SUBSPECIES 5 : BLOOD RISE (2023)

25 ans après sa dernière aventure, le redoutable vampire Radu revient montrer les crocs dans une prequel racontant ses origines…

SUBSPECIES 5 : BLOOD RISE

 

2023 – USA

 

Réalisé par Ted Nicolaou

 

Avec Anders Hove, Denice Duff, Kevin Spirtas, Stasa Nikolic, Yulia Graut, Petar Arsic, Olivera Perunicic, Marko Filipovic, Jakov Marjanovic, Bruno Veljanovski

 

THEMA VAMPIRES I SAGA SUBSPECIES I CHARLES BAND

Décapité, immolé, décomposé par la lumière du soleil, le vampire Radu semblait bel et bien mis hors d’état de nuire à la fin de Subspecies 4. Certes, une nouvelle résurrection rocambolesque était toujours envisageable, mais comment ne pas finir par sombrer dans le ridicule ? Pour éviter la surenchère, Ted Nicolaou décide de laisser le monstre mourir tout en se penchant sur son passé. Subspecies 5 est donc une prequel revenant sur les origines du mal. Prévu pour une sortie en 2000, soit deux ans après le quatrième opus, ce film est annulé une première fois à cause des difficultés financières de la compagnie Full Moon. Vingt ans plus tard, le projet est enfin réactivé puis repoussé de nouveau, cette fois-ci à cause de la crise du Covid. La troisième fois est la bonne : Subspecies 5 se concrétise enfin en 2023. Si Nicolaou est toujours à la tête des opérations et si Anders Hove reprend du service sous les traits de Radu Vadislav, deux autres acteurs issus de la saga originale, Denice Duff et Kevin Spirtas, réapparaissent dans d’autres rôles. Quant au vampire Ash, que jouait jusqu’à présent Jonathon Morris, il prend désormais les traits de Marko Filipovic. Contrairement à tous les films précédents de la série, le tournage ne se déroule pas en Roumanie mais en Serbie, où Nicolaou trouve à la fois des décors très photogéniques et une équipe technique et artistique de talent.

Une fois n’est pas coutume, cet épisode ne commence donc pas par la résurrection de Radu mais par sa naissance en plein moyen-âge. Fils de la monstrueuse Circé, le bébé est sauvé par les croisés de l’Ordre des Chevaliers du Dragon, dont la mission est d’occire tous les vampires qui croisent leur route. Le nouveau-né est soumis à un traitement spécial (potions sacrées, excision des griffes et des pointes d’oreilles) afin d’effacer toute trace physique de ses origines. Élevé et initié par l’ordre religieux, Radu devient à l’âge adulte un croisé à la foi inébranlable qui poursuit la mission de ses prédécesseurs. Lorsqu’il débarque dans le château du prince Vadislas pour éliminer les suceurs de sang qui s’y trouvent et récupérer la « pierre de sang », il tombe sur une jeune femme et son fils qu’il décide de sauver, persuadé qu’ils n’ont pas encore été vampirisés. Mais le mal s’est déjà immiscé en eux et Radu ne va pas tarder à en faire les frais…

« Je renaîtrai et te hanterai jusqu’à la fin des temps »

Toujours très inspiré, Nicolaou retrouve l’élégance et l’atmosphère des premiers opus de cette franchise vampirique qu’il aura réussi à maintenir coûte que coûte à un niveau qualitatif très honorable. La photographie de Vladimir Ilic, la musique de Sean McBride et les décors supervisés par Ivan Cirovic sont très beaux, les maquillages spéciaux réussis, les effets visuels simples mais efficaces, les acteurs solides, bref c’est du travail bien fait. Refusant l’approche « campy » de nombreuses productions Full Moon, le réalisateur conserve une tonalité sérieuse qui sied parfaitement à cet univers macabro-romantique. Si Anders Hove assure toujours dans le rôle principal, avouons qu’il est difficile d’accepter que cet homme de presque 70 ans soit la version « jeune » du vampire que nous découvrions en 1991. Denice Duff, de son côté, s’est hélas abimé le visage à force de chirurgie esthétique, mais lui donner le rôle du premier amour de Radu est une excellente idée qui permet de mieux comprendre l’obsession que le monstre développera plus tard pour Michelle (incarnée par la même comédienne dans les films précédents). « Je renaîtrai et te hanterai jusqu’à la fin des temps » lui annonce-t-elle d’ailleurs en fin de métrage. On peut évidemment regretter que les minions du vampire aient définitivement disparu du paysage, comme s’ils s’étaient éteints en même temps que leur créateur, le génial animateur David Allen. C’est d’autant plus regrettable que cette saga leur doit son nom : « Subspecies », soit « sous-espèces ». Habilement, le scénario finit par se raccorder avec celui du premier film de la série mais aussi avec celui de Journal intime d’un vampire. Sorti dans une trentaine de salles de cinéma avant son exploitation vidéo, Subspecies 5 est sans doute l’un des meilleurs crus de la génération Full Moon des années 2020.

