TARZAN L’HOMME SINGE (1932)

Cette adaptation libre des écrits d'Edgar Rice Burroughs a transformé Johnny Weismuller en superstar de la jungle

TARZAN THE APE MAN

1932 – USA

Réalisé par W.S. Van Dyke

Avec Johnny Weissmuller, Maureen O’Sullivan, C. Aubrey Smith, Neil Hamilton, Doris Lloyd, Ivory Williams, Forrester Harvey

THEMA EXOTISME FANTASTIQUE I SAGA TARZAN

Tarzan l’homme singe n’est certes pas la première transposition à l’écran des aventures du héros d’Edgar Rice Burroughs (il y eut notamment la version de Scott Sidney en 1918 et deux serials avec Frank Merrill en 1928 et 1930) mais c’est celle qui marqua le plus durablement les mémoires. A tel point que le film de W.S. Van Dyke demeure la référence absolue en la matière, un peu comme l’est le Frankenstein de James Whale vis à vis du roman de Mary Shelley. Dans une Afrique de carte postale, James Parker et son associé Harry Holt se mettent en quête d’un cimetière d’éléphants, autrement dit une inestimable réserve d’ivoire, tandis que débarque Jane, la fille de Parker, bien décidée à s’installer sur le continent. La première partie du film souffre de l’insertion très artificielle de stock-shots ethniques (provenant du Trader Horn réalisé par Van Dyke l’année précédente) au beau milieu de plans tournés en studio. Le pire en la matière est probablement atteint lorsque les comédiens interagissent avec les indigènes via des transparences désarmantes de maladresse. Ni la lumière, ni le décor ne raccordent. Même les proportions des personnages sont hasardeuses.

Mais ce travers disparaît lorsque notre expédition s’enfonce dans la jungle, car dès lors le fantastique prend largement pas sur le réalisme. Face aux montagnes escarpées qui se dressent, Parker s’exclame, lyrique : « Pour avoir bâti un telle muraille, notre mère la nature devait avoir un grand secret à cacher ». Au moment de l’escalade (dans un beau décor en matte painting), l’un des porteurs tombe dans le vide, et inaugure l’un des gimmicks les plus douteux de la série : le sacrifice des indigènes, visiblement quantité négligeable. D’ailleurs, après cette chute mortelle, la première réaction de Holt sera de se demander quel était le contenu de sa sacoche ! Alors que les périls s’accumulent, le désormais célèbre cri de Tarzan retentit, et notre bel homme singe enlève Jane. L’idylle qui s’amorce démarre de fort rude manière, à travers un dialogue passé depuis à la postérité : « toi Jane, moi Tarzan ». le scénario n’explique jamais l’origine de cet homme sauvage, l’intégrant comme un des éléments étranges de cette Afrique imaginaire.

Gorille contre éléphants

Des séquences d’anthologies ponctuent régulièrement le film, notamment la traversée d’un fleuve empli d’hippopotames et de crocodiles agressifs, l’attaque des pygmées, le combat contre le guépard, la chevauchée à dos d’éléphant (un spécimen d’Asie affublé de fausses oreilles !), la bataille contre un couple de lions, et surtout un climax hallucinant au cours duquel nos héros sont jetés en pâture à un gorille anthropophage dans une caverne jusqu’à ce qu’une charge d’éléphants ne les sauve en détruisant le village. Grandiose, impressionnant, le spectacle annonce de nombreux motifs visuels de King Kong et s’achève dans le mythique cimetière des éléphants. La prestation brute de Johnny Wessmuller, son physique d’athlète et ses acrobaties vertigineuses tranchent avec le charme mutin de Maureen O’Sullivan. Assurément, leur couple est une des plus belles trouvailles de la MGM, et Tarzan l’homme singe connaîtra plusieurs séquelles à succès.

© Gilles Penso

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LARA CROFT : TOMB RAIDER – LE BERCEAU DE LA VIE (2003)

Cette séquelle n'élève guère le niveau et prouve une fois de plus que Jan de Bont est bien meilleur directeur de la photographie que réalisateur

LARA CROFT – TOMB RAIDER : THE CRADLE OF LIFE

2003 – USA

Réalisé par Jan de Bont

Avec Angelina Jolie, Gerard Butler, Ciaran Hinds, Chris Barrie, Noah Taylor, Djimon Hounsou, Til Schweiger, Simon Yam

