SPEED RACER (2008)

Les frères Wachowski adaptent un classique de l'animation japonaise et réalisent leur film le plus acidulé… et sans doute aussi le plus creux

SPEED RACER

2008 – USA

Réalisé par Andy et Larry Wachowski

Avec Emile Hirsch, Christina Ricci, John Goodman, Susan Sarandon, Matthew Fox, Scott Porter

THEMA FUTUR

Dissipons tout de suite un malentendu : Speed Racer ne s’adresse pas aux amateurs de science-fiction férus de la trilogie Matrix mais plutôt aux spectateurs en bas âge biberonnés aux longs-métrages Disney. En effectuant un tel grand écart entre le cyberpunk désenchanté et le manga live acidulé, les frères Wachowski ont d’ailleurs désarçonné le public américain qui a réservé au film un accueil glacial. Il faut dire que les partis pris graphiques des duettistes sont un peu déroutants. Si l’extrême saturation des couleurs et le look sixties sautent agréablement aux yeux, que dire de ces environnements numériques qui clament ouvertement leur artificialité, de cette mise en scène empruntant la plupart de ses effets de style aux jeux vidéo et de ces incrustations de comédiens figurant probablement parmi les plus hideuses de l’histoire du cinéma ? On peut légitimement se demander pourquoi Andy et Larry Wachowki n’ont pas opté pour un film d’animation pur et dur, dans la mesure où ici la technique mixte rend les images numériques factices et les acteurs réels fadasses. Rarement Christina Ricci fut moins sexy, Matthew Fox autant insipide, John Goodman si avachi et Susan Sarandon aussi peu pétillante.

Il faut avouer que le scénario lui-même, inspiré d’un classique de l’animation japonaise, laisse peu de place au développement des personnages. Speed Racer (Emile Hirsch) est un pilote de course de très haut niveau, digne successeur de son frère aîné Rex (Scott Porter) qui trouva la mort pendant le rallye Casa Cristo. Fidèle à la firme automobile de son père Pops (John Goodman), il refuse la proposition alléchante de la toute-puissante multinationale Royalton Industries et s’attire dès lors les pires ennuis. Pour sauver l’entreprise familiale et sa propre carrière, Speed, soutenu par sa fidèle compagne Trixie (Christina Ricci), s’associe au mystérieux pilote Racer X (Matthew Fox) afin de remporter le redoutable rallye qui coûta la vie à son frère… Répétitif en diable, le film enchaîne les séquences de courses automobiles futuristes sans vraiment chercher à créer un effet crescendo qui permettrait de créer une progression du double point de vue de la dramaturgie et de l’effet spectaculaire.

Cascades impensables et répétitives

Dès la première compétition, on apprécie les cascades impensables de Speed Racer, capable de faire voler sa voiture, de la faire rebondir contre celles de ses adversaires comme s’il s’agissait d’une balle de flipper, de négocier les virages avec une souplesse étourdissante et d’éviter de justesse les collisions. Mais le film se contente par la suite de reproduire ces figures de style, variant simplement les décors comme si le héros progressait à l’intérieur des différents niveaux d’un jeu de plateformes. Reste à sauver de l’entreprise une excellente partition der Michael Giacchino (Alias, Lost, Les Indestructibles) aux accents délicieusement sixties, c’est à peu près tout. D’ordinaire, les cinéastes affirment un peu plus leur maturité au fil de leurs œuvres cinématographiques. Pour les frères Wachowski, c’est le contraire qui semble se produire. Bound était une perle noire très adulte, la saga Matrix visait prioritairement un public adolescent. Speed Racer, pour sa part, se situe quelque part entre Spy Kids 3 et La Coccinelle revient. A ce rythme-là, Andy et Larry ne devraient pas tarder à réaliser un épisode des Télétubbies !

© Gilles Penso

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LES PREDATEURS DE LA NUIT (1988)

Une variation excessivement gore sur le thème des Yeux sans visage, que Jess Franco met en scène avec un casting international prestigieux

LES PREDATEURS DE LA NUIT

1988 – FRANCE / ESPAGNE

Réalisé par Jess Franco

Avec Helmut Berger, Brigitte Lahaie, Chris Mitchum, Telly Savalas, Stéphane Audran, Florence Guérin, Caroline Munro

THEMA MEDECINE EN FOLIE

Fasciné par Les Yeux sans visage, qu’il avait fidèlement imité dans L’Horrible docteur Orloff en 1962, Jess Franco tente là une nouvelle variante sur le thème, la fin des années 80 lui permettant de ne plus se réfréner en matière d’horreur et d’érotisme. Ici, le docteur Flamand (Helmut Berger), dirige la Clinique des Mimosas à Saint-Cloud et délivre aux vieilles bourgeoises dont il ravale la façade des lieux communs flatteurs du genre « n’oubliez pas que votre corps est un temple. » Adepte du ménage à trois, il passe une soirée bien arrosée dans le beau Paris, lorsque surgit une ancienne patiente mécontente de son opération. Au lieu de gifler le docteur ou de l’attaquer en justice, elle utilise une méthode autant expéditive qu’improbable : une fiole d’acide dont elle arrose le visage de sa petite amie Ingrid. Dès lors, avec l’aide de son infirmière préférée (Brigitte Lahaie), Flamand va capturer des jeunes femmes pour tenter de restaurer la beauté de la malheureuse.

