TRULY, MADLY, DEEPLY (1991)

Une femme endeuillée par la mort de son bien aimé le voit un jour revenir sous forme de fantôme…

TRULY, MADLY, DEEPLY

1991 – GB

Réalisé par Anthony Minghella

Avec Juliet Stevenson, Alan Rickman, Michael Maloney, Bill Paterson, Christopher Rozycki, Stella Maris, David Ryall

THEMA FANTÔMES

Pour son premier long-métrage, Anthony Minghella (futur réalisateur du Patient Anglais et de Cold Mountain) semble avoir voulu répondre à Always et Ghost en racontant une histoire s’appuyant sur les mêmes prémisses. Mais si le point de départ semble en tout point similaires, le traitement diffère, puisque le cinéaste a décidé de l’aborder sous le jour le plus crédible et le plus minimaliste possible, loin de la romance épique de Steven Spielberg ou de l’histoire d’amour manichéenne de Jerry Zucker. L’héroïne de Truly Madly Deeply, Nina, ne s’est pas remise de la mort de Jamie, l’amour de sa vie. Elle erre donc sans enthousiasme dans son appartement en décrépitude, envahi par les rats et les ouvriers, et mène avec monotonie ses activités de traductrice. Un soir, alors qu’elle s’abandonne à son désespoir en laissant vagabonder ses doigts sur le clavier de son piano à queue, un violoncelle se met soudain à l’accompagner… C’est Jamie, revenu d’entre les morts pour lui rendre visite (ce duo musical fusionnant l’univers des vivants et des défunts est de toute évidence l’idée la plus belle et la plus poétique du film). Passée la surprise, le jeune couple retrouve ses marques et tente un semblant de vie commune, comme autrefois. Mais peu à peu, Nina comprend que la vie avec un fantôme n’est pas décemment possible, d’autant que Jamie ramène avec lui des amis immatériels qui envahissent peu à peu l’appartement. 

Contrairement aux très hollywoodiens Patrick Swayze et Demi Moore de Ghost, pas réalistes pour un sou, Minghella a tenu à construire des personnages résolument humains. Cette approche est des plus louables, et les peines de cœur de Nina n’en sont que plus touchantes. Mais à force d’évacuer systématiquement tout glamour, le film finit par s’enferrer dans une inévitable austérité, jusqu’à susciter l’ennui et la morosité. D’autant que Juliet Stevenson ne dégage pas beaucoup de charme dans le rôle de Nina. Au fil du récit, son personnage connaît une série d’états psychologiques contraires : la tristesse successive à la perte de l’être cher, la surprise de son retour, le bonheur d’une nouvelle vie à deux, le désenchantement progressif face à la nature irréelle de cette seconde chance, l’espoir devant l’amour possible d’un nouvel homme en chair et en os…

Alan Rickman casse son image de méchant

Hélas, cette progression comportementale est traitée avec une légèreté assez déstabilisante, comme si le réalisateur tournait à l’aveuglette et laissait improviser ses comédiens. La comédienne elle-même (qui joue ici un rôle écrit sur mesure) semble ne pas savoir clairement comment appréhender son personnage. « Mon expérience personnelle m’a appris que le deuil n’est pas quelque chose de glamour », dira-t-elle plus tard à propos du film. En fin de compte, Truly Madly Deeply vaut surtout pour la présence d’Alan Rickman, à mille lieues des méchants archétypiques de Piège de Cristal et Robin des Bois. Sensible, drôle, terriblement humain, son personnage de revenant fascine, et cette prestation irrésistible (« vraie, folle et profonde », comme le suggère le titre) est un véritable enchantement, même si elle ne suffit pas à combler les trop nombreux vides du scénario de Minghella.

 

© Gilles Penso

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THE LAST WILL AND TESTAMENT OF ROSALIND LEIGH (2012)

Un seul comédien, un seul décor, il n'en faut pas plus au réalisateur Rodrigo Gudiño pour créer une atmosphère particulièrement pesante…

THE LAST WILL AND TESTAMENT OF ROSALIND LEIGH

2012 – CANADA

Réalisé par Rodrigo Gudiño

Avec Aaron Poole, Vanessa Redgrave, Julian Richings, Stephen Eric McIntyre, Charlotte Sullivan, Mitch Markowitz