 

© Gilles Penso


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SUBSPECIES 4 : BLOODSTORM (1998)

Le vampire Radu revient faire des siennes après une nouvelle résurrection improbable, réclamant sa « proie » recueillie dans un hôpital…

SUBSPECIES 4 : BLOODSTORM / SUBSPECIES : THE AWAKENING

 

1998 – USA

 

Réalisé par Ted Nicolaou

 

Avec Anders Hove, Denice Duff, Jonathon Morris, Ioana Abur, Mihal Dinvale, Floriela Grappini, Dan Astileanu, Ion Haiduc, Eugenia Bosânceanu

 

THEMA VAMPIRES I SAGA SUBSPECIES I CHARLES BAND

À la fin de Subspecies 3, il ne restait plus grand-chose du corps du vampire Radu Vadislav, héros récurent d’une saga née en 1991. Mais l’épilogue s’ouvrait sur une suite possible, ses « minions » animés en stop-motion émergeant de ses griffes calcinées pour mettre la main sur la précieuse « pierre de sang ». C’est donc sans surprise que nous retrouvons le suceur de sang transylvanien revenu une nouvelle fois d’entre les morts. Certes, il a désormais l’apparence d’un grand brûlé, mais il ne lui faut pas longtemps avant de retrouver ses traits blafards et grimaçants. Après un générique égrenant un patchwork d’images empruntées aux trois premiers films de la saga et à Journal intime d’un vampire, l’intrigue se raccorde donc directement à la fin des événements racontés dans Subspecies 3. Au départ, le scénariste et réalisateur Ted Nicolaou souhaite faire revenir les personnages de Rebecca (Melanie Shatner) et Mel (Kevin Spirtas) dans l’intrigue, puisque nous les quittions alors qu’ils emportaient avec eux Michelle (Denice Duff), victime du vampire, dans un sac mortuaire afin d’essayer de l’arracher à son triste sort. Mais les deux acteurs sont indisponibles et il faut donc revoir le scénario. Nous apprenons donc que tous deux sont morts dans un accident de voiture et que le corps de Michelle a été récupéré par une femme médecin, Ana Lazar (Loana Abur), et ramené dans l’hôpital où elle travaille.

Or, le hasard faisant bien les choses, le docteur Niculescu (Mihai Dinvale) à qui elle confie la jeune femme, qui est à la fois son mentor et son ancien amant, est lui-même obsédé par la pierre de sang et semble en savoir beaucoup sur le vampirisme. Affirmant qu’il est capable de traiter Michelle en filtrant et en purifiant son sang, il s’emploie à la garder dans son hôpital et à la soigner. Parallèlement, nous suivons les pérégrinations de Radu qui décide de se rendre à Bucarest pour retrouver l’un de ses anciens « esclaves », le vampire décadent Ash (Jonathon Morris). C’est là que l’intrigue de ce Subspecies se raccorde avec celle de Journal intime d’un vampire dont Ash était l’antagoniste principal. Radu réclame son aide pour retrouver Michelle. Les choses se compliquent lorsque Serena (Floriela Grappini, elle aussi présente dans Journal intime d’un vampire), au service de Ash, décide de comploter pour liguer son maître contre Radu et vice-versa. Tout s’achèvera bien sûr dans un bain de sang…

Bain de sang

Esthétiquement, il faut bien reconnaître que ce film est beaucoup moins léché que les quatre précédents. Ted Nicolaou ayant moins de temps pour travailler son film, la photographie du pourtant talentueux Adolfo Bartoli est plus banale, tout comme les décors, à l’exception peut-être du repaire de Ash qui semble avoir bénéficié de soins particuliers. « Subspecies 4 avait un budget beaucoup plus réduit et un calendrier de tournage beaucoup plus serré, et cela se voit, car les lieux de tournage ne sont tout simplement pas aussi spectaculaires », confirme le réalisateur (1). On peut aussi regretter la présence de sous-intrigues inutiles (notamment la résurrection puis la disparition du lieutenant Marin incarné par Ion Haiduc) et surtout le jeu excessif de Mihal Dinval. Déjà bien peu sobre dans Journal intime d’un vampire où il incarnait un buveur de sang exagérément maniéré, il en fait ici des tonnes, écarquillant les yeux jusqu’au point de rupture et déclamant chacune de ses répliques d’un air grave tandis que ses cheveux tombent en rideau sur son visage crispé. Difficile de prendre au sérieux l’éminent médecin qu’il incarne dans le film. L’un des aspects les plus intéressants du scénario est lié au sort de Michelle, son vampirisme étant ouvertement traité comme une addiction. Le traitement médical qu’elle subit s’apparente à une cure de désintoxication et le « maître » qu’elle réclame pendant ses périodes de crise pourrait tout aussi bien être une drogue. Comme il se doit, Radu finit le film en mille morceaux. Mais comme chacun sait, les vampires de Transylvanie ont la vie dure.

 

(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)

 

© Gilles Penso


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BORDERLANDS (2024)

Dans un monde futuriste fantaisiste, une chasseuse de prime se met en quête d’une jeune fille kidnappée sur une planète lointaine…

BORDERLANDS

 

2024 – USA

 

Réalisé par Eli Roth

 

Avec Cate Blanchett, Kevin Hart, Edgar Ramirez, Jamie Lee Curtis, Ariana Greenblatt, Florian Munteanu, Janina Gavankar, Jack Black, Benjamin Byron Davis

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I SPACE OPERA I FUTUR

Situé dans une sorte de Far West rétro-futuriste et post-apocalyptique, le jeu vidéo « Borderland », sous haute influence de l’univers de Mad Max, est développé par Gearbox Software et lancé sur le marché en octobre 2009. D’autres opus suivront avant qu’Hollywood ne se penche sur la possibilité d’une adaptation sur grand écran. En 2015, le réalisateur Leigh Whannell (qui vient de faire ses débuts derrière la caméra avec Insidious 3) envisage d’en tirer un film qui serait produit par Avi et Ari Arad pour Lionsgate Films. Mais comme souvent à Hollywood, le projet traîne et ses instigateurs finissent par lâcher l’affaire. Les choses ne redémarrent qu’en 2020 avec une toute nouvelle équipe. Cette fois-ci, c’est Eli Roth (Hostel, The Green Inferno) qui tient la barre, sur un scénario qu’il co-écrit avec Joe Crombie. Armé d’un budget confortable de 120 millions de dollars, Roth part tourner à Budapest entre avril et juin 2021, alors que la pandémie du Covid-19 bat son plein. En découvrant le premier montage, le studio s’affole face à son extrême violence et aux multiples mutilations et autres explosions de têtes que Roth déploie généreusement à l’écran. Lionsgate envisageait d’exploiter Borderlands auprès d’un large public et ne sait plus trop quoi faire de ce défouloir gore très éloigné de ses attentes. Le film reste donc sur une étagère pendant deux ans, Eli Roth part diriger Thanksgiving et le réalisateur Tim Miller (Deadpool) est appelé à la rescousse pour tourner tout un tas de nouvelles séquences en 2023.

