BEETLEJUICE BEETLEJUICE (2024)

On prend les mêmes et on recommence ! 36 ans plus tard, Tim Burton ressuscite le fantôme exorciste à qui il doit presque tout…

BEETLEJUICE BEETLEJUICE

 

2024 – USA

 

Réalisé par Tim Burton

 

Avec Michael Keaton, Winona Ryder, Catherine O’Hara, Justin Theroux, Jenna Ortega, Monica Bellucci, Willem Dafoe

 

THEMA FANTÔMES I SAGA TIM BURTON

Quel bonheur de voir Tim Burton retrouver le grain de folie de ses débuts, se laisser aller à tous les excès, multiplier les idées visuelles excentriques, balayer le tout-numérique qui plombait des films comme Alice au pays des merveilles au profit de bricolages à l’ancienne (maquillages spéciaux, marionnettes, stop-motion), bref se faire plaisir avec une bonne humeur communicative. Certes, une telle démarche nostalgique n’est pas sans revers. Le « fan service » abonde fatalement dans Beetlejuice Beetlejuice, tout comme une inévitable impression de déjà-vu et une tendance à complexifier l’intrigue pour donner aux spectateurs le sentiment qu’ils ne se contentent pas de voir un remake du premier Beetlejuice. Pour autant, le film assume pleinement son statut de séquelle tardive en refusant de n’être qu’une resucée du passé. Beetlejuice Beetlejuice jette donc un pont entre le Tim Burton des années 80 et celui des années 2020, mêlant une partie du casting du film original (auquel s’adjoint brièvement ce bon vieux Danny DeVito) aux nouveaux membres de la famille cinématographique du réalisateur, notamment Jenna Ortega (héroïne de la série Mercredi) et Monica Bellucci (sa compagne/muse du moment).

Michael Keaton est plus déchaîné que jamais (son maquillage nous donnant l’étrange sentiment qu’il n’a presque pas pris de ride), Catherine O’Hara reprend avec emphase son personnage d’artiste conceptuelle vaniteuse et Winona Ryder nous offre le portrait torturé de l’ancienne adolescente gothique perdue entre une mère envahissante, une fille distante et un petit-ami superficiel. Quant à Jeffrey Jones, devenu « problématique » après ses démêlées avec la justice, Burton s’en débarrasse de manière hilarante et caricaturale sans pour autant effacer le personnage de son scénario, en une pirouette narrative et artistique franchement culottée. Du côté des nouveaux-venus, Bellucci assure dans le rôle d’une variante inquiétante de la fiancée de Frankenstein, ancien démon recousu à la va vite et couturé de cicatrices grossières, comme la Sally de L’Étrange Noël de Monsieur Jack. Burton ne lui donne certes pas grand-chose à exprimer – ses dialogues se comptent sur les doigts de la main – mais sa présence physique reste saisissante. Jenna Ortega est parfaite elle aussi dans le rôle de la fille délaissée, même si les personnages d’adolescentes marginales commencent singulièrement à coller à la peau de la jeune actrice qui gagnerait à changer un peu de registre.

Fantômes en fête

Cette petite galerie de protagonistes volontiers excessif – qu’accompagnent Justin Theroux et Willem Dafoe, tous deux en très grande forme – s’anime joyeusement dans ce film qui joua longtemps l’Arlésienne, au point qu’on n’y croyait plus. Annoncé à de nombreuses reprises depuis le début des années 2000, ce second Beetlejuice se concrétisa en grande partie grâce à la série Mercredi, au cours de laquelle Burton retrouva une joie de mettre en scène et une fraîcheur qui visiblement lui faisaient défaut depuis quelques années. Plusieurs conditions s’avéraient indispensables au lancement de cette suite, notamment le retour de Keaton et Ryder mais aussi la conservation d’un caractère politiquement incorrect. Pas question d’un Betelgueuse édulcoré et assagi qui réfrènerait ses propos graveleux et son comportement libidineux. Trop heureux de pouvoir à nouveau se lâcher, Michael Keaton décide d’éviter les répétitions avant les prises pour pouvoir tout donner dès que les caméras se mettent à tourner. Burton lui-même jette aux yeux – et aux oreilles – des spectateurs tout ce qu’il aime, multipliant les hommages (il cite Opération peur, Psychose et Carrie) et concoctant de nouvelles séquences musicales hallucinantes, comme s’il voulait que son vingtième long-métrage soit un véritable feu d’artifice, un retour aux sources doublé d’un nouveau départ. Une seconde jeunesse ? Pourquoi pas.

 

© Gilles Penso


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TERREUR VAUDOU (1988)

Un garde du corps équipé de gadgets improbables se heurte à des mercenaires armés jusqu’aux dents et à des praticiens de cérémonies vaudou…

THE OCCULTIST

 

1988 – USA

 

Réalisé par Tim Kincaid

 

Avec Rick Gianasi, Joe Derrig, Richard Mooney, Jennifer Kanter, Mizan Kirby, Matt Mitler, Anibal O. Lleras, Betty Vaughn, Kate Goldsborough, Doug Delauder

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I SAGA CHARLES BAND

Terreur Vaudou est un film tellement bizarre et invraisemblable que même son distributeur ne sut jamais comment correctement en faire la promotion. Au gré des différents posters et jaquettes qui lui furent consacrés, il nous semble avoir affaire à un film d’horreur sanglant, un thriller de science-fiction post-Terminator, une comédie polissonne agrémentée d’éléments surnaturels ou encore un film noir avec détective privé au feutre mou et femme fatale sexy. Or si ce film improbable cultive effectivement des éléments de science-fiction et d’épouvante avec une pincée d’humour, d’espionnage industriel et d’enquête policière, aucun de ces visuels hautement fantaisistes ne lui rend justice, et pour cause : Terreur Vaudou est une véritable foire d’empoigne qui part dans tous les sens et nous laisse en fin de visionnage dans un état hébété, incapables de comprendre ce que nous venons de voir. Habitué aux séries Z mal-fichues s’efforçant avec une maladresse désarmante de surfer sur les succès des années 80, l’auteur et réalisateur Tim Kincaid avait déjà signé quelques sympathiques nanars comme L’Hybride infernal, Robot Holocaust et Robot Killer. Nous savions donc qu’il nous fallait nous méfier. Mais rien ne nous préparait pour autant à cet indescriptible Terreur Vaudou.

