TERMINUS (1987)

Un Mad Max à la française avec Johnny Hallyday dans le rôle principal ? En théorie, ça ressemblait à une bonne idée…

TERMINUS

1987 – FRANCE

Réalisé par Pierre-William Glenn

Avec Johnny Hallyday, Karen Allen, Jürgen Prochnow, Gabriel Darmon, Julie Glenn, Djeter Schidor, Dominique Valera

THEMA FUTUR

Avant de s’attaquer à Terminus, Pierre William Glenn avait déjà réalisé un court-métrage, un film documentaire et un drame avec Fanny Ardant et François Cluzet, Les Enragés. Mais il s’était surtout affirmé comme l’un des chefs opérateurs les plus doués de sa génération, signant la lumière d’œuvres aussi diverses que La Nuit américaine, Le Juge et l’assassin ou Coup de torchon. L’annonce de son prochain long-métrage en tant que réalisateur fut relayée par une importante campagne publicitaire nous présentant Johnny Hallyday, relooké et peroxydé, comme un digne successeur de Mel Gibson dans la trilogie Mad Max. Mais à la vérité, Terminus est une foire d’empoigne laborieuse qui n’a pas grand-chose à voir avec les films post-apocalyptiques de George Miller.

Dans un futur proche, les hommes se livrent à une course de camions dans laquelle tous les coups sont permis pour arrêter l’adversaire. Jusqu’à présent, personne n’est parvenu à atteindre le Terminus, une base technique installée en plein désert. Dans cette nouvelle course, le seul concurrent est « Monstre », un camion équipé d’un ordinateur et piloté par une femme, Gus (Karen Allen). Cette course, qui est suivie depuis le quartier général de Terminus par l’énigmatique Docteur (Jurgen Prochnow) et le petit génie de l’informatique Mati (Gabriel Damon), intéresse grandement le démoniaque Monsieur qui va tout faire avec le camion fantôme « Petit Frère » pour empêcher « Monstre » d’atteindre son but. Stomp (Hallyday), un prisonnier en cavale, va bientôt se retrouver au volant de ce dernier, seul espoir d’évasion pour lui.

« Petit Frère » contre «Monstre »

Quel dommage de gâcher autant d’argent, d’effets spéciaux, de cascades spectaculaires et de décors de qualité ! « C’est le plus gros travail que j’ai jamais effectué », nous confiait Jacques Gastineau, responsable des designs et des effets spéciaux. « Nous avions trois millions de francs pour réaliser les effets spéciaux. Ce labeur harassant nous a sollicités pendant onze mois ininterrompus, car j’avais sous ma responsabilité les camions futuristes, les décors, les accessoires, les objets, les enfants-mutants… » Et de conclure en soupirant : « malgré tout ça, c’est un mauvais film » (1). On ne peut hélas que donner raison à Gastineau. Dénué de rythme, de direction d’acteur, voire de trame digne de ce nom, Terminus se traîne péniblement sans que le spectateur ait la possibilité de s’y projeter et de s’y intéresser. Il faut dire que le scénario n’offre pas de grandes occasions de se démarquer utilement des films de George Miller dont il semble vaguement s’inspirer. D’autre part, Karen Allen et Jürgen Prochnow, pourtant des valeurs sûres, sont manifestement peu concernés par leurs personnages. L’absence totale de direction artistique empêche enfin d’assurer une quelconque unité esthétique entre les différentes composantes du film, affublé en outre d’une photographie banale signée Jean-Claude Vicquery. Ce travers surprend évidemment beaucoup de la part de Pierre William Glenn, qui s’en tiendra là en matière de mise en scène et reprendra avec talent ses activités de chef opérateur.

(1) Propos recueillis par votre serviteur en décembre 1995

 

© Gilles Penso

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LA MACHINE A EXPLORER LE TEMPS (2001)

Un remake dispensable du chef d'œuvre de George Pal, réalisé par l'arrière-petit-fils de Herbert George Wells

THE TIME MACHINE

2001 – USA

Réalisé par Simon Wells

Avec Guy Pearce, Mark Addy, Phyllida Law, Samantha Mumba, Jeremy Irons, Orlando Jones, Omero Mumba, Sienna Guillory

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS I FUTUR

Jusqu’alors, Simon Wells n’avait œuvré qu’en tant qu’animateur sur un certain nombre de dessins animés produits par Steven Spielberg, notamment Fievel au Far West, Les Quatre dinosaures ou Le Prince d’Egypte. Sa propulsion au rang de metteur en scène d’une superproduction Dreamworks/Warner est probablement due à un argument marketing infaillible : il s’agit de l’arrière-petit-fils d’Herbert George Wells ! Voilà qui donne tout de suite de la crédibilité à une nouvelle adaptation du célèbre roman « La Machine à explorer le temps ». Le récit prend place à New York en 1899. Alexander Hartdegen (Guy Pearce), brillant physicien de l’Université de Columbia, déclare sa flamme à Emma un soir à Central Park. Mais un voleur s’interpose et tente de dérober la bague de fiançailles, abatant la belle d’un coup de feu. Désemparé, Alexander consacre les quatre années qui suivent à bâtir une machine à explorer le temps. Il parvient ainsi à remonter le cours des événements et emmène Emma en pleine ville, loin du parc. Mais elle succombe à nouveau, cette fois-ci renversée par une voiture à vapeur.