Le refrain est connu, mais Les Prédateurs de la nuit surprend par la régularité et l’excès de ses séquences gore (il faut dire que le film s’inspire largement du théâtre Grand-Guignol, et notamment du classique « Une Leçon à la Salpétrière » écrit en 1908 par André de Lorde) . On se souviendra en particulier de Gordon, l’assistant désaxé et obsédé sexuel qui tranche net d’un coup de machette les mains d’une patiente, des gros plans insistants sur le faciès défiguré d’Ingrid, de la seringue plantée dans l’œil d’une patiente, de l’écorchage vif d’un visage, d’une décapitation à la tronçonneuse suivie d’un baiser nécrophile, du gigolo égorgé avec une paire de ciseaux, de la tête décomposée infestée de vers, d’une infirmière trépanée à la perceuse, et surtout de l’opération elle-même, remake rouge vif de celle des Yeux sans visage. La gratuité et le jusqu’auboutisme de ces ponctuations horrifiques évoquent parfois Lucio Fulci, et leur impact repose beaucoup sur les remarquables maquillages de Jacques Gastineau.

Massacres en blouses blanches

Autre élément récréatif du film : un casting international et hétéroclite. Caroline Munro incarne une des victimes du docteur (elle passe le plus clair du film en petite culotte) ; Telly Savalas joue avec conviction son père, un businessman new yorkais prêt à tout pour la retrouver ; Stéphane Audran est une patiente indiscrète qui tente de faire chanter le docteur ; Howard Vernon fait une apparition dans le rôle qu’il interprétait dans L’Horrible docteur Orloff (les connaisseurs apprécient le clin d’œil, d’autant que sa femme est interprétée par Lina Romay, égérie de Jess Franco) ; Anton Diffring joue un ancien chirurgien nazi qui seconde Flamand dans l’opération ; quant à Florence Guérin, elle joue son propre rôle avec beaucoup d’auto-dérision. Outrageusement eighties dans son look et dans sa musique (les scènes de boîte de nuit sont involontairement hilarantes), le film collectionne également les clichés touristiques parisiens, de la Tour Eiffel aux Champs-Elysées en passant par l’hôtel Concorde Lafayette. Excessif de bout en bout, pas subtil pour un sou, Les Prédateurs de la nuit demeure pourtant l’une des imitations les plus distrayantes et les plus drôles du chef d’œuvre de Georges Franju.

 

© Gilles Penso

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UNE VIERGE CHEZ LES MORTS-VIVANTS (1973)

Aucun zombie ne vient hanter ce film de Jess Franco au titre trompeur, mais des spectres tapis dans les ténèbres d'un château inhabité

UNE VIERGE CHEZ LES MORTS-VIVANTS / CHRISTINA PRINCESSE DE L’ÉROTISME

1973 – FRANCE

Réalisé par Jess Franco

Avec Christina Von Blanc, Britt Nichols, Rosa Palomar, Anne Libert, Howard Vernon, Paul Muller, Jess Franco, Nicole Guettard

THEMA FANTÔMES

Une Vierge chez les morts vivants est l’un des films que Jess Franco préfère, et qu’il imagina suite à la lecture d’un poème espagnol dissertant sur la vie et la mort. Si le titre trompeur laisse imaginer une histoire de zombies, aucun cadavre ambulant n’y pointe pourtant le bout de son nez décomposé. Franco avoue d’ailleurs détester ce titre, tout comme sa seconde appellation officielle, Christina princesse de l’érotisme, qui fut utilisée lors de certaines exploitations en France pour renforcer le caractère olé-olé de cette œuvre finalement assez inoffensive. Les distributeurs n’hésitèrent pas non plus à remonter le film à leur guise, y incorporant des extraits du calamiteux Lac des morts-vivants bricolé par Jean Rollin. Débarrassé de ces oripeaux artificiels, Une Vierge chez les morts-vivants s’apprécie comme un conte fantastique tout entier centré sur le personnage de la jolie Christina Benson incarnée par Christina Von Blanc.

Quittant son collège londonien à l’annonce de la mort de son père, la jeune fille part rejoindre la famille qu’elle ne connaît pas dans un château perdu quelque part dans la campagne européenne. L’oncle Howard (Howard Vernon), la tante Abigail (Rosa Palomar), la cousine Carmencé (Britt Nichols) et le serviteur muet Basilio (Jess Franco himself) ont tous un comportement assez étrange. La nuit, étendue nue dans son lit (elle est tout de même censée être la « princesse de l’érotisme » !), Christina fait des cauchemars récurrents. Son père lui apparaît pendu dans la forêt, Carmencé s’ébat lascivement avec une jeune aveugle dont elle suce le sang, et elle-même se voit victime d’un sacrifice humain. Mais sont-ce des rêves ? Pourquoi tous les habitants de la région sont-ils persuadés que le château est inhabité depuis des années ? Et si cette « famille » était en réalité constituée de fantômes ? En déclarant « nous ne sommes pas faits pour avoir à nos côtés une fille vivante, fraîche et douce », l’oncle Howard semble corroborer cette inquiétante hypothèse.

