THE RETURN OF CAPTAIN INVINCIBLE (1983)

Une parodie de super-héros doublée d'une comédie musicale avec Christopher Lee dans le rôle du super-vilain

THE RETURN OF CAPTAIN INVINCIBLE

1983 – AUSTRALIE

Réalisé par Philip Mora

Avec Alan Arkin, Christopher Lee, Kate Fitzpatrick, Bill Hunter, Michael Pate, David Argue, John Bluthal, Chelsea Brown 

THEMA SUPER-HEROS

Sombré dans l’oubli le plus complet, The Return of Captain Invincible est pourtant une parodie audacieuse de l’univers des super-héros, portée à bout de bras par le cinéaste australien Philippe Mora. Le film s’amorce sous forme d’un pastiche désopilant de vieux films d’actualité. Dans les années 30, l’héroïque Captain Invincible Alan Arkin) lutte contre les gangsters en pleine ambiance de Prohibition. Pendant la deuxième guerre mondiale, nous le retrouvons aux prises avec les nazis. Dans les années 50, il n’a toujours pas pris une ride et devient désormais l’idole des boy scouts. Mais l’atmosphère change peu à peu et le voilà accusé de communisme. Sur le banc des accusés, il est en proie aux pires accusations. On trouve la couleur rouge de sa cape suspecte, tout comme son titre de capitaine, alors qu’il n’a pas servi sous le drapeau. On lui reproche aussi de porter des sous-vêtements en public ! Il se retire alors au fin fond de l’Australie et sombre dans l’alcool. Pendant ce temps, le sinistre Mister Midnight règne sur la pègre. Et c’est l’immense Christopher Lee, toujours fringuant et séduisant même après avoir passé le cap de la soixantaine, qui incarne ce sinistre vilain. Midnight menace le monde avec un redoutable rayon hypnotique qui rend les gens hilares. Captain Invincible va donc devoir reprendre du service, ce qui ne semble pas gagné d’avance…

Non content de reprendre sous un jour comique les codes du film de super-héros, The Return of Captain Invincible est une comédie musicale, ponctuée de dix chansons aux styles variés (gospel, country, soul, pop), ce qui ravit Christopher Lee au plus au point. Ténor à la voix profonde, le Dracula de la Hammer a rarement eu l’occasion de démontrer ses talents vocaux au cinéma. A ce titre, le film de Philip Mora représente pour lui une aubaine, les auteurs Hartley et O’Brien (qui écrivirent les chansons du « Rocky Horror Show ») composant spécialement à son attention un numéro musical grandiloquent. Secondé par un nain déguisé en petit chaperon rouge, une espèce d’homme-chèvre aux oreilles pointues, des animaux qui s’entre-dévorent et un bataillon de filles sexy, Midnight est un vilain pour le moins atypique.

Un Superman d'opérette

Mais Captain Invincible lui-même n’a rien du héros traditionnel. Ses origines, racontées en flash-back, valent leur pesant d’or : ses parents ont en effet été irradiés par le rayon magnétique d’une soucoupe volante pendant qu’ils le concevaient ! Vêtu comme un Superman d’opérette, avec un collant brillant et une cape retenue par des épaulettes en forme de serres de rapaces, il doit réapprendre à voler en se suspendant devant un écran de projection. Ce gag étrange procède de la mise en abyme pure, puisque le procédé technique utilisé pour faire voler le super-héros dans le film (la rétro-projection, donc), est mis en scène comme ressort comique. D’autres morceaux de bravoure improbables ponctuent The Return of Captain Invincible, comme une attaque d’aspirateurs filmée comme la scène des serpents des Aventuriers de l’Arche Perdue, un fax de la police qui émet les mêmes bruits que le jeu Pac Man ou les frasques du président des Etats-Unis incarné par le volubile Michael Pate. Voilà donc une curiosité très recommandable. 

 

© Gilles Penso

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CONDORMAN (1981)

Un film de justicier masqué joyeusement délirant produit à une époque où les super-héros n'étaient pas encore le fond de commerce du studio Disney

CONDORMAN

1981 – USA

Réalisé par Charles Jarrott

Avec Michael Crawford, Oliver Reed, Barbara Carrera, James Hampton, Jean-Pierre Kalfon, Dana Elcar, Vernon Dobtcheff

THEMA SUPER-HEROS I ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION

Probablement sensibilisés par le succès planétaire de Superman et Moonraker les studios Disney décidèrent de concocter au début des années 80 un divertissement tout public parodiant à la fois la série des James Bond et les films de super-héros. Ils s’appuyèrent à cet effet sur le roman « The Game of X » de Robert Sheckley. Incarné par Michael Crawford, Woody Wilkins est un créateur de bande dessinée tellement perfectionniste qu’il a besoin de tester à échelle réelle tout ce qu’il dessine pour s’assurer que ça fonctionne réellement. Ainsi, lorsqu’il imagine un agent secret nommé « Condorman », revêtu d’un costume de rapace et d’ailes mécaniques à la Leonard de Vinci, menant une mission secrète en plein Paris, il n’y va pas par quatre chemins : il s’affuble d’un costume identique et se jette du haut de la Tour Eiffel ! Fonctionnaire au service de la CIA, son meilleur ami Harry lui demande un jour de lui rendre un service : se rendre à Istanbul pour remettre un dossier à un agent Russe. Or l’agent en question est la très séduisante Natalia (Barbara Carrera, imitant la Barbara Bach de L’Espion qui m’aimait deux ans avant qu’elle ne rencontre elle-même James Bond dans Jamais plus jamais) dont il s’éprend bien vite. Lorsque cette dernière réclame ses services pour passer à l’Ouest, le gouvernement américain accepte de financer la mission, mettant à disposition de Woody toute une série de gadgets ainsi qu’une panoplie de Condorman flambant neuve…

