MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE (2003)

Malgré tous les écueils dressés sur sa route, Marcus Nispel a su doter le classique de Tobe Hooper d'un remake de très haut niveau

THE TEXAS CHAINSAW MASSACRE

2003 – USA

Réalisé par Marcus Nispel

Avec Jessica Biel, Jonathan Tucker, Erica Leerhsen, Mike Vogel, Eric Balfour, Andrew Bryniarski, R. Lee Ermey, David Dorfman

THEMA TUEURS I CANNIBALES I SAGA MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE

Michael Bay à la production, un réalisateur de clips derrière la caméra, un casting beau et musclé qu’on croirait issu d’une sitcom… A priori, rien de bon n’était à attendre de ce remake du chef d’œuvre de Tobe Hooper. Et bien au diable les à priori ! Massacre à la tronçonneuse version 2003 est une formidable réussite, un déferlement d’horreurs et de violence probablement aussi traumatisant pour le spectateur du 21ème siècle que pouvait l’être l’original trente ans plus tôt. La tâche était d’autant plus ardue que le personnage de Leatherface s’est mué en croquemitaine quasi-cartoonesque au fil des séquelles du premier film, et que le slasher lui-même a pris un tour rigolard et bon enfant depuis sa relecture par Wes Craven et ses trois Scream. Mais la donne a changé ici. L’homme au masque de cuir ne prête absolument pas à rire et ses sanglants méfaits font vraiment froid dans le dos. C’est que Michael Bay et son poulain Marcus Nispel se sont mis en tête d’effectuer un authentique retour aux sources. Ce parti pris s’affirme par un positionnement de l’intrigue en 1974 (avec de fausses images d’actualité d’époque en guise de prologue et d’épilogue), par un casting beaucoup plus solide et convaincant qu’on aurait pu le croire de prime abord, dominé par la toute belle Jessica Biel, et par une ambiance de terreur sourde magnifiée par la photographie de Daniel Pearl, qui signa les images du premier Massacre à la tronçonneuse.

Le scénario met en vedette cinq amis, traversant le Texas en direction du Mexique, et prenant en chemin une auto-stoppeuse étrange qui se suicide sous leurs yeux. Afin de prévenir la police locale, nos infortunés protagonistes se séparent et se heurtent à des autochtones pour le moins inquiétants. En particulier un shérif sadique et psychopathe, et un Leatherface plus déchaîné que jamais. Ancré dans une atmosphère très seventies (avec en prime le bon vieux van à la Scoo-Bee-Doo et l’inusable tube « Sweet Home Alabama » des Lynyrd Skynyrd), le film choisit de respecter scrupuleusement tous les éléments du récit original, en modifiant cependant leur agencement et parfois leur nature, histoire de réserver quelques surprises à ceux qui connaissent déjà le classique de Tobe Hooper. Il ne s’agissait tout de même pas de réitérer l’erreur du Psycho de Gus Van Sant, qui péchait par excès de fidélité. Même Marcus Nispel prend fidèlement la relève du réalisateur de Poltergeist.

L'efficacité dans la sobriété

Car à part quelques facéties visuelles qu’on croirait issues du cerveau fertile d’un Sam Raimi, comme la caméra traversant la tête trouée d’une suicidée, la mise en scène du jeune clipeur trouve son efficacité dans la sobriété de ses effets. Ce qui ne l’empêche pas d’être ciselée au millimètre près. Parmi les moments les plus marquants de ce remake, on se souviendra notamment de la course-poursuite au milieu des linges tendus, fort stressante, et surtout la fameuse séquence du crochet à viande, atrocement interminable. Du coup, ce nouveau Massacre à la tronçonneuse fait vraiment peur, et même si sa fin ouverte laisse imaginer une juteuse séquelle en cas de succès, il aura su échapper aux travers du film d’horreur à la chaîne.

© Gilles Penso

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THE DESCENT (2005)

Un groupe d'amies noue ses liens en s'embarquant dans une aventure spéléologique qui vire au cauchemar

THE DESCENT

2005 – GB

Réalisé par Neil Marshall

Avec Shauna Macdonald, Natalie Mendoza, Alex Reid, Saskia Mulder, Nora-Jane Noone, Myanna Buring

THEMA CANNIBALES

« Il y a des films d’horreur… Et il y a des films qui font peur… » Tel était le slogan un tant soit peu prétentieux de The Descent. Or, si le film ne révolutionne pas les règles du genre, il faut bien avouer qu’il se révèle d’une efficacité redoutable. Le prologue repose sur le principe classique du trauma, siège de terreurs et de démons que le protagoniste devra affronter de manière décuplée plus loin dans le film, au moment du climax. L’infortunée héroïne promise à ce peu enviable traitement est Sarah (Shauna Macdonald), une trentenaire athlétique qui partage avec ses amies la passion des sports extrêmes. Un jour, revenant d’une expédition en rafting, elle perd son époux et sa fillette dans un accident de la route dont elle sort miraculeusement indemne. Inconsolable, Sarah est prise en charge par ses amies qui, un an après le drame, décident de lui changer les idées en lui proposant une virée spéléologique. Voilà donc nos six jeunes femmes solidement harnachées, en partance pour un massif isolé des Appalaches. Jonchée d’obstacles et de chausse-trappes, cette expédition souterraine à la limite du train fantôme prend bientôt les allures d’un Vertical Limit inversé. On pense alors aux mots de Victor Hugo : « Abandonner la surface soit pour monter, soit pour descendre, est toujours une aventure. La descente surtout est un acte grave. »