THEMA DIABLE ET DEMONS

Sur le motif connu de la maison hantée, The Last Will and Testament of Rosalind Leigh parvient à prendre ses spectateurs par surprise en leur offrant un spectacle inattendu et résolument original. Féru de partis pris artistiques radicaux, le réalisateur Rodrigo Gudiño, fondateur du fameux magazine « Rue Morgue », décide de ne mettre en scène qu’un seul comédien dans un décor unique. Pour le moins osé, ce choix aurait pu donner lieu à film extrêmement statique et théâtral. Or il n’en est rien. Rosalind Leigh puise au contraire toute sa force dans sa compréhension et son exploitation du langage cinématographique pur. Le personnage central de ce récit pesant est Leon (Aaron Poole), qui retourne dans la maison de son enfance après avoir appris la mort de sa mère (Vanessa Redgrave), une femme bigote dont il s’était peu à peu éloigné jusqu’à couper les liens avec elle. Digne d’un de ces cabinets de curiosités dont raffole Guillermo del Toro, la vaste demeure est à la fois belle et hideuse, emplie de reliques propres à semer le trouble : marionnettes, statues, animaux empaillés, costumes, armes, poupées, accessoires appartenant à toutes les époques, et surtout une infinité d’objets religieux liés à un christianisme excessif aux allures de culte païen et folklorique.

Gudiño filme cette étrange maison avec une délectation communicative, laissant durer indéfiniment des travellings qui ignorent superbement le rythme traditionnel des films d’horreur modernes et soignant à l’extrême la photogénie de son film, à contre-courant de la mode envahissante du « found footage » qui privilégie le sursaut immédiat aux dépends de l’angoisse insidieuse et progressive. Ce sens de l’élégance et de la photogénie apparaît dès le générique du film, qui révèle progressivement un embryon en train de flotter. L’inquiétude s’immisce donc en douceur, amorcée par la présence d’inscriptions insolites sur les murs (« Si tu fais tomber un couteau par terre, un homme te rendra visite. Si c’est une cuiller ce sera une femme. Si c’est une fourchette, ce ne sera ni un homme ni une femme »). La Maison du Diable de Robert Wise, modèle ultime d’épouvante suggestive et non démonstrative, semble être l’une des sources d’inspiration majeures de Rosalind Leigh, à travers ses jeux habiles sur la bande son et le hors-champ.

La frayeur monte d'un cran…

Gudiño parvient à nous effrayer avec une statuette de vierge qui semble se déplacer, un grognement dans l’ombre, un escalier en colimaçon qui mène vers une pièce mystérieuse, un enregistrement vidéo troublant… Lorsque quelqu’un – ou quelque chose – pénètre finalement dans la maison vénérable, la frayeur monte soudain d’un cran. Mais le cinéaste a l’intelligence de garder la demi-mesure, de ne pas franchir le pas qui ferait basculer son huis clos anxiogène dans le grand guignol. En conservant le voile de mystère nécessaire au bon fonctionnement de son intrigue, en laissant la monstruosité roder sur le pas de la porte sans l’exposer totalement – sauf le temps d’une séquence brève et éprouvante – Rodrigo Gudiño tutoie la terreur viscérale en lui donnant les allures d’un cauchemar envoûtant et durable.

 

© Gilles Penso

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MONKEYBONE (2001)

Le réalisateur de L'Étrange Noël de Monsieur Jack mêle animation et prises de vues réelles dans un étrange trip avec Brendan Fraser et Bridget Fonda

MONKEYBONE

2001 – USA

Réalisé par Henry Selick

Avec Brendan Fraser, Bridget Fonda, Chris Kattan, Giancarlo Esposito, John Turturro, Whoopi Goldberg, Rose McGowan

THEMA RÊVES I MORT

Sous la tutelle de Tim Burton, Henry Selick avait réalisé deux longs-métrages d’animation mémorables : l’extraordinaire Etrange Noël de Monsieur Jack et le fort sympathique James et la Pêche Géante. Il était temps, pour le talentueux cinéaste, de voler de ses propres ailes. Renouant avec son goût pour la fantaisie débridée, les univers  ultra-graphiques et les effets spéciaux à l’ancienne, Selick se lança ainsi dans Monkeybone, d’après une bande dessinée de Kaja Blackley, et passa cinq longues années à financer ce projet fou. Rendu célèbre par ses prestations dans George de la Jungle et La Momie, Brendan Fraser incarne ici Stu Miley, un créateur de dessins animés dont le personnage de Monkeybone, un singe facétieux et survolté, remporte un immense succès. Malgré les royalties, les paillettes et les produits dérivés, il n’a d’yeux que pour sa petite amie Julie McElroy (Bridget Fonda) qu’il projette de demander en mariage.

Or un accident de voiture stupide le plonge soudain dans le coma. Julie, qui fut autrefois son médecin lorsqu’il souffrait de graves troubles du sommeil, va tout mettre en œuvre pour le réveiller. Pendant ce temps, Stu erre dans une cité onirique, Downtown, peuplée de créatures étranges et excentriques, parmi lesquelles figure Monkeybone lui-même, plus déchaîné que jamais. Dans cet univers alimenté par l’énergie des cauchemars, Henry Selick s’en donne à cœur joie, peuplant ses décors multicolores de monstres tous plus originaux les uns que les autres (cyclopes, méduses, guêpes géantes, démons tricéphales, crustacés à têtes humaines, yétis, serpents, éléphants pianistes), tout en mixant toutes les techniques de trucages possibles et imaginables : acteurs costumés, marionnettes, animatroniques, compositings numériques, et surtout animation image par image. Par cette bonne vieille technique qui fut le moteur créatif de ses deux précédents longs-métrages, le réalisateur donne vie au fameux Monkeybone, à qui John Turturo prête sa voix.

