LE SEIGNEUR DES ANNEAUX : LES DEUX TOURS (2002)

Cet épisode central est riche en morceaux d'anthologie, le moindre n'étant pas l'intervention du rachitique Gollum

THE LORD OF THE RINGS : THE TWO TOWERS

2002 – NOUVELLE-ZELANDE

Réalisé par Peter Jackson

Avec Elijah Wood, Ian Mac Kellen, Viggo Mortensen, Liv Tyler, Brad Dourif, Christopher Lee, Orlando Bloom, Andy Serkis

THEMA HEROIC FANTASY I SORCELLERIE ET MAGIE I VEGETAUX I MAMMIFERES I SAGA LE SEIGNEUR DES ANNEAUX

Volet central de la trilogie du Seigneur des AnneauxLes Deux Tours ne s’embarrasse plus de longues expositions et plonge directement au cœur du conflit. Car cet épisode est avant tout un film de guerre. Une guerre qui se prépare sur tous les fronts, incitant le scénario à adopter une triple narration parallèle. Frodon, le jeune hobbit porteur de l’anneau, et Sam, son fidèle compagnon, se dirigent péniblement vers les montagnes enflammées du Mordor, repaire du maléfique Sauron, afin de détruire l’objet de toutes les convoitises par le feu duquel il naquit. Aragorn, héritier du trône de Gondor, et Gandalf, le magicien, s’efforcent de leur côté de mobiliser un maximum de guerriers humains pour pouvoir faire face aux troupes croissantes des forces du mal. Quant aux hobbits Merry et Pippin, ils trouvent refuge dans la forêt magique des Ents, de gigantesques arbres vivants qui nous offrent un point de vue nouveau sur la bataille à venir.

Les monstrueux guerriers du Mordor symbolisent en effet plus que jamais les élans sans retenue d’une industrialisation colonisatrice et destructrice, en butte aux forces positives de la nature. La guerre de l’anneau serait donc avant tout une guerre écologique. Lorsque se concrétise enfin le pugilat, il prend une dimension dantesque et apocalyptique au cours de la séquence de la bataille du Gouffre de Elm, appelée à entrer au panthéon des combats cinématographiques les plus spectaculaires du siècle. Orques, Trolls et humains s’y affrontent violemment, déployant des stratégies toujours plus élaborées et d’ingénieuses machineries héritées de l’art de la guerre médiéval. Catapultes, échelles et béliers s’y bousculent donc allégrement. Le Mordor nous dévoile aussi un panel de nouveaux monstres hideux à son service, notamment les dragons servant de monture aux noirs Nazgûls, des loups-hyènes qui nous offrent une belle séquence d’échauffourée en rase campagne, ainsi que de colossaux pachydermes répondant aux doux nom d’oliphants.

La bataille la plus folle de l'histoire du cinéma

Au titre des nouvelles créatures de ce second volet, il y a aussi et surtout le rachitique Gollum. Cette incroyable prouesse infographique se fait oublier dès les premières secondes, tant la crédibilité du personnage est intense, une performance d’acteur virtuelle unique en son genre due au talent combiné du comédien Andy Serkis et des artistes de Weta Digital. Etre complexe, hybride, insaisissable, Gollum est un ancien hobbit transformé peu à peu en monstre rampant à cause de l’influence de l’anneau, et son rôle s’affirmera pleinement au cours du troisième et ultime épisode. A l’instar de L’Empire contre-attaque, autre épisode central d’une mythique saga, Les Deux Tours est plus énergique que son prédécesseur, plus noir aussi, et se nimbe à nouveau d’une splendide partition d’Howard Shore, composant à l’occasion un magnifique nouveau motif musical pour violon celtique, le thème du royaume de Rohan. Le film s’achève une fois de plus en pleine action, annonçant un ultime épisode encore plus flamboyant.

  

© Gilles Penso

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PHÉNOMÈNES (2008)

Spécialiste des concepts étonnants, M. Night Shyamalan imagine que la nature se révolte contre l'humanité en la poussant à un suicide collectif

THE HAPPENING

2008 – USA

Réalisé par M. Night Shyamalan

Avec Mark Wahlberg, Zooey Deschanel, John Leguizamo, Ashlyn Sanchez, Betty Buckley, Spencer Breslin, Robert Bailey Jr

THEMA CATASTROPHES I VEGETAUX I SAGA M. NIGHT SHYAMALAN

Selon une théorie scientifique imagée, notre planète s’ébroue parfois pour se débarrasser des parasites humains qui lui démangent l’échine. C’est ce qui expliquerait les tremblements de terre, raz de marées et autres éruptions volcaniques qui, régulièrement, déciment les populations. Cette théorie sert de base au scénario de Phénomènes, un film catastrophe sombre et désenchanté que M. Night Shyamalan semble avoir mis sur pied pour redorer son blason aux yeux du public et de la profession. Car La Jeune fille de l’eau, son opus précédent, n’avait pas convaincu grand monde. Exit donc la naïveté bon enfant et les personnages de contes de fées, place au drame fantastique qui avait si bien fonctionné à l’époque de Sixième sens. Après avoir claqué la porte du studio Disney et commis un flop chez Warner, le cinéaste trouve finalement refuge chez la Fox.

