BATMAN V SUPERMAN (2016)

Zack Snyder prend la suite directe de Man of Steel pour conter l'affrontement titanesque entre le Chevalier Noir et l'Homme d'Acier

BATMAN V SUPERMAN

2016 – USA

Réalisé par Zack Snyder

Avec Henry Cavill, Ben Affleck, Gal Gadot, Jesse Eisenberg, Amy Adams, Jeremy Irons

THEMA SUPER-HEROS I EXTRA-TERRESTRES I SAGA DC COMICS I SUPERMAN I BATMAN

Le cas Snyder : véritable auteur visionnaire pour certains, abominable bourrin pour d’autres. Enfermé depuis 300 dans l’enfer des adaptations de comics et constamment conspué par l’impitoyable communauté geek, l’homme tente à nouveau d’imposer son style si particulier à l’univers DC après un Man of Steel en demi-teinte. Le cahier des charges est de taille : renouveler le personnage de Batman après tant d’incarnations différentes, étoffer son propre Superman, faire la nique au concurrent Marvel qui explose régulièrement le box-office, et annoncer les univers parallèles à venir. Pari relevé qui alterne ici les fulgurances et les déceptions. Dès l’introduction, Snyder est bel et bien là. On voit immédiatement que le « Dark Knight Returns » de Frank Miller est l’influence principale (quitte à le piller sans vergogne ni royalties), notamment sur l’inévitable séquence de la mort des parents de Bruce Wayne et de la découverte de la Batcave. Mais loin de se borner à décalquer bêtement les cases de la BD (cruel manque de point de vue du Rodriguez de Sin City), le réalisateur insuffle une ampleur tragique très puissante au trauma du futur justicier. 

L’excellente idée de refaire la séquence finale de Man of Steel du point de vue de Wayne réussit à la fois à justifier en un éclair le profond antagonisme en titre, à poser un regard distancié de spectateur sur les agissements de Superman et à instaurer un réalisme glaçant. Nous sommes loin de la glorification primaire et adolescente des Avengers. Outre ce traitement plus adulte et cette mise en scène solide et inventive qui le caractérise, Snyder se démarque encore plus de la concurrence dans l’épaisseur qu’il confère aux personnages, aidé il est vrai par un casting impliqué. Ben Affleck en premier s’impose avec classe, et une présence physique impressionnante : le Chevalier Noir de Miller, c’est bel et bien lui, large, dépressif et effrayant. Henry Cavill est toujours aussi touchant, rappelant souvent le fragile et inoubliable Christopher Reeve, et Amy Adams trouve enfin sa place en Loïs Lane. Dans les nouveaux venus, Jeremy Irons compose un Alfred idéal (très proche encore une fois du majordome cynique et hilarant de Miller), et Gal Gadot incarne Wonder Woman en véritable Walkyrie. Surprise, Kevin Costner fait même un coucou émouvant. Seul bémol niveau interprétation, Jesse Eisenberg qui rate complètement la cible Luthor, en totale roue libre et desservi par des dialogues over the top soulignés par les ridicules envolées emphatiques de Zimmer et Junkie XL (ce dernier pousse même le vice jusqu’à nous ressortir quasiment le thème de Fury Road sur une vision post-apo !). 

Moments d'anthologie et passages obligatoires

La première heure du film se tient donc très bien, cultivant une alternance équilibrée entre les deux super-héros et installant une atmosphère captivante. En deuxième partie, ça se gâte… Car Snyder semble se faire rattraper par les exécutifs de Warner et ce satané cahier des charges anti-artistique. Il faut absolument aiguiser l’intérêt des fans DC sur les autres films à venir, et annoncer l’arrivée des personnages de la Justice League, Aquaman, Flash et consorts. Cependant, là où un yes man lambda remplirait simplement la basse besogne, Snyder insère des mini-teasers sous la forme de vidéos dans le film. Pied de nez génial et cynique sur la génération youtube ? A chacun de le prendre comme il le désire. Les passages obligés ne s’arrêtent pas là, le face-à-face avec le gros Doomsday tire à la ligne dans des destructions massives rebattues chez Marvel, même si la mise en scène est comme toujours truffée de trouvailles jouissives. Le scénario se prend soudain lui aussi les pieds dans le tapis, mélangeant maladroitement des visions du futur et du passé, perdant le rythme dans son va-et-vient entre les protagonistes, coupant court quand il faudrait s’étendre et insistant sur une lourde symbolique christique déjà étayée dans Man of Steel. On prend donc peur, le summum étant atteint sur le bête moment du « prénom » qui unit les deux ennemis. L’idée de ce rapprochement Œdipien et Fordien pourrait toucher au cœur, mais on se croirait plus dans un ZAZ à cet instant. Dommage. Le réalisateur de Watchmen reprend heureusement le contrôle dans les moments intimes entre Loïs et Clark, et dans les séquences d’action impliquant Batman (là où Christopher Nolan échouait à cadrer correctement un coup de pied) : le travelling circulaire qui oppose la chauve-souris et des monstres dignes d’Harryhausen, la puissante et stylée Batmobile, la violence du clash avec Superman, et surtout le démentiel et brutal sauvetage de Martha Kent (qui s’accompagne d’un humour bienvenu très old school)… Autant de moments d’anthologie réjouissants. On attend donc avec impatience un Director’s Cut (ce qui manquait cruellement à Man of steel) pour rétablir la balance, donner du corps à un ensemble parfois brouillon, et démontrer à ceux qui en doutent encore que Zack Snyder fait du bien dans le maelström Hollywoodien.

