STAR TREK (1973-1975)

Après l’annulation de la série originale, Gene Roddenberry poursuit les aventures de l’équipage de l’Enterprise dans une variante animée…

STAR TREK : THE ANIMATED SERIES

 

1973/1975 – USA

 

Créée par Gene Roddenberry

 

Avec les voix de William Shatner, Leonard Nimoy, Deforest Kelley, James Doohan, Nichelle Nichols, Majel Barret, David Gerrold

 

THEMA SPACE OPERA I SAGA STAR TREK

3 juin 1969. Seulement 47 jours avant la mission Apollo 11, qui marque le premier débarquement humain sur la surface d’un autre monde, le 79ème et dernier épisode de Star Trek, la série originale, est diffusé sur le réseau NBC. Suite à une mauvaise case horaire, la série n’a pas trouvé son public. Néanmoins, elle bénéficie d’une petite communauté grandissante de fans qui vont contribuer à faire émerger ce phénomène télévisuel. Ainsi, c’est à partir de ses rediffusions que Star Trek va réellement connaître le succès que nous connaissons aujourd’hui. Ces mêmes rediffusions s’avèrent également assez concluantes pour inciter Gene Roddenberry, le créateur de l’univers trekkien, à lancer une suite, mais sous forme animée, entre autres pour des raisons économiques. Star Trek : The Animated Series arrive donc à son tour sur NBC à partir du 8 septembre 1973, pour un total de 22 épisodes supplémentaires (divisés deux saisons) qui, même s’il s’agit de dessins animés, peuvent être considérés d’une certaine manière comme la 4ème saison non officielle de la série originale. A cette occasion, le casting de Star Trek reprend donc du service puisque les comédiens historiques assurent le doublage de leurs personnages.

Il y a tout de même un absent de taille en la personne de Walter Koenig, qui incarnait Pavel Chekov, le sympathique assistant russe de Spock sur la passerelle de l’Enterprise (il fut néanmoins engagé pour scénariser un épisode). Le budget contraint de la série ne permettait pas de reprendre la totalité de l’équipage. Koenig fut remplacé par un alien dénommé Arex. Nichelle Nichols et James Doohan, qui avaient des difficultés à retrouver du travail à l’époque, faillirent également ne pas faire partie de cette nouvelle aventure. C’est Leonard Nimoy qui plaida en faveur de leur réintégration. Confiée à l’animateur Hal Sutherland, un ancien de chez Disney, Star Trek : The Animated Series reprend les codes de sa sœur ainée avec le même générique, cette fois-ci en version animée, qui ouvre chaque épisode. Si le célèbre texte d’accroche « Espace, frontière de l’infini… » est repris mot pour mot par William Shatner, le thème d’Alexander Courage a été mis de côté et remplacé par une partition un peu passe-partout signé par Ray Ellis, un saxophoniste un temps arrangeur pour la chanteuse Billie Holliday. Elle introduit également certains points qui seront repris dans les séries suivantes dont le Holodeck, le pont holographique récréatif que l’on trouve dans l’Enterprise du Capitaine Picard de The Next Generation (1987-1994). Pour obéir aux contraintes de l’animation, le format est réduit de moitié par rapport aux épisodes en prises de vue réelles.

Une première récompense

Techniquement, les histoires écrites pour cette toute première incursion de Star Trek dans le dessin animé auraient tout à fait pu être développées pour le show original (certains scénaristes comme D.C Fontana et Marc Daniels reprirent également du service). Mention particulière à L’appel de Loreleï. Dans cette amusante variation sur le mythe des sirènes, le Lieutenant Uhura devient la première femme à assurer le commandement d’un vaisseau de la Fédération, vingt ans avant que le capitaine Janeway (Kate Mulgrew) de Star Trek : Voyager ne fasse son apparition. Parmi les autres épisodes marquants, citons aussi Le Piège du temps, où Spock doit revenir dans le passé pour sauver sa version adolescente, ou encore L’incident de Terratin, quand l’équipage se met à rétrécir inopinément. Malgré son annulation en 1975, Star Trek : The Animated Series sera la première de l’univers trekkien à remporter une récompense puisqu’elle se verra décerner l’Emmy Award de la meilleure série pour enfants. Dans nos contrées, il faudra tout de même attendre 1998 avant qu’elle ne soit enfin diffusée sur Canal J, puis reprise sur Netflix. Par la suite, il faudra attendre 2020 avant de voir une nouvelle déclinaison animée avec Star Trek : Lower Decks, qui s’étendra sur quatre saisons.

 

© Antoine Meunier

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TARAM ET LE CHAUDRON MAGIQUE (1985)

Au milieu des années 80, le studio Disney change brutalement de cap pour s’orienter vers un univers de fantasy sombre et inquiétant…

THE BLACK CAULDRON

 

1985 – USA

 

Réalisé par Ted Berman et Richard Rich

 

Avec les voix de Grant Bardsley, Susan Sheridan, Freddie Jones, Nigel Hawthorne, Arthur Malet, John Byner, Lindsay Rich, Brandon Call, Gregory Levinson

 

THEMA HEROIC-FANTASY

En 1985, Disney se risque à un virage osé avec Taram et le chaudron magique, adaptation des deux premiers tomes des Chroniques de Prydain de Lloyd Alexander. Ce projet d’envergure, nourri dès le début des années 70, entend propulser le studio dans l’univers de la dark fantasy. L’histoire nous plonge dans un monde crépusculaire, peuplé de sorcières, de créatures macabres et d’un chaudron maléfique capable de réveiller une armée de morts. Sur le papier, le matériau semble idéal pour renouveler la formule magique. Mais en coulisses, l’entreprise vire rapidement au cauchemar. Le développement est long, chaotique, jonché de désaccords artistiques et de changements de direction. Le style oscille entre le classicisme d’une animation à la Belle au bois dormant et des expérimentations visuelles inquiétantes, notamment celles proposées – puis écartées – par un jeune Tim Burton. Les réalisateurs se succèdent, les scénarios sont sans cesse réécrits, et le ton du film déroute jusqu’au sein même du studio. Au point qu’au moment de sa sortie, Taram est déjà le survivant d’un chantier tumultueux.

