FRANKENSTEIN 90 (1984)

Une version burlesque du mythe de Frankenstein avec Jean Rochefort en docteur et Eddy Mitchell en monstre

FRANKENSTEIN 90

1984 – FRANCE

Réalisé par Alain Jessua

Avec Eddy Mitchell, Jean Rochefort, Fiona Gélin, Herma Vos, Ged Marlon, Anna Gaylor, Serge Marquand, Dirk Altevogt

THEMA FRANKENSTEIN

Alain Jessua a toujours flirté de près ou de loin avec le fantastique et la science-fiction, comme en témoignent Traitement de chocLes Chiens ou Paradis pour tous. Le voir s’investir dans une relecture du thème de Frankenstein procédait donc presque d’une continuité logique. Mais le réalisateur a pris le parti du pastiche, et depuis Mel Brooks la barre a été placé particulièrement haut. Comme on pouvait le craindre, Frankenstein 90 n’atteint pas vraiment ses objectifs, malgré quelques choix artistiques judicieux et surtout un casting franchement séduisant. Le docteur Victor Frankenstein (Jean Rochefort !) fabrique une créature d’autant plus perfectionnée qu’il a inséré dans son cerveau un microprocesseur. Mais hélas, bien qu’assez sexy, le nouveau monstre (Eddy Mitchell !!) ne peut s’empêcher de tuer quelques personnes par-ci, par-là. Pour éviter des ennuis à son maître, il prend la fuite, bientôt rejoint par Elizabeth (Fiona Gélin), la propre fiancée et assistante du professeur Frankenstein, qui n’a pu résister à l’attrait irrésistible de l’étrange créature, ayant troqué les bottes orthopédiques et la bure élimée de Boris Karloff contre un jean et un sweat shirt plus adaptés au look du sympathique rocker français. Afin d’assouvir la sexualité délirante du monstre, le professeur construit alors une femelle… dont il tombe lui-même éperdument amoureux.

Le titre du film, qui anticipe légèrement sur les années 90, évoque celui de Frankenstein 70 réalisé en 1958. Cette similitude dans les appellations n’est pas tout à fait innocente, dans la mesure où les deux films mâtinent le thème du docteur Frankenstein d’un peu de science-fiction futuriste, l’énergie atomique du premier film ayant ici cédé le pas aux circuits intégrés électroniques. Cela dit, la ressemblance avec la série B horrifique d’Howard Koch s’arrête là. Malgré ses affinités manifestes avec le genre fantastique, Alain Jessua ne l’aborde ici que timidement, maladroitement, sans conviction apparente. Et la qualité de Frankenstein 90 s’en ressent. Contrairement au magistral Frankenstein Junior de Mel Brooks, cette comédie pataude ne rend pas un hommage parodique au mythe mais le détourne simplement pour accumuler des gags et des quiproquos vaudevillesques.

Un Eddy-Franck subtilement balafré

Pourtant, l’idée d’Eddy Mitchell en monstre et du brillant Jean Rochefort en baron Frankenstein était réjouissante, et les maquillages de Reiko Kruk et Dominique Colladant (qui avaient donné à Klaus Kinski la tête de Max Schreck dans Nosferatu fantôme de la nuit) sont très réussis, presque trop par rapport au niveau général du film. Ils nous gratifient d’un Eddy-Franck subtilement balafré, d’un ancêtre du monstre aux allures karloffiennes, et d’androïdes au front démesuré qui se liquéfient de fort impressionnante manière. « La prothèse est toujours préférable au masque entier », nous explique Reiko Kruk à propos du maquillage de Mitchell. « Car sous le masque, le jeu du comédien s’efface complètement. La prothèse, au contraire, permet de mêler la présence de l’acteur avec une force venue d’ailleurs » (1). L’affiche du film cultivait la célèbre confusion entre le monstre et son créateur, annonçant Jean Rochefort dans le rôle de « Victor » et Eddy Mitchell dans celui de « Frankenstein ».

(1) Propos recueillis par votre serviteur.

© Gilles Penso

Partagez cet article

COLOSSAL (2017)

Nacho Vigalondo tente la collision audacieuse entre la comédie romantique américaine et le film de monstre géant japonais

COLOSSAL

2017 – USA

Réalisé par Nacho Vigalondo

Avec Anne Hathaway, Jason Sudeikis, Dan Stevens, Austin Stowell, Tim Blake Nelson, Hannah Cheramy, Nathan Ellison

THEMA DOUBLE

A  tout juste 40 ans, l’espagnol Nacho Vigalondo est devenu un spécialiste es scénarii « high concept » qu’il écrit et met en scène : la boucle temporelle cruelle de Timecrimes, le chassé-croisé amoureux sur fond d’invasion alien dans Extratrerrestre, le thriller 2.0 via webcam avec Open Windows, autant de tentatives (plus ou moins réussies) de renouveler des genres balisés. Colossal ne déroge pas à la règle, proposant la collision improbable entre la comédie romantique la plus américaine et la science-fiction à l’asiatique. L’introduction voit Anne Hathaway plonger dans la dépression, plaquée par son petit ami (Dan Stevens, vu notamment dans l’excellent The Guest) qui ne supporte plus l’alcoolisme mondain avancé de la belle et son laxisme absolu. L’éconduite décide de retourner panser ses plaies dans la maison familiale désertée, au fin fond d’une petite ville campagnarde. L’occasion de renouer avec un ami d’enfance perdu de vue (Jason Sudeikis) qui pourrait bien lui redonner foi en la vie… Ce point de départ des plus classiques est traité avec rigueur et humour, dans une atmosphère automnale du plus bel effet, jouant à fond du charme de ses protagonistes. Vigalondo sème sans attendre le trouble dans ce tableau pittoresque, un monstre mystérieux se livrant soudain à des attaques répétées sur Séoul. Ceux qui auront eu la chance de ne pas tomber sur les trailers du film apprécieront les indices progressifs menant à une révélation (rapide) totalement inattendue : les exactions de cet effrayant géant sont intimement liées aux émotions de l’héroïne. 