Lorsqu’un éboulement bloque le chemin du retour, la ballade entre copines tourne au cauchemar. Mais ce n’est qu’un prélude à l’Enfer. Car nos six sportives ne sont pas seules dans ces ténèbres souterraines. Une horde de créatures anthropophages veille, bien décidée à en faire leur dîner… Si Neil Marshall avait fait preuve d’un goût communicatif pour les monstres classiques à l’occasion de son sympathique mais peu surprenant Dog Soldiers, il foule ici d’autres plates-bandes, gommant ses erreurs de jeunesse en livrant un film d’une noirceur étouffante et d’une précision infaillible. Le génie de The Descent est son jeu permanent avec les peurs les plus basiques de l’être humain : l’obscurité, la claustrophobie, le vertige et surtout l’inconnu.

Les monstres tapis dans l'ombre

Certes, le réalisateur cède à la tentation des « bouh je te fais peur », des entrées de champ violentes, des explosions sonores et de tout l’arsenal habituel. Mais il va plus loin, et bien souvent le spectateur se surprend à éprouver un malaise qui dépasse les effets de l’épouvante traditionnelle, comme s’il était lui-même prisonnier de cette grotte sans issue. Difficile d’imaginer que ce décor, d’un réalisme inouï, fut en réalité reconstitué de toutes pièces aux studios Pinewood. La réussite du film tient aussi beaucoup à la profondeur et à la crédibilité de ses protagonistes. Et si le trauma initial semble sans rapport avec le danger décrit plus loin, il a une vraie résonance sur le comportement de chacune d’entre elles. Quant aux « crawlers », les monstres tapis dans l’ombre, ce sont d’indéniables réussites. Même s’ils n’évitent pas le déjà-vu (on pense beaucoup à la créature de The Creep et au Gollum du Seigneur des Anneaux), ils s’avèrent franchement effrayants, Marshall refusant de recourir à la 3D au profit de prothèses classiques et de prises de vues au shutter qui dotent ces étranges cannibales d’une vivacité proprement surnaturelle.  

© Gilles Penso

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MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE 2 (1986)

Seul Tobe Hooper pouvait oser doter son chef d'œuvre éprouvant d'une séquelle aussi délirante

THE TEXAS CHAINSAW MASSACRE 2

1986 – USA

Réalisé par Tobe Hooper

Avec Dennis Hopper, Bill Johnson, Caroline Williams, Jim Siedow, Bill Moseley, Bill Johnson, Ken Evert, Harlan Jordan, Kirk Sisco

THEMA TUEURS I CANNIBALES I SAGA MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE

En donnant une suite à son mythique Massacre à la tronçonneuse, Tobe Hooper décide de changer de ton, comme l’annonce le poster du film qui parodie celui de Breakfast Club. Ici, le cinéaste cède ouvertement aux courants stylistiques des années 80. Au réalisme brut du premier opus, il oppose des décors baroques, une musique électro-rock, des couleurs saturées, des effets spéciaux excessifs et un second degré très présent. De là à parler de trahison du concept initial, il n’y a qu’un pas. Pourtant, les choses ne sont pas si simples. Après un texte d’introduction nous apprenant que la seule survivante du film précédent est tombée dans un état de catalepsie et que l’enquête menée au Texas par la police n’a pas pu prouver son témoignage, nous assistons à une course poursuite entre la voiture de deux supporters de foot passablement éméchés et une camionnette sur le toit de laquelle Leatherface, tronçonneuse à la main, s’adonne à son sport favori : l’équarrissage humain. Le meurtre passe en direct à la radio (les victimes étaient en train de téléphoner à la station locale) et l’animatrice Vantia « Stretch » Brock (Caroline Williams) décide de mener sa propre enquête. Elle joint ses forces à celles du lieutenant « Lefty » Enright (Dennis Hopper), décidé à venger coûte que coûte la mort de son frère découpé par la famille cannibale.