Dès les premières minutes, le film installe un cadre oppressant, dominé par la menace sourde du Seigneur des Ténèbres. Ce dernier, figure squelettique et muette, est sans doute l’un des antagonistes les plus sombres jamais créés par Disney. Son objectif : réveiller des guerriers zombies et instaurer un règne de terreur. Face à lui, Taram, jeune porcher rêvant de gloire, se lance dans une quête initiatique, accompagné d’une troupe hétéroclite : une princesse volontaire, un ménestrel maladroit et une boule de poils bavarde. Taram et le chaudron magique semble ainsi constamment tiraillé entre l’héritage des contes féeriques et l’envie d’explorer des territoires plus adultes. Ce déséquilibre se ressent dans le ton général, à la fois trop sombre pour les enfants et trop naïf pour les adultes. L’intrigue avance par à-coups, les ellipses trahissent les coupes imposées en post-production et les personnages, bien que sympathiques, manquent souvent d’épaisseur. Il faut dire que la cohérence narrative est sérieusement entamée par les censures. Une douzaine de minutes sont en effet supprimées peu avant la sortie, parmi lesquelles des scènes jugées trop violentes mais essentielles à la progression dramatique.

Un échec cuisant devenu culte

À sa sortie, Taram et le chaudron magique est un fiasco. Boudé par le public américain, il ne parvient pas à rembourser son colossal budget et met en péril le département animation du studio. Rapidement relégué aux oubliettes, il est interdit de diffusion vidéo pendant des années, comme si la maison de Mickey préférait effacer de son histoire cet opus embarrassant. Pourtant, à force d’être écarté, Taram finit par susciter la curiosité. Dans l’ombre de son échec, il acquiert un statut culte. Visuellement, le film impressionne encore, intégrant au sein de l’animation traditionnelle des incursions numériques avant-gardistes, tout en se payant une esthétique singulière presque gothique. La musique d’Elmer Bernstein, aux sonorités étranges et profondes, renforce cette atmosphère à part, qui évoque davantage Excalibur que Cendrillon. Sans doute peut-on sentir derrière l’initiative osée – pour ne pas dire « casse-gueule » – du film l’influence des travaux de Don Bluth (transfuge de chez Disney ayant initié le long-métrage Brisby et le secret de NIMH et le jeu d’arcade Dragon’s Lair), ainsi que la volonté d’attirer un public plus mature, perceptible dans plusieurs films « live » du studio à l’époque, tels que Les Yeux de la forêt, Le Dragon du lac de feu ou La Foire des ténèbres. Avec le recul, Taram s’affirme moins comme un accident de parcours que comme un jalon oublié, un moment de bascule entre l’âge d’or et le renouveau des années 90.

 

© Gilles Penso

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BRISBY ET LE SECRET DE NIMH (1982)

Pour son premier long-métrage, Don Bluth, transfuge du studio Disney, se lance dans une histoire sombre et mystérieuse…

THE SECRET OF NIMH

 

1982 – USA

 

Réalisé par Don Bluth

 

Avec les voix de Elizabeth Hartman, Hermione Baddeley, Dom DeLuise, Derek Jacobi, Arthur Malet, Paul Shenar, Peter Strauss, Shannen Doherty, Jodi Hicks

 

THEMA MAMMIFÈRES

En 1979, trois animateurs claquent la porte des studios Disney pour reprendre leur liberté artistique. À leur tête, Don Bluth, qui supervisa notamment l’animation de Peter et Elliott le dragon, démissionne avec Gary Goldman et John Pomeroy, excédés par une production qu’ils jugent devenue routinière et aseptisée. Leur rêve est de retrouver la flamme créatrice des débuts et de ressusciter la grandeur des classiques d’antan. Dans le garage de Bluth, les trois compères créent ainsi leur propre studio et se lancent dans une folle aventure. Brisby et le secret de NIMH est leur premier long-métrage, un projet d’animation aussi ambitieux que risqué, inspiré par le roman Mrs. Frisby and the Rats of NIMH de Robert C. O’Brien, premier tome de « La trilogie des Rats de NIMH » paru en 1971. Fuyant les modèles imposés par la réalité économique du moment, ils choisissent des décors peints à la main, une animation traditionnelle minutieuse, mais aussi un traitement sombre. La production s’enclenche dans une ambiance de start-up artisanale où les artistes dorment parfois sur place et se dégourdissent les muscles dans une salle de sport improvisée. Le budget est serré et les moyens très limités mais la motivation perdure. A force de persévérance, Bluth et sa bande finissent par livrer un véritable petit miracle, à contre-courant des tendances de l’époque.