L’idée d’enchevêtrer désordres psychologiques à échelle humaine et destructions massives titanesques aux enjeux planétaires se révèle fort pertinente et décalée dans la première partie du film, le réalisateur prenant un malin plaisir à faire voler en éclats les clichés habituels à la Bridget Jones : Hathaway couche sans ambages avec un jeune autochtone azimuté, son ex s’avère être imbuvable, et l’amour de jeunesse potentiel dévoile une personnalité incontrôlable et perverse. Personnalité qui devient subtilement le pivot de l’histoire, Sudeikis muant de gendre idéal à bourreau culpabilisateur qui influe de plus en plus dangereusement sur le cours des événements. La théorie du battement d’ailes du papillon poussée à son extrémité, la vie de milliers de gens à l’autre bout de la planète se joue dans un jardin d’enfants entre deux adultes en pleine séance de psychanalyse tordue. Son trépidant postulat bien installé et l’empathie du spectateur acquise, Vigalondo pourrait élever son métrage d’un cran en analysant en profondeur les traumatismes de ses personnages, critiquer l’actualité en direct non-stop, la fuite en avant d’une génération de grands enfants en perdition qui se noient dans les mirages de l’alcool, ou les clivages d’une Amérique urbaine condescendante face à des ruraux envieux. Las, l’espagnol choisit des voies plus discutables et moins intellectuelles pour dénouer les fils de l’intrigue, sautant d’une variation grinçante des Nuits avec mon ennemi sauce Godzilla à une immaturité propre aux films de super-héros si chers à la production Hollywoodienne actuelle. Les réactions des antagonistes deviennent par trop exagérées et peu crédibles (la séquence des feux d’artifice dans le bar), l’explication très Incassable du phénomène tombe à plat, et le rythme jusque-là soutenu et riche en surprises sombre lentement dans la redite.

Le renoncement douloureux à l'enfance

Cependant les craintes générées par ce décrochage fanboy s’estompent face à la puissance émotionnelle de l’épilogue, voyant Hathaway enfin prendre son destin en mains et retourner brillamment la situation. Ses fêlures élucidées, elle cesse d’être spectatrice de sa propre déchéance et de se complaire dans un égoïsme rassurant pour se préoccuper de son prochain, et régler du même coup ses comptes avec son passé. Cet instant tétanisant où la force du passage à l’âge adulte (et au renoncement douloureux à l’enfance) se traduit par une colère monstrueuse mais nécessaire, ce cri désespéré d’une femme obligée de mesurer des centaines de mètres pour être entendue et respectée par des hommes manipulateurs, avant de s’effondrer dans une amorce de confession déchirante quand elle recouvre ses esprits, tout ceci confère aux derniers instants de Colossal une âme précieuse et un cœur gros comme ça, qui font vite oublier les concessions jeunistes et les errances scénaristiques. En chaque être humain sommeillent un gamin apeuré et un colosse aux pieds d’argile, libre à chacun de trouver l’équilibre salvateur entre les deux qui mènera sur le chemin de la plénitude. 
 
Julien Cassarino

MATT HELM, AGENT TRES SPECIAL (1966)

Une imitation débonnaire de James Bond avec le crooner Dean Martin dans le rôle d'un espion cherchant à éviter la troisième guerre mondiale

THE SILENCERS

1966 – USA

Réalisé par Phil Karlson

Avec Dean Martin, Stella Stevens, Daliah Lavi, Victor Buono, Arthur O’Connell, Robert Webber, James Gregory, Nancy Kovacs

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION 

Lorsqu’Albert Broccoli décida d’adapter les romans de James Bond à l’écran, il proposa à son partenaire Irving Allen de se lancer dans l’aventure avec lui. Peu confiant dans l’avenir financier d’un tel projet, Allen déclina l’offre… et s’en mordit évidemment les doigts jusqu’aux coudes suite au succès inespéré de James Bond contre Docteur No et ses séquelles. Pour essayer tant bien que mal de rattraper le coup, Allen acheta les droits des romans d’espionnage de David Hamilton qui narraient les exploits de Matt Helm, agent au service de l’organisation secrète ICE. Pour donner corps au héros, Allen opta pour Dean Martin, naturellement à l’aise dans le rôle du playboy décontracté. Du roman « The Silencers » dont il est censé s’inspirer, Matt Helm Agent Très Spécial ne conserve que quelques éléments disparates, et de l’univers réaliste créé par Hamilton, cette semi-parodie oublie quasiment tout, au grand dam des amateurs du romancier.

