leigh, inoubliable vedette de Psychose qui est aussi, rappelons-le, la mère de Jamie Lee Curtis.

Aucun véritable sang neuf

Empli de références et pavé de bonnes intentions, Halloween 20 ans plus tard a pourtant du mal à contourner les lieux communs et susciter un réel intérêt. Malgré un budget plus confortable qu’à l’accoutumée (17 millions de dollars, plus du triple de celui d’Halloween 6) et une volonté visible de revenir aux sources de la saga, cette séquelle anniversaire se perd dans les méandres du cliché et n’apporte aucun sang neuf au mythe créé par John Carpenter. A ce constat s’adjoint une déception d’ordre artistique liée à la bande originale. John Ottman, le compositeur attitré de Bryan Singer, écrivit en effet pour ce septième Halloween une partition flamboyante et énergique, reprenant notamment sur un mode symphonique le fameux thème de John Carpenter. Hélas, les producteurs décidèrent de la remplacer en grande partie par d’anciens morceaux composés par Marco Beltrami pour d’autres films (Scream, Scream 2 et Mimic). Une décision absurde et franchement douteuse, qui découle directement des dérives du « temp tracking » et qui dénote une volonté maladroite de surfer sur le succès du slasher de Wes Craven. Certes, Halloween 20 ans après demeure probablement l’une des séquelles les moins brouillonnes de La Nuit des masques, mais son intérêt demeure très limité et rien de bien mémorable ne s’y déroule, à part peut-être son dénouement choc plutôt osé… mais hélas gâché par la séquelle suivante.

© Gilles Penso

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