VIRTUAL ENCOUNTERS 2 (1998)

Deux étudiants ont trouvé le moyen idéal d’arrondir leurs fins de mois : concrétiser les fantasmes de leurs camarades grâce à la réalité virtuelle…

VIRTUAL ENCOUNTERS 2

 

1998 – USA

 

Réalisé par Sybil Richards

 

Avec Ethan Hunt, John Roberts, Brandy Davis, Jill Tompkins, Nikki Fritz, Kara Styler, Buck O’Brian, Rhett Buckingham, Rick Buono, Stacey Marie Clawson

 

THEMA MONDES VIRTUELS ET MONDES PARALLÈLES I SAGA CHARLES BAND

Inauguré en 1996 par le producteur Charles Band et son partenaire Pat Siciliano, le label « Surrender Cinema » consiste à lancer régulièrement dans les bacs vidéo un nombre de petits films érotico-fantastiques dont les scénarios filiformes servent de prétexte au déshabillage de l’intégralité du casting. Après plusieurs titres promis à un relatif succès (Virtual Encounters, Femalien, The Exotic House of Wax, Lolita 2000, The Exotic Time Machine), la cadence s’accélère avec la mise en chantier de séquelles. D’où Virtual Encounters 2 qui reprend grosso-modo le concept du premier film mais change son intrigue et ses personnages. Sybil Richards est toujours créditée au poste de réalisatrice, même si ce nom féminin (qui s’orthographie aussi Cybil Richards selon les jaquettes vidéo) est de toute évidence un pseudonyme (très probablement celui du producteur Rick Bitzelberger, même si ce ne fut jamais officiellement confirmé). La naissance de ce film, comme de tous ceux de la collection, suit un processus standardisé. « D’abord, Charles Band ou moi trouvons le titre, qui mène à un petit synopsis écrit généralement par Sybil Richards ou Maria Firenze, puis au dessin du poster », explique Pat Siciliano. « J’avais déjà écrit une bible expliquant comment ces films devaient être tournés et montés, et il suffisait de la respecter. » (1) La formule reste donc inchangée : quelques lignes de dialogue et beaucoup de scènes de fesses.

Ethan Hunt (aucun lien avec Tom Cruise dans Mission impossible) joue Mel, un étudiant du Midvale College qui ne vit ses relations amoureuses que sous forme de fantasmes, au grand dam de son colocataire Sam (John Roberts), beaucoup moins introverti que lui. Un jour, Mel découvre une petite annonce pour des rencontres virtuelles. Il se connecte donc au site « surrendercinema.com » (un peu d’auto-promotion ne peut pas faire de mal !) et se fait livrer son kit de VR, autrement dit un logiciel, des lunettes et un gant. Le premier test qu’il effectue lui fait vivre un de ses fantasmes avec tellement d’intensité qu’il en est tout retourné. Mel aimerait bien garder cette merveille technologique pour lui, mais Sam imagine déjà le profit qu’ils pourraient en tirer en proposant ce type d’expérience aux autres étudiants du campus. Bientôt, tout le monde se bouscule dans leur chambre pour tenter une escapade virtuelle polissonne personnalisée…

Ready Lover One

C’est sur une très belle chanson qui semble échappée d’un James Bond, interprétée par une talentueuse émule de Shirley Bassey, que démarre Virtual Encounters 2, alors que se déroule à l’écran une scène torride avec un glaçon (version « sérieuse » d’un fameux gag de Hot Shots). Au fil des simulations virtuelles que décline le film, les cobayes se retrouvent dans la peau d’un agent secret ayant pour mission de sauver une jeune femme prisonnière d’un super-vilain, d’un motard bad boy qui séduit une rockeuse tout de cuir vêtu, d’un chef de chantier que se partagent deux ouvrières chaudes comme la braise, d’une jeune femme adepte des massages érotiques, d’une amatrice de strip-teases ou encore d’une barmaid emballant un beau cowboy dans un décor de western. Si la technologie que montre le film s’appuie sur un véritable équipement de VR (le casque et le gant haptique), on considèrera d’un œil perplexe le principe qui consiste à scanner des polaroïds pour alimenter la machine à fantasmes et coller des visages sur les avatars fictifs. Mais après tout, pourquoi pas ? Personne ne regardera ce film pour sa rigueur scientifique, ni pour son scénario d’ailleurs qui se limite finalement à peu de chose et s’achève sur une petite morale toute mignonne : le virtuel c’est bien, mais rien ne vaut l’amour réel.

 

(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)

 

© Gilles Penso


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LE MONSTRE DE L’OCÉAN (1954)

Le tout premier film produit par Roger Corman raconte les méfaits d’une bête redoutable tapie au fond des eaux de la côte mexicaine…

MONSTER FROM THE OCEAN FLOOR

 

1954 – USA

 

Réalisé par Wyott Ordung

 

Avec Anne Kimbell, Stuart Wade, Dick Pinner, Wyott Ordung, Inez Palange, Jonathan Haze, David Garcia, Roger Corman

 

THEMA MONSTRES MARINS

Le Monstre de l’océan marque les débuts de producteur du très prolifique Roger Corman, qui fait là ses premiers pas dans le métier après avoir participé au polar La Tueuse de Las Vegas. L’idée de ce petit film fantastique lui vient en lisant un article du « Los Angeles Times » consacré à un sous-marin monoplace fabriqué par la compagnie Aerojet General. Aussitôt, son cerveau se met en ébullition : pourquoi ne pas demander aux constructeurs de l’engin de le lui prêter pour tourner des séquences aquatiques inédites, en échange d’une publicité gratuite pour leur invention ? L’affaire est conclue aussitôt. « Cette histoire de monstre marin a coûté 12 000 dollars cash avec un crédit de 5000 dollars de frais de laboratoire, et en a finalement rapporté 100 000 », raconte-t-il fièrement. « Très vite, j’ai obtenu une avance de la part du distributeur de ce film, ce qui m’a permis de financer le suivant. » (1) Car Corman est un malin. Pas question de perdre de temps ni d’argent. Le Monstre de l’océan est filmé en six jours seulement (avec deux jours supplémentaires pour les scènes sous-marines) et chaque centime dépensé doit se voir à l’écran. L’équipe est réduite à son strict minimum et c’est l’un des acteurs du film, Wyott Ordung, qui se voit confier la mise en scène en échange d’un salaire microscopique. Le système D fonctionne déjà à plein régime.