Dès l’entame, une étrange cérémonie vaudou se déroule quelque part dans New York. La sorcière Mama Dora (Betty Vaughn) s’agite avec hystérie, les danseurs en transe bougent frénétiquement à ses côtés, un couple se dénude et fait l’amour, puis un homme est soudain écorché vif et se met à hurler. Il nous semble donc comprendre que nous avons affaire à un film d’horreur sur fond d’occultisme, ce que laisse entendre le titre original. Puis soudain, changement de décor et d’angle scénaristique : la société Sanford Security Systems, spécialisée dans la protection haut de gamme des entreprises, connaît de graves difficultés financières. Nouvellement nommé à sa tête, Barney Sanford (Joe Derrig) doit trouver le moyen d’élargir sa clientèle. Or l’île tropicale de San Caribe, au bord de la révolution, a besoin d’un garde du corps pour protéger son président. Sanford embauche donc Waldo Warren, un mercenaire d’un genre très particulier qui n’a pas froid aux yeux. Il faut dire que son interprète, le « gros bras » Rick Gianasi, se battait déjà contre des cyborgs tueurs dans Robot Killer, donc il en a vu d’autres. Une société concurrente étant aussi sur le coup, le film prend visiblement les allures d’une sorte de thriller sur fond d’espionnage industriel. Mais bientôt, Warren montre des capacités physiques inattendues, variante surréaliste de celles de L’Homme qui valait trois milliards. Nous nageons alors d’un seul coup en pleine science-fiction…

Un coup de braguette magique

Car tenez-vous bien, notre musclor stoïque et inexpressif est doté de pistolets greffés partout dans son corps. Il peut donc tirer sur ses ennemis avec ses doigts, avec ses pieds ou avec son pénis… Oui, vous avez bien lu ! D’où une séquence impensable où trois des personnages principaux discutent tranquillement dans une pissotière, visiblement peu troublés par un massacre sanglant auquel ils viennent d’assister, jusqu’à ce que Waldo abatte tous ses assaillants au cours d’une fusillade effrénée avant de remonter sa braguette. Il faut le voir pour le croire. Le reste du temps, Terreur Vaudou enchaîne des scènes bizarres qui semblent déconnectées les unes des autres : une terroriste qui place une bombe dans le dos d’une femme pour la faire exploser, un dialogue absurde au cours duquel une employée de Sanford Security accumule les bourdes avec un colonel (un passage qu’on imagine conçu pour être comique), un homme au visage déchiqueté qui se fait dépecer vivant par la prêtresse vaudou… Entre deux scènes de combat à peu près aussi risibles que celles de Robot Killer, de longs dialogues entre les personnages évoquent les enjeux politico-financiers de l’installation de systèmes de sécurité sur l’île de San Caribe… Bref, si quelqu’un a compris quelque chose à ce film, il est prié de se faire connaître pour en faire profiter les autres.

 

© Gilles Penso


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AIMEE : THE VISITOR (2023)

Après Siri et Alexa, voici Aimee, la nouvelle génération d’intelligence artificielle : sexy, jalouse et très dangereuse…

AIMEE : THE VISITOR

 

2023 – USA

 

Réalisé par Charles Band

 

Avec Dallas Schaefer, Faith West, Felix Merback, Tom Dacey Carr, Joe Kurak, Liz Jordan, Lexi Lore

 

THEMA ROBOTS ET INTELLIGENCE ARTIFICIELLE I SAGA CHARLES BAND

Véritable tête chercheuse à l’affut de tout ce qui pourrait faire du buzz ou s’inscrire dans l’air du temps, le producteur Charles Band décide de ne pas passer à côté du phénomène de l’intelligence artificielle qui transforme peu à peu des considérations de pure science-fiction en réalité tangible. Il s’attelle alors à un petit film de SF dont il prend lui-même en charge la réalisation en s’appuyant sur un scénario de Neal Marshall Stevens (qui utilise ici le pseudonyme de Roger Barron). Le texte d’introduction du film exprime en toutes lettres son argument marketing principal : « Le film que vous allez voir met en scène un personnage qui utilise la technologie moderne de l’IA. Aimee elle-même n’est pas interprétée par une actrice et n’a pas été conçue à l’aide d’effets spéciaux numériques. Elle est en fait la toute première femme fatale créée par l’IA dans l’histoire du cinéma. » L’idée du film consiste ainsi à faire fusionner le fond et la forme. L’intelligence artificielle qu’il met en scène, AIMEE (acronyme de « Advanced Intimate Model of Euphoric Entertainment », c’est-à-dire « Modèle intime avancé de divertissement euphorique », tout un programme !) est elle-même conçue avec l’assistance de l’IA, sous la supervision du créateur d’effets visuels Chuck Cirino (dont le travail ne se distingue habituellement pas par sa finesse, comme en témoignent des films tels que Attack of the 50 Foot CamGirl ou Killbots).