Reconverti à la photographie de mode après ses bons et loyaux services pour le contre-espionnage de l’Oncle Sam, Matt Helm est recontacté par ses supérieurs à cause de la menace que représente le péril jaune personnalisé, autrement dit Tung-Tze (Victor Buono, sous un maquillage asiatique aussi peu convaincant que l’accent chinois qu’il utilise pour déclamer ses répliques). Chef de l’organisation Big-Zero, Ting-Tze a détourné un missile nucléaire et projette de l’envoyer sur le Nouveau-Mexique, à Alamogordo, afin de déclencher une troisième guerre mondiale. Généreusement empli de jolies filles court-vêtues, de gadgets absurdes, d’inoffensives poursuites automobiles et de gags sans finesse, Matt Helm Agent Très Spécial se contente de caricaturer ce qui fit le succès de la saga 007 (alors en plein essor suite au triomphe d’Opération Tonnerre) sans jamais chercher à en retranscrire la brutalité ou l’inventivité. Elmer Bernstein compose du coup une partition jazzy faisant écho à celles de John Barry, le chef décorateur Joe Wright peine à rivaliser avec la folie visuelle des créations de Ken Adam, et Dean Martin déambule dans le film d’un air désabusé, poussant régulièrement la chansonnette en voix-off pour rentabiliser ses talents de crooner.

Le charme des Matt Helm Girls

Cette imitation édulcorée de 007 se laisse aller à bon nombre d’allusions à James Bond contre Docteur No, notamment avec la présence de la jeune femme qui s’immisce chez Helm avec pour tout vêtement une de ses chemises (comme la mémorable Sylvia Trench interprétée par Eunice Gayson), mais aussi le super-vilain chinois incarné par un comédien caucasien et son repaire futuriste au cours duquel se déroule un climax modérément explosif. Les seules véritables réjouissances du film sont dues aux deux principales actrices féminines, la renversante Dahlia Lavi assurant le rôle de la co-équipière ambiguë et la délicieuse Stella Stevens celui de la touriste exagérément maladroite. Malgré ses faibles ambitions artistiques et l’excessive légèreté de son traitement, Matt Helm Agent Très Spécial remporta un franc succès – aidé bien évidemment par la vogue des films d’espionnage provoquée par Broccoli – et fut suivi par trois séquelles obéissant aux mêmes recettes.

© Gilles Penso

Partagez cet article

VALERIAN ET LA CITÉ DES MILLE PLANÈTES (2017)

Luc Besson adapte à grande échelle la célèbre BD de Christin et Mézières sans parvenir à trouver le ton juste

VALERIAN ET LA CITÉ DES MILLE PLANÈTES

2017 – FRANCE

Réalisé par Luc Besson

Avec Dane DeHaan, Cara Delevingne, Clive Owen, Rihanna, Ethan Hawke, Herbie Hancock, Kris Wu, Rutger Hauer, Sam Spruell, Alain Chabat, Aymeline Valade, Elizabeth Debicki, John Goodman, Pauline Horau, Grant Moninger

THEMA SPACE OPERA I SAGA LUC BESSON

Chaque fois qu’un nouveau film de Luc Besson se profile sur les écrans, les passions ont tendance à se déchaîner au mépris de toute objectivité. Les colériques s’emportent sans retenue, laissant souvent le dédain irrationnel que leur inspire l’homme prendre le pas sur toute analyse. Les béats admirent la jolie facture des objets filmiques du cinéaste, tant conquis par leur aspect récréatif que la vacuité de certains scénarios leur passe au-dessus de la tête. Comment juger Valérian et la Cité des Mille Planètes en toute impartialité dans un tel contexte ? Sans doute en essayant d’appréhender le film lui-même indépendamment de l’homme derrière la caméra. Comme chacun sait, les aventures dessinées de Valérian et Laureline égayent les pages du magazine Pilote depuis la fin des années 60, sous la plume fertile de Pierre Christin et le crayon alerte de Jean-Claude Mézières. Figure de proue d’un space opera décomplexé qui n’allait acquérir ses lettres de noblesse cinématographiques qu’en 1977 à l’initiative de George Lucas, l’œuvre de Christin et Mézières méritait bien un long-métrage à la hauteur de ses folles ambitions. Pour que cet irrésistible couple d’agents du service spatio-temporel ne quitte pas son giron français, le nom de Luc Besson s’imposait logiquement. Sans doute était-il le seul, dans l’hexagone, capable de réunir les capitaux nécessaires à une telle entreprise.

Mais au-delà de l’aspect financier, Besson était-il l’homme de la situation ? Question délicate. Le Cinquième Elément nous avait déjà largement mis la puce à l’oreille vingt ans plus tôt. Fruit du mixage contre-nature de vingt années de films de SF hollywoodiens, ce maelstrom indigeste aux goûts visuels très discutables et au scénario d’une vertigineuse indigence prouvait que les affinités de Luc Besson avec la science-fiction n’étaient que cosmétiques (si l’on excepte le miracle du Dernier Combat, œuvre de jeunesse co-écrite par Pierre Jolivet qui s’inscrivait dans un contexte post-apocalyptique austère et tirait de son cruel manque de moyens une inventivité de tous les instants sans chercher à imiter qui que ce soit). Or Valérian suit tranquillement la trace du Cinquième Elément. Nous sommes une fois de plus en présence d’un cocktail bizarre recyclant une demi-douzaine de space opéras hollywoodiens jusqu’à frôler dangereusement le plagiat. La reprise de la séquence sous-marine de La Menace Fantôme laisse déjà perplexe. Mais que dire de cette copie éhontée des Na’vis d’Avatar ? Que personne, à aucun stade de la production du film, n’ait osé dire à Besson que ses extra-terrestres bleus de trois mètres de haut, vivant comme une paisible peuplade primitive en harmonie avec la nature et se heurtant à la cupidité de l’homme civilisé, ressemblaient un peu trop aux aliens de James Cameron, prouve à quel point le réalisateur/producteur/scénariste a les pleins pouvoirs.

