LES SURVIVANTS DE LA FIN DU MONDE (1977)

Future star de Supercopter, Jan-Michael Vincent erre dans un désert post-apocalyptique peuplé d'insectes mutants

DAMNATION ALLEY

1977 – USA

Réalisé par Jack Smight

Avec Jan-Michael Vincent, George Peppard, Dominique Sanda, Paul Winfield, Jackie Earle Haley, Kip Niven, Robert Donner

THEMA FUTUR I INSECTES ET INVERTEBRES

Les Survivants de la fin du monde raconte l’épopée d’une poignée d’être humains après un gigantesque holocauste nucléaire, avec la froide brutalité qui caractérise bon nombre de films de science-fiction de la décennie 1968-1978, La Planète des singes en tête. Adapté d’un roman de Roger Zelazny, le scénario ne nous dira jamais ce qui a provoqué la guerre atomique ni qui sont les belligérants. Nous constatons seulement l’ampleur de la catastrophe, d’abord sur la carte d’état-major de l’armée, et ensuite sur le terrain. Nous avons affaire là à un Hiroshima puissance mille, à tel point que la terre s’est carrément décrochée de son axe. Notre planète n’est plus désormais qu’un immense désert jonché de ruines, que surplombe un ciel traversé en permanence par d’étranges aurores boréales. Certaines espèces animales en ont profité pour subir d’inquiétantes mutations, notamment les scorpions, désormais gros comme des vaches. Au milieu de ce chaos, la survie s’organise. Protégé des radiations au cœur de la base militaire où il travaillait, le major Eugene Denton, incarné par le vétéran George Peppard, parvient à construire deux énormes véhicules blindés tout-terrains, amphibies, armés de missiles et équipés pour de longs trajets. Son objectif : traverser le désert pour rejoindre d’éventuels autres survivants dont il a capté le signal. Il embarque avec lui quelques compagnons de route, notamment son ex-collègue Tanner, interprété par Jan-Michael Vincent, futur héros de la série Supercopter.

Dès lors, le récit prend l’allure d’un road-movie post- apocalyptique, qui vire tour à tour au film d’horreur (la terrible séquence des hordes de cafards carnivores ayant envahi une bourgade abandonnée), au western (l’affrontement avec les villageois armés de fusils) et au film catastrophe (le monstrueux orage magnétique qui engloutit tout sur son passage). Les effets spéciaux mis en œuvre oscillent entre l’excellence (l’attaque des cafards, les cieux électriques) et le passable (les scorpions maladroitement incrustés, les maquettes lors de l’inondation). Les deux véhicules blindés du film nécessitèrent la construction d’un exemplaire grandeur nature, tâche dont s’acquitta la compagnie Jefferies Automobile pour un coût de 300 000 dollars.

Une adaptation reniée par Roger Zelazny

Quand on connaît l’œuvre littéraire originale et les enjeux mis en présence, on pourrait reprocher à ces Survivants de la fin du monde une intrigue linéaire, un propos basique et une absence de réflexion approfondie sur la folie des hommes et les horreurs de la guerre (Zelazny clama d’ailleurs haut et fort qu’il détestait cette adaptation). Mais ce serait se tromper sur l’ambition du film. Ce vieux routier de Jack Smight (Les Naufragés du 747La Bataille de Midway) se sert simplement du contexte futuriste pour trousser un film d’aventure original et distrayant d’un bout à l’autre, ce qui ne sera guère le cas pour la majeure partie des séries B post-apocalyptiques qui fleuriront sur les écrans dans la foulée de Mad Max 2 et  New York 1997Les Survivants de la fin du monde ne fut pas le succès escompté, d’autant qu’un redoutable concurrent nommé La Guerre des étoiles sortit sur les écrans la même année.


© Gilles Penso

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LE CHOC DES MONDES (1951)

Dans ce film catastrophe aux répercussions bibliques, une planète s'apprête à heurter la Terre et à la pulvériser…

WHEN WORLDS COLLIDE

1951 – USA

Réalisé par Rudolph Maté

Avec Richard Derr, Barbara Rush, Peter Hansen, John Hoyt, Larry Keating, Rachel Ames, Alden Chase, Frank Cady, hayden Rorke

