LE FANTÔME DE BARBE NOIRE (1968)

Un coach sportif réveille par mégarde le spectre du plus redoutable des pirates et se voit contraint de cohabiter avec lui…

BLACKBEARD’S GHOST

 

1968 – USA

 

Réalisé par Robert Stevenson

 

Avec Peter Ustinov, Dean Jones, Suzanne Pleshette, Elsa Lanchester, Joby Baker, Elliott Reid, Richard Deacon, Norman Grabowski, Kelly Thordsen, Michael Conrad

 

THEMA FANTÔMES

Depuis le succès de 20 000 lieues sous les mers en 1952, la branche « films en prises de vues réelles » du studio Disney s’était révélée très fructueuse, alternant les titres anecdotiques avec quelques longs-métrages destinés à se muer en petits classiques comme Darby O’Gill, Les Enfants du capitaine Grant ou Mary Poppins. C’est dans cet esprit qu’est imaginé Le Fantôme de Barbe Noire, adaptation d’un roman de Ben Stahl paru en 1965 dont la réalisation est confiée au vétéran Robert Stevenson. Tournée en studio sur les plateaux de l’oncle Walt, cette comédie fantastique tous publics fera grincer quelques dents du côté des apôtres du politiquement correct, quelques années plus tard, à cause de la forte consommation d’alcool du jovial pirate vedette. Le protagoniste de ce récit rocambolesque est Steve Walker (Dean Jones), un coach sportif venu dans la ville côtière imaginaire de Goldophin pour entraîner l’équipe locale d’athlétisme, connue pour ses résultats sportifs déplorables. L’auberge dans laquelle il s’installe, Blackbeard’s Inn, est gérée par un groupe de vieilles dames qui descendent toutes du fameux pirate Edward Teach et de son équipage. Ces braves « filles de flibustiers », comme elles se surnomment, ont maille à partir avec Silky Seymour (Joby Baker), un parrain de la pègre qui menace de racheter l’auberge pour la transformer en casino si elles ne remboursent pas leur hypothèque.

C’est donc dans une atmosphère étrange, baignée par les légendes du vieux pirate, la jovialité des vénérables propriétaires, la poigne du charmant professeur Jo Anne Baker (Suzanne Pleshette) et les menaces insidieuses des mafieux locaux que notre coach découvre la petite bourgade. Mais il n’est pas au bout de ses peines. Lors de sa première nuit passée à l’auberge, il casse accidentellement le chauffe-lit antique qu’il avait acquis pendant une vente aux enchères et y découvre un manuscrit caché, écrit de la main de la dernière femme de Barbe Noire, réputée pour être une sorcière. En récitant à voix haute l’une des formules qui s’y trouvent, il réveille le fantôme du pirate qui surgit des limbes sous les traits bonhommes de Peter Ustinov. Steve étant le seul à le voir et à l’entendre, les quiproquos en série et les situations invraisemblables ne vont cesser de s’enchaîner. Le Fantôme de Barbe Noire prend dès lors la forme d’une sorte de « buddy movie » obligeant deux hommes qui n’ont rien en commun à cohabiter. « Je n’ai pas un fantôme ordinaire mais un gros poivrot plein de rhum ! » se lamente ainsi Steve.

« Je n’ai pas un fantôme ordinaire mais un gros poivrot plein de rhum ! »

Le film de Stevenson exploite au mieux son double concept comique (le « poisson hors de l’eau » et l’association des contraires) tout en s’appuyant sur un casting sur-mesure. Dean Jones incarne ainsi à merveille l’anti-héros mi gaffeur mi séducteur cher aux productions Disney de l’époque, personnage qu’il esquissait déjà dans L’Espion aux pattes de velours et qu’il allait continuer à cultiver avec Un amour de Coccinelle. Échappée des Oiseaux d’Hitchcock, Suzanne Pleshette retrouve Jones à qui elle donnait la réplique dans 4 Bassets pour un Danois et campe un personnage féminin fort et déterminé, propre à affronter les nombreux coups de folie de ce récit à rebondissements. Et comment ne pas s’attacher à la performance d’Elsa Lanchester, éternelle Fiancée de Frankenstein qui nous ravit sous la défroque d’une vieille originale, diseuse de bonne aventure à ses heures ? Mais Le Fantôme de barbe Noire est surtout un véhicule parfait pour Peter Ustinov, absolument irrésistible dans ce rôle de ce spectre exubérant, jovial, paillard et sans complexe. La majorité des gags du films reposent sur la nature invisible du pirate, générant quelques séquences burlesques mémorables comme l’arrestation par le motard de police, le Vaudeville dans le restaurant, les épreuves sportives surréalistes ou la scène insensée de la roulette. Si le film a depuis sombré dans un semi-oubli, il fut à l’époque un succès fort honorable, ses recettes ayant dépassé en 1968 les 20 millions de dollars.

 

© Gilles Penso

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X-FILES – LE FILM (1998)

Mulder et Scully passent du petit au grand écran pour poursuivre leurs investigations liées aux rencontres du troisième type…

THE X-FILES : FIGHT THE FUTURE

 

1998 – USA

 

Réalisé par Rob Bowman

 

Avec David Duchovny, Gillian Anderson, John Neville, Martin Landau, William B. Davis, Blythe Danner, Mitch Pileggi, Jeffrey DeMunn, Terry O’Quinn, Armin Mueller-Stahl