Borderlands est donc le fruit contre-nature de nombreux compromis s’efforçant de concilier des orientations artistiques contradictoires. D’où un scénario chaotique qui semble ne pas trop savoir sur quel pied danser. Cate Blanchett, qui retrouve Eli Roth après La Prophétie de l’horloge, y joue Lilith, une chasseuse de prime aigrie et dure à cuire. Contactée par Atlas (Edgar Ramirez), un magnat tout-puissant, elle accepte la mission d’aller récupérer sa fille Tina (Ariana Greenblatt) sur la planète Pandora, un désert/dépotoir hanté par des monstres bizarres, des mutants dégénérés et toutes sortes d’habitants interlopes. Sur place, Lilith est aidée par un robot facétieux, Claptrap, qui parle avec la voix de Joe Black (lui aussi transfuge de La Prophétie de l’horloge) et semble avoir été mystérieusement programmé pour l’assister. Bien sûr, la mission ne va pas du tout se passer comme prévu et va révéler son lot de surprises et de retournements de situation.

Un fourre-tout foutraque

Honnêtement, Borderlands n’est pas la catastrophe artistique ultime, comme on a pu le lire un peu partout. Le film est généreux, débridé, impétueux, et propose quelques designs originaux et une poignée d’idées visuelles intéressantes. Pour autant, on ne peut pas dire que cette intrigue fourre-tout soit follement passionnante. L’un des problèmes majeurs de ce space opera foutraque est le choix de ses personnages, tous plus irritants les uns que les autres. Comment s’intéresser au sort de cette gamine pénible, de ce robot énervant, de ce gros nounours psychopathe et de ce soldat insipide ? Cate Blanchett elle-même, protagoniste central auquel nous sommes censés nous identifier, joue les mercenaires patibulaires avec à peu près autant de crédibilité que Pamela Anderson dans Barb Wire. Elle excellait pourtant dans des rôles du même acabit pour Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal ou Thor Ragnarok. Mais ici, elle semble jouer en mode pilote automatique sans croire une seule seconde à ce qu’elle fait. Borderlands se cherche donc maladroitement, regroupant des anti-héros en quête manifeste de l’alchimie des Gardiens de la galaxie ou de The Suicide Squad, ne reculant devant aucun gag éculé (le casque à la Dark Vador qui empêche de respirer correctement comme dans La Folle histoire de l’espace) ou scatologique (les jets d’urine, le robot qui défèque du plomb) et ne convainc finalement personne. Son échec spectaculaire au box-office tend à prouver qu’il s’agissait de toute évidence d’une fausse bonne idée.

 

© Gilles Penso


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JOURNAL INTIME D’UN VAMPIRE (1997)

Dans ce spin-off de la saga Subspecies, un vampire romantique et vengeur décide de mettre hors d’état de nuire un redoutable suceur de sang…

VAMPIRE JOURNALS

 

1997 – USA

 

Réalisé par Ted Nicolaou

 

Avec Jonathon Morris, David Gunn, Kirsten Cerre, Starr Andreeff, Ilinca Goia, Constantin Barbulescu, Mihai Dinvale, Dan Condurache, Mihai Niculescu

 

THEMA VAMPIRES I SAGA SUBSPECIES I CHARLES BAND

Après avoir écrit et réalisé les trois premiers opus de la saga Subspecies, Ted Nicolaou décide de s’offrir une variante sur le thème du vampirisme tout en continuant de planter ses caméras en Roumanie pour profiter du savoir-faire des équipes locales et de la photogénie des décors naturels locaux. Cette fois-ci, le directeur de la photographie Vlad Paunescu est remplacé par Adolfo Bartoli, habitué des productions Charles Band avec qui Nicolaou avait déjà collaboré une demi-douzaine de fois. Journal intime d’un vampire n’y perd pas au change, conservant une patine visuelle impeccable, le cinéaste poursuivant ses expérimentations autour des ombres portées disproportionnées se glissant sur les façades des bâtiments. La préproduction ayant été involontairement prolongée à cause d’un retard de financement, Nicolaou en profite pour peaufiner chaque aspect artistique de son film. « J’ai été gâté par les trois premiers Subspecies et surtout par Journal intime d’un vampire, ne serait-ce que par le nombre de lieux de tournage où j’ai pu filmer », raconte Nicolaou. « De plus les plannings étaient longs, car nous pouvions prendre notre temps en Roumanie à l’époque. Nous avons donc pu créer des atmosphères très travaillées. » (1) Le tournage s’étale ainsi sur 23 jours, un délai bien plus important que la majorité des productions Full Moon de l’époque.

Ce « journal intime » est narré à la première personne par Zachary (David Gunn), un poète du 19ème siècle adepte de l’absinthe qui se laisse séduire par une femme vampire et bascule sans le vouloir dans le monde des suceurs de sang. Nous le retrouvons à notre époque, assoiffé de vengeance après la mort de sa bien-aimée. Armé de la légendaire épée de Laertes, il guette les activités d’un vampire très puissant nommé Ash (Jonathon Morris). C’est donc sa voix off de narrateur qui nous accompagne tout au long du récit. Ash possède le Club Muse, un établissement prestigieux et select, mi-casino mi-maison close, qui sert de façade pour masquer les activités des vampires. Or Zachary et Ash jettent tous deux leur dévolu sur la même femme : Sofia (Kirsten Cerre), une Américaine virtuose du piano qui se produit en Europe de l’Est. L’un, fier et agressif, cherche à la vampiriser, l’autre, taciturne et amer, à la sauver…