Si cette séquelle frôle souvent la parodie (il faut voir Dennis Hopper s’acheter des tronçonneuses et les essayer comme s’il s’agissait de colts !), le caractère dérangeant du propos est loin d’avoir été évacué. C’est là toute l’étrangeté et le paradoxe de Massacre à la tronçonneuse 2. Certains meurtres sont particulièrement brutaux (le massacre au marteau du collègue de Stretch n’en finit plus), certaines allusions érotico-déviantes vont assez loin (Leatherface substitue visiblement son pénis à sa tronçonneuse qu’il promène fébrilement entre les cuisses de Stretch), et le mythe universel de la Belle et la Bête est abordé frontalement quand le tueur au masque de cuir s’éprend de la jeune femme. Lorsque Stretch, telle Alice au Pays des Merveilles, fait une chute vertigineuse qui l’entraîne jusque dans le repaire souterrain des bouchers anthropophages, c’est aux Enfers que Tobe Hooper nous emmène. Halluciné, Hopper s’exclame d’ailleurs « ici vient s’ébattre le malin » en découvrant des kilos de viscères sanglantes s’écoulant mollement à ses pieds.

« Ici vient s'ébattre le malin ! »

Dès lors, l’humour n’a plus droit de cité, et dans cette escalade cauchemardesque, le cinéaste atteint le point de non-retour avec une scène désormais entrée dans la légende : Leatherface appose sur le visage de sa dulcinée le masque de chair de son ami. Ce moment éprouvant trouvera son écho dans Le Silence des agneaux et The Devil’s Rejects. Mais ici, comble de l’horreur, la victime à moitié écorchée est encore vivante ! Et c’est le spécialiste des maquillages gores Tom Savini qui est sollicité pour visualiser de manière très graphique les meurtres et les mutilations, ce qui faillit faire échouer le film dans le ghetto du classement X. Cette séquelle s’achève sur un duel hallucinant à coups de tronçonneuses, et sur un hurlement de folie furieuse qui n’a pas fini de nous glacer le sang.  

 

© Gilles Penso

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ANTHROPOPHAGOUS (1980)

L'un des films les plus gore, les plus excessifs et les plus malsains de Joe d'Amato

ANTHROPOPHAGUS

1980 – ITALIE

Réalisé par Joe d’Amato

Avec Tisa Farrow, Saverio Vallone, Serena Grandi, Margaret Donnelly, Mark Bodin, George Eastman

THEMA CANNIBALES

Joe d’Amato n’a jamais été réputé pour son bon goût ni son sens de la demi-mesure, et c’est probablement dans ce film qu’il atteint le sommet de son « art ». George Eastman, halluciné et fort inquiétant, y campe Nikos Karamanlis, le survivant d’un naufrage obligé de dévorer sa femme et son fils pour ne pas mourir de faim. Forcément, avec un tel passif, difficile de poursuivre une vie équilibrée. Lorsque nous le retrouvons quelques années plus tard sur une île de la mer Egée, il n’a effectivement plus grand-chose d’humain. Le crâne rugueux, le teint blafard, la barbe abondante, le regard fou et la démarche zombiesque, notre cannibale est retourné à l’état de bête sauvage. Au moment où trois couples de touristes débarquent innocemment sur l’île en question et découvrent avec stupeur un village désert laissé à l’abandon, on imagine aisément la suite du programme. D’autant que l’une des femmes du groupe, médium a ses heures, a prévu le pire en tirant les cartes du tarot avant leur arrivée sur l’île.

Le massacre qui s’ensuit est donc très prévisible, et ne génère pas vraiment de surprise, jouant sur la mécanique ennuyeuse de l’errance des personnages n’en finissant plus de se chercher les uns les autres et trépassant à tour de rôle de fort sanglante manière. L’intrigue se pare malgré tout de quelques moments de suspense plutôt efficaces. Notamment lorsque l’anthropophage affamé avance inexorablement vers un des jeunes protagonistes, tranquillement allongé, un casque de walkman sur les oreilles, sourd à la mort brutale qui s’apprête à le frapper. Au sommet d’une colline, dans la chambre cachée d’une vieille demeure abandonnée, les victimes du monstre trouvent une jeune fille aveugle terrorisée, seule survivante d’un innommable carnage, qui décrit la bête qui rôde aux alentours comme « un homme qui a une odeur de sang ». Nos protagonistes découvrent également sur place un journal de bord qui relate à la première personne la terrible mésaventure de Karamanlis, puis sa métamorphose progressive en prédateur cannibale.

L'homme qui se mangeait lui-même

Là où Anthropophagous bat tous les records, c’est en matière d’horreur malsaine mâtinée de grand-guignol. Les chairs sont déchirées, le sang coule à flot, les têtes coupées flottent dans des seaux d’eau, une femme est même scalpée à mains nues. Comme chez Lucio Fulci, les séquences gore sont dénuées de concession et volontairement extrêmes, mais souvent desservies par des effets spéciaux approximatifs pas vraiment performants. Le sommet de ces abominations est atteint dans une séquence devenue mémorable où Eastman arrache le fœtus d’une femme enceinte pour le dévorer à belles dents ! Il fallait oser, et personne ne se permettrait de filmer de telles choses aujourd’hui. Le final lui aussi est assez gratiné, puisque notre insatiable cannibale, éventré à coup de pioche par l’un des survivants, empoigne ses propres entrailles pour les mastiquer avec appétit, en un ultime réflexe de survie. Totalement interdit sur le territoire britannique pendant de longues années, Anthropophagous est donc le film de tous les excès, ces débordement gore masquant à peine, il faut bien l’avouer, un scénario, une mise en scène et une interprétation d’assez médiocre facture.

