LE MONDE NE SUFFIT PAS (1999)

Malgré un démarrage en trombe, le rythme de ce troisième Bond période Brosnan s'essouffle vite en cours de route

THE WORLD IS NOT ENOUGH

1999 – GB

Réalisé par Michael Apted

Avec Pierce Brosnan, Sophie Marceau, Denise Richards, Robert Carlyle, Judi Dench, John Cleese, David Calder, Robbie Coltrane

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I SAGA JAMES BOND

Le Monde ne suffit pas accroche son spectateur dès sa. séquence prégénérique, la plus longue de toute la saga James Bond (elle dure plus d’un quart d’heure). Plus à l’aise que jamais dans le rôle de l’agent 007, Pierce Brosnan revient au QG du MI6 après une opération rondement menée à Bilbao (au cours de laquelle il nous délecte de quelques répliques cyniques à l’encontre des banques suisses) et assiste impuissant à l’assassinat du magnat du pétrole Sir Robert King, dans l’enceinte même du bâtiment ultramoderne des services secrets britanniques. La tueuse, une beauté exotique fumant le cigare, est aussitôt prise en chasse par Bond, au cours d’une hallucinante course-poursuite en hors-bord en pleine Tamise, version grandement améliorée de celle de Vivre et laisser mourir située dans les canaux de la Louisiane. 007 parvient à éliminer sa cible avant qu’elle ne s’enfuie en montgolfière, mais il s’en tire avec un bras cassé et pas mal d’ecchymoses, tandis que retentit la prodigieuse chanson du générique entonnée par le groupe Garbage.

Quel dommage que la suite du film ne soit pas à la hauteur de ce remarquable prologue ! La faute n’en incombe guère à Michael Apted (pourtant plus habitué aux drames réalistes comme Gorilles dans la brume qu’aux films d’action) mais à un scénario bancal rédigé à six mains par Neal Purvis, Robert Wade et Bruce Feirstein. L’une des plus grosse erreur aura sans doute été de sous-exploiter un vilain au potentiel pourtant énorme : Renard, un criminel international à l’origine de l’attentat contre King, qui ne ressent aucune douleur depuis qu’une balle a été logée dans son cerveau, et à qui l’excellent Robert Carlyle prête ses traits anguleux. Ce dernier n’intervient hélas que dans une poignée de séquences peu palpitantes, le film se concentrant davantage sur Elektra King, la fille du magnat assassiné qui s’avère être la véritable méchante de l’histoire. Mais Sophie Marceau, son interprète, n’a pas vraiment le charisme requis par un tel personnage, malgré une confrontation finale avec Bond qui restera dans les annales.

Denise Richards en spécialiste de la physique atomique !

Et que dire du docteur Christmas Jones, incarné par la plantureuse Denise Richards ? Pas du tout crédible en éminente spécialiste de la physique atomique, l’héroïne de Starship Troopers et Sexcrimes se contente de cambrer les reins pour mettre en avant son agressive poitrine et fait littéralement figure de potiche, à tel point qu’on pourrait effacer son personnage du scénario sans la moindre incidence sur l’intrigue. Restent quelques moments d’humour réussis, comme les interventions de John Cleese dans le rôle de l’assistant de Q, et deux ou trois séquences d’action énergiques, mêmes si celles-ci n’atteignent jamais le degré d’inventivité du prégénérique, se contentant souvent d’emprunter des voies déjà balisées par les films précédents de la série. Contrairement à Demain ne meurt jamais le titre Le Monde ne suffit pas fait directement référence à un roman d’Ian Fleming, en l’occurrence « Au Service Secret de Sa Majesté » dans lequel nous apprenons que cette phrase (dans sa version latine « Orbis Non Sufficit ») est la devise de la famille Bond depuis de nombreuses générations.

 

© Gilles Penso

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DEMAIN NE MEURT JAMAIS (1997)

Pierce Brosnan trouve ses marques dans cet épisode de très haut niveau où Bond affronte un redoutable magnat de la presse incarné par Jonathan Pryce

TOMORROW NEVER DIES

1997 – GB

Réalisé par Roger Spottiswoode

Avec Pierce Brosnan, Michelle Yeoh, Teri Hatcher, Jonathan Pryce, Ricky Jay, Gotz Otto, Judi Dench, Joe Don Baker, Samantha Bond

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I SAGA JAMES BOND

Avec Demain ne meurt jamais, la nouvelle équipe à la tête de la franchise James Bond conçoit l’un des meilleurs films de la série, et ce malgré une préparation chaotique, d’incessantes réécritures, d’innombrables incidents émaillant chaque étape du tournage et un budget atteignant les 100 millions de dollars. Œuvre de Bruce Feirstein, le scénario lance l’agent 007 à la recherche de l’épave du Devonshire, une frégate de la Royal Navy égarée dans les eaux territoriales chinoises. Son enquête le mène jusqu’à Henry Gupta, un ancien gauchiste activement recherché par le FBI qui semble être à l’origine de la destruction du navire. Mais un cerveau se cache derrière tout ça : celui d’Elliot Carver, propriétaire du quotidien « Tomorrow » et patron du plus grand empire médiatique de tous les temps. Pour éliminer définitivement toute concurrence, Carver a établi un plan d’attaque impensable : provoquer lui-même les catastrophes, les guerres et les attentats pour pouvoir être le premier à les annoncer au public !