Poésie macabre

Tourné entièrement au Portugal, Une Vierge chez les morts-vivants est émaillé de séquences poétiques que soutient une belle musique mélancolique de Bruno Nicolaï, notamment lorsque le défunt père de Christina est inexorablement emporté par la Reine des Ténèbres, puis glisse dans les bois, toujours accroché à sa corde de pendu. Le film n’est pas non plus dénué d’humour, comme en témoigne cette parodie de lecture de testament au cours de laquelle les propos du notaire sont parfaitement incompréhensibles. Mais la lenteur extrême du récit et sa confusion totale entraînent bien souvent l’ennui malgré sa courte durée (une heure quinze à peine). Et que dire de cette séquence absurde où Christina, découvrant au pied de son lit une sculpture de sexe masculin qu’elle envoie valdinguer, s’entend dire : « Il ne faut pas casser le Grand Phallus ! Maintenant, la malédiction est sur nous ! » ? La poésie macabre reprend le dessus lorsqu’Howard Vernon conclue le film avec solennité : « Ce n’est pas la mort qui a vaincu la vie, mais la vie qui mène toujours à la mort. Nous retournerons pour toujours sur les rives du Styx, errant dans les marais sans jamais atteindre l’autre rive. Que le destin s’accomplisse. » Mine de rien, voilà une belle définition de ce qu’est un fantôme.

© Gilles Penso

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LES NUITS DE DRACULA (1970)

Loin de l'imagerie colorée des productions Hammer, Christopher Lee campe un Dracula plus "réaliste" sous la direction de Jess Franco

EL CONDE DRACULA

1970 – ESPAGNE / ALLEMAGNE / ITALIE / GB

Réalisé par Jess Franco

Avec Christopher Lee, Fred Williams, Paul Müller, Herbert Lom, Klaus Kinski, Maria Rohm, Soledad Miranda, Jack Taylor 

THEMA DRACULA I VAMPIRES

Les Nuits de Dracula est en rupture avec les productions Hammer, et c’est probablement ce qui séduisit Christopher Lee, las de jouer les utilités grimaçantes au sein d’une franchise vieillissante et usée. Ici, les décors en studio ont été remplacés par des sites naturels, et la stylisation a été évacuée au profit d’un maximum de réalisme. Le scénario, pour sa part, ne réserve pas beaucoup de surprises : au cours du prologue, le jeune avocat anglais Jonathan Harker (Fred Williams) se rend au château transylvanien de Dracula pour conclure une affaire. Lors de sa première nuit sur place, il rêve de trois belles femmes vampires et à l’aube, il découvre avec stupeur son hôte endormi dans une tombe. Harker s’évanouit… pour se réveiller à Bucarest, dans le sanatorium du docteur Van Helsing (Herbert Lom). Ce dernier croit à l’étrange récit du jeune homme, d’autant qu’il abrite dans une cellule capitonnée une victime du vampire, le pauvre Renfield (un Klaus Kinski hallucinant). Bientôt, Harker reçoit la visite des très photogéniques Mina (Maria Rohm) et Lucy (Soledad Miranda), qui viennent s’installer dans le sanatorium. Mais très vite, cette dernière tombe sous les crocs de Dracula…

Le look de Dracula n’a ici rien à voir avec celui auquel Christopher Lee nous avaiot habitué jusqu’alors. C’est un vieil homme aux cheveux blancs et à la moustache fournie, ravivant avec émotion les souvenirs de sa noble famille (et inscrivant du même coup le mythe dans le contexte historique emprunté à Vlad Tepes, ce que reprendra à son compte Francis Coppola 22 ans plus tard). Mais ce retour aux sources n’évite pas pour autant les lieux communs. Ainsi, les villageois frissonnent dès qu’on prononce le nom de Dracula, le grand miroir ne réfléchit pas le vampire, les portes grincent, les animaux font de drôles de bruits la nuit, les chandeliers sont couverts de toiles d’araignées, les chauve-souris volètent à la fenêtre… Quant à la mise en scène de Jess Franco elle s’avère une fois de plus très approximative. Les cadres sont hésitants, les mouvements de caméra peu assurés, les coups de zoom intempestifs, le montage maladroit.

Maladresses et surréalisme

Du coup, même la musique de Bruno Nicolai, loin d’être inintéressante, souffre d’une utilisation aléatoire et répétitive amenuisant considérablement son efficacité. Les Nuits de Dracula oscille ainsi entre les séquences d’épouvante inspirées voire quasi-surréalistes (les animaux empaillés qui s’agitent en poussant des cris) et les moments involontairement risibles (les deux héros qui jettent des rochers en carton-pâte sur une procession). Dracula périt finalement dans les flammes, via un trucage assez grotesque qui combine du feu surimpressionné avec des fondus enchaînés de faciès vieillissants. Cette nouvelle adaptation est donc pétrie de bonnes intentions, mais le résultat n’arrive pas à la cheville du moins intéressant des Dracula de la Hammer, et pâlit sans cesse de la comparaison avec le magistral Cauchemar de Dracula qui, lui aussi, structurait son scénario autour du roman de Bram Stoker – moins fidèlement, certes, mais ô combien plus magistralement.