Le plus gros regret que l’on puisse formuler à l’égard de Condorman est la médiocrité de son scénario. Au lieu de bâtir un pastiche savoureux dans lequel un héros ordinaire est pris par erreur pour un espion de haut niveau (c’était le sujet du roman de Shekley), le scénariste Mickey Rose et le réalisateur Charles Jarrot ne savent visiblement pas trop quoi faire du sujet qu’ils ont entre les mains et le traitent de ce fait par-dessus la jambe. Le simple auteur de BD se mue donc sans aucune difficulté en super-héros invincible, sa romance avec la belle Natalia n’est qu’un amoncellement de clichés puérils, et le grand méchant Krokov est incarné sans beaucoup de conviction par un Oliver Reed peu concerné par son personnage. Quant à l’humour, il est généralement maladroit, voire embarrassant, comme en témoigne la scène de la bagarre dans l’église.

Maladroit mais attachant

Nanti d’un budget conséquent et tourné aux quatre coins du monde (Etats-Unis, Yougoslavie, France, Monte-Carlo, Italie), Condorman restera donc principalement mémorable pour quelques scènes d’action dignes de la saga 007 (la poursuite entre cinq voitures de sport noire et une « condormobile » bourrée d’armes offensives et défensives, la bataille navale finale à coups de lance-roquettes et de rayons laser), un costume de super-héros délicieusement kitsch, un « main theme » alerte composé par Henry Mancini et un redoutable tueur à l’œil d’argent nommé Morovich et campé avec beaucoup de présence par ce bon vieux Jean-Pierre Kalfon. La fin du film est ouverte, mais aucune suite ne vit le jour, étant donné l’accueil tiède reçu à l’époque.

© Gilles Penso

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SUPERSONIC MAN (1979)

Un film de super-héros calamiteux aux effets spéciaux navrants, réalisé pourtant par un amoureux invétéré du Fantastique

SUPERSONIC MAN

1979 – ESPAGNE

Réalisé par Juan Piquer Simon

Avec Antonio Cantafora, Cameron Mitchell, Richard Yesteran, Diana Polakov, José Maria Caffarel, Frank Braña 

THEMA SUPER-HEROS I SPACE OPERA I EXTRA-TERRESTRES I ROBOTS

Juan Piquer Simon était un sympathique artisan ibérique spécialisé dans la réadaptation à petit budget des grands succès américains. Une sorte de Roger Corman madrilène, en quelque sorte. Réalisateur, scénariste, producteur et créateur d’effets spéciaux, il s’adaptait à toutes les modes, avec une forte prédilection pour le genre fantastique. Lorsque le King Kong de Dino de Laurentiis remettait au goût du jour l’exotisme préhistorique et les gorilles géants, il signait Le Continent fantastique. A l’époque où les slashers inondaient les écrans, il commettait Le Sadique à la tronçonneuse. Quand Abyss attirait tous les regards vers l’océan, il se lançait dans L’Abîme. Or la fin des années 70 était marquée par le double succès de La Guerre des étoiles et Superman. Peu farouche, Piquer Simon osait donc un film de super-héros mâtiné de space-opera : le bien nommé Supersonic Man.

Les premières images donnent le ton. Sur fond d’espace, un immense vaisseau spatial entre dans le champ, à la manière d’un destroyer de l’Empire Galactique. La maquette est plutôt jolie et laisse planer quelques espoirs, lesquels s’envolent dès les secondes suivantes. Car dans le vaisseau git un homme trapu tout juste vêtu d’un slip et d’une cagoule bleue à paillettes. Serait-ce un catcheur mexicain échoué dans le cosmos ? Que nenni ! Il s’agit de Kronos, l’homme supersonique, surgi de sa lointaine galaxie pour courir à l’appel des gens de sa planète. Sa mission consiste à aider la Terre contre les dangers qui la menacent. Aussitôt, son costume improbable se complète (un collant rouge vif, une cape et une paire de bottes) et le voilà qui s’élance dans l’immensité stellaire. Et là, petits et grands, jeunes et vieux, tous les spectateurs communient dans la même hilarité. Comment retenir ses zygomatiques face à cette silhouette tremblotante au sourire crispé et à la cape agitée par un ventilateur hors-champ, affreusement incrustée devant un vague panorama censé représenter l’espace ?

Le robot cracheur de feu du maléfique Gulk

Sur Terre, l’athlétique Supersonic (incarné par le bodybuilder Richard Yesteran) se fait passer pour un humain prénommé Paul (et c’est alors Antonio Cantafora qui l’interprète). Jonglant entre ces deux identités, il affronte le vilain docteur Gulk (Cameron Mitchell), qui utilise un immense robot cracheur de feu afin d’enlever la fille d’un scientifique et piller une usine, prélude à ses plans machiavéliques de domination du monde. Parmi ses mémorables exploits, l’homme supersonique sauve une jeune automobiliste en soulevant à bout de bras un rouleau compresseur (autrement dit un accessoire en contreplaqué délicieusement grotesque) et transforme les pistolets de ses agresseurs en bananes. Aussitôt, les méchants déjoués s’enfuient en montant chacun sur le dos de l’autre. Entre ses accès d’humour éléphantesque, ses effets spéciaux aberrants, son super-vilain généreux en éclats de rire grimaçants et son scénario joyeusement infantile, Supersonic Man place la barre assez haut et s’érige sans mal comme l’un des pires produits d’un Juan Piquer pourtant prolixe en vingt années d’activité intense.