Après l’effondrement du bloc de l’Est et la fin de la guerre froide, les scénaristes de la série étaient bien obligés d’inventer de nouveaux types de super-vilains et de moderniser leurs motivations. Avec Carver, devenir maître du monde équivaut à contrôler l’information sur la planète, et c’est une idée de génie, d’autant que c’est l’excellent Jonathan Pryce qui incarne avec cynisme et intelligence ce mégalomane assumé (après le désistement d’Anthony Hopkins). A ses côtés, Gotz Otto campe un gros bras aryen qui fait écho au Necros de Tuer n’est pas jouer, et Vincent Schiavelli incarne le savoureux docteur Kaufman, un assassin professionnel exagérément poli. Du côté des Bond Girls, rien à redire : Michelle Yeoh, superstar du cinéma de Hong-Kong, incarne un agent chinois au moins aussi performant que Bond lui-même (une série de films entièrement consacrés à son personnage fut d’ailleurs envisagée), et Teri Hatcher, transfuge de la série Loïs et Clark, joue Paris Carver, une ancienne petite amie de Bond au caractère bien trempé. Quant à Pierce Brosnan, il a étoffé son jeu et son look, effaçant les derniers stigmates de sa période Remington Steele et marquant indélébilement le personnage de son empreinte.

Course-poursuite avec Michelle Yeoh

Réalisateur d’Under Fire, Roger Spottiswoode s’avère plus à l’aise que son prédécesseur Martin Campbell dans le domaine des séquences d’action inédites, notamment lorsque Brosnan et Yeoh dégringolent le long d’un building en s’accrochant à une immense affiche ou s’enfuient sur une moto prise en chasse par un hélicoptère particulièrement agressif. Pour une fois, le titre du film ne se réfère pas à l’univers de Ian Fleming mais au méchant, dont le journal arbore fièrement la devise « Tomorrow Never Lies ». Prévu à l’origine pour composer la bande originale, John Barry déclina l’offre lorsqu’il découvrit qu’il n’aurait pas son mot à dire sur la chanson du générique. David Arnold, inconditionnel admirateur de Barry, prit donc la relève en signant une musique époustouflante, gorgée de références aux orchestrations, aux mélodies et aux gimmicks de son maître à penser, et judicieusement modernisée par l’intervention du groupe Propellerheads.

 

© Gilles Penso

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GOLDENEYE (1995)

L'ère Pierce Brosnan s'inaugure avec ce James Bond tardif qui peine à rattraper le retard accumulé depuis Permis de tuer

GOLDENEYE

1995 – GB

Réalisé par Martin Campbell

Avec Pierce Brosnan, Sean Bean, Izabella Scorupco, Famke Janssen, Joe Don Baker, Judi Dench, Desmond Llewlyn 

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I SAGA JAMES BOND

Six ans après Permis de tuer, MGM/UA et Eon trouvèrent enfin un accord juridique leur permettant de relancer la licence James Bond. Envisagé dans le rôle de l’agent 007 dès 1987, Pierce Brosnan accepta sans hésiter de donner à Bond son cinquième visage officiel. Cette fois-ci, l’agent secret a pour mission d’empêcher l’organisation criminelle Janus de s’emparer d’une arme secrète capable de brouiller tout dispositif électronique – avion, train, ordinateur, téléphone, etc. – dans un rayon de 100 kilomètres. Brosnan emprunte à Connery, Moore et Dalton plusieurs composantes de leur interprétation pour camper un James Bond moins brutal que le premier, plus sérieux que le second et moins réaliste que le troisième. Cet adoucissement n’est hélas pas loin de l’édulcoration. Certes Brosnan s’en tire grâce à son indéniable « gueule de l’emploi », mais il faudra attendre l’épisode suivant pour qu’il approfondisse sa version du personnage. A l’avenant, le film tout entier est un produit un peu hybride, qui s’efforce de renouer avec l’esprit de la série tout en s’inscrivant dans le cinéma d’action des années 90, dont les codes ont été redéfinis entre-temps par 58 minutes pour vivre, Speed et les suites de L’Arme fatale.