Après une voix off grandiloquente affirmant que de sinistres légendes autour d’un monstre marin hantent les côtes de Tijuana, nous assistons à la rencontre charmante mais parfaitement improbable entre Julie (Anne Kimbell), une jeune dessinatrice qui se plaît à esquisser les paysages côtiers pour changer des appareils électroménagers qu’elle peint pour gagner sa vie, et Steve (Stuart Wade), un biologiste marin qui se déplace dans un bathyscaphe pour explorer l’océan (le fameux sous-marin d’ Aerojet General qui a motivé la mise en chantier du film). Bientôt, un scaphandre vide est retrouvé dans les fonds marins. Où est donc passé le plongeur ? Or d’autres disparitions d’humains et d’animaux semblent être survenues par le passé, suivies chaque fois par l’apparition d’étranges traces sur le sable. Selon les témoignages locaux, une « bête » gigantesque frapperait les nuits de pleine Lune. Curieuse et inquiète, Julie décide d’enquêter, même si le fier Steve pense que ce ne sont que des superstitions sans fondement : « vous êtes une femme adorable, mais les femmes adorables ne devraient pas se préoccuper de monstres marins qui n’existent pas ! ». Le macho raisonnable remet ainsi à sa place la jeune femme fantasque avant de lui chatouiller affectueusement le menton, comme il se doit. Ah, les années 50 !

L’attaque de l’amibe géante

Budget oblige, le film est principalement constitué de dialogues filmés en champ et contrechamp (sur la plage, à la terrasse d’un restaurant, à bord d’un bateau, dans un jardin, sur le port). Au bout d’une demi-heure, une lassitude bien légitime s’installe, d’autant que les propos échangés ne sont pas follement passionnants. Nous avons même droit à une scène de sérénade dans une crique (car le beau biologiste est aussi chanteur et guitariste !). Quelques séquences sous-marines contemplatives rompent un peu cette monotonie, avec l’apparition timide d’une pieuvre et de quelques requins. Soudain, une scène de panique survient enfin sur la plage en pleine nuit. Julie croit voir le monstre… mais ce n’est qu’une vache ! Il faudra attendre la toute fin du métrage pour apercevoir la bête : une sorte d’amibe disproportionnée aux tentacules multiples et à l’œil unique phosphorescent (en réalité une petite marionnette filmée dans un aquarium) qui s’agite mollement face au bathyscaphe de notre héros. Comme nous sommes dans les fifties, nous apprenons que ce monstre est né suite à des expériences atomiques menées dans la région après la guerre. Rien de bien folichon, donc, mais ce film aura au moins eu le mérite de lancer la carrière de l’infatigable Roger Corman.

 

(1) Extrait de la biographie “Comment j’ai fait 100 films sans jamais perdre un centime” par Roger Corman et Jim Jerome, publiée en 1990

 

© Gilles Penso

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BRING HER TO ME (2023)

Perturbée par des cauchemars de plus en plus terrifiants, une jeune femme demande l’aide d’une experte des rêves…

BRING HER TO ME

 

2023 – USA

 

Réalisé par Brooks Davis

 

Avec Bec Doyle, Roslyn Gentle, Kalond Irlanda, Emerson Niemchick

 

THEMA RÊVES I DIABLE ET DÉMONS I SAGA CHARLES BAND

Réalisateur du joyeusement déjanté Gingerweed Man, Brooks Davis change de ton avec Bring Her to Me qui, s’il est lui aussi produit par la compagnie Full Moon, aborde le fantastique et l’épouvante sous un jour cette fois-ci très sérieux. Il semblerait que le cinéma de James Wan en général et la saga Insidious en particulier servent de source d’inspiration à ce court récit horrifique co-écrit par le réalisateur, son complice d’écriture Kent Roudebush (Zombies Vs. Strippers) et le producteur Charles Band. Le personnage principal de Bring Her to Me est Mara (Bec Doyle), une jeune femme troublée chaque nuit par des cauchemars récurrents au cours desquels elle plonge dans une sorte de trou noir où une entité démoniaque semble vouloir s’emparer d’elle. Complètement vidée chaque matin, comme si ses rêves se nourrissaient de son énergie, Mara se confie à son ami Raziel (Kalond Irlanda), employé du café au coin de sa rue qui lui suggère de faire appel à l’expertise d’une spécialiste des rêves, une certaine Abigail (Ros Gentle). Réticente au départ, Mara finit par accepter. Guidée par la voix d’Abigail, surveillée par Raziel, elle s’endort profondément et tente d’aller au bout du rêve pour découvrir ce qui s’y passe et ce qu’il cache…

Bring Her to Me est réalisé à l’économie, c’est une évidence : quatre acteurs en tout et pour tout, deux décors, une durée d’une heure à peine. Brooks Davis travaille donc sous contrainte et tourne à son avantage cette absence cruelle de moyens pour y puiser une indiscutable source d’inventivité. Certes, les contraintes budgétaires ne sont pas toujours faciles à cacher (la rue est déserte, le café n’a aucun client) mais le scénario du film compose avec elles et resserre volontairement ses enjeux pour se concentrer sur l’essentiel : les tourments de son personnage principal et ses plongeons récurrents dans le monde des rêves. Lorsque Brooks Davis décide d’élargir le scope de ses ambitions en nous transportant dans un univers onirique parallèle, on sent bien que les effets visuels ont du mal à suivre. Mais le film tient la route malgré tout, notamment grâce à l’efficacité de sa mise en scène et à la conviction de ses comédiens.