© Gilles Penso

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PUPPET MASTER (1989)

Le marionnettiste André Toulon a trouvé le secret pour donner vie à ses poupées et les transformer en instruments de vengeance

PUPPET MASTER

1989 – USA

Réalisé par David Schmoeller

Avec Paul Le Mat, Williiam Hickey, Irene Miracle, Jimmie F. Skaggs, Robin Frates, Matt Roe, Kathryn O’Reilly 

THEMA JOUETS I SAGA PUPPET MASTER CHARLES BAND

En octobre 1988, Charles Band est obligé de renoncer à son ambitieuse compagnie Empire (à qui nous devons Re-Animator, From Beyond, Dolls et tant d’autres joyeusetés filmiques) qui, faute de rendement, dépose le bilan. Mais il en faut plus pour démonter un entrepreneur de cette trempe. En quelques mois à peine, il met sur pied une autre société, Full Moon Entertainement, et lance le premier opus de la plus prolifique de toutes ses franchises : Puppet Master. Fort impressionné par « La Poupée de la Terreur », le fameux segment du film à sketches Trilogy of Terror dans lequel une poupée vaudou attaque Karen Black (qui inspirait déjà partiellement Dolls), Band et son réalisateur David Schmoeller (maîtres d’œuvre de l’excellent Tourist Trap) se lancent ainsi dans ce Puppet Master au scénario confus qui s’écrit au fur et à mesure du tournage et qui mêle des médiums déjantés à un fou dangereux, maître des poupées et mort-vivant de surcroît. Rédigé officiellement par Kenneth J. Hall (puis révisé par David Schmoeller, Courtney Joyner et J.S. Cardone), le récit se déroule dans un hôtel désert situé en bord de mer, où les médiums en question se réunissent pour trouver le secret d’un certain André Toulon (William Hickey). Celui-ci, traqué par la gestapo, s’est suicidé cinquante ans plus tôt. Avant de se donner la mort, il a caché dans un mur une valise contenant cinq marionnettes redoutables qu’il a dotées de vie grâce à un secret acquis lors d’un voyage en Egypte. Celles-ci se libèrent bientôt et le carnage commence.

Malgré un casting de visages familiers comme William Hickey (L’Honneur des Prizzi), Paul Le Mat (American Graffiti) ou Irene Miracle (Inferno), le seul véritable intérêt de Puppet Master réside dans ses stars miniatures. Imaginées par Charles Band, conçues par Dennis Gordon et animées image par image ou mécaniquement par le talentueux David Allen, les poupées constituent des trouvailles très curieuses et sacrément originales. Il y a Blade, un tueur avec un couteau et un crochet en guise de bras (dont le physique s’inspire largement de Klaus Kinski, que Schmoeller dirigea tant bien que mal dans Fou à tuer), Pin Head, un colosse affublé d’une tête minuscule en pain de sucre, Mrs Leech, une espèce de poupée Barbie sensuelle qui crache de redoutables sangsues, Tunneler, un pantin dont le crâne se termine par une vrille perforatrice, et Jester, une poupée à la tête scindée en trois portions rotatives…

La grande récré

La dizaine de plans d’animation du film ne concerne en fait que certaines actions précises de Pin Head et Tunneler, notamment lorsque ceux-ci foncent vers la caméra ou effectuent des mouvements rapides en plan large. Pour le reste, c’est la mécanique qui est mise à contribution. Ce choix économique est un peu frustrant, car l’animation permet de tirer des poupées un maximum d’expressivité malgré leurs traits figés. « Nous n’avons pas du tout utilisé de fond bleu, parce que c’est une technique assez coûteuse », explique David Allen. « Ainsi, toutes les marionnettes à baguettes ont été filmées en direct sur le plateau, en prenant soin de dissimuler dans le décor les manipulateurs, les câbles et les tiges. » (1) Chaque apparition des poupées, petites perles d’inventivité, est une pure réjouissance, malgré le planning très serré et le budget très restreint (100 000 dollars) mis à disposition d’Allen. Mais le reste, et en particulier les comédiens en chair et en os, arrache aux spectateurs plus de soupirs que de frissons. Après un prologue très prometteur, situé pendant la seconde guerre mondiale, le film s’embourbe en effet dans la confusion la plus totale. A part une poignée d’idées surprenantes, comme les rêves prémonitoires du personnage principal – dans lesquels le méchant ressemble à un sosie grimaçant du Joker – ou les visions du passé d’une médium nymphomane, l’histoire se suit avec ennui et le carnage final, bien qu’il soit assez gratiné, laisse un peu froid. David Schmoeller lui-même avouera ne jamais avoir été convaincu par ce scénario embarrassant, même après avoir tenté de l’améliorer lui-même. Malgré ses défauts, Puppet Master remportera un grand succès sur le marché vidéo et lancera la franchise la plus prolifique jamais conçue par Charles Band.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en avril 1998

 

© Gilles Penso 

 