Les dents de l’amer

Le film se distingue d’emblée par la qualité de ses décors et de sa photographie, Bartoli jouant souvent sur les volutes de fumée diffuse qui flottent dans les faisceaux de lumière. Ce bel écrin se prête à merveille à l’intrigue sentimentale que bâtit Nicolaou. Car ici, contrairement aux trois premiers Subspecies, les vampires ne sont pas des monstres bestiaux aux traits difformes mais des êtres élégants et séduisants qui nous évoquent beaucoup ceux d’Entretien avec un vampire. Revers de la médaille, ce classicisme se prive d’exubérances horrifiques pour tendre vers un film somme toute très « sage ».  Certes, quelques idées visuelles étonnantes surnagent (le vampire qui a l’apparence d’un squelette desséché quand il dort puis reprend ses traits humains à chaque réveil), quelques décapitations en gros plan éclaboussent l’écran et l’érotisme pointe souvent le bout de son nez (les poitrines féminines se dénudent volontiers). Mais Journal intime d’un vampire ne chasse pas vraiment les lieux communs associant généralement le vampirisme et le romantisme. On peut également regretter que le budget ne permette pas à Nicolaou de s’offrir une bande originale symphonique, le compositeur Richard Kosinski faisant de son mieux avec les synthétiseurs à sa disposition. C’est d’autant plus dommage que l’intrigue tourne autour d’une concertiste classique. Le lien ténu que ce film entretient avec la saga Subspecies est lié à Ash qui, le temps d’une réplique, nous apprend que son maître est Radu de Transylvanie. Journal intime d’un vampire trouvera plus officiellement sa place dans la franchise à l’occasion de Subspecies 4 qui en reprendra plusieurs personnages.

 

(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)


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QUADRANT (2024)

Pour aider certains patients à vaincre leurs phobies, deux scientifiques ont mis au point un casque de réalité virtuelle, mais l’expérience tourne mal…

QUADRANT

 

2024 – USA

 

Réalisé par Charles Band

 

Avec Shannon Barnes, Emma Reinagel, Christian Carrigan, Lexi Lore, Kaylene Snarsky, Rickard Claeson, Kaylee Banhidy

 

THEMA MÉDECINE EN FOLIE I TUEURS I MONDES VIRTUELS ET PARALLÈLES I SAGA CHARLES BAND

Quadrant fait partie de ces projets qui jouèrent longtemps l’arlésienne chez le producteur Charles Band. Le film est d’abord annoncé dans les années 80, alors que la compagnie Empire (Re-Animator, From Beyond) est encore debout. Suite à sa faillite, Quadrant disparaît des radars puis refait surface au milieu des années 90. Band déclare alors que le film sera produit par sa société Full Moon Entertainment. Linda Hassani, qui avait signé Dark Angel : The Ascent, est envisagée comme réalisatrice et une sortie est prévue en 1995. Mais c’est un nouveau faux départ. Ce n’est finalement qu’en 2024 que le projet se concrétise, dirigé par Band lui-même et annoncé comme le 400ème long-métrage de chez Full Moon. En réalité, seul le titre a été conservé, le concept s’appuyant désormais sur un scénario de C. Courtney Joyner (Puppet Master III, Doctor Mordrid, La Peur qui rode). Filmé en 5 jours à Cleveland, avec quatre acteurs principaux et deux décors, Quadrant permet à Band de poursuivre ses expériences avec les images générées par intelligence artificielle, expériences qu’il avait amorcées à l’occasion de AIMEE : the Visitor. « Beaucoup de gens sont effrayés par l’IA, mais pour moi c’est juste un outil », confesse-t-il sur le site de Full Moon Pictures. « Elle possède une sorte de réalité bizarre et effrayante que l’on ne retrouve pas dans les images de synthèse. »

Le « Quadrant » du titre est l’invention de deux scientifiques, Harry (Rickard Claeson) et Meg (Emma Reinagel), qui prend la forme d’un casque de réalité virtuelle. Une fois qu’un patient s’y connecte, son esprit le transporte dans un monde reconstitué par une intelligence artificielle où toutes ses phobies prennent corps. Au fil des séances, ceux qui se soumettent à l’expérience du « Quadrant » apprennent à vaincre et à contrôler leurs peurs les plus intimes. Robert (Christian Carrigan) essaie ainsi de lutter contre les horribles cauchemars récurrents qui le hantent, dans lesquels il est harcelé par des hordes de créatures démoniaques. Erin (Shannon Barnes), de son côté, est une jeune femme obsédée par Jack l’éventreur, au point que ses immersions dans le « Quadrant » la transportent systématiquement dans le Londres du 19ème siècle, altérant peu à peu son comportement. Elle finit en effet par se transformer elle-même en tueur de prostituées dans cet univers virtuel. Plus problématique : ses pulsions sanguinaires semblent la poursuivre une fois qu’elle retourne dans le monde réel…

Programmée pour tuer

Le concept de Quadrant est original et offre d’intéressantes possibilités scénaristiques. Mais les choix artistiques opérés par Band – et dictés on s’en doute par des contraintes économiques – gâchent ce beau potentiel. Les décors et les personnages 3D générés par AI sont en effet désarmants de maladresses – malgré quelques créatures monstrueuses intéressantes – et les incrustations des comédiens dans ces environnements artificiels sont absolument affreuses. Certes, ces images sont censées être factices puisque générées par un algorithme, mais un rendu visuel aussi médiocre est honnêtement inacceptable en 2024. Le design « futuriste » du casque lui-même laisse perplexe : au lieu de la miniaturisation qu’on pourrait imaginer, nous avons ici affaire à une sorte de haut d’un scaphandre qui semble échappé d’un roman de Jules Verne. Les scènes situées dans le monde réel sont clairement plus réussies, grâce à des acteurs qui jouent le jeu avec conviction et donnent de leur personne. Charles Band ne lésine ni avec la nudité ni avec les effusions de sang, conforme à la recette habituelle du cinéma d’exploitation dont il se réclame ouvertement. Dommage que le résultat final semble si bâclé, car le postulat de Quadrant aurait pu en faire une jolie petite surprise, au lieu de cette série B anecdotique sans doute vouée à l’oubli.