 

© Gilles Penso

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SWEENEY TODD (2007)

En adaptant le spectacle musical de Stephen Sondheim, Tim Burton signe l'un de ses films les plus sombres et les plus violents

SWEENEY TODD, THE DEMON BARBER OF FLEET STREET

2007 – USA

Réalisé par Tim Burton

Avec Johnny Depp, Helena Bonham Carter, Alan Rickman, Tomothy Spall, Sacha Baron Cohen, Jayne Wisener

THEMA TUEURS I CANNIBALES I SAGA TIM BURTON

Avec Johnny Depp (son acteur fétiche depuis Edward aux mains d’argent), Helena Bonham Carter (son épouse à la ville), une partition chantée (comme dans L’Etrange Noël de monsieur Jack), des décors gothiques (à l’instar de Sleepy Hollow) et le récit d’un monstre humain isolé de ses semblables (la thématique de quasiment tous ses films), Tim Burton semblait, avec Sweeney Todd, fouler sans trop d’audace des sentiers bien familiers. Mais ce n’était qu’une apparence. Car si Sweeney Todd marque indéniablement l’empreinte du réalisateur d’Ed Wood, ce dernier ne nous avait guère habitué à une telle noirceur. Œuvre puissante, désespérée, violente et profondément émouvante, cette adaptation d’un show musical très populaire de Stephen Sondheim (lui-même inspiré d’une vieille légende urbaine londonienne) semble même marquer un tournant inattendu dans la filmographie burtonienne.

Alors que Big FishCharlie et la chocolaterie et Les Noces funèbres nous rabibochaient avec un auteur ayant quelque peu perdu son mordant, Sweeney Todd semble nous montrer son nouveau visage. L’exploit est d’autant plus étonnant que l’auteur-compositeur Sondheim a tenu à valider la moindre des décisions artistiques du film, Burton ayant même eu besoin de son aval pour pouvoir engager ses acteurs ! L’histoire, mélodramatique en diable, concerne le barbier Barker, injustement incarcéré après que l’ignoble juge Turpin (excellent Alan Rickman) ait jeté son dévolu sur son épouse Lucy puis adopté sa fille Johanna. Quinze ans plus tard, le barbier s’évade, regagne Londres sous l’identité de Sweeney Todd et, ivre de vengeance, regagne son ancienne échoppe. Là sévit désormais Madame Lovett, une piètre pâtissière qui se vante de vendre « les pires tourtes de la ville » et qui, secrètement amoureuse de cet homme brisé, accepte de l’aider à prendre sa revanche. Animé par une folie meurtrière depuis qu’il a appris que sa fille est cloîtrée chez Turpin et que son épouse s’est empoisonnée, Todd égorge désormais tous ses clients et se débarrasse des corps avec la complicité de Miss Lovett, qui trouve là une matière première inespérée pour ses tourtes à la viande… Lesquelles, comble d’ironie, deviennent les plus prisées de toute la ville !

Le rouge vif de la Hammer

Un tel postulat, doublé d’une trentaine de chansons interprétées par l’ensemble du casting, aurait pu muer Sweeney Todd en farce grand-guignolesque et satirique, une sorte de Petite boutique des horreurs version mousse à raser. Il n’en est rien. Le drame y est douloureux, les émotions exacerbées, et les meurtres sacrément gratinés. « Avec un film qui parle de meurtres en séries et de cannibalisme, les gens se doutent qu’ils ne vont pas voir La Mélodie du bonheur ! », confesse Burton. « Mais la violence du film est très exagérée. Notre sang rouge vif est plus proche des films de la Hammer que de Hostel. » (1) Porté par un casting habité, une partition envoûtante et une direction artistique sublime (les « Universal Monsters » des années 30 ne sont pas loin), Sweeney Todd est donc une œuvre pleine de surprise, dont la conclusion nihiliste accentue encore l’impact.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en janvier 2008

 

© Gilles Penso

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LE SILENCE DES AGNEAUX (1990)

Le Sixième Sens de Michael Mann n'ayant pas reçu l'accueil qu'il méritait, Hannibal Lecter revient sous les traits d'Anthony Hopkins

THE SILENCE OF THE LAMBS

1990 – USA

Réalisé par Jonathan Demme

Avec Jodie Foster, Anthony Hopkins, Scott Glenn, Anthony Heald, Ted Levine, Charles Napier, Diane Baker, Roger Corman

