LE SEUIL DU VIDE (1974)

Recluse dans son appartement, une jeune femme découvre qu'une pièce condamnée donne accès à un autre pan de réalité

LE SEUIL DU VIDE

1974 – FRANCE

Réalisé par Jean-François Davy

Avec Dominique Erlanger, Jean Servais, Pierre Vaneck, Catherine Rich, Odette Duc, Georgette Anys, Claude Melki, Roland Topor

THEMA DOUBLES

Qualifié fort justement de cinéaste « inclassable » lors de la réédition en DVD de ses films phares, Jean-François Davy s’est essayé au drame (L’attentat), à l’érotisme (La débauche), au documentaire sulfureux (Exhibition), à la pornographie débridée (La Grande extase, Double pénétration et autres joyeusetés dont il fut producteur) et à la comédie (Chaussette surprise) avec comme seule ligne directrice une grande liberté de ton et une soif d’indépendance. Grâce au Seuil du Vide, il s’attaquait pour la première fois au fantastique, genre qu’il évitait jusqu’alors de peur de ne pas pouvoir accéder aux budgets nécessaires. Le scénario s’appuie sur le roman homonyme d’André Ruellan, écrit sous le pseudonyme de Kurt Steiner en 1956. De toute évidence, l’influence de Roman Polanski (et notamment de Répulsion et Rosemarys’s Baby) pèse sur ce long-métrage, notamment à travers cette protagoniste recluse dans un appartement et gagnée peu à peu par des accès paranoïaques dont on ne saurait dire s’ils sont justifiés ou non. En tête d’affiche, Dominique Erlanger (épouse de Davy à l’époque) incarne Wanda Leibovitz, une jeune femme marquée par une séparation douloureuse qui loue une chambre de bonne à Paris pour tourner la page, chasser son chagrin et s’adonner à la peinture. L’appartement est plutôt sinistre et de forme triangulaire, ce que nous démontre une vertigineuse prise de vue en plongée rendue possible grâce au tournage en studio que Davy put obtenir via son co-producteur Neyrac.

Lorsque la vieille propriétaire des lieux interdit à Wanda de pénétrer dans une chambre de l’appartement qui a été condamnée depuis de nombreuses années, le mythe de Barbe Bleue s’immisce dans l’intrigue et, bien évidemment, la jeune femme ne résiste pas longtemps à la tentation. Or derrière la porte ne se cache pas quelque inavouable secret mais un phénomène pour le moins curieux : la pièce est noire, et aucune lumière ne semble capable de dissiper les ténèbres. Voilà donc le seuil du vide annoncé par le titre. De plus en plus fascinée par cette pièce noire, Wanda décide d’y installer son chevalet car l’inspiration lui vient subitement au milieu du néant et les couleurs de ses toiles y gagnent singulièrement en richesse. Mais il y a un revers à cette médaille…

Un film aussi inclassable que son réalisateur

A mi-chemin entre la science-fiction, l’épouvante et le conte de fée, Le Seuil du Vide aborde plusieurs thèmes fascinants : la faille spatio-temporelle, le transfert des âmes, la jeunesse éternelle… Aussi inclassable que son réalisateur, le film n’entre dans aucune catégorie prédéfinie mais assume pleinement son statut fantastique, évitant l’intellectualisation et la nébulosité avec laquelle les cinéastes français avaient tendance à le traiter à l’époque. L’intrigue demeure intelligible, la mise en scène limpide, et Dominique Erlanger remportera un prix d’interprétation au festival de Trieste. Ce sera hélas la seule tentative de Jean-François Davy dans le genre, après un projet d’anticipation avorté baptisé « Le 32 décembre ». Le cinéaste reviendra à ses premières amours (les coquineries déshabillées) tandis que l’auteur André Ruellan partagera la suite de sa carrière entre les romans de SF et les scénarios de comédie (notamment celui du Distrait de Pierre Richard).

© Gilles Penso

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ARTHUR ET LA VENGEANCE DE MALTAZARD (2009)

Un deuxième épisode qui prend tout son temps pour ne pas raconter grand-chose et multiplie les flash-backs jusqu'à sombrer dans la parodie involontaire

ARTHUR ET LA VENGEANCE DE MALTAZARD

2009 – FRANCE

Réalisé par Luc Besson

Avec Freddie Highmore, Mia Farrow, Ronald Crawford, Penny Baflour, Robert Stanton, et les voix de Rohff et Gérard Darmon 

THEMA CONTES I PETITS MONSTRES I SAGA ARTHUR ET LES MINIMOYS

Le succès d’Arthur et les Minimoys appelait inévitablement une séquelle, d’autant qu’il suffisait à Luc Besson de puiser dans le matériau littéraire dont il abreuva les librairies pour concocter une nouvelle aventure avec l’auteur Céline Garcia. Mais si le premier opus surprenait agréablement par ses facéties et ses tours de force techniques, celui-ci prend plus les allures d’une opération marketing que d’un film à part entière. Prenant exemple sur quelques prestigieux aînés, le réalisateur scinde en effet sa narration en deux afin d’achever son film sur un climax appelant un troisième épisode prometteur. Le principe n’est pas mauvais en soi et a déjà largement fait ses preuves. Mais il ne fonctionne que si chaque film possède de manière autonome une structure narrative complète et cohérente, une évolution des personnages, une progression des enjeux et un rythme allant crescendo.