D’une manière générale, les séquences d’action de Goldeneye sont remarquablement menées, en particulier la poursuite en tank dans les rues de Saint-Petersbourg. Mais entre les passages mouvementés, le rythme se relâche souvent, un défaut que l’on pouvait déjà constater dans les œuvres précédentes de Martin Campbell (Détective Philip Lovecraft et Absolom 2022). Cela dit, soucieux de retourner aux sources, Goldeneye joue volontiers avec l’imagerie inscrite depuis le début des années 60 dans l’esprit du public : les filles en ombres chinoises qui se déhanchent pendant la chanson du générique (interprétée par une Tina Turner en très grande forme), Bond en smoking défiant une femme fatale dans le casino de Monte-Carlo, ou encore le retour de la fameuse Aston Martin de Goldfinger.

M change de sexe

Côté James Bond girls, Goldeneye manque en revanche de panache. Si Izabella Scorupco dégage un indéniable charme (voir sa prestation dans le Vertical Limit du même Martin Campbell), elle manque ici d’attrait, dans le rôle de l’informaticienne Natalya qui se jette dans les bras de Bond après avoir échappé à l’explosion d’une station de surveillance radar, d’un hélicoptère et d’une locomotive, rien que ça ! La redoutable Xenia interprétée par Famke Janssen a bien plus d’attrait. Telle un boa constrictor, elle s’avère capable d’étouffer les hommes entre ses cuisses. Ici, Moneypenny a pris les traits de la sympathique Samantha Bond (ça ne s’invente pas !) et M a changé de sexe, une idée excellente qui permet à sa charismatique interprète Judi Dench de lâcher quelques belles piques à Bond, n’hésitant pas à le qualifier de « sexiste, misogyne et dinosaure – une relique de la guerre froide. » Plein de bonnes intentions, bien qu’encombré de quelques fautes de goût dont la moindre ne fut pas de confier la partition à un Eric Serra fort mal inspiré, ce premier James Bond des années 90 marquait le retour hésitant d’un héros qui allait s’affiner deux ans plus tard.

 

© Gilles Penso

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PERMIS DE TUER (1988)

Timothy Dalton confirme qu'il est l'interprète idéal de James Bond dans cet épisode violent sous l'influence de Piège de cristal et L'Arme fatale

LICENCE TO KILL

1988 – GB

Réalisé par John Glen

Avec Timothy Dalton, Robert Davi, Carey Lowell, Talisa Soto, David Hedison, Benicio del Toro, Anthony Zerbe, Everett McGill 

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I SAGA JAMES BOND

Si Tuer n’est pas jouer était un épisode de transition, Permis de tuer joue ouvertement la carte du changement et de la modernisation. Les nostalgiques ne trouvèrent donc pas leur compte dans cette œuvre brutale trop éloignée à leur goût des gimmicks habituels de la série, mais nombreux sont ceux qui considèrent encore aujourd’hui Permis de tuer comme l’un des meilleurs James Bond, toutes périodes confondues. Au cours du pré-générique, 007 est en congé en Floride où il assiste au mariage de son ami Felix Leiter (David Hedison, reprenant le rôle qu’il tenait déjà dans Vivre et laisser mourir), chef du bureau des narcotiques. Avertis du passage du plus important trafiquant de drogue d’Amérique centrale, ils réussissent à le capturer : il s’agit de Franz Sanchez (Robert Davi, agent du FBI peu recommandable dans Piège de cristal).

Mais Sanchez réussit à s’échapper et en profite pour tuer la femme de Felix, tout en laissant ce dernier en pâture à un requin qui le dévore presque (une séquence sans concession fidèlement reprise au roman « Vivre et Laisser Mourir »). Dès lors, avec l’aide de Lupa Lamora (Talisa Soto), amie de Sanchez, et de l’agent Pam Bouvier (Carey Lowell), Bond décide de s’introduire dans l’organisation du trafiquant pour la détruire. Sa vendetta personnelle n’est pas du goût de M, mais James Bond n’en a cure et décide d’agir en solo, coupé du soutien du MI6. C’est donc un 007 rebelle, à fleur de peau et ivre de vengeance que nous propose Permis de tuer, à mille lieues de l’invincibilité d’un Sean Connery et du cynisme détendu d’un Roger Moore. Timothy Dalton incarne à merveille ce James Bond new age, troquant volontiers le smoking contre la chemise ouverte et terminant le film dans un bien piteux état, couvert de sang, de sueur, blessé physiquement et psychologiquement…