THEMA TUEURS I CANNIBALES I SAGA HANNIBAL LECTER

Le romancier Thomas Harris avait inspiré le magistral Sixième sens de Michael Mann, qui révolutionnait quelque peu le thriller horrifique malgré un échec cuisant au box-office. Prenant la relève, Jonathan Demme transpose sur grand écran un second roman de l’écrivain, reposant sur les mêmes thématiques, adoptant une structure voisine et donnant à nouveau un rôle clef à Hannibal Lecter, tueur psychopathe et anthropophage enfermé à vie dans une cellule ultra-sécurisée. Interprété cette fois-ci par Anthony Hopkins, habitué au répertoire classique et aux tragédies shakespeariennes, « Hannibal le Cannibale » crève l’écran et l’immense succès du Silence des agneaux lui doit beaucoup. Face à lui, suite au désistement de Michelle Pfeiffer un peu effrayée par la noirceur du scénario, Jodie Foster incarne Clarice Starling, une jeune stagiaire du FBI chargée par son supérieur Jack Crawford (l’impérial Scott Glenn) d’enquêter sur les abominables méfaits d’un tueur en série surnommé Buffalo Bill. La particularité de ce dernier, interprété par Ted Levine, est de s’en prendre aux jeunes filles bien en chair et de les écorcher vives. Pour retrouver sa trace, Clarice va devoir solliciter l’aide de Lecter et son passé de brillant psychiatre. Le redoutable cannibale accepte, à condition que chaque indice de sa part soit échangé contre des révélations sur la vie privée de Clarice. Bien décidée à faire ses preuves, celle-ci se prête au jeu, et ses confrontations régulières avec le machiavélique captif vont prendre la tournure d’un éprouvant parcours initiatique, la conduisant progressivement dans les tréfonds de l’horreur.

Le Silence des agneaux – un titre étrange qui prend tout son sens vers le milieu du film – peut être considéré comme un thriller ou un film policier, dont il possède maintes caractéristiques, mais il s’agit surtout un film d’épouvante qui recule assez loin les limites de la peur. Il y est question de tueurs psychopathes, de cannibalisme, mais à la différence des psycho-killers fabriqués à la chaîne ou des séries Z gore italiennes, la mise en scène de Jonathan Demme joue sur la suggestion. Les détails macabres sont rares et furtifs, laissant au spectateur le soin d’imaginer les éléments les plus atroces, même si de temps à autres des visions choc viennent surgir à l’écran. On se souviendra notamment du cadavre bien amoché d’une des victimes de Buffalo Bill, du policier éventré dans la position d’un papillon de nuit ou encore du masque de chair, une idée reprise à Massacre à la tronçonneuse 2.

Les expérimentations de Jonathan Demme

Si la scène de suspense du climax, d’une redoutable efficacité, repose sur des mécanismes connus, les confrontations entre Jodie Foster et Anthony Hopkins, en revanche, doivent leur pesant d’angoisse au jeu diablement convaincant des acteurs et à Jonathan Demme qui choisit souvent des cadrages très serrés, à la limite de la profondeur de champ. Issu de la série B et de l’école Roger Corman – à qui il confie d’ailleurs un petit rôle dans le film – Demme montre ici toute l’étendue de son talent, portant aux nues les techniques expérimentées sur des polars noirs tels que Dangereuse sous tous rapports ou Meurtres en cascade.  

© Gilles Penso

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CANNIBAL HOLOCAUST (1980)

Abordant le cannibalisme le plus effroyable sous un angle pseudo-documentaire, Ruggero Deodato invente le «found footage» avant la lettre

CANNIBAL HOLOCAUST

1980 – ITALIE

Réalisé par Ruggero Deodato

Avec Francesca Ciardi, Perry Pirkanen, Robert Kerman, Lucas Barbareschi, Gabriel Yorke, Salvatore Basile

THEMA CANNIBALES

Reprenant les thématiques qu’il développa deux ans plus tôt dans Le Dernier monde cannibale, Ruggero Deodato signe avec Cannibal Holocaust le plus marquant et le plus controversé des films italiens consacrés aux rites anthropophages de peuplades primitives. L’entrée en matière, quasiment idyllique, ne laisse guère imaginer les abominations que réserve le long-métrage au spectateur. Car les premiers plans sont des vues aériennes d’une splendide jungle sud-Américaine, tournées dans la région Colombienne et serties dans une langoureuse mélodie que composa le très prolifique Riz Ortolani (La Vierge des Nurenberg, Danse macabre, Les Fantômes de Hurlevent). « J’aime le décalage entre l’horreur à l’écran et la douceur de la musique », nous explique Ruggero Deodato. « Quand j’ai tourné Cannibal Holocaust, je ne connaissais pas personnellement Riz Ortolani mais j’avais adoré la musique qu’il avait écrite pour Mondo Cane. Le producteur ne savait pas s’il serait disponible parce que c’était un compositeur très sollicité. Alors j’ai appelé Sergio Leone, que je connaissais bien, et je lui ai demandé de me mettre en contact avec lui. Ritz m’a rencontré, a regardé le film avec moi sur la visionneuse. A la fin, il m’a dit : “Deodato, tu es un grand metteur en scène, ce film me plaît beaucoup, je veux le faire !“. Ce fut le début d’une longue collaboration. » (1)