© Julien Cassarino

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LE RETOUR DE L’HOMME INVISIBLE (1940)

Sept ans après le chef d'œuvre de James Whale, un nouvel homme invisible fait son apparition, incarné cette fois par Vincent Price

THE INVISIBLE MAN RETURNS

1940 – USA

Réalisé par Joe May

Avec Vincent Price, John Sutton, Sir Cedric Hardwicke, Nan Grey, Cecil Kellaway, Alan Napier, Forrester Harvey

THEMA HOMMES INVISIBLES I SAGA UNIVERSAL MONSTERS

C’est à Curt Siodmak, scénariste jamais à court d’idées en matière de science-fiction, que nous devons l’écriture de cette séquelle du chef d’œuvre de James Whale. Jack Griffin étant bel et bien mort à la fin de L’Homme Invisible sept ans plus tôt, il n’était guère envisageable de le ressusciter à la manière de Dracula ou du Monstre de Frankenstein. C’est donc son frère Frank qui prend ici le relais, poursuivant les recherches de feu Jack. Interprété par John Sutton, ce scientifique bien intentionné applique son sérum à Geoffrey Radcliffe, un homme accusé d’un meurtre dont il est innocent. L’invisibilité lui permet d’échapper à la pendaison in extremis. Désormais en cavale, il doit retrouver et confondre le véritable coupable, au nez et à la barbe de Sampson (Cecil Kellaway), un inspecteur opiniâtre de Scotland Yard qui cherche à lui mettre la main dessus pour lui faire reprendre illico le chemin du gibet. Le tout à l’aide des effets spéciaux toujours aussi étonnants de John P. Fulton, qui permettent aux bandelettes de révéler un visage transparent, aux verres de se vider seuls ou aux cordes de s’animer pour ligoter les individus gênants (grâce à l’animation image par image).

Si les séquences de déshabillage, pour remarquables qu’elles demeurent, ont perdu leur caractère inédit, et si certains effets souffrent d’indéniables maladresses (les lignes de cache qui tremblotent, les fils qui soutiennent un pistolet), le film offre à ses spectateurs de nouvelles idées visuelles surprenantes, notamment lorsque Griffin tente de rendre sa visibilité à un de ses cobayes. D’abord transparent, l’animal apparaît progressivement sous la forme d’un squelette, puis dans son intégralité, avant de périr suite à un mauvais dosage des ingrédients du sérum. Ainsi, tandis que l’homme invisible mène l’enquête, le savant s’efforce de trouver un remède miracle qui permet non seulement de redevenir visible mais aussi d’éviter les accès de folie inhérents à l’invisibilité. A ce double « time lock » se greffe une intrigue amoureuse, dans la mesure où Helen (Nan Gray), la jolie fiancée de Geoffrey, est courtisée par le businessman Richard Cobb (Cedric Hardwicke).

Moments forts et visions surréalistes

Vincent Price en personne, alors tout débutant, a l’honneur de remplacer Claude Rains dans le rôle de ce second homme invisible qui bascule de l’euphorie vers la démence, au cours d’une scène de dîner mémorable où le comédien fait déjà montre de son immense talent, avec comme seuls supports sa voix et sa gestuelle. Sans jamais atteindre  le génie du premier Homme Invisible, cette séquelle regorge cependant de moments forts, comme l’affrontement final au milieu des chariots d’une mine, la vision surréaliste d’un épouvantail dépouillé de ses habits par notre protagoniste frileux, ou l’ultime apparition du visage de Vincent Price, annonciatrice de L’Homme sans ombre, où un lacis de veine surgit du néant, se recouvrant peu à peu d’os, de tissus musculaires et enfin de chair. Le succès du Retour de l’Homme Invisible sera suffisamment conséquent pour qu’Universal poursuive la franchise, abandonnant peu à peu tous les aspects dramatiques du concept d’H.G. Wells pour en conserver principalement le potentiel distrayant et récréatif.