La fin d'une époque

Ce changement de ton a de toute évidence subi l’influence des films produits par Joel Silver, notamment Piège de cristal et L’Arme fatale qui ne rechignaient pas devant la violence et préféraient les anti-héros aux icônes triomphants et manichéens. D’où le choix du compositeur Michael Kamen, fer de lance musical de cette nouvelle vague du cinéma d’action. La quête du réalisme n’empêche tout de même pas Permis de tuer de se laisser aller aux excès spectaculaires au cours de son final, nous proposant la traditionnelle destruction du repaire du méchant (ici le temple d’une secte dirigée par un télévangéliste) puis un ultime festival de cascades automobiles signée Rémy Julienne lorsque James Bond et Pam Bouvier prennent d’assaut un convoi de quatre semi-remorques. « Après le tournage de séquences de ce type, toute l’équipe souffle un grand coup ! », avoue Julienne. « C’est une telle responsabilité… » (1) A plus d’un titre, Permis de tuer marque la fin d’une époque. Ce sera en effet le dernier film de la série réalisé par John Glen, écrit par Richard Maibaum et produit par Albert Broccoli. Timothy Dalton lui-même aurait bien réitéré l’expérience, mais de complexes problèmes juridiques empêchèrent la production d’un nouveau film pendant six longues années. Entre-temps, le talentueux comédien se consacra à d’autres expériences cinématographiques et théâtrales.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en février 1998

© Gilles Penso

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TUER N’EST PAS JOUER (1987)

Timothy Dalton prend la relève de Roger Moore et impose une vision plus dure et plus réaliste de l'agent 007

THE LIVING DAYLIGHTS

1987 – GB

Réalisé par John Glen

Avec Timothy Dalton, Maryam d’Abo, Joe Don Baker, Art malik, John Rhys-Davies, Jeroen Krabbe, Andreas Wisniewski

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I SAGA JAMES BOND

Qui allait bien pouvoir remplacer Roger Moore dans le rôle de James Bond ? Voilà une question qui fit couler beaucoup d’encre. Le premier choix d’Albert Broccoli était Pierce Brosnan, mais ce dernier était accaparé par la série Remington Steele. De nombreux autres noms circulèrent : Sam Neill, Christopher Reeves, Sean Bean, Christophe Lambert. C’est finalement Timothy Dalton qui décrocha le rôle, après l’avoir refusé à l’époque de Vivre et laisser mourir (il ne se sentait alors pas assez mûr pour incarner l’agent 007). Evitant d’imiter l’assurance flegmatique de Sean Connery ou l’humour au second degré de Roger Moore, Dalton mise sur le réalisme et l’humanisation de son personnage. Le résultat est des plus convaincants, et l’intrigue de Tuer n’est pas jouer s’efforce donc de retrouver l’esprit d’œuvres telles que Bons baisers de Russie ou Rien que pour vos yeux.

Lorsque le film démarre, un agent du KGB de haut niveau est passé à l’Ouest, non sans qu’on ait essayé de l’abattre. Bond, qui a pour mission d’empêcher l’assassin d’agir, refuse de l’exécuter lorsqu’il découvre qu’il s’agit d’une jolie jeune femme (incarnée par Maryam d’Abo, bien moins évaporée que la plupart des Bond Girls). Le général Koskov (le pétillant Jeroen Krabbe) relève alors l’existence d’une opération baptisée « Smiert Spionnen », c’est à dire « mort aux espions » en russe (dont la contraction donne le fameux acronyme S.M.E.R.S.H.). Une liste a été dressée de ceux que le général Pouchkine affirme être les meilleurs agents britanniques et américains, et qu’il entend faire disparaître. L’Occident réagira par des mesures de rétorsion, pense-t-il, et tout cela finira par une guerre totale dans laquelle les Soviétiques auront le dessus.

Les adieux de John Barry

Toujours habile lorsqu’il s’agit de concocter des séquences d’action originales, John Glen nous gratifie ici d’un pré-générique extrêmement tendu au cours duquel un entraînement des agents 00 vire au massacre, ainsi que d’une course-poursuite où les héros s’enfuient en glissant sur la neige à bord d’un étui de violoncelle transformé en luge. Tuer n’est pas jouer marque aussi le grand retour de l’Aston Martin de 007, équipée d’une toute nouvelle batterie d’armes high-tech : rayons lasers camouflés dans les enjoliveurs, skis rétractables, lance-missiles dans les phares… Si Robert Brown reprend le rôle de M avec aplomb, Loïs Maxwell abandonne ici son personnage fétiche de Moneypenny (après 25 ans de bons et loyaux services) repris par la toute jeune Caroline Bliss. Une fois de plus, l’homme de main du grand méchant, qui porte le nom évocateur de Necros et qu’incarne à la perfection l’athlétique Andreas Wisnieswski, nous offre quelques-unes des meilleures scènes du film, notamment un époustouflant affrontement final en équilibre à l’arrière d’un avion-cargo. Tour à tour majestueuse, nerveuse et envoûtante, la partition de John Barry mixe l’orchestre symphonique et les rythmes synthétiques, tandis que les groupes a-ha et The Pretenders assurent les chansons des génériques. Le succès colossal du film (plus de 190 millions de dollars de recettes) prouva que Timothy Dalton était une géniale idée de casting, malgré un accueil critique des plus mitigés.