THEMA CATASTROPHES

Chef opérateur de renom passé à la mise en scène à la fin des années 40, Rudolph Maté fut sollicité par le producteur George Pal pour diriger Le Choc des mondes, adaptation du roman homonyme de Philip Wylie et Eric Balmer. Le film s’ouvre sur un extrait de la Bible, annonçant le déluge provoqué par Dieu pour laver la Terre de sa corruption. L’action démarre en Afrique du Sud. David Randall, pilote d’avion et coureur de jupons, s’y voit confier par le docteur Bronson des documents secrets qu’il doit remettre en main propre au professeur Cole Hendron. D’après Bronson, la planète Bellus, des centaines de fois plus grosse que la Terre, va entrer en collision avec elle dans huit mois, la détruisant totalement, précédée par son satellite naturel Zyra qui provoquera des raz de marées et des séismes. Selon ses calculs, Bellus va percuter la Terre le 12 août à 9 heures, et Zyra provoquera des catastrophes le 24 juillet à 13 heures. Pour sauver quelques humains de la fin du monde, il faudrait bâtir un vaisseau et déménager sur Zyra. Ces théories sont ridiculisées au sein de l’ONU. « Prédire la fin du monde est une idée tordue à laquelle nous avons droit tous les ans », juge un confrère d’Hendron. « Simple tentative pour faire les gros titres des journaux ». Hendron réunit donc des capitaux privés pour construire une fusée capable de transporter 44 personnes (soit 3175 kilos), quelques machines et du bétail. Stanton, un milliardaire misanthrope qui veut sauver sa peau, donne la somme nécessaire pour finaliser le projet. Lorsque l’annonce du désastre est publique, la loi martiale est instaurée et les villes côtières sont évacuées.

Passionnant d’un bout à l’autre, Le Choc des mondes manque tout de même d’une dimension planétaire. Car la catastrophe qui s’abat à l’échelle de la Terre n’est jamais vraiment ressentie comme telle. On ne voit finalement qu’une poignée d’Américains faire face à la situation. Le film ne nous montre aucune scène de panique géante ou d’émeute, pas plus que le scénario ne s’avère très explicite sur la fabrication d’autres fusées ailleurs dans le monde. Même les séquences de tremblements de terre, d’éruptions volcaniques, de coulées de lave, d’incendies géants, de fontes des neiges, de tsunamis ou d’inondations, pour spectaculaires qu’elles soient, manquent de présence humaine, dans la mesure où les villes ont été désertées.

Une nouvelle Genèse ?

Du coup, les décors miniatures créés par Gordon Jennings révèlent facilement leur nature de maquettes. Tout comme les peintures visualisant les épaves de bateaux qui flottent dans un New York inondé ou le panorama final de la planète Zyra, dont le manque de réalisme et le statisme nuisent à la crédibilité du film. Restent quelques images fort impressionnantes, comme la fusée en cours de construction posée sur sa rampe de lancement (un beau matte painting) et un suspense éprouvant lors du tirage au sort désignant ceux qui auront le droit d’embarquer. Au moment du dénouement, la bande originale à base de chœurs et de cloches prend ouvertement une tournure biblique, tandis que l’écran s’emplit d’un texte sans équivoque : « Et le premier jour du nouveau monde commença ».

 

© Gilles Penso

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CADAVRES A LA PELLE (2010)

John Landis livre une version personnelle du fameux récit des profanateurs de sépultures Burke et Hare, pleine d'humour noir et de dérision

BURKE AND HARE

2010 – GB

Réalisé par John Landis

Avec Simon Pegg, Andy Serkis, Tom Wilkinson, Tim Curry, Jessica Hynes, Isla Fisher, Bill Bailey, David Schofield, Jenny Agutter

THEMA TUEURS I MEDECINE EN FOLIE

A l’exception de sa participation à la série Masters of Horrors, John Landis était porté disparu des écrans depuis de nombreuses années. Son grand retour était donc attendu avec beaucoup de circonspection. L’auteur des Blues Brothers et d’Un fauteuil pour deux allait-il encore réussir à nous faire rire ? La réponse est oui, mais la forme choisie est pour le moins surprenante. Car Landis, connu pour son humour typiquement américain (ne fut-il pas le metteur en scène de moult transfuges du « Saturday Night Live » ?), nous revient avec une comédie 100% anglaise qu’on croirait parfois issue de l’esprit nonsensique des Monty Pythons. « J’adore les Monty Pythons ! », confirme John Landis. « Mais je crois que l’humour du film reste très américain. L’aspect Monty Pythons vient probablement de tous ces personnages en costumes qui s’agitent dans des situations absurdes avec leur accent typiquement anglais. » (1) Témoin cette entrée en matière où un bourreau volubile s’adresse aux spectateurs, dans l’Edimbourg du 19ème siècle, tandis que la foule qui se masse sur la grand-place dans l’attente d’une exécution applaudit soudain à tout rompre avant de reprendre tranquillement le cours de ses occupations. Noyés dans la masse crasseuse de cette ville grouillante, Simon Pegg et Andy Serkis incarnent William Burke et William Hare, deux profanateurs de sépultures qui découvrent que les cadavres se monnaient cher auprès des facultés de médecine. Ils font bientôt fortune en pourvoyant régulièrement le docteur Knox (Tom Wilkinson). Lorsque les corps frais se raréfient, les deux comparses n’hésitent pas à provoquer les trépas pour continuer à faire fructifier leur petite affaire…