 

© Gilles Penso

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THE WITCH (2015)

Pour son premier long-métrage, Robert Eggers nous offre un récit d'épouvante qui s'inscrit dans un cadre historique extrêmement réaliste

THE WITCH

2015 – USA

Réalisé par Robert Eggers

Avec Anya Taylor-Joy, Ralph Ineson, Kate Dickie, Harvey Scrimshaw, Ellie Grainger, Lucas Dawson, Bathsheba Garnett

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Ancien directeur artistique pour le cinéma et le théâtre, metteur en scène de plusieurs pièces, auteur d’une poignée de courts-métrages audacieux, Robert Eggers a décidé d’aborder son premier film sous un angle surprenant, le définissant lui-même comme « un cauchemar puritain ». Dans la Nouvelle-Angleterre du dix-septième siècle, William et Katherine, un couple dévot à la pratique religieuse stricte, décident de s’établir à la limite de la civilisation, menant une vie austère et pieuse avec leurs cinq enfants en cultivant leur petit lopin de terre au milieu d’une forêt sauvage et isolée. Soudain, leur nouveau-né disparaît dans les bois, prélude à un cauchemar qui s’immisce sournoisement au sein de la cellule familiale pour la détruire de l’intérieur… La première chose qui frappe, dans The Witch, est la rigueur de sa reconstitution historique. Ce degré d’authenticité et de vérisme est le fruit de quatre ans de recherches intensives, au cours desquelles le cinéaste étudia les livres de prière, les courriers et les documents religieux, les méthodes agricoles, les vêtements et les outils fermiers du 17ème siècle. 

Poussant la minutie à l’extrême, Eggers demanda à son compositeur Mark Korven d’utiliser des instruments d’époque pour la musique du film, et à son directeur de la photographie Jarin Blaschke de privilégier les lumières naturelles. Un tel degré de perfectionnisme permet à The Witch de bénéficier d’un remarquable réalisme. Du coup, lorsque le surnaturel y fait irruption, son impact s’en retrouve décuplé. Le point de rupture entre le réel et le fantastique crée un malaise intense dans la mesure où le spectateur y croit immédiatement et sans entrave. L’enfant possédé, la sorcière dans les bois, le bouc noir devenu vecteur du démon échappent ainsi aux lieux communs pour s’inscrire dans un contexte où la suspension d’incrédulité fonctionne à plein régime. La terreur que provoque The Witch n’a rien à voir avec les codes habituels du cinéma d’horreur. 

Le point de rupture entre le réel et le fantastique

Le gore n’est pas de mise, pas plus que les déflagrations sonores à répétitions conçues pour faire sursauter le public à un rythme métronomique ou les effets spéciaux spectaculaires visualisant à grande échelle les phénomènes paranormaux. Ici, tout est insidieux, pernicieux et insaisissable. Ce sont donc nos peurs primales que convoque Robert Eggers, avec un talent qui laisse présager de futures œuvres fort prometteuses. Extrêmement élégant dans sa mise en image (certains plans ressemblent à des tableaux de Rembrandt), pointilleux dans sa direction d’acteurs (avec une mention spéciale pour Ralph Ineson, dont le monolithisme apparent masque de nombreuses failles), le cinéaste se laisse bien plus influencer par des œuvres picturales, musicales et littéraires que par d’autres films, même si l’ombre de Kubrick et d’Ingmar Bergman plane parfois sur The Witch. Au fil de ce récit tourmenté, Robert Eggers nous offre surtout une vision très critique de la bigoterie religieuse, vécue ici comme une maladie qui gangrène et détruit peu à peu une famille dont les principes moraux s’étiolent et se désagrègent. Quelques visions cauchemardesques scandent régulièrement le métrage, jusqu’à un final à la fois beau, triste et effrayant, concluant avec panache ce qu’il faut sans doute considérer comme l’un des meilleurs films d’épouvante de ces dernières années.

 

© Gilles Penso

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CAPTAIN AMERICA : CIVIL WAR (2016)

Les super-héros doivent-ils être régis par le gouvernement ou continuer d'agir indépendamment ? Deux clans se divisent et la guerre civile se prépare…

CAPTAIN AMERICA : CIVIL WAR

2016 – USA

Réalisé par Anthony et Joe Russo

Avec Chris Evans, Robert Downey Jr, Scarlett Johansson, Sebastian Stan, Chadwick Boseman, Paul Rudd, Tom Holland

THEMA SUPER-HEROS I SAGA AVENGERS I CAPTAIN AMERICA I IRON MAN I SPIDER-MAN I MARVEL

Devenu figure active du contre-pouvoir dans l’excellent Captain America : le Soldat de l’Hiver, le soldat à la bannière étoilée poursuit cette démarche dans Civil War qui marque un clivage fort entre deux groupes de super-héros soudain en proie au doute. Menés par Tony Stark, les uns acceptent de devenir une organisation officiellement pilotée par le gouvernement afin d’éviter les débordements qui ont jadis provoqué bon nombre de victimes. Sous la tutelle de Steve Rogers, les autres refusent ce chaperonnage pour pouvoir continuer à agir librement et en toute conscience. La divergence d’opinion se transforme en affrontement musclé lorsque Bucky Barnes, le Soldat de l’Hiver, est accusé d’un acte terroriste aux répercussions catastrophiques… Ecrire et réaliser un film choral, réservant un rôle privilégié à des dizaines de protagonistes aux personnalités fortes et tenant compte de tous les longs-métrages précédents de la franchise, est un exercice difficile aux nombreux écueils. Si Josh Whedon avait remarquablement relevé le défi avec le premier Avengers, il n’avait su transformer l’essai dans L’ère d’Ultron qui confinait à l’indigestion. La réussite de Captain America : Civil War est d’autant plus remarquable.