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X-MEN : L’AFFRONTEMENT FINAL (2006)

Naturellement moins subtil que Bryan Singer, Brett Ratner s'efforce de clore la première trilogie X-Men en dotant cet ultime combat d'une dimension épique

X-MEN : THE LAST STAND

2006 – USA

Réalisé par Brett Ratner

Avec Hugh Jackman, Patrick Stewart, Ian McKellen, Famke Janssen, Halle Berry, Rebecca Romijn, Anna Paquin, Ben Foster 

THEMA SUPER-HEROS I MUTATIONS I SAGA X-MEN I MARVEL

Le succès de l’adaptation cinématographique des X-Men est à mettre en grande partie au compte de l’auteur-réalisateur Bryan Singer. Aussi, lorsque ce dernier annonça qu’il ne participerait pas au troisième opus afin de mettre en boîte Superman Returns, l’inquiétude gagna les fans. Et elle ne fit que s’accroître lorsque fut communiqué le nom de son successeur : Brett Ratner, réalisateur des forts dispensables Rush Hour 1 et 2 et du moyennement convaincant Dragon Rouge. Pourtant, force est de constater que le cinéaste s’est plié sans sourciller au style de son prédécesseur, servant de son mieux un scénario très ambitieux signé Simon Kinberg (Mr & Mrs Smith) et Zak Penn (Elektra). Cette fois-ci, tous les mutants sont face à une situation tout à fait inédite : l’invention par le gouvernement d’un « traitement » capable par simple injection de les transformer en humains ordinaires. Cette nouvelle suscite les réactions les plus extrêmes. Certains mutants voient là la chance inespérée d’échapper à leur statut « anormal » et d’entrer dans le rang. D’autres manifestent violemment leur mécontentement en réclamant le droit à la différence. Quant à Charles Xavier et Magneto, ils opposent une fois de plus leurs points de vue, prélude au conflit le plus décisif qu’aient jamais vécu les mutants.

L’une des premières gageures du script est de conserver la majorité des personnages des deux premiers volets tout en nous familiarisant avec une demi-douzaine de nouveaux mutants aux pouvoirs pour le moins spectaculaires : le Fauve, homme-animal réfrénant sa féroce bestialité sous le costume d’un aimable diplomate, Angel, le magnifique homme-oiseau qui porte ses ailes nacrées comme une croix, le Fléau, bousculant tout sur son passage à la manière d’une locomotive lancée à vive allure, Psylocke, capable à la fois de se téléporter en une fraction de secondes mais aussi de déceler les pouvoir de tous les mutants l’approchant, ou encore Multiple Man, doué d’une ubiquité illimitée. Sans compter Jean Grey, qui revient d’entre les morts sous forme d’une redoutable Phœnix dont les pouvoirs incontrôlables et la personnalité changeante seront l’un des enjeux de cet épisode.

Le choc des titans

Le film multiplie les séquences mémorables, des voitures froissées à distance comme des cannettes par Magneto au combat apocalyptique dans la maison de Jean Grey en passant par la lutte virtuelle de nos héros contre les légendaires Sentinelles, ces robots gigantesques qui figurent parmi les ennemis les plus marquants du comics original. Mais ce troisième X-Men vaut surtout le détour pour son monstrueux combat final, au cours duquel des centaines d’humains et de mutants se lancent dans une échauffourée proprement titanesque. On comprend mieux, au vu de la scène en question, pourquoi le générique compte deux fois plus de cascadeurs que de comédiens, et comment ont été engouffrés les quelque 160 millions de dollars du budget. Point culminant d’une saga inégale, ce climax cataclysmique nous fait passer l’éponge sur un scénario déséquilibré qui souffre de régulières pertes de rythme et peine à réserver un traitement intéressant à son trop plein de protagonistes.

© Gilles Penso

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X-MEN 2 (2003)

Bryan Singer signe lui-même la suite du premier X-Men en renforçant à travers sa vision des mutants la métaphore du racisme et de la xénophobie

X-MEN 2

2003 – USA

Réalisé par Bryan Singer

Avec Patrick Stewart, Hugh Jackman, Ian McKellen, Halle Berry, Famke Janssen, Rebecca Stamos, Alan Cumming, Brian Cox 

THEMA SUPER-HEROS I MUTATIONS I SAGA X-MEN I MARVEL

Rebaptisé X2 pour sacrifier à la mode des titres alphanumériques, façon MIB et MI2, ce second volet des aventures des X-Men démarre sur une séquence d’action étonnante. Kurt Wagner alias Diablo, un mutant bleu capable de se téléporter, y attaque le président des Etats-Unis au nez et à la barbe de ses gardes du corps. Le scénario prend ensuite une tournure des plus intéressantes : l’infâme Magneto et son âme damnée Mystique sont obligés de s’allier au professeur Xavier et à ses X-Men pour empêcher l’éradication de tous les mutants de la planète orchestrée par un colonel fasciste et psychopathe. Outre la présence de nouveaux mutants issus du comic-book original, comme Iceberg, Pyro, Colossus – qui ne fait ici que de la figuration – et l’extraordinaire Diablo, cette séquelle nous offre quelques morceaux d’anthologie très spectaculaires, comme l’affrontement de Wolverine avec son alter-ego féminin, la fureur de Pyro qui s’en prend à une escouade de policiers (visiblement très inspirée par l’une des scènes clef de Firestarter de Mark Lester), ou le sacrifice de Jean Grey, qui ressurgira dans X-Men 3 réincarnée en Phénix. La source d’inspiration principale de ce second opus semble être l’album « X-Men : God Loves, Man Kills », écrit en 1982 par Chris Claremont.