 

© Gilles Penso

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DANGEREUSEMENT VÔTRE (1985)

Pour son dernier tour de piste dans le smoking de James Bond, Roger Moore affronte Christopher Walken et Grace Jones

A VIEW TO A KILL

1985 – GB

Réalisé par John Glen

Avec Roger Moore, Christopher Walken, Tanya Roberts, Grace Jones, Patrick Macnee, Patrick Bauchau, Fiona Fullerton

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I SAGA JAMES BOND

Comme Sean Connery avant lui, Roger Moore annonça plusieurs fois qu’il arrêterait d’incarner James Bond, notamment après Rien que pour vos yeux et Octopussy, ce qui poussa Albert Broccoli à faire des essais avec l’acteur américain James Brolin pour le remplacer. Mais le pont d’or offert par le studio et la griserie de prononcer une fois de plus « mon nom est Bond, James Bond » le poussèrent à accepter une dernière mission, malgré les rides indélébiles de ses 57 ans bien frappés. Le voilà donc face à Max Zorin, un dangereux mégalomane qui résulte de manipulations génétiques l’ayant doté d’une exceptionnelle intelligence mais aussi de fortes tendances psychopathes. La grande entreprise de son existence consiste à rayer de la carte le site de Silicon Valley, soit plus de 250 usines et des milliers de techniciens et de chercheurs, afin de s’emparer du monopole mondial en matière d’électronique. Son plan (qui ressemble comme deux gouttes d’eau à celui de Lex Luthor dans Superman) est à la mesure de sa folie, puisqu’il consiste à noyer l’endroit par un gigantesque raz-de-marée consécutif à un tremblement de terre artificiellement provoqué.

L’une des grandes qualités de Dangereusement vôtre est son casting haut de gamme. Christopher Walken excelle en super-vilain délicieusement cinglé, Grace Jones crève l’écran en bras droit sans état d’âme (à l’instar de Requin, elle se ralliera finalement à la bonne cause), et ce bon vieux Patrick McNee se glisse dans le costume d’un allié de 007 avec lequel il échange bon nombre d’hilarantes joutes verbales, nouvelle preuve que les univers de James Bond et de Chapeau melon et bottes de cuir sont intimement liés (souvenons-nous des présences éblouissantes d’Honor Blackman et Diana Rigg au fil de la saga). En revanche, si Tanya Roberts est une James Bond Girl à la beauté étourdissante (repérée par Broccoli dans Dar l’invincible), les scénaristes l’ont hélas affublée de dialogues ineptes se limitant à quelques « Oh James ! » lascifs, et ce malgré une première apparition prometteuse.

Climax sur le pont du Golden Gate

Énergique, la bande originale de John Barry s’adjoint les services du groupe Duran Duran, dont les sonorités électroniques typiques des eighties ont étrangement bien passé le cap des années, et l’ensemble est rythmé par de très belles scènes d’action, culminant par un affrontement au-dessus du Golden Gate Bridge dans un ballon dirigeable. « J’ai doublé Roger Moore dans la poursuite au cours de laquelle sa voiture se retrouve coupée en deux », nous raconte le cascadeur Jean-Claude Lagniez. « On voit d’ailleurs très bien que ce n’est pas lui qui conduit, car je ne lui ressemble pas beaucoup. D’habitude, il avait une doublure assez ressemblante, mais pour cette cascade particulière on m’a confié la mission, et les cadrages sur moi étaient beaucoup trop serrés. Nous n’avons même pas la même coupe de cheveux ! » (1) Les aficionados trouvèrent beaucoup à redire à Dangereusement vôtre, notamment son humour excessif, son scénario exempt de subtilité et l’âge avancé de son héros. Mais en l’état, le film s’avère franchement distrayant, et marque en beauté les adieux de Roger Moore à la série.

(1) Propos recueillis par votre serviteur en février 2004

© Gilles Penso

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JAMAIS PLUS JAMAIS (1983)

Produit en marge de la série officielle, ce James Bond "dissident" permet à Sean Connery de faire définitivement ses adieux à l'agent 007

NEVER SAY NEVER AGAIN

1983 – GB

Réalisé par Irvin Kershner

Avec Sean Connery, Klaus Maria Brandauer, Max Von Sydow, Kim Basinger, Barbara Carrera, Bernie Casey, Rowan Atkinson

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I SAGA JAMES BOND

On peut légitimement se demander ce qui poussa Sean Connery à reprendre le smoking de James Bond douze ans après Les Diamants sont éternels, alors qu’il avait justement clamé haut et fort « jamais, plus jamais ! ». Les plus cyniques argueront que le succès modeste des films qu’il interpréta dans l’intervalle (notamment les inénarrables Zardoz et Meteor) le motiva probablement, mais la genèse de ce James Bond « pirate », réalisé et produit en marge de la saga officielle d’Albert Broccoli, remonte au début des années 60. A cette époque, Ian Fleming céda les droits de son roman « Opération Tonnerre » à Kevin McClory. Celui-ci produisit donc la première adaptation avec Connery en 1965, puis proposa au comédien de co-écrire avec Len Deighton le scénario d’un remake. A cause des difficultés juridiques liées au projet, celui-ci stagna jusqu’à ce que l’avocat et producteur Jack Schwartzman parvienne enfin à le concrétiser.