Scott Keyes (Dallas Schaefer) est un pirate informatique brillant mais misanthrope qui préfère généralement la compagnie des ordinateurs à celle des humains. Son activité préférée : se faire livrer par un fast-food et regarder des films pornographiques entre deux piratages. Dans l’immeuble qu’il possède, il loue un appartement à un frère et une sœur, Hunter (Felix Merback) et Gazelle (Faith West), qui sont des hackers talentueux et l’aident donc dans ses travaux illicites. Gazelle en pince un peu pour lui mais notre homme est trop obnubilé par ses activités solitaires pour s’en rendre compte. Un jour, Hunter et Gazelle lui apportent un nouveau programme d’intelligence artificielle qu’il débloque pour en découvrir les capacités. Au départ, AIMEE (c’est son petit nom) a tout de l’assistant virtuel efficace à la voix enjôleuse auquel le programme a ajouté un visage féminin très avenant. Scott se laisse séduire par cet outil puissant et très ergonomique. Mais AIMEE n’est-elle pas en train de développer une personnalité propre, des sentiments étrangement humains et des intentions inavouées ?

Les Prométhées modernes

La situation est familière et nous évoque plusieurs films ayant déjà abordé à leur manière nos relations complexes aux outils informatiques, le scope allant de Génération Proteus à Her en passant par Electric Dreams et Blade Runner. AIMEE : The Visitor assume ce prestigieux passé, laissant même l’un des personnages s’inquiéter en ces termes : « C’est peut-être le prochain niveau de Terminator ! » Mais ce film sans prétention tire son efficacité d’une approche relativement réaliste et minimaliste, construisant par petite touches une relation homme/machine qui bascule progressivement dans une zone trouble qui n’est pas si éloignée de nos comportements réels vis-à-vis de l’intelligence artificielle. Le budget limité oblige à restreindre les décors, les personnages et les situations mais ce n’est pas plus mal, cette triple unité évitant d’inutiles digressions (dont l’une aurait d’ailleurs pu être évitée, celle des deux « hommes en noir » qui interviennent brièvement en début de métrage). L’aspect le plus intéressant du scénario est le triangle amoureux qui s’installe entre Scott, Gazelle et AIMEE. « C’est la première fois que deux filles s’intéressent à moi en même temps » finit par dire notre homme dépassé par la situation. La suite des événements se déroule selon un schéma que l’on connaît déjà et qui évacue toute réelle surprise. Mais le final, nihiliste et désespéré, n’en perd pas son impact pour autant, avec à la clé une interrogation lancinante héritée du « Frankenstein » de Mary Shelley : jusqu’où peut-on jouer à l’apprenti-sorcier sans en mesurer gravement les conséquences ?

 

© Gilles Penso

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BABY OOPSIE 3 : BURN BABY BURN (2022)

Persuadé qu’une armée de jouets démoniaques s’apprête à menacer l’humanité, un prêtre prépare un exorcisme d’un genre très particulier…

BABY OOPSIE 2 : BURN BABY BURN

 

2022 – USA

 

Réalisé par William Butler

 

Avec Libbie Higgins, Justin Armistead, LeJon Woods, Lynne Acton McPherson, Tim Dorsey, Joe Kurak, Michael Carrino, Shamecka Nelson, Christopher Joseph Meigs

 

THEMA JOUETS I DIABLE ET DÉMONS I SAGA DEMONIC TOYS I CHARLES BAND

Honnêtement, Baby Oopsie 2 : Murder Dolls et Baby Oopsie 3 : Burn Baby Burn auraient pu ne constituer qu’un seul et même film, puisqu’ils ont été tournés en même temps et ne durent chacun qu’une soixantaine de minutes. Ces deux films courts sont en réalité des remontages des quatre épisodes de la seconde saison de la web-série Baby Oopsie. Toujours prompt à faire fructifier les œuvres conçues sous son égide, le producteur Charles Band s’est sans doute dit qu’il serait plus intéressant financièrement de vendre deux Blu-Ray distincts plutôt qu’un seul. Toujours est-il que les deux films peuvent vraiment s’apprécier dans la continuité et se raccordent d’ailleurs parfaitement. À la fin de Murder Dolls, la créatrice et restauratrice de jouets Sybil Pittman (Libbie Higgins) décidait de revenir sur le droit chemin et d’empêcher le vilain Baby Oopsie de continuer à massacrer à tour de bras. Mais ses intentions étaient enrayées par deux autres poupées maléfiques de sa création – un clown et un cowboy – ainsi que par le comportement de son ami Ray-Ray (Justin Armistead) soudain possédé par le diable. Voilà où nous en étions. Le délire s’apprêtait donc à battre son plein…

Le seul allié de Sybil semble être le père McGavin (LeJon Woods), un prêtre qu’elle a eu beaucoup de mal à convaincre du bien-fondé de la menace mais qui en a finalement mesuré l’ampleur. Prêt à se lancer dans un exorcisme d’un genre très spécial (peut-on chasser le diable hors de jouets qu’il a possédés ?), il débarque dans la maison de Sybil, le crucifix au poing. Pendant ce temps, l’inspecteur Klink (Joe Kurak) mène l’enquête sur les étranges faits survenus sur place, tout comme Teddy (Tim Dorsey) qui s’inquiète de la disparition de sa petite-amie qui fut l’ex-colocataire de Sybil. Comme si ça ne suffisait pas, la pétillante Skipper Beasley (Madison Pullins) vient s’assurer que la créatrice de jouets a bien honoré son contrat consistant à fabriquer de nouvelles poupées pour la compagnie japonaise Twinkle Toys. Tous ces personnages et toutes ces intrigues se confrontent au cours d’un climax délirant qui voit s’ouvrir les portes du Toy Hell, autrement dit « l’enfer des jouets »…

« L’enfer des jouets »

Plus mouvementé et mieux rythmé que l’opus précédent, Baby Oopsie 3 ne lésine pas sur les clins d’œil. Ainsi se réfère-t-il directement à L’Exorciste (les jets de vomi du possédé graveleux), à Poltergeist (les objets qui volent dans la maison dont un vinyle qui tourne tout seul en faisant de la musique) mais aussi à L’Inspecteur Harry (à travers la fameuse réplique « Do you feel lucky ? »). Quant au personnage de Skipper, il s’agit d’une parodie en chair et en os des poupées Barbie dont elle reprend en boucle le slogan « Girls can do anything » (« les filles peuvent tout faire »). Cette référence est d’autant plus délectable que le Barbie de Greta Gerwig sortira à peine quelques mois plus tard sur les écrans. Le sang continue de gicler abondamment, même si les poupées tueuses auraient mérité un rôle un peu plus consistant dans ce scénario rocambolesque. Ici, elles se contentent de ricaner en imitant Chucky et à tuer de temps en temps ceux qui passent à leur portée. On appréciera le final qui ne recule devant aucune démesure et nous offre la vision furtive du fameux Toy Master, un clown diabolique surgi dans un brasier infernal pour mettre un point final à cette histoire abracadabrante.