Un singe survolté

D’autres guest stars se bousculent dans Downtown, la moindre n’étant pas Whoopi Goldberg dans le rôle de la Mort. Stephen King lui-même aurait dû faire une petite apparition dans son propre rôle, mais son planning l’en empêcha. C’est donc un sosie, Jon Bruno, qui prend sa place. Le scénario de Monkeybone, bien plus « familial » que la sombre BD dont il s’inspire, entretient de nombreux points communs avec Cool World de Ralph Bakshi, d’autant qu’ici aussi la créature imaginée par le dessinateur s’échappe de son univers pour s’immiscer dans le nôtre et y semer une belle pagaïe. S’il excelle dans les scènes fantasmagoriques, Selick prouve aussi ses capacités de directeur d’acteur et ses dons pour la comédie, notamment dans cette séquence démente où Stu se réincarne dans le cadavre d’un gymnaste désarticulé interprété par l’étonnant Chris Kattan, transfuge du Saturday Night Live. Monkeybone est donc un excellent divertissement, bourré d’idées folles et de scènes surprenantes, qui passa pourtant inaperçu au moment de sa sortie, remboursant difficilement son budget de 75 millions de dollars, et n’eut droit qu’à une discrète distribution vidéo en nos contrées.

 

© Gilles Penso

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MADISON COUNTY (2011)

Un tueur au visage masqué par une tête de cochon surgit dans une forêt montagneuse de l'Amérique profonde…

MADISON COUNTY

2011 – USA

Réalisé par Eric England

Avec Colley Bailey, Matt Mercer, Ace Marrero, Joanna Sotomura, Natalie Scheetz, Nick Principe, Dayton Knoll, Adrienne Harrell

THEMA TUEURS

Depuis ses premiers balbutiements au milieu des années 70, le slasher, sous-genre majeur du cinéma d’horreur, a tellement été galvaudé au fil des ans qu’il est quasiment impossible de l’aborder aujourd’hui sous un angle original. Alors peine âgé de 22 ans, le réalisateur Eric England a tenu malgré tout à apposer son empreinte sur Madison County en choisissant une mise en forme brute et réaliste débarrassée de la stylisation extrême des « classiques » des années 80 (la génération Halloween et Vendredi 13) et du recul post-moderniste de ceux des années 90 (dans la foulée de Scream). Sa mise en scène épurée et efficace, aux cadres simples et à la photographie naturaliste, valorise le jeu de ses comédiens, bien moins caricaturaux qu’on aurait pu le craindre. Pourtant, chacun obéit a priori à un rôle stéréotypé et balisé : le jeune photographe sympathique (Matt Mercer) et sa jolie fiancée Brooke (Joanna Sotomura), le frère patibulaire de cette dernière (Ace Marrero) ainsi que la bonne copine blonde (Natalie Scheetz) qui en pince un peu pour un troisième larron (Colley Bailey). Le postulat lui-même semble emprunter la voie facile du cliché, puisque les cinq amis partent en voiture passer un week-end dans la forêt de l’Amérique profonde et croisent des autochtones qui les regardent d’un œil torve, tandis que quelqu’un semble rôder près d’eux. 

Mais une fois de plus, contre toute attente, Madison County s’écarte des sentiers battus. Sans recours aux effets faciles, aux « jump scares » et à l’humour potache, Eric England laisse l’inquiétude s’immiscer lentement, subtilement, par petites touches, laissant la caméra portée évoquer une menace qu’on ne voit pas encore. Le prétexte qui pousse le petit groupe à explorer cette région montagneuse reculée est une interview qu’a accepté de leur accorder David Randall, auteur d’un livre détaillant les méfaits sanglants d’un tueur en série ayant sévi dans les parages. Or l’écrivain semble avoir disparu et le serial killer ressemble de plus en plus à une légende urbaine… Jusqu’à ce qu’un tueur colossal et muet, le visage camouflé par une tête de cochon, ne surgisse soudain pour trucider tout ce qui passe à sa portée.