Le premier quart d’heure du film se reçoit comme un coup de poing. A Central Park, un groupe d’hommes et de femmes s’immobilise soudain, comme sous l’effet d’une pétrification de groupe, tandis qu’une jeune femme décroche l’aiguille qui tenait son chignon et se l’enfonce tranquillement dans la gorge. Quelques pâtés de maison plus loin, des ouvriers se laissent tomber d’un toit par dizaines et s’écrasent au sol. Partout dans New York, des suicides en masse son ainsi répertoriés. S’agirait-il des effets d’une neurotoxine déclenchée par une attaque terroriste ? Les trépas collectifs s’intensifiant à une vitesse alarmante, les new-yorkais doivent évacuer la ville. C’est ainsi que le professeur de sciences Elliot Moore (Mark Wahlberg), son épouse Alma (Zooey Deschanel), leur ami Julian (John Leguizamo) et sa petite fille Jess (Ashlyn Sanchez) s’embarquent pour un des trains spécialement affrétés. Mais le phénomène touche bientôt toute la côte Est des Etats-Unis. Perdus en rase campagne, nos héros tentent de survivre et de comprendre l’origine du mal, jusqu’à ce qu’un de leurs compagnons d’infortune n’évoque une idée impensable : las des agressions répétées à l’encontre de la nature, les plantes se mettent à développer des spores qui contaminent les humains et les poussent à se donner la mort.

Un troisième acte décevant

Le point de départ est donc très fort, et Shyamalan n’y va pas avec le dos de la cuiller, concoctant des suicides particulièrement gratinés (on n’est pas près d’oublier les scènes de la fosse aux lions et de la moissonneuse batteuse !). Moins stylisée qu’à l’accoutumée, la mise en scène réserve malgré tout quelques morceaux de bravoure, notamment lorsqu’un pistolet passe de main en main, semant les cadavres sur le bitume. Hélas, le scénario peine à développer ces prémisses prometteuses et se met bien vite à patiner, Shyamalan s’avérant incapable de bâtir un troisième acte satisfaisant et une chute digne de ce nom. Quelques scènes incohérentes (l’évacuation de New York ressemble à un tranquille départ en vacances), des dialogues indigents (la dissertation sur les hot-dogs) et un jeu d’acteurs approximatif (Zooey Deschanel passe la majeure partie du film à écarquiller bizarrement ses jolis yeux) jouent également en défaveur de ce Phénomènes trop laxiste pour convaincre totalement.

 

© Gilles Penso

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SHAUN OF THE DEAD (2003)

Edgar Wright et Simon Pegg sont parvenus à concocter la parodie ultime des films de morts-vivants

SHAUN OF THE DEAD

2003 – GB

Réalisé par Edgar Wright

Avec Simon Pegg, Nick Frost, Dylan Moran, Kate Ashfield, Lucy Davis, Nicola CunninghamKair Mills, Matt Jaynes, Gavin Ferguson

THEMA ZOMBIES

Annoncé comme « une comédie romantique avec des zombies », Shaun of the Dead est probablement l’une des variantes les plus réussies et les plus intelligentes autour de la mythologie créée par George Romeo. Plus respectueux que L’Armée des morts, plus subversif que 28 jours plus tard et bien plus malin que tous les Resident Evil, le scénario de Shaun of the Dead est l’œuvre d’Edgar Wight et Simon Pegg, le premier assumant la réalisation du film et le second jouant le rôle de son héros Shaun. Trentenaire britannique sans ambition ni grande envergure, ce dernier passe ses journées dans un magasin d’électronique où il officie sans conviction comme vendeur médiocre, ses débuts de soirée au Winchester, le pub du coin, et ses fins de soirée devant la télé avec son co-locataire et meilleur ami Ed. Cette routine morose finit par agacer sérieusement Liz, la petite amie de Shaun, qui rêve d’un peu plus de fantaisie et de romantisme. Or la monotonie va se briser d’une manière tout à fait inattendue lorsque soudain les morts reviennent à la vie et hantent les rues en rampant, avides de chair humaine et terriblement contagieux.