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Pour ne pas émousser le succès des X-Files, Chris Carter envisage de mettre fin à la série à la fin de la cinquième saison et de poursuivre les aventures de ses agents du FBI à travers plusieurs longs-métrages destinés au cinéma. Mais le réseau Fox n’entend pas interrompre un show aussi rentable et préfère jouer les prolongations, même si le créateur de Mulder et Scully sent bien qu’il est arrivé au bout d’un cycle. Voilà sans doute ce qui explique le net infléchissement qualitatif de la série à partir de la fin des années 90. Fox propose donc à Carter d’écrire un film conçu pour établir un lien entre la quatrième et la cinquième saison, sachant que le débarquement de David Duchovny et Gillian Anderson sur les grands écrans sera forcément vécu comme un événement… et devrait donc logiquement remplir les tiroir-caisse des salles de cinéma. Carter s’attèle à la tache non sans mal, le passage du format télé à celui d’un long n’étant pas si simple. La mise en scène de X-Files – le film est confiée à Rob Bowman, un habitué de la série qui a réalisé quelques-uns de ses épisodes les plus marquants. Bowman s’était déjà frotté au cinéma avec la comédie sportive Airborne mais passe ici à la vitesse supérieure, ce qui lui permettra de diriger par la suite les blockbusters Le Règne du feu et Elektra. Le planning de la série étant très serré, le réalisateur n’a que dix semaines pour boucler son tournage, une véritable gageure si l’on tient compte des ambitions du film.

Dans une atmosphère insolite à mi-chemin entre La Guerre du feu et The Thing, le film s’ouvre 35 000 ans avant JC dans le Texas du Nord. Deux hommes préhistoriques découvrent sous la glace une grotte qui abrite une entité extra-terrestre agressive. Mortellement blessée, la créature occis l’un des Néandertaliens et contamine l’autre avec un liquide noir et poisseux qui s’écoule de son corps. Un bond en avant nous transporte de nos jours. Quatre gamins se retrouvent sur le même site et libèrent accidentellement la redoutable substance extra-terrestre. Fox Mulder et Dana Scully, eux, se cantonnent à des missions très terre à terre depuis la fermeture du bureau des affaires non classées. Les voilà ainsi à la recherche d’une bombe qui aurait été camouflée dans un bâtiment fédéral de Dallas. L’adrénaline que suscite une telle situation permet à la dynamique habituelle du duo de se remettre en place (le raisonnement cartésien et rationnel de l’une s’opposant au caractère fantasque et désinvolte de l’autre). Or cette alerte à la bombe est directement liée à la découverte de la grotte souterraine. Malgré la cessation officielle de leurs activités liées aux phénomènes inexpliqués, Mulder et Scully se lancent donc dans une enquête clandestine et mettent à jour un projet gouvernemental de guerre bactériologique visant à la propagation d’un virus venu d’une autre planète…

Un épisode bonus

L’exercice n’était pas simple. Si Chris Carter et Rob Bowman avaient trop élargi le scope du film et leurs ambitions filmiques, ils n’auraient pas été à l’abri de levers de boucliers de la part de cohortes de fans fâchés de voir leur show favori trahi et dénaturé. Si au contraire ils avaient conservé la mécanique habituelle de la série sans trop changer les ingrédients qui firent son succès, ils n’auraient rien proposé d’autre qu’un épisode rallongé. Pour trouver le juste équilibre, ils se plient donc à de nombreux compromis et livrent – c’était à craindre – un résultat un peu lisse. Retrouver le couple vedette et un certain nombre de personnages récurrents (Skinner, l’homme à la cigarette, les Lone Gunmen) est certes toujours agréable, mais l’intérêt est surtout attisé par les nouveaux visages qu’ils côtoient, comme ce bon vieux Martin Landau (dans le rôle d’un complotiste tellement paranoïaque qu’il ferait presque passer Mulder pour un modèle de scepticisme) ou Terry O’Quinn dans une apparition brève mais marquante. On pourra regretter les facilités scénaristiques qui permettent à nos héros d’accéder un peu trop facilement à des sites qui devraient logiquement être ultra-sécurisés et à trouver sans trop de difficultés l’équivalent d’une aiguille dans une botte de foin. C’est le problème majeur du climax qui déploie certes un décor de vaisseau spatial très photogénique mais cède aux rebondissements capillotractés. On apprécie malgré tout le clin d’œil à La Mort aux trousses (la poursuite par des hélicoptères dans un grand champ de maïs) et à Independence Day (Mulder soulageant sa vessie sur le poster du film, ce que Roland Emmerich n’aurait que très moyennement apprécié !). Cet « épisode bonus » n’apporte donc rien de fondamental aux X-Files mais remplit sa mission première : une transition efficace entre la quatrième et la cinquième saison.

 

© Gilles Penso


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CAVE GIRL ISLAND (1995)

Un trio de jolies extra-terrestres s’échoue avec son vaisseau spatial dans un monde préhistorique sauvage et bizarre…

BEACH BABES 2 : CAVE GIRL ISLAND

 

1995 – USA

 

Réalisé par David DeCoteau

 

Avec Roxanne Blaze, Tina Lawrence, Stephanie Hudson, Rodrigo Botero, Stefan Galio, Kenneth Johnson, Guy Payne, Lenny Rose

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I EXOTISME FANTASTIQUE I DINOSAURES I SAGA CHARLES BAND

Produit et distribué en 1993, Beach Babes From Beyond (Les Créatures de l’au-delà) avait pour vocation de créer un nouveau label, Torchlight, au sein de la compagnie Full Moon. Son crédo : mêler la science-fiction et le sexe dans le but d’égayer les bacs des vidéoclubs alors très friands de produits calibrés pour public adulte. Mais le label a du mal à s’installer, malgré la mise en chantier d’autres titres du même acabit. Alors que Paramount, jusqu’alors distributeur de ces films, est sur le point de lâcher l’affaire, le producteur Charles Band initie en quatrième vitesse une suite de Beach Babes From Beyond, Beach Babes 2 : Cave Girl Island, aussi connu sous le titre simplifié de Cave Girl Island. Tourné en cinq jours à peine et toujours confié au réalisateur David DeCoteau (sous l’un de ses pseudonymes habituels, Ellen Cabot), ce second épisode reprend le même principe que le précédent : raconter les aventures érotiques de Xena, Sola et Luna, trois jolies extra-terrestres en vadrouille. Si Roxanne Blaze reprend le rôle de Xena, ses deux compagnes lui font faux bond. C’est donc Tina Lawrence qui joue Sola (à la place de Nicole Posey) et Stephanie Hudson qui incarne Luna (au lieu de Tamara Landry). La cohérence et la continuité étant le cadet des soucis de l’équipe du film – et du spectateur -, ces changements de visages n’ont pas la moindre incidence sur le déroulement de Cave Girl Island.