Rien de tel ici, hélas. Arthur et la Vengeance de Maltazard ressemble à un prologue qui n’en finit plus de mettre en place les situations sans bénéficier lui-même d’une intrigue digne de ce nom, les véritables péripéties étant visiblement réservées à Arthur et la guerre des deux mondes dont la sortie est programmée pour octobre 2010. Lorsque le film démarre, Arthur (Freddie Highmore) est au comble de l’excitation, car la fin du dixième cycle de la lune approche, ce qui va lui permettre de rejoindre enfin le monde des Minimoys et de revoir la charmante princesse Selenia. Or lorsqu’arrive le jour tant attendu, le père d’Arthur (Robert Stanton) décide de plier bagage et de quitter plus tôt que prévu la maison de sa grand-mère (Mia Farrow), suite à une altercation avec le grand-père Archibald (Ron Crawford). Alors qu’il s’apprête à partir à contrecœur, Arthur découvre un message de détresse inscrit sur un grain de riz et déposé par une araignée. Visiblement, les Minimoys sont en danger. Faisant fi de l’autorité parentale, il décide de voler au secours de ses amis, quitte à tomber dans le piège de Maltazard qui semble prêt à tout pour prendre sa revanche.

Une intrigue qui avance à pas de fourmis

Voilà un point de départ plutôt engageant. Or le scénario prend tout son temps pour raconter ce qui, honnêtement, aurait pu tenir sur quinze minutes de métrage. Lorsqu’enfin Arthur bascule dans l’autre monde, l’intrigue continue à progresser à pas de fourmis. Car dès lors le mini-rasta Max prend la vedette, entraînant le jeune héros dans un quartier populaire et anachronique empli de bestioles étranges avant de participer à un affrontement entre CRS et jeunes de banlieue – version Minimoys – assez édifiant. Certes, les idées visuelles foisonnent, notamment via les mille et une manières de convertir les insectes en véhicules ou en machines aux usages divers, et quelques séquences d’action méritent le détour, en particulier une bataille aérienne mouvementée au cours de laquelle Arthur et Bétamèche tentent d’échapper à de tenaces poursuivants. Il faut également souligner le remarquable travail de Buf, dont les images de synthèse rivalisent sans peine avec les travaux de Pixar et Dreamworks. Regrettons simplement que toute cette énergie ne soit mise au service que d’un « demi-film ».

 

© Gilles Penso

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2012 (2009)

Roland Emmerich casse tout ce qui passe à sa portée dans ce qui peut être considéré comme le film catastrophe ultime

2012

2009 – USA

Réalisé par Roland Emmerich

Avec John Cusack, Chiwetel Ejiofor, Amanda Peet, Oliver Platt, Thndie Newton, Danny Glover, Woody Harrelson

THEMA CATASTROPHES

Selon une prophétie maya, le 21 décembre 2012 marquera la date de la fin du monde, suite à l’alignement particulier des planètes de notre système solaire et à la série de cataclysmes naturels qui en découlera. Grâce à ce prétexte paranoïaque, Roland Emmerich se livre avec un enthousiasme manifeste à son exercice favori : le film catastrophe. Si Le Jour d’après faisait quelque peu illusion dans le genre, grâce à une poignée de séquences franchement impressionnantes, on ne peut pas en dire autant d’Independence Day et Godzilla, dont les effets spéciaux spectaculaires ne rachetaient pas la stupidité des intrigues et l’absurdité des relations humaines. Certes, 2012 se situe largement au-dessus du niveau artistique de ces deux blockbusters décérébrés, mais il ne brille pas tout à fait par la fraîcheur de son scénario. Car à tout bien réfléchir, nous sommes ici en présence d’un remake officieux du Choc des mondes de Rudolf Maté, un classique de 1951 dans lequel, déjà, des vaisseaux spatiaux étaient bâtis pour sauver quelques humains d’une catastrophe inexorable menaçant la Terre. Outre cette influence première, Emmerich ne peut s’empêcher de chercher l’inspiration du côté de son maître à penser Steven Spielberg. Ici, c’est La Guerre des mondes qui sert visiblement de référence, le romancier Jackson Curtis (incarné par John Cusack) marchant sur les traces de Tom Cruise en s’efforçant, lui aussi, de sauver sa famille recomposée lorsque le désastre survient.