Très confiants, Bryan Singer et son producteur Tom DeSanto annonçaient à l’époque dans la presse que ce deuxième épisode serait à la saga X-Men ce que L’Empire Contre-Attaque  était pour la trilogie Star Wars. Cet enthousiasme mérite quelque peu d’être tempéré, même si X-Men 2 s’avère d’excellente facture. On peut regretter que le spectacle l’emporte souvent sur l’implication émotionnelle et l’identification du public aux faits et gestes des héros. Le problème mis en évidence dans le premier X-Men subsiste ici : trop de personnages entravent le développement de chacun d’entre eux. Ils se résument donc, pour la plupart, à des archétypes sans réelle profondeur. Cette faiblesse, inhérente au principe du « film d’équipe », devra attendre X-Men, le commencement de Matthew Vaughn pour être habilement contournée.

En marge de la société

Mais il faut avouer qu’X-Men 2 marque une véritable amélioration par rapport à l’opus précédent, réservant au moins une scène clef à chacun des personnages principaux pour leur permettre d’exister à part entière, et développant plus habilement la thématique du racisme et de la xénophobie à travers le prisme symbolique des Mutants. « Il est évident que je m’identifie aux personnages lorsque je réalise un film comme celui-là », confesse Bryan Singer. « Les thèmes de l’exclusion et de la vie en marge de la société me touchent personnellement. Est-ce parce que je suis moi-même un enfant adopté, juif et gay de surcroît ? Peut-être, mais je pense que les problématiques développées ici sont universelles et peuvent toucher tout le monde. Après tout, pendant mon enfance, c’est à Luke Skywalker que je m’identifiais. » (1) On note que la partition n’est plus ici signée Michael Kamen qui venait hélas de passer l’arme à gauche, mais John Ottman, le compositeur attitré de Bryan Singer. Il signe une BO toujours amputée d’un thème principal digne de ce nom, mais très efficace du point de vue du dynamisme et de l’énergie.
 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en juillet 2006

© Gilles Penso 

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WOLVERINE : LE COMBAT DE L’IMMORTEL (2013)

James Mangold se réapproprie le plus célèbre des X-Men pour le transformer quasiment en samouraï partagé entre son humanité et sa bestialité

THE WOLVERINE

2013 – USA

Réalisé par James Mangold

Avec Hugh Jackman, Hiroyuki Sanada, Tao Okamoto, Rila Fukushima, Famke Janssen, Will Yun Lee 

THEMA SUPER-HÉROS I MUTATIONS I SAGA X-MEN I MARVEL

Depuis sa création par le scénariste Len Wein en 1974, Wolverine s’est taillé la part du lion au sein des X-Men, acquérant bien vite le statut du plus populaire de tous les mutants issus des ateliers Marvel. Aussi a-t-il droit à sa propre série de films, parallèlement à ceux consacrés à l’équipe complète. Après un X-Men Origins : Wolverine n’ayant pas convaincu les aficionados, Logan revient donc sous le feu des projecteurs pour un nouveau long-métrage situé cette fois-ci après X-Men 3. Fidèles à leur penchant pour les crossovers et les spin-offs – illustré avec brio dans la franchise Avengers – les studios Marvel, associés ici avec la Fox, tissent ainsi les liens complexes d’une épopée dont le point culminant aura été la prodigieuse préquelle X-Men, le commencement dirigée par Matthew Vaughn. Ici, c’est James Mangold qui tient les rênes, un choix qui peut sembler curieux dans la mesure où le cinéaste, signataire d’indéniables réussites dans le domaine du polar (Copland), du thriller (Identity) ou du western (3h10 pour Yuma), est ici loin de son registre habituel. Mais dès les premières minutes de Wolverine : le combat de l’immortel, tous les doutes se dissipent.

Avec une maestria proche du Steven Spielberg d’Empire du Soleil, Mangold plante ses caméras dans le Nagasaki de 1945 et plonge son héros dans la tourmente d’un bombardement atomique à l’issue duquel il se lie d’amitié avec Yashida, un soldat japonais qu’il sauve in-extremis des flammes nucléaires. Les années ont passée et Logan a vécu de nombreux tourments, le moindre n’étant pas la mort de sa bien-aimée Jean Grey. Désormais hanté par des cauchemars récurrents, il est tiré de sa vie d’ermite par Yukio, une jeune Japonaise experte en arts martiaux qui fait office de messagère. Logan est attendu à Tokyo où Yashida, prêt à exhaler son dernier souffle, souhaite lui faire ses adieux. Mais dans le pays du soleil levant, l’homme aux griffes d’adamantium est un parfait étranger, et l’ennemi qu’il s’apprête à rencontrer dépasse tout ce qu’il a pu affronter jusqu’alors. 