Une équipe étrangère à l’univers 007 se trouve donc derrière la caméra, notamment Irvin Kershner, réalisateur de L’Empire contre-attaque, Douglas Slocombe, chef opérateur des Aventuriers de l’Arche Perdue, Lorenzo Semple Jr, scénariste de Flash Gordon, et Michel Legrand, compositeur attitré de Jacques Demy. Ici, James Bond ne bénéficie plus de l’entière confiance de ses supérieurs et doit faire à nouveau la preuve de ses capacités physiques. Envoyé dans un établissement spécialisé pour y subir une cure de jouvence, l’agent 007 doit cependant reprendre rapidement du service pour combattre le diabolique Blofeld et son organisation le S.P.E.C.T.R.E. Utilisant Maximilain Largo, le S.P.E.C.T.R.E. a réussi à détourner deux missiles et menace de les utiliser si les grandes puissances n’acceptent pas ses conditions. Comme son titre l’indique, Jamais plus jamais tourne en dérision les propres propos d’un Sean Connery qui assume là pleinement son âge respectable (53 ans et une moumoute toute neuve). D’où une forte propension au second degré, assortie d’un casting surprenant.

La guerre des James Bond

Si les James Bond Girls sont comme toujours d’incontestables beautés (la débutante Kim Basinger et l’exotique Barbara Carrera), le maléfique Largo, bedonnant, borgne et grimaçant dans Opération Tonnerre, est ici interprété par le jeune et sympathique Klaus-Maria Brandauer, tandis que Felix Leiter, d’habitude blanc comme neige, est devenu le Noir Bernie Casey, que le chauve Blofeld a pris les traits affables de Max Von Sydow, et que « M », que l’on connaît âgé, dégarni et vénérable, est ici le jeunot Edward Fox… Il fallait tout de même oser ! Les dialogues jouent volontiers la carte du double sens salace (« Je suis toute mouillée ! » s’exclame la fatale Fatima Blush en se jetant dans les bras d’un Bond imperturbable qui rétorque « heureusement que mon Martini Dry est resté sec »). Ce grand moment d’action et d’humour sortit sur les écrans quelques mois après Octopussy, mais la « Guerre des James Bond » annoncée avec délectation par la presse n’eut pas vraiment lieu, chacun des deux films ayant connu les fastes du box-office tout en séduisant un public aux anges: deux 007 la même année, c’était presque trop beau pour être vrai !

 

© Gilles Penso

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OCTOPUSSY (1983)

James Bond enquête sur un trafic d'objets de luxe qui camoufle le projet plus inquiétant d'un vol de bombe atomique

OCTOPUSSY

1983 – GB

Réalisé par John Glen

Avec Roger Moore, Maud Adams, Louis Jourdan, Kristina Wayborn, Kabir Bedi, Steven Berkoff, Robert Brown, Douglas Wilmer

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I SAGA JAMES BOND

Sous les traits vieillissants de Roger Moore, l’agent 007 enquête ici sur la vente aux enchères sur les marchés internationaux de plusieurs œufs de Fabergé, des joyaux rares. On en retrouve un faux entre les mains de l’agent 009 tué en Allemagne de l’Est. Incarné avec charisme par Robert Brown après le décès du vénérable Bernard Lee, « M » envoie James Bond assister à la vente de l’un des œufs, acheté à un prix exorbitant par Kamal Khan (Louis Jourdan, un méchant qui manque singulièrement de panache). Celui-ci remplace les originaux par des faux. Son gang de voleurs de bijoux est dirigé par la riche et belle Octopussy (Maud Adams, déjà James Bond girl dans L’Homme au pistolet d’or), camouflant ses activités sous le couvert d’un cirque voyageant dans son propre train d’Est en Ouest. Le vrai méchant du film est en fait le général Orlov, cerveau de toute cette préparation, qui compte dérober une bombe atomique dans une base américaine.

Rien que pour vos yeux, réalisé deux ans plus tôt, retrouvait l’ambiance d’espionnage pur et dur des premières aventures de James Bond, tandis que Dangereusement vôtre, sorti deux ans plus tard, allait à nouveau se laisser griser par les excès science-fictionnels, la démesure et l’auto-parodie. Octopussy se situe entre ces deux tendances, empruntant son titre évocateur à une nouvelle d’Ian Fleming. Sans rapport avec le texte initial, l’intrigue penche vers le thriller classique (la mort de 009, le trafic de bijoux, la chasse à l’homme en Inde) et se traîne même un peu dans sa première partie. Mais les scénaristes ne résistent pas au monde menacé par une bombe atomique, à l’île paradisiaque peuplée de femmes sculpturales, et à des clins d’œils humoristiques dépassant en outrance ceux – pourtant gratinés – de Moonraker. Il faut entendre James Bond se balancer au bout d’une liane en poussant le cri de Tarzan !