 

© Gilles Penso

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SUBSPECIES 3 : BLOODLUST (1994)

Dans ce troisième épisode rocambolesque, une petite équipe se met en tête de débusquer le vampire Radu réfugié dans son sinistre château…

BLOODLUST : SUBSPECIES

 

1994 – USA

 

Réalisé par Ted Nicolaou

 

Avec Anders Hove, Denice Duff, Kevin Sportas, Melanie Shatner, Pamela Gordon, Ion Haiduc, Michael Della Femina, Michael Denish, Nicolae Urs, Radu Minculescu

 

THEMA VAMPIRES PETITS MONSTRES I SAGA SUBSPECIES I CHARLES BAND

Tourné dans la foulée de Subspecies 2, ce troisième épisode s’y raccorde directement. Les trois premières minutes du métrage résument d’ailleurs les événements précédents pour rafraîchir la mémoire des spectateurs. Juste après ce court flash-back, nous retrouvons nos personnages là où nous les avions laissés. Michelle (Denice Duff), la « promise » du vampire Radu (Anders Hove), git à côté du corps du monstre que son abominable génitrice aux allures de sorcière boursouflée et décomposée (Pamela Gordon, sous un très efficace maquillage de Michael Deak et Wayne Toth) s’emploie à ressusciter à l’aide du sang de la jeune femme. Comme le monstre de Frankenstein période Universal, Radu a donc la capacité de revenir à chaque fois d’entre les morts de la manière la plus improbable possible d’un film à l’autre. Grâce à une incantation magique, le vampire, sa mère et sa « fiancée » se téléportent jusque dans le château Vadislas, preuve qu’aucune péripétie rocambolesque n’est interdite dans la saga Subspecies. Dans ce domaine, ce troisième opus pousse sans doute le bouchon un peu loin, marquant un infléchissement qualitatif par rapport à son prédécesseur.

Alors que Michelle lutte de moins en moins contre les instincts qui la transforment en buveuse de sang, enjoignant même Radu à lui enseigner toutes les ficelles du « métier » de vampire, sa sœur Rebecca (Melanie Shatner) et l’employé de l’ambassade américaine Mel (Kevin Sportas) essaient de trouver le moyen de mettre le monstre et sa mère hors d’état de nuire. Un agent de la CIA armé jusqu’aux dents (Michael Della Femina, l’homme invisible de Mandroïd et Les Aventures de Benjamin Knight) vient brièvement leur prêter main forte avec un arsenal sur-mesure (notamment des armes chargées de balles en argent provenant d’un crucifix). Mais Radu et sa mère restent insaisissables, révélant au-delà de leur capacité de se téléporter et de s’envoler d’autres pouvoirs comme la télékinésie, laquelle s’avère bien pratique pour envoyer valser des objets tranchants vers leurs adversaires…

L’apprentie vampire

S’il reste de haute tenue et s’il n’a rien perdu des qualités esthétiques et atmosphérique dont Ted Nicolaou et son équipe ont su doter l’épisode précédent, ce troisième Subspecies n’a pas autant d’impact que le second. Sans doute l’intrigue est-elle moins prenante, les situations n’évoluant pas beaucoup après son entrée en matière. La mise en scène elle-même se révèle moins riche en idées fortes. Car si Nicolaou et son directeur de la photographie Vlad Paunescu s’amusaient précédemment à faire ramper partout l’ombre du vampire dans les rues de Bucarest, la relocalisation de l’action dans le château et dans son jardin appauvrit visuellement le résultat final. Exit les tableaux surréalistes hérités du cinéma muet de F.W. Murnau, place à une mise en image plus classique. L’amateur se raccrochera alors à ces séquences nocturnes envoûtantes où Michelle, apprentie vampire, cherche à attirer des victimes humaines pour planter ses dents dans leur cou. Excessif comme il se doit, le grand final nous donne droit à la mise à mort la plus spectaculaire de la série et à la réapparition furtive des minions en stop-motion. Bien sûr, Radu renaîtra de ses cendres, comme toujours. Mais entretemps, Nicolaou nous offrira une variante intéressante avec Journal intime d’un vampire.

 

© Gilles Penso

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LONGLEGS (2024)

Une agente du FBI qui semble posséder des dons de voyance est chargée d’enquêter sur un tueur en série satanique insaisissable…

LONGLEGS

 

2024 – USA

 

Réalisé par Osgood Perkins

 

Avec Maika Monroe, Nicolas Cage, Blair Underwood, Alicia Witt, Michelle Choi-Lee, Dakota Daulby, Kiernan Shipka, Jason Day, Lisa Chandler, Ava Kelders

 

THEMA TUEURS I DIABLE ET DÉMONS I JOUETS

Osgood Perkins porte un nom et une hérédité lourds de conséquences, puisqu’il est le fils d’Anthony Perkins, éternel Norman Bates aux yeux des cinéphiles traumatisés par le séminal Psychose d’Alfred Hitchcock. Le jeune « Oz » fait d’ailleurs ses débuts dès l’âge de neuf ans en incarnant Bates en culottes courtes dans Psychose 2 de Richard Franklin. Ça vous marque forcément un homme. Après avoir cumulé les petits rôles dans des films aussi disparates que Wolf, La Revanche d’une blonde ou Star Trek, il passe à la réalisation en 2015, démontrant un penchant durable pour l’horreur insidieuse et les atmosphères étranges. Longlegs est son quatrième long-métrage et sans doute le plus mémorable. Si le budget reste très raisonnable – moins de dix millions de dollars -, Perkins se paye une tête d’affiche en la personne de Nicolas Cage qui, non content d’incarner le rôle-titre, co-produit le film par l’intermédiaire de sa société de production Saturn Films. Mais si le personnage que joue Cage est central, son temps de présence à l’écran est limité, cédant la place à Maika Monroe qui, dix ans plus tôt, tenait la vedette de It follows, et qui nous surprend ici très agréablement dans une prestation à fleur de peau.