À la fin des Créatures de l’au-delà, les trois ingénues quittaient Malibu pour retrouver leur planète natale après avoir multiplié les parties de jambes en l’air et avoir remporté un concours de danse en bikini sur la plage. Alors qu’elles traversent l’espace, Xena éternue et fait atterrir en catastrophe leur vaisseau sur une île inconnue. Devenue amnésique, celle-ci se retrouve isolée dans la forêt et fait l’amour avec le premier homme des cavernes venu. Ses deux amies errent de leur côté sur la plage et se trémoussent en écoutant de la musique. Voilà qui nous annonce d’emblée le ton décontracté et désespérément creux du scénario. L’intrigue pourrait être relancée par une attaque soudaine de monstres préhistoriques, mais il s’agit de simples extraits de La Planète des dinosaures qui sont montés n’importe comment et n’interagissent donc pas du tout avec les comédiennes. Le reste n’est que routine : rencontres avec de beaux étalons en peaux de bête et galipettes dans toutes les positions du Kamasoutra.

Banana slip

Il y a pourtant un élément scénaristique intéressant au beau milieu de cette bande-démo d’érotisme soft, hélas pas du tout exploité. L’île se révèle en effet n’être préhistorique qu’en apparence. Les dinosaures sont des projections virtuelles et l’endroit est truffé de caméras installées par le grand méchant du film, un dictateur hilare qui parle tout seul, se promène en slip et porte le béret. Cet homme, qui répond au nom de James T. Renford III, est incarné par Lenny Rose, lui aussi rescapé des Créatures de l’au-delà dans lequel il jouait un employé municipal. Mais ses interventions restent parfaitement inintéressantes, tout comme celles des amants de nos héroïnes qui se prennent pour les trois Stooges (bruitages à l’appui) ou de cet androïde bossu qui semble échappé d’un dessin animé. Il n’y a donc pas grand-chose à sauver de ce Cave Girl Island qui réussit même l’exploit de transformer un passage supposément excitant en grand moment d’humour involontaire (la scène de la banane, digne de Hot Shots). Dans la foulée, un troisième film est envisagé avec les mêmes personnages, mais nos Beach Babes arrêteront finalement là leurs exploits, faute d’avoir su correctement remplir les tiroir-caisse.

 

© Gilles Penso


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L’ALCHIMISTE (1983)

Maudit par un sorcier qui lui a jeté un sort, un homme condamné à la bestialité trouve la réincarnation de sa défunte femme…

THE ALCHEMIST

 

1983 – USA

 

Réalisé par Charles Band

 

Avec Robert Ginty, Lucinda Dooling, John Sanderford, Vida Kate Simpson, Robert Glaudini, Tony Abatemarco

 

THEMA MAGIE ET SORCELLERIE I SAGA CHARLES BAND

L’Alchimiste est le cinquième long-métrage réalisé par Charles Band, mais ce film ne lui était pas initialement destiné, et c’est à la dernière minute, pour sauver les meubles en quelque sorte, qu’il accepte d’en prendre les rennes. « Après environ trois jours de tournage, le producteur de L’Alchimiste m’a appelé pour me dire que le réalisateur qu’il avait engagé ne s’en sortait pas et qu’il fallait que je débarque pour l’aider à mener ce film à son terme », se souvient Band. « Le premier réalisateur avait tourné pendant environ deux ou trois jours, et je n’ai eu à ma disposition que six ou sept jours pour tout finir. » (1) Si le nom du metteur en scène initial de L’Alchimiste semble avoir sombré dans l’oubli, celui de Charles Band est déjà bien connu à l’époque dans le milieu du cinéma indépendant, puisqu’au-delà de ses réalisations il a déjà produit une quinzaine de films, principalement dans les domaines de l’horreur et de la science-fiction. Pas certain de pouvoir tirer grand-chose du scénario d’Alan J. Adler (Parasite, Quartier de femmes, Metalstorm), Band joue la prudence en adoptant le pseudonyme de James Amante. Le premier rôle masculin du film est confié à Robert Ginty, qui s’était fait remarquer quelques années plus tôt dans Le Droit de tuer de James Glickenhaus. La promotion de L’Alchimiste ne se privera pas de le rappeler. Sur les affiches françaises, on peut lire : « Il a joué Le Droit de tuer, il joue… L’Alchimiste ! » Voilà qui a le mérite d’être explicite.

De quoi parle-t-il, ce fameux Alchimiste ? Pour être honnête, ce n’est pas très clair. Tout commence en 1871. Ginty joue Aaron, un alchimiste désemparé qui découvre son épouse Anna (Lucinda Dooling) ensorcelée par un magicien sinistre nommé DelGatto (Robert Glaudini). En voulant tuer le sorcier, il occis accidentellement son épouse, ce qui est ballot. « Tu resteras à jamais un animal, c’est ma malédiction pour l’éternité ! » lui lance alors DelGatto avant de disparaître dans les flammes. Et hop, nous voilà propulsé au milieu des années 50. Aaron est effectivement devenu une bête sauvage qui n’a certes pas pris une ride mais court dans les bois pour chasser des animaux et les dévorer à belles dents avant de retrouver un comportement plus civilisé. Parallèlement, nous suivons le parcours d’une automobiliste, Lenora (jouée également par Lucinda Dooling), qui est soudain victime d’angoissantes hallucinations. Pour se réconforter, elle prend un auto-stoppeur (John Sanderford). Mais, poussée par on ne sait quelle force, elle quitte la route déserte et s’enfonce dans la forêt où sa voiture tombe en panne. Or la malédiction dont est victime Aaron semble directement liée à sa propre existence…