Le cri de Tarzan

La scène prégénérique, servie par des effets visuels magistraux, est un petit chef d’œuvre de dérision et d’action. On y voit Bond à bord d’un mini-jet monoplace, poursuivi par un missile à tête chercheuse. Plus tard, en Inde, on ne peut s’empêcher de penser à Indiana Jones et le temple maudit, tant les décors, les personnages et même les animaux semblent annoncer le film de Spielberg. C’est finalement un juste retour des choses, dans la mesure où le père d’E.T. rêvait de réaliser lui-même un James Bond, à l’époque de Rien que pour vos yeux, avant que George Lucas ne lui propose de réaliser Les Aventuriers de l’Arche Perdue. Le roi de la cascade Rémy Julienne nous offre cette fois une hallucinante poursuite en triporteurs au beau milieu d’un marché indien. « Pour pouvoir se cabrer et sauter, ces véhicules étaient entièrement modifiés dans nos ateliers », raconte Julienne, « parce que si nous les avions utilisés tels quels, ils n’auraient jamais dépassé les quinze kilomètres à l’heure. Pas terrible pour une poursuite censée être spectaculaire ! » (1) De retour derrière le pupitre après l’interlude proposé par Bill Conti dans le film précédent, John Barry compose pour Octopussy une partition plus axée sur la romance que sur l’action, dotant notamment le James Bond Theme d’une réorchestration pour cordes et cuivres du meilleur effet.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en février 1998

 

© Gilles Penso

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RIEN QUE POUR VOS YEUX (1981)

Après s'être transformé en émule de Luke Skywalker, James Bond redescend sur terre pour une aventure plus réaliste

FOR YOUR EYES ONLY

1981 – GB

Réalisé par John Glen

Avec Roger Moore, Carole Bouquet, Julian Glover, Topol, Lynn-Holly Johnson, Cassandra Harris, Michael Gothard, John Wyman

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I SAGA JAMES BOND

Moonraker avait battu tous les records au box-office, mais où envoyer James Bond maintenant qu’il avait conquis l’espace ? Refusant de poursuivre dans la voie de la surenchère, le producteur Albert Broccoli jugea préférable de ramener son héros sur Terre pour une aventure d’espionnage plus réaliste. Rien que pour vos yeux tire son inspiration d’une nouvelle homonyme d’Ian Fleming (« Bons Baisers de Paris » en français) et marque les débuts derrière la caméra de John Glen. Pilier de la saga (il officia comme monteur et réalisateur de deuxième équipe de trois James Bond et en mettra en scène cinq), Glen a l’excellente idée de faire démarrer le film par la visite de 007 sur la tombe de son épouse, créant un lien direct avec Au service secret de Sa Majesté. La suite du prégénérique ne démérite pas, puisque Bond est piégé dans un hélicoptère commandé à distance puis se débarrasse d’un super-vilain chauve cloué sur un fauteuil roulant en le jetant dans la cheminée d’une usine. Même si le nom de Blofeld n’est jamais prononcé pour des raisons juridiques (Kevin McClory, producteur d’Opération Tonnerre, avait acquis les droits exclusifs d’utilisation des noms Blofeld et S.P.E.C.T.R.E.), il est évident que nous avons affaire à l’ennemi juré de Bond, faisant là sa dernière apparition à l’écran. Après ce prologue, 007 se heurte à Aris Kristatos. Celui-ci projette de voler l’ATAC, un appareil qui donne l’ordre aux sous-marins britanniques de lancer leurs missiles.

Carole Bouquet apporte sa froide beauté à la James Bond Girl de service, Melina Havelock, virtuose de l’arbalète en quête de vengeance après l’assassinat de ses parents, et Julian Glover incarne un vilain cultivé adepte du double jeu et de la traîtrise de haut vol. Hélas, Bernard Lee, interprète du patron « M » depuis le tout premier film de la série, décéda peu de temps avant le début du tournage, laissant vacant son rôle que les scénaristes jugèrent bon de ne pas intégrer dans le récit, histoire de marquer le deuil. Rien que pour vos yeux inaugure en revanche l’arrivée d’un nouveau collaborateur régulier de la série, le vétéran de la cascade Rémy Julienne, réglant une séquence d’action mouvementée et semi-burlesque avec une 2CV Citroën, l’une des rares touches d’humour d’un film par ailleurs assez sérieux.