Du coup, le propos du scénario s’inscrit sous une optique fataliste : même si on change le cours du temps, on ne peut pas modifier les destinées humaines. Cette première partie de film, assez éloignée de la version de 1960, a l’avantage de nous surprendre et surtout de donner au héros une forte motivation pour accélérer ses travaux. Après la seconde mort d’Emma, le savant laisse tout en plan pour s’aventurer dans le futur, afin de découvrir le moyen de changer le passé. Nous avons dès lors droit à un remake fidèle du voyage dans le temps tel que l’avait tourné George Pal : les fleurs grossissent dans la serre, les insectes se déplacent à toute allure, les mannequins de mode changent de vêtements, les bâtiments se construisent. Profitant des avancées technologiques, Simon Wells se permet d’aller plus loin que son prédécesseur, montrant le ciel traversé d’avions surpersoniques et l’espace sillonné par des satellites et des navettes, le tout dans un plan séquence numérique fort efficace.

Jeremy Irons en grand méchant Morlock

Lorsqu’Alexander fait une halte en 2030, il découvre une cité utopique à la Wells. Les touristes vont sur la lune, les institutrices menacent de reséquencer l’ADN des enfants dissipés, et un hologramme interprété par Orlando Jones hante la grande bibliothèque. Sept ans plus tard, la terre est secouée par un cataclysme colossal. Alexander a tout juste le temps de regagner sa machine et traverse les âges jusqu’au 16 juillet 802 701. A partir de là, le film perd un à un ses derniers lambeaux de crédibilité. Les pacifiques Elois sont des troglodytes vivant à flanc de falaise (via d’improbables matte paintings), leurs prédateurs les Morlocks arborent des faciès animatroniques quelque peu grotesques, et le grand méchant, incarné par Jeremy Irons, est un hybride pas crédible pour un sou. Le film s’achève donc un peu n’importe comment, et ce malgré un poétique épilogue servi par une très belle idée visuelle. Comme on pouvait le craindre, ce remake pâlit sérieusement de la comparaison avec son aîné, qui exhalait bien plus de charme et de personnalité.

 

© Gilles Penso

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HIGHLANDER 3 (1994)

Highlander le retour partait dans des délires tellement excessifs qu'il fallait inverser la vapeur. D'où ce troisième opus qui imite sagement le premier film

HIGHLANDER 3 : THE SORCERER

1994 – USA

Réalisé par Andy Morahan

Avec Christophe Lambert, Mario Van Peebles, Deborah Unger, Mako, Raoul Trujillo, Jean-Pierre Perusse

THEMA POUVOIRS PARANORMAUX I SAGA HIGHLANDER

Renié par tous ceux qui y ont participé, rejeté sans appel par tous les fans du premier Highlander, Highlander 2 était un film embarrassant à plus d’un titre, mêlant dans l’anarchie la plus totale les mythes ancestraux et la science-fiction futuriste en accumulant toutes les fautes de goût possibles et imaginables. La franchise semblait donc morte dès son second épisode. Mais la force du concept initial laissait espérer quelques variantes potentielles, pour peu qu’on fasse abstraction de cette suite. Une série télévisée fit donc suite au premier film, avec Adrian Paul dans le rôle vedette, et remporta un certain succès auprès du public. L’idée d’un nouveau long-métrage ne tarda pas à germer, et c’est Andy Morahan, réalisateur jusqu’alors de clips prestigieux (pour Gun’s and Roses, Michael Jackson, Elton John), qui s’installa sur la chaise du réalisateur. Et Christophe Lambert de réendosser sans conviction le rôle de Connor McLeod. D’autant que cet Highlander 3 cherche tant à ignorer le deuxième film qu’il bascule dans l’excès inverse, se contentant d’imiter platement le premier opus. Tout y est donc soigneusement reproduit (méchant médiéval, combats à l’épée, flash-backs ponctuant l’intrigue, apprentissage initiatique…) mais avec mille fois moins de talent.