Avant même que cet incroyable événement ne survienne, la plupart des gens présents dans le film agissent déjà comme des zombies, errant sans but dans la cité, le bus ou les magasins, preuve que Wight et Pegg ont parfaitement intégré les thématiques défendues par Romero. Si nous n’y prenons pas garde, nous allons tous finir comme des zombies, semblent-ils dire, muant d’emblée Shaun of the Dead en autre chose qu’une simple parodie potache. Les éléphantesques Scary Movie sont donc à des années-lumière de cet excellent exercice de style délicieusement british. A un script habile et réjouissant s’ajoute ici une réalisation extrêmement inventive, notamment lorsque Shaun se promène un matin dans son quartier sans remarquer que tous ceux qui l’entourent sont déjà des morts-vivants, preuve qu’il vivait lui-même comme un zombie sans s’en rendre compte. Dès lors, comédie et épouvante cohabitent sans se nuire l’un l’autre, bien au contraire, comme au bon vieux temps de Deux Nigauds contre Frankenstein ou S.O.S. Fantômes.

Approuvé par George Romero !

Le film se permet même quelques écarts gore surprenants, comme lorsque l’une des victimes des zombies est éviscérée puis démembrée sans aucune retenue. En bon émule de Tom Savini, le maquilleur Stuart Conran (From Hell) effectue là un travail remarquable. Shaun of the Dead est donc à ranger avec les meilleures parodies du genre, aux côtés de Frankenstein Junior et Docteur Jerry et Mister Love, et collectionne les séquences hilarantes, l’une des plus mémorables étant probablement celle où le petit groupe de héros tente d’imiter la démarche des zombies pour se fondre discrètement parmi eux. Et puis, cerise sur le gâteau, le film a été accueilli avec un enthousiasme sans borne par George Romero lui-même. « J’adore Shaun of the Dead ! », s’écrie-t-il lorsqu’on lui pose la question. « Simon Pegg et Edgar Wight m’avaient envoyé une copie de leur film avant qu’il soit distribué aux Etats-Unis. J’ai trouvé ça extraordinaire, hilarant et en même temps très respectueux du genre. Du coup, je les ai fait venir tous les deux sur le tournage de Land of the Dead pour leur faire jouer des zombies ! » (1)

(1) Propos recueillis par votre serviteur en juillet 2005

 

© Gilles Penso

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LES MERCENAIRES DE L’ESPACE (1980)

Le producteur Roger Corman surfe sur le succès de Star Wars en initiant une version spatiale des Sept mercenaires

BATTLE BEYOND THE STARS

1980 – USA

Réalisé par Jimmy T. Murakami

Avec Richard Thomas, Robert Vaughn, John Saxon, George Peppard, Darlanne Fluegel, Sybil Danning, Sam Jaffe, Jeff Corey

THEMA SPACE OPERA

Adepte de l’imitation des grands succès cinématographiques de son temps, Roger Corman ne pouvait décemment passer à côté du phénomène La Guerre des étoiles. A l’instar des Evadés de l’espace de Kinji Fukasaku (qui donna naissance à la mythique série San Ku Kaï), il s’est ainsi lancé dans un habile mixage entre le scénario du space opera de George Lucas et celui des Sept mercenaires de John Sturges, en s’appuyant sur un scénario de John Sayles (Piranhas, L’Incroyable alligator, Hurlements). D’où un titre français marquant clairement les deux références. John Saxon interprète ici un substitut de Dark Vador, qui porte le nom de Sador et fait régner la terreur dans la galaxie, à bord de son vaste vaisseau en forme de requin-marteau. Lorsqu’il rend visite aux pacifiques habitants de la planète Akir, il leur lance un redoutable ultimatum : « Je suis venu avec mes troupes pour vous conquérir », lâche-t-il avec emphase. « Si vous résistez, je vous écraserai. Je possède un convertisseur stellaire, l’arme la plus puissante de l’univers. Vous ne pouvez pas me résister. Je veux coloniser votre planète. » Voilà qui a le mérite d’être clair.

Mais les habitants d’Akir décident de ne pas se laisser faire. Ils envoient donc dans l’espace Shad (Richard Thomas), un jeune émissaire en quête de mercenaires prêts à lutter à leurs côtés contre l’infâme Sador. Le film prend dès lors la tournure d’une promenade interstellaire pittoresque, l’intervention de chaque nouveau mercenaire s’apparentant presque au segment autonome d’un film à sketches. Au fil de ses pérégrinations, Shad rallie donc à sa cause une belle informaticienne spécialisée dans la réparation des androïdes, cinq entités blafardes aux pouvoirs paranormaux, un homme-serpent et ses deux assistants nains, une valkyrie pugnace (la sculpturale Sybill Danning), un cow-boy débonnaire (ce bon vieux George Peppard) et un hors-la-loi recherché aux quatre coins de la galaxie (Robert Vaughn, qui faisait déjà partie du casting des Sept mercenaires vingt ans plus tôt et y jouait un rôle très similaire).

