CAPTAIN AMERICA 2 (1979)

Aussi peu convaincant que son prédécesseur, ce téléfilm laborieux donne tout de même le rôle du méchant au grand Christopher Lee

CAPTAIN AMERICA 2 : DEATH TOO SOON

1979 – USA

Réalisé par Ivan Nagy

Avec Reb Brown, Christopher Lee, Connie Sellecca, Len Birman, Katherine Justice, Christopher Cary 

THEMA SUPER-HEROS I SAGA CAPTAIN AMERICA I MARVEL

Le premier téléfilm consacré à Captain America était un échec artistique sur toute la ligne. Mais Universal et Marvel ne s’avouèrent pas vaincus pour autant. Persuadés qu’une série TV était toujours envisageable, ils initièrent un second pilote la même année, titré Captain America 2 : Death to Soon. En France, ce second épisode eut même les honneurs d’une sortie en salle, sous le titre simplifié de Captain America (puisque l’épisode précédent, lui, était resté inédit en nos contrées). Pourtant, on ne peut pas dire que les auteurs de ce nouvel opus aient tiré quelque leçon du ratage précédent. Seul véritable changement : le costume du héros, plus conforme à celui imaginé par le dessinateur Jack Kirby. Mais la ressemblance n’est pas gage de crédibilité pour autant. Comment garder son sérieux face à cette tenue en skaï bleu blanc rouge, ce bouclier en plastique, ce loup bleu et ce casque de moto orné de petites ailes ? D’autant que dès la scène d’ouverture du film, le fier capitaine vient en aide aux vieilles dames contre de méchants voleurs de sacs à main ! A l’issue d’une molle poursuite le long d’une plage, le super-héros rattrape l’un des loubards et lui assène une phrase choc : « les personnes âgées sont mes amies ». L’iconisation et l’ampleur du personnage en prennent forcément un coup.

Le reste du métrage est à l’avenant, malgré la présence de Christopher Lee dans le rôle du terroriste Miguel. Ce dernier réclame un milliard de dollars au gouvernement américain, car il possède un produit capable de faire vieillir la population de 38 jours par heure, et menace d’en bombarder les grandes villes. L’ancien Dracula de la Hammer, qui jouait à l’époque dans tout et n’importe quoi (L’Invasion des soucoupes volantes, Destruction planète Terre), assure le service minimum, et Reb Brown, sous la défroque de Captain America, n’a pas gagné en expressivité. Quand il ne joue pas les super-héros, son personnage installe une toile dans la campagne et peint les arbres, les chats et les grands-mères, au grand dam de téléspectateurs qui réclament à cor et à cri de l’action. Pendant la majeure partie du métrage, Steve Rogers se contente d’enquêter dans une petite ville et de sympathiser avec une jeune mère célibataire qui tient une ferme et n’est pas insensible à son charme.

Une moto qui se transforme en deltaplane

Lent, laborieux et inintéressant, ce second Captain America suscite à peu près autant d’ennui que son prédécesseur. Quelques morceaux de bravoure surnagent, comme la poursuite sur un barrage ou la transformation de la moto du héros en deltaplane, mais c’est bien peu pour presque 100 minutes de métrage. Quant à l’assaut final du repaire du méchant, il contient un impressionnant lot de gags involontaires : un combat risible contre de gros chiens, une glissade le long d’une rampe d’escalier, des sauts filmés à l’envers… On l’aura compris, ce deuxième opus aura ôté toute possibilité au personnage de s’épanouir dans une série télévisée digne de ce nom. Reb Brown abandonnera donc la panoplie de Captain America et continuera à jouer les gros bras dans un certain nombre de productions mineures, parmi lesquelles on retiendra surtout Yor le chasseur du futur d’Antonio Margheriti.