Highlander 3 démarre dans le Japon du moyen-âge. Connor MacLeod y poursuit sa formation chez Nakano, successeur spirituel de Ramirez et ersatz de Yoda qui demande notamment à son élève d’intercepter des balles avec un sabre alors qu’il a les yeux bandés (ceux qui se souviennent de l’apprentissage de Luke Skywalker dans La Guerre des étoiles reconnaîtront l’influence directe de la scène en question). Mais attention : un grand danger menace le Highlander. Pour le protéger de Kane (Mario Van Peebles) et de ses sbires, Nakano fait s’écrouler la montagne de Niri. Et hop, nous voilà au vingtième siècle, alors qu’une équipe d’archéologues découvre les lieux. Or en 400 ans, Kane a acquis une partie des pouvoirs de Nakano, posédant dès lors le statut de maître de l’illusion. Maintenant, il veut retrouver MacLeod et le décapiter vite fait bien fait pour assouvir sa soif de conquête….

Un final à la Terminator 2

Certes, Andy Morahan ne manque pas de style : caméras virevoltantes, éclairages extrêmement sophistiqués, clignotements des lumières, montage nerveux… Mais tous ces effets ne sont que des caches misère et ponctuent un peu vainement l’intrigue jusqu’au final, calqué sur celui de Terminator 2. Le décor y est similaire (une usine abandonnée) et le méchant, à l’instar du T-1000, imite les traits de l’héroïne pour tromper MacLeod. Le reste est à l’avenant, alignant sagement les clichés. Lambert semble de moins en moins concerné par son personnage, Deborah Unger s’avère peu crédible dans le flash-back de la Révolution française, et seul Mario Van Peebles tire son épingle du jeu, en méchant pittoresque succédant logiquement à Clancy Brown et Michael Ironside. On en vient sincèrement à se demander laquelle des deux séquelles est la pire : Highlander 2, qui n’avait quasiment plus rien à voir avec l’original, ou Highlander 3, qui imite son modèle jusqu’à l’outrance.

© Gilles Penso

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BEOWULF (1999)

Le cheveu argenté, le regard myope, Christophe Lambert incarne sans aucune conviction un fier tueur de démons

BEOWULF

1999 – USA

Réalisé par Graham Baker

Avec Christophe Lambert, Rhona Mitra, Götz Otto, Oliver Cotton, Layla Roberts, Vincent Hammond, Charles Robinson

THEMA HEROIC-FANTASY

Depuis ses prestations dans les excellents Greystoke et Highlander, Christophe Lambert s’est mué outre-Atlantique en véritable Jean-Claude Van Damme du cinéma épique, promenant sa sympathique trogne dans les nanars hollywoodiens les plus improbables. En la matière, Beowulf s’avère particulièrement gratiné. Cherchant visiblement à séduire les fans de jeux vidéo en suivant la voie tracée par Mortal Kombat (où Lambert nous gratifiait déjà de grands moments d’humour involontaire), ce mixage d’héroïc-fantasy et de science-fiction s’inspire vaguement d’un célèbre poème antique anglais. Nous sommes donc dans un univers hors du temps, à mi-chemin entre le moyen âge et l’âge barbare. Dans la forteresse assiégée du roi Hrothgar, les habitants sont sauvagement assassinés par une créature sanguinaire qui n’apparaît que dans la pénombre, façon Alien.

A cheval sur une noble monture, le visage sévère et le regard myope, Christophe Lambert incarne Beowulf, fils du démon Baal et d’une mortelle. Son objectif : vaincre le mal pour ne pas devenir le mal lui-même. Il entre donc dans le château et ose défier le monstre. Là, il découvre Hrothgar (Olivier Cotton), un roi résigné à son sort, Kyra (Rhona Mitra), une princesse au décolleté affriolant, Roland (Götz Otto), un rival gonflé à la testostérone et affublé d’une mâchoire carrée façon Casper Van Dien, et Will (Brent Jefferson Lowe), un jeune maître d’arme assurant la fonction du faire valoir comique de service. Un lourd secret semble peser sur tout ce beau monde, tandis que le massacre continue et que le monstre apparaît un peu plus précisément, se matérialisant comme dans Predator. Bourré d’armes et de gadgets en tout genre, Beowulf se lance donc à l’assaut de la créature, qui répond au doux nom de Grendel, et qui s’avère être le fruit de l’union du roi avec une belle succube blonde.