Pulsions sanguinaires

Même si l’allure de l’assassin masqué évoque celle du tueur cannibale de Nuits de Cauchemar et du Jigsaw du premier Saw, notre croquemitaine ne cherche pas forcément à marcher sur la trace de ses prédécesseurs, drapant sa présence de mystère sans pour autant s’ériger en une sorte d’icône toute-puissante et quasi-surnaturelle. De toute évidence, il ne s’agit de rien d’autre qu’un désaxé incapable de contrôler ses pulsions sanguinaires. La brutalité de ses meurtres a d’autant plus d’impact qu’elle est traitée crument mais sans recours aux effets gore appuyés. Lorsque Madison County approche de son dénouement, Eric England prend le parti audacieux de ne pratiquement rien nous expliquer et de laisser toutes les portes ouvertes. La frustration gagnera sans doute une partie des spectateurs, tandis que d’autres se féliciteront de ce refus du twist final traditionnel. Décidément, Madison County aura su contourner tous les lieux communs pour nous surprendre jusqu’au bout…

 

© Gilles Penso

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STAR WARS : LE REVEIL DE LA FORCE (2015)

Après la vente de Lucasfilm au studio Disney, J.J. Abrams relance la saga de George Lucas en amorçant une troisième trilogie

STAR WARS EPISODE VII – THE FORCE AWAKENS

2015 – USA

Réalisé par J.J. Abrams

Avec Daisy Ridley, John Boyega, Harrison Ford, Peter Mahyew, Oscar Isaac, Adam Driver, Carrie Fisher, Mark Hamill 

THEMA SPACE OPERA I SAGA STAR WARS

Comment trouver l’équilibre idéal entre le retour aux sources nostalgique et le renouveau radical ? Comment toucher à une saga adulée dans le monde entier depuis presque 40 ans sans se brûler les doigts ? Comment écrire et diriger un film personnel tout en sacrifiant au cahier des charges d’un studio engagé dans une titanesque opération marketing ? En y laissant des plumes, forcément. Malgré toute sa bonne volonté, son savoir-faire indéniable et ses alliés de poids (dont le moindre ne fut pas le co-scénariste Lawrence Kasdan), J.J. Abrams n’a pas pu sauver tous les meubles. Pourtant, le spectacle qu’il nous offre est de haute tenue (Le Réveil de la Force contient deux des meilleures batailles spatiales de la saga toute entière), sa mise en scène regorge d’idées visuelles souvent magistrales (ah, cette main ensanglantée qui marque un casque d’un seau indélébile et symbolise le traumatisme séminal d’un des personnages principaux !), les comédiens de la nouvelle génération crèvent l’écran et volent allègrement la vedette à « l’ancienne garde », les dialogues brillants débordent d’humour et d’émotion, la première demi-heure du film est à couper le souffle…

Mais le soufflé retombe bien vite lorsqu’il devient clair que le scénario de cet épisode 7, au lieu de narrer la quête initiatique promise par le texte déroulant du générique, se contente de s’aliéner à celui des trois premiers films de la saga dont il reproduit servilement les figures imposées. L’Empire a été rebaptisé Premier Ordre, l’Etoile de la Mort est devenue le Starkiller, les Rebelles s’appellent maintenant Résistants, le casque de Dark Vador cède le pas à celui de Kylo Ren, le leader suprême Snoke remplace l’empereur Palpatine, mais rien n’a vraiment changé. Le sentiment de déjà-vu s’installe donc durablement et nous prive de l’effet de surprise, comme si les scénaristes s’étaient efforcés de caresser les fans dans le sens du poil en leur offrant un quasi remake de la trilogie initiale. Pris au jeu de la redite, ils accumulent du coup un grand nombre d’invraisemblances et de raccourcis embarrassants. Coïncidences improbables, rencontres fortuites et révélations téléphonées jalonnent ainsi le récit et entravent sa fluidité. John Williams lui-même, prisonnier d’un carcan trop référentiel, s’auto-cite sans parvenir à nous livrer de nouveaux thèmes mémorables.

L'épisode de la transition

C’est d’autant plus dommage que de nombreux moments de grâce émergent régulièrement au fil de l’intrigue, notamment les états d’âme d’un « super-vilain » moins monolithique, plus impulsif, plus maladroit et finalement plus humain que le redoutable Dark Vador qui lui tient lieu de modèle. Star Wars 7 : le Réveil de la Force n’est donc pas vraiment le « Nouvel Espoir » tant attendu, mais il demeure largement supérieur à la seconde trilogie de George Lucas et possède un pouvoir de séduction indéniable qui, malgré ses innombrables scories, parvient à emporter l’adhésion. Le miracle n’est pas total, mais il opère tout de même. Episode de transition autant que premier volet d’une nouvelle trilogie, il balise en tout cas habilement le terrain pour un épisode 8 qu’on espère plus abouti, plus fluide et plus surprenant.