© Gilles Penso

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CAPTAIN AMERICA (1979)

Cette première tentative ratée de porter à l'écran les exploits de Captain America est aujourd'hui très drôle… au second degré

CAPTAIN AMERICA

1979 – USA

Réalisé par Rod Holcomb

Avec Reb Brown, Len Birman, Heather Menzies, Robin Mattson, Joseph Ruskin, Lance LeGault, Frank Marth, Steve Forrest 

THEMA SUPER-HEROS I SAGA CAPTAIN AMERICA I MARVEL

Dans la foulée des séries télévisées consacrées à L’Incroyable Hulk et à L’Homme Araignée, l’équipe de Marvel tenta de porter à l’écran les aventures de Captain America, sous forme d’un téléfilm susceptible de devenir le pilote d’une éventuelle nouvelle série. Le rôle-titre est attribué à Reb Brown, ancien boxeur et footballeur à la carrure de G.I. Joe, hélas aussi inexpressif qu’un rhinocéros. Taillé d’emblée comme un bodybuilder, cet habitué des seconds rôles (on a pu le voir notamment dans Kojak, L’homme qui valait trois milliards, C.H.I.P.S.Happy DaysLes Têtes brûlées et de nombreuses autres séries phare des années 70) ne colle pas du tout au personnage imaginé par Joe Simon et Jack Kirby dans les années 40. En effet, dans son concept initial, Captain America est d’abord un homme chétif, Steve Rogers, qui se mue dans un second temps en héros surpuissant. La mutation d’un état à un autre donne tout le sel au protagoniste, et accentue l’effet d’identification pour le jeune lecteur de la BD. Mais ici, on ne fait pas dans la nuance. D’ailleurs, la modernisation manifeste du propos ôte à ce Captain America tout lien véritable avec le matériau dessiné dont il est censé s’inspirer.

Le massif Brown incarne donc un dessinateur qui a toujours vécu dans l’ombre de son père, un éminent scientifique aujourd’hui décédé. Or il se trouve que papa Rogers a mis au point une hormone spéciale, le FLAG (autrement dit « drapeau »), capable de guérir toutes les blessures mais aussi de décupler les forces. Lorsque Steve est attaqué et laissé pour mort par de vilains espions industriels en quête des plans de fabrication d’une bombe à neutron, il sert de cobaye au sérum FLAG. Aussitôt, le voilà sur pied, prêt à en découdre avec les méchants. Parmi les modernisations absurdes apportées au personnage, ce Captain America est désormais un motard. Il enfourche donc une bécane bleu blanc rouge qui rugit dans des nuages de fumée, tandis que son bouclier sert aussi de pare-brise et que sa panoplie moulante se complète d’un casque avec visière. Parfaitement ridicule, ce costume, qui n’apparaît qu’à vingt minutes de la fin du métrage, semble avoir été bricolé par des enfants au cours d’un atelier de travaux manuels !

L'influence de Steve Austin

Lent, besogneux, ce téléfilm prend tout son temps pour raconter une histoire absolument pas palpitante et s’efforce d’éveiller le téléspectateur par quelques scènes d’action filmées paresseusement, notamment une bagarre absurde dans une chambre froide, quelques poursuites automobiles sans éclat ou encore une fusillade pathétique dans une usine. Au cours des « exploits » de Steve Rogers, on sent l’influence manifeste de L’Homme qui valait trois milliards, dans la mesure où chacune de ses démonstrations de force est soulignée par un effet sonore calqué sur celui qui a rendu célèbre Steve Austin. Funky en diable, la bande originale est signée Pete Carpenter et Mike Post. Le réalisateur Rod Holcomb, à qui nous devons justement plusieurs épisodes de L’Homme qui valait trois milliards, allait ensuite tranquillement continuer sa carrière sur le petit écran, participant en vrac à L’île fantastique, L’Agence tous risques, Lost ou encore Les Experts.

 

© Gilles Penso

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AVENGERS (2012)

Le premier film choral de la saga des Avengers, mené avec entrain par un Joss Whedon très inspiré

AVENGERS

2012 – USA

Réalisé par Joss Whedon

Avec Chris Hemsworth, Robert Downey Jr, Chris Evans, Scarlett Johansson, Mark Ruffalo, Jeremy Renner, Samuel L. Jackson

THEMA SUPER-HEROS I SAGA AVENGERS I IRON MAN I THOR I HULK I MARVEL

Exemple unique dans l’histoire du cinéma, Avengers propose la rencontre au sommet entre les héros de cinq longs-métrages différents. Orchestré par le studio Marvel, ce crossover colossal n’était pas gagné d’avance. Comment réunir autant de personnages emblématiques et d’acteurs aux personnalités bien trempées sans se risquer à l’indigestion ? Accommoder à la même sauce une demi-douzaine de super-héros au sein d’une intrigue unique, n’était-ce pas une fausse bonne idée ? Guère impressionné par les complexités du projet, et quasi-débutant au cinéma malgré une longue carrière télévisuelle (Buffy tueuse de vampires, Dollhouse, Firefly), l’auteur-réalisateur Joss Whedon ose prendre Avengers à bras le corps, porté par son amour inconditionnel des comic books, et nous offre une œuvre fleuve d’une générosité et d’une richesse remarquables.