L’intrigue de Longlegs se déroule en 1995, période où les Etats-Unis baignaient encore dans une sorte de « panique satanique » liée à l’inquiétude de la population face aux méfaits – réels ou fantasmés ? – de sectes adoratrices du diable et à leur influence sur les jeunes esprits. Divisé en trois chapitres (« Ses lettres », « Tout ce qui t’appartient » et « Les anniversaires »), le film s’intéresse à l’agent du FBI Lee Harker (Monroe). Très introvertie, à la limite de l’autisme, cette jeune femme semble posséder un don d’extra-lucidité qui lui permet de faire avancer d’un seul coup certaines enquêtes. C’est dans ce but que son supérieur, William Carter (Blair Underwood), la missionne sur une affaire sordide : une série de meurtres-suicides survenus dans l’Oregon. Dans chacun des cas, un père massacre sa femme et ses enfants puis se donne la mort, laissant derrière lui une lettre codée signée « Longlegs », dont l’écriture n’appartient à aucun des membres de la famille. Qui est ce Longlegs ? Et comment peut-il avoir initié ces carnages sans avoir été physiquement présent lors des crimes ?

Que diable !

Oz Perkins est visiblement un homme sous influence. L’atmosphère de son film n’est pas sans évoquer Le Sixième sens, Le Silence des agneaux et Seven, mais aussi la série X-Files qui fut tournée dans les mêmes extérieurs naturels à Vancouver, et vers lequel le patronyme d’un des agents, Carter, semble vouloir cligner de l’œil. D’autres noms de personnages (Browning et Harker) nous évoquent Dracula. Pourtant, Longlegs crée immédiatement sa propre identité, n’usant finalement de ces références que pour mieux brouiller les cartes. Avons-nous affaire à un cas très terre-à-terre de meurtres en séries ou le diable est-il de la partie ? Notre héroïne doit-elle conserver l’approche cartésienne que préconise son patron ou laisser la place à une théorie surnaturelle ? En laissant apparaître de manière subliminale dans les scènes de crime une silhouette diabolique, image d’Épinal d’une créature cornue, Perkins nous trouble volontairement. En laissant dire à la mère de Lee Harker « ce sont nos prières qui nous protègent du mal », il continue d’évoquer Satan. Nicolas Cage reste volontairement en retrait. Dans son exercice d’équilibre favori – à mi-chemin entre le cabotinage qu’accentue son maquillage outrancier et une sorte de transe fascinante qui semble le transporter sur un autre pan de réalité -, il laisse ses brèves apparitions imprimer la pellicule de manière durable même lorsqu’il n’est plus là. Car Perkins démontre ici un indiscutable talent dans la création d’atmosphères insolites et oppressantes, ciselant au millimètre près ses choix de focales, d’angles de prise de vue, de compositions et de sound design, entremêlant le présent en Cinémascope et le passé en 4/3 au cours de flash-backs furtifs levant un voile sur l’enfance de l’héroïne. Ce remarquable exercice de style rapportera plus de 100 millions de dollars de recettes, soit plus de dix fois sa mise de départ. Un succès fort mérité.

 

© Gilles Penso


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SUBSPECIES 2 : BLOODSTONE (1993)

Radu, le redoutable vampire roumain, revient d’entre les morts pour capturer une touriste américaine dont il veut faire sa compagne…

SUBSPECIES II : BLOODSTONE

 

1993 – USA

 

Réalisé par Ted Nicolaou

 

Avec Anders Hove, Denice Duff, Kevin Spirtas, Melanie Shatner, Michael Denish, Pamela Gordon, Ion Haiduc, Tudorel Filimon, Viorel Comanici, Viorel Sergovici

 

THEMA VAMPIRES PETITS MONSTRES I SAGA SUBSPECIES I CHARLES BAND

Galop d’essai pour une éventuelle nouvelle franchise et pour tester la viabilité d’une série de productions réalisées en Roumanie, le film de vampires Subspecies reçoit un accueil très favorable au moment de sa sortie en vidéo, poussant le producteur Charles Band à lui donner plusieurs suites. Subspecies 2 et Subspecies 3 sont donc tournés en même temps, principalement à Bucarest. Pour assurer une continuité artistique et qualitative à la série (qui fait clairement défaut à la saga Puppet Master par exemple), le réalisateur Ted Nicolaou reste maître à bord et embarque avec lui une grande partie de son équipe artistique, notamment le très talentueux directeur de la photographie Vlad Paunescu, le chef décorateur Radu Corciova, le compositeur Richard Kosinski et le monteur Bert Glatstein. Si Anders Hove rempile logiquement dans le rôle du redoutable suceur de sang, sa charmante victime Michelle n’est plus incarnée par Laura Tate mais par Denice Duff, l’actrice précédente ayant mal supporté les conditions de tournage précaires et inconfortables du premier film. Honnêtement, nous n’y perdons pas au change, Duff apportant au personnage un charme atemporel, à mi-chemin entre la modernité des années 90 et une aura gothique héritée des productions Hammer.