Cette histoire folle, inspirée par des faits réels et romancée par Robert Louis Stevenson dans « The Body Snatchers », a déjà fait l’objet de nombreuses adaptations cinématographiques, l’une des plus fameuses étant L’Impasse aux violences de John Gilling avec Peter Cushing dans le rôle de Knox et Donald Sutherland et George Rose dans celui de Burke et Hare. John Landis, en bon cinéphile, n’ignore pas ce patrimoine et en tire parti, nimbant même certaines de ses séquences d’une aura gothique du plus bel effet. « J’étais d’abord fasciné par le fait que Burke et Hare soient des personnages réels », explique le cinéaste. « De nombreux films leur ont été consacrés, j’en ai recensé quatorze ! Ce sont tous des films d’horreur. L’idée qui m’intéressait était de détourner ces abominables personnages issus de la réalité pour les transformer en anti-héros romantiques. Nous avons donc ajouté la petite amie de Hare, qui est une pure fiction. Nous avons également pris quelques libertés avec le photographe français Nicephore Niepce. Il a réellement existé, comme vous le savez sans doute, et il a vraiment réalisé des photographies pour le docteur Knox, mais c’était dix ans plus tard. Nous avons donc déplacé son intervention dans le temps. Ainsi, malgré quelques écarts, nous avons respecté de nombreux éléments de l’histoire vraie. Ironiquement, notre version est peut-être même celle qui se rapproche le plus des faits réels ! » (2) Le gore est aussi convoqué, quoique sous un jour forcément burlesque. Car si Le Loup-Garou de Londres était un film d’horreur teinté d’humour noir, Cadavres à la pelle est une comédie noire saupoudrée d’horreur. La nuance est importante, même si étrangement une œuvre plus récente nous vient naturellement à l’esprit en cours de métrage : le très sombre Sweeney Todd de Tim Burton.

Les sacrifices de la science moderne

Le casting du film, ingénieux, permet à Simon Pegg et Andy Serkis de camper un duo burlesque digne de Laurel et Hardy ou Abbott et Costello, tout en donnant un visage très humain aux résurrectionnistes, dans le mesure où leurs agissements sont guidés par l’amour, l’appât du gain n’en étant que le corollaire. A leurs côtés, Tom Wilkinson et Tim Curry excellent en médecins rivaux, tandis que quelques guest-stars savoureuses telles que Christopher Lee, Ray Harryhausen ou Costa Gavras montrent le bout de leur nez le temps d’une petite apparition. Cerise sur le gâteau : derrière son caractère grotesque, Cadavres à la pelle développe un passionnant discours sur les paradoxes moraux et sociaux d’une science en plein progrès et sur les sacrifices qu’elle semble vouloir réclamer. « Le film raconte un moment clef de l’histoire, qui est la révolution industrielle », explique Landis. « Mais d’où proviennent la plupart des grandes avancées technologiques ? De la guerre. C’est un fait avéré, et quasi-systématique. Partant de là, il est difficile d’appréhender le progrès d’une manière neutre et innocente. » (3)


(1), (2) et (3) Propos recueillis par votre serviteur en avril 2011

© Gilles Penso

 

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LE HOBBIT : UN VOYAGE INATTENDU (2012)

Après l'aventure épique du Seigneur des Anneaux, Peter Jackson entame une nouvelle trilogie qui revient aux sources du mythe

THE HOBBIT : AN UNEXPECTED JOURNEY

2012 – NOUVELLE-ZELANDE / USA

Réalisé par Peter Jackson

Avec Martin Freeman, Ian McKellen, Richard Armitage, Ken Stott, Graham McTavish, William Kircher, James Nesbitt

THEMA HEROIC FANTASY I DRAGONS I SAGA LE SEIGNEUR DES ANNEAUX

L’idée de tirer une trilogie cinématographique de «Bilbo le Hobbit», première incursion littéraire de J.R.R. Tolkien en Terre du Milieu, peut sembler disproportionnée. Mais Peter Jackson et ses fidèles coscénaristes Fran Walsh et Philippa Boyens ne se sont pas contentés de porter à l’écran ce roman initiatique. Pour nourrir le récit et enrichir son univers, le trio (accompagné de Guillermo del Toro) a savamment décortiqué les 120 pages d’annexes rédigées par l’écrivain en complément du « Retour du Roi », s’armant du même coup d’un matériau littéraire dense et complexe. Pendant longtemps, il fut question que Del Toro réalise The Hobbit, mais les délais de préparation interminables finirent par le décourager et c’est Jackson qui prit le taureau par les cornes pour s’atteler lui-même à la tâche. La cohérence entre la saga du Seigneur des Anneaux et cette préquelle n’en est que plus grande, même si l’on demeure curieux sur les apports artistiques qu’aurait pu y insuffler l’auteur du Labyrinthe de Pan. Le film nous décrit la quête de treize nains soucieux de reconquérir le royaume d’Erebor suite à l’assaut du redoutable dragon Smaug qui les mua en peuple sans terre. Avec l’aide du magicien Gandalf, ils requièrent l’aide du hobbit Biblon Sacquet, pourtant peu enclin à l’aventure. Cette expédition hétéroclite, menée par le valeureux guerrier Thorin Ecu-de-Chêne, s’apprête à braver des périls inimaginables…