Le Sixième Élément

Même les belles séquences d’action du film – Valerian en contient un certain nombre, soyons honnêtes – sont gâchées par des choix de mise en scène inadéquats, notamment une course-poursuite haletante située simultanément dans deux espaces parallèles sabordée par l’illisibilité de son déroulement, et une grande bataille spatiale finale qui perd une grande partie de son impact à cause de son insertion elliptique dans un flash-back bavard. Pourtant, nous étions sincèrement prêts à jeter aux orties tout à priori pour nous embarquer dans une aventure spatiale grisante « made in France ». Encore eut-il fallu que le scénario s’organise autour d’enjeux clairs, que le couple de héros ne donne pas l’impression de sortir tout juste du lycée, que le message final ne confonde pas pacifisme et mièvrerie (« l’amour c’est mieux que la guerre » nous dit en substance une Cara Delevingne aussi peu expressive qu’un papier peint), que la narration ne s’interrompe pas brutalement pour asséner aux spectateurs un numéro de strip-tease interminable et embarrassant. Finalement, c’est peut-être son traitement des personnages féminins qui marque le mieux la scission entre les deux Luc Besson, celui des années 80/90 et celui d’après Le Cinquième Elément. Le cinéaste qui offrit jadis des rôles si forts à Isabelle Adjani et Anne Parillaud semble désormais se contenter de transformer la femme en objet sexuel écervelé, ou tout du moins en faire-valoir esthétique pour le héros masculin. Appeler le film Valerian au lieu de Valerian et Laureline en dit assez long à ce propos…

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

SPIDER-MAN HOMECOMING (2017)

Troisième reboot des aventures de Spider-Man en à peine 15 ans, ce nouveau départ s'efforce d'intégrer le tisseur de toiles dans l'arc narratif des Avengers

SPIDER-MAN HOMECOMING

2017 – USA

Réalisé par Jon Watts

Avec Tom Holland, Michael Keaton, Robert Downey Jr, Marisa Tomei, Jon Favreau

THEMA SUPER-HEROS I ARAIGNEES I SAGA SPIDER-MAN I AVENGERS I MARVEL

L’araignée est décidément un être bien singulier. Tous les cinq ou dix ans, notre monte-en-l’air bicolore fait une réapparition sur grand écran avec un nouveau visage, un nouvel entourage et un – relativement – nouveau costume. La démarche est d’autant plus problématique que chaque adaptation des aventures de Spider-Man cherche à s’éloigner de la précédente pour mieux affirmer sa relative originalité. Sam Raimi ayant trouvé l’équilibrage idéal entre l’esprit sixties du comic book de Stan Lee et le modernisme du 21ème siècle, les tentatives de réinvention du mythe par Marc Webb et Jon Watts semblent vaines et vides de sens. Car en prenant leur distance avec la vision du réalisateur d’Evil Dead, le diptyque The Amazing Spider-Man et Spider-Man Homecoming se détachent aussi de l’esprit du personnage initial pour n’en conserver que l’enveloppe.

Pourtant, l’apparition de Peter Parker et de son alter ego costumé dans Captain America : Civil War avait été une excellente surprise. Si l’on excepte un choix curieux concernant sa tante (la vieille dame malade et inquiète se muant inexplicablement en belle quinquagénaire ne laissant pas Tony Stark indifférent), cet homme-araignée avait tout pour nous séduire. Jeune, inexpérimenté, plongé dans un combat aux proportions gigantesques, tirant malgré tout son épingle du jeu grâce à ses capacités physiques hors du commun, son inventivité surhumaine et son sens de l’humour permanent, il nous offrait une version alternative très proche de l’esprit insufflé originellement par Stan Lee tout en s’inscrivant habilement dans l’univers très codifié des Avengers. Mais il semble que cette approche ne fonctionnait qu’au sein d’un film choral. Redevenu le centre de toutes les attentions, cet homme-araignée nous semble bien superficiel. Si la nature même du Peter Parker des origines résidait dans sa capacité à accumuler les problèmes insolubles, celui incarné par Tom Holland en est l’exact opposé. Le traumatisme de la mort de son oncle semble ne plus exister, la fragilité de sa tante l’empêchant de révéler son identité secrète a disparu, son impopularité au lycée n’a plus cours, bref voici un adolescent sympathique et bien dans sa peau dont la vie s’avère bien trop lisse pour nous intéresser.