Anachronismes et cascades risibles

Les cascades de Christophe Lambert sont assez risible, car il est très facile de déceler les plans où le comédien est remplacé par une doublure, malgré la jolie coupe de cheveux argentée qu’ils ont en commun. L’univers même de Beowulf, sous prétexte d’atemporalité, joue carrément la carte du grotesque, les costumes et accessoires médiévaux s’accompagnant d’éléments lourdement anachroniques : des vestes, des lunettes, des cigares, des paires de rangers, des scies circulaires et – cerise sur le gâteau – des micros assortis de hauts parleurs ! Sans parler de l’insupportable bande originale électro-tecnho-hard rock qui accompagne l’action avec la finesse d’un marteau piqueur. Au cours du climax, Grendel prend la forme d’un démon hideux en image de synthèse, mi chauve-souris mi-crustacé. A l’issue de l’incontournable affrontement final, le monstre périt par le feu, le château en 3D explose, et Christophe Lambert s’enfuit avec la belle, la gratifiant de son inénarrable rire benêt, avant que le générique de fin ne vienne libérer le spectateur d’un trop plein d’inepties. Beowulf est donc un film qui s’apprécie comme une immense blague au second degré, comme un Highlander 3 ou un Vercingétorix auxquels Lambert osa participer sans complexe. Plus tard, Robert Zemeckis répara quelque peu cette injustice en reprenant à son compte le mythe de Beowulf.


© Gilles Penso

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DONJONS ET DRAGONS (2000)

Conçue dans la précipitation pour pouvoir anticiper la sortie du Seigneur des Anneaux, cette vague adaptation du célèbre jeu de rôle offre à Jeremy Irons le pire rôle de sa carrière

DUNGEONS & DRAGONS

2000 – USA / TCHECOSLOVAQUIE

Réalisé par Courtney Solomon

Avec Jeremy Irons, Bruce Payne, Justin Whalin, Marlon Wayans, Robert Miano, Tomas Havrlik, Thora Birch, Edward Jewesbury

THEMA HEROIC FANTASY I DRAGONS

Produit à la va vite pour pouvoir sortir avant le premier épisode de la trilogie Le Seigneur des Anneaux, ce Donjons et Dragons, vaguement inspiré du jeu de rôle créé par E. Gary Gigax, est un calamiteux fourre-tout dénotant une parfaite méconnaissance du genre qu’il est censé illustrer. Car l’héroïc-fantasy de pacotille qui sert de prétexte au film semble de toute évidence s’adresser à une cible bien spécifique : les teenagers amateurs de fast food et de jeux vidéo. D’où de jeunes protagonistes balourds, un humour éléphantesque et des péripéties désespérément puériles. Œuvre de Topper Lilien  et Caroll Cartwright (co-auteurs d’En toute complicité avec Paul Newman et Linda Fiorentino), le scénario nous familiarise avec l’empire d’Izmer, menacé d’un terrible chaos si l’impératrice Savina (Thora Birch) refuse de donner son sceptre au redoutable Profion (Jeremy Irons). La guerre est donc sur le point d’éclater, et il semble bien que le sort du monde repose sur les épaules de deux jeunes et sympathiques voleurs, Snails (Marlon Wayans) et Ridley (Justin Whalin), accompagnés dans leur quête par Marina (Zoe McLellan), qui appartient à la puissante Congrégation des Mages. Avec l’aide d’un antique manuscrit, tous trois déjouent les traquenards et les multiples complots ourdis contre eux. Le terrible affrontement qui se prépare sollicitera la ruse, les sortilèges, ainsi qu’une armada de dragons volants prêts à s’entretuer pour l’avenir du royaume d’Izmer.

Ce récit simpliste, qui semble maladroitement marcher sur les traces de Star Wars, est tout de même émaillé d’une poignée de moments inventifs propres à susciter l’intérêt, comme ce parcours du combattant semé de pièges surprenants qui menacent les héros. Mais avec Joel Silver derrière le tiroir-caisse, on s’attendait à plus de panache du côté des séquences d’action. Les dragons du titre représentent à vrai dire de belles réussites numériques, inspirées par le décidément incontournable Dragon du lac de feu. Hélas, le climax, qui avait de quoi allécher le plus blasé des spectateurs puisqu’il consiste en un gigantesque affrontement en plein ciel entre plusieurs centaines d’entre eux, ajoute à la déception globale que provoque ce terrible nanar. Car la frénésie, le vacarme et le mauvais goût visuel prennent le pas sur le rythme, l’emphase et le spectaculaire.

 

Frénésie, vacarme et mauvais goût

Le plus triste, c’est finalement de retrouver Jeremy Irons en tête d’affiche de ce Donjons et Dragons. Probablement échoué là par erreur, par hasard ou par la nécessité bien compréhensible de payer ses impôts, ce comédien pourtant généralement respectable cabotine à outrance et éclate de rire bien fort face à la caméra pour nous faire comprendre que c’est lui le méchant de l’histoire. Le scénario l’affuble même de répliques humoristiques du plus curieux effet, comme lorsqu’il déclare à l’un des jeunes voleurs « pas si talentueux que ça, monsieur Ridley », en un clin d’œil pataud et anachronique au Talentueux Monsieur Ripley. Après cette rude mise à l’épreuve d’un public amateur de mythes et de fantaisies, il était temps que Peter Jackson vienne redorer le blason d’une héroïc-fantasy rarement aussi malmenée.