L’héroïne du film, Madame Brisby, est une petite souris veuve qui vit avec ses quatre enfants dans un champ paisible. Mais l’harmonie est menacée lorsque le fermier Fitzgibbons s’apprête à labourer le terrain. Or le petit Timothy, malade, ne peut être déplacé sans danger. Déterminée à sauver sa famille, Brisby cherche de l’aide dans la ferme voisine, croise un corbeau maladroit nommé Jeremy, puis un grand hibou qui la renvoie vers les mystérieux rats du rosier, une société secrète nichée sous une ronce. Là, Brisby découvre un monde souterrain, raffiné et étonnamment évolué. Ces rats, anciens cobayes du laboratoire de NIMH, ont acquis intelligence et longévité grâce à des expériences scientifiques. Leur chef charismatique, Nicodemus, explique à Brisby le passé de son défunt mari, Jonathan, qui les avait aidés à fuir le centre de recherche. Les rats, désormais tiraillés entre leur passé d’opprimés et leur désir d’indépendance, préparent leur propre exode pour ne plus dépendre des hommes. Mais tout le monde ne voit pas ce départ d’un bon œil…

Souris City

Dès son premier long-métrage, le futur réalisateur du Petit dinosaure frappe très fort. Loin de la mièvrerie souvent associée à l’animation pour enfants, Brisby se distingue par son ton grave, ses décors volontairement non glamour et son traitement narratif adulte. La noirceur du propos – les expériences scientifiques pratiquées sur les animaux, la gestion du deuil, les complots politiques – s’allie à une esthétique quasiment gothique. La partition de Jerry Goldsmith, somptueuse comme souvent, renforce la puissance émotionnelle du récit en annonçant ses travaux ultérieurs sur Legend. Elle soutient les scènes d’action comme les instants intimes, participant de manière cruciale à l’atmosphère du film. Certains moments marquent durablement les mémoires, comme la vision psychédélique du passé des rats, le duel final, la vision cauchemardesque de la maison sombrant dans le néant boueux, mais surtout le regard résolu de Brisby, prête à tout pour protéger ses enfants. Le studio MGM prend en charge la distribution du film mais en saborde partiellement l’impact, notamment en limitant drastiquement les dépenses publicitaires. Résultat : Brisby et le Secret de NIMH est un semi-échec commercial aux États-Unis. Pourtant, la presse est dithyrambique, et le film devient culte au fil des années, notamment en Europe. En le découvrant, Steven Spielberg tombe sous le charme et décide d’aider Bluth pour son projet suivant. Tous deux mettront ainsi sur pied le remarquable Fievel et le Nouveau Monde.

 

© Gilles Penso

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DRAGONS (2010)

Le fils du chef d’un village viking, dont la vie est rythmée par les combats contre les monstres cracheurs de feu, se lie d’amitié avec un dragon…

HOW TO TRAIN A DRAGON

 

2010 – USA

 

Réalisé par Chris Sanders et Dean DeBlois

 

Avec les voix de Jay Baruchel, Gerard Butler, Craig Ferguson, America Ferrera, Jonah Hill, Christopher Mintz-Plasse, T.J. Miller, Kristen Wiig, Robin Atkin Downes

 

THEMA DRAGONS I HEROIC FANTASY I SAGA DRAGONS

Après le succès de Nos voisins, les hommes en 2006, le studio DreamWorks laisse carte blanche à la productrice Bonnie Arnold pour le futur projet qu’elle souhaite chapeauter. Or celle-ci a le coup de cœur depuis quelques années pour le roman Comment dresser votre dragon de Cressida Cowell. Le projet s’enclenche donc dans la foulée, passant par de nombreuses sessions d’écriture afin de définir la tonalité adéquate. Le script définitif sera finalement très éloigné du livre, dont il reprendra le titre et le cadre tout en réinventant la majorité des péripéties. La mise en scène est confiée à Chris Sanders et Dean DeBlois, les duettistes à la tête de Lilo & Stitch. Plusieurs points communs rapprochent d’ailleurs les deux films, notamment le lien fusionnel et presque irrationnel qui se noue entre une créature monstrueuse et un jeune protagoniste marginal. Désireux d’offrir à Dragons une patine bien particulière, inspirée des films en prises de vues réelles, Sanders et DeBlois proposent au directeur de la photographie Roger Deakins (Barton Fink, Les Évadés, Fargo, Le Village) d’être leur consultant visuel. L’esthétique du film lui devra beaucoup. Parallèlement, les coréalisateurs incitent les comédiens prêtant leurs voix aux personnages à improviser chaque fois qu’ils en ont l’occasion, pour obtenir l’interprétation la plus spontanée possible.

Nous sommes dans le village viking de Beurk, dont quotidien est rythmé par les attaques de dragons de toutes sortes, qui se distinguent par leurs morphologies variées et leurs noms exotiques : Vipère, Hideux Braguettaure, Cauchemar Monstrueux, Terreur Terrible, Gronk, Mille Tonnerres, Tronçonnator, Ébouillanteur, Aile de la mort, Écrevasse, Murmure mortel, Charogneur, Furie nocturne… Harold (Hiccup en V.O.), le fils du chef du village, rêve de faire ses preuves et de s’intégrer en tuant lui-même l’une de ces créatures incandescentes. Mais il est trop chétif et trop maladroit. Chaque fois qu’il met le nez dehors, c’est pour provoquer une catastrophe. « Tu es bien des choses, Harold, mais certainement pas un tueur de dragons », lui assène son père, un brin excédé. Mais comment faire pour s’intégrer parmi les siens, pour ne pas être l’éternel paria qu’il faut baby-sitter ? Un soir, Harold s’empare d’une arme et tente de tirer sur un dragon. Persuadé qu’il a réussi son coup, il part dans les bois à la recherche de sa victime… et finit par la trouver. Mais au moment où il s’apprête à achever la grande bête blessée, il s’en révèle incapable. Dès lors, un lien singulier se noue entre lui et la créature.