 

© Gilles Penso

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EWOKS : LA BATAILLE D’ENDOR (1985)

Une deuxième aventure consacrée aux sympathiques peluches de la planète Endor, tout aussi dispensable que le film précédent

EWOKS : BATTLE FOR ENDOR

1985 – USA

Réalisé par Jim et Ken Wheat 

Avec Wilford Brimley, Warwick Davis, Aubrey Miller, Sian Philips, Carel Struycken, Niki Botelho, Paul Gleason, Eric Walker

THEMA SPACE OPERA I SAGA STAR WARS

Suite de l’inutile Aventure des Ewoks, ce téléfilm tout aussi navrant se débarrasse d’une des aberrations de son prédécesseur – la voix off narratrice – pour s’encombrer d’une nouvelle : faire parler le Ewok vedette, comme si ses mimiques ne suffisaient pas à exprimer ses sentiments. Le scénario est, comme prévu, des plus rudimentaires, malgré le choix audacieux de faire mourir les parents et le frère de la petite Cindelle dès le prologue. La lointaine planète Endor est le théâtre de terribles affrontements : le village Ewok a été dévasté par une armée aux ordres d’un sanguinaire géant, le roi Terak. La petite Cindel, qui vit parmi les Ewoks, a été capturée et enfermée dans la forteresse du roi. Aidés par Noa, un naufragé de l’espace, les Ewoks vont tout mettre en œuvre pour délivrer Cindel et leurs compagnons des griffes de Terak.

Les masques des Ewoks sont toujours aussi rigides, comme ceux des méchants simiesques qui, malgré leur aspect assez efficacement effrayant, sont aussi peu mobiles que ceux des hommes-singes de San Ku Kaï ou Spectreman ! Le film nous gratifie tout de même de quelques monstres très réussis, à nouveau créés et animés par Phil Tippett. Les plus impressionnants d’entre eux sont les montures reptiliennes des méchants, animés avec un réalisme et un dynamisme extraordinaires. « Le design de ces créatures est plus ou moins emprunté à  celui de nos premiers dessins avec Joe Johnston, lorsque nous recherchions l’aspect des Tauntaun pour L’Empire Contre-Attaque », nous révèle Phil Tippett (1). Au final, ces monstres ont les allures de piranhas bipèdes, dont les minuscules membres antérieurs semblent empruntés à ceux des tyrannosaures. L’autre créature animée du film, héritière de la harpie de Jack le Tueur de Géants, ressemble à une autruche géante avec des pattes avant, des ailes de chauve-souris et une mâchoire abondamment garnie. Ce monstre hybride enlève la toute jeune héroïne et est pourchassée par Wicket en deltaplane. On trouve également dans le film une peluche vivante, Wick, qui se déplace à vive allure grâce à des effets visuels qui feraient pâlir de jalousie L’Homme qui Valait Trois Milliards. La bataille finale évoque irrésistiblement celle du Retour du Jedi, prélude à l’envol d’un vaisseau spatial qui redonne tardivement une dimension de space-opéra à ce film qui semblait plutôt puiser son inspiration jusqu’alors dans le serial d’aventures.

masques rigides et monstres inventifs

Diffusé le 24 novembre 1985 sur ABC puis distribué en salles sur plusieurs territoires (notamment en France), Ewoks : la Bataille d’Endor a remporté, comme L’Aventure des Ewoks, une récompense pour ses effets visuels lors de la cérémonie des Emmy Awards de 1986. Après ce mièvre diptyque, les Ewoks sont devenus les vedettes d’une série de dessins animés pour les tout-petits, diffusés entre 1985 et 1986 sur ABC aux États-Unis et sur Antenne 2 en nos contrées (le générique de la version française étant chanté par Dorothée, la superstar des enfants à l’époque en France). Jim et Ken Wheat, les deux réalisateurs et scénaristes d’Ewoks : la Bataille d’Endor, allaient par la suite passer à de la science-fiction plus adulte en co-écrivant Pitch Black.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en avril 1998

 

© Gilles Penso

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L’AVENTURE DES EWOKS (1984)

Suite à leur popularité auprès du jeune public, les gentils nounours du Retour du Jedi ont droit à leur propre film…

CARAVAN OF COURAGE : AN EWOK ADVENTURE

1984 – USA

Réalisé par John Korty

Avec Eric Walker, Warwick Davis, Fionnula Flanagan, Guy Boyrd, Aubree Miller, Burl Ives, Daniel Frishman