Le récit se centre sur Harold Monroe, un éminent anthropologue new-yorkais qui dirige une expédition au cœur d’une forêt dense et peu connue surnommée « l’enfer vert », quelque part aux alentours du Brésil. Son équipe est à la recherche de quatre occidentaux partis tourner un documentaire sur les tribus cannibales, sous la direction du cinéaste Alan Yates. Au beau milieu de deux peuplades anthropophages, les Yakumo et les Yamami, l’équipe de secours trouve les cadavres amochés des documentaristes ainsi que plusieurs bobines de films. De retour à New York, Monroe se voit confier par la télévision la présentation d’une émission spéciale consacrée à l’expédition d’Alan Yates. Il visionne alors les morceaux de pellicule trouvés dans la jungle, en compagnie des producteurs, et le résultat s’avère horrifiant… pour lui comme pour les spectateurs du film. On y voit en effet Yates et son équipe torturer, violer et tuer sans aucun scrupule les membres des tribus qu’ils rencontrent, afin d’obtenir les images les plus choquantes possibles. En l’occurrence, ils ne sont guère déçus, car les indigènes se vengent de fort sanglante manière.

Dénoncer les atrocités en les montrant ?

Ruggero Deodato s’efforce ainsi de dénoncer les atrocités du monde dit civilisé, et de détourner le cliché du sauvage cannibale, mais la complaisance des séquences d’horreur laisse dubitatif quant à l’honnêteté véritable de ses intentions. Des jambes y sont tranchées à la machette, une femme adultère avortée violemment par des sauvageonnes surexcitées, les viols, les émasculations et les empalements s’y étalent sans retenue. Sans compter les multiples massacres d’animaux qui, eux, ont réellement été commis face à la caméra : tortue éviscérée, rat-musqué écorché vif, cochon abattu d’une balle en pleine tête, serpent décapité… Autant de séquences scandaleuses et parfaitement gratuites qu’aucun film ne saurait justifier. « Je suis le premier à regretter d’avoir tourné ces scènes », nous avoue Deodato. « Elles n’ont pas été filmées par moi directement mais par le producteur, que j’ai laissé faire. Le guide que nous avions sur place nous a indiqué quels animaux choisir, car ceux-ci allaient ensuite servir de nourriture aux Indiens qui jouaient dans le film. C’est ainsi qu’ont été sélectionnés la tortue, le porc, les rats et les singes. Nous limitions ainsi les dégâts en transformant ces animaux en repas. Je n’aime pas ces scènes, et j’ai encore beaucoup de mal à revoir celle du massacre de la tortue, que je trouve douloureuse. » (2) L’ensemble est filmé avec un réalisme tel qu’on jurerait visionner les images d’un véritable reportage, et c’est sans doute là que Cannibal Holocaust tire la majeure partie de sa force. Deodato entretint d’ailleurs le doute à ce sujet, à tel point qu’il fut condamné par un tribunal et contraint de prouver  la non-authenticité des prises de vues. Une fois cette affaire réglée, Cannibal Holocaust n’en demeura pas moins interdit de projection partout dans le monde, pour cause d’obscénité, et ne fut visible qu’à partir de 1983, date à laquelle le réalisateur, malin, tira profit de ce bannissement pour en faire l’un des éléments clefs de la promotion du film.

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en septembre 2016

© Gilles Penso

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EDWARD AUX MAINS D’ARGENT (1990)

Tim Burton signe l'un de ses plus beaux films et transforme Johnny Depp en magnifique pantin iconique

EDWARD SCISSORHANDS

1990 – USA

Réalisé par Tim Burton

Avec Johnny Depp, Winona Ryder, Dianne Wiest, Anthony Michael Hall, Kathy Baker, Robert Oliveri, Vincent Price, Conchita Ferrell

THEMA ROBOTS I CONTES I SAGA TIM BURTON

Plus que n’importe quel autre film de Tim Burton, Edward aux mains d’argent prouve que ce cinéaste atypique a décidément l’âme d’un poète. Il s’agit sans nul doute d’une de ses œuvres les plus personnelles, une sorte de mètre étalon auquel seront inévitablement comparés tous ses films ultérieurs. Edward est un robot au teint blafard, aux cheveux hérissés et au regard un peu perdu, dont le look n’est pas sans évoquer les membres du groupe Cure. Fruit des travaux d’un inventeur génial reclus dans un immense château surplombant la ville, il est hélas inachevé. Car si le savant a eu le temps de lui implanter un cœur, il est mort avant de pouvoir le doter de mains imitant celles des humains. Le pauvre Edward se retrouve ainsi affublé de ciseaux, de couteaux et de toutes sortes d’objets tranchants dont il maîtrise mal le maniement, à tel point qu’il se blesse régulièrement le visage et se couvre de cicatrices. Orphelin, il reçoit un jour la visite d’une représentante en produits de beauté. A son initiative, il quitte le château de son créateur et vient se frotter aux gens de la ville.