Spider-Man star de Youtube

Le leitmotiv associant le grand pouvoir aux grandes responsabilités n’est plus d’actualité. Si Peter joue à voltiger entre les buildings et à lutter contre les méchants, c’est pour pouvoir devenir une star de Youtube puis plus tard briller aux yeux de Tony Stark dans l’espoir de rejoindre un jour son équipe de manière officielle. En termes d’enjeux dramatiques, on a connu mieux ! D’ailleurs notre homme araignée semble incapable de faire quoi que ce soit sans l’assistance des adultes (autrement dit les « vrais » héros, plus expérimentés que lui). Son costume high-tech lui est fourni par Stark Industries, Iron Man vient le tirer des pires situations, Happy le chaperonne en essayait vainement de faire sourire les spectateurs… La métaphore du passage à l’âge adulte et de l’acquisition d’autonomie en prend un sacré coup. Même les scènes d’action peinent à maintenir l’intérêt du spectateur. Copiées sur les films précédents (la séquence du ferry est une imitation appauvrie du combat contre le Dr Octopus dans le métro de Spider-Man 2) ou parfaitement illisibles (le climax dans les airs), elles n’offrent rien de mémorable. Reste Michael Keaton, impeccable comme toujours, le charisme précoce de Tom Holland qui aurait mérité un personnage bien plus profond, et un coup de théâtre prometteur en début de troisième acte qui n’a hélas aucune conséquence. C’est bien là le problème majeur de Spider-Man Homecoming. Aucun des actes de notre héros n’a de répercussion à court ou long terme, à l’image de cette love story insipide qui ne sert que de tremplin pour un éventuel épisode suivant.

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

ALIEN COVENANT (2017)

Ridley Scott reprend en main la franchise Alien en prolongeant les péripéties de Prometheus sous un angle désespérément misanthrope

ALIEN COVENANT

2017 – USA / GB

Réalisé par Ridley Scott

Avec Michael Fassbender, Katherine Waterson, Billy Crudup, Danny Mac-Bride, Demian Béchir, Jussie Smollet, Amy Seimetz, Callie Hernandez

THEMA EXTRA-TERRESTRES I SAGA ALIEN

En 2012, Ridley Scott renouait avec la Science-Fiction avec Prometheus pour jeter les bases du plus terrifiant monstre de l’histoire du cinéma : le xénomorphe. A la fin du film, nous avions laissé le Docteur Elisabeth Shaw (Noomi Rapace), seule en compagnie de l’androïde David sur l’hostile planète LV-223 après la destruction du Prometheus. Après avoir découvert un second vaisseau appartenant aux Ingénieurs, les deux derniers survivants de cette funeste mission d’exploration repartent dans l’espace pour se rendre vers la planète de ces êtres qui ont probablement créé la race Humaine. Nouvel épisode de la saga, Alien Covenant se situe dix ans après l’action du premier film et narre les aventures de l’équipage de l’astronef du même nom, censé rallier la planète Aurigae 6 pour y établir une colonie humaine de 2000 personnes.

Le film démarre sur une séquence spatiale qui rappelle aux protagonistes les dangers de vouloir explorer la galaxie. Suite à un problème technique, un incendie se déclare et tue l’un des personnages alors qu’il se trouve encore dans son caisson d’hibernation. A la suite de cette péripétie, deux membres d’équipage effectuent une sortie en scaphandre pour réparer la voile solaire du vaisseau. Au cours de cette excursion en apesanteur, l’un des deux protagonistes capte une transmission radio d’origine inconnue. Après avoir localisé la source, le capitaine en second décide contre l’avis de son premier officier (Katherine Waterson) de mettre le cap sur cette planète qui semble offrir les garanties pour l’établissement des 2000 colons cryogénisés que transporte le Covenant. Croyant trouver le paradis à des milliers de milliards de kilomètres sur lequel vit David (Michael Fassbender), l’unique survivant du Prometheus de la Terre, les 15 membres d’équipages vont, comme on s’en doute, très vite déchanter.

Les deux visages de Michael Fassbender

Nettement plus horrifique que ne l’était son prédécesseur, Alien Covenant montre l’évolution du xénormophe créé par HR Giger en 1979 tel que nous le connaissons aujourd’hui. Dans ce nouveau métrage, Ridley Scott veut aussi montrer que l’action et la réflexion ne sont pas incompatibles. Il suit pour cela un chemin qui évoque par moments celui emprunté par Stanley Kubrick dans 2001 l’Odyssée de l’Espace. Côté acteurs, Michael Fassbender campe à la perfection un David à la recherche de nos origines dont le cynisme n’a d’égal que la gentillesse de son alter ego Walter. Katherine Waterson joue le rôle de Daniels qui est un mélange de Ripley et d’Elisabeth Shaw. Ce qui est une lourde tâche pour l’actrice au vu de l’héritage laissé par Sigourney Weaver dans les quatre premiers Alien, et de Noomi Rapace dans Prometheus. Billy Crudup est, quant à lui, parfait en capitaine en second écrasé par le poids de responsabilités soudaines. Le film n’est pas un chef d’œuvre et pêche parfois par une certaine lenteur, mais il ne manque pas de qualités. Les images sont superbes et, admettons le, on se surprend parfois à trembler aux apparitions de la créature. Même si l’effet de surprise est un peu passé, le final, cynique à souhait, donne envie de savoir ce qui se passera dans un hypothétique prochain chapitre…

 

© Antoine Meunier

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

GET OUT (2017)

Il est noir, elle est blanche, comment les parents vont-ils réagir ? De façon un peu excessive, mais pas comme on pouvait s'y attendre…

GET OUT

2017 – USA

Réalisé par Jordan Peele

Avec David Kaluuya, Allison Williams, Bradley Whitford, Caleb Landry Jones, Catherine Keener