THEMA SPACE OPERA SAGA STAR WARS

Conformément à ce que George Lucas avait prévu, les Ewoks, héros de la bataille finale du Retour du Jedi, remportèrent un immense succès auprès du jeune public. Contreparties miniatures et affectueuses du grand Chewbacca (le mot « Ewok » inversé donne d’ailleurs « Wookie »), ces guerriers se révélèrent, derrière leur allure d’innocentes peluches, être des alliés de poids pour la lutte de Luke, Leïa et Han Solo contre les gardes impériaux dans la forêt d’Endor. C’est cette dualité qui a su séduire petits et grands, et sur laquelle Lucas comptait pour pouvoir réexploiter ces créatures en dehors du cadre de la trilogie Star Wars initiale. « Mignons » : tel était l’unique mot d’ordre donné à l’époque au designer Joe Johnston pour  trouver le look idéal de ces petits êtres poilus. « Un jour, j’ai surpris une discussion entre Gerorge Lucas et le réalisateur Richard Marquand », se souvient le superviseur des créatures Phil Tippett, qui participa lui aussi aux premières étapes du design des Ewoks. « Lucas a eu cette phrase assez surprenante pour décrire ce que devait être selon lui Le Retour du Jedi : un mixage entre La Guerre des Etoiles et Benji la Malice ! » (1)

Voici donc nos gentils nounours guerriers héros de leur propre film – ou plutôt téléfilm, même s’il fut exploité en salles chez nous – et autant dire que le résultat laisse pantois. Scénario anémique, personnages d’une redoutable fadeur, humour de bas étage, le bilan est plutôt catastrophique. Pour couronner le tout, une voix off – celle de l’animatrice Dorothée dans la VF, idole omniprésente de la jeunesse française de l’époque – paraphrase laborieusement tout ce qui se passe à l’écran, témoignage d’une fâcheuse tendance à prendre les jeunes spectateurs pour des idiots. Tout commence lorsqu’un vaisseau spatial s’écrase sur la planète forestière d’Endor. La famille Towani se retrouve accidentellement séparée. Jeremitt et Catarine sont capturés par le terrifiant Gorax, tandis que leurs enfants Mace (une espèce de sosie pré-adolescent de Mark Hamill) et Cindel font la connaissance du peuple des Ewoks qui les mène dans leur village construit au cœur des arbres. Pour retrouver leurs parents, ils partent à la rencontre de Logray, un magicien dont on dit qu’il est aussi vieux que les arbres. C’est le point de départ d’une quête semée d’embûches…

Poussif et facultatif

Diffusé sur ABC un dimanche soir de 1984, L’Aventure des Ewoks remportera un Emmy Award pour ses effets visuels qui constituent à vrai dire son seul et unique intérêt. Il faut avouer que les peintures sur verre y sont très belles et que le monstre animé image par image par Phil Tippett est une admirable réussite. Baptisé Borra, il s’agit d’une espèce de sanglier géant à la mâchoire garnie de dents acérées. « A vrai dire tous ces plans ont été filmés dans mon garage ! », nous raconte Phil Tippett. « Nous n’avions pas un très gros budget à notre disposition, et notre planning était assez court » (2). Avec des moyens réduits, de l’animation traditionnelle et quelques maquettes, Phil Tippett expérimente ainsi le savoir-faire qu’il mettra ensuite à contribution sur son remarquable court-métrage Prehistoric Beast et réalise ainsi la meilleure séquence de ce téléfilm poussif tout à fait facultatif.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en février 2015

(2) Propos recueillis par votre serviteur en avril 1998

 

© Gilles Penso

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AU TEMPS DE LA GUERRE DES ETOILES (1978)

Un téléfilm improbable et hallucinant en totale roue libre, que George Lucas n'a jamais assumé… et on le comprend !

STAR WARS HOLIDAY SPECIAL

1978 – USA

Réalisé par Steve Binder

Avec Mark Hamill, Carrie Fisher, Harrison Ford, Peter Mayhew, Anthony Daniels, Mickey Morton, Patty Maloney

THEMA SPACE OPERA I SAGA STAR WARS

En 1978, pour revoir un film qui n’était plus à l’affiche, il fallait réfréner son impatience et guetter le moment incertain où une chaîne de télévision aurait enfin la possibilité de le diffuser. Dans une telle situation, comment satisfaire tous les gamins subjugués par La Guerre des Etoiles, rêvant ardemment de retrouver leurs héros favoris dans une galaxie lointaine, très lointaine ? Réponse : en leur offrant un téléfilm réunissant les principaux protagonistes du space opera le plus populaire de tous les temps. Ainsi est né Star Wars Holiday Special. Aujourd’hui, le visionnage de ce long-métrage improbable, repoussant les limites du kitsch et du grotesque, bafouant sans vergogne les règles les plus élémentaires du bon goût, est une épreuve – que dis-je ? une torture ! – dont il est difficile de se remettre. Mais à l’époque, les enjeux n’étaient pas les mêmes. Il ne s’agissait pas encore de capitaliser sur une franchise juteuse à grands coups de produits dérivés et de marketing matraqueur, mais simplement d’égayer les soirées hivernales des jeunes téléspectateurs en leur proposant une variante modeste et décomplexée de leur film préféré. Ceci étant posé, on peut légitimement se demander quelles substances illicites absorbaient les cinq scénaristes au moment des faits.