 

© Gilles Penso

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BATMAN FOREVER (1995)

Après le mémorable diptyque de Tim Burton, Joel Schumacher prend le relais et saccage joyeusement la franchise Batman

BATMAN FOREVER

1995 – USA

Réalisé par Joel Schumacher

Avec Val Kilmer, Nicole Kidman, Jim Carrey, Tommy Lee Jones, Chris O’Donnell, Michael Gough, Pat Hingle, Drew Barrymore

THEMA SUPER-HEROS I SAGA BATMAN I DC COMICS

Un peu trop sombre au goût des dirigeants de Warner, Batman le défi s’éloignait de la vision « familiale » que le studio souhaitait donner du super-héros imaginé par Bob Kane. Peu attiré par la tournure colorée et bon enfant que s’apprêtait à prendre le troisième épisode de la saga, Tim Burton se retira donc du projet, occupant simplement un rôle de producteur, et céda la place à Joel Schumacher. Ce désistement entraîna celui de Michael Keaton, et dans la foulée de Rene Russo, la compagne de Mel Gibson dans L’Arme fatale 3 qui devait, à l’origine, jouer la petite amie de Bruce Wayne. S’estimant trop âgée pour partager la vedette avec le nouveau Batman (Val Kilmer), elle laissa son rôle vacant à une jeune Nicole Kidman pas encore starifiée. D’autres postes clefs se modifièrent en cours de route. Billy Dee Williams, interprète du district attorney Harvey Dent dans le précédent Batman, fut remplacé par Tommy Lee Jones, et le compositeur Danny Elfman laissa Elliot Goldenthal signer la partition de ce troisième opus.

Une fois ce jeu des chaises musicales terminé, Batman Forever put enfin prendre forme… au grand désespoir des fans de l’homme-chauve-souris, pas vraiment préparés à un tel massacre ! Car si Joel Schumacher avait su doter certains de ses films précédents d’une vraie personnalité et d’un style séduisant (Génération perdue, L’Expérience interdite, Chute libre), il livre ici l’une de ses œuvres les plus grossières et les plus indigestes. La direction artistique de Batman Forever atteint en effet des sommets de mauvais goût (on n’est pas prêts d’oublier la combinaison disco lumineuse du Riddler ou la cuirasse ornée de tétons de Batman !), les acteurs sont en totale roue libre (Kilmer et Kidman sont aussi transparents qu’une bouteille d’Evian, Tommy Lee Jones et Jim Carey cabotinent jusqu’à l’épuisement) et le scénario évacue tout enjeu dramatique digne de ce nom.

Costumes disco et armures à tétons

Même si elle se centre enfin sur le personnage de Bruce Wayne / Batman, ce qui n’était pas vraiment le cas du diptyque signé Tim Burton, l’intrigue ne vise ici qu’à collectionner les morceaux de bravoure attendus par le public : les origines du Riddler (Sphinx en VF) et de Robin, une démonstration ostentatoire des véhicules-gadgets du héros (Batmobile, Batboat, Batwing), les aventures amoureuses de Bruce Wayne, la lutte côte à côte de Batman et Robin, l’explosion finale du repaire des méchants façon James Bond… Le montage nerveux (à la limite du lisible pendant les scènes d’action), les déflagrations en série et la bande son surchargée endorment peut-être les sens des spectateurs mais ne remplissent pas les lacunes du scénario. Quelques éléments intéressants surnagent timidement, comme la mort des parents de Robin ou la présence de l’hôpital Arkham, sans hélas s’imbriquer correctement dans cet imbroglio d’invraisemblances. Au détour d’un dialogue de Kilmer et Chris O’Donnell, une allusion à la ville de Metropolis laissait à l’époque imaginer un crossover entre Batman et Superman. Mais il faudra attendre plus de vingt ans pour que cette rencontre légendaire (tout à fait envisageable dans la mesure où les deux personnages sont chez le même studio, le bien nommé Warner) dépasse le stade de fantasme de fan.

© Gilles Penso

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LA TOUR INFERNALE (1974)

Paul Newman et Steve McQueen luttent contre les flammes dans le plus grand film catastrophe de tous les temps

THE TOWERING INFERNO

1974 – USA

Réalisé par John Guillermin

Avec Paul Newman, Steve McQueen, William Holden, Fred Astaire, Faye Dunaway, Richard Chamberlain, Robert Vaughn

THEMA CATASTROPHES

Irwin Allen ayant connu un franc succès en produisant L’Aventure du Poséidon, il réitéra l’expérience deux ans plus tard avec cette Tour infernale qui le propulsa à nouveau au sommet du box-office. Cette fois-ci, c’est le vétéran John Guillermin qui est aux commandes, et le casting s’avère encore plus impressionnant que dans le film de Ronald Neame, réunissant rien moins que Paul Newman, Steve McQueen, Fred Astaire, Faye Dunaway, Richard Chamberlain, Robert Vaughn, Robert Wagner, O.J. Simpson, bref rien que du beau monde. Inspiré par les romans « La Tour » de Richard Martin Stern et « L’Enfer de Verre » de Thomas N. Scortia et Frank M. Robinson, La Tour infernale semble à la fois conçu comme une ode au courage des pompiers (à qui le film est d’ailleurs dédié) et au savoir-faire des techniciens d’effets spéciaux.

