TERREUR A L’HÔPITAL CENTRAL (1982)

Michael Ironside campe un tueur psychopathe effrayant dans ce très efficace slasher canadien

VISITING HOURS

1982 – CANADA

Réalisé par Jean-Claude Lord

Avec Michael Ironside, Lee Grant, Linda Purl, William Shatner, Lenore Zann, Harvey Atkin, Helen Hughes

THEMA TUEURS

En 1981, Michael Ironside avait été l’une des révélations du Scanners de David Cronenberg, où il incarnait un être doué de pouvoirs télépathiques dirigeant une véritable escouade de terroristes parapsychologiques. Un an plus tard, les mêmes producteurs (Claude Héroux et Pierre David) profitèrent de son potentiel pour lui faire incarner Colt Hawker, un tueur fou, sadique et profondément misogyne, dans Terreur à l’Hôpital Central de Jean-Claude Lord. Tout au long d’un scénario sur le fil du rasoir, l’effrayant Hawker traque Deborah Ballin (Lee Grant), une journaliste qui représente tout ce qu’il déteste, en une croisade sanglante particulièrement perturbante. Après une première séquence éprouvante où la malheureuse est agressée chez elle, l’intrigue se déplace dans l’hôpital où elle est admise. Hawker se fait alors passer pour un fleuriste afin de pénétrer dans l’enceinte de l’établissement et reprend une mission que rien ni personne ne semble pouvoir stopper. Malgré elle, l’infirmière Sheila Munroe (Linda Purl) entre à son tour dans la ligne de mire du tueur. Bientôt, la mort frappe à tous les étages, comme l’illustre de manière superbement métaphorique l’un des posters du film sur lequel les fenêtres du bâtiment dessinent un crâne grimaçant.

Toute la première partie du film joue sur la déshumanisation d’Hawker. Son visage nous est caché par une multitude d’astuces de mise en scène (très gros plans, cadres larges, plongées et contre-plongées, reports de point, éclairages contrastés) et ce n’est qu’une ombre anonyme qui frappe impitoyablement. Terrifiant lorsqu’il regarde tranquillement ses victimes rendre leur dernier souffle tout en les photographiant comme un émule du Voyeur de Michael Powell, implacable lorsqu’il décide envers et contre tous de marcher droit vers ses victimes comme un ancêtre du Terminator, Michael Ironside trouve ici l’un des rôles les plus marquants d’une carrière pourtant à peine entamée.

Un monstre désespérément humain

Les exactions de ce tueur psychopathe dans les couloirs d’un hôpital évoquent Halloween 2, si ce n’est qu’ici l’assassin ne porte aucun masque et finit par trahir une nature banalement humaine. Car lorsque Jean-Claude Lord décide enfin de montrer Colt Hawker frontalement, il lève également le voile sur son intimité. Peu à peu, nous découvrons son cadre professionnel, son voisinage, ses hobbies, son père, et les racines du traumatisme qui le firent définitivement basculer. Le scénario de Brian Taggert s’efforce d’ailleurs de briser régulièrement la routine du slasher pour révéler les failles de ses protagonistes : la vanité de la journaliste qui vérifie immédiatement l’état de son visage après son agression, l’infirmière bien sous tous rapports qui révèle une vie personnelle plus complexe qu’il n’y paraît… Quant à la mise en scène remarquable de Jean-Claude Lord, elle se hisse par moment au niveau des plus grands praticiens du suspense, Brian de Palma, John Carpenter et Alfred Hitchcock en tête. En cette période surchargée en slashers et en serial killers, Terreur à l’Hôpital Central se hisse donc largement au-dessus de la masse de ses contemporains et demeure l’une des plus grandes réussites du genre.

 

© Gilles Penso

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HARDWARE (1990)

Un premier long-métrage exemplaire qui confronte une jeune femme et un robot indestructible dans un oppressant huis-clos futuriste

HARDWARE

1990 – GB

Réalisé par Richard Stanley

Avec Stacey Travis, Dylan McDermott, John Lynch, William Hootkins, Mark Northover, Iggy Pop, Carl McCoy, Paul McKenzie

THEMA FUTUR I ROBOTS

Armé d’un budget modeste d’un million et demi de dollars, d’un sens artistique extrêmement développé et d’une détermination imparable, le réalisateur Richard Stanley s’est lancé à corps perdu dans Hardware, un premier long-métrage bourré d’énergie, d’idées visuelles et de morceaux d’anthologie. Certes, le scénario se résume en quelques lignes, les personnages sont caractérisés à gros traits et la double influence de Terminator et Blade Runner transpire dans de nombreuses séquences. Pourtant, Hardware revendique une singularité qui semble n’appartenir qu’à lui. Objet de culte auprès de nombreux amateurs de science-fiction, ce film marque aussi une rupture nette entre les années 80 et les années 90, empruntant à chaque décennie ses effets de style pour mieux les fusionner. En ce sens, sa valeur historique n’est pas négligeable.