Plus d’ennui que d’effroi

Cette histoire nébuleuse d’alchimie, de sorcellerie, de malédiction ancestrale, de démonologie, de réincarnation et de quasi-lycanthropie nage en pleine confusion, comme si le scénariste avait voulu trop en mettre tout en sachant que les moyens à la disposition des producteurs ne permettraient qu’un film minuscule circonscrit dans un décor simple avec une petite poignée d’acteurs. On mesure donc le fossé gigantesque entre les intentions initiales et le résultat final : une petite série B mal fichue qui traîne en longueur et suscite beaucoup plus d’ennui que d’effroi. On peut sauver du naufrage la jolie musique de Richard Band (qui bénéficie alors d’une modeste formation orchestrale), le montage efficace de Ted Nicolaou (futur réalisateur stakhanoviste des productions Charles Band), les furtifs effets visuels de Jack Rabin (quelques volutes de fumée en dessin animé s’échappant d’une fiole, un seuil tourbillonnant qui s’ouvre vers une autre dimension), une scène surprenante au cours de laquelle nos héros sont attaqués en pleine nuit par des entités démoniaques inquiétantes et une poignée d’effets dégoulinants au cours du climax. Il faudra se contenter de ça. Pour le reste, L’Alchimiste constitue un efficace somnifère.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans « Starbust » en janvier 2018

 

© Gilles Penso


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TIME OUT (2011)

Dans le futur, les citoyens ne courent plus après l’argent mais après le temps, nouvelle monnaie d’un monde impitoyable où chaque minute compte…

IN TIME

 

2011 – USA

 

Réalisé par Andrew Niccol

 

Avec Justin Timberlake, Amanda Seyfried, Cillian Murphy, Alex Pettyfer, Vincent Kartheiser, Olivia Wilde, Matt Bomer, Johnny Galecki, Collins Pennie

 

THEMA FUTUR

Chez Andrew Niccol, la science-fiction a toujours été un véhicule idéal pour traduire les maux de notre société et les travers de la nature humaine. Qu’il s’agisse de la lutte des classes génétique de Bienvenue à Gattaca, des dérives voyeuristes du Truman Show ou des simulacres numériques de Simone, notre homme a toujours su s’approprier les codes du genre pour tendre aux spectateurs un miroir déformant d’eux-mêmes. Cette démarche reste vivace lorsqu’il s’écarte parfois de la SF pour aborder des intrigues plus contemporaines, comme Le Terminal et Lord of War. Avec Time Out, Niccol continue de creuser le sillon de Gattaca, les deux films pouvant d’ailleurs s’envisager comme deux œuvres complémentaires. « Je considère Time Out comme une sorte d’enfant illégitime de Gattaca, parce qu’à l’époque, je pensais que le Saint Graal de l’ingénierie génétique serait de trouver le gène du vieillissement et de le désactiver », confirme-t-il. « Les implications étaient tellement énormes que je me suis dit : “Ce sera l’objet d’un autre film“. Et c’est effectivement devenu un autre film. » (1) Envisagé sous le titre de Now (« Maintenant ») puis de I’m.mortal (jeu de mot sur « Je suis mortel » et « Immortel »), le quatrième long-métrage d’Andrew Niccol s’appelle finalement In Time (« À temps »), ce que les distributeurs français « traduiront » par Time Out (« Temps mort »).

L’année 2169 que nous présente Andrew Niccol est terrifiante parce qu’elle est tangible. Dans ce monde futur où l’écart entre les classes sociales se fait plus ressentir que jamais, tous les citoyens sont génétiquement modifiés pour cesser de vieillir dès qu’ils atteignent leurs 25 ans. Dès lors, le compteur greffé sur leur avant-bras s’active et indique combien de temps il leur reste à vivre. Lorsque cette horloge alimentée par l’activité du pouls indique zéro, son porteur « tombe en panne » et meurt instantanément. Le temps est désormais la monnaie universelle, transférée directement entre les personnes ou stockée dans des capsules. Alors que les plus démunis ne cessent de courir après le temps, grappillant ici et là des heures et des minutes précieuses, les nantis accumulent oisivement leurs siècles, spéculant sur l’existence des autres et augmentant sans cesse le coût de la vie pour éviter de partager les richesses. Dans cet univers dystopique, les « garde-temps » sont les nouveaux policiers et les « minutemen » des voleurs détroussant leurs victimes en absorbant leur durée de vie…

Course contre la montre

Pour raconter cette histoire, Niccol choisit comme protagoniste un homme du peuple qui a tout perdu et décide de prendre sa revanche sur les plus riches en les infiltrant pour mieux retourner la situation. Le problème, c’est que ce personnage orchestre cette auto-justice de manière très chaotique, à travers un comportement absurde qui laisse les spectateurs perplexes et freine une empathie pourtant bien amorcée lors du prologue du film. Son besoin compulsif de dépenser toute la richesse qu’il vient miraculeusement d’acquérir en suites d’hôtel, en restaurants étoilés, en tables de jeu et en voitures de luxe, se mettant inutilement en danger de mort, semble antithétique avec l’idée d’une vengeance savamment calculée. L’autre travers de Time Out est la relative lourdeur de sa structure narrative, qui ménage de la place pour une série de séquences d’action artificielles dont le scénario se serait bien passé au profit d’une approche plus psychologique (comme dans Gattaca justement). Malgré tout, le concept reste extrêmement fort, constat lucide et sans concessions d’une humanité égoïste vouée à son autodestruction, et nous offre la vision surréaliste d’époux, de parents et d’enfants qui donnent tous l’impression d’avoir 25 ans. Si Amanda Seyfried reste en retrait dans un rôle relativement archétypal, Justin Timberlake et Cillian Murphy crèvent l’écran en incarnant deux antagonistes plus proches qu’ils ne voudraient l’admettre. Leur pleine implication (psychologique et physique) vaut largement le détour.