© Gilles Penso 

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L’HORRIBLE DOCTEUR ORLOFF (1962)

Jess Franco réalise un remake officieux des Yeux sans visage auquel il ajoute des éléments surréalistes, notamment un robot humain au visage blafard

GRITOS EN LA NOCHE

1962 – ESPAGNE / FRANCE

Réalisé par Jess Franco

Avec Howard Vernon, Ricardo Valle, Diana Lorys, Conrado San Martin, Perla Cristal, Maria Silva, Mara Laso, Venancio Muro

THEMA MEDECINE EN FOLIE

Pour  son premier film d’épouvante, Jess Franco est allé chercher l’inspiration du côté de Georges Franju, son Horrible docteur Orloff étant un remake à peine déguisé des Yeux sans visage sortis sur les écrans français deux ans plus tôt. Succédant à Pierre Brasseur, Howard Vernon (l’acteur fétiche de Franco qui joua dans plus de quarante de ses films) incarne donc le docteur Orloff du titre, un chirurgien rendu fou de chagrin lorsque sa fille Melissa fut défiguré au cours d’un incendie dans son propre laboratoire. Pendant six mois, il l’a maintenue en vie, assassinant cinq jeunes filles pour reconstruire son visage avec une peau neuve. Tout ceci a un petit air de déjà vu, n’est-ce pas ? Mais Franco étant un amateur de péripéties rocambolesques et de visions fantasmagoriques, il ajoute à ce refrain connu quelques éléments de son cru. Le plus mémorable d’entre eux est Morpho (Ricardo Valle), une espèce de robot à tête humaine, drapé de noir comme Dracula, dont les yeux ressemblent presque à des balles de ping-pong et dont le maquillage blafard évoque celui de Christopher Lee dans Frankenstein s’est échappé.

Cliniquement mort, cet ancien tueur psychopathe a été « ressuscité » par Orloff, qui s’en sert désormais de fidèle serviteur. Errant nuitamment dans les rues parisiennes, les deux hommes capturent leurs proies féminines, les camouflent dans un cercueil, les trimballent dans une carriole, puis dans une barque jusque dans un laboratoire secret dissimulé dans un sinistre château digne des films Universal. Le film est d’ailleurs serti dans une magnifique photographie noir et blanc, signée, Godofredo Pacheco, laquelle crève l’écran lors des séquences nocturnes dans les ruelles pavées du début du siècle, ainsi que dans les intérieurs expressionnistes du château. La police finit par se pencher sérieusement sur l’affaire, via l’inspecteur Tanner (Conrado San Martin) et son bras droit, dont les joutes verbales apportent un humour bienvenu et inattendu en pareil contexte. L’enquête policière elle-même prend une tournure plutôt intéressante, notamment au cours de la séquence du portrait-robot, où les témoignages contradictoires permettent de comprendre que les malfrats sont deux individus distincts.

Franco esquisse ses œuvres à venir

Ainsi, même si l’intrigue emprunte des voies fort connues et s’achemine vers un dénouement prévisible, le film se suit sans déplaisir. Notamment lorsque la célèbre ballerine Wanda Bronsky (Diana Lorys), fiancée de Tanner, décide de mener sa propre enquête en se faisant passer pour une fille de joie, quitte à servir elle-même d’appât au sinistre Orloff. L’érotisme et l’horreur, qui feront partie intégrante de l’œuvre à venir de Jess Franco, sont déjà présents, mais à l’état embryonnaire (une paire de seins par ci, un visage décomposé par-là), et le cinéaste fait ici preuve d’une précision et d’une minutie qu’on ne retrouvera guère dans ses mises en scène futures. Comme si L’Horrible docteur Orloff avait été conçu pour qu’il puisse démontrer son savoir-faire technique afin de mieux s’en défaire ultérieurement et de livrer des œuvres plus brutes et plus conceptuelles.


© Gilles Penso

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LE CINQUIEME ELEMENT (1997)

Une épopée aux influences composites dont la cosmétique impressionnante ne masque pas la vacuité d'un scénario simpliste

LE CINQUIÈME ÉLÉMENT / THE FIFTH ELEMENT

1997 – FRANCE

Réalisé par Luc Besson

Avec Bruce Willis, Milla Jovovich, Gary Oldman, Ian Holm, Chris Tucker, Mathieu Kassovitz