Nous sommes sur la Terre du futur, ravagée par un cataclysme qui l’a muée en désert jonché de débris, derniers témoins d’une civilisation qui s’est progressivement effondrée. Les radiations nimbent les cieux d’envahissantes nuées écarlates, et les cités qui tiennent encore debout se hérissent d’immeubles high-tech où squattent tous les rebuts d’une société défunte. Chacun gagne sa vie comme il peut, et le troc va bon train. C’est ainsi que la carcasse rouillée d’un robot enfouie dans le sable d’une dune déserte est ramenée en ville par un nomade soucieux d’en tirer quelques billets de banque. Moses (Dylan McDermott, future star de la série The Practice), ancien soldat en retraite anticipée, rachète quelques pièces de la machine pour les offrir à sa petite amie Jill (Stacey Travis), qui occupe ses journées à sculpter des œuvres originales à grands coups de fer à souder. La jeune fille est ravie, mais le cadeau est empoisonné. Car ce robot en pièces détachées est un prototype de l’armée abandonné à cause de son manque de fiabilité. Il s’agit du Mark-13, une machine redoutable et autonome capable de se recharger sur n’importe quelle source d’énergie et de muer chacun de ses six membres préhensibles en arme polyvalente. Entre le monstre mécanique et la jeune femme désarmée, un duel redoutable se prépare…

Les robots ne meurent jamais…

Les ombres de James Cameron et de Ridley Scott s’estompent peu à peu grâce à la personnalité forte de Richard Stanley, à ses effets de montage surprenants hérités du clip musical, à la photographie rouge qui inonde chaque image, à une direction artistique dont le futurisme recyclé évoque parfois les univers de George Miller et Terry Gilliam, à une partition synthétique enivrante signée Simon Boswell. Il faut également saluer le remarquable travail de l’atelier d’effets spéciaux Image Animation dont les marionnettistes manipulèrent directement sur le plateau les mouvements complexes du Mark-13. La morphologie exacte de cet androïde s’appréhende difficilement, mais les ustensiles tranchants et perforants qu’il emploie à l’encontre de ses victimes humaines véhiculent un sentiment permanent d’anxiété, que couronnent parfois quelques morts sanglantes assez gratinées. Lors de son passage au mythique festival du film fantastique d’Avoriaz en 1991, Hardware remporta d’ailleurs le prix des meilleurs effets spéciaux.

 

© Gilles Penso

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PATRICK (1978)

Ce premier long-métrage du talentueux Richard Franklin s'inscrit dans une véritable âge d'or du cinéma fantastique australien

PATRICK

1978 – AUSTRALIE

Réalisé par Richard Franklin

Avec Susan Penhaligon, Robert Thompson, Robert Hekpmann, Rob Mullinar, Bruce Barry, Julia Blake, Helen Hemingway

THEMA POUVOIRS PARANORMAUX

Grand admirateur d’Alfred Hitchcock, qu’il eut l’occasion de côtoyer lorsqu’il était étudiant, Richard Franklin a participé à l’essor du cinéma fantastique australien en réalisant Patrick. Ce premier long-métrage sollicite d’ailleurs plusieurs artistes destinés à une prolifique carrière sur le continent océanien, notamment le scénariste Everett de Roche (Long Week End, Harlequin, Razorback) et le compositeur Brian May (Mad Max, Soif de Sang, Les Traqués de l’An 2000). Après sa séparation avec son mari, Kathy Jacquard (Susan Penhaligon, héroïne du Sixième Continent) accepte un travail d’infirmière dans une clinique privée. Elle est accueillie par la très sèche infirmière en chef Cassidy (Julia Blake) et par l’étrange patron de l’établissement, le docteur Roget (Robert Helpmann). D’emblée, Franklin plante une ambiance insolite. Ainsi, alors que Cassidy énumère à la postulante toutes les perversités sexuelles dont l’homme est capable, Roget s’affaire avec obsession sur les grenouilles qu’il collectionne pour pouvoir les soumettre à des expériences. La mission de Kathy consiste à s’occuper du mystérieux Patrick, un jeune homme dans le coma depuis trois ans, époque à laquelle il assassina sa mère et son amant. Kathy se lie d’affection pour son patient, qui semble n’être qu’un jouet pour Roget, pratiquant sur lui toutes sortes d’expérience pour essayer de comprendre quel est le lien ténu qui différencie la vie de la mort.