THEMA MEDECINE EN FOLIE

Jordan Peele (célèbre aux USA pour les sketches hilarants de son duo Key and Peele) l’avoue : l’idée de son étonnant scénario lui est venue d’un numéro de stand-up d’Eddie Murphy, narrant les difficultés de la première rencontre avec les parents de sa petite amie blanche. Etre un Noir outre-Atlantique semble toujours être aussi difficile en 2017, et une véritable sinécure sous le gouvernement Trump. Motivé, Peele a écrit et réalisé ce premier long spontané et intelligent, soutenu par la prestigieuse maison Blumhouse, qui ne craint pas la subversion (cf la trilogie American Nightmare). Ce qui surprend tout d’abord, c’est l’originalité du traitement. Get Out est un film de genre, oui, mais les saillies horrifiques ne sont là que pour servir la force du propos : imaginez un épisode de La Quatrième dimension réalisé par Spike Lee. Les références sont nombreuses et non attendues, flattant le cinéphile amoureux de fantastique à portée philosophique : paranoïa à la Polanski, sujet proche de celui de Seconds de Frankenheimer, coups de coude aux Femmes de Stepford, déviances cliniques évoquant le Society de Brian Yuzna, le tout saupoudré d’un cynisme grinçant et politique digne de Romero (La Nuit des morts-vivants est ouvertement cité dans l’épilogue).

Peele s’affranchit néanmoins de ses illustres aînés en proposant un ton et un rythme très personnels, et fait preuve d’une belle rigueur scénaristique, chaque élément intriguant trouvant une explication logique (ou gentiment tirée par les cheveux) in fine, et chaque petit détail anodin se révélant pièce maîtresse d’un puzzle élaboré. Rien n’a donc été laissé au hasard pour provoquer l’effet escompté, à savoir un insidieux malaise qui s’installe au fur et à mesure que notre héros découvre les méandres de sa belle-famille, mais aussi des instants effrayants qui évitent brillamment le piège du jump scare, se basant uniquement sur des visions furtives, des images dérangeantes (le jardinier qui pique un sprint face caméra, les sourires glaçants de la gouvernante) et de réjouissants sursauts gore. Peele connaît donc ses classiques, mais là où il s’élève au-dessus de ses pairs, c’est dans la force et la singularité de son message humaniste, qui envoie un reflet peu reluisant à la gauche caviar américaine. En effet, ici les cibles ne sont pas comme souvent les réactionnaires primaires mais bel et bien les démocrates qui ont voté Obama et pratiquent une discrimination positive et hypocrite. Pire que la haine crasseuse de l’extrême-droite ou la peur inconsidérée de l’étranger propre aux républicains, le racisme larvé de cette communauté WASP s’insinue dans la moindre remarque « empathique » à l’égard de ce jeune Black qui fait figure de trophée, adulé, convoité et envié pour sa soi-disant supériorité biologique et sexuelle, ainsi que sa « coolitude » unique.

Discrimination positive ?

Le discours est revigorant, subtil et inattendu, servi au cordeau par des comédiens très bien dirigés, l’excellent Daniel Kaluuya (Black Mirror, Sicario) en tête, mais aussi Catherine Keener et Bradley Whitford, vénéneux en diable, et la surprenante Allison Williams (Girls). Peele se permet même le clin d’œil geek ultime en confiant le rôle furtif du grand-père à Richard Herd, le big boss des Visiteurs de la série V originale ! Ce serait mentir de dire que Get Out n’évite pas les écueils liés aux premiers essais, notamment quelques moments comiques avec Lil Rel Howery un peu téléphonés (bien que drôles), un Caleb Landry Jones à la limite du cabotinage, une deuxième partie trop explicative (justifiée avec roublardise par le script), et une résolution qui confond vitesse et précipitation. Cependant le grand écart couillu entre savoureux bis du samedi soir et fable corrosive est exécuté avec tant d’ardeur à l’ouvrage qu’on ne peut qu’applaudir des deux mains et célébrer une telle créativité. Le succès surprise (et historique) du film aux Etats-Unis permet même d’espérer une suite qui lèverait le voile sur les arcanes de la mystérieuse « Coagula »…

 

© Julien Cassarino

Partagez cet article

LA CHUTE DE LA MAISON USHER (1960)

La première d'une série de somptueuses adaptations des écrits d'Edgar Poe par Roger Corman

THE FALL OF THE HOUSE OF USHER

1960 – USA

Réalisé par Roger Corman

Avec Vincent Price, Mark Damon, Myrna Fahey, Harry Ellerbe, Eleanor LeFaber, Ruth Oklander, Geraldine Paulette

THEMA FANTÔMES I SAGA EDGAR POE PAR ROGER CORMAN

En 1960, Roger Corman avait déjà réalisé une bonne trentaine de longs-métrages, principalement des films de science-fiction bon marché peu susceptibles d’entrer dans les annales. Mais en trouvant une nouvelle source d’inspiration auprès d’Edgar Poe, il donna un second souffle à sa carrière et réalisa huit petits chefs d’œuvre du cinéma d’épouvante, souvent cités en référence par maints cinéastes du genre. Premier de la série, La Chute de la Maison Usher s’inspire de la nouvelle homonyme que Poe écrivit en 1857. L’écrivain américain n’ayant pas son pareil pour installer une atmosphère oppressante dès les premières phrases de ses récits, celui-ci ne déroge pas à la règle. Traduit par Charles Baudelaire, « La Chute de la Maison Usher » s’amorce ainsi : « Pendant toute une journée d’automne, journée fuligineuse, sombre et muette, où les nuages pesaient lourds et bas dans le ciel, j’avais traversé seul et à cheval une étendue de pays singulièrement lugubre, et enfin, comme les ombres du soir approchaient, je me trouvai en vue de la mélancolique Maison Usher. »