« Amène-la moi ! »

Le film mise beaucoup sur la photogénie de Bec Doyle et sur la sensualité qu’elle dégage, même si l’érotisme inhérent au récit reste très discret, loin des débordements racoleurs de certaines autres productions Full Moon. Tout se joue entre les lignes. L’un des aspects les plus intéressants du film est son jeu sur la dualité, chacun des quatre personnages de ce huis-clos (l’héroïne, la spécialiste des rêves, l’ami et le démon) existant sous deux formes distinctes et complémentaires, puisque l’histoire alterne sans cesse la réalité et le rêve, jusqu’à ce que la frontière entre les deux finisse par se brouiller. La solidité de la réalisation de Brooks Davis s’appuie sur une exploitation habile du décor de l’appartement, sur une photographie très soignée d’Howard Wexler (The Resonator) et sur une musique envoûtante de Jonathan Walter (Quadrant) qui n’hésite pas à se lancer dans quelques envolées lyriques du plus bel effet. Le scénario s’achemine lentement mais sûrement vers une chute délectable – quoiqu’un peu tirée par les cheveux – qui fait presque ressembler ce film court à un épisode des Contes de la crypte et donne un nouveau sens à la phrase qui se répète de manière obsessionnelle dans les rêves de Mara : « Ramène-la moi ! »

 

© Gilles Penso

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SHANDAR, LA CITÉ MINIATURE (1998)

Deux enfants découvrent une étrange bouteille contenant une civilisation microscopique menacée par des prédateurs extra-terrestres…

THE SHRUNKEN CITY / SHANDAR, THE SHRUNKEN CITY

 

1998 – USA

 

Réalisé par Ted Nicolaou

 

Avec Michael Malota, Agnes Bruckner, Jules Mandel, Steve Valentine, Ray Laska, Dorina Lazar, Christopher Landry, Lula Malota, Andreea Macelaru, Ion Haiduc

 

THEMA NAINS ET GÉANTS I EXTRA-TERRESTRES I SAGA CHARLES BAND

Les films pour enfants produits par Charles Band pour le label Moonbeam se distinguent par l’originalité de leur concept, malgré des budgets très limités empêchant souvent d’en exploiter pleinement le potentiel. Après les dinosaures miniatures de la trilogie Prehysteria, le monstre légendaire du Château du petit dragon, les géants de Jack et le haricot magique, les animaux extra-terrestres de La Boutique fantastique, les facéties des Lutins sauteurs, les créatures de L’Île magique ou encore les canards belliqueux du Miroir aux merveilles, voici donc Shandar, la cité miniature. Le projet remonte à 1986, époque où Charles Band s’efforce de maintenir à flot sa première société de production Empire Pictures. Le titre envisagé est alors Micropolis mais le scénario reste dans un tiroir. Après la fermeture d’Empire, le lancement de Full Moon Entertainment et la création de la collection Moonbeam, le film ressort des limbes avec un nouveau scénariste (Benjamin Carr) un nouveau réalisateur (Ted Nicolaou) et un nouveau titre. Le tournage se déroule à Bucarest, où Charles Band et Ted Nicolaou ont leurs habitudes, et où les avantages financiers et la main d’œuvre locale permettent de faire de substantielles économies.

Dans la ville fictive de Cochran Heights, en Pennsylvanie, deux gamins de 13 ans, George (Michael Malota) et Lori (Agnes Bruckner), découvrent sur le terrain d’un chantier en construction ce qui ressemble à un vestige archéologique. Cette pierre ornée de hiéroglyphes masque l’entrée d’une grotte souterraine où repose une sorte de bouteille sphérique couverte de poussière. À l’intérieur se trouve la cité de Shandar, une civilisation pacifique en sommeil depuis des milliers d’années. En introduisant un tournevis dans l’un des bouchons de la bouteille, George réactive la cité. Paniqué, l’ingénieur en chef Prime (Jules Mandel) leur explique qu’ils viennent de débrancher le lien énergétique de la bouteille, ce qui provoquera l’expansion de la ville jusqu’à ce qu’elle atteigne une taille normale, détruisant tout sur son passage. Le seul moyen d’empêcher la catastrophe est de retrouver le lien d’alimentation de ce récipient millénaire d’ici douze heures. Un malheur n’arrivant jamais seul, une redoutable race de chasseurs intergalactiques, les Oods, débarque alors sur Terre pour voler l’énergie de la cité…

La bonbonne qui rétrécit

Si ces vilains aliens reptiliens semblent familiers aux habitués des productions Charles Band, ce n’est pas un hasard : le film recycle en effet les masques créés pour Oblivion et Oblivion 2 qui, eux aussi, furent tournés en Roumanie. Il n’y a pas de petites économies chez Full Moon ! Le reste du temps, les vils chasseurs extra-terrestres se font passer pour des humains grâce à leurs capacités de mimétisme : des ouvriers, des activistes environnementaux, des conservateurs de musée, des policiers ou encore des employés d’usine. C’est l’une des nombreuses idées amusantes de ce film qui n’en manque pas, comme cette loupe qui permet d’identifier les envahisseurs sous leur apparence humaine (à la manière des lunettes de soleil d’Invasion Los Angeles) ou cette capacité qu’a Prime à communiquer avec les enfants en utilisant les reflets. Malgré les restrictions budgétaires, Nicolaou ne réfrène pas ses ambitions, déployant un peu plus de figuration qu’à l’accoutumée et concoctant un prologue audacieux au cours duquel des dizaines d’habitants de Shandar s’éparpillent en courant dans la forêt, chassés par des vaisseaux spatiaux qui tirent des rayons laser tous azimuts (une séquence hélas plombée par une musique synthétique médiocre de Carl Dante). Le film souffre de l’inégalité du jeu de ses deux jeunes acteurs vedette, Michael Malota (déjà présent dans Demon in the Bottle) se révélant beaucoup moins convaincant qu’Agnes Bruckner. Quoiqu’il en soit, il faut saluer l’opiniâtreté de Charles Band et de son équipe, n’hésitant pas à s’aventurer sur les platebandes des grands studios pour offrir leur propre catalogue d’aventures fantastiques calibrées pour le public familial.