Réunissant plus de personnages que tous les autres films de la saga, les frères Russo nous offrent un spectacle foncièrement généreux. A l’exception de Thor et Hulk, tous les Vengeurs répondent à l’appel, sans compter deux nouveaux venus que les spectateurs attendaient de pied ferme : Black Panther et Spider-Man. Le premier, impeccablement incarné par Chadwick Boseman, nous offre quelques beaux moments d’action aux chorégraphies vertigineuses. Le second nous revient avec panache, balayant joyeusement les deux ratages de Marc Webb. Rajeuni sous les traits de Tom Holland, Peter Parker crève l’écran pendant une bonne demi-heure, rafraîchissant par sa présence candide et fougueuse un film à l’atmosphère relativement pesante. Le miracle de Civil War tient d’ailleurs à son équilibre et son dosage, tirant parti des caractères versatiles de chaque membre du groupe pour les harmoniser au sein d’une intrigue ne perdant jamais son homogénéité tonale.

Spider-Man et Black Panther entrent en piste

Le combat titanesque des deux armées de super-héros sur le tarmac d’un aéroport reste ainsi un morceau d’anthologie non seulement par la folle inventivité de ses péripéties mais surtout par l’agressivité mitigée des belligérants, s’affrontant à contrecœur et retenant souvent leurs coups. Cette guerre idéologique est d’autant plus complexe qu’elle divise des amis et s’appuie sur des convictions malléables. Malgré les apaisements ultérieurs, de nouveaux enjeux la relancent et l’enveniment sans cesse, face au spectateur qui assiste impuissant à ce naufrage intérieur. Aucun « deus ex-machina » n’interrompt les combattants (c’était l’un des défauts majeurs de Batman V Superman) et surtout aucun super-vilain tout-puissant n’offre la possibilité d’une focalisation de toutes les attentions vers un ennemi commun. Dans Civil War, la lutte reste intestine et laisse des marques durables. Ce troisième Captain America est donc une prodigieuse réussite, l’un des meilleurs épisodes de la longue franchise Marvel riche aujourd’hui de treize longs-métrages.

 

© Gilles Penso

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GAMERA CONTRE GUIRON (1969)

Pour sa cinquième aventure, la tortue Géante Gamera affronte un monstre extra-terrestre mi-requin mi-dinosaure

GAMERA TAI DAIJAKUJU GIRON

1969 – JAPON

Réalisé par Noriaki Yuasa

Avec Noburhiro Najima, Miyuki Akiyama, Christopher Murphy, Yuko Hamada, Eiji Funakoshi, Kon Ômura

THEMA REPTILES ET VOLATILES I EXTRA-TERRESTRES I SAGA GAMERA

Monstre redoutable et indestructible conçu pour concurrencer Godzilla, la tortue géante antédiluvienne Gamera s’est vite muée, au fil de ses aventures, en gentil protecteur de la Terre. Le quatrième film de la saga, Gamera contre Viras, semblait d’ailleurs marquer les limites du concept en frôlant dangereusement la puérilité et l’absurdité. Sa séquelle, Gamera contre Guiron, exploite hélas les mêmes ingrédients : deux garnements surdoués en guise de héros (un Japonais et un Américain pour pouvoir toucher le public le plus large), une menace extraterrestre grotesque, l’utilisation d’extraits des films précédents pour pouvoir économiser de coûteux effets spéciaux, et un nouveau monstre abracadabrant à jeter dans les pattes de Gamera. Le scénario ? Un vaisseau spatial kidnappe deux enfants de la Terre (qui crient « Banzaï » ! » toutes les cinq minutes) et les transporte sur Teato, une planète lointaine symétrique à la Terre par rapport à l’axe du soleil, et peuplée de monstres géants.

Là sévissent deux femmes extra-terrestres qui rêvent d’asservir la Terre. Les garçons, qui découvrent les plans machiavéliques de leurs geôlières, réveillent Gamera pour prendre part à une bataille finale mortelle contre le monstre de l’espace… Autant l’avouer tout de suite : la mayonnaise ne prend guère, même pour les jeunes téléspectateurs, et seuls les friands de kitsch et d’humour au second degré trouveront leur compte dans ce cinquième Gamera. Le Guiron du titre, qui joue le rôle de chien de chasse des deux jolies aliennes, est une créature étrange, qu’on pourrait décrire comme une sorte de dinosaure mixé avec un requin. Réfugié sous terre, il surgit de temps en temps pour chasser les ptérodactyles du coin (les Gyaos, échappés du troisième film de la saga) et bien sûr pour affronter Gamera. Son museau, aussi tranchant qu’un couteau, est son arme la plus redoutable. Plusieurs Gyaos en font d’ailleurs les frais, mutilés et découpés sans pitié au début du film ! Guiron dispose aussi d’espèces d’étoiles ninja qu’il cache dans ses narines et qu’il projette à tout va ! 