 

(1) Extrait d’une interview parue dans Collider en octobre 2011

 

© Gilles Penso


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HUNTRESS, L’ESPRIT DE LA NUIT (1996)

Une jeune femme revient sur la terre de ses ancêtres pour assister aux funérailles de son père et se sent soudain prise de pulsions bestiales…

SPIRIT OF THE NIGHT / HUNTRESS: SPIRIT OF THE NIGHT

 

1996 – USA

 

Réalisé par Mark Manos

 

Avec Jenna Bodnar, Constantin Cotimanis, Charles Cooper, Blair Valk, Mihaela Mihut, Adrian Titieni, David Starzyk, Ion Siminie, Michael Wiserman

 

THEMA LOUPS-GAROUS I SAGA CHARLES BAND

C’est en 1986 que naît le projet Huntress. À l’époque, le film est censé être écrit et réalisé par David Schmoeller (Tourist Trap, Fou à tuer) pour Empire Pictures, la première compagnie de Charles Band. Ron Underwood (Tremors) est sollicité pour en être le producteur associé et Pino Donaggio (Carrie, Pulsions) le compositeur. Mais comme tant d’autres projets d’Empire, Huntress est abandonné. Dix ans plus tard, Band décide de ressusciter cette histoire sous la houlette de sa nouvelle compagnie, Full Moon Entertainment, dans le cadre du label Torchlight consistant à mêler le fantastique et l’érotisme. Les précédents tournages des films de cette collection eurent lieu sur le sol américain (Les Créatures de l’au-delà, Virgin Hunters, Cave Girl Island), mais celui-ci est délocalisé en Roumanie où Full Moon a ses habitudes (notamment grâce à la saga Subspecies). Ce choix géographique permet à la production de faire des économies tout en bénéficiant de décors naturels très photogéniques. Finalement, la réalisation échoit à Mark Manos, monteur habitué aux séries B de Charles Band (Mandroid, Dollman vs. Demonic Toys, Puppet Master 4, Invisible : les chroniques de Benjamin Knight, Dark Angel : The Ascent) qui vient alors de réaliser le quatrième opus de la saga Josh Kirby Time Warrior. Manos a des ambitions artistiques audacieuses pour Huntress, qu’il n’imagine pas comme un simple catalogue Playboy déguisé en film fantastique mais plutôt comme une romance gothique onirique.

Jenna Bodar, qui fit ses débuts comme figurante dénudée dans Virgin Hunters, incarne Tara Wexford, de retour dans la maison de ses ancêtres dans la petite ville de Brecon, au nord du Pays de Galles, pour les funérailles de son père. Architecte spécialisée dans le design industriel, Tara se fait des amis sur place et rencontre un séduisant photographe, Jacob (Michael Wiserman), qui s’est bizarrement établi dans une caverne, comme un troglodyte, et dont les charmes ne la laissent pas insensible. Ce retour dans une bourgade qu’elle n’a pas revue depuis l’enfance va mettre à jour plusieurs secrets familiaux, dont l’un semble lié à une bête sauvage qui terrorise les habitants en pleine nuit. Tara elle-même se sent bientôt gagnée par d’étranges pulsions incontrôlables qui éveillent en elle un caractère animal. Elle s’imagine régulièrement courir comme un prédateur sauvage au milieu de la forêt nocturne. Mais est-ce vraiment un rêve ?

Lycanthropus interruptus

Nous sommes ici bien loin des productions Torchlight habituelles, qui se contentent de déshabiller toutes leurs actrices et de les laisser se trémousser au fil d’un scénario-prétexte filiforme. Ici, Mark Manos cherche visiblement à construire une atmosphère presque héritée de la Hammer en soignant du mieux qu’il peut sa direction artistique. Il y a certes dans Huntress un érotisme omniprésent, qui s’amorce dès l’entame sous forme d’un rêve trouble, puis s’invite régulièrement dans des séquences qui n’existent que pour mettre en valeur le corps de Jenna Bodnar et celui de ses partenaires. Mais le sexe potache pour lycéens façon Les Créatures de l’au-delà est évacué au profit d’une approche plus élégante, plus sensitive et plus émotionnelle des pulsions physiques. « Mark et moi avons essayé de repousser les limites, de faire en sorte que le film soit de bon goût, mais qu’il soit très érotique en termes de dynamique entre les personnages », explique le scénariste James Sealskin. « Nous ne voulions pas nous contenter de dénuder les actrices, nous voulions mêler l’horreur et l’érotisme. » (1) Ici, bizarrement, la lycanthropie ne se transmet pas par morsure mais via une étrange lueur surnaturelle qui passe d’une poitrine à l’autre. On pourra légitimement être frustré par l’absence de transformation complète de l’héroïne en bête. Il nous faut nous contenter de quelques rugissements et de pupilles noircies. Dommage surtout que le film se termine en queue de poisson, littéralement au milieu d’une scène, sans qu’aucune des sous-intrigues ne soient résolues. La suite de Huntress, qui devait être réalisée dans la foulée, fut en effet annulée deux semaines à peine avant le début du tournage, à cause de l’interruption brutale de la collaboration entre Full Moon et son distributeur Paramount.