 

© Gilles Penso


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THE DELIVERANCE (2024)

Une mère qui peine à élever seule ses trois enfants se retrouve brutalement confrontée à une entité démoniaque…

THE DELIVERANCE

 

2024 – USA

 

Réalisé par Lee Daniels

 

Avec Andra Day, Glenn Close, Anthony B. Jenkins, Caleb McLaughlin, Demi Singleton, Aunjanue Ellis-Taylor, Mo’Nique, Omar Epps, Miss Lawrence

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS

« L’histoire qui suit est inspirée de faits réels », nous dit le texte plein écran qui introduit The Deliverance. L’argument de l’authenticité est bien connu des amateurs de films d’horreur depuis Psychose, Massacre à la tronçonneuse, Amityville ou plus récemment la saga Conjuring, et chacun sait que les scénaristes prennent généralement toutes les libertés qu’autorise la « licence artistique » pour se rapproprier les faits, surtout lorsqu’il s’agit de phénomènes paranormaux. L’affaire qui nous intéresse ici est celle de la famille Ammons, survenue dans l’Indiana en 2011 et très médiatisée à l’époque. Ce cas troublant de possession démoniaque donna lieu à un documentaire en 2019, The Demon House de Zak Bagans, et servit donc de source d’inspiration majeure au scénario de The Deliverance, écrit à quatre mains par David Coggeshall (Prey, Esther 2) et Elijah Bynum (Chaudes nuits d’été, One Dollar). Assez curieusement, la mise en scène est assurée par Lee Daniels, qui sort ici de sa zone de confort pour se frotter à un univers qu’il n’avait jamais encore abordé. Voir le réalisateur de Precious, The Paperboy et Le Majordome s’aventurer sur le terrain de L’Exorciste peut légitimement surprendre, mais notre homme reste fidèle à la sensibilité que nous lui connaissons en s’éloignant volontairement des canons du genre.

À fleur de peau, dans un rôle difficile et plutôt ingrat, la chanteuse et actrice Andra Day incarne Ebony Jackson, une mère séparée qui peine à joindre les deux bouts. Sans misérabilisme mais avec une crudité bien peu hollywoodienne, Lee Daniels nous décrit ses difficultés à gérer trois enfants, ses relations très conflictuelles avec sa mère (une Glenn Close étonnante, qui n’hésite pas à se métamorphoser physiquement pour entrer dans la peau de ce personnage trouble) ainsi que le fantôme d’un alcoolisme destructeur qui ne cesse de la hanter. The Deliverance prend donc d’abord les allures d’un drame social et psychologique. De profondes blessures dont nous ne comprenons pas encore les tenants et les aboutissants sont visiblement encore à vif. Tout le monde semble donc à cran dès l’entame du film, d’autant que l’aide à l’enfance a dans sa ligne de mire cette mère au casier judiciaire déjà garni. Les acteurs de la tragédie étant en place, le surnaturel peut s’inviter…

House of the Devil

C’est en douceur que s’installe la bizarrerie. Les mouches se mettent à envahir la nouvelle maison des Jackson de manière de plus en plus insistante, le cadet de la famille, Andre (Anthony B. Jenkins), est pris de crises de somnambulisme étranges puis se met à parler à un ami imaginaire… Comme tout est traité avec beaucoup de naturalisme, porté par une direction d’acteurs impeccable et l’établissement d’une atmosphère hyperréaliste, nous sommes tout disposés à y croire. Mais lorsque le paranormal surgit enfin de manière frontale, après plus d’une heure de métrage, le château de cartes finit par s’effondrer dans la mesure où le film ne parvient pas à proposer à ses spectateurs autre chose qu’une relecture de ce qu’ils connaissent déjà. Et le fait de citer L’Exorciste dans les dialogues (comme pour en évacuer la référence d’un revers de main) n’empêche pas The Deliverance de marcher très sagement dans ses pas (voix gutturales, transformations physiques, lévitations, télékinésie, jets de vomi, eau bénite, crucifix, toute la panoplie est là). Or à ce jeu, William Friedkin reste et restera sans doute imbattable. Nous comprenons aisément pourquoi Lee Daniels s’est laissé attirer par les failles de cette mère qui cherche désespérément à garder le contrôle de sa vie, tout comme nous saisissons l’envie de faire de l’entité diabolique la métaphore du démon qui ronge cette anti-héroïne brutale et impulsive. Hélas, la démonstration perd toute efficacité au moment où le cinéaste fonce la tête la première dans les lieux communs du film de possession au lieu de conserver sa singularité et son supplément d’âme. The Deliverance n’est donc qu’une demi-réussite, bien en deçà de ce que sa première partie laissait espérer.