THEMA FUTUR

« J’ai écrit ce film à seize ans, d’abord sous forme d’un roman qui s’appelait “Zaltman Bleiros “ », raconte Luc Besson. « Il était prévu que je le tourne avant Léon. J’ai travaillé un an et demi avec l’illustrateur Patrice Garcia sur ce projet, et au dernier moment le producteur Patrice Ledoux a décidé d’arrêter le développement du film. Je pense que c’était trop gros pour lui. J’ai donc tourné Léon, qui a eu une belle carrière internationale, et ça m’a aidé à monter Le Cinquième élément. » (1) L’auteur de Nikita ne pouvait rêver meilleure revanche. Armé d’un budget de 96 millions de dollars, Le Cinquième élément était en 1997 le film français le plus cher de l’histoire du cinéma, record détenu jusqu’alors par le bien plus modeste Hussard sur le toit de Jean-Paul Rappeneau. Le scénario a bien évolué depuis ses premières ébauches et le casting intègre des têtes d’affiches alors impensables quelques années plus tôt. Bruce Willis incarne ainsi Korben Dallas, un chauffeur de taxi du vingt-troisième siècle contraint de mettre la main sur l’énigmatique « Cinquième Elément », seul moyen d’éviter à l’humanité de courir à une catastrophe planétaire et de tomber entre les griffes du Mal. Il devra retrouver les pierres des quatre éléments fondamentaux (la terre, l’air, le feu et l’eau), affronter le redoutable Zorg (Gary Oldman) et sauver la vie de la belle Leeloo (Milla Jovovich) dont il ignore tout… 

S’appuyant sur les dessins de Moebius et Jean-Claude Mézières, l’univers futuriste créé par Luc Besson est fortement influencé par Blade Runner, Métal Hurlant, BrazilJudge DreddStargate et la trilogie Star Wars, pour ne citer qu’une poignée de références. Ce sentiment de patchwork gâche une grande partie du plaisir qu’on pourrait éprouver à la vision du Cinquième élément, ce qui est d’autant plus surprenant que Besson semble réprouver la méthode du « copier-coller ». « Il y a plein de films que j’adore, mais je ne suis pas du tout pour la nourriture cinématographique », dit-il à ce propos. « Je pense que quand on fait un film, il faut puiser partout sauf dans d’autres films. Le cinéma qui se nourrit du cinéma, c’est consanguin. Ça donne des monstres et ça n’a aucun intérêt. C’est du narcissisme. Ce qu’on demande à un artiste, c’est de nous surprendre. » (2) Ces propos virulents s’appliquent hélas parfaitement au Cinquième élément, qui cultive l’effet « déjà-vu » avec une opiniâtreté quasiment compulsive.

L'intérêt du spectacle s'avère très relatif

Étant donné que l’intrigue est d’un simplisme désarmant, que les personnages sont souvent des caricatures grimaçantes (Gary Oldman, époustouflant dans Léon, s’est transformé en méchant ridicule) et que l’humour véhiculé par les hurlements hystériques de Chris Rock nous porte volontiers sur les nerfs, l’intérêt du spectacle s’avère très relatif. Ce qui n’enlève rien aux qualités formelles du film, Besson n’ayant pas son pareil pour concocter quelques séquences somptueuses entrées dans toutes les mémoires, en s’appuyant ici sur les effets visuels de Digital Domain : le majestueux navire Fhloston Paradise flottant au-dessus des flots, la «résurrection» de la mystérieuse Leeloo, et surtout une course-poursuite hallucinante au beau milieu d’un trafic futuriste bigarré et multicolore. Mais ce n’est que de la cosmétique, et cette jolie patine n’a finalement pas plus de profondeur qu’une pub pour parfum. L’épure modeste du Dernier combat était bien plus convaincante.

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en novembre 2006

 

© Gilles Penso

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MAD MAX AU-DELA DU DOME DU TONNERRE (1985)

Tina Turner joue les vedettes invitées dans ce troisième Mad Max édulcoré que co-réalisent George Miller et George Ogilvie

MAD MAX BEYOND THUNDERDOME

1985 – AUSTRALIE

Réalisé par George Miller et George Ogilvie

Avec Mel Gibson, Tina Turner, Bruce Spence, Adam Cockburn, Frank Thring, Angelo Rossito, Paul Larsson, Angry Anderson

THEMA FUTUR I SAGA MAD MAX

Après les deux explosions de violence et de folie qu’étaient Mad Max et sa séquelle, George Miller s’est fortement assagi à l’occasion de ce troisième volet co-signé avec George Ogilvie. Cette réalisation à quatre mains permit aux deux George de se répartir la direction des acteurs et la mise en scène des nombreuses séquences d’action du film. Max étant devenu un vrai héros, dénué de tout tourment psychologique et de tout déséquilibre psychique, sont préfixe « Mad » n’a plus vraiment de raison d’être. Quinze ans après l’holocauste nucléaire, notre cow-boy moderne erre toujours dans le désert. Un jour, il est attaqué par un gang de voleurs volants qui le dépossèdent de son véhicule et de ses biens. Sans ressource, il arrive à Bartertown, la ville du troc. Mais pour entrer dans la cité, conçue sur deux niveaux architecturaux, il faut pouvoir proposer de la monnaie d’échange.