 

© Gilles Penso


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LA CHOSE DERRIÈRE LA PORTE (2023)

Pour faire revenir son mari tombé au front pendant la première guerre mondiale, une jeune femme désespérée se tourne vers la magie noire…

LA CHOSE DERRIÈRE LA PORTE

 

2023 – FRANCE

 

Réalisé par Fabrice Blin

 

Avec Séverine Ferrer, David Doukhan, Clémence Verniau, Philippe Lamendin, Fabien Jegoudez, Yves Lecat, Quentin Surtel

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Voilà plusieurs années que Fabrice Blin taquine la camera. Après avoir signé une poignée de courts-métrages et un documentaire consacré au légendaire format Super 8, il s’attaque avec La Chose derrière la porte à son premier long de fiction en se réappropriant partiellement une imagerie qu’il avait déjà mise en scène dans l’un de ses courts, Mandragore. Si les écrits de H.P. Lovecraft et de ses contemporains (notamment Clark Ashton Smith) peuvent naturellement venir à l’esprit, et si les mutations organiques de David Cronenberg ne semblent pas très loin, Fabrice Blin se réclame aussi d’une littérature fantastique très hexagonale, celle de Maurice Renard et Claude Seignolle. Les influences composites qui le nourrissent auraient pu entraver le résultat final et muer La Chose derrière la porte en patchwork de clins d’œil, travers parfois imputables aux baptêmes de mise en scène. Or ce premier film possède au contraire une personnalité et une singularité indiscutables, justement parce que ses sources d’inspiration ont été digérées et régurgitées sous une forme nouvelle. Boosté par sa pulsion créatrice, motivé par l’enthousiasme de son coproducteur Jean-Marc Toussaint, épaulé par une petite équipe de tournage dévouée, Fabrice Blin plante ses caméras pendant trois semaines dans la maison de campagne de ses beaux-parents et y construit pièce par pièce son film.

Nous sommes en 1914. Alors que la Première Guerre mondiale fait rage dans les campagnes françaises, Jean (David Doukhan), le fusil à l’épaule, s’en va combattre les Allemands au grand dam de sa bien-aimée Adèle (Séverine Ferrer) qui reste seule dans sa maison au milieu de la campagne, dans l’espoir fragile de le voir rentrer sain et sauf. Mais la nouvelle tant redoutée finit par arriver : Jean a succombé dans les tranchées. Dévastée par la douleur et incapable d’accepter cette perte, Adèle sombre peu à peu dans le désespoir. Ses nuits sont hantées de cauchemars où elle voit son mari disparu, et ces visions la guident jusqu’à un mystérieux grimoire enfoui dans les ruines d’une forêt proche. Ce livre ancien, qui n’est pas sans nous rappeler bien sûr le Necronomicon, renferme des secrets occultes et des formules interdites. Au fil de sa lecture, Adèle comprend qu’elle détient peut-être le pouvoir de faire l’impensable : ramener Jean d’entre les morts. Mais peut-on impunément jouer les nécromanciens sans en payer le prix fort ?

Body Snatchers

L’un des partis pris artistiques les plus radicaux du film est l’épure de ses dialogues, qui se résument finalement à peu de choses. Et ce n’est pas plus mal, puisque nous tutoyons ici l’indicible cher à Lovecraft, l’abomination innommable à laquelle aucun mot ne saurait rendre justice. La Chose derrière la porte baigne d’ailleurs en permanence dans une atmosphère onirique qui nous laisserait presque imaginer que tout ce que s’y passe pourrait être le fruit d’un cauchemar enfiévré. Ce qui expliquerait les réactions un peu décalées du personnage incarné par Séverine Ferrer – mi sidération mi fascination – face à l’horreur sans cesse renouvelée qui se présente à sa porte. Convoquer le mythe de la mandragore entraîne forcément une imagerie de « body horror » végétale qui n’est pas sans rappeler L’Invasion des profanateurs de sépultures et toutes ses variantes, une référence une fois de plus pleinement assumée et intelligemment détournée. Malgré un budget qu’on imagine extrêmement restreint, Fabrice Blin soigne sa mise en scène avec un étonnant souci du détail. La photographie, les décors, le design sonore, la musique oppressante de Raphael Gesqua, les impressionnants maquillages spéciaux de David Scherer, rien n’est laissé au hasard, tout concourt à bâtir cette ambiance moite qui s’immisce dès les premières minutes du métrage et ne le quitte plus jusqu’à son climax déchirant. On saluera au passage la pleine implication de Séverine Ferrer et la présence imposante de David Doukhan, un rôle qui – espérons-le – lui ouvrira la porte vers d’autres personnages et d’autres univers.