THEMA EXOTISME FANTASTIQUE

Drôle d’idée d’avoir confié ce second Tomb Raider à Jan de Bont. Car si le premier long-métrage de l’ex-chef opérateur hollandais, Speed, était une explosive réussite, et si Twister entretenait encore l’illusion grâce à une poignée de séquences d’action inventives, les piteux Speed 2 et Hantise marquaient clairement les limites de ses capacités artistiques. Avec ce Berceau de la vie, hélas, le cinéaste s’enterre un peu plus dans la médiocrité. Pourtant, le premier opus réalisé par Simon Wincer n’avait pas placé la barre très haut. Au fil d’une intrigue rudimentaire promenant ses protagonistes en Grèce, en Chine et en Afrique, Lara Croft découvre dans un temple antique englouti par les flots l’orbe d’Alexandre le Grand. Mais le sinistre docteur Reiss, spécialiste des armes bio-chimiques, envoie ses sbires pour lui dérober cette sphère qui renferme les coordonnées du Berceau de la Vie et de son redoutable secret : la fameuse Boîte de Pandore de la mythologie, qui contient des germes capables d’anéantir l’humanité tout entière. Pour contrer les plans de ce savant fou dénué de scrupules, Lara est contrainte de faire équipe avec Sheridan, son ancien amant, un ex-agent du MI-6 qui croupit en prison…

Ni pire ni meilleure que le précédent Tomb Raider, cette séquelle continue tranquillement de massacrer la franchise initiée par la marque Eidos. Le ratage en bonne et due forme se poursuit donc, malgré les indéniables qualités du casting. Angelina Jolie demeure en effet l’incarnation idéale du sex-symbol numérique imaginé par Toby Gard, Gerard Butler interprète un partenaire masculin tout à fait à la hauteur grâce à son fort charisme, et Ciaran Hinds, futur César de la prodigieuse série Rome, est un super-vilain très honorable. Mais le potentiel de ces comédiens en béton armé – auxquels s’ajoute un Djimon Housou terriblement sous-exploité – est ruiné par les piètres qualités du scénario et de la mise en scène. Régulièrement, pour relancer l’intérêt, le film se pare de séquences d’action tour à tour grotesques (l’échappée de Lara sur le dos d’un requin), inutiles (la poursuite à moto entre notre héroïne et Sheridan) ou sans la moindre originalité (les multiples fusillades qui ponctuent le métrage).

Sur les traces d'Indiana Jones

Étant donné que ce Tomb Raider, comme le précédent, marche sans vergogne sur les traces de la saga Indiana Jones, Jan de Bont s’est offert les services de Michael Kahn (le monteur attitré de Steven Spielberg) et d’Alan Silvestri (compositeur fétiche de Robert Zemeckis), sans que son métrage n’y gagne quoi que ce soit en panache. Au cours du climax, les protagonistes sont attaqués au beau milieu d’une forêt souterraine inquiétante par les « Gardiens de la Nuit », autrement dit des espèces de Trolls géants en 3D dont le visage est constitué d’une immense gueule carnassière et dont les membres évoquent les branches des arbres desquels ils surgissent, apparaissant et disparaissant façon Predator. La séquence est réussie, et techniquement impressionnante, mais elle tombe comme un cheveu gras dans la soupe réchauffée de cette aventure fantastico-exotique sans éclat.

© Gilles Penso

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LARA CROFT : TOMB RAIDER (2000)

Angelina Jolie est la parfaite incarnation en chair et en os de Lara Croft… Mais un bon casting ne suffit pas à faire un bon film

LARA CROFT : TOMB RAIDER

2000 – USA

Réalisé par Simon West

Avec Angelina Jolie, Iain Glen, Daniel Craig, Jon Voight, Noah Taylor, Richard Johnson, Chris Barrie, Julian Rhind-Tutt

THEMA EXOTISME FANTASTIQUE

Version féminine, violente et profondément fantasmatique d’Indiana Jones, Lara Croft est une archéologue mercenaire créée en 1996 par Toby Gard pour le jeu « Tomb Raider » (autrement dit « Pilleur de Tombes », ce qui n’est pas sans évoquer le titre Raiders of the Lost Ark). Phénomène de société dépassant largement le cadre du jeu vidéo qui fut lui-même décliné en une demi-douzaine d ‘épisodes, cette pin-up digitale est apparue dans des magazines de mode, des spots publicitaires, des comic books, des calendriers, des romans… Il était inévitable que tôt ou tard, la belle aventurière poursuive ses exploits sur grand écran. Trouver la comédienne idéale pour entrer dans la peau de Lara Croft ne fut pas une mince affaire, et il faut avouer que le choix d’Angelina Jolie est un véritable coup de génie. Hélas, c’est bien là le seul éclat d’un film brouillon et tonitruant dirigé sans génie par Simon West, signataire jusqu’alors du divertissant Les Ailes de l’enfer et du morne Déshonneur d’Elizabeth Campbell. Mais l’échec de Tomb Raider n’est sans doute pas à mettre à son seul actif. Car nous sommes typiquement en présence d’un pur produit marketing entravé dans ses choix artistiques par le nombre de décisionnaires ajoutant leur grain de sel jusqu’à ôter au film toute possibilité de posséder sa propre personnalité.