Bientôt, des phénomènes étranges sont constatés autour du jeune comateux : la fenêtre de la chambre s’ouvre toute seule, des objets semblent soudain animés, un docteur est happé par une force invisible dans une piscine… Patrick serait-il doté de pouvoirs paranormaux ? Le neurochirurgien Brian Wright (Bruce Barry), qui commence à flirter avec Kathy, développe la théorie suivante : « Un homme qui perd la vue compense en général en développant son ouïe ou le sens du toucher. Patrick, lui, a perdu tous ses sens. S’il en existait un sixième, il a eu trois ans pour le perfectionner. » Cette assertion se confirme lorsque Patrick, soucieux de communiquer avec Kathy, agit par psychokinésie sur une machine à écrire. La fascination que développe l’infirmière pour ce cas unique vire à la panique lorsque le jeune homme révèle son véritable caractère : possessif, jaloux et profondément psychopathe. Or rien ne semble l’arrêter, et l’étendue de ses pouvoirs paraît sans limite…

Le pouvoir de l'esprit

Chiche en effets choc, Patrick est surtout un film d’atmosphère, dont la mise en scène millimétrée est ouvertement sous influence hitchcockienne (les effets de violons ainsi que les plongées et les contre-plongées sur les lentes montées des marches sont directement hérités de Psychose). La galerie de personnages insolites que le scénario nous présente participe pour beaucoup au caractère atypique du métrage, et certaines séquences n’hésitent pas à pousser assez loin les motivations des personnages. Témoin ce passage surprenant où Kathy masturbe le comateux dans l’espoir de capter la moindre réaction. Malgré une chute un peu excessive, Patrick demeure une œuvre de grande qualité, récipiendaire en 1979 du Grand Prix du Festival du Film Fantastique d’Avoriaz.

 

© Gilles Penso

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NO ONE LIVES (2012)

Des gangsters minables en quête d'un coup fumant vont tomber sur un imprévu qui s'apprête à transformer leur vie en enfer

NO ONE LIVES

2012 – USA

Réalisé par Ryuhei Kitamura

Avec Luke Evans, Adelaide Clemens, America Olivo, Derek Magyar, Beau Krapp, Lee Tergesen

THEMA TUEURS

Une ribambelle de gangsters à la petite semaine recherche le coup qui pourra leur remplir les poches durablement. D’autant que leur dernière petite magouille (le cambriolage d’une baraque cossue) vient de tourner en eau de boudin, laissant quelques pauvres innocents sur le carreau. Dès lors, le tocard du groupe prend les choses en main et réussit un coup de maître en kidnappant un touriste et sa compagne, croisés dans un resto du coin. Alors qu’il vide la voiture de sa victime dans le but d’en revendre les pièces détachées, il constate qu’elle contient, dans le coffre, un faux fond derrière lequel se trouve une jeune femme. La proie va s’avérer être le plus terrible des prédateurs, un tueur sadique et invincible. Les vannes sont ouvertes, le bain de sang peut commencer…

A n’en point douter, ce qui aura séduit le japonais Ryuhei Kitamura dans ce projet est une nouvelle possibilité de modeler à sa façon une icône, en l’occurrence l’impitoyable « Driver » dont le patronyme évoque celui du « Hitcher » de Robert Harmon. Les deux œuvres partagent d’ailleurs une ambiance très poisseuse, un scénario rempli de rebondissements (pas toujours très heureux pour l’heure) et un impitoyable serial killer décimant, avec une étourdissante habileté, le moindre petit caillou traînant sur son itinéraire. Succédant à Tak Sakaguchi (l’ultime guerrier à la lame affûtée de Versus) et au monolithique Vinnie Jones plutôt adroit dans le maniement du maillet (The Midnight Meat Train), Luke Evans troque les frusques mythologiques d’Apollon et Zeus pour la dégaine d’un monstre assoiffé de sang, adepte des mises en scène macabres et particulièrement ingénieux dans l’utilisation d’un arsenal de fortune (un moteur, une paire de menottes suffisent à alimenter cette machine à tuer).