Barre fixe et pas de danse

Quant aux extraterrestres, il s’agit de deux jolies Japonaises engoncées dans des combinaisons bariolées et répondant aux noms de Barbella et Flobella. Derrière leur comportement affable se cachent en réalité deux prédatrices qui envisagent de manger le cerveau de leurs otages terriens pour acquérir leurs connaissances et se protéger des bactéries de la Terre ! Ajoutez à ce cocktail des trucages très approximatifs (maquettes bon marché, décors en carton-pâte, rétroprojections approximatives sur des écrans sales et tachés), des dialogues confondant de naïveté (« Donnons à la Terre la paix ! ») et un humour très particulier (Gamera fait de la barre fixe pour impressionner son adversaire puis entame quelques pas de danse !) et vous obtenez un opus assez dispensable, qui s’achève comme il se doit par la chanson « Go Gamera ! ».

 

© Gilles Penso

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DEADPOOL (2016)

Ryan Reynolds et Tim Miller s'amusent à parodier les films de super-héros mais finissent par tomber dans les clichés qu'ils pastichent

DEADPOOL

2016 – USA

Réalisé par Tim Miller

Avec Ryan Reynolds, Morenna Baccarin, Ed Skrein, Stefan Kapicic, Brianna Hildebrand, T.J. Miller, Gina Carano

THEMA SUPER-HEROS I SAGA MARVEL

Généralement, le public décide si un film est culte ou non. C’est l’ordre naturel des choses, et parfois il faut laisser le temps apposer sa patine. A l’époque de leur conception, qui aurait bien pu prévoir que des œuvres aussi disparates qu’Orange Mécanique, The Rocky Horror Picture Show ou Phantom of the Paradise acquerraient un tel statut ? Mais dans le cas de Deadpool, c’est le studio a qui a décidé de choisir à la place des spectateurs. Humour décalé, clins d’œil incessants, références à la culture pop, usage abondant du sexe, de la violence et de la vulgarité… Tous les ingrédients semblent réunis pour que ce film de super-héros déjanté défraye la chronique, accompagné d’un doux parfum de scandale, et occupe une place particulière dans le cœur des fans du genre. Sauf que les choses ne fonctionnent pas comme ça : une œuvre culte ne se fabrique pas de toutes pièces, elle le devient naturellement.

Derrière chaque écart « subversif » du film, on sent le calcul des auteurs et des producteurs. A travers chaque gag graveleux, on imagine le cahier des charges qui se remplit. Deadpool déborde tant d’autosuffisance qu’il ne se contente pas d’essayer de faire rire, il ne cesse de prendre le spectateur à parti pour lui faire confirmer sa drôlerie. Au lieu de simplement « briser le quatrième mur » de la narration en s’adressant directement au public, Ryan Reynolds se sent obligé de dire : « Vous avez vu les gars ? Je brise le quatrième mur ! » Au lieu de nous surprendre en basculant soudain dans la violence gratuite, la voix off juge bon d’ajouter : « Vous pensiez voir un film de super-héros classique ? Et bien non, je viens d’embrocher un gars avec mes épées ! » Tout le film est à l’avenant, surlignant ses effets comiques pour s’assurer que chacun a bien entendu toutes les blagues. Il ne manque plus que le panneaux « rire » et les éclats de rire enregistrés !

Une subversion savamment calculée

D’autant que lorsqu’on le met à plat, le scénario de Deadpool est formaté comme celui de tous les films de super-héros dont il se moque allègrement : le protagoniste à la dérive, ancien membre des forces spéciales, qui tombe amoureux d’une jolie fille et accepte qu’on pratique sur lui une expérience scientifique pour le guérir de sa maladie incurable ; le méchant très très méchant qui se complaît dans sa vilénie ; le faire-valoir qui distribue les bons mots ; une poignée de scènes d’action spectaculaires à base de cascades de voitures, de fusillades et d’acrobaties en varispeed ; un climax explosif qui permet la destruction massive du repaire du vilain. C’est même probablement, de tous les films adaptant l’univers Marvel, celui qui se conforme le plus servilement au scénario codifié qu’il entend dynamiter. Pour mettre un peu d’eau dans notre vin, admettons que Deadpool sait nous dérider et qu’un grand nombre de traits d’humour font mouche (les allusions à Taken ou aux autres films de la série X-Men sont assez délectables). Regrettons simplement le manque de spontanéité de cette vaste entreprise qui, sous ses allures de « vilain petit canard », est un film de franchise aux composants savamment dosés. Dans un registre plus « sage » mais beaucoup plus sincère, on préfèrera largement le grain de folie des Gardiens de la Galaxie de James Gunn.