 

© Gilles Penso


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BABY OOPSIE 2 : MURDER DOLLS (2022)

Le poupon de Demonic Toys poursuit ses méfaits, accompagné de deux autres jouets tout aussi redoutables…

BABY OOPSIE 2 : MURDER DOLLS

 

2022 – USA

 

Réalisé par William Butler

 

Avec Libbie Higgins, Justin Armistead, LeJon Woods, Lynne Acton McPherson, Tim Dorsey, Joe Kurak, Michael Carrino, Shamecka Nelson, Christopher Joseph Meigs

 

THEMA JOUETS I DIABLE ET DÉMONS I SAGA DEMONIC TOYS I CHARLES BAND

Suite au relatif succès de la web-série Baby Oopsie sur la plateforme de streaming de la compagnie Full Moon Entertainment (deux épisodes de trente minutes chacun rassemblés ensuite comme un long-métrage), le producteur Charles Band et l’auteur/réalisateur William Butler poursuivent l’aventure avec quatre autres épisodes pour une seconde saison qui sera à son tour réexploitée sous forme de deux nouveaux films. Le premier, Baby Oopsie 2 : Murder Dolls, reprend les choses exactement là où Baby Oopsie les laissait. L’influenceuse spécialisée dans la restauration de jouets anciens Sybil Pittman (Libbie Higgins) et son ami et voisin Ray-Ray Dupree (Justin Armistead) s’occupent désormais de Baby Oopsie – le vilain petit poupon en plastique aux fortes tendances homicides – comme s’il s’agissait de leur enfant. Ils le promènent, le nourrissent et lui sacrifient régulièrement des vies humaines. Ils forment ainsi une espèce de couple diabolique platonique façon Les Tueurs de la Lune de miel. Ce qui nous vaut une entrée en matière impensable où tous deux – avec le physique très atypique que nous leur connaissons – sont affublés de tenues SM « sexy » pour attirer de nouvelles victimes.

Voir Libbie Higgins, antithèse absolue de la pin-up, jouer à ce point avec sa propre image est un beau pied de nez au diktat de la beauté des magazines auquel les scream queens du catalogue Full Moon obéissent d’habitude allègrement. D’autant que plus tard intervient dans le film une jeune femme tout de rose vêtue, le cheveu blond, la silhouette élancée, bref une véritable poupée Barbie en chair et en os. Le décalage entre les deux personnages est abyssal. Cette nouvelle venue est envoyée par une compagnie chinoise pour proposer à Sybil de lancer la fabrication en masse d’une ligne de jouets Baby Oopsie en lui adjoignant deux compagnons : le pistolero Cowboy Roy et le joyeux Frownie Clownie. Elle accepte mais change d’avis en se souvenant qu’enfant elle fut élue « catholique de l’année ». Prise de remords, Sybil se confesse et décide d’enrayer les méfaits d’Oopsie. Mais celui-ci n’est pas du tout d’accord, d’autant qu’il est désormais flanqué de deux amis poupons tout aussi redoutables que lui…

« Utiliser la créativité pour servir Satan est tellement satisfaisant ! »

Le jeu de massacre continue sans retenue dans ce second opus, Baby Oopsie assassinant dès l’entame avec du déboucheur de canalisation et de la graisse alimentaire ! Les nouveaux-venus n’y vont pas non plus de main morte. Le clown explose ainsi les têtes à coups de marteau et le cowboy tire à balles réelles. Bref, le sang gicle raisonnablement et l’amateur y trouve son compte. Toujours conçues par Greg Lightner, les marionnettes bénéficient de visages très expressifs, ce qui compense la rigidité de leurs corps aux mouvements toujours très limités. Ce défaut est notamment flagrant dans la scène où les poupées dansent pendant une scène de sacrifice. Les intrigues parallèles nous montrent une des anciennes victimes du bébé en plastique, complètement défigurée et cloitrée dans un hôpital psychiatrique, mais aussi des apparitions du fantôme de la belle-mère de Sybil qui annonce la venue d’un énigmatique « Toy Master », ainsi que la transformation de Ray-Ray qui se laisse posséder par le démon et bascule dans le satanisme le plus outrancier. « Utiliser la créativité pour servir Satan est tellement satisfaisant ! » dit-il avec enthousiasme. On note aussi quelques clins d’œil à d’autres productions Full Moon lorsqu’un prêtre feuillette un grimoire dans les archives de son église et y découvre des dessins représentant Jack-Attack (le clown de Demonic Toys) et Doktor Death (le jouet médecin de Puppet Master). Tout s’achève sur un cliffhanger annonçant un troisième opus débridé : Baby Oopsie : Burn Baby Burn.

 

© Gilles Penso


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GALACTIC GIGOLO (1987)

Un extra-terrestres aux allures de brocoli se déguise en être humain pour visiter la Terre et goûter aux plaisirs de la chair…

GALACTIC GIGOLO

 

1987 – USA

 

Réalisé par Gorman Bechard

 

Avec Carmine Capobianco, Debi Thibeault, Frank Stewart, Ruth Collins, Donna Davidge, Michael Citriniti, Tony Kruk, David Coughlin, Angela Nicholas

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I SAGA CHARLES BAND

Réalisée en 1987 avec des moyens précaires, la comédie d’horreur Psychos in Love avait fait très bonne impression à la plupart de ceux qui la découvrirent, y compris le producteur Charles Band qui en assura la distribution via le label Wizard Video. Aussitôt, Band proposa au réalisateur et scénariste Gorman Bechard (signataire par ailleurs du slasher Disconnected) un contrat pour plusieurs films produits par la compagnie Empire Pictures. Le premier de la série est une comédie de science-fiction légèrement érotique baptisée Club Earth puis retitrée Galactic Gigolo au moment de sa sortie. À cette occasion, Bechard réunit deux des acteurs de son film précédent, Debi Thibeault et Carmine Capobianco, et demande à ce dernier de co-écrire le script avec lui. Le concept absurde du film – que son appellation définitive résume assez bien – incite le cinéaste à l’aborder sous un angle excessif. Son idée ? Réaliser une sorte de dessin animé pour adultes en prises de vues réelles. D’où un certain nombre de partis pris tranchés, comme l’emploi de couleurs extrêmement saturées. Mais Charles Band n’aime pas ce qu’il voit et demande à modifier drastiquement le long-métrage en post-production. Le montage est donc revu de fond en comble et le traitement des couleurs ramené à quelque chose de plus traditionnel. Furieux, le réalisateur reniera ce film. Au vu du résultat, on le comprend aisément.