La séquence d’introduction, prometteuse, montre la riche exploratrice affronter dans son manoir un impressionnant robot en 3D (surnommé Simon d’après le prénom du réalisateur). Il s’agit en fait d’un exercice de remise en forme, mais bientôt les vrais dangers pointent le bout de leur nez. Car Lara, fille du riche aristocrate Lord Henshingly Croft disparu dans les années 80, a hérité de lui, entre autres trésors archéologiques, d’une horloge mystérieuse et antique. Or cet artefact est fortement convoité par une secte secrète, les Illuminati, qui compte l’acquérir pour trouver un ancien talisman censé leur offrir la possibilité de contrôler le temps. Etant donné que les planètes de notre système solaire sont en train de s’aligner selon une géométrie spécifique qui n’intervient que tous les 5000 ans, la quête des Illuminati prend un caractère urgent. Pour les contrer, Lara utilise un message que son père avait rédigé à son attention… Et le père en question, autre belle idée de casting, est interprété par le charismatique Jon Voight, qui n’est autre que le véritable géniteur d’Angelina Jolie. Celle-ci partage également l’affiche avec Daniel Craig, futur James Bond endossant ici la défroque d’un aventurier buriné nommé Alex West (du nom du père du réalisateur). 

Un ratage à 80 millions de dollars

Il y avait donc là un beau potentiel, mais le film se perd rapidement dans son accumulation de séquences d’action outrancières sans s’avérer capable de la moindre construction dramatique. Dans cet océan de confusion surnagent quelques morceaux de bravoure intéressants, notamment le combat de Lara dans un tombeau souterrain contre une statue de Brama à quatre bras, réminiscence de la déesse Kali du Voyage fantastique de Sinbad. Tourné principalement aux studios Pinewood de la saga James Bond pour un budget de 80 millions de dollars, Tomb Raider remporta un honorable succès, entraînant rapidement la mise en chantier d’une séquelle.

 

© Gilles Penso

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RUNAWAY L’ÉVADÉ DU FUTUR (1984)

Sous la direction de Michael Crichton, Tom Selleck interprète un policier du futur spécialisé dans les robots déviants

RUNAWAY

1984 – USA

Réalisé par Michael Crichton

Avec Tom Selleck, Cynthia Rhodes, Gene Simmons, Kirstie Alley, Stan Shaw, G.W. Bailey, Joey Cramer, Chris Mulkey

THEMA FUTUR I ROBOTS

Pour son cinquième long-métrage en tant que réalisateur, Michael Crichton décide de reprendre la thématique clef de Mondwest, autrement dit la révolte des robots contre les humains. Mais ici, la donne a changé : l’avarie des machines est d’origine criminelle, et un homme se cache derrière l’enfer mécanique. L’intrigue de Runaway se déroule dans un futur appréhendé de manière très réaliste. Les véhicules et les buildings n’ont rien de foncièrement fantaisistes, et les robots qui se sont installés partout comme auxiliaires, assistants ou domestiques des citoyens n’ont rien d’anthropomorphique. Ce sont des appareils purement fonctionnels, de formes souvent cubiques, montés sur roulettes, munis d’appendices divers, mais dotés en revanche d’une indéniable intelligence.

Le sergent Jack Ramsay (Tom Selleck, superstar de la série Magnum que Crichton fit déjà jouer dans Morts suspectes) est un policier spécialisé dans les « déviants », autrement dit les robots qui se dérèglent et troublent l’ordre public. Flanqué d’une nouvelle partenaire (Cynthia Rhodes), il constate des accidents de plus en plus fréquents, qui entraînent parfois des pertes humaines. Son enquête lui permet de découvrir que les robots coupables de ces exactions ont été munis d’une puce spéciale provoquant leur agressivité. Le responsable est un certain Charles Luther (Gene Simmons), redoutable criminel qui compte monnayer ces puces auprès de la mafia ou des terroristes. Dès que Ramsay se met en travers de son chemin, l’homme n’hésite pas à déployer un arsenal high-tech particulièrement destructeur…