Une direction artistique signée James Cameron

Tout ce beau monde s’installe sur Akir (le nom de cette planète est manifestement un hommage à Akira Kurosawa, qui réalisa Les Sept samouraïs), et le film vire alors à la bataille spatiale conventionnelle, qui aurait tendance à traîner en longueur et à se répéter. L’intrigue des Mercenaires de l’espace n’échappe donc à aucun cliché et s’affuble de dialogues volontiers puérils. Mais le film vaut tout de même le coup d’œil pour ses créatures insolites, ses effets miniatures inventifs, sa direction artistique originale confiée à un James Cameron alors débutant, et sa partition emphatique signée James Horner, qui amorçait là des trouvailles musicales appelées à resservir dans Star Trek 2 et Krull. Très fier de ces Mercenaires de l’espace, tournés en à peine cinq semaines dans un studio flambant neuf qu’il venait alors d’acquérir, Roger Corman décida d’en amortir les dépenses (le film coûta deux millions de dollars, son plus gros budget à l’époque) en recyclant les décors, les maquettes et des extraits de la partition pour bon nombre d’autres films de science-fiction produits dans la foulée, notamment Space Raiders d’Howard R. Cohen.

 

© Gilles Penso

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ROLLERBALL (1975)

Ces jeux du cirque transposés dans le futur prouvent que les instincts primaires de la nature humaine n'évoluent guère avec le temps

ROLLERBALL

1975 – USA

Réalisé par Norman Jewison

Avec James Caan, John Houseman, Maud Adams, John Beck, Moses Gunn, Pamela Hensley, Barbara Trantham

THEMA FUTUR

Réalisateur de films aussi dissemblables que Dans la chaleur de la nuit, L’Affaire Thomas Crown ou Un Violon sur le toit, Norman Jewison s’est attaqué au milieu des années 70 à une fable futuriste tirée d’un roman homonyme de William Harrison. Nous sommes à l’aube du vingt et unième siècle, en une ère prospère où la guerre et le crime ont été éradiqués. Le monde est désormais dirigé par de puissantes multinationales qui ont instauré un véritable retour des jeux du cirque pour canaliser la violence du peuple. Les gladiateurs ont été remplacés par des sportifs de haut niveau, s’entredéchirant sur les arènes du monde entier lors de chaque rencontre de « Rollerball ». Ultra-violent, ce sport barbare mixe le football américain, le motocross et le hockey. L’enjeu de chaque partie est une balle métallique que les joueurs doivent saisir pour marquer des points. Rollerball s’érige donc d’emblée en satire sociale tirant à boulets rouges sur le milieu du sport, de l’entreprise, de la politique, de la haute société, et dénonçant avant l’heure une mondialisation croissante.

Mais le film de Jewison s’apprécie aussi et surtout comme un farouche plaidoyer pour l’individualisme, une thématique récurrente des œuvres d’anticipations qui se concentre ici autour du personnage de Jonathan E, incarné avec toute la finesse qui se doit par un tout jeune James Caan pas encore popularisé par son rôle de Sonny Corleone dans Le Parrain. Jonathan est le champion de Rollerball de l’équipe de Houston, mais ses exploits l’ont popularisé aux quatre coins du monde, développant autour de lui un véritable culte de la personnalité. Cet état de fait n’est pas du goût des dirigeants du « consortium de l’énergie », organisateur mondial du Rollerball, et Jonathan subit d’insistantes pressions pour se retirer du jeu. Refusant cette retraite forcée, l’athlétique vedette comprend bientôt les enjeux qui se tissent autour de lui, lorsque son employeur lui déclare imperturbablement : « aucun sportif n’est plus grand que le sport lui-même ».

« Les privilèges nous démobilisent… »

Ainsi, non content de servir d’exutoire à la colère et la frustration du plus grand nombre, le « jeu » a surtout pour vocation de prouver l’inutilité de tout effort individuel. Or Jonathan est en train de démontrer le contraire aux yeux du public. « Les privilèges nous démobilisent » constate-t-il avec amertume, dans ce futur où le confort a été préféré à la liberté. Ponctué par de fulgurantes séquences de match dont la violence va crescendo, Rollerball se pare également de moments savoureusement vitriolés, notamment cette soirée mondaine dégoulinante d’hypocrisie qui s’achève au petit matin par un défouloir innommable : la mise à feu des arbres de la forêt pour le simple plaisir des yeux des dames de la belle société. Dommage que l’efficacité du discours soit amenuisée par la terrible froideur du film. Partant du principe que les personnages et leurs relations doivent être aussi glaciaux que l’univers dans lequel ils évoluent, Jewison prive les spectateurs d’un véritable facteur d’identification. Le climax de Rollerball se déroule au cours d’un affrontement Houston/New York qui tourne au massacre sanglant, et s’achève sur une image emblématique, celle de la victoire de l’individu sur le nombre, aux inoubliables accents de la Toccata de Bach.