Max propose donc de vendre ses services et rencontre Entité (Tina Turner) qui règne sur la « ville du dessus ». Il se retrouve obligé de lutter contre un redoutable colosse, dans le Dôme du Tonnerre, une nouvelle version des jeux du cirque. Cette séquence, absolument démentielle, constitue un véritable morceau d’anthologie. Les armes les plus redoutables passent de main en main, les coups sont portés sans la moindre demi-mesure, tandis qu’une foule surexcitée hurle de toutes parts un slogan imparable : « deux hommes entrent, un seul sort ! ». Mais l’issue du combat abonde dans le sens de l’évolution du personnage. Max n’est plus fou, il n’est plus guidé par la haine ou par ses instincts primaires, et c’est d’ailleurs ce qui risque de le perdre à plus d’une reprise. Ce qu’il perd en intensité et en impact, cet ultime volet le gagne par compensation en profondeur et en lyrisme, certaines images de Bartertown et de la cité des enfants (une idée inspirée au scénariste Terry Hayes par le roman « Sa Majesté des Mouches ») étant véritablement empreintes de poésie.

Un tournage endeuillé

Mad Max au-delà du dôme du tonnerre baigne aussi dans un humour au second degré directement hérité de celui des deux premières aventures d’Indiana Jones, en particulier lorsque Mel Gibson se retourne vers un agresseur, l’air blasé, et lui tire dessus (comme dans Les Aventuriers de l’Arche Perdue), ou lorsqu’il court après un adversaire et sort du champ, puis revient à toutes jambes, poursuivi par une dizaine d’entre eux (à la manière d’Indiana Jones et le Temple Maudit). La poursuite finale, à grand renfort de véhicules étranges et recyclés, se mue du même coup en variation cartoonesque de celle de Mad Max 2, le méchant de service (incarné par Angry Anderson, chanteur du groupe australien Rose Tatoo) étant une espèce de Vil Coyote en chair et en os qui trompe la mort avec une opiniâtreté déconcertante. Prenant le relais de Brian May, le compositeur Maurice Jarre propose ici une partition inattendue, mêlant l’orchestre, les percussions et le saxophone pour mieux s’adapter à l’univers bigarré de ce dernier volet. En cours de production, le film fut endeuillé par la mort du producteur Byron Kennedy, victime d’un accident d’hélicoptère. George Miller et Mel Gibson ne s’en remirent jamais totalement.

 

© Gilles Penso

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LES NOUVEAUX BARBARES (1983)

Un western spaghetti post-apocalyptique qu'Enzo G. Castellari réalise sous forte influence de Mad Max 2

I NUOVI BARBARI

1983 – ITALIE

Réalisé par Enzo G. Castellari

Avec George Eastman, Timothy Brent, Anna Kanakis, Fred Williamson, Ennio Girolami, Venantino Venantini, Massimo Vanni

THEMA FUTUR

Les amateurs des photocopies de Mad Max 2 seront aux anges avec Les Nouveaux barbares, une œuvrette franchement divertissante qui pille sans vergogne le road movie de George Miller tout en reprenant à son compte les codes du western spaghetti. Il faut dire qu’Enzo G. Castellari s’était déjà illustré dans le registre du far west italien, avec notamment Django porte sa croix, Cipolla Colt et Keoma. « 2019 : la guerre mondiale nucléaire est terminée » nous annonce-t-on après le générique. Alors que quelques troupes de nomades s’efforcent tant bien que mal de survivre dans le désert, la redoutable horde des Templars sème la terreur, avec pour but ultime la totale annihilation de l’humanité. A la tête de ces barbares tout de blanc vêtus – véhiculant ouvertement une imagerie fétichiste homosexuelle – se trouve le maléfique One (un George Eastman grimaçant dont la chevelure est ici constellée de mèches blanches).

Les Templars sont armés de mitrailleuses qui font des bruits de pistolasers, pilotent des motos tout terrain ou des dragsters reconverties en tanks bourrés de gadgets (le plus ingénieux d’entre eux étant une scie circulaire qui décapite les fuyards) et, tels des Huns, ne laissent que des cendres derrière eux. Quelques pillards viennent ensuite grappiller les miettes abandonnées sur les lieux de chaque massacre, tels des charognards d’un autre âge. Au milieu de tout ce beau monde sévit Skorpion (Giancarlo Prete sous le pseudonyme de Timothy Bent), un sous-Mad Max au volant d’un sous-Interceptor qui mène une vie solitaire, croisant régulièrement la route du sympathique archer Nadir (Fred Williamson, roi de la blaxploitation) et affrontant de temps en temps les Templars qui le défient. Lorsqu’il arrache de leurs griffes la belle Alma (Anna Kanakis), la guerre est ouvertement déclarée. Pour la protéger, Skorpion confie sa protégée à une communauté religieuse que Nadir considère comme une secte étrange (« ils n’adorent qu’un seul Dieu qui est au ciel et qu’ils n’ont jamais vu ! ») et se prépare à la grande bataille finale qui, en toute logique, doit servir de climax au film.