L'attaque des araignées-robots

Beaucoup plus axé sur l’action que les films précédents de Michael Crichton, Runaway est très généreux en morceaux d’anthologie spectaculaires et inédits, mettant à contribution des gadgets extrêmement cinégéniques: un pistolet dont les balles à tête chercheuse foncent à travers les rues jusqu’à atteindre leur cible, des « mines trotteuses » qui glissent sur l’autoroute pour faire exploser les voitures, et surtout une nuée d’araignées robots munies de crocs au vitriol, lesquelles nous gratifient d’un climax pour le moins mouvementé (Steven Spielberg s’en inspirera lui-même pour l’une des scènes clefs de Minority Report). Pour coller au cadre futuriste du film, Jerry Goldsmith se fend pour la première fois d’une partition intégralement synthétique. L’initiative est audacieuse, mais il faut avouer que le résultat n’est guère concluant, le génial compositeur d’Alien et La Planète des singes n’étant jamais mieux servi que par une formation classique. Le film lui-même ne fait pas toujours dans la dentelle, taillant un peu à la serpe la caractérisation de ses personnages au profit d’une profusion de cascades et d’effets pyrotechniques. Mais Runaway s’avère diablement distrayant et ne connaît aucune perte de rythme. Saluons également son casting judicieux. Tom Selleck excelle dans un rôle d’inspiration hitchcockienne (c’est un policier en proie au vertige comme James Stewart dans Sueurs froides) et Gene Simmons sait inquiéter d’un seul regard (Crichton le sélectionna d’ailleurs sur ce seul critère !).

© Gilles Penso  

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MORTS SUSPECTES (1978)

Michael Crichton passe derrière la caméra pour adapter un thriller de Robin Cook qui révèle les secrets innommables d'une clinique bien sous tous rapports

COMA

1978 – USA

Réalisé par Michael Douglas

Avec Genevieve Bujold, Michael Douglas,Rip Torn,Elisabeth Ashley, Richard Widmark, Lois Chiles, Harry Rhodes, Harry Barton

THEMA MEDECINE EN FOLIE

Morts suspectes marque la rencontre entre deux sommités de la fiction médicale : l’auteur/réalisateur/ producteur Michael Crichton et l’écrivain Robin Cook, à l’origine du roman « Coma » transposé ici à l’écran. La chirurgienne Susan Wheeler (Geneviève Bujold) et son chef de service Mark Bellows (Michael Douglas), qui exercent au Boston Memorial Hospital, forment un couple qui bat de l’aile. Tandis qu’il lui reproche de vouloir à tout prix porter la culotte, elle déplore son machisme patent. Un jour, Nancy Grinley (Loïs Chiles, future héroïne de Moonraker), une amie de Susan, vient subir un avortement thérapeutique. Alors qu’il s’agit d’une intervention banale, elle sombre dans le coma sans explication. Susan mène l’enquête et découvre que plusieurs cas similaires se sont déclarés dans cet hôpital, des opérations bénignes se soldant toutes par des comas irréversibles. Enfreignant le règlement interne pour obtenir des informations, Susan finit par se mettre à dos le docteur Harris (Richard Widmark), directeur de l’hôpital, qui lâche en aparté un inénarrable « les bonnes femmes, quelle plaie ! », puis exige la visite de la trop curieuse chirurgienne chez un psychiatre. « Un état de stress assorti de paranoïa », conclue ce dernier. Mais peu après, un autre malade, Sean Murphy (ce bon vieux Tom Selleck), connaît le même sort que Nancy, et tous deux finissent par passer l’arme à gauche.

Susan se demande si du monoxyde de carbone n’est pas utilisé pour tuer discrètement les patients dans la salle d’opération. Sa théorie du complot semble se confirmer lorsque le responsable de l’entretien de l’hôpital, qui s’apprêtait à lui faire des révélations, est retrouvé assassiné. Notre héroïne elle-même est bientôt prise en chasse par le tueur, dans une série de lieux aux multiples possibilités visuelles et dramatiques : conduits sinistres et claustrophobiques, amphithéâtre où des diapositives aveuglent momentanément le poursuivant, morgue où pendent dans des sacs des cadavres à perte de vue… Un gigantesque trafic d’organes se cache derrière tous ces mystères, et la tension continue de croître jusqu’à un excellent suspense final.

Un avant-goût de la série Urgences

Le film tire sa force de son réalisme, grâce à la double expertise de Cook et Crichton. La rigueur scientifique des méthodologies médicales, le descriptif de la politique interne de l’hôpital, les coucheries, les rivalités entre praticiens (« les chirurgiens ne connaissent rien à l’anesthésie ») annoncent les composantes de la série Urgences. Dommage que la mise en scène soit si académique, évacuant tout parti pris artistique, comme dans un téléfilm des années 70. Même la musique de Jerry Goldsmith est sans éclat, notamment dans l’embarrassante scène « idyllique » du week-end à la mer. Mais la fin rattrape toutes ces carences, et le décor hallucinant du Jefferson Institute, où des centaines de corps éclairés par une lumière ultraviolette sont suspendus par un enchevêtrement de câbles comme des marionnettes au bout de ficelles, est encore dans toutes les mémoires. Cette excellente œuvre paranoïaque, qui évoque les meilleurs films de Peter Hyams, donne à Ed Harris son premier rôle, celui d’un interne en pathologie.