Après un prologue apocalyptique au cours duquel se déchaine la furie incandescente du légendaire Smaug, Peter Jackson adopte une narration en crescendo, établissant progressivement le caractère de ses quinze personnages principaux (ce qui n’est pas en soi une mince affaire) avant de les plonger au cœur de la tourmente. Lorsque surviennent les scènes d’action, le savoir-faire impressionnant du cinéaste se met en route avec un sens de la frénésie, de l’innovation, de la démesure et de la précision qui semblent n’appartenir qu’à lui. Le combat des géants de pierre, l’assaut souterrain des milliers de gobelins ou la bataille contre les orcs sont de nouveaux moments d’anthologies qui s’ajoutent à une saga déjà chargée en morceaux de bravoure.

Un équilibre très instable

Conçues sur le mode du déséquilibre perpétuel, ces échauffourées titanesques et inédites donnent le vertige et coupent le souffle. La réorganisation permanente de la topographie (montagnes qui s’effondrent, ponts suspendus qui se détachent, arbres qui se déracinent) provoque un sentiment de danger croissant et tangible, que la technologie 3D accentue sans pour autant s’avouer indispensable. Car Jackson manie si bien le relief (comme le prouvait déjà King Kong) que le recours à la stéréoscopie semble finalement superflu. Une cohorte de nouvelles créatures vient agrémenter le métrage, tandis que quelques visages familiers (Ian McKellen, Hugo Weaving, Cate Blanchett, Christopher Lee, Ian Holm, Elijah Wood) assurent le lien avec la trilogie que nous connaissons déjà. Cerise sur le gâteau, la symphonie composée par Howard Shore fusionne les anciens thèmes avec de nouveaux motifs (celui des nains est un petit bijou) et parachève en beauté ce spectacle inoubliable.

 

© Gilles Penso

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L’HOMME QUI VENAIT D’AILLEURS (1976)

David Bowie incarne un extra-terrestre en quête d'eau dans cette fable de science-fiction étrange, atypique et erratique

THE MAN WHO FELL TO EARTH

1976 – GB

Réalisé par Nicolas Roeg

Avec David Bowie, Rip Torn, Candy Clark, Buck Henry, Bernie Casey, Jackson D. Kane, Rick Riccardo, Tony Mascia

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Adapté d’un roman écrit en 1963 par Walter Tevis, L’Homme qui venait d’ailleurs raconte l’arrivée sur Terre d’un extra-terrestre à l’allure humaine dont la mission est de rapporter de l’eau sur sa planète moribonde, écrasée par une sècheresse accablante. Pour parvenir à ses fins, il commercialise plusieurs inventions révolutionnaires et se retrouve bientôt à la tête d’une multinationale, sous le nom de Thomas Jerome Newton. Lorsqu’il obtient la somme d’argent nécessaire, il se lance dans la fabrication d’un vaisseau spatial afin de pouvoir retrouver les siens. Mais les effets secondaires de son arrivée sur notre planète se font peu à peu ressentir : il sombre dans l’alcool, a du mal à gérer l’amour que lui porte la jeune Mary-Lou, et suscite des animosités auprès d’un monde industriel impitoyable qu’il ne maîtrise guère. Plus le temps passe, et plus son retour sur sa planète natale semble compromis… L’Homme qui venait d’ailleurs est archétypique d’un certain cinéma auteurisant des années 70, s’extrayant des règles narratives et formelles établies et préférant le sensoriel au rationnel, comme en écho à la Nouvelle Vague amorcée plus de dix ans plus tôt.

La démarche, assez déroutante, pousse Nicolas Roeg à se laisser aller à l’improvisation, à la déstructuration de son intrigue, et à des choix de montage curieux oscillant entre l’inventif (comme la mise en parallèle de deux actions situées à deux moments différents, évoquant les travaux d’Alain Resnais et annonçant ceux de Steven Soderbergh) et la totale confusion. Parfois, on a presque l’impression de visionner l’assemblage aléatoire de chutes ou de fins de bobine que le monteur aurait conservées par erreur. Ce traitement atypique donne l’impression que l’équipe est partie tourner en oubliant d’emporter avec elle le scénario, tout en essayant de se souvenir de l’histoire à raconter. La lecture du roman original, bien plus limpide que le script de Paul Mayersberg, s’avère d’ailleurs secourable pour qui veut comprendre les tenants et les aboutissants de ce récit alambiqué, dans lequel Roeg a accentué fortement les connotations sexuelles ambiguës.