 

© Gilles Penso

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L’ARMEE DES MORTS (2004)

Un remake efficace du Zombie de Romero qui aura révélé les talents du scénariste James Gunn et du réalisateur Zack Snyder

DAWN OF THE DEAD

2004 – USA

Réalisé par Zack Snyder

Avec Sarah Polley, Ving Rhames, Jake Weber, Mekhi Phifer, Ty Burrell, Michael Kelly, Kevin Zegers, Michael Barry

THEMA ZOMBIES

Après les séquelles, préquelles et imitations, voici le remake officiel du Zombie de George Romero. Derrière la caméra, on trouve Zack Snyder, un spécialiste du spot publicitaire qui réalise là son premier long-métrage. La première partie de cette Armée des morts est proprement époustouflante, puisant son inspiration dans une des scènes choc de La Nuit des morts-vivants en décuplant son impact. Nous suivons ainsi la jeune infirmière Anna, de retour chez elle après une harassante journée. Au petit matin, sa fille surgit dans la chambre, ensanglantée et le regard fou, puis se jette sur son père et lui arrache la gorge à coups de dents. Terrifiée, Anna se retrouve donc assaillie par son époux et sa gamine mués soudainement en zombies avides de chair humaine. Tandis qu’elle prend la fuite en voiture, elle découvre que l’épidémie s’est répandue en une seule nuit, dans toute la ville, et peut-être même à l’échelle planétaire.

Les agressions se multiplient, tout comme les accidents spectaculaires que Snyder filme avec virtuosité, adoptant parfois des angles surprenants, comme cette plongée vertigineuse au-dessus de la route. Anna trouve refuge dans un centre commercial abandonné, aux côtés d’autres survivants qui vont devoir se serrer les coudes pour survivre. C’est là que L’Armée des morts rejoint Zombie, reprenant la majeure partie de ses idées scénaristiques tout en créant de nouveaux personnages, notamment trois vigiles bien décidés à défendre leur territoire, et un sniper isolé sur son toit, qui communique avec nos héros par grands panneaux interposés. Suivant la démarche popularisée par 28 Jours plus Tard, les zombies ne traînent plus la patte mais courent en hurlant, se livrant parfois même à d’étonnantes acrobaties. Si le film y gagne en dynamisme, Snyder se prive en revanche de la métaphore des consommateurs abêtis déambulant parmi les rayons du supermarché.

Les zombies doivent-ils courir ?

« Pour être honnête, je trouve que le film n’est pas si mal par rapport à ce que j’imaginais », avoue George Romero. « Les vingt premières minutes sont très réussies. Mais ça ressemble un peu trop à un jeu vidéo. Et je n’arrive pas à me faire à l’idée que les zombies courent. Je ne trouve pas ça logique. » (1) C’est bien là que réside la différence majeure entre Zombie et son remake. Ici, toute satire sociale, toute subversion a disparu, au profit d’une action soutenue et d’une épouvante savamment entretenue. De plus, Snyder semble hésiter sur le ton à adopter, oscillant sans cesse entre la terreur pure (la scène d’introduction), le gore rigolard à la Evil Dead 2 (la grosse mama zombie), l’épouvante viscérale (la mémorable séquence de l’accouchement) et l’action façon Mad Max (la fuite des autobus relookés au milieu d’un océan de zombies déchaînés). Malgré une myriade de bonnes idées, le film s’essouffle un peu dans sa seconde partie, d’autant que les similitudes avec 28 jours plus tard s’accumulent progressivement, renforçant un fâcheux sentiment de déjà-vu. Le dénouement, quant à lui, lorgne un peu maladroitement du côté de celui du Jour des morts-vivants, complétant ainsi l’hommage à la trilogie de Romero.


(1) Propos recueillis par votre serviteur en juillet 2005

© Gilles Penso

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LE MONDE DE NARNIA : LE LION, LA SORCIÈRE BLANCHE ET L’ARMOIRE MAGIQUE​ (2005)

Les studios Disney s'emparent de la saga littéraire de C.S. Lewis pour profiter de la vogue du fantastique tout public générée par la franchise Harry Potter

THE CHRONICLES OF NARNIA : THE LION, THE WITCH AND THE WARDROBE

2005 – USA

Réalisé par Andrew Adamson

Avec Georgie henley, Skandar keynes, Anna Popplewell, William Moseley, Tida Swinton, James McAvoy, Jim Broadbent