Le James Bond préféré de Roger Moore

« Dans ce genre de scène, je travaille en étroite collaboration avec l’équipe des effets spéciaux pyrotechniques », nous explique-t-il. « Je me débrouille également pour que les gens de mon équipe jouent le rôle des méchants. Ça leur permet de conduire réellement les voitures et d’effectuer eux-mêmes les cascades. » (1) Parmi les autres moments forts du film, on se souviendra d’une poursuite à ski nerveuse, de l’affrontement sous-marin contre un scaphandrier, et surtout de la vertigineuse escalade d’un piton rocheux au cours de la séquence finale. Considéré par Roger Moore comme le meilleur James Bond auquel il participa (ce qu’on ressent à travers son interprétation bien moins désinvolte qu’à l’accoutumée), Rien que pour vos yeux fut un nouveau succès qui renfloua la compagnie United Artists, au bord de la faillite après le flop retentissant de La Porte du Paradis.


(1) Propos recueillis par votre serviteur en février 1998

 

© Gilles Penso

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L’ORPHELINAT (2007)

Une famille s'installe dans un orphelinat pour le réhabiliter mais une étrange ambiance y règne et des "êtres invisibles" semblent y séjourner…

EL ORFANATO

2007 – ESPAGNE

Réalisé par Juan Antonio Bayona

Avec Belen Rueda, Fernando Cayo, Roger Princep, Mabel Rivera, Montserrat Carulla, Andrès Gertrudix, Géraldine Chaplin

THEMA FANTÔMES

Les cinéastes espagnols ont une manière très personnelle d’aborder les histoires de fantômes, et les liens qui se tissent naturellement entre L’Orphelinat et quelques-uns de ses aînés ibériques tels que Fragile, Darkness ou L’Echine du diable sont indéniables. D’ailleurs, c’est Guillermo del Toro qui officie ici en tant que producteur, donnant sa chance au débutant Juan Antonio Bayona. Une fois de plus, l’auteur du Labyrinthe de Pan a eu du flair, car L’Orphelinat est une pure merveille, un film d’épouvante à fleur de peau qui marqua durablement le public et la critique, unanimes quant aux qualités du film. Ainsi remporta-t-il un succès colossal au moment de sa sortie (il battit tous ses confrères au box-office espagnol de 2007) et fut-il bardé de récompenses sur tous les continents (Grand Prix du Festival Gérardmer, sept Goyas, deux prix à Fantasporto…). En compagnie de son époux Carlos (Fernando Cayo) et de leur fils Simon (Roger Princep), Laura (Belen Rueda) s’installe dans l’orphelinat où elle a grandi, dans l’espoir de le reconvertir en centre spécialisé pour enfants handicapés. 

Prenant peu à peu possession des lieux, Simon s’invente des amis imaginaires avec lesquels il s’amuse souvent. Or un jour, une étrange assistante sociale rend visite à Laura et lui affirme qu’elle sait beaucoup de choses sur le garçon, des choses que seul le couple croyait savoir : Simon est un enfant adopté et gravement malade. Peu après, au cours d’une petite fête que donnent Laura et Carlos en l’honneur de leurs futurs pensionnaires, Simon disparaît. Malgré les recherches opiniâtres de la police, il demeure introuvable. Les mois s’écoulent douloureusement, et Carlos se résigne peu à peu. Mais Laura refuse de porter le deuil, d’autant qu’elle est persuadée de percevoir elle aussi les amis imaginaires de son fils. En désespoir de cause, elle fait appel à une équipe de parapsychologues qui investissent la maison. Pour la médium Aurora (Géraldine Chaplin), il est clair que les « amis invisibles » en question sont des fantômes. 

« Il faut croire pour voir, et non l'inverse... »

« Quand un événement terrible se produit, il reste parfois une trace, une blessure qui fait le lien entre deux lignes du temps », affirme-t-elle . « C’est comme un écho qui se répète encore et encore pour se faire entendre. » Et de conclure : « il faut croire pour voir, et non l’inverse ». Cette séquence n’est pas sans évoquer Poltergeist, mais L’Orphelinat échappe à toutes comparaisons grâce à sa singularité, sa sensibilité et sa profondeur, triple témoignage d’un réalisateur promis – n’en doutons pas – à une belle carrière. L’épouvante que distille J.A. Bayona est feutrée, évacuant tous les effets choc et les déflagrations sonores habituellement de mise au profit d’un climat oppressant. La peur que ressentent de concert les spectateurs et l’héroïne n’en est pas moins palpable, comme en atteste cette ultime partie d’« un deux trois soleil » réminiscence des jeux enfantins qui émaillent le prologue du film, ou ces apparitions récurrentes d’un inquiétant garçon au visage caché sous un sac de toile. Au cours d’un climax bouleversant, l’angoisse se mue en tristesse puis en mélancolie, concluant en beauté cette œuvre d’exception.

© Gilles Penso

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