Le prologue de Galactic Gigolo nous donne très vite le ton. Sur une planète baptisée Crowak où tous les habitants ressemblent à des légumes, une carotte qui a le look de Groucho Marx anime un jeu télévisé à succès, « Pariez votre engrais ». L’un des candidats, Eoj (Carmine Capobianco), aux allures de brocoli boursouflé, remporte la mise et gagne donc le grand prix : un voyage de deux semaines tous frais payés sur la planète Terre, plus précisément au fin fond du Connecticut. Lorsqu’il atterrit chez nous, Eoj prend une apparence humaine (avec une combinaison et une cape argentées qui semblent échappées d’un show de Las Vegas) et prend rapidement goût aux relations charnelles avec les Terriennes. Une journaliste (Debi Thibeault) et un photographe (Frank Stewart) décident alors de le suivre dans son odyssée sexuelle afin d’en tirer un livre. Mais un groupe de mafieux italiens et une famille de rednecks juifs décident de capturer l’extra-terrestre…

Galactic fiasco

On ne sait pas à quoi Galactic Gigolo aurait ressemblé s’il avait été conforme aux envies initiales de Gorman Bechard, mais il est difficile d’imaginer que quoi que ce soit ait pu le sauver du naufrage. En l’état, il s’agit probablement de la comédie la moins drôle et la plus affligeante de l’histoire du cinéma – peut-être ex-aequo avec Lui et l’autre, l’épouvantable parodie italienne de E.T. Même les plus indécrottables amateurs de séries Z cherchent encore quoi sauver de ce film. Avec son image affreuse, son montage à la serpe, ses décors hideux, son humour raté et ses acteurs catastrophiques, Galactic Gigolo devient un véritable cas d’école. Pour montrer leur étonnement, les personnages écarquillent les yeux, serrent les dents, froncent les sourcils, ouvrent grand la bouche et tirent la langue, tandis que la musique éléphantesque fait pouet pouet. Chaque « gag » traîne interminablement en longueur, des bruitages de dessin animé ponctuent régulièrement les gestes des acteurs, les répliques référentielles essaient en vain de nous faire rire (« My name is Bond, James Bond », « I have to phone home ») et Carmine Capobianco s’adresse de temps en temps à la caméra pour tenter désespérément de capter l’attention des spectateurs. Visiblement à cours d’idée, les scénaristes convoquent les peaux de banane et les tartes à la crème pour le combat final, avant le retour salutaire d’Eoj sur sa planète natale.

 

© Gilles Penso


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SUBSPECIES 5 : BLOOD RISE (2023)

25 ans après sa dernière aventure, le redoutable vampire Radu revient montrer les crocs dans une prequel racontant ses origines…

SUBSPECIES 5 : BLOOD RISE

 

2023 – USA

 

Réalisé par Ted Nicolaou

 

Avec Anders Hove, Denice Duff, Kevin Spirtas, Stasa Nikolic, Yulia Graut, Petar Arsic, Olivera Perunicic, Marko Filipovic, Jakov Marjanovic, Bruno Veljanovski

 

THEMA VAMPIRES I SAGA SUBSPECIES I CHARLES BAND

Décapité, immolé, décomposé par la lumière du soleil, le vampire Radu semblait bel et bien mis hors d’état de nuire à la fin de Subspecies 4. Certes, une nouvelle résurrection rocambolesque était toujours envisageable, mais comment ne pas finir par sombrer dans le ridicule ? Pour éviter la surenchère, Ted Nicolaou décide de laisser le monstre mourir tout en se penchant sur son passé. Subspecies 5 est donc une prequel revenant sur les origines du mal. Prévu pour une sortie en 2000, soit deux ans après le quatrième opus, ce film est annulé une première fois à cause des difficultés financières de la compagnie Full Moon. Vingt ans plus tard, le projet est enfin réactivé puis repoussé de nouveau, cette fois-ci à cause de la crise du Covid. La troisième fois est la bonne : Subspecies 5 se concrétise enfin en 2023. Si Nicolaou est toujours à la tête des opérations et si Anders Hove reprend du service sous les traits de Radu Vadislav, deux autres acteurs issus de la saga originale, Denice Duff et Kevin Spirtas, réapparaissent dans d’autres rôles. Quant au vampire Ash, que jouait jusqu’à présent Jonathon Morris, il prend désormais les traits de Marko Filipovic. Contrairement à tous les films précédents de la série, le tournage ne se déroule pas en Roumanie mais en Serbie, où Nicolaou trouve à la fois des décors très photogéniques et une équipe technique et artistique de talent.

Une fois n’est pas coutume, cet épisode ne commence donc pas par la résurrection de Radu mais par sa naissance en plein moyen-âge. Fils de la monstrueuse Circé, le bébé est sauvé par les croisés de l’Ordre des Chevaliers du Dragon, dont la mission est d’occire tous les vampires qui croisent leur route. Le nouveau-né est soumis à un traitement spécial (potions sacrées, excision des griffes et des pointes d’oreilles) afin d’effacer toute trace physique de ses origines. Élevé et initié par l’ordre religieux, Radu devient à l’âge adulte un croisé à la foi inébranlable qui poursuit la mission de ses prédécesseurs. Lorsqu’il débarque dans le château du prince Vadislas pour éliminer les suceurs de sang qui s’y trouvent et récupérer la « pierre de sang », il tombe sur une jeune femme et son fils qu’il décide de sauver, persuadé qu’ils n’ont pas encore été vampirisés. Mais le mal s’est déjà immiscé en eux et Radu ne va pas tarder à en faire les frais…