THEMA HEROIC FANTASY I CONTES I MAMMIFERES I MYTHOLOGIE I SAGA LE MONDE DE NARNIA

Les studios Disney n’ayant pas senti venir assez tôt la gigantesque vogue de l’héroïc fantasy et du conte fantastique amorcée par les sagas Harry Potter et Le Seigneur des Anneaux, ils se dépêchèrent de rattraper le train en marche afin de lancer eux-mêmes leur propre franchise. Pour minimiser les risques, ils engagèrent le réalisateur Andrew Adamson (jusqu’alors spécialisé dans l’animation avec les deux Shrek) et l’équipe des effets spéciaux de Weta, maîtres d’œuvres de la trilogie de Peter Jackson. Quant au scénario, il adapte le premier tome des « Chroniques de Narnia », un best-seller en sept volumes signé C.S. Lewis qui fut lui-même un ami proche de J.R.R. Tolkien, avec lequel il partageait le goût des univers fantaisistes et des créatures imaginaires. Avec de tels atouts en poche, et un budget colossal de 180 millions de dollars, la multinationale à tête de souris espérait bien tenir la dragée haute à ses concurrents.

Or, si Le Monde de Narnia chapitre 1 remporta un indéniable succès, il faut bien avouer qu’il manque singulièrement d’âme et de personnalité, preuve qu’un bon produit marketing ne donne pas forcément un bon film, et que rien ne remplacera la forte personnalité d’un artiste (qu’aurait donné Le Seigneur des Anneaux sans Peter Jackson à la barre ?). Ce premier épisode démarre dans un contexte réaliste, celui de la seconde guerre mondiale. Alors que l’aviation allemande bombarde inlassablement Londres, quatre frères et sœurs, Peter, Susan, Edmund et Lucy Pevensie, sont envoyés par leur mère dans un manoir habité par un professeur excentrique et une gouvernante autoritaire. En jouant à cache-cache, Lucy découvre une armoire qui la transporte dans le monde de Narnia, dans lequel s’affrontent le valeureux lion Aslan et le redoutable Sorcière Blanche. Lorsque ses trois frères et sœurs la rejoignent, ils prennent une part active dans une monstrueuse bataille opposant des milliers de belligérants déchaînés.

Un gigantesque bestiaire mythologique

Et c’est bien là que Le Monde de Narnia entend en mettre plein la vue à ses spectateurs. Effectivement, on n’avait sans doute jamais vu autant de créatures fantastiques réunies dans le même film. Faunes, centaures, licornes, griffons, nains, minotaures, hommes-chauves-souris, cyclopes, guerriers à tête de phacochère, c’est un véritable festival, sans compter les innombrables animaux factices (lion, ours, rhinocéros, guépards, loups, renards, marmottes, chiens et gorilles) qui s’animent parmi nos héros. Œuvre commune des infographistes de Weta et du maquilleur spécial Howard Berger, tous ces êtres mythiques constituent l’attrait principal du film, mais ne suffisent guère à attiser l’intérêt sur les deux heures et demi que dure ce récit. Car il faut bien reconnaître qu’il ne se passe pas grand-chose dans ce conte préfabriqué, en dehors d’une poignée de péripéties déjà vues ailleurs. La bataille elle-même, point d’orgue du film, pêche par son manque d’enjeux et de tension, sans parler du cruel manque de charisme de l’ensemble des comédiens.

 

© Gilles Penso

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JE SUIS UNE LEGENDE (2007)

Après Vincent Price et Charlton Heston, Will Smith incarne à son tour le dernier survivant de la fin du monde

I AM LEGEND

2007 – USA

Réalisé par Francis Lawrence

Avec Will Smith, Alice Braga, Charlie Tahan, Salli Richardson-Whitfield, Willow Smith, Emma Thompson, Dash Mihok

THEMA ZOMBIES I VAMPIRES I MUTATIONS

Armé d’un fusil et flanqué d’un berger allemand, Will Smith chasse le cerf dans les rues désertes d’une ville de New York dévastée. C’est cette séquence surréaliste qui ouvre Je suis une légende, troisième adaptation officielle du roman homonyme de Richard Matheson. La réussite de cette nouvelle version – sans doute la meilleure des trois – est d’autant plus appréciable qu’elle faillit bien ne jamais voir le jour. Au milieu des années 90, c’est Ridley Scott qui envisageait de réaliser le film, avec Arnold Schwarzenegger en vedette (successeur logique du Charlton Heston du Survivant), jusqu’à ce que les proportions pharaoniques du budget ne sabordent le projet. D’autres noms prestigieux circulèrent sur la chaise hypothétique du réalisateur, de Michael Bay à James Cameron en passant par Paul Verhoeven. C’est finalement Francis Lawrence, auteur d’un Constantine pas vraiment folichon, qui hérita du bébé. Et force est de constater que son traitement répond à toutes les attentes.