Flammes, je vous aime

L’animation de Dragons se distingue par son dynamisme et son ampleur, s’affranchissant du style cartoonesque des autres productions DreamWorks pour s’aventurer dans un univers de fantasy, sans se départir pour autant de bonhommie et surtout d’humour. La comédie passe par les situations mais aussi les dialogues, souvent brillants, qui permettent de caractériser les personnages en quelques répliques bien senties. Mais derrière le rire affleure bien vite le vrai propos du film : un récit d’apprentissage couplé d’une parabole contre les dogmes et les croyances infondées. Lorsque Harold et le dragon Krokmou s’apprivoisent, c’est l’intolérance qui, peu à peu, perd du terrain. Le design de la bête est surprenant, dans la mesure où il s’éloigne des attributs reptiliens traditionnels pour chercher son inspiration à la fois dans le monde aquatique (une tête arrondie sans museau, de grands yeux, des écailles, des pattes palmées) et chez les félins (notamment les chats et les léopards). Difficile également de ne pas penser à Stitch – chassez le naturel et il revient au galop ! Rythmé par des séquences de vol incroyablement immersives (nous sommes très proches des scènes aériennes d’Avatar), Dragons s’achemine vers un climax vertigineux. Particulièrement inspiré, le compositeur John Powell concocte à l’occasion une bande originale flamboyante, mêlant l’orchestre symphonique et les instruments ethniques. Énorme succès en salles, Dragons engendrera plusieurs séquelles et un remake « live ».

 

© Gilles Penso

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MERLIN L’ENCHANTEUR (1963)

Le studio Disney réinvente la légende du roi Arthur sous un angle burlesque, accumulant les gags, les métamorphoses et les anachronismes…

THE SWORD IN THE STONE

 

1963 – USA

 

Réalisé par Wolfgang Reitherman

 

Avec les voix de Sebastian Cabot, Karl Swenson, Rickie Sorensen, Junius Matthews, Ginny Tyler, Martha Wentworth, Norman Alden, Alan Napier

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Merlin l’enchanteur marque une étape singulière dans la production du studio Disney. Dernier film à sortir du vivant du vénérable Walt, il est aussi le premier à être réalisé entièrement sous la houlette de Wolfgang Reitherman, animateur vétéran promu réalisateur à la suite des 101 Dalmatiens. Adapté librement du roman de T. H. White The Sword in the Stone, le film se démarque par son ton résolument comique, son rythme très libre et sa structure épisodique, loin de la grande fresque médiévale que l’on pourrait attendre d’un récit arthurien. Ici, le jeune Arthur, surnommé Moustique, est un garçon des bois maladroit et rêveur, destiné sans le savoir à tirer l’épée du rocher pour devenir roi. Ce n’est pas l’héroïsme qui l’y conduit, mais une suite d’enseignements dispensés par un vieux magicien fantasque, Merlin (variante sympathique de celui qui apparaissait dans le segment « L’Apprenti-sorcier » de Fantasia), accompagné de son hibou grincheux Archimède. Pour préparer Moustique à son avenir, Merlin l’initie à des leçons de vie inattendues. Il lui apprend ainsi à se transformer en poisson pour comprendre les dangers du monde, en écureuil pour apprendre l’instinct et l’émotion, ou encore en oiseau pour affronter la peur. Chaque épisode est l’occasion d’un petit conte autonome.

Ce choix narratif, s’il a pu déconcerter certains spectateurs adultes en quête d’une intrigue forte, fonctionne pleinement sur un jeune public. Reitherman impose ici un style qui fera école chez Disney : une animation limitée pour alléger les coûts, un recyclage de séquences et une mise en avant des caractères comiques. Malgré ces contraintes, le film regorge d’inventivité. Le morceau d’anthologie est sans conteste sa bataille finale, un duel mémorable entre Merlin et Madame Mim. Tous deux se transforment en animaux à tour de rôle en conservant certains de leurs attributs physiques : les lunettes, les sourcils broussailleux et la moustache pour l’enchanteur, la coupe de cheveux ébouriffée et les yeux jaunes pour la sorcière. Après s’être changés tour à tour en crocodile, en tortue, en lapin, en musaraigne, en chenille, en poule, en morse, en éléphant, en souris, en tigre, en serpent, en crabe, en rhinocéros et en chèvre, les deux belligérants poursuivent la lutte dans l’eau. Là, Mim se métamorphose en dragon violet et bedonnant, au sein d’une sorte de parodie du final de La Belle au bois dormant. Alors qu’elle surgit de l’eau, qui se mue en lave, la créature démoniaque exhibe son long cou, ses grands nasaux, ses longues pattes griffues et ses petites ailes dorsales. De sa gueule hideuse aux dents éparses jaillit du feu. Merlin semble alors perdu. Mais il est soudain saisi d’un éclair de génie. Se changeant en germe, il contamine le dragon qui tombe malade, devient blafard, se couvre de boutons et s’effondre, saisi par une forte fièvre. Mim reprend alors sa forme humaine et s’avoue vaincue.