Après de longues vacances, l’architecte Doug Roberts (Newman) vient assister à l’inauguration de « la Tour de Verre » un building de 138 étages qui a été bâti en plein San Francisco selon ses plans, sous le giron de l’empire financier Duncan Enterprises, et qui s’avère être rien moins que le plus grand gratte-ciel du monde. L’immense bâtiment est quasiment terminé, et la fête bat son plein, réunissant tous les VIP de la ville. Assez rapidement, Roberts constate que l’installation électrique de la tour ne respecte pas les normes qu’il avait indiquées, d’où un certain nombre de courts-circuits fâcheux. Bientôt, un incendie se déclare dans un des locaux techniques et gagne peu à peu tous les étages, menaçant les trois cents invités incapables de s’échapper de cette colossale tour muée en funeste prison de verre. Tandis que Roberts s’efforce de lutter contre le feu à l’intérieur du bâtiment, le chef des pompiers de la ville Michael O’Halloran (McQueen) et son bataillon entament une homérique bataille contre le brasier croissant.

La nouvelle Tour de Babel…

Avec La Tour infernale, John Guillermin signe probablement son meilleur film, aidé par le charisme de ses deux têtes d’affiche, par les maquettes extraordinaires de L.B. Abbott, les impressionnants effets pyrotechniques d’A.D. Flowers et les spectaculaires cascades réglées par Paul Stader. Nouvelle variante autour du Titanic, la Tour de Verre se positionne ici comme un symbole évident de l’orgueil déplacé d’hommes trop fiers de leur entreprise pour en mesurer les dangereuses conséquences, comme en témoigne la savoureuse joute verbale qui oppose Paul Newman et Steve McQueen, physiquement réunis pour la première et dernière fois au cours du dénouement du film. Le choix de situer l’action dans le plus grand building du monde permet par ailleurs de décliner cette thématique sous deux autres formes, l’une liée à la puissance sexuelle (le gratte-ciel est un indéniable symbole phallique), l’autre au défi de Dieu par l’homme (la Tour de Verre équivalant à une nouvelle Tour de Babel). Fort de cette symbolique chargée et de ses multiples qualités formelles, La Tour infernale s’est imposé comme le mètre-étalon toutes époques confondues du film catastrophe, plus encore que L’Aventure du Poséidon, et l’impact de ses séquences mouvementées résonne ouvertement dans des œuvres telles que Piège de cristal ou Backdraft.

 

© Gilles Penso

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LES RATS DE MANHATTAN (1983)

50 % film post-apocalyptique, 50% film d'invasion animales, 100% série Z italienne qui se déguste sans modération

RATS : NOTTE DI TERRORE

1983 – ITALIE / FRANCE

Réalisé par Bruno Mattei

Avec Alex MacBride, Richard Cross, Richard Raymond, Janna Ryan, Ann-Gisel Glass, JC Brétignière, Moune Duvivier

THEMA FUTUR I MAMMIFERES

Cet improbable croisement entre Mad Max et Willard s’inscrit dans la vogue des aventures post-apocalyptiques à tout petit budget dont raffolaient les cinéastes italiens des années 80, tout en y mêlant une bonne dose d’horreur héritée de George Romero et Lucio Fulci. Le scénario d’Hervé Piccini et Claudio Fragasso (que certaines sources citent comme le co-réalisateur non crédité du film) se situe au 21ème siècle, plus précisément en l’an 225 après la bombe. Assez curieusement, la trame évoque beaucoup le roman « L’Empire des Rats » (alias « Domain ») qu’écrivit James Herbert la même année. L’humanité a été ravagée par un sempiternel holocauste nucléaire, et les rares survivants motorisés, émules de Mel Gibson, errent en bandes à la recherche d’abri et de vivres. L’une de ces hordes sauvages, menée par un certain Kurt (Richard Raymond, pseudonyme d’Ottaviano Dell’Acqua), s’arrête dans une petite ville en ruines et trouve refuge dans ce qui ressemble à un centre de recherches désaffecté.