L’intrigue met en vedette la famille de Chewbacca, autrement dit une ménagère wookie qui s’affaire en cuisine derrière son tablier, un rejeton aux traits difformes et un grand père velu aux allures de yéti. Impatients de célébrer leur rituel « Life Day », les gentils wookies s’inquiètent de ne pas voir arriver Chewbacca, ignorant que ce dernier, aux commandes du Faucon Millenium avec Han Solo, tente d’échapper aux vaisseaux de l’Empire. En attendant, le trio poilu regarde la télé, d’où une succession de numéros musicaux et « comiques » tous plus interminables et douteux les uns que les autres : des danseuses échappées d’un cirque de travestis, une émission culinaire avec un cuisinier déguisé en femme et équipé de quatre bras, une chanteuse à paillettes qui apparaît dans les fantasmes du papy, un immonde morceau pop joué par un groupe chevelu, l’intervention laborieuse d’un androïde en proie à des avaries, une comédie musicale au milieu des extraterrestres de la Cantina…

La chanson de la Princesse Leïa

En guest stars, Harrison Ford semble ne pas y croire une seconde, Mark Hamill sourit difficilement sous des tonnes de maquillage masquant les cicatrices de son récent accident de voiture et Carrie Fisher – outrage ultime – entonne une chanson pour la paix et l’amour dans le monde ! La partie du film la moins pénible est un dessin animé d’une dizaine de minutes au graphisme certes discutable – Han Solo y ressemble à Jar Jar Binks ! – mais aux trouvailles visuelles intéressantes, d’autant qu’on y découvre pour la première fois – deux ans avant L’Empire Contre-Attaque – le personnage de Boba Fett. Diffusé une seule fois, Star Wars Holiday Special fut immédiatement retiré des programmations lorsque George Lucas découvrit l’ampleur des dégâts. Nous autres, enfants de La Guerre des Etoiles, eurent la joie perplexe de découvrir cette chose étrange sur nos écrans de télévision un après-midi du mois de janvier, en 1979. Si le film n’a plus jamais été commercialisé, il circule depuis sous forme de copies officieuses, au grand dam de ce bon vieux George !

 

© Gilles Penso

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1984 (1984)

Une adaptation glaçante du classique de George Orwell, avec John Hurt et Richard Burton en tête d'affiche

1984

1984 – GB

Réalisé par Michael Radford

Avec John Hurt, Richard Burton, Suzanna Hamilton, Cyril Cusack, Gregor Fisher

THEMA FUTUR 

Cette seconde adaptation du mythique roman de George Orwell (après celle de Michael Anderson réalisée en 1956) semblait présenter toutes les caractéristiques d’une opération marketing savamment calculée. Tourné en Angleterre entre avril en juin 1984 (pour se conformer exactement aux lieux et aux dates dans lesquels se déroule le roman), soutenu par une vaste campagne publicitaire couplant sa sortie avec celle du single « Sexcrimes » interprété par le groupe Eurythmics, le film de Michael Radford n’a pourtant rien d’un blockbuster. Austère et résolument anti-hollywoodien, 1984 s’avère aussi fidèle que possible au récit dystopien dont il s’inspire et se distingue par la pertinence de son casting.

« Qui contrôle le passé contrôle le futur. Qui contrôle le présent contrôle le passé » annonce le carton d’introduction. 1984 commence par un film de propagande vantant fièrement les mérites du peuple d’Océania et montrant du doigt l’ennemi, c’est-à-dire l’armée d’Eurasia. La haine du peuple est savamment focalisée vers un certain Goldstein, bouc-émissaire idéal de cette société totalitaire ultime. Lorsque le logo du Parti apparaît plein écran, au son de trompettes patriotiques, le peuple se lève, droit comme un piquet, et effectue docilement son salut en croisant les bras en forme de V, psalmodiant « Big » pour « Big Brother ». Dans cette cité de cauchemar, les rues sont en ruine, la misère et la tristesse suintent partout, les tanks arpentent le bitume gris et sale, les trains sont tirés par de vieilles locomotives, les hélicoptères rodent devant les fenêtres pour surveiller les citoyens, les gardiens de l’ordre ressemblent à des soldats de la Wermacht et les exécutions publiques galvanisent les foules. 