 

© Gilles Penso


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SPEAK NO EVIL (2024)

Habité par son rôle de psychopathe exubérant, James McAvoy tient la vedette de ce remake américain de Ne dis rien

SPEAK NO EVIL

 

2024 – USA

 

Réalisé par James Watkins

 

Avec James McAvoy, Mackenzie Davis, Scoot McNairy, Aisling Franciosi, Alix West Lefler, Dan Hough, Kris Hitchen, Motaz Malhees, Jakob Højlev Jørgensen

 

THEMA TUEURS

L’idée d’un remake du glacial Ne dis rien de Christian Tafdrup pouvait sembler parfaitement incongrue, uniquement mue par l’appât du gain des studios hollywoodiens et les mauvaises habitudes prises par le grand public outre-Atlantique. Pourquoi risquer de distribuer sur le territoire de l’Oncle Sam un film dano-hollandais avec des acteurs inconnus alors qu’une version américaine avec un comédien populaire en tête d’affiche a de plus grandes chances d’attirer les spectateurs en masse ? Tel fut le raisonnement tristement logique du producteur Jason Blum au moment de la mise en chantier de Speak No Evil, deux ans seulement après la sortie du film original (dont la plupart des dialogues étaient pourtant échangés en langue anglaise, ce qui n’aurait pas dû représenter une barrière pour le public US). La réalisation de cette nouvelle version est confiée à James Watkins, à qui nous devons deux autres films de genre très remarqués : Eden Lake en 2008 et La Dame en noir en 2012. Ce choix est loin d’être inintéressant, dans la mesure où Tafdrup lui-même avoue s’être partiellement inspiré d’Eden Lake pour réaliser Ne dis rien. La boucle serait-elle en quelque sorte bouclée ?

Les nationalités des protagonistes ont changé mais la situation de départ reste rigoureusement identique. Pendant leurs vacances en Italie, Louise et Ben Dalton (Mackenzie Davis et Scoot McNairy), un couple d’Américains accompagné de leur fille de 12 ans Agnes (Alix West Lefler), se lient d’amitié avec Paddy et Ciara (James McAvoy et Aisling Franciosi), deux Anglais au tempérament volcanique, et avec leur fils Ant (Dan Hough), extrêmement timide et handicapé par une atrophie de la langue. De retour chez eux après les vacances, Louise et Ben reçoivent une lettre de Paddy et Ciara qui les invitent à séjourner quelques jours avec eux dans leur ferme isolée du Devon. Nos Américains biens sous tous rapports connaissant quelques problèmes de couple et leur fille souffrant d’une anxiété maladive qui la pousse à s’attacher à son lapin en peluche, ce petit séjour de détente dans la campagne semble être une bonne idée. L’accueil sur place est certes chaleureux, mais une série d’incidents et le comportement passif-agressif des hôtes gâchent un peu l’ambiance…

Surenchère

On le voit, Speak No Evil joue dans un premier temps la carte de la fidélité extrême à son modèle, qu’il reproduit presque plan par plan, réplique par réplique. Le montage ajoute certes des petites choses ici et là, accentuant surtout le caractère fantasque de Paddy, mais nous restons en terrain très connu. Ce que le remake cherche à apporter par rapport au film original, c’est d’abord une certaine légèreté de ton (l’humour noir y est frontalement assumé), quitte à forcer un peu le trait. Le scénario tient aussi à expliciter les incidents survenus dans le passé des protagonistes pour leur donner un peu de chair. L’intention est louable, même si nous aurions tendance à préférer les non-dits de Ne dis rien qui jouait habilement sur la suggestion. Speak No Evil s’éloigne surtout de son modèle au moment du dernier acte, différant la révélation finale pour distiller les informations plus en amont. L’objectif est manifestement de renforcer le suspense de la situation. Mais le final vire brusquement à la caricature, oubliant toute demi-mesure, surexpliquant tout, convoquant les fusillades, la pyrotechnie et les cascades, transformant McAvoy en émule hurlant et gesticulant du Jack Nicholson de Shining, bref caressant dans le sens du poil un public américain décidément jugé infantile. Le film reste très efficace, jouant habilement avec les nerfs des spectateurs, mais l’audace nihiliste de Ne dis rien cède ici le pas à une sorte de Vaudeville grandguignolesque qui tourne presque à la parodie et amenuise du même coup l’impact de l’œuvre originale – laquelle tournait justement le dos aux canons hollywoodiens.

 

© Gilles Penso


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NE DIS RIEN (2022)

Après avoir sympathisé pendant des vacances en Italie, une famille danoise et un couple hollandais décident de se revoir… Mais le pire les attend !

SPEAK NO EVIL

 

2022 – DANEMARK / HOLLANDE

 

Réalisé par Christian Tafdrup

 

Avec Morten Burian, Sidsel Siem Koch, Fedja van Huet, Karin Smulders, Liva Forsberg, Marius Damslev, Hichem Yacoubi

 

THEMA TUEURS

Ne dis rien est le troisième long-métrage du réalisateur danois Christian Tafdrup, surtout connu jusqu’alors pour ses activités d’acteur. Après avoir dirigé le drame fantastique Parents en 2016 et la romance tourmentée A Horrible Woman en 2017, il s’attaque à ce thriller psychologique basculant progressivement dans l’horreur, dont le sujet lui aurait été inspiré par une expérience personnelle. Alors qu’il était en vacances en Toscane avec sa famille, il fit la rencontre d’un couple très amical mais plutôt bizarre, qui lui écrivit par la suite pour l’inviter à passer quelques jours chez eux. Tafdrup déclina l’invitation, mais son imagination se mit dès lors en branle. Que se serait-il passé s’il était allé leur rendre visite ? C’est avec cette supposition en tête que le réalisateur et son frère Mads écrivent le scénario anxiogène de Ne dis rien. Ce script commence à faire le tour du Danemark et de la Hollande, mais il n’est pas simple de trouver des comédiens susceptibles de s’engager dans un récit aussi nihiliste, cultivant un malaise croissant jusqu’à une apothéose glaciale. C’est finalement le couple à la ville Karina Smulders et Fedja van Huêt qui accepte d’incarner les « Hollandais inquiétants », tandis que Morten Burian et Sidsel Siem Koch jouent leurs invités danois. Interrompu à quatre reprises à cause des contraintes sanitaires imposées par la pandémie du Covid 19, le tournage de Ne dis rien se sera étalé sur une année entière.