 

(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)

 

© Gilles Penso


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ROBOT KILLER (1987)

Un savant fou lâche dans les rues de New York des cyborgs assassins que seule une équipe de mercenaires semble capable d’arrêter…

MUTANT HUNT

 

1987 – USA

 

Réalisé par Tim Kincaid

 

Avec Rick Gianasi, Mary-Anne Fahey, Ron Reynaldi, Taunie Vrenon, Bill Peterson, Stormy Spill, Stormy Spill, Doug Devos, Warren Ulaner, Mark Legan, Asie Kid

 

THEMA ROBOTS I SAGA CHARLES BAND

La saisissante jaquette de Robot Killer dessinée par Laurent Melki, sous haute influence de Terminator, annonce du grand spectacle, de l’action et des effets spéciaux en pagaille, bref déborde de promesses… Mais le réalisateur du film n’est autre que Tim Kincaid, un tâcheron au talent tout relatif signataire d’un bien piètre Robot Holocaust et du distrayant mais médiocre Breeders alias L’Hybride infernal. On se doute donc que, fidèle à son habitude, le généreux Melki nous a vendu beaucoup plus de rêve que ce que le film lui-même va pouvoir nous offrir. Sorti directement en vidéo en octobre 1987 sur le territoire américain (sous son titre original de Mutant Hunt, autrement dit « la chasse aux mutants »), Robot Killer a pourtant été tourné en octobre 1985, en même temps que L’Hybride infernal avec lequel il partage plusieurs décors (principalement les rues de New York) et une partie de l’équipe technique (dont la costumière Nancy Arons, le monteur Barry Zetlin, le directeur des effets spéciaux Matt Vogel et le maquilleur spécial Ed French). Le scénario est l’œuvre de Kincaid, et on ne peut pas dire qu’il déborde d’originalité.

Nous sommes dans un futur proche. Au sein de la société Inteltrax, le professeur Z (Bill Peterson), dont le costumes en cuir semble échappé d’un space opera italien des années 60, fabrique des androïdes destinés au combat. Tous bâtis sur le même modèle, ils arborent une mâchoire carrée et des lunettes de soleil, comme s’ils voulaient rendre hommage à Arnold Schwarzenegger sur le poster de Terminator. La dernière série, les Delta 7, n’est pas encore prête à entrer en service mais Z veut pourtant les mettre sur le marché. Le docteur Haynes (Mark Umile), un scientifique qui participait au projet s’y oppose, arguant qu’une molécule indésirable altère leur système, mais il est rapidement fait prisonnier par le savant fou. Sa sœur Darla (Mary Fahey) décide alors de demander de l’aide auprès du mercenaire Matt Riker (Rick Gianasi). Aidé par une petite équipe de combattants émérites, ce dernier va tenter d’arrêter la folie meurtrière des cyborgs humanoïdes qui, subitement pris de folie, se sont transformés en machines à tuer et terrorisent New-York. Ce sont désormais, selon les termes de Darla, des « mutants tueurs psycho-sexuels »… Tout un programme !

Les mutants tueurs psycho-sexuels

Terminator est bien sûr l’inspiration principale de cette micro-production qui emprunte aussi au passage quelques idées à Blade Runner et même à James Bond (à travers la panoplie des gadgets qui nous sont présentés avant que la mission commence)… Après tout, pourquoi se creuser les méninges si l’on peut faire ses courses dans les films qui existent déjà ? Les décors « futuristes » sont des ruelles sombres et des bâtiments désaffectés, la bande originale est une insupportable litanie de rock de supermarché qui tourne en boucle et les combats mous et mal rythmés sont très drôles au second degré (les mercenaires terrassant facilement les cyborgs censés pourtant être chacun fort comme dix hommes). Malgré tout, Robot Killer collecte quelques idées visuelles amusantes, comme les membres extensibles des robots qui s’allongent façon Inspecteur Gadget, les mains coupées qui se promènent toutes seules et se greffent aux poignets tranchés, les téléphones miniatures greffés dans les oreilles (ancêtre de nos Airpods) et quelques effets spéciaux de maquillage inventifs signés Ed French (notamment ce cyborg décomposé à la mâchoire arrachée qui se réactive). Pas de quoi crier au génie, évidemment, mais l’amateur de séries Z distrayantes trouvera de quoi picorer dans ce Robot Killer mal fichu mais sympathique.

 

© Gilles Penso

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MEDIEVAL PARK (1999)

Après avoir gagné un concours, un ado participe à une émission télévisée située dans un château médiéval… et se retrouve propulsé dans le passé

TEEN KNIGHT / MEDIEVAL PARK

 

1999 – USA

 

Réalisé par Phil Comeau

 

Avec Kris Lemche, Caterina Scorsone, Benjamin Plener, Paul Soles, Kimberly Pullis, Marc Robinson, Claudiu Trandafir, Dan Frinculescu, Eugen Cristea

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS I SORCELLERIE ET MAGIE I DRAGONS I ROBOTS I SAGA CHARLES BAND

Dans la masse impressionnante de films aux budgets minuscules produits en Roumanie par Charles Band, il y a forcément des laissés pour compte, des produits tellement anecdotiques que seuls les fous, les complétistes ou les curieux – votre humble serviteur plaide triplement coupable – ont le courage de visionner jusqu’au bout malgré leur intérêt tout relatif. La promesse était pourtant intrigante. Titré d’abord Teen Knight (« Le Chevalier adolescent ») puis rebaptisé Medieval Park (dans une tentative désespérée et parfaitement absurde de surfer tardivement sur le succès des dinosaures de Steven Spielberg), ce conte tout public conçu sous le label Moonbeam nous annonce un voyage dans le temps, des robots, de la sorcellerie, des combats à l’épée, un château du moyen-âge, des cachots, un dragon, une princesse à secourir, un seigneur maléfique, bref du spectacle à foison. Certes, tous les ingrédients cités ci-dessus sont bien présents dans ce « Parc médiéval » low cost, mais ils se concrétisent à l’écran avec si peu de conviction que les spectateurs sont généralement partagés entre deux réactions possibles : le soupir d’exaspération ou le rire nerveux… voire les deux simultanément.