Convaincue de pouvoir éradiquer le cancer, le docteur Crispin (Emma Thompson) manipule génétiquement le virus de la rougeole. Résultat : un an plus tard, la race humaine a disparu. Tous se sont mués en vampires mutants contaminant ou dévorant inlassablement leurs semblables. Seul Robert Neville (Smith, donc), un scientifique de l’armée, est miraculeusement immunisé contre l’infection. Serait-il le dernier homme sur terre ? Depuis trois ans, il diffuse chaque jour des messages radio dans l’espoir de trouver d’éventuels autres survivants. Le reste du temps, il remplit ses journées selon un rituel excessivement méthodique, cherche désespérément le moyen d’enrayer le phénomène du virus, et se barricade dans la maison qu’il a investie dès que le jour décline. Car les créatures qui vivent à l’extérieur se réveillent la nuit, mues par un insatiable appétit. Combien de temps lui reste-t-il avant de tomber entre leur griffes ?

L'attaque des zombies numériques

Certes, le sujet de Je suis une légende évoque énormément 28 jours plus tard, avec lequel il entretient de nombreux points communs. Mais il faut remettre les choses en perspective : le film de Danny Boyle s’inspirait de La Nuit des morts-vivants, Zombie et Le Jour des morts-vivants de George Romero, eux-mêmes largement influencés par le roman de Richard Matheson. Le film de Francis Lawrence marque ainsi un naturel retour aux sources, et si les séquences d’attaque des vampires – tous interprétés par des « acteurs » numériques bluffants de réalisme – coupent bien souvent le souffle, le drame humain l’emporte majoritairement sur l’action. Contrairement à I Robot d’Alex Proyas, dans lequel le studio refusait d’assumer l’austérité du personnage incarné par Will Smith en le poussant à lâcher quelques vannes détendues ou pire à faire de la publicité pour une marque de baskets, Je suis une légende expose pleinement les fêlures de son anti-héros méthodique et dépressif. Lorsque l’humour pointe le bout de son nez, c’est de manière désespérée, comme lorsque Neville récite par cœur les dialogues de Shrek qu’il a bien dû visionner cent fois. 

 

© Gilles Penso

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LAND OF THE DEAD (2005)

George Romero profite de la vogue renouvelée des films de zombie pour doter sa légendaire saga d'un quatrième épisode ambitieux

LAND OF THE DEAD

2005 – USA / CANADA

Réalisé par George A. Romero

Avec Simon Baker, Asia Argento, Dennis Hopper, John Leguizamo, Robert Joy, Pedro Miquel Arce, Krista Bridges, Eugene Clark

THEMA ZOMBIES I SAGA LES ZOMBIES DE ROMERO

Les zombies sont revenus sur le devant de la scène au début des années 2000, générant de nombreux succès et de confortables recettes. Il était donc plus que temps de redonner la parole à l’homme qui popularisa les cadavres ambulants en créant presque un sous-genre du cinéma d’horreur, le bien nommé George Romero. C’est en tout cas ce qu’ont pensé le producteur Mark Canton et les dirigeants d’Universal, quasi-assurés de remplir leur tiroir-caisse tout en séduisant les fans irréductibles. « Sans m’en rendre compte, j’ai initié une sorte de chronique avec La Nuit des Morts-Vivants » raconte Romero. « A partir de Zombie, l’utilisation de ce motif récurrent était plus consciente. C’est maintenant ma plateforme de travail. » (1) Dès les premières images, Land of the Dead tient toutes ses promesses, prouvant que Romero n’a pas perdu la main et surclasse de loin tous ses imitateurs. Il suffit pour s’en convaincre de voir cette séquence d’ouverture surréaliste dans laquelle les zombies reprennent pathétiquement leurs habitudes d’antan, l’un trimbalant inutilement son attaché-case, l’autre soufflant sans conviction dans une trompette au milieu du kiosque d’un square, un troisième s’efforçant de faire fonctionner sa pompe à essence…

Peu à peu, il apparaît évident que les zombies ont évolué depuis Le Jour des morts-vivants. Ils ne courent pas le marathon pas plus qu’ils n’accomplissent d’improbables acrobaties, comme chez Zack Snyder et Danny Boyle, mais développent une intelligence commune et un mode de communication, s’organisant progressivement autour d’un meneur enclin à la révolte. Et l’esprit satirique de Romero transparaît aussitôt, la différence entre morts et vivants s’avérant de plus en plus ténue. Mais l’acerbe critique sociale chère au cinéaste n’éclate pleinement qu’au moment où il nous présente une ville muée en bunker dans laquelle des survivants barricadés résistent aux assauts des morts-vivants, tandis qu’une poignée de nantis vivent à l’abri dans une luxueuse tour, sous l’égide du mercantile Kaufman. Cette cité autarcique, cerclée d’une barrière électrifiée, n’est pas sans évoquer New York 1997, d’autant que la mise en scène nerveuse de Romero et ses personnages burinés rappellent l’univers de John Carpenter. Avec en prime des séquences gore inédites se parant de quelques effets numériques, et un casting particulièrement judicieux.