« Qui contrôle le passé contrôle le futur… »

Le monde semble avoir stagné depuis les années 40, même si quelques avancées technologiques (notamment les grands télécrans interactifs qui trônent dans les appartements austères et ne s’éteignent jamais) se sont immiscées dans ce rétro-futur alternatif. Winston Smith (John Hurt) est un fonctionnaire anonyme dont le métier consiste à réécrire les articles de presse en les adaptant à la réalité souhaitée par le Parti. Mais dans le mur de son misérable appartement, Smith cache un journal intime où il couche par écrit ses pensées non contrôlées. Dans un monde où  même les romans et les chansons sont écrits par des machines, c’est bien sûr un sacrilège, premier pas vers une quête de liberté qu’on craint perdue d’avance. La première scène d’amour entre Smith et Julia (Suzanna Hamilton), dans la forêt, est emplie de désespoir et de désenchantement. On n’y ressent aucun bonheur, tout juste un peu de paix et de sérénité hélas provisoires. Car « Big Brother » et la police de la pensée veillent, représentés par O’Brien (un Richard Burton impérial à la froideur terrifiante) qui sera l’interrogateur,  le juge et le bourreau du couple. « Il ne suffit pas de rester vivant », dira Smith alors que tout est mis en œuvre pour briser son esprit. « C’est rester humain qui est important ». Désespérément prophétique dans ses mises en garde contre la privation progressive de nos libertés, le roman d’Orwell aura trouvé par le biais de Michael Radford son idéale mise en forme cinématographique.

 

© Gilles Penso

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MOBY DICK (1956)

La mise en scène de John Huston et la prestation de Gregory Peck donnent corps au célèbre roman d'Herman Melville

MOBY DICK

1956 – USA

Réalisé par John Huston

Avec Gregory Peck, Richard Basehart, Leo Genn, James Robertson Justice, Harry Andrews, Bernard Miles, Noel Purcell

THEMA MONSTRES MARINS

Cette adaptation du roman qu’Herman Melville publia en 1851 est probablement la plus flamboyante et la mieux écrite de toutes, effaçant dans son sillage les deux versions précédentes (The Sea Beast de Millard Webb en 1926, et Moby Dick de Lloyd Bacon en 1930, lesquelles mettaient toutes deux en vedette John Barrymore). Cette réussite incombe d’abord au romancier Ray Bradbury et au cinéaste John Huston, qui ont su tirer du texte initial un scénario grandiose, emphatique, agrémentant les répliques de ses personnages de saillies exagérément littéraires pour mieux souligner l’aspect symbolique de l’aventure. Le travail d’Huston se distingue également par ses choix de mise en scène, précis, minutieux, jamais grandiloquents malgré l’incroyable maîtrise de la reconstitution des séquences marines. Les comédiens, enfin, portent une bonne partie de ce chef d’œuvre sur leurs épaules, Gregory Peck en tête, inoubliable en capitaine Achab au visage partiellement abîmé et vieilli, portant les stigmates indélébiles de son affrontement avec la grande baleine blanche. Illuminé, possédé, déraisonnable, il reflète à lui seul tous les excès de la nature humaine lorsque l’amour-propre et la fierté ont été mis à mal. Véritable superstar de l’époque (notamment grâce à La Maison du Docteur Edwards et Le Procès Parradine d’Alfred Hitchcock), Peck permit à Huston de mettre enfin en branle la production du film, qui restait au fond d’un tiroir chez Warner Bros à cause de son caractère pessimiste et de son absence totale de romance (deux sacrilèges aux yeux des grands studios !).

Orson Welles fut à une époque envisagé pour endosser la défroque d’Achab, tout comme Huston lui-même. Face à Gregory Peck, on trouve l’officier Starbuck, un second bigot qui ne cesse de craindre la colère divine, campé par un Leo Genn très habité, ainsi qu’Ishmael, narrateur de l’invraisemblable récit, incarné par Richard Basehart. Et puis il y a la baleine elle-même, merveille technique qui mêle maquettes miniatures filmées en bassin aux studios Shepperton et portions mécaniques grandeur nature acheminées en mer sans que le public ne parvienne à déceler la nature exacte des effets spéciaux, tant ceux-ci sont habilement intégrés aux prises de vues réelles. Le monstre marin entraîna d’ailleurs de sérieux réaménagements du planning et d’inévitables inflations budgétaires, dans la mesure où ses séjours prolongés dans l’eau et ses mises en pièce régulières nécessitèrent de perpétuelles reconstructions du modèle articulé recouvert d’une peau en caoutchouc. 

Montée en puissance

Les différentes séquences d’affrontement entre l’équipage et le titanesque cétacé montent en puissance, jusqu’au duel final, au cours duquel la mâchoire démesurée du monstre marin fend les eaux, emporte les hommes et détruit les embarcations, en une folie destructrice insensée. En ces moments forts très inspirés, Huston nous montre à quel point Achab et Moby Dick semblent être les deux facettes d’un seul être, comme Jekyll et Hyde, leur haine réciproque les vouant à une perte simultanée. Bref, un grand film, lyrique en diable, auquel on pourra simplement reprocher un démarrage sans doute trop lent et une poignée de séquences un tantinet théâtrales.

 

© Gilles Penso