Pâle, malingre et androgyne

La grande idée du film, qui lui doit sans aucun doute sa relative notoriété, est d’avoir confié le rôle-titre à David Bowie, même s’il fut un temps question de Peter O’Toole. Malingre, androgyne, très pâle, le comédien-chanteur ressemble vraiment à un extra-terrestre, sans qu’aucun maquillage n’ait besoin de le transfigurer. Le grimage intervient tout de même dans une scène étonnante où il se révèle sous ses véritables traits, le crâne lisse et le regard félin. Nicolas Roeg dote également son film d’une indéniable poésie graphique au cours des flash-back évoquant la planète de son héros. Accompagné de sa famille, harnaché d’un scaphandre où plusieurs tuyaux répartissent l’eau dans son corps, il traverse le désert rougeoyant et gagne un véhicule surprenant, aux allures de wagon pyramidal. Des images qui contrastent violemment avec le réalisme brut du reste du film, capté par une caméra ivre qui finit par laisser plus d’un spectateur sur le carreau. En 1987, MGM eut l’étrange idée d’en tirer une série télévisée, mais le projet s’arrêta au stade d’un pilote sans éclat signé Bobby Roth.


© Gilles Penso

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OBSESSION (1976)

Situé au sein de la période la plus hitchcockienne de Brian de Palma, ce drame envoûtant puise une grande part de son inspiration dans Sueurs froides

OBSESSION

1976 – USA

Réalisé par Brian de Palma

Avec Cliff Robertson, Genevieve Bujold, John Lithgow, Wanda Blackman, Sylvia Kuumba Williams, J. Patrick McNamara  

THEMA MORT

Obsession est l’un des films les plus graphiques, les plus mélancoliques et les plus troublants de Brian de Palma. C’est aussi, probablement, l’un de ceux qui ont le moins bien vieilli, les effets de mise en scène ultra-stylisés du cinéaste n’ayant pas tous passé sans heurts le cap des années 70. Baptisé à l’origine « Déjà vu », le scénario de Paul Schrader (qui venait d’écrire Taxi Driver) démarre en 1959 à la Nouvelle-Orléans. Michael et Elizabeth Courtland (Cliff Robertson et Geneviève Bujold) fêtent leurs dix ans de mariage. Pour eux et Amy, leur fillette de neuf ans, c’est le parfait bonheur au sein de la bourgeoisie d’affaires du sud des États-Unis. Mais, dans la nuit, des gangsters kidnappent l’épouse et la fillette. Michael est prêt à payer la rançon de 500 000 dollars qu’on lui réclame, puis finalement, suivant les conseils de la police, tend un piège aux ravisseurs. L’opération tourne mal, et se termine par la mort accidentelle des ravisseurs et des otages.

Seize ans plus tard, Michael et son associé Robert (John Lithgow) partent pour Florence en voyage d’affaires. Michael est ému, car c’est dans cette ville qu’il avait connu sa femme. Or au cours de son pèlerinage sentimental, il rencontre, exactement au même endroit que vingt-cinq ans plus tôt, une jeune étudiante en art, Sandra Portinari, qui ressemble trait pour trait à Elizabeth. Inévitablement, notre inconsolable veuf tombe amoureux de la belle Italienne et en vient même à se demander s’il ne s’agirait pas de la réincarnation de sa défunte épouse. Plusieurs détails surprenants tendent à corroborer cette folle théorie. Bien décidé à la ramener à la Nouvelle-Orléans et à l’épouser, Michael n’est pas au bout de ses surprises…

Une flamboyante partition de Bernard Herrmann

Variation habile sur le thème de Sueurs froides (une des œuvres culte de Brian de Palma qui servira également de base à l’histoire de Body Double, de Femme fatale, et influencera même le prologue et l’épilogue d’Outrages), Obsession enfonce le clou de la référence hitchcockienne via une flamboyante partition signée Bernard Herrmann lui-même. Le film souffre cependant d’un casting inégal. Si Geneviève Bujold est à la fois sublime et bouleversante dans les deux rôles qu’elle incarne tour à tour, et si John Lithgow cabotine à merveille en associé et ami du héros (il deviendra l’un des acteurs fétiches de De Palma), Cliff Robertson, pour sa part, affiche un visage totalement dénué d’expression. Le réalisateur avouera plus tard qu’il ne s’agissait pas de son premier choix, mais que Richard Burton était trop cher et James Stewart trop vieux ! Malgré ces réserves, l’œuvre demeure envoûtante de bout en bout, ciselée comme une pièce d’orfèvrerie par un De Palma très inspiré et mis en lumière avec beaucoup de sensibilité par le légendaire directeur de la photographie Vilmos Zsigmond (Délivrance, Voyage au bout de l’enfer, Rencontres du Troisième Type). Plusieurs morceaux de bravoure ponctuent ainsi le film, notamment le travelling circulaire dans le mausolée, le flash-back dans l’aéroport, ou l’anthologique final au ralenti, un effet de style qui deviendra l’une des marques de fabrique d’un metteur en scène alors à l’aube de sa carrière hollywoodienne.