« J’avais lu cette nouvelle pour un devoir de classe, mais je l’avais tellement aimée que j’ai demandé à mes parents de m’offrir l’œuvre complète de Poe pour un anniversaire ou pour Noël », raconte Corman. « Qui aurait pu croire que, vingt ans plus tard, je transposerais à peu près une demi-douzaine de ces histoires à l’écran ? » (1) Soucieux de retranscrire l’ambiance sinistrement romantique de l’auteur, le cinéaste fit bâtir plusieurs décors extrêmement stylisés, entièrement en studio, notamment un château et une forêt embrumée qui allaient être réutilisés dans pratiquement tous les autres films de la série. Rédigé par le très talentueux Richard Matheson, le scénario s’attache au personnage de Philip Winthrop, qui arrive à l’improviste dans la demeure des Usher afin de rendre visite à sa fiancée Madeline. Il est accueilli par Roderick, frère de Madeline et dernier d’une lignée vouée à la folie héréditaire. Madeline présente un état de santé précaire tandis que Roderick semble affecté d’une acuité démesurée de tous les sens. La maison elle-même est sujette à de violentes secousses et une inquiétante fissure court le long de la façade. Bientôt, Madeline succombe à son étrange maladie et vient rejoindre ses ancêtres dans le caveau familial. Mais est-elle vraiment morte ?

Madeline est-elle vraiment morte ?

Malgré son très petit budget, estimé à 750 000 dollars, La Chute de la Maison Usher n’a jamais l’air d’un film fauché, et s’avère autrement mieux maîtrisé que maintes productions antérieures de Roger Corman. La narration est plus ou moins fidèle à celle de la nouvelle initiale, mais le cinéaste s’est surtout attaché à en retranscrire l’ambiance pesante et mélancolique, qu’il a traduit non seulement par les magnifiques décors de Daniel Haller, mais aussi par la bande musicale triste et angoissante de Les Baxter, et surtout par le jeu habité de Vincent Price. Ce dernier est l’interprète idéal des obsessions et des phobies décrites par Poe, et malgré ses mémorables prestations précédentes dans d’autres œuvres du genre telles que L’Homme au Masque de Cire ou La Mouche Noire, c’est La Chute de la Maison Usher qui le fit définitivement accéder au statut de star incontournable du cinéma d’épouvante. Presque méconnaissable dans le rôle d’un Usher livide, glabre et les cheveux blancs tirés en arrière, il porte une bonne partie du film sur ses épaules et deviendra le héros récurrent de la majeure partie des autres épisodes du formidable cycle Roger Corman/Edgar Poe.


(1) Extrait de la biographie “Comment j’ai fait 100 films sans jamais perdre un centime” par Roger Corman et Jim Jerome, publiée en 1990

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

LES GARDIENS DE LA GALAXIE VOLUME 2 (2017)

Une séquelle aussi déjantée que le premier opus, avec Kurt Russell dans le rôle d'une figure paternelle inattendue

GUARDIANS OF THE GALAXY VOLUME 2

2017 – USA

Réalisé par James Gunn

Avec Chris Pratt, Zoe Saldana, Dave Bautista, Michael Rooker, Karen Gillian, Pom Klementieff, Kurt Russell, Sylvester Stallon

THEMA SUPER-HEROS I SPACE OPERA I SAGA AVENGERS I MARVEL

Le succès artistique et commercial du premier Gardiens de la Galaxie tenait presque du miracle. Malgré des contraintes marketing de plus en plus exigeantes, les patrons du Marvel Studio avaient en effet laissé la bride sur le cou de James Gunn. Cette liberté s’avéra payante, au point que l’auteur de Tromeo & Juliet se vit offrir les mêmes conditions de travail pour écrire et réaliser la séquelle. Conscient du traitement de faveur dont il bénéficie, Gunn parvient à préserver l’essence du film précédent en prolongeant les aventures de son groupe d’anti-héros intersidéraux. Non content d’approfondir les personnalités de chacun d’entre eux et de resserrer leurs liens, le réalisateur de Horribilis garde une liberté de ton et une spontanéité inespérées pour une superproduction au budget surdimensionné. La scène du générique elle-même témoigne du grain de folie intact de James Gunn. Alors que les Gardiens de la Galaxie affrontent une gigantesque et tentaculaire entité extraterrestre venue s’emparer d’une source d’énergie qu’ils sont chargés de protéger, Baby Groot se lance dans une chorégraphie délurée et délirante. La bataille, qu’on imagine homérique, n’a lieu qu’à l’arrière-plan. Elle est floue, la plupart du temps hors-champ, car la caméra reste attachée à Groot pour nous offrir un long morceau musical en plan-séquence. Gunn annonce d’emblée la couleur : tout est une question de point de vue. Il accepte ainsi de jouer le jeu du Marvel Cinematic Universe et de ses règles à condition de conserver sa singularité.