Si l’on ajoute quelques coïncidences improbables qui relient bizarrement chaque protagoniste du drame et de grossières allusions politiques (le gouverneur de Californie qui a le même accent autrichien qu’Arnold Schwarzeneger, l’accident sous le pont de l’Alma), on comprend que 2012 ne donne pas tout à fait dans la finesse. Restent les effets spéciaux. De ce point de vue, rien à redire. Au premier tiers du film, les hostilités sont lancées avec la destruction de Los Angeles, une séquence d’anthologie qui restera dans toutes les mémoires par son ahurissante démesure. Au milieu des bâtiments qui s’effondrent à la manière d’un château de carte, le véhicule de nos héros tente d’éviter de monstrueux obstacles, du train qui déraille à l’avion qui s’écrase, tandis que les vues aériennes du cataclysme coupent littéralement le souffle. Le réalisateur de Stargate n’a donc pas perdu la main.

Destructions massives

Mais l’aspect résolument spectaculaire d’une telle scène se prive d’impact émotionnel, tant le cinéaste force le trait et exagère les péripéties. Là où Spielberg savait nous ébranler (qu’on se souvienne de l’incroyable plan-séquence de la voiture de La Guerre des mondes), Emmerich se contente d’une dynamique de jeu vidéo. Pourquoi pas ? Sauf qu’en mêlant à son jeu de destruction des détails qu’on croirait issus des attentats du 11 septembre (les habitants des buildings s’accrochant désespérément aux parois qui s’effondrent puis se jetant dans le vide), il crée un mélange des genres au goût souvent discutable. Tout 2012 est à l’avenant. Ceux qui cherchent une intrigue solide aux fortes implications humaines ont donc tout intérêt à passer leur chemin. Mais les amateurs d’effets spéciaux vertigineux et de destructions massives en auront largement pour leur argent.

 

© Gilles Penso

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L’IMAGINARIUM DU DOCTEUR PARNASSUS (2009)

Endeuillée par la mort de Heath Ledger, cette œuvre atypique propose un voyage troublant de l'autre côté du miroir de l'imagination

THE IMAGINARIUM OF DR. PARNASSUS

2009 – GB

Réalisé par Terry Gilliam

Avec Heath Ledger, Christopher Plummer, Tom Waits, Liliy Cole, Andrew Garfield, Johnny Depp, Colin Farell, Jude Law

THEMA DIABLE ET DEMONS

Désireux de revenir aux sources de ses premières œuvres, Terry Gilliam a concocté de toutes pièces une de ces histoires abracadabrantes dont il a le secret. Sur un postulat scénaristique qui n’est pas sans évoquer Le Cirque du docteur Lao de George Pal, nous découvrons les pérégrinations d’un cirque ambulant anachronique abritant le vénérable docteur Parnassus (Christopher Plummer), sa fille Valentina (Lily Cole), son comédien Anton (Andrew Garfield) et son assistant Percy (Verne Troyer). Leur numéro rétro n’attire guère les foules des cités modernes, mais ce théâtre mobile et poussiéreux abrite un secret. Grâce à un miroir magique dissimulé derrière un rideau, le docteur Parnassus a le pouvoir de faire voyager les gens dans leur propre imagination. A l’issue de chacun de ces voyages, un choix est nécessaire, et le Diable (Tom Waits) attend les visiteurs au tournant. Car Parnassus a passé un pacte avec le Malin, qui viendra réclamer Valentina dès ses seize ans révolus. Toute cette petite mécanique se grippe avec l’arrivée d’un homme étrange, Tony (Heath Ledger), qui se mêle à la troupe et semble lui-même dissimuler sa véritable nature… Film hybride et quelque peu décousu, L’Imaginarium du docteur Parnassus souffre probablement d’un trop plein d’idées et du traitement évasif d’un scénario qui eut mérité plus de rigueur.

Mais c’est également un concentré de tout ce que Terry Gilliam sait faire de mieux : des dialogues cultivant l’absurde jusqu’au surréalisme (les policiers cherchant le terme le moins vexant possible pour qualifier l’assistant nain Percy), un humour souvent désenchanté (les rencontres répétées de Parnassus et du Diable) et des séquences fantastiques prenant souvent des proportions titanesques (Tony qui cherche à atteindre les nuages grâce à une échelle immense, le flash-back dans le temple antique)… « J’ai voulu que Le docteur Parnassus soit une sorte de “best of“ de tout ce que j’avais pu faire avant », reconnaît le cinéaste (1). A l’instar du Don Quichotte qu’il prépara avec Johnny Depp et Jean Rochefort, Le Docteur Parnassus a bien failli ne jamais voir le jour suite à la mort prématurée de Heath Ledger.