La chasse vire au carnage

Mais au moment où le raisiné s’écoule en flots et que le jeu de chasse vire au carnage, No one Lives révèle sa plus grosse faiblesse : un script qui, malgré une construction plutôt maligne dans son premier tiers, s’avère incapable de tailler une carrure à ses personnages secondaires (si ce n’est la belle Adelaïde Clemens), simples chairs à canon destinées au dézingage en règle de l’équarrisseur Evans. Dès lors, le show ne repose plus que sur les épaules du meurtrier qui, pour renforcer son sadisme, emprunte les tics du Mister Blonde de Reservoir Dogs, reprend à son compte une tactique d’Hannibal Lecter et affole les papilles des cinéphiles avec une scène de meurtre sous la douche lorgnant davantage vers le cinéma de Brian De Palma que vers celui de Alfred Hitchcock. No one lives se situe qualitativement bien en-deçà de l’adaptation de la nouvelle de Clive Barker, mais se révèle être un honnête direct-to-video généreux en débordements gore et plutôt habile dans l’édification d’une nouvelle machine à tuer. On regrettera cependant que certaines idées n’aient pas été menées à terme (les cicatrices que portent les préférées du tueur) ainsi qu’un humour noir assez pataud… 

 

© Damien Taymans 

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GRAVITY (2013)

Alfonso Cuaron plonge ses spectateurs en apesanteur pour une expérience unique qui n'a de véritable raison d'être que sur un grand écran… et en 3D

GRAVITY

2013 – USA

Réalisé par Alfonso Cuaron

Avec Sandra Bullock, George Clooney et les voix de Ed Harris, Eric Michels, Basher Savage

THEMA SPACE OPERA I CATASTROPHES

Gravity est un spectacle cinématographique à l’état brut, une expérience viscérale unique en son genre qui repousse les limites des avancées technologiques et du langage filmique pour saisir des instants d’émotion pure. Rarement cinéaste aura su capter avec autant de justesse le fossé insondable qui sépare la petitesse humaine de l’immensité cosmique. Et pour y parvenir sans détour, Alfonso Cuaron, épaulé dans l’écriture par son fils Jonás, a ramené le récit à sa plus simple expression. Pas de fioriture, pas de montage parallèle, pas d’intrigue secondaire. Le principal protagoniste du film est le seul point d’intérêt du spectateur, le vecteur unique du drame. Il s’agit du docteur Ryan Stone (Sandra Bullock), experte en ingénierie médicale effectuant sa première expédition à bord d’une navette spatiale en compagnie de l’astronaute chevronné Matt Kowalski (George Clooney). La sortie dans l’espace est routinière, malgré les appréhensions naturelles de notre scientifique en plein baptême de l’espace, mais Houston leur fait bientôt part d’une nouvelle inquiétante. En voulant détruire l’un de leurs satellites devenu obsolète, les Russes ont déclenché une réaction en chaîne véhiculant d’innombrables amas de débris au-dessus de l’atmosphère. Or cette myriade de projectiles métalliques file à grande vitesse en direction de la navette et la pulvérise corps et biens. Livrés à eux-mêmes en pleine apesanteur, Stone et Kowalski dérivent dans les ténèbres silencieuses, coupés soudain de tout contact avec la Terre…

Maintes fois imité depuis qu’il a éclaté au grand jour par l’entremise des Fils de l’homme et d’Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban, le « style Cuaron » se distingue par l’élaboration de longs plans-séquences incroyablement immersifs qui – loin du gimmick ou du simple exercice de style – suscitent chez les spectateurs un profond sentiment de projection et d’identification. Mais jamais le metteur en scène n’avait poussé l’exercice aussi loin, filmant l’apesanteur et le vertige comme personne n’avait su le faire avant lui. Le travail des effets visuels, exécuté par l’équipe de Framestore, est absolument prodigieux, combinant les comédiens à des environnements 100% numériques avec un réalisme inouï. La technique s’oublie pourtant bien vite, tant le sort du docteur Stone nous émeut.

Retour à l'état foetal

Empruntant ses thématiques au space opéra, au survival et au film catastrophe, Gravity n’en conserve pourtant pas les codes et tisse à travers cette odyssée éprouvante une parabole de la gestation et de l’accouchement. Figure à la fois maternelle et enfantine, Stone lutte pour ne pas briser le lien avec la Terre mère, affronte les fantômes de la tragédie passée qu’elle vécut en tant que parent, et se replie même en position fœtale au sein d’un des plus beaux plans du film. Le périple spatial se vit donc comme une quête de la matrice nourricière, Gravity se rapprochant en ce sens d’œuvres séminales telles que 2001 ou Alien. Trop longtemps cantonnée aux comédies romantiques insipides, l’héroïne de Demoliton Man et Speed se livre ici à une prestation d’une rare intensité, tandis qu’Alfonso Cuaron assoit une fois de plus son statut d’un des cinéastes les plus doués de sa génération.