Notre héros est Peter (Kris Lemche), un ado qui rêve de remporter le concours organisé par la marque de boissons gazeuses Silver Streak Cola et de participer à l’aventure médiévale promise aux vainqueurs, autrement dit une sorte de jeu de rôle grandeur nature dans un grand château filmé par des caméras de télévision. Parmi toutes les bouteilles lancées sur le marché, seules quatre portent sous leur bouchon la mention « vous avez gagné ». Or Monsieur Percy (Paul Soles), l’un des enseignants de Peter, féru d’histoire médiévale, tombe sur l’une des bouteilles gagnantes et l’offre au jeune homme. Peter et les trois autres vainqueurs se retrouvent ainsi sur le site médiéval de l’émission, accueillis par le volubile Conrad Wiggins (Eugen Cristea) et ses assistants en costumes qui se révèlent être tous des robots humanoïdes. Or le château est victime du sort lancé en 1383 par un sorcier à la demande de Lord Raykin (Marc Robinson), un sinistre conquérant du moyen-âge qui souhaite s’emparer des lieux. Tous nos protagonistes se retrouvent donc propulsés six siècles dans le passé…

Passé simpliste

La première partie de l’intrigue se calque fidèlement sur la mécanique de « Charlie et la chocolaterie », le bouchon des bouteilles de soda faisant office de ticket gagnant, le volubile Wiggins se substituant à Willy Wonka et ses androïdes remplaçant les Oompas Loompas. Il nous semble également entrevoir une allusion à Mondwest à travers ces machines humanoïdes déguisées en citoyens du moyen-âge. Lorsqu’une tempête dérègle les lieux et qu’un monstre se met à grogner dans sa caverne, c’est l’influence de Jurassic Park qui semble timidement pointer le bout de son museau (d’où le titre du film). Mais qu’importent les références et les clins d’œil : le scénario de Medieval Park n’a ni queue ni tête, la plupart de ses péripéties n’ont aucun sens (comme l’apparition évasive de cette télécommande/calculatrice qui parle ou le rôle que tiennent les robots dans le film), ses acteurs rivalisent d’inexpressivité, le grand méchant ricane sans conviction, les combats à l’épée sont incroyablement apathiques et le dragon en images de synthèse (qui se met à dialoguer vers la fin du métrage) fait peine à voir. Il n’y a donc quasiment rien à sauver de ce naufrage pseudo-médiéval, malgré le potentiel prometteur de son concept.

 

© Gilles Penso


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SORORITY BABES (1988)

Un petit groupe d’étudiants entre par effraction dans un bowling en pleine nuit et réveille par accident un petit démon…

SORORITY BABES IN THE SLIMEBALL BOWL-O-RAMA

 

1988 – USA

 

Réalisé par David DeCoteau

 

Avec Linnea Quigley, Andras Jones, Robin Rochelle, Carla Baron, Kathi O’Brecht, John Stuart Wildman, Hal Havins, Brinke Stevens, Michelle Bauer, Dukey Flyswatter

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS PETITS MONSTRES I SAGA CHARLES BAND

Très content de sa collaboration avec le réalisateur David DeCoteau sur Creepozoids, le producteur Charles Band lui fait signer un contrat pour dix nouveaux films et lui demande immédiatement de se mettre au travail sur un nouveau long-métrage baptisé The Imp (« Le Diablotin »). Le projet a déjà été vendu sur la seule base d’un poster mais aucun scénario n’a encore été rédigé. DeCoteau a dix jours pour l’écrire puis douze jours pour tourner le film. Les délais sont impossibles, et pourtant le réalisateur s’y tient, habitué aux petits budgets et au système D. L’histoire s’inspire vaguement de la nouvelle « La Patte de singe » de W.W. Jacobs (1902), dont le concept est revisité sous un jour potache et estudiantin dans la lignée de Porky’s. Très tôt, Band se montre insatisfait du titre The Imp, qu’il ne juge pas suffisamment impactant, et organise un concours auprès des employés de sa compagnie Empire pour proposer quelque chose de plus vendeur. Le choix se porte finalement sur Bitchin’ Sorority Babes in the Slimeball Bowl-O-Rama, dont sera finalement expurgé le mot « Bitchin’ » pour éviter de fâcher la censure. En l’état, on pourrait traduire approximativement ce titre racoleur par : « Les nanas de la fraternité dans le bowling crasseux. » Effectivement, c’est moins sobre que « Le Diablotin » !

Trois étudiants mal dégrossis décident de tromper leur ennui en allant espionner les filles de la sororité Tri-Delta, qui organisent une cérémonie d’initiation nocturne. Nos trublions jouent donc les voyeurs en assistant à la dérobée au bizutage puis au déshabillage de deux nouvelles venues. Mais ils sont surpris à leur tour et, pour se racheter, acceptent d’accompagner les étudiantes au cours de l’ultime mission qui finalisera leur initiation. Il s’agit de pénétrer par effraction en pleine nuit dans le bowling du coin et d’en ramener un trophée. Tous les cinq s’y rendent donc, sous la surveillance des trois « maîtresses de cérémonie », et parviennent à atteindre la salle des trophées de laquelle ils récupèrent le plus grand d’entre eux. Mais l’objet tombe accidentellement au sol et libère un diablotin facétieux qui leur propose d’exaucer leurs vœux les plus chers. Passés l’effrois puis la surprise, ils se laissent tenter par cette proposition, sans se douter qu’elle cache une redoutable contrepartie…