Joyeusement délirante, la scène d’introduction met en scène les minions au service du vampire Radu. Les petits monstres animés en stop-motion récupèrent la tête décapitée de leur maître et la raccordent à son buste. Aussitôt, les veines, les artères et les os se reconstituent à la vitesse grand V. Dès qu’il est sur pied, Radu enfonce un pieu dans le cœur de son frère, dont le visage se fripe en accéléré, et s’abreuve de son sang qui gicle abondamment. Les effets spéciaux à l’ancienne et le gore excessif sont donc à l’honneur et nimbent d’emblée cette séquelle d’une patine propre à ravir tous les amateurs d’horreur old school. Si les minions disparaissent ensuite du film, une nouvelle créature mémorable fait son apparition : Mumia, la mère décrépie et presque zombifiée de Radu, qui vit dans une sorte de laboratoire alchimique sinistre et souterrain. La mégère difforme somme son fils de récupérer la précieuse « pierre de sang ». Or celle-ci a été subtilisée par Michelle, la jeune femme qu’il avait vampirisée et qui s’est enfuie à Bucarest…

L’ombre du vampire

Non content de retrouver toutes les qualités propres au premier film (une somptueuse photographie, des décors très graphiques, une musique envoûtante), Subspecies 2 parvient à évacuer la majorité des défauts de son prédécesseur et s’impose comme l’un des sommets de la carrière de Ted Nicolaou et de l’abondante production de la compagnie Full Moon. Sous l’influence manifeste de Nosferatu, le réalisateur joue sans cesse avec l’ombre gigantesque du vampire qui se projette sur les façades de la ville, évoquant la menace omniprésente de la bête même lorsqu’elle n’apparaît pas à l’écran. L’un des éléments les plus intéressants du scénario est lié aux tourments de Michelle qui est en train de se muer lentement en vampire. Son reflet dans les miroirs devient translucide, la lumière du soleil commence à la blesser, la teinte de sa peau se fait livide. Réfugiée dans les coulisses d’un opéra où elle dort dans un cercueil en verre, elle doit désormais lutter contre la soif de sang qui la taraude. L’idylle naissante et artificielle qui se crée entre Becky (Melanie Shatner, la fille de William), la sœur de Michelle partie à sa recherche, et Mel (Kevin Blair, vu dans La Colline a des yeux 2 et Vendredi 13 chapitre 7), le bel attaché d’ambassade qui propose de l’aider, n’a pas beaucoup d’intérêt, mais elle n’entache guère ce film résolument distrayant qui nous offre au passage une allusion au Bal des vampires (lorsqu’une des répliques évoque « the fearless vampire hunters »). Nous quittons Radu en bien piteux état à la fin du film. Mais puisqu’il a déjà survécu à une décapitation, nul doute qu’il reviendra faire des siennes. Le générique de fin annonce d’ailleurs la sortie imminente de Subspecies 3.

 

© Gilles Penso


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LE MANGEUR D’ÂMES (2024)

Une commandante de police et un capitaine de gendarmerie unissent leurs forces pour élucider les morts violentes qui frappent une petite ville…

LE MANGEUR D’ÂMES

 

2024 – FRANCE

 

Réalisé par Alexandre Bustillo et Julien Maury

 

Avec Virginie Ledoyen, Paul Hamy, Sandrine Bonnaire, Francis Renaud, Malik Zidi, Cameron Bain, Lua Oussadit-Lessert, Chloé Coulloud, Christophe Favre

 

THEMA TUEURS I SAGA BUSTILLO & MAURY

Dix ans après avoir produit leur troisième long-métrage Aux yeux des vivants, Fabrice Lambot retrouve Julien Maury et Alexandre Bustillo à qui il propose d’adapter le roman « Le Mangeur d’âmes » d’Alexis Laipsker, un thriller noir et sanglant qui pourrait parfaitement s’accorder à leur univers. Les duettistes se laissent tenter par la proposition mais sont alors accaparés par The Deep House, leur ambitieuse histoire de maison hantée sous-marine. Le scénario est donc confié à Annelyse Batrel et Ludovic Lefebvre. Lorsqu’ils ont enfin le temps de se pencher sur le projet, Maury et Bustillo retouchent le script pour l’adapter à leur sensibilité et partent en repérages dans les Vosges, une région très photogénique qu’ils connaissent notamment grâce à leurs visites régulières du Festival du Film Fantastique de Gérardmer. Pour incarner les deux personnages principaux du Mangeur d’âmes, ils jettent leur dévolu sur Virginie Ledoyen et Paul Hamy. La première, qui avait joué dans Saint Ange de Pascal Laugier, est désireuse de se frotter une nouvelle fois au cinéma de genre et d’ajouter un personnage de policier à sa filmographie. Le deuxième les a convaincus grâce à sa prestation dans Furie d’Olivier Abbou. Sandrine Bonnaire, Malik Zidi et Francis Renaud (déjà présent dans Aux yeux des vivants) viennent compléter ce casting hétéroclite.

Virginie Ledoyen incarne la commandante de police Élisabeth Guardiano, chargée d’élucider un double meurtre extrêmement brutal. Paul Hamy entre pour sa part dans la peau du capitaine de gendarmerie Franck de Rolan, qui enquête sur l’inquiétante disparition de six enfants. Tous deux se retrouvent à Roquenoir, une petite ville des Vosges, et unissent leurs forces, un peu à contrecœur, pour comprendre quelle horreur se tapit dans l’ombre. « Tous ces meurtres sont d’une violence inouïe et quasi-illogique », commente la légiste chargée de l’affaire. Y’aurait-il une folie criminelle contagieuse dans cette commune rurale ? À moins que le fameux croquemitaine démoniaque des légendes locales, le « mangeur d’âmes », ait une quelconque influence sur cette sinistre affaire ? Alors que nos deux enquêteurs se perdent en conjectures et assemblent les pièces du puzzle, de nouvelles morts sanglantes s’enchaînent…