« Vous n'êtes que des cadavres qui marchent ! »

Des poursuites de voitures pseudo-futuristes, des duels à la Sergio Leone, des cascadeurs qui sont éjectés au ralenti chaque fois qu’une explosion retentit, quelques personnages pittoresques (notamment le petit garçon qui répare les voitures), un soupçon de gore (la flèche explosive qui arrache une tête), une scène d’amour en ombre chinoise sous une tente transparente, des dialogues sentencieux (« vous n’êtes que des cadavres qui marchent ! »), des comédiens rodés à la série B, une musique électro-rock de Claudio Simonetti (ex-membre du groupe Goblin) : tous les ingrédients sont réunis pour que le spectateur peu regardant passe une heure et demie agréable sans que ses neurones ne soient trop sollicités. Les Nouveaux barbares ne révolutionne aucunement le genre et ne provoque que rarement la surprise, mais Enzo G. Castellari, grand spécialiste de l’imitation des grands succès du moment (Une Poignée de salopards, la Mort au large, Les Guerriers du Bronx), remplit tranquillement son contrat.

 

© Gilles Penso

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STAR WARS EPISODE 1 : LA MENACE FANTOME (1999)

Malgré les nombreuses audaces de George Lucas dans l'édification d'un univers précédant sa célèbre trilogie, la déception du public fut aussi grande que son attente…

STAR WARS EPISODE I – THE PHANTOM MENACE

1999 – USA

Réalisé par George Lucas

Avec Ewan McGregor, Liam Neeson, Natalie Portman, Jake Lloyd, Ian McDiarmid, Pernilla August, Ray Park, Frank Oz

THEMA SPACE OPERA I ROBOTS I SAGA STAR WARS

Seize ans après Le Retour du Jedi, George Lucas se lançait dans une préquelle de sa légendaire saga interplanétaire, attendue comme le messie par une myriade de fans surexcités. Les premiers posters du film, sur lesquels un petit garçon ressemblant comme deux gouttes d’eau à Luke Skywalker projetait dans le désert de Tatooine l’ombre de Dark Vador, attisait efficacement les espoirs, tout comme la bande originale de John Williams en circulation avant la sortie du film, où le célèbre thème de la marche impériale était décliné sur un mode paisible, presque enfantin. Evidemment, la promesse était trop grande. La déception n’en fut que plus intense. George Lucas aurait-il perdu en cours de route la flamme qui l’animait jadis ? N’aurait-il conservé que la patine en oubliant les fondations de son œuvre ? Paradoxalement, le fameux texte déroulant d’introduction, qui s’avère incompréhensible à sa première lecture tant la situation politique décrite nous échappe, laisse présager une complexité qui contraste avec la naïveté – la puérilité ? – du film lui-même. La Menace fantôme démarre pourtant bien. En un plan métonymique digne de Spielberg, deux faiseaux de sabres laser luisent dans la fumée, évoquant à eux seuls la puissance des chevaliers Jedi. Mais la construction dramatique de cet épisode s’avère totalement déséquilibrée, le rythme se ralentissant progressivement jusqu’à un gigantesque passage à vide qui fit décrocher plus d’un spectateur.

Certes, Lucas nous offre une splendide course de bolides sur la planète Tatooine très inspirée de Ben-Hur, au cours de laquelle le jeune Anakin Skywalker lutte pour sa liberté. Mais la qualité de la mise en scène et des effets visuels ne suffisent à nous captiver que superficiellement, car d’un point de vue strictement narratif, cette course est absurde. Pourquoi, malgré ses pouvoirs, le chevalier Qui-Gon Jinn laisse-t-il un gamin de huit ans risquer ainsi sa vie alors qu’il pourrait en un claquement de doigts l’arracher à ses esclavagistes ? Fort heureusement, le dernier tiers du film rattrape en partie ces carences. Le souffle épique qu’il dégage, la chorégraphie des combats et la partition de John Williams nous rappellent d’un seul coup que nous sommes bien dans cette Guerre des étoiles qui nous avait tant fait rêver. Il faut d’ailleurs avouer que si le charme opère enfin, c’est que nous sommes en terrain connu. En effet, le triple combat monté en action parallèle dans cette dernière partie du récit calque sa construction sur le dénouement du Retour du Jedi« Si George Lucas a attendu aussi longtemps avant de repasser à la mise en scène, c’est pour pouvoir montrer des choses qui étaient impossibles à réaliser jusqu’alors », explique Dennis Muren. « Les images de synthèse lui ont permis de concrétiser toutes ces nouvelles visions. En fait, George n’a jamais trop aimé être sur les plateaux de tournage. Il n’a pas vraiment la patience pour passer des heures à tourner des dizaines de prises dans l’espoir d’obtenir quelque chose de convainquant avec des marionnettes et des effets mécaniques. Grâce aux images de synthèse, il lui était désormais possible d’obtenir ce qu’il voulait de la manière la plus fidèle possible. Il y a encore des maquettes et des maquillages spéciaux dans le premier film, mais les effets numériques ont largement pris le dessus » (1).