Conformément à l’anecdote réelle vécue par le cinéaste, l’histoire démarre en Toscane. Bjorn y passe des vacances paisibles avec son épouse Louise et leur petite fille Alice, qu’il aimerait bien voir un peu murir et accepter notamment de prendre ses distances avec son doudou. Ces Danois à la vie bien rangée font sur place la rencontre d’une autre famille, venue de Hollande : Patrick, Karin et leur fils Abel, dont la timidité maladive est accrue par une atrophie de la langue l’empêchant de parler. La tranquillité « petite-bourgeoise » des uns tranche avec la jovialité un peu exubérante des autres, mais le courant passe. De retour chez eux, Bjorn et Louise reçoivent une lettre du couple hollandais leur proposant de venir leur rendre visite dans leur maison champêtre. Ils hésitent un peu : après tout, ils se connaissent à peine. Mais ce week-end au vert ne leur ferait-il pas du bien, ainsi qu’à la petite Alice ? Ils finissent par accepter, sans savoir que leur destin s’apprête à basculer définitivement…

Les limites de l’acceptable

Dès les premières secondes de son film, Christian Tafdrup crée une rupture entre ce que montre l’image (une voiture qui s’approche d’une maison de vacances puis une piscine ensoleillée) et ce qu’évoque la bande son (une musique particulièrement oppressante aux tonalités lourdes et agressives). Le jeu des contraires s’impose donc immédiatement. Ces nappes musicales stressantes continuent de s’inviter plus tard, dans les scènes les plus banales et les plus quotidiennes, comme pour prévenir les protagonistes que quelque chose de terrible se prépare, qu’il est encore temps d’éviter le pire et de faire machine arrière. Mais bien sûr, seuls les spectateurs entendent cet avertissement, la mise en scène créant un effet de suspense insidieux sur la base d’une menace encore mal définie. Or bientôt, Bjorn et Louise font face à des comportements de la part de leurs hôtes qui dépassent clairement les bornes. Ils s’en accommodent pourtant, par politesse, par réserve, par bienséance. Mais quelle est la limite au-delà de laquelle l’incongruité finit par devenir inadmissible ? Tel est le sujet de Ne dis rien, qui s’appuie sur les différences de mentalités entre la société danoise et hollandaise pour creuser un fossé croissant, jusqu’au point de rupture. L’horreur finit par surgir frontalement, avec d’autant plus d’impact qu’elle semble gratuite, illogique, injustifiée. Révélé à Sundance en 2022, ce film coup de poing, porté par des acteurs pleinement investis et une mise en scène redoutablement efficace, fera l’objet d’un remake américain deux ans plus tard.

 

© Gilles Penso


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GROSSE FATIGUE (1994)

Pour son deuxième long-métrage derrière la caméra, Michel Blanc se met en scène dans son propre rôle face à un sosie maléfique qui lui pourrit la vie !

GROSSE FATIGUE

 

1994 – FRANCE

 

Réalisé par Michel Blanc

 

Avec Michel Blanc, Carole Bouquet, Philippe Noiret, Josiane Balasko, Marie-Anne Chazel, Christian Clavier, Charlotte Gainsbourg, Gérard Jugnot, Thierry Lhermitte

 

THEMA DOUBLES

Le succès de Marche à l’ombre fut vertigineux. Sorti en 1984 dans toute la France, le premier long-métrage de Michel Blanc en tant que réalisateur cassa la baraque, enregistra six millions d’entrées et fit la joie de son producteur Christian Fechner. Blanc étant plutôt d’une nature angoissée, il ne sut comment appréhender un tel triomphe. « J’ai un tempérament peut-être un peu tordu qui fait que je me dis : “Ouh là, attention, c’est le moment au contraire d’être extrêmement prudent, ce n’est pas le moment de se laisser porter” », racontera-t-il quelques années plus tard, le sourire aux lèvres. « Ce qui fait que j’ai mis dix ans à écrire un deuxième film, mais ça c’est ma nature ! » (1) Ce deuxième film, c’est Grosse fatigue, et son accouchement est effectivement douloureux. L’envie première consiste pour l’acteur/réalisateur à casser son image de petit loser râleur et hypocondriaque, puis à traiter le rapport étrange qui se noue entre les stars de cinéma et les spectateurs. Avec la bénédiction du producteur Patrice Ledoux, il écrit une première mouture avec Josiane Balasko mais se retrouve dans une impasse. Bertrand Blier, qui a dirigé Blanc dans Tenue de soirée, propose de lui donner un coup de main, mais ses idées emmènent le film dans une dimension fantastique délirante (avec notamment une usine qui fabrique des clones d’acteurs !) qui coupe court à la collaboration entre les deux hommes. L’une des suggestions de Blier va pourtant faire mouche : demander à tous les acteurs principaux du film de jouer leur propre rôle.

C’est finalement une mésaventure réelle vécue par Gérard Jugnot qui va permettre au scénario de Grosse fatigue de trouver sa forme définitive. Pour les besoins du tournage de Pinot simple flic, Jugnot avait en effet engagé un sosie qui décida par la suite de se faire passer pour lui en se prêtant à des animations dans des grandes surfaces de la région parisienne ! Lorsque Grosse fatigue commence, Michel Blanc – dans son propre rôle, donc – découvre que Josiane Balsako, Charlotte Gainsbourg et Mathilda May l’accusent d’avoir abusé d’elles sexuellement. Ils se serait également comporté de manière inacceptable pendant le dernier Festival de Cannes, aurait provoqué un scandale dans la discothèque de Régine et se prêterait à l’insu de son agent à des animations dans des supermarchés en échange de quelques cachets minables. Les accusations sont graves et flagrantes. Pourtant, Blanc sait qu’il est innocent. À moins que sa santé mentale ne soit en train de vaciller ? Pour l’aider à comprendre pourquoi sa vie est en train de virer au cauchemar, il demande l’aide de Carole Bouquet et découvre l’invraisemblable vérité : Patrick Olivier, un homme qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau, a usurpé son identité, s’appropriant même ses amis et son cercle professionnel…