Le combat des sorciers

Cette séquence incarne tout ce que le film réussit le mieux : détourner les attentes du spectateur, préférer la ruse à la force brute, et s’amuser de son propre héritage. La sorcière Mim, totalement originale par rapport au texte de White, préfigure les méchantes burlesques des années 1970, à mi-chemin entre Cruella et Madame Médusa. Elle illustre aussi la nature polymorphe du film, toujours prompt à glisser du conte initiatique à la pure comédie cartoonesque. Certes, Merlin l’enchanteur n’atteint pas la profondeur émotionnelle de Bambi ou la majesté de La Belle au bois dormant. Il ne cherche d’ailleurs jamais à les égaler. Son charme tient dans sa modestie revendiquée. Il s’agit d’une fantaisie légère, espiègle et un brin absurde, qui ne prend jamais très au sérieux ses leçons d’apprentissage. L’animation est certes un peu répétitive (on en retrouvera des morceaux entiers dans Le Livre de la jungle), mais elle déborde d’inventivité, en accord avec le score jazzy des frères Sherman. Film de transition, souvent mésestimé, Merlin l’enchanteur s’impose aujourd’hui comme une œuvre attachante, drôle et inventive.

 

© Gilles Penso

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MOI, MOCHE ET MÉCHANT (2010)

Pour ses premiers au cinéma, le studio français Illumination inaugure les aventures d’un super-vilain exubérant et de ses incontrôlables Minions…

DESPICABLE ME

 

2010 – USA / FRANCE

 

Réalisé par Pierre Coffin et Chris Renaud

 

Avec les voix de Steve Carell, Jason Segel, Russell Brand, Julie Andrews, Will Arnett, Kristen Wiig, Miranda Cosgrove, Dana Gaier, Elsie Fisher, Pierre Coffin

 

THEMA SUPER-VILAINS

En 2010, alors que le cinéma d’animation est déjà dominé par les mastodontes Pixar et DreamWorks, un petit studio venu de nulle part, Illumination Entertainment, s’invite à la fête avec Moi, moche et méchant. À la barre, deux réalisateurs français, Pierre Coffin et Chris Renaud, s’appuyant sur le savoir-faire de la compagnie d’effets visuels Mac Guff, qui s’était déjà prêtée à l’exercice en 2008 avec le long-métrage Chasseurs de dragons. Cette fois-ci, le projet, basé sur une idée de l’animateur espagnol Sergio Pablos, est chapeauté par Universal, via le producteur Chris Meledandri (Titan A.E., L’Âge de glace, Les Simpsons : le film). Le pitch de Moi, moche et méchant est joyeusement délirant : Gru, super-vilain vieillissant à l’accent improbable, rêve de redevenir le plus grand criminel de tous les temps (Steve Carell en VO, Gad Elmaleh en VF). Son plan consiste à voler la Lune, rien que ça ! Mais son ego de criminel en quête de gloire se heurte à un concurrent plus jeune et plus branché, Vector, geek arrogant et fan de gadgets inutiles. Pour parvenir à ses fins, Gru adopte trois orphelines aussi mignonnes que rusées. Et c’est là que tout bascule. Car derrière la façade grincheuse du vilain au nez crochu se cache un cœur prêt à fondre.

Pas si manichéen qu’il n’en a l’air, Moi, moche et méchant s’amuse à complexifier un peu ses personnages. Gru n’est pas un méchant ordinaire mais un homme marqué par une enfance difficile, élevé par une mère tyrannique (doublée par Julie Andrews en VO), et dont les ambitions de grandeur masquent un profond vide affectif. Sa transformation progressive, nourrie par les bêtises craquantes des petites Margo, Edith et Agnes, donne au film une densité inattendue. Visuellement, le film mise sur une esthétique très stylisée. Les décors, pleins d’angles biscornus et de couleurs contrastées, rappellent parfois les univers de Tex Avery. L’animation, quant à elle, impressionne par sa fluidité et sa vivacité, malgré un budget modeste comparé aux ténors du secteur. Quant aux Minions, ces petits êtres jaunes à mi-chemin entre les aliens à trois yeux de Toy Story et les Gremlins, ils volent régulièrement la vedette aux héros. Leur langage abscons, leur goût pour le chaos et leur bouille hilarante font mouche à chaque apparition.

Pas si méchant…

Certes, le scénario n’évite pas certains raccourcis. Le méchant Vector est plus caricatural que réellement menaçant, et les rebondissements sont parfois téléphonés. Mais l’ensemble fonctionne grâce à un rythme effréné, un sens du timing comique irréprochable et une certaine tendresse pour ses personnages. Le succès critique et public du film est fulgurant : plus de 500 millions de dollars de recettes mondiales, une pluie de produits dérivés et, bien sûr, une ribambelle de suites et spin-offs centrés sur les Minions. Si certaines de ces extensions de franchise peinent à retrouver la magie du premier opus, celui-ci aura réussi à marquer les mémoires, tant pour son inventivité que pour sa capacité à réconcilier les contraires : le bien et le mal, mais aussi l’humour potache et une certaine sensibilité. Avec Moi, moche et méchant, le paysage de l’animation numérique accueille donc un nouveau joueur, qui n’a peut-être pas la profondeur émotionnelle d’un Là-haut ou la virtuosité technique d’un Dragons, mais qui compense largement par son irrévérence, son énergie contagieuse et son regard plein d’affection sur les monstres que nous portons tous en nous.