En respectant scrupuleusement tous les éléments narratifs des films précédents (les deux Iron Man, L’Incroyable Hulk, Thor et Captain America), Whedon n’en appose pas moins un style personnel et réussit haut la main un exercice d’équilibriste pour le moins périlleux. Chaque protagoniste véhicule des problématiques, un univers et des motivations qui lui sont propres (l’égocentrisme urbain de Tony Stark, les conflits familiaux de Thor, le patriotisme démodé de Steve Rogers, la bête incontrôlable qui sommeille dans le corps du docteur Banner, les relations complexes entre la Veuve Noire et Œil de Faucon), et le scénario s’efforce de tirer parti de ces singularités pour mieux construire la dynamique du groupe. On retrouve là la patte de Whedon qui, rappelons-le, fut aussi le scénariste de Toy Story.

Un exercice d'équilibre périlleux

L’un des plus gros écueils potentiels du film aurait consisté à se contenter d’offrir à chaque super-héros son quart d’heure de gloire sur le principe de l’accumulation. A cette construction mécanique, Whedon préfère la progression. Certes, les justiciers masqués nous sont présentés à tour de rôle, mais ce n’est qu’en se mettant les uns au contact des autres qu’ils s’épanouissent, tout en conservant leur personnalité, leurs failles et leurs spécificités. Stark continue à cabotiner en roulant des mécaniques, Rogers appréhende le monde au premier degré, Thor prend du recul sur cet univers qui n’est pas le sien, Banner reste introverti pour éviter de convoquer le monstre vert qui le guette. Et fatalement, le mélange provoque des étincelles. Témoin ce magistral plan-séquence, superbement chorégraphié, où les dialogues se chevauchent tandis que la caméra balaie de plus en plus frénétiquement les visages contrits. Car la formation d’une équipe comme les Avengers n’est pas une mince affaire. Sans jamais perdre le fil de ses multiples enjeux dramatiques, Whedon truffe son film de séquences d’action inédites, titanesques et totalement époustouflantes. Qu’il s’agisse de la poursuite du prologue, des multiples échauffourées inter-héros ou d’un combat final d’anthologie dans les rues de New York, le spectateur jubile à chaque seconde (d’autant que tout est parfaitement lisible, pour une fois) et chacun des 220 millions de dollars du budget s’étale à l’écran avec une prodigalité qu’on n’osait plus espérer.

 

© Gilles Penso

 

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MONSTER SQUAD (1987)

Fred Dekker déclare sa flamme aux Universal Monsters en lâchant en pleine ville un impressionnant bestiaire

THE MONSTER SQUAD

1987 – USA

Réalisé par Fred Dekker

Avec Andre Gower, Robby Kiger, Stephen Macht, Duncan Regehr, Tom Noonan, Brent Chalem, Ryan Lambert, Ashley Bank

THEMA FRANKENSTEIN I DRACULA I VAMPIRES I MOMIES I LOUPS-GAROUS I MONSTRES MARINS

Le réalisateur Fred Dekker est un cinéphile compulsif amateur de films de monstres, comme en témoigne sa Nuit des sangsues qui s’efforçait de croiser les invasions extra-terrestres des fifties avec les zombies des années 80. L’année suivante, il poursuit l’hommage aux grands classiques avec Monster Squad, déclaration d’amour aux « monster movies » des studios Universal qui n’hésitaient pas à accumuler un maximum de créatures par métrage, dans des œuvres aussi généreuses que La Maison de Dracula ou La Maison de Frankenstein. Monster Squad raconte l’histoire de camarades d’école qui ont fondé un sympathique « Club des Monstres ». Au cours de leurs réunions régulières dans une cabane perchée au sommet d’un arbre, ils exposent leurs connaissances encyclopédiques sur les loups-garous, les momies, les vampires et les morts-vivants. Tout ce savoir va s’avérer bien utile lorsque Dracula en personne, à la recherche d’une amulette maléfique susceptible de lui assurer la domination du monde, conclue une alliance avec le monstre de Frankenstein, une momie, un lycanthrope et un homme-poisson. Bientôt, toute cette ménagerie débarque en ville, déstabilisant les forces de police et défiant le « Club des Monstres » qui, seul, semble susceptible d’arrêter la menace.