Tim Burton décline là sa thématique favorite, celle de la difficile intégration des êtres « différents » au sein d’un environnement normalisé. D’où certaines réminiscences des deux Frankenstein de James Whale, films de chevet de Burton auxquels il rendit hommage dans son délectable court métrage Frankenweenie. Et de toute évidence, le réalisateur s’identifie à son protagoniste, interprété avec beaucoup de justesse par un Johnny Depp quasi-méconnaissable, affublé d’un étrange accoutrement conçu par Stan Winston. Conscient que l’expressivité de son personnage passe plus par la mimique que par le dialogue, Depp se laisse largement inspirer par les créations de Charlie Chaplin, dont on ressentira trois ans plus tard l’influence dans son personnage de Benny and Joon« Quand je l’ai rencontré, j’ai su qu’il collerait parfaitement au rôle », raconte le cinéaste. « C’est quelque chose que j’ai senti. Dans ces cas-là, vous ne pensez pas au futur, vous ne vous dites pas : “ce sera l’acteur de la plupart de mes autres films“ ». (1)

Les adieux de Vincent Price

Edward aux mains d’argent est aussi et surtout un conte de fées, genre qui fascine depuis toujours Burton et que celui-ci transpose dans l’univers des banlieues américaines pour mieux caricaturer ses contemporains et en dépeindre l’hypocrisie. La naïveté l’emportant toujours sur la satire, le film s’avère foncièrement sincère, bien loin des canons hollywoodiens savamment établis. Et c’est toujours avec joie que l’on retrouve Vincent Price, dans une série de flash-backs d’autant plus émouvants que l’immense comédien jouait là son dernier rôle à l’écran, trônant au beau milieu d’un château gothique qu’on croirait échappé des adaptation d’Edgar Poe par Roger Corman. Ce n’est pas un hasard : Tim Burton rendait déjà un fervent hommage à l’acteur et ses personnages « poesques » dans son tout premier film, le court-métrage d’animation Vincent. Saluons enfin la magnifique partition de Danny Elfman, l’un des plus beaux travaux de sa prolifique carrière, ici largement inspiré par Tchaïkovsky et notamment la Danse de la Fée Dragée du ballet « Casse Noisettes ».

(1) Propos recueillis par votre serviteur en janvier 2008

 

© Gilles Penso

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LES RIVIERES POURPRES (2000)

Matthieu Kassovitz adapte Jean-Christophe Grangé et plonge le duo Vincent Cassel / Jean Réno au cœur d'une affaire sordide

LES RIVIÈRES POURPRES

2000 – FRANCE

Réalisé par Matthieu Kassovitz

Avec Vincent Cassel, Jean Réno, Nadia Farès, Dominique Sanda, Karim Belkhadra, Jean-Pierre Cassel, Didier Flamand

THEMA TUEURS

Malgré la déception procurée par Assassin(s), un essai sur la violence particulièrement erratique, confus et maladroit, on attendait beaucoup de cette adaptation par Mathieu Kassovitz du best-seller de Jean-Christophe Grangé. Les prémisses des Rivières pourpres laissent planer tous les espoirs, car le réalisateur de La Haine empoigne son spectateur dès le troublant générique. Tandis que l’inspecteur de police Pierre Niemans enquête sur un meurtre atroce perpétré dans une école perchée au sommet d’une montagne, son jeune collègue Max Kerkerian est dépêché sur le terrain suite à la profanation de la tombe d’une jeune fille par un groupe de skinheads. Les deux affaires semblant liées par d’étranges points communs, les deux hommes joignent leur force, tandis que les sanglants assassinats se succèdent…

Kassovitz parvient à effrayer son spectateur plus que de raison en créant des ambiances de terreur sourde très maîtrisées. Mais en ce qui concerne la rigueur du scénario, c’est une autre histoire. « L’univers des Rivières pourpres m’a tout de suite séduit, mais je suis incapable de vous en raconter l’intrigue ! », nous avoue le compositeur Bruno Coulais. « Dans ce cas précis, j’ai conçu la musique comme une espèce de venin tapi derrière l’image. » D’où notamment d’inquiétantes nappes musicales structurées autour de comptines de boîtes à musique. « A mon sens, ce qui vient de l’enfance et que l’on rattache habituellement à l’innocence peut créer un sentiment dérangeant au cinéma », poursuit Coulais. « Je préfère faire peur avec des boîtes à musique qu’avec des violons stridents. J’adore la partition de Psychose, mais tout le monde l’a imitée, et maintenant elle est galvaudée. Pour faire peur aux spectateurs, j’essaie plutôt de les émouvoir à fleur de peau. » (1)