 

© Gilles Penso

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ÂGE DE GLACE (L’) (2002)

Le studio Blue Sky frappe très fort avec cette aventure préhistorique burlesque aux allures de road movie inter-espèces…

ICE AGE

 

2002 – USA

 

Réalisé par Chris Wedge

 

Avec les voix de Ray Romano, John Leguizamo, Denis Leary, Goran Visnjic, Jack Black, Cedric The Entertainer, Stephen Root, Diedrich, Bader, Alan Tudyk

 

THEMA EXOTISME FANTASTIQUE

En 2002, alors que Pixar règne déjà sur le cinéma d’animation numérique avec ses jouets parlants et ses fourmis philosophiques, un studio encore peu connu du grand public, Blue Sky Studios, s’invite dans la cour des grands avec L’Âge de glace. Produit par la 20th Century Fox, ce buddy movie préhistorique, aux allures de fable climatique et de sitcom animalière, s’impose à sa sortie comme un inattendu raz-de-marée commercial.  À l’origine, Ice Age est imaginé comme un drame d’animation plus sérieux. Mais le studio revoit finalement sa copie pour concocter une comédie familiale, avec des personnages expressifs, des dialogues percutants et surtout une avalanche de gags visuels. La réalisation est confiée à Chris Wedge (déjà oscarisé pour le court Bunny). Techniquement, le film reste très impressionnant. Les textures des personnages, la modélisation des décors gelés et la fluidité de l’animation n’ont pas à rougir de la comparaison avec les travaux des géants Pixar et DreamWorks, malgré un budget inférieur.

Le scénario de L’Âge de glace suit la rencontre improbable entre trois animaux aux caractères antagonistes : Manny, un mammouth bourru et solitaire ; Sid, un paresseux loquace et gaffeur ; et Diego, un tigre à dents de sabre aux intentions floues. Ensemble, ils s’engagent dans une mission quasi biblique : ramener un bébé humain à sa tribu, alors qu’un âge glaciaire bouleverse l’équilibre de leur monde. Cette quête initiatique permet surtout d’explorer les dynamiques de groupe, les liens affectifs inattendus et les thèmes universels de la famille et de la loyauté. Le film repose en grande partie sur la chimie entre ses personnages principaux. Ray Romano (Manny), John Leguizamo (Sid) et Denis Leary (Diego) prêtent leurs voix avec un enthousiasme contagieux. En VF, le trio est tout aussi efficace, notamment grâce au doublage inspiré de Gérard Lanvin et Elie Semoun (même si la voix de Vincent Cassel peine pour sa part à nous convaincre).

Complètement givrés

Mais la vraie star de L’Âge de glace, c’est sans conteste Scrat, l’écureuil préhistorique obsédé par son gland. Personnage muet, totalement burlesque, il traverse le film en filigrane et déclenche à lui seul certains des plus gros fous rires. À mi-chemin entre Tex Avery et Buster Keaton, Scrat deviendra la mascotte de la franchise. Si certains critiques de l’époque avaient tendance à pointer du doigt un récit somme toute classique et quelques clichés émotionnels un peu faciles, ils reconnurent aussi la sincérité de l’ensemble, son efficacité comique et la qualité de sa direction artistique. Le film, malgré sa simplicité narrative, réussit à captiver petits et grands, avec un humour souvent visuel et une tendresse palpable envers ses personnages. C’est justement cette alchimie entre comédie burlesque, péripéties paléolithiques improbables et émotions discrètes qui fait de L’Âge de glace un film à part dans l’histoire de l’animation. Loin de la sophistication scénaristique d’un Monstres & Cie ou des ambitions satiriques de Shrek, il trace son propre sillon, plus modeste mais tout aussi attachant. Son succès – plus de 380 millions de dollars au box-office mondial – donnera naissance à une saga prolifique, avec des suites de plus en plus spectaculaires.

 

© Gilles Penso

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J’AI PERDU MON CORPS (2019)

Pour son premier long-métrage, Jérémy Clapin se lance dans l’odyssée expérimentale et poétique d’une main privée du reste de son corps…

J’AI PERDU MON CORPS

 

2019 – FRANCE

 

Réalisé par Jérémy Clapin

 

Avec les voix de Hakim Faris, Victoire du Bois, Patrick d’Assumçao, Alfonso Arfi, Hichem Mesbah, Myriam Loucif, Bellamine Abdelmalek, Maud Le Guenedal

 

THEMA MAINS VIVANTES

Dans le paysage de l’animation française, J’ai perdu mon corps marque un tournant discret mais décisif. Récompensé à Cannes (Grand Prix de la Semaine de la Critique) et nommé aux Oscars en 2020, ce premier long-métrage adapte Happy Hand, un court roman de Guillaume Laurant (coscénariste du Fabuleux destin d’Amélie Poulain). Le film se construit autour de deux récits parallèles : celui d’une main tranchée qui s’échappe d’un laboratoire parisien pour retrouver son corps, et celui de Naoufel, jeune homme en errance, marqué par un drame d’enfance et devenu livreur de pizzas. Ces deux trajectoires – l’une physique, l’autre existentielle – s’entrelacent peu à peu au fil d’une quête de sens et de réparation. Au-delà de son pitch insolite (qui semble de prime abord vouloir reprendre à son compte l’imagerie de La Bête aux cinq doigts), J’ai perdu mon corps surprend par sa pudeur et son sens du détail, le film évoquant l’absence, le deuil et le hasard avec une délicatesse rare. Tournant le dos aux effets de mise en scène ostentatoires (et pourtant, que de virtuosité dans ce long-métrage !), Jérémy Clapin préfère aux effets appuyés trop visibles une sensibilité à fleur de peau.