 

© Gilles Penso

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WAXWORK (1988)

Les tableaux macabres d'un musée de cire prennent vie et permettent un hommage généreux aux grandes figures du cinéma d'épouvante

WAXWORK

1988 – USA

Réalisé par Anthony Hickox

Avec Zach Galligan, Deborah Foreman, Michelle Johnson, Dana Ashbrook, Miles o’Keeffe, David Warner, Patrick Macnee

THEMA LOUPS-GAROUS I ZOMBIES I VAMPIRES I MOMIES I DRACULA

Ephémère coqueluche du cinéma fantastique des années 80 depuis sa prestation dans Gremlins, Zach Galligan tient la vedette de ce curieux Waxwork, écrit et réalisé par Anthony Hickox. Puisant son idée de base chez L’Homme au Masque de CireWaxwork est un film patchwork qui rend un hommage apparemment sincère aux grands mythes du cinéma d’épouvante. Hélas, ces bonnes intentions sont gâchées par un regrettable laxisme scénaristique et par une direction artistique franchement déficiente. Galligan interprète Mark Loftmore, un étudiant paresseux issu d’une famille aristocratique et richissime, qui se retrouve invité à minuit, en compagnie de trois de ses amis, pour inaugurer un musée de cire situé à deux pas du campus. A l’intérieur, des tableaux macabres mettent en scène les dix-huit êtres les plus maléfiques que la Terre ait jamais porté. Les personnages sont d’un saisissant réalisme (et pour cause, ils sont joués par de véritables comédiens comme dans le Masques de Cire de Michael Curtiz), mais il y a bien plus étrange : lorsqu’un des visiteurs franchit par mégarde le cordon de sécurité, il pénètre dans une dimension parallèle et se retrouve face à la créature du tableau. Waxwork prend dès lors les allures d’un film à sketches, chaque incursion dans l’un des tableaux fonctionnant comme un court-métrage quasi-autonome.

Tout commence avec la mésaventure de Tony (Dana Ashbrook), soudain propulsé dans une forêt étrange une nuit de pleine lune, et confronté à un loup-garou interprété par John Rhys-Davies. Seconde victime, la belle China (Michelle Johnson) participe à un repas de vampires ordonnancé par le comte Dracula en personne (Miles O’Keefe). Enquêtant sur la disparition des deux lycéens, un policier se trouve à son tour confronté au maléfice, en l’occurrence à une momie particulièrement virulente. Quant à notre héros Mark, il se retrouve dans un remake de La Nuit des Morts-Vivants, l’image virant carrément au noir et blanc, même si les zombies qui l’attaquent évoquent plus ceux du clip Thriller de Michael Jackson que les cadavres ambulants de George Romero. Dernière victime, Sarah (Deborah Foreman) tombe entre les griffes du Marquis de Sade (J. Kenneth Campbell). La cavalerie intervient finalement, dirigée par un Patrick McNee  jovial, et vient contrecarrer les plans maléfiques du directeur de ce musée vivant, interprété par le délicieusement sinistre David Warner.

Les effets spéciaux inventifs de Bob Keen

Tout s’achève donc par une bataille mettant en scène tous les monstres pré-cités en compagnie de quelques autres, notamment un monstre de Frankenstein, un Fantôme de l’Opéra, un homme invisible et un extra-terrestre. Incapable de créer une atmosphère d’épouvante gothique digne de ce nom, Hickox compense en sacrifiant au gore, ses créatures s’avérant bien plus sanglantes que leurs classiques modèles. Le loup-garou déchire en deux ses victimes humaines, les vampires rongent la jambe d’un infortuné humain jusqu’à l’os, la momie écrase sous son pied la tête d’un importun, le tout avec force gerbes de sang… Le film vaut donc principalement pour son indiscutable potentiel distractif et pour les effets spéciaux inventifs de Bob Keen, car côté scénario et mise en scène, le spectateur reste quelque peu sur sa faim.

 

© Gilles Penso

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L’HOMME DES CAVERNES (1981)

Ringo Starr et Barbara Bach affrontent des dinosaures burlesques dans cette parodie des films préhistoriques de la Hammer

CAVEMAN

1981 – USA

Réalisé par Carl Gottlieb 

Avec Ringo Starr, Barbara Bach, Jack Gilford, Avery Schreiber, Dennis Quaid, Shelley Long, John Matuszak, Jack Scalici

THEMA DINOSAURES I EXOTISME FANTASTIQUE

Amusé par la prestation télévisuelle du comédien Buddy Hackett en tenue d’homme préhistorique dans le « Tonight Show », le producteur Lawrence Turman proposa à son partenaire David Foster l’idée d’une version parodique de Tumak Fils de la Jungle. Tous deux confièrent le scénario à Carl Gottlieb, auteur du script des Dents de la Mer et de plusieurs sketches comiques, et celui-ci se lança dans une satire sociale sans monstres préhistoriques dans laquelle tous les hommes des cavernes parlent un anglais moderne. Mais Turner et Foster voulaient des dinosaures, et un univers proche de Un Million d’Années Avant JC ou Quand les Dinosaures Dominaient le Monde. Le scénario définitif, retravaillé par Randy De Luca, ne fait guère dans la subtilité, et ses gags ne sont qu’épisodiquement réussis. Atuk (Ringo Starr) est amoureux de Lona (Barbara Bach), la compagne de Tonda (John Matuszak), chef de sa tribu. Sans cesse rejeté par la belle, il quitte son peuple et crée une tribu nomade avec son ami Laar (Dennis Quaid), le vieil aveugle Gog (Jack Gilford) et sa fille Tala (Shelley Long). 