Un peu anachronique, Monster Squad parvient pourtant à se rallier le public le plus jeune en puisant une grande partie de son inspiration dans les productions Amblin qui font fureur à l’époque, notamment E.T. et Les Goonies. Malin, ce mélange des genres permet de concilier plusieurs générations de fantasticophiles, d’autant que si la comédie et la légèreté règnent (les adolescents gênés à l’idée de demander à une de leurs amies si elle est vierge nous offrent une séquence assez savoureuse), l’aspect purement fantastique est traité avec beaucoup de sérieux, comme à la bonne vieille époque de Deux Nigauds contre Frankenstein. A ce titre, il faut saluer la performance de Duncan Regehr sous la cape d’un Dracula de haute tenue. A ses côtés, Tom Noonan arbore le maquillage du monstre de Frankenstein et Tom Woodruff Jr la combinaison de L’Étrange créature du lac noir.

Des créatures entièrement relookées

Les monstres sont l’œuvre du grand Stan Winston, dont la carrière décolle alors avec des films tels que L’EmpriseTerminator ou Aliens. Le défi est complexe, car le futur créateur du Predator doit s’appliquer afin de rendre immédiatement identifiables toutes ces créatures, sans imiter pour autant les maquillages de Jack Pierce et Bud Westmore, toujours sous copyright chez Universal. Chaque monstre a droit à sa petite séquence et se voit réserver un sort spectaculaire, comme ce loup-garou qui explose puis se reconstitue membre par membre, ce « Gill Man » qui surgit d’une plaque d’égoût pour attaquer les enfants en pleine rue ou cette momie dont les bandages se défont jusqu’à révéler un squelette fumant. C’est finalement cette double tendance – le classicisme des années 30/40 et les excès des années 80 – qui dotent Monster Squad d’un charme à part.

© Gilles Penso

 

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FRANKENSTEIN (1910)

Produite par Thomas Edison, la première adaptation officielle du roman de Mary Shelley transforme l'expérience scientifique en une sorte de rituel alchimique

FRANKENSTEIN

1910 – USA

Réalisé par J. Searle Dewley

Avec Charles Stanton Ogle, Augustus Philips, Mary Fuller

THEMA FRANKENSTEIN

Financé par le studio de Thomas Edison, ce Frankenstein de douze minutes est la première adaptation cinématographique du roman de Mary Shelley. C’est, pour être honnête, l’un de ses seuls mérites majeurs, dans la mesure où il s’agit d’une relecture plutôt simpliste et primaire du texte original. Augustus Philips y joue le jeune Frankenstein. Au début du film, il quitte son père et sa fiancée pour poursuivre ses études de médecine. Deux ans plus tard, sans que l’on ne sache ni pourquoi, ni comment, le jeune homme a découvert « le mystère de la vie ». Pour mettre en pratique ses connaissances nouvellement acquises, il décide de créer un être humain de toutes pièces. « Chérie », écrit-il à sa promise, « ce soir mon ambition sera assouvie : j’ai découvert le secret de la vie et de la mort, et d’ici quelques heures, je donnerai la vie à l’humain le plus parfait que le monde ait connu. Quand j’aurai accompli ce merveilleux travail, je viendrai te demander ta main. » A vrai dire, l’expérience décrivant l’élaboration de la créature semble plus se rattacher à l’alchimie ou la sorcellerie qu’à une pratique scientifique quelconque, dans la mesure où Frankenstein mélange toutes sortes d’ingrédients fumeux et vaporeux dans un grand chaudron, futur berceau du monstre.

La naissance de « la bête » est le véritable morceau d’anthologie du film. Car la forme squelettique, fumante et vaguement humanoïde qui s’extrait de la grande cuve est une vision de cauchemar étonnante, mixant diverses techniques habiles : marionnette mécanique, projection en marche arrière, pyrotechnie… Lorsque survient enfin le monstre, c’est Charles Ogle, un mime au visage particulièrement expressif alors âgé de quarante-cinq ans, qui lui prête ses traits. Selon la même méthode que Lon Chaney, Ogle composa lui-même son maquillage monstrueux, arborant un crâne proéminent, une longue tignasse désordonnée, des yeux exorbités et une mâchoire hideuse, le tout surmontant un corps contrefait et bossu. Sa première apparition, penché les doigts crispés au-dessus de son créateur terrifié, est très impressionnante, rivalisant sans rougir avec des icônes telles que Le Fantôme de l’Opéra de Chaney ou le Nosferatu de Murnau.