 

La grammaire visuelle du film repose sur un équilibre subtil entre réalisme et impressionnisme. Les plans, souvent resserrés, plongent dans une matière sensorielle presque palpable. Le grain d’une moquette, la lumière crue d’un distributeur automatique, le frisson du vent sur un toit deviennent des éléments narratifs à part entière. Car ici, le monde est souvent filmé à hauteur de main, exploré par ce membre autonome qui rampe, chute, s’agrippe ou caresse, tel un protagoniste muet mais très expressif. Clapin et son équipe accordent une attention minutieuse aux textures, aux sons, aux gestes, bref à tout ce qui relève du souvenir corporel. Cette densité traverse tout le récit, notamment dans les scènes où Naoufel découvre Gabrielle à distance, par une voix entendue à l’interphone. La bande originale de Dan Levy baigne les images de nappes électro feutrées, tandis que le récit suit son cours sur deux temporalités distinctes qui ne sauraient tarder à fusionner.

À fleur de peau

Pour donner vie à cette histoire surprenante, Clapin fait le choix d’une technique hybride : une animation en 3D retravaillée image par image pour obtenir un rendu 2D expressif et organique. Ce parti pris permet d’atteindre un équilibre précieux entre la fluidité du mouvement et la fragilité des traits. Les décors, souvent urbains ou intérieurs, sont volontairement sobres, presque effacés, comme filtrés par la mémoire ou l’absence. Le film s’appuie aussi sur un casting vocal d’une grande justesse. Hakim Faris, dans le rôle de Naoufel, incarne avec retenue un jeune homme coupé de lui-même, tandis que Victoire du Bois donne à Gabrielle une chaleur mélancolique et distante. Autour d’eux, les voix de Patrick d’Assumçao et Bellamine Abdelmalek complètent ce tableau sensible, où chaque silence compte autant que les mots. Sans emphase ni morale, J’ai perdu mon corps prend ainsi la tournure d’une fable contemporaine, poétique et profondément humaine. Pour son long-métrage suivant, Pendant ce temps sur Terre, Clapin délaissera l’animation au profit des prises de vues réelles et des acteurs en chair et en os.

 

© Gilles Penso

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BELLE AU BOIS DORMANT (LA) (1959)

Walt Disney s’empare du fameux conte popularisé par Charles Perrault et les frères Grimm et donne naissance à la plus mémorable des super-vilaines…

SLEEPING BEAUTY

 

1959 – USA

 

Réalisé par Clyde Geronimi, Wolfgang Reitherman, Les Clark, Eric Larson

 

Avec les voix de Mary Costa, Bill Shirley, Eleanor Audley, Verna Felton, Barbara Luddy, Barbara Jo Allen, Taylor Holmes, Bill Thompson, Hans Conried

 

THEMA CONTES I SORCELLERIE ET MAGIE I DRAGONS

La Belle au bois dormant s’inscrit dans la lignée des grands classiques produits jusqu’alors par Disney en adaptant un conte populaire aux racines européennes, mêlant les versions de Charles Perrault et des frères Grimm. Au menu : une princesse ensorcelée, un baiser salvateur, un prince valeureux et des fées bienveillantes. Le film s’ouvre même sur un livre enluminé, comme pour créer un lien avec les premières productions du studio. Malgré ces motifs bien connus, le film se distingue par une série de choix artistiques et techniques qui en font une œuvre bien plus singulière qu’elle n’y paraît. Pour la première fois, Disney confie la direction artistique à une seule personne, Eyvind Earle, dont le style original donne au film une identité visuelle forte. Inspiré par les enluminures médiévales et les tapisseries gothiques, Earle impose des décors géométriques, stylisés, presque abstraits par moments. Cette orientation tranche nettement avec la douceur arrondie de Blanche Neige ou de Cendrillon. Le choix du format CinemaScope ajoute une contrainte supplémentaire : chaque plan doit être soigneusement composé sur un plan horizontal, et les arrière-plans, très détaillés, nécessitent parfois plus d’une semaine de travail chacun. La fabrication du film devient alors l’une des plus longues et coûteuses de l’histoire du studio.

Sur le plan narratif, le film opère également quelques changements notables. Si la princesse Aurore donne son nom au titre, elle reste étonnamment en retrait. Elle n’apparaît d’ailleurs qu’une vingtaine de minutes à l’écran et ne prononce qu’un nombre limité de répliques. En revanche, c’est le prince Philippe qui occupe une place centrale dans le dernier acte. Contrairement à ses prédécesseurs souvent passifs, il prend ici une part active dans la résolution du conflit. Au cours d’un final qui a marqué les mémoires, la sorcière Maléfique, juchée au sommet d’une tour sous un ciel orageux, s’entoure de flammes, invoque le pouvoir de l’Enfer et se met à grandir jusqu’à se transformer en immense dragon. Sa coiffe se mue en cornes, sa cape en ailes, ses yeux étincèlent, son cou s’allonge et sa grande gueule crache du feu en abondance en direction du valeureux prince qui se protège comme il peut derrière son bouclier. Acculé au-dessus d’un gouffre, notre héros parvient à planter son épée dans la poitrine écailleuse du monstre quadrupède, aidé par les trois bonnes fées (Flora, Pâquerette et Pimprenelle) qui dotent son arme d’une force magique. La bête s’effondre alors du haut du précipice et disparaît dans les ténèbres.