Quatre acteurs pour un seul rôle

« Le choc fut terrible pour nous tous, et il n’était pas question que je recommence le tournage avec un autre acteur », raconte-t-il. « Mais toute l’équipe m’a poussé à reprendre le film et à le terminer, ne serait-ce que pour finir ce que Heath avait commencé. J’ai alors eu l’idée de faire changer son visage chaque fois qu’il traversait le miroir, puisqu’il se retrouve dans un lieu qui reflète l’imagination des gens. Voilà comment Johnny Depp, Colin Farell et Jude Law ont repris son personnage à tour de rôle. » (2) Transcendant le drame pour doter son œuvre d’un supplément d’âme nouveau, Gilliam n’a pas seulement sauvé son film. Il a également prouvé qu’un personnage peut prendre le pas sur son (ou ses) interprète(s). A tel point qu’en observant les performances respectives de Depp, Law et Farell, les superstars s’effacent et l’on jurerait continuer à apprécier le travail de Ledger sous d’autres visages. L’expérience est fascinante et quelque peu troublante, dotant le film d’une dimension inattendue.

 

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en octobre 2009

 

© Gilles Penso

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LES ZINTRUS (2009)

De petits extra-terrestres sèment la panique dans cette comédie de science-fiction sous influence manifeste de Gremlins

ALIENS IN THE ATTIC

2009 – USA

Réalisé par John Schultz

Avec Kevin Nealon, Robert Hoffman, Doris Roberts, Tim Meadows, Ashley Tisdale, Carter jenkins, Austin Butler, Ashley Boettcher

THEMA EXTRA-TERRESTRES I PETITS MONSTRES 

Avec Les Zintrus, il nous semble faire un bond vingt-cinq ans en arrière, à l’époque où les grands écrans fleurissaient de comédies fantastiques mettant en vedette des groupes d’enfants et de teenagers luttant contre une menace invisible aux yeux des adultes. Gremlins nous vient immédiatement à l’esprit, mais aussi ses imitations directes telles que les séries Critters, Troll et Ghoulies (la scène d’un alien émergeant d’une cuvette de toilettes est d’ailleurs directement issue de Ghoulies 2). Un parfum « eighties » nimbe donc cette sympathique œuvrette, ce qui n’a évidemment rien pour déplaire. Tout commence par un week-end banal que s’apprête à passer la famille Pearson dans une maison de location au milieu de la campagne américaine. Stuart, Nina, leurs enfants Tom, Bethany et Hannah, ainsi que l’oncle Nate, son fils Jake, la grand-mère Rose et les jumeaux Art et Lee prennent ainsi possession des lieux, sans se douter du « drame » qui couve. Un soir de tempête, quatre mystérieux objets atterrissent sur le toit. Ce sont des vaisseaux spatiaux transportant des extra-terrestres grands comme des Hobbits. Armés d’une technologie de pointe, ils préparent l’invasion de la Terre…

Tout simple, le concept imaginé par le scénariste Mark Burton (Madagascar, Wallace et Gromit : le Mystère du Lapin-Garou) permet de multiplier à loisir les situations loufoques, notamment grâce au système de contrôle d’esprit dont disposent les aliens, capable de télécommander les humains comme de simples marionnettes. Dès lors, rien n’empêche de transformer le petit ami de Bethany en zombie niais ou la grand-mère Rose en redoutable combattante ninja ! Pour renforcer l’opposition générationnelle propice à ce type de récit, seuls les cerveaux adultes peuvent être contrôlés, ce qui permet aux enfants d’en réchapper tout en élaborant d’habiles stratégies afin d’opposer une résistance digne de ce nom aux envahisseurs. Pistolets de paint-ball, feux d’artifice, caméra montée sur une voiture radiocommandée, fusil à patates, tous les moyens sont bons…

Le quatuor d'outre-espace

Le quatuor d’outre espace demeure bien sûr l’attraction principale du film. Intégralement conçus en image de synthèse par l’équipe de Rythm & Hues (L’Incroyable Hulk, Le Monde presque perdu), le commandant Skip, l’ingénieur Sparks et les soldats Lazer et Razor s’agitent nerveusement tout au long du métrage et compensent le réalisme approximatif de leurs textures (ils semblent directement issus d’un film d’animation) par leur forte expressivité et leur intégration parfaite dans les prises de vues réelles. Les crises d’autorité du commandant, les problèmes de conscience de l’ingénieur et l’idylle des soldats (car l’un d’entre eux est une femelle) pimentent quelque peu cette improbable invasion, jusqu’à un climax digne de Godzilla. Mais si le divertissement ne fait jamais défaut dans Les Zintrus, le scénario aurait mérité un peu plus de cynisme et de noirceur. L’humour vitriolé d’un Joe Dante manque cruellement à l’entreprise, et ce final regorgeant de bons sentiments, au cours duquel parents et enfants se réconcilient béatement autour d’une bonne partie de pêche, laisse franchement perplexe.