Les luttes intérieures de Logan

Wolverine nous offre des séquences d’action étourdissantes (le kidnapping en plein centre-ville, le combat nocturne contre les ninjas ou encore cette incroyable course-poursuite sur le toit d’un train ultra-rapide qui fera date dans l’histoire des cascades et des effets spéciaux) et jette notre héros en pâture à des adversaires hauts en couleurs (la fascinante et vénéneuse « Vipère », le très impressionnant « Samouraï »). Mais le film ne repose pas majoritairement sur son caractère spectaculaire. Les luttes intérieures de Logan, traduites à merveille par le jeu intense d’Hugh Jackman, n’ont jamais été aussi violentes. Partagé entre deux cultures (l’Occident et l’Orient), deux natures (l’homme et le monstre), deux instincts (le repli sur soi ou le sacrifice altruiste), Wolverine est déchiré, et la remise en cause de son immortalité entame son habituelle détermination. Wolverine porte en son sein l’une des images les plus fortes de l’histoire du film de super-héros, celle d’un homme vaincu, genou à terre, le dos percé de centaines de projectiles tissant derrière lui une inextricable toile d’araignée, mais luttant toujours pour rendre justice coûte que coûte. Et la citation d’Elie Wiesel, décrivant le légendaire Golem, nous revient alors en mémoire : « Connaissez-vous des êtres qui n’existent que pour autrui, qui vouent le moindre souffle, le moindre battement de paupières, la plus infime parcelle de leur existence à une vocation unique et sacrée : celle de protéger la vie ? » Avec Wolverine, la saga X-Men s’orne ainsi d’un de ses plus beaux opus, dont l’épilogue déconcertant et ouvert attise fortement notre curiosité.

 

© Gilles Penso  

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TEXAS CHAINSAW 3D (2013)

Une énième variante sur Massacre à la tronçonneuse qui se raccorde directement à la fin du classique de Tobe Hooper

TEXAS CHAINSAW 3D

2013 – USA

Réalisé par John Luessenhop

Avec Alexandra Daddario, Dan Yeager, Trey Songz, Scott Eastwood, Tanua Raymonde, Shaun Sipos, James MacDonald 

THEMA CANNIBALES I TUEURS I SAGA MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE

Massacre à la Tronçonneuse a déjà été accommodé à toutes les sauces depuis 1974 : séquelles, remake, préquel, parodies, hommages… A de rares exceptions près, la plupart de ces relectures facultatives ne servaient qu’à renforcer le caractère exceptionnel et séminal du chef d’œuvre de Tobe Hooper. Après le diptyque réalisé à tour de rôle par Marcus Nispel et Jonathan Liebesman, Platinum Dunes décida d’abandonner la franchise, laquelle fut rachetée par Twisted Pictures afin de profiter de l’indéniable notoriété de la « marque ». Car à ce stade, l’entreprise semble bien plus commerciale qu’artistique. L’idée consiste à attirer un nouveau public – peu enclin à s’intéresser aux « vieilles » versions – en s’appuyant sur le gimmick de la 3D, désormais incontournable.

Malgré nos réticences, le film s’amorce plutôt bien. Le générique égrène les moments les plus forts de l’œuvre originale, accentuant leur impact par leur post-conversion en 3D et l’emploi d’une nouvelle bande son. Puis l’intrigue se raccorde très exactement à la fin de Massacre à la Tronçonneuse, au moment où Sally échappe de justesse aux griffes de Leatherface et où celui-ci danse bizarrement sur la route, la tronçonneuse à la main, nimbé dans la lueur du soleil rasant. Le shérif ne tarde pas à débarquer devant la maison Sawyer, arme au poing, persuadé de pouvoir faire évacuer la famille maudite dans le calme et l’ordre. Mais il est rapidement rejoint par les autochtones qui entendent bien faire justice eux-mêmes. Sans se soucier des protestations du policier, ils incendient la maison et récupèrent parmi les cendres une tronçonneuse qui devient leur trophée, désormais exhibé fièrement dans le bar principal de la ville. Mais une femme a échappé au brasier. Un homme du cru la repère, la tue et récupère le bébé qu’elle serrait contre sa poitrine, pour l’élever lui-même avec son épouse.

Un scénario bourré d'incohérences

Ce prologue, qui restitue bien l’atmosphère des années 70, évoque les travaux de Rob Zombie et notamment The Devil’s Rejects. Mais la suite n’est pas à la hauteur. Car nous voilà désormais en 2012, avec le sempiternel groupe de jeunes gens parti passer le week-end dans les bois. A leur tête se trouve Heather, qui vient d’hériter d’une belle demeure en plein Texas. Or Heather n’est autre que le bébé du prologue. Le problème majeur du film nous saute alors aux yeux : un scénario bourré d’incohérences. Comment une femme qui est censé avoir 39 ans (bébé en 1973, adulte en 2012) pourrait-elle n’avoir que 26 ans (l’âge du personnage à l’écran) ? Comment l’incendie survenu le soir du 19 août 1973 pourrait-il déjà être en première page du journal du 19 août 1973 ? A qui appartient le cadavre putréfié dans la maison d’Heather et pourquoi n’y fait-on plus jamais allusion après qu’un des personnage l’ait découvert ? On n’en finirait plus de citer les invraisemblances qui ponctuent le film, et qu’un scénariste attentif aurait facilement pu éviter. C’est d’autant plus dommage que le parti pris du film, qui consiste à dresser un portrait tellement détestable des texans de la ville de Newt que la famille Sawyer nous semble presque sympathique en comparaison, avait beaucoup d’attrait. Le film est donc bancal. Ni catastrophique, ni révolutionnaire, il se regarde sans déplaisir, nous offre quelques débordements gore en 3D (la lame de la scie menaçante vient souvent à la rencontre du spectateur) mais n’apporte pas grand-chose à la saga et s’achève de manière très frustrante.