Leur chemin est semé de monstres préhistoriques, notamment un tyrannosaure obèse et un grand lézard cornu. Au cours de leur périple, ils découvrent le feu et inventent la musique. Atuk sauve Lona de la noyade. Elle décide alors de passer dans son camp. Mais Tonda riposte en récupérant Lona et en faisant enlever toutes les femmes de la tribu rivale avec l’aide de Tala, amoureuse de Tumak et jalouse. Atuk prépare alors sa revanche… On se souvient des impayables mimiques de Ringo Starr dans Help ! Le voilà qui remet ça, sans ses trois comparses mais avec son épouse, la sculpturale Barbara Bach qui fut James Bond girl dans L’Espion qui m’aimait quatre ans plus tôt. L’humour du film de Gottlieb rase les pâquerettes et se situe volontiers au-dessous de la ceinture. 

Un dinosaure caméléon et un T-rex obèse

En fait, ce sont surtout les dinosaures qui méritent un coup de chapeau et qui constituent les véritables éléments comiques du film : un reptile quadrupède, juché au sommet d’une falaise, qui pousse le cri du hibou à la tombée de la nuit et chante comme un coq au matin ; un ptéranodon qui attaque les voleurs de son œuf géant ; un saurien cornu à la gueule énorme et aux yeux de caméléon ; et un tyrannosaure obèse hilarant qui déploie un vaste registre d’expressions. « Je souhaitais vraiment briser l’image traditionnelle et effrayante que l’on a du tyrannosaure », nous raconte le superviseur des effets spéciaux Jim Danforth. « Celui-ci était maladroit, endormi et exagérément corpulent. » (1). A cette ménagerie hétéroclite s’ajoute un homme-morse boudeur conçu par le maquilleur Chris Walas. La brillante partition de Lalo Schifrin (Mission impossible) multiplie les clins d’œil, et  l’ex-batteur des Beatles s’offre même une veillée préhistorique autour du feu à coups de percussions improvisées. Guère couvert médiatiquement, L’Homme des Cavernes connaît tout de même un petit succès, grâce à la popularité de Ringo Starr, au charme exotique de son épouse en peaux de bête et au fort potentiel comique des dinosaures qui leur donnent la réplique.

(1) Propos recueillis par votre serviteur en avril 1998

 

© Gilles Penso

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UN CRI DANS L’OCEAN (1998)

Un commando de pirates des mers se retrouve confronté à un monstre marin tentaculaire digne des écrits de Lovecraft

DEEP RISING

1889 – USA

Réalisé par Stephen Sommers

Avec Treat Williams, Famke Janssen, Anthony Heald, Kevin J. O’Connor, Una Damon, Wes Studi, Derrick O’Connor

THEMA MONSTRES MARINS

Un Cri dans l’Océan est une toute petite série B dotée des moyens d’une superproduction, affublée d’un scénario basique, de personnages taillés à la serpe et de dialogues ineptes… Et pourtant, il est difficile de ne pas éprouver de la sympathie pour ce film de monstre, tant Stephen Sommers semble y avoir injecté son amour sincère pour le genre. Encore faut-il passer outre cette première partie, accompagnée d’une partition martiale et lourdingue indigne du grand Jerry Goldsmith. On y fait la connaissance de Finnegan, interprété par un Treat Williams trop souvent cantonné dans les séries Z conçues directement pour la vidéo (un comble pour ce comédien génial découvert dans Hair et 1941). Ce capitaine sans scrupule, appâté par le gain, a tendance à embarquer n’importe qui et n’importe quoi à bord de sa vedette, en compagnie de son mécanicien Joey (Kevin J. O’Connor, acteur fétiche de Sommers) et de sa co-pilote Leila (la mignonnette Una Damon). Du coup, alors qu’il sillonne la mer de Chine, il se retrouve aux mains d’un commando de pirates sévèrement burnés, armés jusqu’aux dents, qui se sont mis en tête de dévaliser le luxueux paquebot Argonautica, avec la complicité de son véreux propriétaire Simon Canton (Anthony Heald, qui ressemble ici comme deux gouttes d’eau à Nick Nolte). Petit problème : le navire a été assailli par un gigantesque céphalopode avide de chair humaine dont les innombrables tentacules circulent via les canalisations et les coursives.

Même si elle n’apparaît qu’au bout d’une cinquantaine de minutes, cette abominable créature est la grande attraction du film, et restera dans les mémoires comme l’un des plus beaux  monstres marins de l’histoire du cinéma. Il faut dire qu’il n’a pas été confié à des manchots : son design est l’œuvre de Rob Bottin (The Thing tout de même) et sa réalisation le fruit du labeur des artistes d’ILM, alors frais émoulus des deux premiers Jurassic Park. Très proche visuellement du démon Chthulhu qui hante les pages du romancier H.P. Lovecraft, ce monumental bestiau crève l’écran à chacune de ses apparitions. D’autant que Sommers ne recule devant aucun excès gore, notamment avec le charnier de centaines de squelettes ensanglantés amassés dans le navire, ou la régurgitation d’un homme à moitié dévoré qui continue de gémir alors que sa tête est en partie rongée !