Les pitreries de Jar Jar Binks

« Lorsque La Menace fantôme entra en production, ILM n’avait encore jamais pris en charge un film contenant 2000 plans truqués », raconte Kevin Rafferty, superviseur des images de synthèse. « Pour y parvenir, nous avons partagé le travail en trois équipes, chacune dirigée par son propre superviseur d’effets visuels : Dennis Muren, John Knoll et Scott Squires. » (2) Effectivement, le foisonnement des effets numériques est parfois étourdissant à l’écran. Mais un sentiment mitigé demeure. Alors que le casting humain est plein d’intelligence, Lucas n’a pas résisté à la tentation d’une profusion de créatures ridicules et inutiles, la pire de toutes étant sans conteste l’amphibien rasta Jar Jar Binks qui multiplie les pitreries tout au long du film pour assurer le rôle bien superflu de faire-valoir comique. Il en est de même pour les décors. On a beau s’extasier devant le magnifique palais princier tout droit sorti d’un album de « Flash Gordon », on ne peut s’empêcher de rester perplexe face au siège des Maîtres Jedi, une espèce d’appartement new-yorkais Art déco perdu dans une forêt de buildings sillonés par des voitures volantes. Ce premier épisode présente certes le mérite de donner fortement envie au public de voir les deux épisodes suivants, lesquels poseront les inexorables jalons du noir destin d’Annakin Skywalker. Mais la suite de cette nouvelle trilogie, malgré de nombreux morceaux de bravoure, n’arrivera jamais à la cheville de celle qui l’inspira.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en février 2014

(2) Propos recueillis par votre serviteur en décembre 2008

 

© Gilles Penso  

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LA COURSE A LA MORT DE L’AN 2000 (1975)

Cette variante satirique, cynique et politiquement très incorrecte des thèmes développés dans Rollerball oppose David Carradine et Sylvester Stallone

DEATH RACE 2000

1975 – USA

Réalisé par Paul Bartel

Avec David Carradine, Sylvester Stallone, Simone Griffeth, Mary Woronov, Roberta Collins, Martin Kove, Louisa Moritz, John Landis

THEMA FUTUR

L’idée de La Course à la mort de l’an 2000 est d’abord née sous forme d’une courte histoire écrite par Ib Melchior. Roger Corman se la réappropria, envisageant d’en faire un thriller futuriste sérieux. Mais à la réflexion, un traitement humoristique lui parut mieux servir les thématiques du film, et c’est dans cette voie qu’il poussa les scénaristes Robert Thom et Charles Griffith. En l’an 2000, les Américains sont passés par bien des années de disette, de dépression et de guerre. L’une des grandes attractions est désormais la « Course Transcontinentale », à laquelle participent les véhicules les plus fous, bricolés et transformés en machines de mort par leurs pilotes. L’enjeu de cette course, qui n’est pas une simple compétition de vitesse, est de massacrer le plus de spectateurs et de badauds possibles. Les points se comptent en cadavres, les enfants et les vieillards rapportant les plus grandes mises !

L’un des coureurs favoris est, comme toujours, le dénommé Frankenstein (David Carradine). Mille fois accidenté, mille fois refait et recousu, toujours masqué. Sans compter que Frankenstein est un ami intime du tout-puissant président, un parfait dictateur qui encourage chaque année cette compétition impitoyable. Face à Frankenstein concourt « Mitraillette » Joe Viterbo (Sylvester Stallone), un dur qui n’a rien à envier à son concurrent. Mais cette année, un groupe de résistants va tenter de saboter la course et de renverser le gouvernement. Parmi eux se trouve Annie Smith (Simone Griffeth), la coéquipière de Frankenstein, qui va tenter de lui porter le coup fatal.

Les fous du volant

Contemporaine de Rollerball, avec lequel elle présente bon nombre de points communs, cette Course à la mort de l’an 2000 est aussi une préfiguration satirique et futuriste de L’Équipée du Cannonball (1981) tout en s’inspirant visiblement du fameux cartoon Les Fous du volant d’Hanna et Barbera (1968). Il faut dire que le film de Paul Bartel s’amuse à faire concourir les individus et les véhicules les plus excentriques qui soient (principalement des Volkswagen entièrement redécorées). En plus de Frankenstein (tout de noir vêtu et capé comme un super-héros du plus bel effet) et de Joe Viterbo (aux allures de gangster des années 30), on trouve ainsi Néron (dont la coéquipière arbore un décolleté affriolant), Calamity Jane (et sa voiture-taureau), et même un couple de nazis. Le film, pétri d’humour noir et n’épargnant pas les morts sanglantes tout au long de sa course folle, s’amuse aussi à passer au vitriol le sport, la politique et la télévision. Quelques peintures sur verre maladroites, conçues à bas prix par le studio de Roger Corman, permettent de transformer un stade normal en tribunes futuristes. Toujours ingénieux lorsqu’il s’agit de faire des bénéfices, Corman revendit à un musée de l’automobile la plupart des voitures customisées spécialement pour le film, pour trois ou quatre fois leur prix initial. Lors de sa ressortie sur les écrans français dans les années 80, La Course à la mort de l’an 2000 fut rebaptisé Les Seigneurs de la route en axant tout le matériel publicitaire sur Sylvester Stallone, mué entre-temps en superstar grâce à Rocky et Rambo.

 

© Gilles Penso

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