Scream queens

Sorority Babes n’est pas la série Z grotesque que son titre et son concept pourraient laisser imaginer mais une petite comédie d’horreur plutôt distrayante, qui présente la particularité de réunir trois « scream queens » légendaires : Linnea Quigley (Le Retour des morts-vivants), Brinke Stevens (Fête sanglante) et Michelle Bauer (Hollywood Chainsaw Hookers). Si Stevens et Bauer n’hésitent pas à se dévêtir en cours de métrage, fidèles à leurs habitudes, Quigley change de registre dans un rôle qu’elle a choisi elle-même, celui d’une jeune femme rebelle et rock’n roll qui – une fois n’est pas coutume – garde ses vêtements jusqu’au bout. Le petit monstre du film est une marionnette au look cartoonesque dont l’animation est certes limitée mais qui fait son petit effet, œuvre de Craig Caton (membre des équipes d’effets spéciaux de S.O.S. fantômes, Les Aventures de Jack Burton, Le Cauchemar de Freddy, bref la bonne école). Le sort qu’il jette à nos infortunés héros transforme les filles en démons déchaînés (dont l’une se retrouve avec le look de La Fiancée de Frankenstein) et occasionne quelques meurtres inventifs et joyeusement gore, notamment une tête décapitée qui se mue en boule de bowling. Bref, ça ne vole pas très haut mais on ne s’y ennuie guère. Une suite tardive, Sorority Babes in the Slimeball Bowl-O-Rama 2, sortira en 2022 avec Brinke Stevens devant et derrière la caméra.

 

© Gilles Penso


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BALLAD IN BLOOD (2016)

Le réalisateur de Cannibal Holocaust s’offre une seconde jeunesse en élaborant un slasher maladroit mais empreint de poésie macabre…

BALLAD IN BLOOD

 

2016 – ITALIE

 

Réalisé par Ruggero Deodato

 

Avec Rebecca Di Maio, Roger Garth, Ernesto Mahieux, Gabriele Rossi, Carlotta Morelli, Rita Rusciano, Noemi Smorra, Carlo Trevisan, Edward Williams

 

THEMA TUEURS

A l’âge respectable de 77 ans et près de vingt ans après son dernier film de fiction, Ruggero Deodato repasse derrière la caméra pour Ballad in Blood, qui semble vouloir s’inscrire dans son époque tout en clignant de l’œil vers la filmographie passée du cinéaste. On y trouve ainsi des éléments de narrations découverts dans des bandes vidéo (comme dans Cannibal Holocaust, précurseur du « found footage ») mais aussi une folie sanglante qui se déchaîne en huis-clos à la manière de La Maison au fond du parc (dont Ballad in Blood reprend d’ailleurs la même chanson langoureuse de Ritz Ortolani). « Le public attend toujours que je refasse Cannibal Holocaust », explique Deodato. « J’ai envie de le satisfaire tout en essayant de proposer autre chose. L’histoire de Ballad in Blood n’a donc rien à voir avec Cannibal Holocaust, mais il y a quelques points communs dans la narration, comme l’utilisation d’images filmées dans le passé qui donnent des indications sur ce qui s’est déroulé auparavant. Cette fois-ci, ce sont des films vidéo pris avec un téléphone et diffusés sur un ordinateur. C’était aussi une bonne solution pour que l’action ne reste pas cantonnée dans la maison, sinon les spectateurs allaient finir par devenir claustrophobes ! » (1)

Le scénario du film brode à partir d’un fait divers réel lié à la mort mystérieuse d’une étudiante Erasmus. Le générique se déroule pendant une soirée d’Halloween décadente, dans un décor naturel incroyable : un puits de 80 mètres de haut orné d’alcôves dans lesquelles des fêtards déguisés s’adonnent à tous les excès. Sadomasochisme (filles nues attachées), Grand-Guignol (meurtres sanglants excessifs reconstitués), costumes de monstres, c’est la totale. Le choix de ce décor est malin : outre son esthétisme, il permet au cinéaste de ne solliciter qu’une vingtaine de figurants tout en simulant une grande foule. Car le père Ruggero n’a rien perdu de son art du système D. Mais ce panorama vertigineux jette aussi les bases d’un des thèmes majeurs du film : la perte d’ancrage avec la réalité. Le lendemain de cette soirée bien arrosée, quatre étudiants qui partagent le même appartement en Italie se réveillent difficilement. Mais l’un d’entre eux manque à l’appel. Soudain, James, Duke et Lenka découvrent que le corps inanimé de leur amie Elizabeth gît immobile au-dessus de leur tête, sur le plafond vitré de l’appartement. En cherchant à l’atteindre avec une échelle, les deux garçons brisent la vitre. Le corps ensanglanté de la jeune fille chute alors au ralenti, avec une beauté macabre qui n’est pas sans rappeler l’inoubliable entrée en matière de Suspiria. Ce corps qui brise le verre est la parfaite métaphore de la mort qui s’immisce brutalement dans le monde réel. Lorsque le cadavre entaillé et ensanglanté gît au sol, aucun de ses trois amis n’est capable de se souvenir des événements précis de la veille…

Le professeur Eli Roth

Le cinéaste italien se démène ici avec un budget ridicule, des conditions de tournage drastiques et des comédiens amateurs. Certes, le manque de moyens est manifeste, l’image numérique se révèle peu flatteuse et les acteurs sont loin de nous convaincre. Mais Deodato tient bon, ne réfrénant pas une énergie ardente qui lui permet d’alterner sans sourciller l’horreur graphique (quelques meurtres qui éclaboussent volontiers l’écran), l’humour potache (les réactions des protagonistes et leurs dialogues basculent souvent dans l’absurde assumé), l’érotisme généreux (les filles se dénudent sans cesse pour exhiber des poitrines défiant les lois de la gravité) et même un brin de poésie macabre. Tout ce cocktail n’est certes pas toujours très digeste, mais l’étrangeté qui en découle est intéressante, semblant décliner – sur un postulat qui n’est pas sans évoquer Very Bad Trip – l’idée d’une perte de repères et de discernement entre la réalité et la fantaisie auprès d’une certaine jeunesse. Pour cligner de l’œil vers Hostel 2 qui lui offrait le petit rôle d’un cannibale, Ruggero Deodato fait ici une apparition sous la défroque d’un certain professeur Eli Roth !

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en septembre 2016

 

© Gilles Penso


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