L'homme à la tête rongée

L’action non plus ne faiblit pas, jusqu’au climax au cours duquel Treat Williams et Famke Janssen (alors connue du grand public pour sa participation à Goldeneye) fuient le monstre à l’aide d’un jet ski, tandis que le paquebot est en train de céder sous l’impact d’explosions multiples. Bref, voilà du bon spectacle habilement mené, qu’on ne peut cependant apprécier à sa juste valeur qu’à condition de passer sous silence son absence totale de finesse, de caractérisation et de psychologie. On note qu’à l’origine, le rôle de Finnegan fut proposé à Harrison Ford, ce qui aurait considérablement augmenté le budget du film (l’interprète d’Indiana Jones coûtant plus cher que n’importe quel monstre en 3D). Le dénouement d’Un Cri dans l’Océan laisse la porte ouverte à une séquelle qui n’a jamais vu le jour.

 

© Gilles Penso

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LE SECRET DU LAC SALÉ (1957)

Des expériences atomiques réveillent un monstre géant, mi-escargot mi-mille pattes, qui s'en va semer la panique autour d'un lac

THE MONSTER THAT CHALLENGED THE WORLD

1957 – USA

Réalisé par Arnold Laven

Avec Tim Holt, Audrey Dalton, Hans Conried, Barbara Darrow, Max Showalter, Harlan Wade, Gordon Jones, Mimi Gibson 

THEMA INSECTES ET INVERTEBRES

Sous son titre français anonyme et fadasse, Le Secret du Lac Salé abrite l’un de ces monstres improbables dont raffolait la science-fiction des années 50. Ici, il s’agit d’un gigantesque invertébré à mi-chemin entre l’escargot et le mille-pattes, que des scientifiques lyriques surnomment « Kraken », en hommage aux monstres marins des légendes nordiques. D’habitude rompu au petit écran, le réalisateur Arnold Laven s’en sort plutôt bien, exploitant jusqu’au dernier centime les quelque 250 000 dollars qui lui sont alloués pour le film. L’intrigue se situe aux abords du lac Salton, au beau milieu d’un désert du Sud de la Californie, où le gouvernement américain a installé une base de recherche navale. Une série d’expériences atomiques ultra-secrètes et un tremblement de terre : il n’en faut pas plus pour réveiller ce fameux monstre d’origine préhistorique, affamé et très vindicatif, comme Godzilla et Le Monstre des Temps Perdus.

Les morts mystérieuses s’accumulent donc autour du lac, chaque victime étant retrouvée dans un affreux état : livide, figée, les yeux écarquillés et la peau séchée. Les premières attaques évoquent avec vingt ans d’avance celles des Dents de la Mer, notamment cette séquence nocturne où une jeune fille, nageant à la suite de son petit ami, est soudain happée sous les flots par la bête qui demeure invisible. Le périmètre est bientôt bouclé, et militaires et scientifiques se serrent les coudes pour enrayer la menace. D’autant que le monstre semble ne pas être seul. En effet, toute une horde de ces horribles bestioles carnivores et amphibies s’apprête à gagner la terre ferme pour défier le monde, comme le dit si bien le titre original. Le docteur Jess Rogers (Hans Conried) délivre alors un avis scientifique sans appel : « depuis qu’ils sont nés, ils ont faim ! » Entre deux scènes de monstre, le scénario s’attache comme il peut aux humains, donnant dans la romance gentillette, et s’amusant à brosser des personnages secondaires pittoresques. Notamment un archiviste particulièrement déjanté et une standardiste qui ne cesse de téléphoner à sa mère.

« Vous allez pouvoir nager à nouveau ! »

La bête, quant à elle, est plutôt réussie. Œuvre d’Augie Lohman, elle bénéficie d’un design des plus intéressants et est animée sous forme d’une marionnette grandeur nature habilement sculptée et mécanisée, ce qui permet des séquences d’interaction directes avec les comédiens. La plus efficace d’entre elles est l’affrontement final, au cours duquel le commandant de l’US Navy John Twillinger (Tim Holt, échappé du Trésor de la Sierra Madre) tente de repousser le dernier monstre vivant à l’aide d’un extincteur, avant que des soldats ne viennent lui prêter main-forte et abattent la créature sous une rafale de balles. Le dialogue final, précédant le « The End » fatidique, ne fait pas tout à fait dans la dentelle : « devinez quoi, Sandy », déclare jovialement Twillinger à la jolie secrétaire du savant incarnée par Mimi Gibson, « vous allez pouvoir nager à nouveau ! », ce à quoi elle rétorque en gloussant : « je peux ? » Bref, rien de bien transcendant, ni de très mémorable, mais un bon vieux film de monstre géant comme on les aime : naïf, excessif, et esquivant le ridicule avec une belle témérité.

 

© Gilles Penso

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