© Gilles Penso

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MONDWEST (1973)

Dans un parc d'attractions du futur, les robots se détraquent et se mettent à agresser les visiteurs !

WESTWORLD

1973 – USA

Réalisé par Michael Crichton

Avec Richard Benjamin, James Brolin, Yul Brynner, Alan Oppenheimer, Norman Bartold, Victoria Shaw, Dick Van Patten

THEMA ROBOTS I FUTUR

C’est en découvrant le buste animatronique d’Abraham Lincoln dans un parc Disney que l’écrivain Michael Crichton eut l’idée de Mondwest. Son envie initiale fut d’en tirer un roman, mais le potentiel cinématographique d’un tel sujet le poussa à en écrire un scénario, la MGM acceptant de lui en confier la réalisation à condition qu’il ne dépasse pas un budget d’1,5 million de dollars. Mondwest se déroule dans un futur proche. La robotique ayant atteint des progrès considérables, les riches touristes ont désormais la possibilité de passer des vacances originales à Delos, un complexe de loisirs dans lequel les androïdes remplacent les humains. Trois univers ultra-réalistes s’offrent aux clients : le moyen âge, la Rome antique et le Far West. C’est cette dernière option que choisissent Peter et John, deux businessmen de Chicago en mal de sensations fortes et de dépaysement.

Tous les clichés inhérents au western y sont réunis, et Michael Crichton en profite pour aborder frontalement un genre cinématographique qui lui tient à cœur (ce que prouvera La Grande attaque du train d’or qu’il réalisera quelques années plus tard). Bientôt, nos deux hommes sont défiés par un tireur solitaire, incarné avec froideur par Yul Brynner, lequel arbore exactement le même look que dans Les Sept mercenaires. Il s’agit bien entendu d’un robot, que l’on peut abattre impunément, puisque les techniciens de Delos réparent les machines toutes les nuits afin de les rendre opérationnelles dès le lendemain. La mise en scène alterne d’ailleurs des séquences très cliniques situées dans les centres de contrôle immaculés avec les vacances bigarrées des différents protagonistes. Voir ces hommes en blouse blanche déclencher avec un sérieux papal une bagarre de saloon ou une séquence de séduction médiévale a quelque chose de délicieusement surréaliste.

Psychose mécanique

Mais bientôt, une avarie se manifeste. Les pannes chez les robots, minimes et conformes aux prévisions jusqu’alors, s’avèrent de plus en plus fréquentes. « Nous avons affaire à un processus qui rappelle une maladie infectieuse se transmettant de station en station » constate un scientifique. « Une psychose mécanique ? » avance un de ses confrères. Probablement, car les robots se mettent bientôt à agresser les touristes, quand ils ne les tuent pas purement et simplement. La panique s’empare alors des humains, soudain impuissants face à cette révolte imprévue. Gisant dans un ruisseau, le trône d’une statue antique crée dès lors l’analogie entre la chute de l’Empire Romain et celle d’une civilisation moderne trop confiante en sa technologie. Mondwest porte en germe les thèmes de Jurassic Park, narrant lui aussi la catastrophe provoquée par le dysfonctionnement d’un parc d’attractions futuriste. Quant à Yul Bryner, inoubliable en robot tueur opiniâtre au regard infra-rouge, il servit sans nul doute d’inspiration à James Cameron et Arnold Schwarzenegger pour la création du cyborg assassin de Terminator. Réussite indiscutable et succès immédiat, Mondwest incita Crichton à poursuivre ses expériences de metteur en scène avec des œuvres aussi passionnantes que Morts suspectes, Looker ou Runaway.

© Gilles Penso

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EXCALIBUR (1981)

John Boorman adapte la légende du Roi Arthur avec emphase en se laissant influencer par les écrits de Tolkien

EXCALIBUR

1981 – GB

Réalisé par John Boorman

Avec Nigel Terry, Gabriel Byrne, Helen Mirren, Nicholas Clay, Nicol Williamson, Cherie Lunghi, Liam Neeson, Paul Geoffrey 

THEMA HEROIC FANTASY

Après DélivranceL’Exorciste 2 et Zardoz, John Boorman se mit en tête d’adapter « Le Seigneur des Anneaux ». Dans l’incapacité d’en récupérer les droits, il se tourna vers les légendes arthuriennes, et si son Excalibur est une adaptation fidèle du classique « La Morte Darthur » de Sir Thomas Malory, l’influence de Tolkien y est palpable. Somptueux d’un bout à l’autre, magnifiquement mis en lumière par Alex Thomson et en musique par Trevor Jones, le huitième long-métrage de Boorman choisit comme pivot le personnage de Merlin (Nicol Williamson), un magicien qui fait alterner les discours sentencieux et le cynisme désabusé. Au service du roi Uther Pendragon (Gabriel Byrne), il lui remet la mythique épée Excalibur et lui permet de prendre l’apparence du duc de Cornouailles pour abuser de son épouse Igraine (Katrine Boorman). De cette union naît Arthur, que Merlin enlève en déclarant : « l’avenir a pris racine dans le présent ». Pris dans une embuscade, Uther plante Excalibur dans un rocher avant de mourir. Dès lors, la prophétie annonce que celui qui retirera l’épée de la pierre deviendra roi.