© Gilles Penso

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THE TRIBE : L’ÎLE DE LA TERREUR (2009)

Échoués sur une île tropicale, des amis fêtards se retrouvent confrontés à une horde de créatures primitives agressives

THE FORGOTTEN ONES

2009 – PAYS

Réalisé par Jorg Ihle

Avec Jewel Staite, Justin Baldoni, Marc Bacher, Nikki Griffin, Kellan Lutz, Helena Barrett, Mohit Ramchandani, Terry Notary

THEMA YETIS ET CHAÎNONS MANQUANTS

Vendu comme un croisement entre Predator et The DescentThe Tribe risque gros en se permettant de telles comparaisons. D’autant qu’après un pré-générique très classique situé dans les Caraïbes des années 20, le film démarre avec la finesse d’un hippopotame. Le sempiternel groupe d’amis partis festoyer pour les vacances est ainsi fidèle au poste, avec sa cohorte de clichés archétypaux : la bimbo vénale et écervelée, le beau gosse taciturne marqué par une rupture récente, le lourdaud maladroit et pseudo-comique, le sportif infidèle mais attachant, la fille futée et un peu plus intelligente que les autres… Fort heureusement, dès que le yacht emprunté par les vacanciers essuie une tempête et sombre, le film change de cap et la caractérisation s’améliore. Échoués sur une plage tropicale digne de Lost, les protagonistes se débarrassent dès lors d’une partie de leurs oripeaux caricaturaux pour gagner quelque peu en profondeur et en humanité. A peine a-t-on le temps de s’intéresser enfin à eux que les événements se précipitent sans crier gare. Car l’île est habitée par une peuplade de créatures sauvages, hargneuses et anthropophages qui ne laissent bientôt aucun répit à nos héros.

Certes, les situations qui s’ensuivent n’évitent pas certains lieux communs et font souvent écho à The Descent, justement. Mais le cadre exotique, capté dans de magnifiques extérieurs du Costa Rica, permet à The Tribe de se démarquer habilement de son glorieux aîné britannique. Quant aux créatures conçues par l’équipe de Barney Burman (membre d’une célèbre dynastie de maquilleurs spéciaux et créateur entre autres des effets de The Ring 2, Mission Impossible 3 et Star Trek), elles constituent l’attraction principale du film et savent éviterles ressemblances physiques avec les « crawlers » de Neil Marshall, malgré d’inévitables points communs comportementaux. Se dévoilant un peu plus à chaque apparition, ces monstres humanoïdes au corps velu et au faciès bestial s’affichent comme des chaînons manquants que l’évolution aurait oublié (d’où le titre original The Forgotten Ones), quelque part entre le singe, l’homme de Néanderthal et le Sasquatch. Interprétés par des cascadeurs costumés et maquillés, sans le moindre recours aux images de synthèse, ils sont au cœur de séquences de suspense plutôt bien troussées.

La belle et les bêtes

La conviction de Jewel Staite (héroïne récurrente des séries Chérie j’ai rétréci les gosses, Stargate Atlantis et Firefly) – que le réalisateur ne peut s’empêcher de mettre en sous-vêtements pour les dernières péripéties du film ! – contribue beaucoup à l’efficacité d’un récit somme toutes très simple. Dommage que certaines facilités scénaristiques jalonnent çà et là le film (bien pratique cette machette qu’on découvre plantée dans un arbre juste au moment où on en avait besoin !) et que la dernière bobine du métrage ne parvienne pas à se clore sur un climax digne de ce nom. Bref, un « creature feature » sympathique qui n’entrera certes pas dans les annales mais se laisse apprécier sans déplaisir et présente le mérite de redynamiser le thème moribond du film de yéti et de chaînon manquant.

© Gilles Penso

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THE CHILDREN (2009)

Deux familles se réunissent dans une maison de campagne pour fêter Noël, mais les enfants commencent à adopter un comportement étrange…

THE CHILDREN

2008 – USA

Réalisé par Tom Shankland

Avec Eva Birthistle, Stephen Campbell-Moore, Rachel Shelley, Jeremy Sheffield, Hannah Tointon, Eva Sayer, Jake Hathaway