 

© Gilles Penso

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PHANTASM (1979)

Un film étrange et inclassable qui mêle l'horreur et la science-fiction dans une atmosphère onirique troublante

PHANTASM

1979 – USA

Réalisé par Don Coscarelli 

Avec Michael Baldwin, Bill Thornbury, Reggie Bannister, Angus Scrimm, Kathy Lester, Terrie Kalbus, Ken Jones, Lynn Eastman

THEMA MORT I SAGA PHANTASM

C’est à peine âgé de 21 ans que Don Coscarelli réalisa ses deux premiers films, Kenny and Company et Jim The World’s Greatest. Deux ans plus tard, il s’attaquait à un film d’horreur atypique, Phantasm , dont il signa à la fois la mise en scène, le scénario, la production, la photographie et le montage. Insolite, chaotique et déroutant, Phantasm aurait été inspiré à Coscarelli par un cauchemar, ce qui explique probablement sa narration peu orthodoxe. Cela dit, le premier montage ayant atteint les trois heures de métrage, finalement ramenées à 90 minutes, il n’est pas impossible qu’une part de la cohérence du film ait été évacuée au moment de son raccourcissement.

Mais bizarrement, c’est sans doute ce manque de cohésion et de logique qui fait la force, l’originalité et le charme de Phantasm. Au cours du prologue, Tommy Pearson est poignardé par une jeune femme avec qui il s’ébattait en pleine nuit au milieu d’un cimetière. Lors de son enterrement, ses deux autres frères, Jody et Michael, sont témoins de choses étranges : des chuchotements dans le mausolée, des silhouettes encapuchonnées qui se cachent furtivement derrière les pierres tombales, un immense croque-mort qui porte le cercueil comme si c’était une plume… Obsédé par des rêves étranges et la sensation d’être suivi par des créatures effrayantes, le jeune Michael entre par effraction dans le mausolée pour en avoir le cœur net. Là, au cours de la scène la plus incroyable du film, une boule d’argent se met à voler dans les couloirs avant de se planter dans le front d’un homme et de lui perforer le cerveau en expulsant des litres de sang !

Sphère tueuse, nains maléfiques et croque-mort géant

Pris en chasse par le croque-mort géant, sobrement surnommé « Tall Man », Michael lui tranche la main avec un couteau. Du sang jaune en jaillit, les doigts bougent encore, et le jeune homme en récupère un pour le montrer à son frère aîné Jody. « Je ne comprends rien à tout ça » s’exclame ce dernier. A vrai dire il n’est pas le seul, d’autant qu’ensuite le doigt se transforme en mouche géante et les attaque ! Phantasm collecte ainsi les séquences surréalistes, jusqu’à ce que le fin mot de l’histoire ne nous soit enfin asséné : le croque-mort géant appartient à une autre dimension, et il transforme les cadavres en nains afin d’avoir des esclaves adaptés à la pesanteur qui règne dans son univers ! Le concept est absurde, et prêterait volontiers à rire si Coscarelli ne le traitait pas ouvertement sous l’angle onirique, faisant du même coup passer comme une lettre à la poste de telles énormités. D’autant que la chute nous laisse imaginer que tout ce que nous avons vu est effectivement né d’un rêve agité de Michael. La musique, la mise en scène et l’agencement du scénario de Phantasm évoquent beaucoup les films d’horreur italiens. Les atmosphères chères à Lucio Fulci viennent ainsi souvent à l’esprit, et le film aurait d’ailleurs tout aussi bien pu s’appeler La Maison près du cimetière. Wes Craven lui-même s’inspirera de plusieurs éléments de Phantasm pour Les Griffes de la nuit, notamment la négation de la peur comme échappatoire aux assauts du monstre et le gimmick final. Le succès inattendu de ce petit film d’horreur donnera naissance à plusieurs séquelles, toutes orchestrées par Coscarelli.

 

© Gilles Penso

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APPEL DANS LA NUIT (1993)

Une séquelle tardive de Terreur sur la ligne que le réalisateur Fred Walton conçoit pour le petit écran

WHEN A STRANGER CALLS BACK

1993 – USA

Réalisé par Fred Walton 

Avec Carol Kane, Charles Durning, Jill Schoelen, Gene Lythgow, Karen Elizabeth Austin, Babs Chula, John B. Destry, Duncan Fraser

THEMA TUEURS

Suite au succès du mémorable Terreur sur la ligne, le sous-estimé Fred Walton réalise pour la télévision une séquelle à son chef-d’œuvre, 14 ans plus tard. Les acteurs principaux, Carol Kane et Charles Durning, rempilent et reprennent leurs personnages avec ferveur. Comment ne pas tomber dans la redite ? Walton est malin, et s’il calque le déroulement de sa trame sur le premier opus, il y injecte des éléments surprenants. La scène d’ouverture, évidemment, est attendue au tournant, la précédente étant rentrée dans l’Histoire. Celle-ci se hisse au niveau, sans la surpasser, mais provoquant un malaise durable et une peur effective. La jeune Jill Schoelen (habituée du genre, avec notamment Popcorn et l’excellent Le Beau-Père) joue la baby-sitter qui se retrouve menacée par un fou dangereux. Ce coup-ci, le téléphone est coupé, et la voix du maniaque sans visage passe directement à travers la porte d’entrée. Une idée très italienne, évoquant Les Frissons de l’angoisse de Dario Argento.