 

© Gilles Penso

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C’ETAIT DEMAIN (1979)

Herbert George Wells voyage dans les États-Unis du futur pour y affronter le redoutable Jack l'éventreur

TIME AFTER TIME

1979 – USA

Réalisé par Nicholas Meyer

Avec Malcolm McDowell, David Warner, Mary Steenburgen, Charles Cioffi, Kent Williams 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS I TUEURS

L’œuvre foisonnante et avant-gardiste d’H.G.Wells (« L’homme invisible », « La guerre des mondes », « L’île du Docteur Moreau ») aura excité l’imaginaire de nombreux lecteurs, metteurs en scène et spectateurs à travers les âges. Nicholas Meyer, scénariste et réalisateur, propose ici une histoire folle et originale : l’auteur de « La machine à explorer le temps » a vraiment inventé ladite machine, et, sur le point de la tester, se la fait voler par un Jack l’Eventreur en fuite. Le fou dangereux atterrit aux USA en 1979. Ce n’est que le début d’une course-poursuite inédite… Film atypique, précurseur et indémodable, C’était demain est avant tout un formidable divertissement d’une générosité à toute épreuve, mélangeant avec classe la science-fiction, le thriller, la comédie, la romance (sublimée par les envolées lyriques du grand Miklos Rozsa), le drame et l’étude sociologique et politique. Rien que ça. Un tel postulat de départ ouvrant de nombreuses voies, Meyer se met en tête de les explorer toutes, sans s’y perdre. Le scénario, limpide et trépidant, rebondit en permanence, et se permet des digressions osées qui font constamment progresser le récit. Les séquences d’exposition, prenant place dans une majestueuse et crédible Angleterre victorienne, présentent et définissent les deux protagonistes principaux à travers leurs actes (Jack tue une prostituée avec une grande violence, laquelle imprégnera chacun de ses meurtres) et leurs pensées. D’un côté, Wells, utopiste, romantique (le vrai ne l’était visiblement pas autant), progressiste (ouvert au socialisme et aux droits des femmes), à la fois cartésien et rêveur acharné, et de l’autre, Jack, tueur sadique et dénué de tout sentimentalisme, cynique voulant profiter de son époque (mais quelque part lui aussi en avance sur son temps, étant le premier serial killer officiel de l’Histoire). Engagés dans une partie d’échecs significative dès leur mise en présence, ils n’auront de cesse de s’opposer tout au long du film, physiquement et moralement.

Après un voyage « spatio-temporel » clignant de l’œil à celui du Superman de Donner (sorti un an auparavant), notre inventeur se retrouve perdu dans une Amérique à la frontière des 80’s. Si Meyer choisit dans un premier temps de saisir le côté comique de la situation (la séquence au Mc Donald’s, les répliques savoureuses et anachroniques), il ne tombe pas dans la gaudriole, très cohérent dans son écriture, Wells étudiant les progrès techniques et son nouvel environnement en scientifique accompli. Deux intrigues très sérieuses s’entremêlent rapidement : une enquête effrénée pour retrouver l’assassin en liberté, évidemment, mais aussi une véritable histoire d’amour naissante. La toujours excellente Mary Steenburgen donne corps à un personnage-clé, archétype de la femme moderne engagée (craquant tout de même sur le charme suranné de Wells) qui guide le savant dans un milieu inconnu et révèle ses côtés chevaleresques, lui procurant ainsi une motivation supplémentaire quand elle devient une victime potentielle. Coupant court au suspense, Meyer choisit de remettre rapidement les deux adversaires face-à-face, dans une scène d’une importance capitale, parfaite césure où leurs points de vue divergents s’expriment en toute liberté, éclairés par cette époque nouvelle. Là où l’utopiste pensait trouver une société évoluée, démocratique et pacifiste, Jack lui démontre par A+B qu’il se trompe lourdement… En allumant simplement la télévision. Les images de violence se succèdent sous les yeux effarés de Wells, et le tueur en pleine extase prend un malin plaisir à ébranler les convictions de sa Némésis, lui assénant deux répliques cultes : « Vous n’êtes pas allé vers le futur, Herbert, mais vers la Préhistoire », et l’imparable « Il y a 90 ans, j’étais un monstre. Aujourd’hui, je suis un amateur. Repartez sans moi. Le futur vous décevra. Le futur c’est moi ». Cette discussion se soldera par une gifle, donnée par un Wells outré. Le sens profond du film est là : la violence est contagieuse, et le progressiste ouvert au dialogue y coupe court quand il se sent acculé, réalisant que le futur est pire que le passé, et qu’il s’est trompé. La fracture entre eux n’en sera que plus marquée, la poursuite qui s’ensuit les voyant se retrouver sur deux ponts, littéralement à l’opposé l’un de l’autre.