Des années plus tard, des tournois s’organisent pour que le vainqueur gagne le droit d’essayer d’arracher Excalibur à son socle naturel. Nul n’y parvient, jusqu’au jour où le jeune écuyer Arthur (Nigel Terry) ne la retire accidentellement du rocher. Proclamé roi, Arthur épouse Guenièvre (Cherie Lunghi) et fait bâtir le château Camelot avec sa fameuse table ronde. La paix et l’harmonie reviennent dans le royaume, mais Merlin recommande une certaine prudence : « Le bien est indissociable du mal », dit-il. Le trouble couve en effet sous l’apparat de la sérénité. Tandis que Guenièvre tombe amoureuse du chevalier Lancelot (Nicholas Clay), Morgane (Helen Mirren), demi-sœur d’Arthur, s’intéresse de près à la magie de Merlin et rêve de « trouver un homme pour enfanter un dieu ». Utilisant la même ruse qu’Uther, elle s’accouple avec Arthur et donne naissance à un fils, Mordred. Arthur en ressort affaibli, et donne à ses chevaliers comme ordre ultime de retrouver le Graal. Tous échouent, sauf Perceval (Paul Geoffrey) qui continue la quête coûte que coûte. Entre-temps, Mordred (Robert Addie) devient un homme et réclame le trône, tandis que la terreur et la misère s’emparent du royaume. Lorsque Perceval trouve enfin le Graal et le porte aux lèvres de son roi, l’espoir revient, et la dernière bataille se prépare…

L'épée surgie des eaux

On ne compte plus les séquences de pure magie qui émaillent Excalibur : l’épée étincelante qui surgit des eaux, le cheval d’Uther qui galope sur une mer de brume, l’apparition de la Dame du Lac, Lancelot affrontant son double, Morgan et Merlin pénétrant dans la caverne du dragon, l’arbre aux pendus, le duel final devant la lune rouge sang… Quant à la chevauchée d’Arthur aux accents emphatiques du Carmina Burana, c’est une de ces fusions sublimes entre la musique classique et le spectacle cinématographique comme il en existe peu, comparable au « Zaratoustra » de 2001 ou aux Valkyries d’Apocalypse Now. « Je ne suis pas né pour être un homme mais pour être le tissu de la mémoire future » déclare Arthur au cours du dénouement. On pourrait en dire autant du film tout entier, tant il marqua les mémoires.

© Gilles Penso

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SAW 5 (2008)

La dégringolade artistique continue avec ce cinquième opus qui cache son incapacité à effrayer les spectateurs sous des tonnes de sang et de tripailles

SAW V

2008 – USA

Réalisé par David Hackl

Avec Tobin Bell, Costas Mandylor, Scott Patterson, Betsy Russell, Mark Rolston, Julie Benz, Carlo Rota, Mike Butters, Meagan Good

THEMA TUEURS I SAGA SAW

On croyait avoir touché le fond avec Saw IV, épuisant jusqu’à l’auto-parodie involontaire tous les mécanismes mis en place par Leigh Whannell et James Wan dans le premier Saw. Or le pire était encore à venir. « Vous pensiez vraiment que c’était fini ? » peut-on lire sur le poster de Saw V. Non, on ne le pensait pas vraiment, mais on l’espérait, et dès la scène d’ouverture, on est tenté de tourner les talons et de quitter la salle de cinéma. On y assiste en effet à une version ultra-gore du « Puits et du Pendule » d’Edgar Poe, un homme se faisant couper en deux par une lame montée sur un balancier tandis que la bande son se sature de hurlements, d’effets sonores stridents et de musique tonitruante. Certes, les effets spéciaux sont bluffants et les nerfs mis à rude épreuve, mais à quoi bon ? En quoi le découpage ultra-réaliste du corps d’un homme constitue-t-il un spectacle intéressant pour un spectateur, fut-il amateur de films d’horreur ? Le cinéma de genre ne puise-t-il pas au contraire sa force dans son pouvoir suggestif et ses vertus cathartiques ? Rien de tel ici. D’ailleurs, dès qu’il s’agit de faire peur, Saw V s’avère parfaitement incompétent (voir la scène ridicule du chien qui aboie et de l’ascenseur en panne). De fait, l’escalade toujours plus extrême dans l’étalage de viande ne confère pas une once de plus-value à ce cinquième opus de bien triste facture. Promu réalisateur après avoir été chef décorateur puis assistant réalisateur sur les trois précédents épisodes, David Hackl se révèle bien peu inspiré.