Les secousses du 11 septembre

Moins révolutionnaire que La Nuit des morts-vivants, moins définitif que ZombieLand of the Dead n’en demeure pas moins le meilleur film de zombies depuis des décennies. « D’un point de vue stylistique, je pense que chacun des films de la série reflète le climat social et politique de l’époque à laquelle il fut réalisé » (2) , explique Romero. Ainsi, après le traumatisme du Viêt-Nam en 1968, les excès de la société de consommation en 197 et le militarisme accru en 1987, les secousses du 11 septembre ont largement influencé ce quatrième volet. Voilà tout le génie de Romero. Alors que la plupart de ses confrères se contentent de filmer des fusillades entre hommes et zombies dans l’optique de séduire les fans de jeux vidéo, Romero a toujours préféré se servir de l’horreur et des monstres comme miroir déformant de notre société.


(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en juillet 2005

© Gilles Penso

 

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FREDDY CONTRE JASON (2003)

Le choc des titans tant attendu entre le tueur de Crystal Lake et le croquemitaine aux griffes acérées n'aura finalement été qu'un pétard mouillé

FREDDY VS. JASON

2003 – USA

Réalisé par Ronny Yu

Avec Robert Englund, Ken Kirzinger, Monica Keena, Jason Ritter, Kelly Rowland, Chris Marquette, Brendan Fletcher, Kyle Labine

THEMA TUEURS I RÊVES I SAGA VENDREDI 13 I FREDDY KRUEGER

Ce crossover des deux tueurs les plus célèbres du cinéma fantastique est la concrétisation d’un fantasme entretenu pendant des décennies chez les fans de films d’horreur, même si le procédé n’est pas nouveau. Qu’on se souvienne par exemple des multiples rencontres du Monstre de Frankenstein, de Dracula et du Loup-Garou pendant l’âge d’or d’Universal, ou encore de la mémorable lutte entre King Kong et Godzilla orchestrée par la Toho en 1962. Le final du rigolard Jason va en enfer annonçait déjà, avec dix ans d’avance, ce mythique affrontement entre le tueur d’Elm Street et celui de Crystal Lake, et il faut croire qu’ici tout se passe comme si Jason X n’existait pas. Etant donné que la mise en scène en a été confiée à Ronny Yu, responsable d’un réjouissant La Fiancée de Chucky, tous les espoirs étaient permis.

Le film démarre par un résumé de l’histoire de Freddy Kruger, extraits des films précédents à l’appui. Aujourd’hui, le grand brûlé a été définitivement vaincu. Depuis que tout le monde l’a oublié, il ne peut plus sévir dans les cauchemars de ses jeunes victimes. Son seul recours est de rappeler les habitants d’Elm Street à son terrible souvenir. Pour y parvenir, il entre dans l’esprit mort-vivant de Jason Voorhees et l’incite à revenir à la vie une énième fois pour servir d’instrument à son retour. Le prétexte scénaristique est un peu tordu, mais le public est prêt à beaucoup de concessions pour voir ce combat tant attendu entre Freddy et Jason. Malheureusement, l’intérêt du film tourne court dans la mesure où il s’y passe rigoureusement tout ce qu’on attendait. C’est-à-dire des meurtres de teenagers crétins à coup de machette, et des cauchemars dans lesquels Freddy se marre en faisant crisser ses griffes. Ni plus, ni moins.

Combat de catch entre psychopathes

Cette absence de surprises et de nouveautés est pour le moins décevante, car les mythes des deux croquemitaines ne font que se juxtaposer au lieu de s’enrichir mutuellement, un peu comme si le monteur s’était contenté d’assembler un best of des meurtres de Jason et des rêves de Freddy, sans chercher à pousser plus loin le concept. A une exception près : lorsque Freddy est sur le point d’assassiner une jeune fille qui rêve de lui, mais se fait devancer par Jason qui la tue avant lui dans le monde réel. Dommage que cette belle idée tourne court et reste une tentative isolée. Quant à l’affrontement lui-même, il commence dans le monde des rêves, à coups de grandes empoignades musclées qu’on croirait issues d’un combat de catch, pour se terminer à Crystal Lake, avec force jets de sang et explosions en tous genres. Là où le délire et la démesure auraient pu battre leur plein, là où un second degré salvateur aurait pu apporter du recul et de l’humour, Freddy contre Jason ne propose que de la routine, et une absence d’ambition pour le moins regrettable. Dommage, car lorsqu’il se laisse inspirer, Ronny Yu compose des séquences assez surprenantes, comme le meurtre du jeune homme coupé en deux dans un canapé convertible, l’impressionnant bond de Freddy hors des eaux noires de Crystal Lake, ou le plan final qui révèle de très graphique manière l’issue de ce match au sommet.

 

© Gilles Penso

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