 Tout réside dans l’originalité du méchant, qui jouit de particularités très spéciales (qu’on ne déflorera pas, mais dont le côté tiré par les cheveux rappelle encore une fois les bisseries transalpines chères aux cœurs des aficionados). Ce dernier semble omniprésent et doué d’ubiquité, serait-il secondé par un comparse ? Mystère. Rappelons que nous sommes en 1993 et que Scream n’est pas encore sorti… La suite du film singe donc son prédécesseur, la baby-sitter se retrouvant à nouveau traquée, mais cette fois la menace est sourde, pas d’appels inquiétants (ici le téléphone sert à rassurer) mais plutôt une présence invisible qui déplace des objets, ouvre des fenêtres et sait se draper dans les ténèbres… 

Un dénouement angoissant à souhait

La personnalité déviante du criminel est mise en avant à travers une référence indirecte à un épisode culte de la Quatrième dimension, et la séquence de l’hôpital où le fou observe et tente de faire réagir le corps de sa victime dans le coma met carrément mal à l’aise, avec un clin d’œil à HalloweenA la lisière du fantastique, Walton lance plusieurs pistes au spectateur, et suggère même que la jeune héroïne hallucinerait tout ceci, jusqu’au dénouement, angoissant à souhait. Intelligemment écrit, prenant malgré sa facture télévisuelle, Appel dans la nuit a tout de la suite séduisante qui, même si elle est en deçà de son modèle, demeure très efficace et remplit le contrat de la peur, ce qui est assez rare pour être souligné dans une époque où les frissons au rabais se procurent à grands coups de sursauts malhonnêtes.

 

© Julien Cassarino

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TERREUR SUR LA LIGNE (1979)

Un slasher hors-norme qui commence comme une terrifiante légende urbaine avant de basculer vers le drame clinique

WHEN A STRANGER CALL

1979 – USA

Réalisé par Fred Walton

Avec Carol Kane, Charles Durning, Tony Beckley, Rutanya Alda, Carmen Argenziano, Kirsten Larkin, William Boyett, Ron O’Neal

THEMA TUEURS

« Êtes-vous allée voir les enfants ? »… Les fameux enfants dorment à l’étage, et un maniaque ne cesse de harceler au téléphone la baby-sitter apeurée. Elle a prévenu la police, mais l’issue risque d’être tragique… Impossible d’oublier cette introduction culte de 20 mn, se basant sur une légende urbaine bien connue outre-Atlantique, qui a largement inspiré celle de Scream (et rappelait vaguement à l’époque un autre monument de trouille, Black Christmas). La peur, la vraie, celle qui va au-delà de toute logique et ne se base que sur le ressenti, celle qui glace le sang, Fred Walton (Week-end de terreur, fine satire du slasher) la maîtrise parfaitement. Cette ouverture est un modèle d’écriture, de découpage et de suggestion, qui monte crescendo jusqu’à un plan paralysant. Cut. On ne verra pas le visage du psychopathe. On entendra tout juste sa voix, révélatrice d’une folie incontrôlable, sur des bandes à l’hôpital psychiatrique. Les années ont passé, et le cauchemar semble vouloir recommencer, notre baby-sitter subissant à nouveau des appels terrifiants…

On a beaucoup reproché au film sa construction, le réduisant à sa première séquence (au départ un court-métrage, The Sitter, gonflé en long par un Walton opportuniste suite au succès d’Halloween un an auparavant). Passé ce début traumatisant, comment proposer une suite au niveau sans que cela paraisse artificiel ? Le réalisateur choisit de transformer le thriller en enquête policière, introduisant le personnage du privé tenace incarné par l’immense Charles Durning. Ce dernier veut tout simplement retrouver le tueur pour… l’assassiner. Ce tueur, nous le découvrons avec surprise assez rapidement, amené de façon tellement banale que l’on se demande un moment si c’est bien lui. Pas de whodunit à révélation finale donc, mais une véritable étude de caractère : c’est un pauvre type qui traîne dans les bars la nuit, se fait rejeter par les femmes et se prend des raclées, rongé par ses névroses. 