THEMA ENFANTS

The Children est né sous la plume du scénariste Paul Andrew Williams, plus connu pour avoir réalisé la comédie horrifique Bienvenue au Cottage. Le postulat en est très simple. Pour fêter dignement Noël, deux familles se réunissent dans une confortable maison de campagne nappée d’un joli manteau de neige. Le cadre idyllique est quelque peu perturbé par la turbulence des enfants et les petites tensions entre adultes, mais rien de très anormal n’est à signaler… Jusqu’à ce que les charmants bambins, sous l’influence d’un virus étrange, ne se mettent à attaquer leurs aînés avec une minutie, une ingéniosité et une cruauté diaboliques. Ce point de départ est certes intrigant, mais The Children part avec un sérieux handicap, dans la mesure où le thème de l’enfant monstre a déjà largement été traité à l’écran depuis les années 50, au fil d’une filmographie jalonnée en outre de purs chefs d’œuvres (Les Innocents, Le Village des damnés, La Malédiction, pour n’en citer qu’une poignée). Comment, dans ce cas, surprendre encore le public et rivaliser avec de si prestigieux prédécesseurs ?

Il faut bien reconnaître que The Children n’évite pas les sentiers battus et évoque plusieurs fleurons du genre (y compris les très surestimés Démons du maïs), exhalant immanquablement un effet de déjà-vu. Pourtant, Tom Shankland, réalisateur jusqu’alors du thriller horrifique Waz se démarquant manifestement de la saga Saw, s’en tire ici avec les honneurs, signant une direction artistique impeccable et dirigeant ses comédiens avec beaucoup de finesse. Le réalisme des relations humaines – entre adultes, entre enfants et intergénérationnel – permet à l’horreur de s’appuyer sur un contexte crédible et familier. D’autant que le scénario transcende quelque peu ce thème classique par le biais d’un personnage passionnant : Casey (Hannah Tointon), une adolescente qui se situe à la croisée de l’enfance et du monde adulte.

À partir de quand sort-on de l'enfance ?

Protagoniste central du drame, elle découvre avant tout le monde le basculement de la situation vers le cauchemar, sans pouvoir convaincre des parents ne la prenant guère au sérieux tout en s’attirant les foudres des têtes blondes muées en créatures assoiffées de sang. Sa position au sein de l’intrigue est cruciale, car elle représente le pôle principal d’identification pour les spectateurs tout en incarnant une menace potentielle. Porte-t-elle encore suffisamment d’enfance en elle pour que le fléau la touche à son tour ? La photographie de Nanu Segal magnifie les étendues neigeuses, métaphores intelligentes de l’innocence apparente des bambins camouflant en réalité des ténèbres grandissantes. Shankland a également le bon goût d’éviter la surenchère gore très à la mode en ces périodes post-Saw et Hostel, sans pour autant se départir de la violence inhérente à son propos. Les meurtres restent donc brutaux et surprenants, fruits de stratagèmes habiles et proprement démoniaques. Quant aux enfants, ils occupent l’écran avec une présence hypnotisante et savent effrayer d’un seul regard. Bref, The Children est une indéniable réussite, même si l’ombre envahissante des classiques de Jack Clayton, Wolf Rilla, Richard Donner et consorts risque fort d’atténuer son impact.

 

© Gilles Penso

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BIENVENUE A ZOMBIELAND (2009)

Un pastiche réjouissant des films de zombies, mené par un Woody Harrelson aux allures de cowboy blasé et solitaire

ZOMBIELAND

2009 – USA

Réalisé par Ruben Fleischer

Avec Jesse Eisenberg, Woody Harrelson, Emma Stone, Abigail Breslin, Bill Murray

THEMA ZOMBIES

Après Shaun of the Dead, il semblait difficile de se lancer dans une nouvelle comédie autour des zombies sans craindre une comparaison défavorable. Ruben Fleischer a pourtant tenté sa chance, et bien lui en prit, car Zombieland est un véritable régal foisonnant d’idées folles et de péripéties endiablées. Le narrateur du film est « Columbus » (Jesse Eisenberg), un jeune homme un peu phobique qui s’est constitué un guide survie méthodique pour éviter de tomber entre les dents des zombies arpentant depuis peu les rues dévastées de la planète. Chacune des règles de ce « code de conduite » apparaît régulièrement à l’écran sous forme de gimmick visuel, dédramatisant avec panache les attaques de morts-vivants qui, par ailleurs, ont un véritable potentiel horrifique.

Par la force des choses, Columbus fait équipe avec « Tallahassee » (Woody Harrelson), un vieux loup solitaire qui arbore un look de cowboy sur le retour et s’est spécialisé dans le « zombicide ». Le film prend dès lors les allures d’un road movie mâtiné de buddy movie, ces deux hommes que tout oppose partageant un véhicule et empruntant la même route en quête d’une hypothétique oasis où les zombies n’auraient pas droit de cité. Leur chemin croise bientôt celui de deux jeunes filles (Emma Stone et Abigail Breslin) qui leur réservent bien des surprises… Si le réalisateur Ruben Fleischer, qui signe là son premier long-métrage, et les scénaristes Rhett Reese et Paul Wernick, spécialisés dans la sitcom et l’humour, débutent dans l’univers de l’horreur, force est de constater qu’ils ont intégré avec beaucoup d’intelligence la mythologie popularisée par George Romero et remise au goût du jour par Danny Boyle.