Affublés de surnoms saugrenus tels que Chocolat, Lucifer, Vidéo ou Deus, nos joyeux drilles armés jusqu’aux dents découvrent un important stock de nourriture, de l’eau potable et des serres en activité. Ravis de leur trouvaille, ils s’installent dans leur petit oasis artificiel… Ignorant qu’ils vont devoir le partager avec des milliers de rats mutants extrêmement agressifs et de surcroît anthropophages (interprétés pour la plupart par des cochons d’inde peints en noir, quand ce ne sont pas de simples répliques en plastique pas convaincantes pour un sou). Une sanglante et inégale lutte s’amorce alors, décimant peu à peu les rangs de la petite armée de Kurt. Et comme Bruno Mattei, sous son habituel pseudonyme de Vincent Dawn, a été quelque peu marqué par Zombie (qu’il plagia trois ans plus tôt à l’occasion de Virus cannibale), les cadavres affreusement amochés s’accumulent dans le film, assortis de séquences gore qui ne reculent devant aucun excès. Parmi les plus gratinées, il y a ce rat qui surgit par la bouche du cadavre dénudé de la malheureuse Lilith (Moune Duvivier), ou le corps décomposé du massif Taurus (Alex McBride alias Massimo Vanni) qui explose, ses entrailles révélant des dizaines de rongeurs voraces.

« Bon Dieu, ils sont des milliers ! »

Ces débordements n’empêchent guère le film de susciter plus d’ennui que d’intérêt, empêtré qu’il est dans ses péripéties molles, ses dialogues risibles (« Bon Dieu ! Ils sont des milliers ! Ils vont nous bouffer le cul ! »), sa musique synthétique quasi-inaudible signée Luigi Ceccarelli et ses comédiens catastrophiques. A ce titre, les séquences où les filles sont censées hurler de peur constituent d’excellents morceaux d’humour involontaire. Le film pioche aussi son inspiration dans les classiques, Les Oiseaux et La Nuit des morts-vivants en tête, sans en ressortir grandi pour autant. Ces Rats de Manhattan s’achèvent malgré tout sur un coup de théâtre assez savoureux, qui justifie le second titre sous lequel le film fut distribué en France : Les Mutants de la 2ème humanité. Assez bizarrement, cette série Z serait le film dont Bruno Mattei est le plus fier. Voilà qui laisse songeur sur le reste de sa filmographie…

© Gilles Penso

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LA NUIT DES CHAUVES-SOURIS (1999)

Ce film d'attaque animale qui s'inspire souvent des Oiseaux confirme tout le bien que nous pensons de Louis Morneau

BATS

1999 – USA

Réalisé par Louis Morneau

Avec Lou Diamond Phillips, Dina Meyer, Leon, Carlos Jacott, Bob Gunton, David McConnell, Marcia Dangerfield

THEMA MAMMIFERES

La Nuit des chauves-couris est le huitième film de Louis Morneau, un réalisateur amoureux du genre qui nous offrit notamment Carnosaur 2, Rétroaction et Fausse donne. Si Morneau s’est toujours cantonné aux sympathiques séries B, son scénariste John Logan est depuis longtemps entré dans la cour des grands, puisqu’il signa des scripts de haut niveau pour Ridley Scott (Gladiator), Martin Scorcese (Aviator) ou encore Tim Burton (Sweeney Todd). Marchant volontiers sur les traces des Oiseaux d’Hitchcock, Morneau et Logan nous offrent ici un petit film à mi-chemin entre l’épouvante et la catastrophe, plein d’énergie et de second degré, qui se consomme sans modération et avec un vrai plaisir d’amateur.

Dans une petite ville du Texas, plusieurs cadavres d’animaux sont retrouvés mutilés. Lorsque les victimes suivantes sont humaines, les autorités commencent à s’inquiéter sérieusement. Les coupables semblent être des chauve-souris indonésiennes mutantes. Responsable de leur mutation, le docteur Alexander Mc Cabbe (Bob Gunton) leur a inoculé un virus afin d’accroître leur intelligence, leur aptitude à travailler collectivement et leur agressivité. Autre caractéristique non négligeable : elles sont maintenant omnivores, avec un penchant tout particulier pour la viande. Evidemment, le gouvernement, en quête de nouvelles formes d’armes, est derrière cette hérésie. Avant que ces chauves-souris monstrueuses ne prolifèrent, la zoologiste Sheila Casper (Dina Meyer), son assistant Jimmy (Leon) et le shérif Emmett Kimsey (Lou Diamond Philips) font équipe, leur but premier étant d’éviter à tout prix qu’elles ne propagent le virus aux chiroptères non encore contaminés. « Si leurs habitudes alimentaires se dérèglent, on peut dire adieu à cette belle chose qu’est l’équilibre alimentaire » lance la belle Sheila en guise de signal d’alarme.