Les errances pathétiques d'un psychopathe

Tony Beckley prête son physique inquiétant et frêle au personnage (en phase terminale pendant le tournage, il ne verra pas le film fini). Le fait de le suivre dans ses errances pathétiques l’humanise et empreint le film d’une étrange tristesse. Cependant lorsque ses terribles actes passés nous explosent au visage en de brefs flashbacks, et que nous pénétrons plus profond dans sa démence, la peur nous étreint à nouveau, nous rappelant que la bête est là, tapie dans l’ombre, et prête à frapper. Ce réalisme cru fait froid dans le dos, et l’on se prend à repenser à des profils similaires croisés dans la vie de tous les jours… Walton ne s’embourbe pas pour autant dans une simple traque, et remet face à face l’héroïne et son bourreau dans un final mémorable. Modifiant subtilement la séquence introductive et bouclant ainsi la boucle, il laisse libre court à son intelligence de la mise en scène et joue avec nos nerfs jusqu’au bout. Le stratagème utilisé par le dément pour piéger sa proie procure un sursaut mille fois plus puissant que n’importe quel jump scare des années 2000. Important pour laisser une trace indélébile, l’ultime image du film, soulignée par le score ultra stressant de Dana Kaproff, imprime le visage du Mal dans nos rétines. Walton tournera en 1993 une suite réussie pour la télévision, Appel dans la nuit (When a stranger calls back), et un remake inoffensif verra le jour en 2006. Quand le téléphone sonnera, la nuit, et que vous serez seul chez vous, oserez-vous aller voir les enfants ?

 

© Julien Cassarino

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LA MOMIE SANGLANTE (1972)

Une variante originale sur le mythe de la momie, tirée d'un roman de Bram Stoker, qui offre un double rôle envoûtant à Valérie Léon

BLOOD FROM THE MUMMY’S TOMB

1972 – GB

Réalisé par Seth Holt et Michael Carreras

Avec Andrew Keir, Valerie Leon, James Villiers, Hugh Burden, George Coulouris, Mark Edwards, Rosalie Crutchley

THEMA MOMIES

Dans cette adaptation du « Joyau des Sept Etoiles », un roman écrit par Bram Stoker en 1903 (soit six ans après « Dracula »), la sublime Valerie Leon incarne Margaret, une jeune femme hantée par un cauchemar récurrent. Toutes les nuits, elle s’imagine en reine égyptienne, le corps fort peu vêtu allongé dans un sarcophage. Affairés autour d’elle, des prêtres pratiquent alors un étrange rituel, versant du sang dans sa narine puis lui tranchant la main pour la jeter en pâture aux chacals à l’extérieur du temple. Mais la main, animée d’une vie propre, égorge les charognards et les prêtres, puis s’éloigne en rampant sinistrement sur le sable. Immanquablement, Margaret s’éveille de chacun de ces rêves étranges en hurlant. Pour son anniversaire, son père archéologue (Andrew Keir) lui offre un magnifique rubis ramené d’une de ses expéditions, dans lequel brillent sept joyaux. Fasciné par ce bijou antique, le petit ami de Margaret (Mark Edwards), qui se nomme rien moins que Tod Browning (!), décide de le montrer à son ami égyptologue Geoffrey (Hugh Burden). La réaction de ce dernier est pour le moins imprévisible : une violente crise de tétanie le frappe soudain et il s’écroule.

Alors que le mystère s’épaissit, un flash-back éclaircit quelque peu la situation. On y découvre l’expédition de Julian Fuchs, le père de Margaret, composée notamment de Geoffrey mais aussi du taciturne Corbeck (James Villiers). A leur grande surprise, nos archéologues mettent à jour le corps intact d’une belle reine égyptienne, dont le poignet tranché saigne encore. Sur la main qui gît non loin, Fuchs voit la fameuse bague dont les hiéroglyphes portent le nom de la défunte : Tera. Au même moment, la femme de l’archéologue donne naissance à Margaret et meurt pendant l’accouchement. Lorsque nous revenons au présent, c’est pour apprendre que Fuchs garde dans sa cave et à l’insu de tous le corps parfaitement conservé de la reine Tera. Or une nuit, on le retrouve en état de choc, la gorge ensanglantée. Alors que Margaret commence à être possédée par l’esprit de Tera, Corbeck lui fait part de son projet : ressusciter la reine antique en lisant un parchemin sacré et en réunissant les trois reliques que chaque membre de l’expédition a conservé chez lui : un cobra naturalisé, un crâne de chacal et une statue de la déesse-chat Bastet…

Une trop rare "Hammer Girl"