C’est pas moi, c’est lui

Si la mise en scène de Marche à l’ombre laissait encore entrevoir l’influence de Patrice Leconte chez l’apprenti-réalisateur qu’était alors Blanc, celle de Grosse fatigue adopte un style résolument différent cherchant à immerger les spectateurs dans un sentiment d’authenticité brute. D’où les prises de vues caméra à l’épaule, l’absence de musique, le montage nerveux. Cette mise en forme brute et naturaliste – renforcée par la présence d’acteurs et de personnalités médiatiques qui interprètent des versions fictionnées d’eux-mêmes – permet à l’argument fantastique de s’intégrer en douceur. Certes, nous n’avons finalement affaire ici qu’à un banal sosie cherchant à se placer sous le feu des projecteurs. Mais sa ressemblance quasi-surnaturelle avec son modèle (le physique, la voix, la gouaille) et sa capacité à se substituer à lui sans que personne ne soit capable d’apercevoir la supercherie nous éloignent de toute quête de réalisme pour basculer dans la métaphore (comme en témoigne ce final désenchanté avec un Philippe Noiret incroyablement touchant). Et si Blanc conserve sa personnalité d’auteur d’un bout à l’autre du métrage (tous les dialogues sont de lui), l’influence de Blier finit par transparaître dans ce troisième acte troquant le comique de situation contre une certaine poésie surréaliste. Primé à Cannes pour son scénario et ses effets spéciaux (le dédoublement de Blanc à l’écran repoussait à l’époque les limites de ce que savaient faire les outils numériques), Grosse fatigue se redécouvre à chaque fois avec autant de jubilation, confirmant que Michel Blanc n’était pas seulement un acteur exceptionnel mais aussi un grand cinéaste.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en septembre 2002.

 

© Gilles Penso


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LE MIROIR AUX MERVEILLES (1996)

Une petite fille traverse le miroir de son arrière-grand-mère et se retrouve propulsée dans un monde parallèle habité par de vilains canards !

MAGIC IN THE MIRROR

 

1996 – USA

 

Réalisé par Ted Nicolaou

 

Avec Jamie Renée Smith, Kevin Wixted, Saxon Trainor, David Brooks, Godfrey James, Eileen T’Kaye, Eugen Christian Motriuc, Ion Haiduc, Ileana Sandulescu

 

THEMA CONTES I SAGA CHARLES BAND

Au milieu des années 80, le scénariste Ed Naha (Troll, Les Poupées, Chérie j’ai rétréci les gosses) développe l’idée d’un conte de fées familial, Mirrorworlds, destiné à la compagnie de production Empire Pictures que dirige Charles Band. Mais Empire ferme ses portes et le projet est abandonné. Lorsque Band met sur pied Full Moon Entertainments puis Moonbeam, une branche spécialement consacrée aux films pour enfants (Prehysteria, Le Château du petit dragon), l’idée de Mirrorworlds est ressortie des tiroirs. Kenneth Carter s’attelle au nouveau scénario et la réalisatrice Linda Hassani, qui vient de réaliser Dark Angel : The Ascent, est chargée de réaliser le film. « Nous avons passé beaucoup de temps sur les préparatifs, en créant notamment un book complet qui présentait tous les personnages, en nous inspirant des fleurs et des plantes pour leur design », se souvient-elle. « Malheureusement, ce projet s’est heurté à des obstacles financiers et nous n’avons jamais lancé la production. C’est dommage, parce que ce film, qui s’appelait alors Mary Margaret’s Mirror, aurait été magnifique. » (1) Il est évidemment regrettable qu’Hasani n’ait pas pu apporter sa vision de cinéaste sur ce Miroir aux merveilles, qui sera finalement récupéré par « l’homme à tout faire » de Charles Band, le réalisateur tout-terrain Ted Nicolaou.

Habitué aux tournages roumains depuis qu’il a lancé la franchise Subspecies, Nicolaou se débrouille comme toujours avec un budget très modeste pour réaliser non pas un seul film mais deux en même temps. Le Miroir aux merveilles et Le Miroir aux merveilles 2 sont en effet tournés dans la foulée, en prévision de leur double sortie dans les bacs vidéo. Le script final, rédigé par Ken Carter et Frank Diez, reprend la même mécanique qu’« Alice au pays des merveilles » (dont il emprunte de très nombreux éléments) et les mélange avec… Howard the Duck ! Comment définir autrement cette histoire délirante dans laquelle une fillette prénommée Mary Margaret (Jamie Renée Smith), hérite d’un miroir ancestral légué par son arrière-grand-mère et découvre qu’un monde parallèle se cache de l’autre côté du reflet, peuplé par des lutins aux oreilles tombantes, des hommes-arbres, des petites fées lumineuses qui ne sont autre que les amies imaginaires de la jeune héroïne, une reine autoritaire et surtout toute une armée de canards anthropomorphes belliqueux qui adorent boire du thé en obéissant aux ordres de leur souveraine capricieuse ?

Prises de bec

L’une des premières qualités du film est la direction de ses acteurs, malgré son concept joyeusement absurde. La petite Jamie Renée Smith, révélée trois ans plus tôt et future habituée des séries TV, y est délicieusement pétillante. La séquence à priori anodine du repas familial dans laquelle sa mère physicienne (Saxon Trainor) est fière de célébrer une découverte scientifique de premier ordre auprès de son collègue, tellement obnubilée par ses travaux que personne ne peut en placer une, est une petite merveille de timing, l’incommunicabilité et la gêne finissant par s’installer durablement. De l’autre côté du miroir, Nicolaou tire parti comme il peut des décors mis à sa disposition, nous montrant notamment un jardin hérissé de portes qui donnent chacune accès à la chambre à coucher d’un foyer humain. Le parallèle avec Monstres et compagnie nous vient naturellement à l’esprit, d’autant qu’ici aussi, l’arrivée d’une petite fille dans cet univers peuplé d’étranges créatures risque de provoquer le chaos. Mais irions-nous jusqu’à dire que l’équipe de Pixar s’est inspirée du Miroir aux merveilles ? Charles Band serait bien sûr le premier à répondre par l’affirmative. Toujours est-il que la vision de tous ces canards surexcités qui font bouillir des humains dans une théière géante pour boire leur breuvage préféré puis volent en formation dans les cieux en criant « coin coin » à l’unisson a quelque chose de follement surréaliste. Le gentil happy end final laisse bien sûr une porte ouverte vers le second épisode.