La montagne a des yeux

Le récit s’articulant avant tout autour d’une enquête policière, nous sommes a priori en dehors du scope habituel des films de Maury et Bustillo. Mais l’intrigue se teinte dès les premières minutes d’une atmosphère fantastique fortement teintée d’épouvante et d’horreur. Les scènes de crime sont d’ailleurs particulièrement gratinées, œuvre du maquilleur spécial Olivier Afonso et de son équipe. Lorsqu’interviennent les apparitions furtives d’une créature humanoïde au visage monstrueux coiffé de grands bois de cerf, le fameux « mangeur d’âmes » du titre, le film bascule définitivement ailleurs, sans pour autant se détacher des investigations très terre-à-terre des deux protagonistes. Une grande partie de la force du Mangeur d’âmes s’appuie sur le double visage de ces co-équipiers aux motivations et aux méthodes divergentes. La commandante campée par Virginie Ledoyen est froide et antipathique, mais l’on se doute que des fêlures et un traumatisme récent se cachent derrière cette carapace austère. Le capitaine de gendarmerie que joue Paul Hamy semble au contraire fragile, même s’il laisse deviner une rage enfouie et contenue qui ne demande qu’à éclater. Le mélange de ces deux personnalités semble explosif, mais eux seuls semblent capables de faire surgir la vérité, si impensable soit-elle, au sein d’une petite communauté montagnarde qui n’est pas sans évoquer Les Rivières pourpres ou la série Twin Peaks. Grâce à l’imagination du romancier Alexis Laipsker et au savoir-faire de Bustillo et Maury, Le Mangeur d’âmes se révèle redoutablement efficace, menant ses spectateurs par le bout du nez jusqu’à un climax d’une terrible noirceur.

 

© Gilles Penso


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ARMAGUEDON (1977)

Alain Delon et Jean Yanne s’affrontent dans ce thriller apocalyptique où un citoyen ordinaire décide subitement de prendre sa revanche sur la société…

ARMAGUEDON

 

1977 – FRANCE / ITALIE

 

Réalisé par Alain Jessua

 

Avec Jean Yanne, Alain Delon, Renato Salvatori, Michel Duchaussoy, Marie Déa, Michel Creton, Susanna Javicoli, Guy Saint-Jean, Luigi Lavagnetto

 

THEMA TUEURS

Deux ans après les démêlées de Jean-Paul Belmondo avec un tueur machiavélique dans Peur sur la ville, Alain Delon affronte son propre psychopathe dans Armaguedon, qui marque ses retrouvailles avec Alain Jessua dans la foulée de Traitement de choc. Mais si le cinéaste et l’acteur s’étaient plutôt bien entendus sur le tournage du thriller fantastico-médical qui mettait aussi en vedette Annie Girardot, la confection d’Armaguedon reste un souvenir douloureux pour Alain Jessua. Acteur principal mais aussi producteur du film, Delon y impose ses volontés et refuse souvent de se plier aux indications du metteur en scène pour proposer sa propre interprétation du protagoniste qu’il campe, un psychologue renommé chargé par la police d’aider à identifier et stopper les agissements d’un criminel tout-puissant et insaisissable. Visiblement soucieux de soigner son image et d’offrir au public la prestation d’un homme charismatique, ténébreux et imperturbable, Delon prive son personnage des failles qui l’auraient rendu crédible et attachant. Par conséquent, le spectateur aura plutôt tendance à s’intéresser à son antagoniste, le tueur incarné par Jean Yanne qui se révèle beaucoup plus intéressant parce que plus complexe.

Inspiré d’un roman de l’Américain David Lippincott, le scénario d’Armaguedon relocalise l’intrigue en France. Louis Carrier (Yanne), un agent municipal qui hérite de 250 000 francs après la mort de son frère, aspire à la notoriété. Pour y parvenir, il s’associe avec Albert, un simple d’esprit (Renato Salvatori), et adopte le pseudonyme d’« Armaguedon », inspiré par une bande dessinée tirée du Livre de l’Apocalypse. Poussé par une folie des grandeurs croissante, Carrier élabore un plan pour attirer l’attention des médias et des autorités, annonçant un attentat imminent via des messages vocaux enregistrés en plusieurs langues. La police, désorientée, fait appel au psychiatre Ambroise (Delon) pour cerner la personnalité du suspect. Pendant ce temps, Carrier et Albert commencent à semer leur chemin de victimes et précisent leur menace : une bombe commandée à distance explosera au beau milieu d’une émission de variétés diffusée à la télévision en direct…

Psychose et mégalomanie

L’intrigue d’Armaguedon ne rattache en rien le film au genre fantastique. Pourtant, comme souvent chez Jessua, plusieurs séquences semblent se situer dans une sorte de réalité alternative, tutoyant le cinéma d’horreur (le double meurtre diaboliquement sophistiqué du couple dans la chambre d’hôtel) mais aussi la politique-fiction (à travers l’usage que le tueur fait de la technologie, des enregistrements sonores et de la télévision). Dans le monde d’Armaguedon, les écrans sont omniprésents, saturant le décor d’informations visuelles comme dans les thrillers de John Frankenheimer. Ainsi, même s’il se révèle moins science-fictionnel que Traitement de choc, Paradis pour tous et Frankenstein 90, Armaguedon entre définitivement dans la famille des films « autres » de Jessua, ceux qui, à la manière des Chiens, s’appuient sur le monde contemporain et les psychoses de ceux qui l’habitent pour transcender le réalisme et offrir une vision inquiétante de la société. Sans doute le film souffre-t-il d’une caractérisation trop schématique, à travers ce tueur aux motivations confuses et ce psychologue aux analyses à l’emporte-pièce. Le jeu des comédiens et les dialogues écrits par Jessua auraient également mérité un peu plus de subtilité. Armaguedon n’a donc pas très bien vieilli, c’est indéniable, mais l’impact de sa démonstration reste intact. La manière avec laquelle il décrit la capacité de n’importe quel citoyen ordinaire à se muer en fou destructeur et mégalomane, pourvu qu’on lui en donne les moyens financiers et les canaux de communication, fait toujours autant froid dans le dos.

 

© Gilles Penso


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