La chute du dragon

Outre ses nombreux morceaux de bravoure, le film s’appuie sur l’utilisation d’un matériau musical peu courant à l’époque : le ballet « La Belle au bois dormant » de Tchaïkovsky. Walt Disney décide en effet d’ancrer La Belle au bois dormant dans la tradition musicale classique, dans une démarche qui rappelle les expérimentations de Fantasia. Les airs du compositeur russe structurent donc l’ensemble du récit et lui confèrent une certaine solennité, George Bruns étant chargé de les intégrer à la bande originale. À sa sortie, le film reçoit un accueil mitigé. Le public répond présent, certes, mais les critiques ont tendance à lui reprocher un manque d’émotion en le comparant à Blanche Neige. Le coût élevé de la production (près de six millions de dollars, une somme considérable à l’époque) et les résultats jugés décevants sur le plan financier conduisent Disney à revoir ses ambitions à la baisse pour ses projets futurs. L’animation entre alors dans une période plus économique, marquée par l’usage accru du recyclage de dessins et l’arrivée de la photocopie. Depuis, La Belle au bois dormant a été réévalué comme une œuvre de transition, à la fois fidèle à l’esprit des contes traditionnels et tournée vers une forme de modernité graphique et narrative. Beaucoup le considèrent même comme l’un des plus grands classiques du genre, toutes époques confondues.

 

© Gilles Penso

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PETER PAN (1953)

Réinventé par Walt Disney, l’enfant qui ne voulait pas grandir devient l’un des héros les plus populaires de la « maison de Mickey »…

PETER PAN

 

1953 – USA

 

Réalisé par Clyde Geronimi, Wilfred Jackson et Hamilton Luske

 

Avec les voix de Bobby Driscoll, Kathryn Beaumont, Hans Conried, Bill Thompson, Heather Angel, Paul Collins, Tommy Luske, Candy Candido, Tom Conway

 

THEMA CONTES I ENFANTS

En 1951, Alice au pays des merveilles laisse un goût amer dans la bouche de Walt Disney. L’adaptation du chef-d’œuvre de Lewis Carroll est-elle trop déjantée ou trop insaisissable ? Toujours est-il qu’elle déroute le public. Deux ans plus tard, pourtant, le studio retente l’aventure avec un autre monument de la littérature britannique : Peter Pan. Mais cette fois, Disney change de cap. Il ne s’agit plus de suivre les errances d’un imaginaire sans boussole, mais de canaliser l’esprit de l’enfance dans un récit fluide, rythmé, visuellement cohérent. Et le résultat va faire date. Peter Pan, c’est d’abord une promesse : celle de s’envoler. Littéralement. Dans l’un des plus beaux démarrages de film du studio aux grandes oreilles, les enfants Darling quittent leur chambre sous les étoiles, guidés par un garçon au sourire espiègle et une fée minuscule. Le voyage vers le Pays Imaginaire n’est pas seulement une traversée de Londres en rase-motte, c’est un manifeste visuel : ici, tout sera féerie, fluidité, enchantement. La force du film vient peut-être de sa source. Cette fois-ci, il ne s’agit pas d’un roman complexe mais une pièce de théâtre. Le récit est déjà pensé pour la scène, les personnages sont immédiatement identifiables, les situations claires. Disney n’a plus qu’à injecter son savoir-faire, autrement dit des chansons qui restent en tête, des personnages secondaires irrésistibles, et bien sûr une animation somptueuse où même l’ombre de Peter a du caractère.

Dans cette version revue et corrigée du texte de Barrie, Peter Pan perd en mystère ce qu’il gagne en efficacité. Plus question d’ambiguïtés sur son refus de grandir. Le jeune héros devient le symbole joyeux d’une enfance insouciante et triomphante. Il virevolte, défie les adultes, protège les enfants perdus, affronte le Capitaine Crochet avec une aisance insolente. Ce Peter-là est un héros Disney pur jus, sans zones d’ombre ni drames enfouis. Nous sommes loin du personnage tourmenté original, mais qu’importe puisque le public l’adopte instantanément. Autour de lui gravitent des figures devenues emblématiques. Wendy, douce et maternelle, devient la voix de la raison dans ce monde d’aventure. Crochet, méchant plus gaffeur que terrifiant, annonce la lignée des vilains de luxe du studio, burlesques et hauts en couleur. Et puis il y a Clochette, la grande révélation du film. Simple éclat de lumière sur scène, elle devient ici une créature pleine de caractère, jalouse, expressive, irrésistible. Une star née, qui connaîtra plus tard ses propres aventures indépendamment de celles de Peter.

Pas de labyrinthe pour Pan

Là où Alice s’égarait volontairement dans les labyrinthes de l’absurde, Peter Pan trace une ligne claire, guidée par une géographie de conte et une mécanique bien huilée. Chaque île, chaque tribu, chaque grotte a sa fonction. Tout s’agence pour construire un monde cohérent, attrayant, facilement mémorisable. Le Pays Imaginaire devient plus réel que jamais. Une fois de plus, cette adaptation opte pour la simplification et l’adoucissement. Les tensions psychologiques de l’œuvre de Barrie sont donc polies, la mélancolie remplacée par la magie. Certains crieront à la trahison. D’autres verront dans cette retranscription une relecture brillante, taillée pour un public familial, où le rêve prend le pas sur la réflexion. Comme avec Blanche Neige, Cendrillon ou même Alice, Disney parvient tant à imposer son propre Peter Pan dans l’imaginaire collectif qu’il finit presque par éclipser toutes les autres adaptations. Le collant vert, le crocodile au tic-tac, les sirènes et les pirates, la poudre de fée… toute cette imagerie ancrée dans l’inconscient collectif vient du film de 1953. Co-réalisée par les vétérans Clyde Geronimi, Wilfred Jackson et Hamilton Luske (avec la collaboration non créditée de Jack Kinney), cette féerie ultra-populaire aura contribué à redonner des ailes à la maison de Mickey et à propulser quelques-uns de ses futurs succès tels que La Belle et le Clochard, La Belle au bois dormant et Les 101 Dalmatiens.

 

© Gilles Penso

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