 

© Gilles Penso

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BAD TASTE (1989)

Le premier long-métrage de Peter Jackson est défouloir dont l'argument de science-fiction n'est qu'un prétexte à tous les débordements

BAD TASTE

1989 – NOUVELLE-ZELANDE

Réalisé par Peter Jackson

Avec Peter Jackson, Mike Minett, Pete O’Herne, Terry Potter, Craig Smith, Doug Wren

THEMA EXTRA-TERRESTRES

En 1983, Peter Jackson, fan des Monty Pythons, de Ray Harryhausen, de Gerry Anderson et de King Kong, s’achète une caméra 16 mm et commence à tourner dans sa petite ville natale de Pukerua Bay, au sud de Wellington, un film amateur qui, petit à petit, se transformera en long-métrage. Bad Taste raconte l’invasion d’une ville côtière néo-zélandaise par des extra-terrestres anthropophages décidés à transformer les humains en ingrédients pour une chaîne de fast-food. Une poignée de résistants hargneux, armés jusqu’aux dents, tente bientôt de résister contre l’envahisseur. Avec les moyens du bord, le cinéaste, alors à peine âgé de 22 ans, cède à tous les débordements, prône la gratuité et voit son inventivité stimulée par l’anémie de son budget. Jackson joue lui-même deux rôles dans le film, dont celui d’un homme obligé de nouer sur son front un bandeau pour éviter la chute de son cerveau ! Il en profite pour démontrer déjà une virtuosité indéniable dans l’art du montage, puisque les deux personnages qu’il interprète finissent par se battre. Autre astuce de montage qui a fait couler beaucoup d’encre : le mouton qui explose suite à la propulsion d’une roquette. Omniprésent, Jackson occupe tous les postes clefs derrière la caméra : scénariste, réalisateur, producteur, chef opérateur et créateur des effets spéciaux. Le reste de l’équipe est constitué d’amis motivés et pour la plupart étrangers aux métiers du cinéma. Pendant quatre ans, chaque dimanche, le petit groupe enchaîne les prises de vues et assemble petit à petit ce film déjanté.

Fusillades, poursuites, maquillages spéciaux audacieux (les fameux masques extra-terrestres grimaçants), maquettes (la maison qui s’envole), pyrotechnie (les voitures qui explosent), la petite équipe ne recule devant rien et ne se laisse jamais intimider par les moyens ridicules mis à sa disposition. Dans une ambiance de tournage proche de celle d’Evil Dead, Jackson tourne principalement caméra à l’épaule et bricole lui-même ses grues, ses steadycams et ses chariots de travelling. Un financement complémentaire alloué par la Commission du Cinéma Néo-Zélandais permettra au film de se terminer enfin et de s’achever même sur un climax franchement spectaculaire. Certes, l’humour gras du film, très proche de celui de la plupart des productions Troma, et la vacuité nihiliste de son scénario n’en font pas le chef d’œuvre absolu que beaucoup vénèrent aux quatre coins du globe.

Le talent est déjà là…

Mais le talent de Jackson est déjà très largement perceptible, et sa persévérance force le respect. Parti de rien, dans une Nouvelle-Zélande à la cinématographie alors inconnue, il signe carrément l’un des films les plus gore de l’histoire du cinéma (dans ce registre, il se surpassera lui-même avec l’incroyable Braindead). En 1987, Bad Taste devient l’une des meilleures surprises du Festival de Paris du Film Fantastique et du Marché du Film à Cannes. Il démarre dès lors une fructueuse carrière sur grand écran, surtout si l’on tient compte de son budget anémique, estimé à 11 000 dollars. Peter Jackson est dès lors promu réalisateur culte auprès des fantasticophiles. C’est le début d’une carrière prometteuse qui se muera bien vite en spectaculaire success story.


© Gilles Penso

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LES REVENANTS (2004)

En abordant le thème des zombies sous l'angle du drame social, Robin Campillo traite le sujet du deuil et de l'acceptation de la mort

LES REVENANTS

2004 – FRANCE

Réalisé par Robin Campillo

Avec Géraldine Pailhas, Jonathan Zaccaï, Frédéric Pierrot, Catherine Samie, Marie Matheron, Djemel Barek, Victor Garrivier

THEMA ZOMBIES

Pour son premier long-métrage, le talentueux monteur (Ressources humaines, Qui a tué Bambi ?) et scénariste (L’Emploi du temps, Entre les murs) Robin Campillo décide de s’attaquer à un projet ambitieux, qu’on pourrait définir comme le premier drame social avec des zombies. Le point de départ est pour le moins accrocheur : en l’espace de deux heures, les portes de l’au-delà s’ouvrent, ramenant à la vie soixante-dix millions de morts récents. Les premières images, qui montrent des centaines d’hommes et de femmes sortir d’un cimetière et errer dans les rues, sont particulièrement fortes. « L’impensable vient de se produire » dit le maire d’une des villes investies par ces hordes de trépassés. Très vite, la population s’interroge. Que faire d’eux ? Comment les réinsérer dans leurs familles et leurs métiers ? Face à cet événement imprévisible, les cités tentent de s’organiser. Les savants, aussitôt sollicités, constatent que les revenants ont des symptômes proches de l’aphasie post-traumatique. Ils sont lents, en retard, désynchronisés avec le monde, mais en mouvement permanent. On met donc en circulation un médicament, le lithanol, qui calme leur hyperactivité et les réfrène dans leurs déambulations incessantes. Pour pouvoir les repérer et analyser leurs déplacements (estimés à une moyenne de quinze kilomètres par jour et par individu), on fait survoler la ville de ballons sondes équipés de caméras thermiques, dans la mesure où les revenants ont une température corporelle inférieure de cinq degrés à celle des vivants. 