Des soupapes de réalisme

L’atmosphère d’épouvante est donc la véritable réussite du film, mais la confusion croissante dans laquelle s’empêtre le récit est un véritable handicap pour son efficacité, d’autant qu’un sentiment de déjà-vu s’immisce assez fortement dès les premières séquences. Car ces meurtres brutaux et méthodiques, ce duo de flics aux méthodes divergentes qui piétine sur une enquête en forme de point d’interrogation, ces scènes d’autopsie éprouvantes et cette chasse au tueur sous la pluie battante nous rappellent plus que de raison Seven. Et malgré tout son talent, face à David Fincher, Kassovitz ne fait pas le poids. D’autant que sa direction d’acteurs manque singulièrement de rigueur. Le trio Jean Réno/Vincent Cassel/Nadia Farès donne trop souvent la sensation de réciter son texte sans trop y croire, et la crédibilité du film en prend un sacré coup. Dommage, car en de trop fugitifs instants, de petites improvisations des comédiens nous offrent des soupapes de réalisme et de naturel très rafraichissantes. Quant au final, franchement grotesque, il sacrifie aux règles hollywoodiennes du climax spectaculaire à défaut de résoudre correctement toutes les intrigues nouées au cours du récit. Kassovitz lui-même semble n’y croire qu’à moitié, puisqu’il s’amuse à tourner une séquence d’affrontement entre Cassel et des skinheads, savoureuse et pleine d’humour, mais parfaitement hors sujet. Une espèce de court-métrage autonome intégrée dans un film définitivement trop fouillis pour convaincre.


(1) Propos recueillis par votre serviteur en septembre 2001 

© Gilles Penso

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GOTHIKA (2003)

Matthieu Kassovitz s'essaie à l'épouvante hollywoodienne et signe un film efficace mais sans grande personnalité

GOTHIKA

2003 – USA

Réalisé par Matthieu Kassovitz

Avec Halle Berry, Robert Downey Jr., Charles Dutton, John Carroll Lynch, Bernard Hill, Penélope Cruz, Dorian Harewood

THEMA FANTÔMES

Séduit par les sirènes hollywoodiennes, Mathieu Kassovitz s’est laissé expatrier aux Etats-Unis le temps de réaliser cette histoire de fantôme post-Sixième sens au postulat pour le moins intrigant. Halle Berry y incarne Miranda Grey, psychologue dans le pénitencier psychiatrique pour femmes criminelles que dirige son mari. Un soir, alors qu’elle emprunte une déviation en voiture pour cause de travaux sur le bitume, elle croise une jeune fille mystérieuse à la sortie d’un pont. Celle-ci reste immobile au milieu de la route, puis soudain s’enflamme en hurlant. Terrifiée, Miranda sombre dans l’inconscience. A son réveil, elle est derrière les barreaux, accusée du meurtre violent de son époux et dès lors considérée comme une dangereuse psychopathe. Amnésique, elle découvre peu à peu qu’elle a été le jouet d’un spectre qui s’est emparé d’elle et la manipule pour exercer une terrible vengeance…

La première partie du film accroche donc le public à son siège, servie par l’interprétation d’Halle Berry, Robert Downey Jr et Penelope Cruz, surprenants dans des rôles à contre-courant de leur filmographie habituelle, et par un début de scénario plaçant la folie sous une perspective intéressante. Car en plongeant le spectateur dans la peau d’Halle Berry, Gothika pose du même coup le problème de la légitimité des conclusions psychiatriques hâtives. L’une des réflexions de Gilbert Keith Chesterton nous revient alors en mémoire : « Le fou n’est pas l’homme qui a perdu la raison. Le fou est celui qui a tout perdu, excepté la raison. » Une pensée qui trouve son écho dans le scénario de Sebastian Guttierez (auteur d’œuvres aussi disparates que Judas Kiss, Des Serpents dans l’avion ou le remake de The Eye) et qui nous pousse, dans le cas présent, à nous demander si les fous internés dans les cellules capitonnées le sont vraiment. En s’efforçant de prouver leur santé mentale, ne s’enfoncent-ils pas davantage aux yeux de leurs médecins/juges ? Et si certains d’entre eux entendaient vraiment des voix ? Et si quelques fantômes venaient réellement les tourmenter ? Telles sont les problématiques soulevées par le début du film.

La vengeance du spectre

Hélas, au moment où Miranda Grey parvient à échapper à ses geôliers pour mener sa propre enquête, le scénario change de cap, empruntant des chemins plus connus, familiers de ceux qui ont vu Hypnose, Apparences ou Intuitions, tout en collectant bon nombre d’invraisemblances. Le film continue malgré tout à passionner, grâce à une mise en scène ciselée et virtuose qui transcende clichés et illogismes. Visiblement motivé par ses prestigieux producteurs Joel Silver et Robert Zemeckis, Kassovitz s’amuse ainsi à promener sa caméra dans les endroits les plus surprenants, et à multiplier les effets choc destinés à faire sursauter le public. Le résultat est des plus probants, même si Gothika aurait gagné à conserver sa rigueur scénaristique jusqu’au bout, d’autant que certains personnages clefs du film s’évaporent presque au fil de l’intrigue, ce qui s’avère pour le moins frustrant. L’interruption du tournage pendant huit semaines, après qu’Halle Berry se soit cassé le bras en jouant une scène aux côtés de Robert Downey Jr, explique en partie les réécritures de dernière minute et quelques pertes de cohérence en cours de route.

© Gilles Penso

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