Véritable déclaration d’amour à la beauté de Valerie Léon, sertie dans des nuisettes noires ou de courts atours antiques lui seyant à merveille, Blood From the Mummy’s Tomb nous fait regretter que cette séduisante « Hammer Girl » se soit montré si peu présente sur les écrans par la suite. Car le double rôle qu’elle incarne ici avec beaucoup de conviction laissait espérer une carrière autrement plus prometteuse. Si le scénario détourne les clichés habituels des films de momies, la dernière image paie tout de même son tribut au genre, puisque la survivante du drame (Tera ou Margaret ?) nous regarde droit dans les yeux, allongée sur un lit d’hôpital, et le corps couvert de bandages. Le réalisateur Seth Holt ayant rendu l’âme en cours de tournage, c’est le producteur Michael Carreras qui fut contraint d’achever le film à sa place, ce qui explique leur double crédit au poste de la mise en scène.

 

© Gilles Penso

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L’IMPASSE AUX VIOLENCES (1960)

Un remarquable film d'épouvante britannique offrant des rôles inoubliables - et détestables ! - à Peter Cushing et Donald Pleasence

THE FLESH AND THE FIENDS

1960 – GB

Réalisé par John Gilling

Avec Peter Cushing, June Laverick, Donald Pleasence, George Rose, Renée Houston, Billie Whitelaw

THEMA MEDECINE EN FOLIE I TUEURS

En 1827, la chronique d’Edimbourg fut défrayée par l’arrestation de William Burke et William Hare, deux assassins qui approvisionnèrent d’une douzaine de cadavres un chirurgien renommé de l’époque, le docteur Knox. Robert Louis Stevenson en tira une nouvelle en 1884 et de nombreux films s’inspirèrent de ce fait divers sordide, mais L’Impasse aux Violences est probablement le plus marquant d’entre eux. La mise en scène raffinée et le scénario brillant de John Gilling y sont pour beaucoup, tout comme l’interprétation inoubliable de Peter Cushing et Donald Pleasence. Le premier, dans l’une de ses meilleures prestations – ce qui n’est pas peur dire ! – incarne un docteur Knox hautain, odieux avec ses détracteurs, sec comme un coup de trique et très proche du cynisme du Victor Frankenstein qu’il interpréta parallèlement pour la Hammer. Le second s’avère extraordinaire dans le rôle de Hare, un horrible individu ne s’embarrassant guère du moindre état d’âme et dégoulinant de duplicité. Toujours en quête de corps pour ses cours d’anatomie, Knox est très peu regardant sur l’origine de ceux qu’on lui livre régulièrement, même si la plupart d’entre eux sont tout bonnement déterrés dans le cimetière voisin par des fournisseurs sans scrupule.

Voyant là l’occasion rêvée d’arrondir leurs fins de mois, Hare et son complice Burke (George Rose) décident de recourir au meurtre pour proposer à Knox des cadavres d’une fraîcheur imbattable. Le médecin n’est pas dupe, mais à ses yeux la vie d’une prostituée ou d’un vagabond vaut moins que le moindre progrès en chirurgie. « L’individu ne compte pas » n’hésite-t-il pas à déclarer sans retenue. Parallèlement aux exactions de Burke et Hare, filmées avec une violence assez crue pour l’époque, le scénario s’intéresse à deux romances directement liées à l’intrigue principale : celle du docteur Mitchell (Dermot Walsh) avec la nièce de Knox (June Laverick), et celle de l’étudiant Chris Jackson (John Cairney) avec la prostituée Mary Patterson (Billie Whitelaw). Si ces seconds rôles sont tenus par des comédiens moins connus du public, leur performance n’en demeure pas moins remarquable.

Un classique du genre

Serti dans un magnifique cinémascope noir et blanc, bénéficiant d’une reconstitution assez luxueuse de l’Angleterre du 19ème siècle et paré d’excellents dialogues, L’Impasse aux Violences a tous les atours d’un classique du genre. L’apport créatif des producteurs Robert S. Baker et Monty Berman, réalisateurs par ailleurs du fameux Jack l’Eventreur de 1959, y est sans doute pour beaucoup. Gilling lui-même aura du mal a retrouver un tel niveau qualitatif, malgré les œuvres honorables qu’il signera plus tard pour le studio Hammer (La Femme Reptile, L’Invasion des Morts-Vivants, Dans les Griffes de la Momie). Certes, après un climax empruntant volontiers les sentiers battus – les villageois en colère s’arment de torches pour rendre justice eux-mêmes – le film s’achemine vers un final artificiellement moralisateur. Mais en dépit de ce dénouement un peu faible, L’Impasse aux Violences demeure magistral et marque une de ces conjonctions de talents dont est friand tout cinéphile qui se respecte.

 

© Gilles Penso

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