Le scénario des Revenants aborde ainsi le sujet sous un angle hyperréaliste, presque clinique, sans toutefois chercher à donner la moindre explication au phénomène. On l’accepte parce qu’on n’a pas le choix et on s’adapte. Le film s’attache à traiter en parallèle l’analyse du phénomène (études scientifiques, dispositions médicales et sociales), et les complexités de la réinsertion des revenants chez les leurs (famille qui se recompose, parents retrouvant leur enfant). Dans ses moments les plus intimes, l’intrigue s’intéresse principalement à Mathieu et Rachel, un couple incarné par Jonathan Zaccaï et Géraldine Pailhas. Jamais les mots « zombie » ou « morts-vivants » ne sont prononcés dans le film, qui choisit sciemment de ne pas arpenter les voies de l’horreur et de l’épouvante malgré le sujet qu’il aborde.

Bizzarerie poétique

Ponctuellement, au détour d’une séquence anodine, Robin Campillo renforce l’étrangeté de son propos en ralentissant légèrement les mouvements de sa caméra pour engourdir les déplacements de ses corps ambulants, post-synchronisant même leurs dialogues pour les recaler sur cette altération du rythme. Les Revenants se pare de plans parfois très graphiques, de belles idées visuelles et de scènes empreintes de bizarrerie poétique, comme ces réunions nocturnes des morts qui communiquent en chuchotant. Hélas, le traitement du film est d’une terrible froideur, et passée la surprise suscitée par la situation de départ, le spectateur saisit mal les finalités d’un scénario s’extrayant difficilement de l’anecdote, et échouant du même coup à traiter frontalement la thématique qui semblait le structurer, celle du deuil et de ses conséquences.

 

© Gilles Penso

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STAUNTON HILL (2009)

Le fils de George Romero s'essaie au cinéma d'horreur en marchant ouvertement sur les traces de Massacre à la tronçonneuse

STAUNTON HILL

2009 – USA

Réalisé par Cameron Romero

Avec David Rountree, Paula Rhodes, Christine Carlo, Kathy Lamkin, B.J. Hendricks, Charlie Bodin

THEMA TUEURS

Oui, le grand George A. Romero (cinéaste de valeur et géant de pratiquement deux mètres) a un fils. Il s’appelle Cameron et, comme papa, fait carrière dans l’horreur. Pas découragé par deux coups d’essai restés commercialement inexploités (Plant Life et The Screening), il entreprend avec Staunton Hill un projet plus « ambitieux » que les précédents : la visite guidée d’une cambrousse à la  Massacre à la tronçonneuse, relevée du piment rouge de séances de torture à la Saw et Hostel. S’il y a un risque que le « fils de » ne prend pas, c’est bien celui de l’originalité, d’idées un tant soit peu fraîches. Pas très aventureux dans sa démarche, Cameron Romero installe son scénario en 1969, au plus profond des États-Unis, en Virginie. Cinq jeunes adultes y font de l’auto-stop, en route vers Washington où ils prévoient de manifester contre la politique gouvernementale. Mauvaise pioche ; ils tombent sur un conducteur qui, faux bon samaritain, simule la panne pour les laisser se jeter dans la gueule du loup. Ou, plutôt, les envoyer se faire trucider par les membres d’une famille bien azimutée, dont les membres brandissent les préceptes de la Bible d’un côté et, de l’autre, les ustensiles nécessaires à leur perte. Elle se compose principalement d’une mama obèse (Kathy Lamkin, déjà vue dans le remake de Massacre à la tronçonneuse et sa suite), d’une vieille teigne se déplaçant dans un grand fauteuil roulant customisé au goût de la région, ainsi qu’un dadais chargé des basses œuvres. Une sorte de Leatherface sans le masque.

Conformément aux règles du genre et au terme des préliminaires de rigueur, les Staunton (c’est le nom des ruraux en question) scalpent, équarrissent, écorchent, amputent, électrocutent… La routine en somme, d’autant plus que le décorum (la ferme isolée, la casse automobile…) et l’accompagnement musical (harmonica et autres instruments du cru) ne se hasardent jamais hors des sentiers battus. Prévisible, Staunton Hill donne aussi l’impression d’un film excessivement bricolé au montage, rafistolé vaille que vaille, et oubliant de traiter son vrai sujet (l’Amérique bigote des campagnes confrontée à l’Amérique contestataire de la fin des sixties).