Hystérique lors des scènes de torture (où il abuse de ralentis, d’accélérations, de flash blancs, de bruitages excessifs), il perd tous ses moyens pendant les séquences de dialogues, à peine dignes d’un téléfilm allemand des années 70 (photographie hideuse, cadrages dénués de sens, décors d’une grande pauvreté). Difficile, du coup, de nous intéresser à l’intrigue et aux personnages. D’autant que le scénario de Marcus Dunstan (Feast, Saw IV) ne sait pas trop où donner de la tête, puisant des idées dans chacun des Saw précédents tout en multipliant une fois de plus les flash-backs. Pour qui n’est pas familier avec les quatre premiers épisodes, le démarrage de celui-ci risque d’ailleurs d’être assez abscons, dans la mesure où il se réfère à bon nombre de péripéties survenues précédemment.

Jigsaw est mort ? Vive Jigsaw !

Le tueur au puzzle et son « assistante » Amanda ayant passé l’arme à gauche, un nouveau tueur a pris le relais en la personne de l’inspecteur Mark Hoffman (Costas Mandylor, tout à fait inexpressif). Un prétexte assez grotesque justifie ce passage de relais, faisant fi au passage de toutes les incohérences qui en sont corollaires (comment le policier en question est-il capable de concevoir lui aussi des pièges sophistiqués dignes d’un ingénieur en mécanique ?), et le jeu de massacre peut tranquillement continuer. Pendant ce temps, l’agent Strahm (Scott Patterson) mène l’enquête et devine tout avant tout le monde, énonçant à voix haute chacune de ses découvertes pour que les spectateurs ne perdent pas une miette de son raisonnement. Le film s’achève comme il a commencé, c’est-à-dire n’importe comment, et laisse hélas la porte grande ouverte à une nouvelle suite, dont le seul mérite sera probablement de favoriser les jeux de mots à base de charcuterie !

 

© Gilles Penso

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SAW 3 (2006)

Le duo de scénaristes Leigh Whannel et James Wan se reconstitue pour un troisième épisode

SAW 3

2006 – USA

Réalisé par Darren Lynn Bousman

Avec Tobin Bell, J. LaRose, Angus MacFayden, Debra McCabe, Dina Meyer, Kim Roberts, Shawnee Smith, Bahar Soomekh

THEMA TUEURS I SAGA SAW

Saw bousculait tous les lieux communs du slasher pour désarçonner ses spectateurs, tant du point de vue de l’horreur graphique et psychologique que de celui de sa narration déconstruite. Saw 2 exploitait le filon sans beaucoup d’imagination, optant pour une lecture plus linéaire et substituant à la terreur sourde une action soutenue. Quant à Saw 3, il se positionne quelque part entre les deux tendances, un parti pris dicté par le maintien de Darren Lynn Bousman à la réalisation et la reconstitution du duo Leigh Whannel & James Wan au scénario. N’hésitant pas à reculer très – trop ? – loin les limites de ses séquences de torture (rarement l’intégrité du corps humain fut aussi peu respectée), Saw 3 semble vouloir se placer en tête d’une compétition douteuse initiée par ses deux prédécesseurs et leurs émules, notamment Hostel. Fort heureusement, ce troisième épisode ne se limite pas au déchirement des poitrines, à la torsion des membres et à l’arrachage des épidermes. Dans le cas contraire, il eut été non seulement insupportable mais aussi vide de sens et inconsistant.

Or le scénario choisit ici de nous faire adopter le point de vue du psychopathe, autrement dit un Jigsaw mourant (Tobin Bell), alité dans son repaire orné de pièges en construction, soigné par sa fidèle assistante Amanda (Shawnee Smith, personnification exacerbée du syndrome de Stockholm) et par une infortunée chirurgienne (Bahar Soumekh) contrainte de le maintenir en vie sous peine de voir sa tête réduite en cendres par une bombe à retardement nouée autour de son cou. Plusieurs intrigues parallèles se joignent à ce fil conducteur, notamment le parcours du combattant d’un pauvre hère (Angus McFayden) dont le fils a succombé sous les roues d’un chauffard, et qui doit choisir entre le pardon et la vengeance, chacune de ses décisions ayant de très sanglantes conséquences…

Un « slasher philosophique » ?