Un joyeux gunfight final

Certes, leurs morts-vivants ne traînent plus la patte mais ont tendance à piquer des sprints comme ceux de Zack Snyder. Pour autant, Fleischer refuse superbement l’emploi du shutter et de la shaky cam, gimmicks habituellement utilisés par les réalisateurs pour doter leurs zombies de mouvements saccadés et frénétiques. Le réalisme des créatures en est accru, d’autant que le vétéran Tony Gardner (Le Blob, L’Armée des ténèbres) a concocté pour le film des maquillages spéciaux impressionnants. Du coup, malgré le ton général du film, la menace représentée par les monstres cadavériques est palpable et le sentiment de danger quasi-omniprésent. Le contexte étant en place, le scénario de Zombieland peut s’en donner à cœur joie, multipliant les situations comiques inventives, cultivant un sens du plaisir coupable parfaitement assumé (entre deux frayeurs, nos héros se défoulent en démolissant un magasin de souvenirs), s’agrémentant de quelques flash-back réjouissant (notamment la séquence où Columbus rencontre sa charmante voisine de palier) et ne reculant devant aucun clin d’œil cinéphilique. Le climax, situé dans une fête foraine nocturne abandonnée, donne lieu à des séquences d’action inédites (des zombies dans une maison hantée, il fallait y penser !), à des images iconiques d’une grande force évocatrice (la vision d’une horde de morts-vivants s’agglutinant devant la grande roue éclairée est sacrément cinégénique) et à un joyeux gunfight final.

 

© Gilles Penso

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THE BOX (2009)

Le réalisateur de Donnie Darko s'empare d'une courte nouvelle de Richard Matheson pour en tirer un long-métrage insolite…

THE BOX

2009 – USA

Réalisé par Richard Kelly

Avec Cameron Diaz, James Marsden, Frank Langella, Gillian Jacobs, Michael Zegen, Celia Weston, Lisa K. Wyatt

THEMA EXTRA-TERRESTRES

The Box est un film qu’on aimerait aimer. Il possède en effet tout ce que les amateurs de science-fiction sont en mesure d’apprécier : une intrigue inspirée par une nouvelle de l’immense auteur de science-fiction Richard Matheson (L’Homme qui rétrécit, Je suis une légende), une direction artistique de haute tenue, une partition emphatique marchant sur les traces de Bernard Herrmann et – cerise sur le gâteau – un casting trois étoiles. Le réalisateur Richard Kelly considère d’ailleurs The Box comme son premier film adulte. « Donnie Darko et Southland Tales possédaient une agressivité que l’on peut associer à une sorte d’adolescence », avoue-t-il. « Avec The Box, je me suis efforcé d’acquérir un peu de maturité en m’inspirant notamment de mes parents et de leur époque. » (1)

La première demi-heure du film laisse ouverts tous les espoirs. Nous sommes au tout début des années 70, alors que la NASA est en pleine exploration de la planète Mars. Dans une petite ville des Etats-Unis, un couple sans histoire, Norma et Arthur Lewis (Cameron Diaz et James Marsden), reçoit un jour la visite d’Arlington Steward (Frank Langella), un homme énigmatique au visage à moitié ravagé qui leur remet un objet étrange en forme de boîte. Si Norma et Arthur appuient sur le bouton rouge de cette boîte, Steward leur affirme qu’ils recevront un million de dollars en liquide, mais que ce choix entraînera la mort d’un inconnu… S’agit-il d’une blague ? La proposition est-elle à prendre au sérieux ? Si oui, le jeu en vaut-il la chandelle ? Qui est ce Steward, que lui est-il arrivé, et qui sont les « employeurs » dont il parle à demi-mot ? Les questions fusent dans la tête des protagonistes et dans celle des spectateurs, et le film sait captiver par les choix moraux qu’il met en jeu. « Je m’efforce d’analyser les erreurs de comportement qui sont les nôtres, en tant qu’espèce vivant sur Terre », explique Richard Kelly. « Le scénario de The Box traite plus spécifiquement du moyen de racheter ces erreurs, et pose en substance la question suivante : les êtres humains méritent-ils une seconde chance ? Ce film est une tragédie, mais une place est laissée à l’espoir, malgré les apparences. » (2) Les intentions du cinéaste sont louables, mais la nouvelle de Matheson était courte et s’achevait abruptement, comme un épisode de La Quatrième dimension (elle fut d’ailleurs adaptée en 1986 dans le remake de la légendaire série de Rod Serling).