« Je renaîtrai et te hanterai jusqu’à la fin des temps »

Toujours très inspiré, Nicolaou retrouve l’élégance et l’atmosphère des premiers opus de cette franchise vampirique qu’il aura réussi à maintenir coûte que coûte à un niveau qualitatif très honorable. La photographie de Vladimir Ilic, la musique de Sean McBride et les décors supervisés par Ivan Cirovic sont très beaux, les maquillages spéciaux réussis, les effets visuels simples mais efficaces, les acteurs solides, bref c’est du travail bien fait. Refusant l’approche « campy » de nombreuses productions Full Moon, le réalisateur conserve une tonalité sérieuse qui sied parfaitement à cet univers macabro-romantique. Si Anders Hove assure toujours dans le rôle principal, avouons qu’il est difficile d’accepter que cet homme de presque 70 ans soit la version « jeune » du vampire que nous découvrions en 1991. Denice Duff, de son côté, s’est hélas abimé le visage à force de chirurgie esthétique, mais lui donner le rôle du premier amour de Radu est une excellente idée qui permet de mieux comprendre l’obsession que le monstre développera plus tard pour Michelle (incarnée par la même comédienne dans les films précédents). « Je renaîtrai et te hanterai jusqu’à la fin des temps » lui annonce-t-elle d’ailleurs en fin de métrage. On peut évidemment regretter que les minions du vampire aient définitivement disparu du paysage, comme s’ils s’étaient éteints en même temps que leur créateur, le génial animateur David Allen. C’est d’autant plus regrettable que cette saga leur doit son nom : « Subspecies », soit « sous-espèces ». Habilement, le scénario finit par se raccorder avec celui du premier film de la série mais aussi avec celui de Journal intime d’un vampire. Sorti dans une trentaine de salles de cinéma avant son exploitation vidéo, Subspecies 5 est sans doute l’un des meilleurs crus de la génération Full Moon des années 2020.

 

© Gilles Penso


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SUBSPECIES 4 : BLOODSTORM (1998)

Le vampire Radu revient faire des siennes après une nouvelle résurrection improbable, réclamant sa « proie » recueillie dans un hôpital…

SUBSPECIES 4 : BLOODSTORM / SUBSPECIES : THE AWAKENING

 

1998 – USA

 

Réalisé par Ted Nicolaou

 

Avec Anders Hove, Denice Duff, Jonathon Morris, Ioana Abur, Mihal Dinvale, Floriela Grappini, Dan Astileanu, Ion Haiduc, Eugenia Bosânceanu

 

THEMA VAMPIRES I SAGA SUBSPECIES I CHARLES BAND

À la fin de Subspecies 3, il ne restait plus grand-chose du corps du vampire Radu Vadislav, héros récurent d’une saga née en 1991. Mais l’épilogue s’ouvrait sur une suite possible, ses « minions » animés en stop-motion émergeant de ses griffes calcinées pour mettre la main sur la précieuse « pierre de sang ». C’est donc sans surprise que nous retrouvons le suceur de sang transylvanien revenu une nouvelle fois d’entre les morts. Certes, il a désormais l’apparence d’un grand brûlé, mais il ne lui faut pas longtemps avant de retrouver ses traits blafards et grimaçants. Après un générique égrenant un patchwork d’images empruntées aux trois premiers films de la saga et à Journal intime d’un vampire, l’intrigue se raccorde donc directement à la fin des événements racontés dans Subspecies 3. Au départ, le scénariste et réalisateur Ted Nicolaou souhaite faire revenir les personnages de Rebecca (Melanie Shatner) et Mel (Kevin Spirtas) dans l’intrigue, puisque nous les quittions alors qu’ils emportaient avec eux Michelle (Denice Duff), victime du vampire, dans un sac mortuaire afin d’essayer de l’arracher à son triste sort. Mais les deux acteurs sont indisponibles et il faut donc revoir le scénario. Nous apprenons donc que tous deux sont morts dans un accident de voiture et que le corps de Michelle a été récupéré par une femme médecin, Ana Lazar (Loana Abur), et ramené dans l’hôpital où elle travaille.

Or, le hasard faisant bien les choses, le docteur Niculescu (Mihai Dinvale) à qui elle confie la jeune femme, qui est à la fois son mentor et son ancien amant, est lui-même obsédé par la pierre de sang et semble en savoir beaucoup sur le vampirisme. Affirmant qu’il est capable de traiter Michelle en filtrant et en purifiant son sang, il s’emploie à la garder dans son hôpital et à la soigner. Parallèlement, nous suivons les pérégrinations de Radu qui décide de se rendre à Bucarest pour retrouver l’un de ses anciens « esclaves », le vampire décadent Ash (Jonathon Morris). C’est là que l’intrigue de ce Subspecies se raccorde avec celle de Journal intime d’un vampire dont Ash était l’antagoniste principal. Radu réclame son aide pour retrouver Michelle. Les choses se compliquent lorsque Serena (Floriela Grappini, elle aussi présente dans Journal intime d’un vampire), au service de Ash, décide de comploter pour liguer son maître contre Radu et vice-versa. Tout s’achèvera bien sûr dans un bain de sang…