Succinctement évoquées dans le premier Saw, les motivations de notre « tueur au puzzle » sont ici étalées avec beaucoup d’insistance. Ses longs discours sur la perspective d’une mort atroce comme seule véritable possibilité d’apprécier la vie semblent principalement être conçus pour donner au film une once de respectabilité, justifiant du même coup ses débordements gore sous des allures de « slasher philosophique ». Cela dit, force est de constater que Saw 3 sait se montrer palpitant et développer des séquences réellement éprouvantes. Même Bousman semble avoir réfréné ses tics hérités du vidéoclip, optant pour une mise en scène moins voyante et plus appropriée au sujet. L’autre grand atout de Saw 3 est sa volonté de dépasser le simple cadre de la séquelle pour s’inscrire dans une trilogie cohérente, nous proposant du même coup de redécouvrir plusieurs séquences des deux opus précédents sous un nouvel angle, et avec des informations supplémentaires. Dommage que le scénario se laisse aller aux multiples rebondissements incongrus de dernière minute. Certes, il s’agit là de la marque de fabrique de la série, et ces coups de théâtre finaux ouvrent la porte vers de nouvelles suites possibles, mais leur manque de crédibilité et de finesse amenuisent considérablement leur impact.


© Gilles Penso

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SAW 2 (2005)

Dès son second épisode, la franchise Saw perd tout le sel du premier opus pour s'adonner à la facilité du "torture porn"

SAW II

2005 – USA

Réalisé par Darren Lynn Bousman

Avec Tobin Bell, Shawnee Smith, Donnie Wahlberg, Erik Knudsen, Franky G, Glenn Plummer, Emmanuelle Vaugier, Dina Meyer

THEMA TUEURS

Le succès instantané de Saw incita les décideurs de Lion Gates et Twisted Pictures à enchaîner rapidement avec une séquelle, dans l’espoir de mettre sur pied une franchise aussi juteuse que Scream ou Halloween. Mais James Wan et Leigh Whannell, les principaux intéressés, se sont retirés du devant de la scène, même si Whannell co-signe le scénario avec Darren Lynn Bousman. Du coup, ce second opus fait bien pâle figure face à son modèle, cultivant le déjà-vu tout en se laissant plus que jamais influencer par les mécaniques de Cube et Seven. Lorsque le film commence, un indicateur de la police se réveille avec la tête coincée dans une espèce de piège à loup, variante recto-verso du « masque du démon » de Mario Bava. Sur un écran de télévision, le tueur au puzzle (Jigsaw en V.O.) lui donne le choix : utiliser un scalpel pour récupérer la clef enfouie chirurgicalement derrière son œil, ou avoir la tête broyée par le mécanisme diabolique. Peu après, le cadavre du malheureux est retrouvé par l’inspecteur de police Eric Matthews. Ce dernier décrypte un message du tueur psychopathe qui lui est directement adressé et ne tarde pas à mettre la main sur lui. Mais au lieu d’un colosse masqué armé d’une machette ou d’une tronçonneuse, archétype du psycho-killer moyen, Matthews découvre un vieil homme moribond, suicidaire et cynique, tué à petit feu par le cancer. Son arrestation est aisée, mais il faut d’abord déjouer son ultime piège.

En effet, sept personnes ont été kidnappées par ses soins et enfermées dans une vieille maison truffée de pièges, en un lieu inconnu. A l’issue d’un compte à rebours de deux heures, ils mourront asphyxiés par un gaz mortel. Parmi eux se trouve l’une des anciennes victimes de Jigsaw (la fameuse prisonnière du casque broyeur) ainsi que Daniel, le propre fils de l’inspecteur Matthews. Aucun d’entre eux ne se connaît, mais chacun a un point commun, seul moyen apparent de trouver une issue et d’échapper à la mort. Dès lors, le film nous narre à la fois les confrontations tendues entre le policier et le tueur, et le parcours du combattant des prisonniers, en quête d’antidote contre le gaz, mourrant un à un dans des conditions souvent atroces et spectaculaires (un pistolet caché derrière une porte qui explose la cervelle d’un curieux, un homme progressivement brûlé dans un four, des lames entaillant les poignets d’une femme jusqu’à l’hémorragie).

L'effet de surprise s'est émoussé

La structure éclatée du premier Saw se substitue ainsi à un plus classique montage parallèle, même si les dernières séquences bouleversent quelque peu cette sage juxtaposition. Il faut reconnaître que Saw 2 bénéficie d’un casting impeccable et sait collecter les séquences de suspense efficace, le point d’orgue en la matière étant l’ultime poursuite dans les couloirs de la maison-prison. Mais la surprise n’est plus vraiment au rendez-vous, et la franchise tant espérée par les producteurs s’essouffle déjà considérablement, comme le prouve une révélation finale conçue pour désarçonner le spectateur, à l’instar de celle du film précédent, mais qui n’échappe ni au grotesque, ni à l’incohérence la plus totale. Ce qui n’empêcha pas l’équipe du film d’enchaîner aussitôt sur la mise en chantier d’un Saw 3, histoire de battre le fer pendant qu’il était encore chaud.

© Gilles Penso

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