 

(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)

 

© Gilles Penso

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SHANDRA, LA FILLE DE LA JUNGLE (1999)

Selon une vieille légende, une femme sauvage vivrait depuis des siècles dans une forêt reculée d’Amérique du Sud…

SHANDRA THE JUNGLE GIRL

 

1999 – USA

 

Réalisé par Sybil Richards

 

Avec Lisa Throw, Mia Zottoli, Drake Tatum, Tori Sinclair, Burke Morgan, David Christensen, John Lopez, Steve Ginzburg, Nicholas Yee, Kristina Renee

 

THEMA EXOTISME FANTASTIQUE I SAGA CHARLES BAND

En parfait émule de son aîné Roger Corman, Charles Band n’est jamais à court d’idées lorsqu’il faut surfer sur les modes du moment. Ainsi, lorsqu’il entend parler de la diffusion imminente de la série TV Sheena, reine de la jungle, avec Gena Lee Nolin dans le rôle principal, le patron de la compagnie Full Moon Entertainment décide de lancer sur les écrans sa propre sauvageonne en peaux de bêtes. Il n’en faut pas plus pour initier Shandra, la fille de la jungle, qui vient grossir les rangs des autres héroïnes sexy du catalogue Surrender Cinema dirigé par Pat Siciliano, aux côtés d’Andromina la planète du plaisir, Les Vierges de la forêt de Sherwood ou encore Zorrita la vengeresse de la passion. Dans un premier temps, le titre envisagé est Shandra, reine de la jungle, comme le laissent entendre les paroles de la chanson du générique (qui n’est pas sans évoquer celle de Virtual Encounters 2) dans laquelle une crooneuse à la Shirley Bassey décrit les exploits de « Shandra, Queen of the Jungle ». Sans doute Band et Siciliano décidèrent-ils de remplacer « La reine de la jungle » par « La fille de la jungle » pour éviter de risquer un procès avec les ayants droits du personnage de « Sheena ». Le rôle-titre est confié à Nenna Quiroz, une actrice de 26 ans créditée au générique sous le pseudonyme de Lisa Throw.

Selon une légende tenace qui se perpétue de génération en génération, Shandra est donc une femme sauvage, à la fois séduisante et redoutable, qui vit au fin fond de la jungle d’Amérique du Sud et semble posséder le secret de la jeunesse éternelle. Parti à sa recherche, le professeur Armstrong (Steve Ginzburg) fait son rapport au milieu de la nuit, seul dans son campement : « Aucune trace de la créature dont nous ont parlé les indigènes » dit-il d’un air désabusé. « J’ai bien peur que Shandra rejoigne Bigfoot et Nessie dans le dossier des affaires bidon. » Soudain, il est attaqué et on ne retrouve plus que son cadavre, vidé de son énergie vitale. Malgré les réticences des collègues du défunt (Mia Zotoli et Drake Tatum), une nouvelle expédition est confiée à Karen Sharp (Tori Sinclair), experte de la chasse en terrain hostile. L’instigateur de cette mission est Travis Fox (David Christensen), qui entend bien capturer la créature et la monnayer au prix fort. Pour bien nous faire comprendre que ce film n’est pas à prendre trop au sérieux, la chasseuse se prépare dans son bain moussant en regardant des extraits de Cave Girl Island, avant que l’avion ne transporte le petit groupe en Amérique du Sud (avec une animation du trajet sur une carte façon Indiana Jones). Sur place, ils finissent par tomber nez à nez avec Shandra…

Pas très vierge cette forêt…

Traitée ouvertement sous un angle surnaturel, la belle sauvageonne possède le pouvoir de vider les hommes de leur essence vitale après les avoir soumis à ses torrides étreintes, ce qui explique sa longévité (et ce qui permet au film d’enchaîner les séquences érotico-exotiques). « C’est une créature sexuelle » commente très sérieusement l’une des scientifiques pour les spectateurs distraits qui n’auraient pas compris. Les deux scènes les plus (involontairement ?) drôles la montrent en train d’empoigner le couple de chercheurs qui l’a prise sous son aile. La première fois, ils entrent en transe et voient soudain des animaux préhistoriques en stop-motion qui battent la campagne (des extraits de La Planète des dinosaures qui tombent comme un cheveu dans la soupe et que Charles Band avait déjà utilisés dans Cave Girl Island). La seconde fois, ils s’imaginent tous nus en train de gambader dans la forêt en riant et en se faisant des mamours, sous le regard torve d’une panthère et d’un perroquet empruntés sans doute à un autre film. La jungle elle-même – filmée en réalité en Californie – n’a rien de particulièrement sauvage, mais le vrai point faible de Shandra est le manque d’expressivité de Lisa Throw dans le rôle principal. Sa présence physique peu impressionnante et ses déplacements apathiques dans la forêt peinent à nous faire croire à la légende vivante qu’elle est censée incarner. Force est de constater que n’importe laquelle des autres actrices du film aurait sans doute été plus convaincante qu’elle. Cela dit, voilà sans doute l’un des opus les plus distrayants et les plus originaux du catalogue Surrender Cinéma.

 

© Gilles Penso

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