Bain de sang

Esthétiquement, il faut bien reconnaître que ce film est beaucoup moins léché que les quatre précédents. Ted Nicolaou ayant moins de temps pour travailler son film, la photographie du pourtant talentueux Adolfo Bartoli est plus banale, tout comme les décors, à l’exception peut-être du repaire de Ash qui semble avoir bénéficié de soins particuliers. « Subspecies 4 avait un budget beaucoup plus réduit et un calendrier de tournage beaucoup plus serré, et cela se voit, car les lieux de tournage ne sont tout simplement pas aussi spectaculaires », confirme le réalisateur (1). On peut aussi regretter la présence de sous-intrigues inutiles (notamment la résurrection puis la disparition du lieutenant Marin incarné par Ion Haiduc) et surtout le jeu excessif de Mihal Dinval. Déjà bien peu sobre dans Journal intime d’un vampire où il incarnait un buveur de sang exagérément maniéré, il en fait ici des tonnes, écarquillant les yeux jusqu’au point de rupture et déclamant chacune de ses répliques d’un air grave tandis que ses cheveux tombent en rideau sur son visage crispé. Difficile de prendre au sérieux l’éminent médecin qu’il incarne dans le film. L’un des aspects les plus intéressants du scénario est lié au sort de Michelle, son vampirisme étant ouvertement traité comme une addiction. Le traitement médical qu’elle subit s’apparente à une cure de désintoxication et le « maître » qu’elle réclame pendant ses périodes de crise pourrait tout aussi bien être une drogue. Comme il se doit, Radu finit le film en mille morceaux. Mais comme chacun sait, les vampires de Transylvanie ont la vie dure.

 

(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)

 

© Gilles Penso


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BORDERLANDS (2024)

Dans un monde futuriste fantaisiste, une chasseuse de prime se met en quête d’une jeune fille kidnappée sur une planète lointaine…

BORDERLANDS

 

2024 – USA

 

Réalisé par Eli Roth

 

Avec Cate Blanchett, Kevin Hart, Edgar Ramirez, Jamie Lee Curtis, Ariana Greenblatt, Florian Munteanu, Janina Gavankar, Jack Black, Benjamin Byron Davis

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I SPACE OPERA I FUTUR

Situé dans une sorte de Far West rétro-futuriste et post-apocalyptique, le jeu vidéo « Borderland », sous haute influence de l’univers de Mad Max, est développé par Gearbox Software et lancé sur le marché en octobre 2009. D’autres opus suivront avant qu’Hollywood ne se penche sur la possibilité d’une adaptation sur grand écran. En 2015, le réalisateur Leigh Whannell (qui vient de faire ses débuts derrière la caméra avec Insidious 3) envisage d’en tirer un film qui serait produit par Avi et Ari Arad pour Lionsgate Films. Mais comme souvent à Hollywood, le projet traîne et ses instigateurs finissent par lâcher l’affaire. Les choses ne redémarrent qu’en 2020 avec une toute nouvelle équipe. Cette fois-ci, c’est Eli Roth (Hostel, The Green Inferno) qui tient la barre, sur un scénario qu’il co-écrit avec Joe Crombie. Armé d’un budget confortable de 120 millions de dollars, Roth part tourner à Budapest entre avril et juin 2021, alors que la pandémie du Covid-19 bat son plein. En découvrant le premier montage, le studio s’affole face à son extrême violence et aux multiples mutilations et autres explosions de têtes que Roth déploie généreusement à l’écran. Lionsgate envisageait d’exploiter Borderlands auprès d’un large public et ne sait plus trop quoi faire de ce défouloir gore très éloigné de ses attentes. Le film reste donc sur une étagère pendant deux ans, Eli Roth part diriger Thanksgiving et le réalisateur Tim Miller (Deadpool) est appelé à la rescousse pour tourner tout un tas de nouvelles séquences en 2023.

Borderlands est donc le fruit contre-nature de nombreux compromis s’efforçant de concilier des orientations artistiques contradictoires. D’où un scénario chaotique qui semble ne pas trop savoir sur quel pied danser. Cate Blanchett, qui retrouve Eli Roth après La Prophétie de l’horloge, y joue Lilith, une chasseuse de prime aigrie et dure à cuire. Contactée par Atlas (Edgar Ramirez), un magnat tout-puissant, elle accepte la mission d’aller récupérer sa fille Tina (Ariana Greenblatt) sur la planète Pandora, un désert/dépotoir hanté par des monstres bizarres, des mutants dégénérés et toutes sortes d’habitants interlopes. Sur place, Lilith est aidée par un robot facétieux, Claptrap, qui parle avec la voix de Joe Black (lui aussi transfuge de La Prophétie de l’horloge) et semble avoir été mystérieusement programmé pour l’assister. Bien sûr, la mission ne va pas du tout se passer comme prévu et va révéler son lot de surprises et de retournements de situation.

Un fourre-tout foutraque

Honnêtement, Borderlands n’est pas la catastrophe artistique ultime, comme on a pu le lire un peu partout. Le film est généreux, débridé, impétueux, et propose quelques designs originaux et une poignée d’idées visuelles intéressantes. Pour autant, on ne peut pas dire que cette intrigue fourre-tout soit follement passionnante. L’un des problèmes majeurs de ce space opera foutraque est le choix de ses personnages, tous plus irritants les uns que les autres. Comment s’intéresser au sort de cette gamine pénible, de ce robot énervant, de ce gros nounours psychopathe et de ce soldat insipide ? Cate Blanchett elle-même, protagoniste central auquel nous sommes censés nous identifier, joue les mercenaires patibulaires avec à peu près autant de crédibilité que Pamela Anderson dans Barb Wire. Elle excellait pourtant dans des rôles du même acabit pour Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal ou Thor Ragnarok. Mais ici, elle semble jouer en mode pilote automatique sans croire une seule seconde à ce qu’elle fait. Borderlands se cherche donc maladroitement, regroupant des anti-héros en quête manifeste de l’alchimie des Gardiens de la galaxie ou de The Suicide Squad, ne reculant devant aucun gag éculé (le casque à la Dark Vador qui empêche de respirer correctement comme dans La Folle histoire de l’espace) ou scatologique (les jets d’urine, le robot qui défèque du plomb) et ne convainc finalement personne. Son échec spectaculaire au box-office tend à prouver qu’il s’agissait de toute évidence d’une fausse bonne idée.

 

© Gilles Penso


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