Petit budget mais gros effets

Si le sujet est très classique, Louis Morneau sait le transcender par la vigueur de sa mise en scène. La caméra est en mouvement permanent, le montage est nerveux, les cadres en Scope très soignés et la magnifique photo de George Mooradian valorise à merveille les basses lumières. Mélange d’images de synthèse et de marionnettes, les créatures constituent une menace tangible, palpable. Rarement chauves-souris auront été aussi effrayantes à l’écran. Bats collecte d’ailleurs quelques séquences d’anthologies héritées presque toutes des Oiseaux : la première attaque dans la voiture, l’invasion spectaculaire de la ville de Gallup, l’assaut du collège barricadé ou encore le final au cours duquel les héros harnachés comme des cosmonautes affrontent les monstres dans leur repaire souterrain. Suspense à foison, effets pyrotechniques généreux, scènes de panique à grande échelle… Morneau n’y va pas avec le dos de la cuiller et nous donne l’impression d’une superproduction avec un budget pourtant très modeste de six millions et demi de dollars (cinq fois moins qu’un Arachnophobie produit pourtant près de dix ans plus tôt !). C’est dire le savoir-faire et la dévotion de cet artisan pas toujours reconnu à sa juste valeur.


© Gilles Penso

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ISOLATION (2005)

Le talent de Billy O'Brien éclate dès son premier film, une fable intimiste qui bascule dans l'horreur lorsque des bovidés mutants passent à l'attaque…

ISOLATION

2005 – GB / IRLANDE

Réalisé par Billy O’Brien

Avec John Lynch, Essie Davis, Ruth Negga, Sean Harris, Marcel Iures, Crispin Letts

THEMA MAMMIFERES

Féru d’épouvante et de science-fiction, Billy O’Brien a grandi dans une ferme irlandaise. Pour son premier long-métrage, il paraissait normal que ce jeune diplômé des Beaux-Arts s’efforce de combiner son goût du fantastique et son expérience personnelle. D’où Isolation, une œuvre d’autant plus intrigante qu’elle s’éloigne des sentiers battus malgré un argument de départ digne d’un Roger Corman des années 50. Dan Reilly, à la tête d’une modeste exploitation agricole, a bien du mal à joindre les deux bouts. C’est donc en désespoir de cause qu’il accepte de soumettre son bétail à des tests de fécondation, histoire d’arrondir ses fins de mois. Hélas, le laboratoire de biotechnologie qui gère ces expériences semble ne pas avoir estimé à sa juste valeur les dangers encourus. Bientôt, l’une des vaches de Dan met bas une génisse elle-même enceinte de plusieurs fœtus anormaux. Voraces, monstrueux, structurés autour d’un exo-squelette acéré et porteurs d’une maladie contagieuse, ils meurent tous à la naissance. Tous sauf un…

Certes, le refrain semble connu, et les monstres génétiques traquant du gibier humain dans un huis clos inquiétant sont légion depuis de nombreuses décennies. Mais là où Billy O’Brien surprend, c’est par ses partis pris de mise en scène et sa direction d’acteurs, à mille lieues de ce qui se pratique généralement dans le domaine des « monster movies ». Ici, le réalisme et la crudité semblent être les maîtres mots. Fragilisés psychologiquement, les personnages communiquent aux spectateurs leurs failles, et décuplent du coup le processus d’identification. Le fermier Reilly est un homme triste et taciturne rongé par le remords. Son ex-compagne, Orla, assume difficilement leur séparation ainsi que son implication dans les expérimentations en cours. Son patron John échappe au manichéisme des savants fous traditionnels par l’humanisme qui perce sous sa carapace obsessionnelle et déterminée. Quant à Mary et Jamie, les deux gitans échoués là par accident, ils fuient le courroux de leurs familles respectives furieuses de leur union et tentent de préserver coûte que coûte la solidité de leur relation malgré le drame monstrueux qui couve.

Une atmosphère moite et crasse

A ces profondeurs psychologiques inattendues, O’Brien ajoute un style visuel plus proche du cinéma d’auteur indépendant que de l’épouvante hollywoodienne. La caméra est à l’épaule, les lumières sont crues, les comédiens semblent parfois improviser et le montage privilégie les jump-cut et les moments de silence pesants. Le tout dans une atmosphère moite et crasse, où l’humidité s’insinue partout et où la boue macule les pas de chaque protagoniste. L’ombre de quelques classiques de l’horreur plane tout de même sur le métrage, notamment Alien et The Thing, en particulier au cours des séquences de suspense et de panique liées à la présence du monstre. Mais là aussi, le cinéaste emprunte des chemins de traverse, évacuant l’emploi habituel d’images de synthèses au profit d’effets spéciaux 100% physiques conçus par le vétéran Bob Keen (HellraiserEvent Horizon). Isolation est donc un premier film pour le moins novateur, primé à juste titre au 13ème Festival de Gérardmer.


© Gilles Penso

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