Glauque et malsain

Pourtant, malgré ses ruptures de rythme et incohérences, il parvient, au détour de telle ou telle séquence, à distiller une atmosphère. Glauque, malsaine évidemment, en s’appuyant sur des détails anodins. Un exemple ? La manière dont le tueur de la petite communauté plie et range les vêtements de ses victimes après les avoir réduites au silence éternel. Pas de quoi faire de Staunton Hill un bon film de genre, mais assez pour le rendre intéressant, intrigant. Le talent n’étant pas héréditaire, Cameron Romero ne partage manifestement pas celui de son paternel. Du moins, pas encore… En faisant un peu de progrès et, surtout, en choisissant mieux ses scripts, il peut cependant prétendre à la maîtrise d’un certain savoir-faire. Depuis Staunton Hill, il a tourné un court (The Auctioneers) et deux longs-métrages (RadicalAuteur). Autant  d’occasions de redresser la barre et de faire honneur à un certain héritage. 

 

© Marc Toullec

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LA CRYPTE DU VAMPIRE (1964)

Vampirisme et sorcellerie s'entrechoquent dans ce film d'épouvante composite dominé par la présence de Christopher Lee

LA MALDICION DE LOS KARNSTEIN

1964 – ITALIE / ESPAGNE

Réalisé par Camillo Mastrocinque

Avec Christopher Lee, Ursula Davis, Adriana Ambesi, Carla Calo, Jose Campos

THEMA VAMPIRES I SORCELLERIE ET MAGIE

Grâce à la renommée acquise sur les films Hammer, Christopher Lee a rapidement mis à contribution ses capacités polyglottes pour promener son imposante silhouette dans moult productions européennes à partir du milieu des années 60. Dans La Crypte du Vampire, il incarne le comte Ludwig de Karnstein, dont la fille Laura est en proie à de terribles cauchemars. Régulièrement, elle s’éveille en hurlant après s’être vue assassiner des membres de sa propre famille. Or les rêves semblent prémonitoires, car les victimes sont retrouvées vidées de leur sang. Soupçonnant une malédiction ancestrale, le comte sollicite les services de Klaus, un jeune étudiant spécialisé dans la restauration d’œuvres anciennes. Sa mission consiste à remettre à neuf le portrait d’une ancêtre de la famille, Sheena de Karnstein, jadis accusée de sorcellerie et sacrifiée sur l’autel de la superstition. Ludwig craint que sa fille ne soit la réincarnation de l’aïeule maudite, ce qui expliquerait ses morbides obsessions. Cette petite galerie de personnages se complète d’une austère gouvernante, d’une jeune servante un peu trop curieuse, d’un majordome sinistre et de la blonde amante de Ludwig. Comme Klaus est joli garçon, Laura lui fait les yeux doux, soupirant « nous vivons comme dans une tombe, comme au fin fond du monde », tandis que Ludwig passe le plus clair de son temps à arpenter les vastes couloirs du château dans son peignoir de soie.

Puis survient la scène la plus improbable du film, dans laquelle Laura se couche nue sur une étoile à cinq branches tracée sur le sol tandis que la gouvernante psalmodie « Sheena de Karnstein, nous t’invoquons » en agitant une autre étoile – en carton découpé celle-ci – au-dessus des flammes d’une bougie. La Crypte du Vampire jongle ainsi avec plusieurs thèmes fantastiques sans trop s’embarrasser de cohérence scénaristique, mêlant vampirisme et sorcellerie en un joyeux cocktail. Lorsqu’intervient le personnage de Ljuba, une jeune fille victime d’un accident de carrose qui séjourne quelques temps au château, l’influence du « Carmilla » de Sheridan le Fanu imprègne le film, quoi que de manière très superficielle. La relation saphique censée lier Laura et Ljuba n’est qu’esquissée au profit d’une amitié exclusive et enfantine.

« La nature a préparé son spectacle… »

Le film souffre d’une direction d’acteurs dénuée de subtilité, Laura surjouant le désespoir, Ljuba exagérant son ingénuité, Christopher Lee roulant des yeux sévères en crispant la mâchoire. Mais la poésie s’immisce souvent, à travers quelques dialogues métaphoriques (« la nature a préparé son spectacle et attend l’entrée des acteurs, mais on ne peut savoir s’ils joueront une comédie ou une tragédie… » susurre Ljuba, perdue dans la contemplation de la campagne rayonnante), une bande son se ponctuant parfois de lugubres sonneries de cloches, une photographie noir et blanc laissant les rais de lumière souligner les regards inquiets, ou quelques visions macabres surprenantes comme ce chandelier élaboré à partir d’une main coupée. Dans la crypte du titre s’élabore un dénouement riche en rebondissements et en révélations, parachevant théâtralement cette sympathique co-production italo-espagnole.

 

© Gilles Penso

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