Entre David Lynch et Roman Polanski

En cherchant à tout prix à tirer de ce récit un film de 120 minutes, Richard Kelly se perd dans des circonvolutions scénaristiques un peu vaines et force excessivement le trait. La conviction des comédiens et le talent du réalisateur en matière de construction d’atmosphère insolite et oppressante (à mi-chemin entre David Lynch et Roman Polanski) ne suffisent pas, hélas, à rattraper un film aux prémisses pourtant si prometteuses. D’autant que certaines séquences, comme celle de la bibliothèque, frôlent dangereusement le grotesque, accumulant les effets excessifs (figurants aux comportements très bizarres, images de synthèse incongrues) là où la subtilité eut été de mise. Dommage, car les thématiques chères à Richard Kelly demeurent passionnantes et son amour de la science-fiction indéfectible. 

 

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en octobre 2009.

 

© Gilles Penso

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CLONES (2009)

Dans un monde futur, les humains resteront enfermés chez eux et leurs doubles robotiques travailleront à leur place…

SURROGATES

2009 – USA

Réalisé par Jonathan Mostow

Avec Bruce Willis, Radha Mitchell, Rosamund Pike, Ving Rhames, James Cromwell, Michael Cudlitz, Meta Golding, Helena Mattsson

THEMA FUTUR I ROBOTS

Jonathan Mostow est un solide technicien qui n’a certes jamais fait preuve d’une grande personnalité mais s’est toujours montré efficace dans le domaine de l’action et du suspense. En s’attaquant à « The Surrogates », un comics en cinq tomes créée par Robert Venditti et Brett Veldele, le cinéaste suit quelque peu la trace d’I, Robot d’Alex Proyas. Le titre français Clones est d’ailleurs hors sujet, car si le scénario aborde le motif du double, il ne s’agit nullement de duplication génétique mais d’alias robotiques. Nous sommes dans le futur. Désormais, les citoyens restent cloîtrés chez eux, télécommandant à distance des androïdes humanoïdes qui travaillent, se divertissent ou arpentent les rues à leur place. Cette mécanique parfaitement huilée s’enraye le jour où le meurtre d’un étudiant semble impliquer l’homme qui a contribué à mettre au point les doubles robotiques. Chargés de l’enquête, deux agents du FBI (Bruce Willis et Radha Mitchell) découvrent que dans le monde d’apparences qui est devenu le leur, on ne peut faire confiance à personne.

Accommodés à toutes les sauces au fil de leur longue carrière littéraire et cinématographique, les robots apparaissent ici sous un jour totalement neuf, puisqu’ils opèrent comme des métaphores de la vie par procuration symptomatique de notre vingt-et-unième siècle. Le renfermement des hommes dans leur confort personnel et leurs escapades répétées sur Internet servirent en effet de base d’inspiration aux créateurs du comics original. L’idée est géniale, car elle permet une charge cynique délectable à l’encontre de nos sociétés modernes tant axées sur l’apparence extérieure et sur les canons de beauté que dictent la mode et la publicité. Jonathan Mostow s’amuse ainsi à créer un décalage souvent comique entre l’aspect des humains (hirsutes, hagards, potelés) et celui des robots censés leur ressembler (tous élégants, athlétiques et bronzés). Bruce Willis, dans sa version robotique, arbore du coup une moumoute blonde du plus curieux effet, comme si le nec plus ultra, pour les hommes et les femmes du futur, consistait à ressembler à Ken et Barbie !

Robot pour être vrai

La satire sociale est donc l’un des moteurs de Clones, ce qui n’empêche pas Mostow de s’adonner à l’une de ses figures préférées : la séquence d’action échevelée. Il suffit de se remémorer les batailles répétées d’U-571 ou les monstrueuses poursuites en camion de Breakdown et Terminator 3 pour s’en convaincre. Ici, le morceau de bravoure est une chasse à l’homme – ou plutôt au robot – en plein trafic routier, le fugitif voltigeant et bondissant de voiture en voiture avec une agilité et une nervosité qui n’ont rien à envier aux protagonistes de la trilogie Matrix. En matière de divertissement pur, Clones remplit donc son contrat haut la main. Mais pour que le film passe à la postérité, il eut fallu que le scénario ne se contente pas d’effleurer un thème aussi captivant, que le récit n’accumule pas autant d’incohérences et que Mostow fasse preuve de plus de finesse. Clones est certes un spectacle sans failles ni temps morts, mais il est sans doute trop lisse pour convaincre totalement. A ce titre, il ressemble aux robots qu’il met en scène. Un peu plus d’humanité et de profondeur n’auraient pas fait de mal.

 

© Gilles Penso 

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