Les personnages principaux étant désormais connus du public, le film ne cherche plus à nous les présenter et les traite comme une sorte de famille recomposée et dysfonctionnelle. Leurs liens se resserrent et s’inversent même parfois. Ainsi Groot n’est-il plus le grand frère de substitution de Rocket puisqu’il est retombé en enfance. Désormais, c’est le raton laveur hargneux qui veille sur l’être végétal miniature. Peter Quill et Gamora se rapprochent et s’avouent à demi leurs sentiments. Le jeu minimaliste de Chris Pratt, plus proche que jamais de celui d’Harrison Ford, laisse entrevoir les failles d’un personnage moins insouciant qu’il n’y paraît. Le surgissement d’un père inattendu (Kurt Russell, parce que Gunn vénère New York 1997), la découverte de nouvelles perspectives sur l’univers, l’éveil d’une passion inavouée envers la fille de Thanos brisent quelque peu son apparente désinvolture. 

L'expression d'une certaine sensibilité

Gamora elle-même redéfinit ses relations conflictuelles avec sa sœur Nebula. Quant au massif Drax, il semble découvrir l’âme sœur chez la timide Mantis, leur relation improbable s’appuyant sur un humour décalé non dénué de sentiments. Car l’émotion est souvent sollicitée dans Les Gardiens de la Galaxie volume 2, ce qui peut à priori surprendre. L’action échevelée, les effets spéciaux ultra-spectaculaires et l’humour déjanté n’empêchent donc pas l’expression d’une certaine sensibilité. Elle surgit des recoins les plus inattendus du métrage et se déploie au cours de l’ultime séquence du film, rythmée sur l’émouvant « Father and Son » de Cat Stevens.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

KONG: SKULL ISLAND (2017)

Un King Kong grand comme une montagne affronte des militaires des années 70 dans ce reboot destiné à lancer une nouvelle franchise

KONG: SKULL ISLAND

2017 – USA

Réalisé par Jordan Vogt-Roberts

Avec Tom Hiddletson, Brie Larson, Corey Hawkins, Toby Kebbell, Samuel L. Jackson, John Goodman, John C. Reilly

THEMA SINGES SAGA KING KONG I MONSTERVERSE

Face à la déferlante des films Marvel, le studio Warner a bien du mal à tenir la distance, malgré le déploiement des aventures croisées de Superman, Batman, Wonder Woman, Flash et consorts. Pour mettre toutes les chances de son côté, la major tente donc de mettre en place une saga parallèle en remplaçant les super-héros par des grands monstres. Pourquoi pas ? Le succès du remarquable Godzilla de Gareth Edwards laissait entrevoir bien des opportunités, notamment un crossover titanesque qui opposerait le dinosaure de la Toho avec King Kong. Cependant, un problème de taille se posait. Kong mesurant six mètres de haut et Godzilla plus de cent mètres, un tel combat eut été absurde. C’est un peu comme si un dragon affrontait un chihuahua. Qu’à cela ne tienne : le nouveau King Kong sera désormais grand comme une montagne. Dicté par la volonté de créer une franchise et non celle d’établir un récit s’appuyant majoritairement sur sa dramaturgie, ce choix empêche hélas toute interaction digne de ce nom entre le grand gorille et les humains, malgré la tentative très maladroite de construction d’une relation émotionnelle entre le personnage féminin incarné par Brie Larson et le grand monstre poilu. 

Situé au début des années 70, Kong : Skull Island mange un peu à tous les râteliers. Si son prologue est un clin d’œil appuyé à Duel dans le Pacifique de John Boorman, le reste du métrage évoque les productions Jerry Bruckheimer des années 90, collectant quelques têtes d’affiche sur le retour (John Goodman, Samuel L. Jackson), saturant la bande son de chansons cool (en l’occurrence tous les clichés musicaux associés habituellement à la période de la guerre du Vietnam) et enchaînant les plans iconiques qui semblent tous êtres conçus pour agrémenter la bande-annonce du film. Certes, ce nouveau Kong regorge de séquences d’action extrêmement récréatives, notamment la première attaque de Kong contre les hélicoptères, et nous offre une faune de mutants antédiluviens pour le moins surprenants (avec une mention spéciale pour l’araignée géante et le céphalopode que Kong transforme en suhsi). 

Monstres mutants et hélicoptères

Mais comment rivaliser face au superbe King Kong de Peter Jackson, tellement plus innovant, surprenant, impressionnant et émouvant ? D’autant que les ambitions de Kong : Skull Island se limitent rapidement à un enchaînement de morceaux de bravoure, lesquels pourraient tout à fait s’intervertir sans perturber le moins du monde la trame d’un scénario préférant l’accumulation à l’évolution. Plus le film avance, plus il nous semble regarder un téléfilm SyFy dont le budget effets spéciaux aurait été miraculeusement boosté. Et que dire de ces indigènes aux jolis maquillages multicolores qui n’ont absolument aucun rôle à jouer dans le film ? Ou de ce post-générique embarrassant, tellement calqué sur ceux de Marvel qu’on s’attend à tout moment à voir surgir Tony Stark ou Nick Fury ? On saluera tout de même le travail du compositeur Henry Jackman dont le déferlement orchestral, difficile à apprécier pendant le métrage, se déchaine avec une belle emphase au cours du générique de fin.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article