Malcolm McDowell contre David Warner

Relevons ici les performances implacables de Malcolm McDowell, fragile et déterminé, à mille lieux de Caligula ou de l’Alex d’Orange Mécanique, et de David Warner, glacial et imposant au possible. Il fallait bien des acteurs de cette trempe pour incarner les contradictions des personnages, contradictions qui, ajoutées à leurs facultés d’adaptation mutuelles, seront déterminantes de leur destin. Car c’est en lisant enfin dans les pensées de son ennemi et en choisissant lui aussi de s’adapter aux lois de cette nouvelle ère que Wells l’emportera. Et c’est là que le fond du film achève de l’élever au-dessus du simple divertissement, Meyer usant de détails subtils pour distiller son discours : McDowell reste habillé tout du long dans ses habits d’époque, revendiquant sa différence (ce qui lui vaudra de se faire remarquer et arrêter par la police), contrairement à Warner qui adopte immédiatement un look moderne, se fondant dans la masse tel un prédateur, faisant corps avec le présent. C’est donc logiquement par le biais d’un symbole de modernité et de progrès, la voiture, que le gentleman gagnera la partie. Chevalier des temps modernes, il conduira ce fier destrier non sans mal (l’héroïne lui ayant rapidement appris) pour aller délivrer sa belle des griffes du monstre. Par deux fois dans le film, il aura manqué de se faire écraser par des automobiles (là où Jack se sera fait percuter de plein fouet juste après leur scission de pensées, accident lui permettant d’échapper à son poursuivant), et un pneu crevé l’aura empêché de sauver une malheureuse victime. Accepter les dysfonctionnements de l’Humanité, continuer néanmoins la lutte pour l’évolution des mentalités en usant des mêmes armes que les cyniques, la parabole est belle et salutaire. Mieux, au-delà du combat d’idées, c’est l’amour qui régule l’Univers (rapprochant un peu plus l’œuvre du magnifique Quelque part dans le temps), Wells concluant avec cette phrase romanesque et porteuse d’espoir : « Si nous voulons maîtriser le temps, nous devons savoir maîtriser la nature de l’Homme. Tous les siècles se ressemblent, il n’y a que l’Amour qui puisse les rendre supportables ».

 

© Julien Cassarino

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PACIFIC RIM (2013)

Guillermo del Toro rend hommage aux films de monstres de son enfance en opposant des robots géants à de colossales créatures surgies des océans

PACIFIC RIM

2013 – USA

Réalisé par Guillermo del Toro

Avec Charlie Hunnam, Idris Elba, Rinko Kikuchi, Charlie Day, Rob Kazinsky, Max Martini, Ron Perlman      

THEMA FUTUR I ROBOTS I MONSTRES MARINS

Un film qui achève son générique par une dédicace « à la mémoire des Maîtres des Monstres Ray Harryhausen et Ishiro Honda » ne peut pas être antipathique ! Avec Pacific Rim, Guillermo del Toro a décidé de citer ses sources, autrement dit les pères respectifs du Monstre des temps perdus et de Godzilla. C’est donc l’enfance qui est ici convoquée. Pas celle meurtrie de L’Échine du diable ou du Labyrinthe de Pan, mais celle – autobiographique – d’un petit garçon dévorant des films de monstres sur son petit écran et jouant aux robots dans sa chambre. Derrière son budget colossal et ses allures trompeuses de blockbuster formaté, Pacific Rim transpire donc la sincérité. Certes, c’est un plaisir coupable. Comment pourrait-il en être autrement avec un scénario s’appuyant sur des luttes entre des créatures amphibies de mille tonnes et des machines humanoïdes hautes comme des immeubles de vingt étages ? Mais quel spectacle généreux ! Quel exutoire ! Quel incroyable terrain de jeu ! Dès ses premières minutes, Pacific Rim met de côté la part adulte de chaque spectateur. « Quand j’étais gamin, et que je me sentais seul ou tout petit, je regardais les étoiles en me demandant si elles pouvaient être habitées », nous dit une voix off. « Eh bien, il se trouve que je regardais dans la mauvaise direction ». En effet, le danger ne vient pas de l’espace mais des profondeurs.

Au fin fond de l’Océan Pacifique, une brèche s’est ouverte, laissant régulièrement s’échapper des monstres titanesques, les « kaijus », dont les morphologies semblent combiner le dinosaure, le poisson et l’insecte, et dont le pouvoir de destruction semble illimité. Faute de pouvoir les abattre à l’aide d’armes traditionnelles, les gouvernements s’unissent pour concevoir un arsenal à la hauteur de la menace : les « jaegers », autrement dit des robots de 80 mètres de haut pilotés par des duos de pilotes dont les esprits communiquent télépathiquement. Mais plus les monstres surgissent, plus ils s’avèrent puissant, et au bout de sept ans de luttes acharnées, seuls quatre jaegers sont encore en état de marche…

L'anti-Transformers

Pacific Rim concrétise sur grand écran un fantasme pur, que le Robot Jox de Stuart Gordon n’avait su qu’esquisser faute de moyens, et que les « kaiju-eiga » des studios Toho et Daei n’avaient que partiellement pu assouvir. Le film ne ment pas, ne cherche jamais à transcender la promesse de départ, mais il la tient avec tous les égards qu’elle mérite. Bien sûr, Pacific Rim n’est pas exempt de défauts. L’illisibilité de certains combats peut s’avérer frustrante, la simplification extrême des relations humaines confine au cliché, et la bande originale primaire de Ramin Djawadi sature les 120 minutes de métrage avec la finesse d’un marteau piqueur. De la part d’un esthète raffiné de la trempe de Guillermo del Toro, on pensait pouvoir éviter ces écueils. Mais le plaisir reste quasiment intact, d’autant que le cinéaste saupoudre sans cesse son film d’humour. Aux rires gras et cyniques d’un Transformers, il préfère la drôlerie surréaliste véhiculée par des personnages secondaires truculents (Ron Perlman en tête), laissant en fin de film ses spectateurs lessivés mais heureux.
  

© Gilles Penso

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