« Vaincu par l'amour »

Mais pourquoi l’« être humain parfait » tant convoité s’est-il mué en être monstrueux et diabolique ? S’éloignant des écrits de Mary Shelley, le scénario propose une explication pour le moins évasive, par l’entremise d’un carton expéditif : « Au lieu de créer un humain parfait, l’esprit maléfique de Frankenstein crée un monstre. » Sans doute faut-il lire dans cette réinterprétation une allusion à la dualité qui guette tout scientifique, tour à tour humaniste et apprenti sorcier. Le monstre prenant la fuite, Frankenstein retrouve les siens et décide d’épouser sans plus tarder sa bien-aimée. Mais le soir des noces, alors que tous les invités rentrent chez eux, la créature revient hanter le jeune docteur. Le jeu de cache-cache auquel ils se livrent fait beaucoup perdre de a superbe au monstre, la stature peu impressionnante d’Ogle et ses allures de Quasimodo minimisant l’impact de ses interventions. Jusqu’à un final bizarre où le Monstre, effrayé par son propre reflet dans un miroir, disparaît purement et simplement, « vaincu par l’amour. »

   

© Gilles Penso

THE WARD (2010)

John Carpenter revient sur le tard à l'épouvante minimaliste de ses débuts en développant une intrigue à tiroirs

THE WARD

2010 – USA

Réalisé par John Carpenter

Avec Amber Heard, Mamie Gummer, Danielle Panabaker, Laura-Leigh, Lyndsy Foncesca, Jared Harris, Sali Sayler 

THEMA FANTÔMES I SAGA JOHN CARPENTER

John Carpenter s’était fait discret depuis Ghosts of Mars. Allait-il désormais se contenter de toucher les dividendes des remakes de ses films (The Fog, Assaut, Halloween, The Thing) et déserter définitivement les plateaux de tournage ? Provisoirement, le réalisateur de New York 1997 était repassé derrière la caméra pour signer deux épisodes de la série Masters of Horror, mais ce n’étaient que des soubresauts ne portant qu’en filigrane la signature du grand maître qu’il fut. Pourtant, ce retour sur la chaise du metteur en scène esquissa son envie de retrouver ses premières amours. Et voilà enfin John Carpenter à la tête d’un nouveau long-métrage : The Ward. Bien sûr, tous les espoirs et toutes les craintes se focalisèrent, et quelles que furent les réactions après le visionnage du film, sans doute furent-elles trop extrêmes. Pour l’appréhender le plus justement possible, mieux vaut considérer The Ward comme un film d’épouvante modeste et sincère aux ambitions certes limitées, mais à l’efficacité indéniable. Le générique de début, magnifique, décline avec maestria le motif visuel du verre brisé et de la figure féminine meurtrie pour annoncer graphiquement les thématiques du scénario. Et lorsque le film démarre, dans un décor oppressant étalé sur un généreux format Cinemascope, la patte de Carpenter s’affirme ouvertement.

Nous sommes en 1965, dans la petite ville de North Bend, au fin fond de l’Oregon. Après avoir inexplicablement incendié une ferme, Kristen (Amber Heard) est arrêtée par la police locale et internée dans un institut psychiatrique pour jeunes filles dirigé par le docteur Gerald Stringer, qui expérimente des thérapies d’avant-garde pour soigner ses patientes. Kristen rencontre Emily, Sarah, Zoey et Iris qui, comme elle, sont sous haute surveillance. Persuadée qu’elle n’a pas sa place dans une maison de fous, notre héroïne se met en tête de quitter les lieux. Mais une présence inquiétante rôde dans l’institut et sème bientôt la terreur dans les couloirs sombres, les chambres et même les douches…

Un savoir-faire intact

Avec un savoir-faire que les années n’ont guère émoussé, Carpenter concocte ainsi des séquences d’épouvante d’autant plus efficaces qu’elles se placent à contre-courant de la vogue horrifico-gore dont The Ward est contemporain. Les apparitions spectrales évoquent même par moments celles de Fog, via leur traitement « à l’ancienne », et constituent les morceaux de choix du film. Une fois n’est pas coutume, Carpenter prend beaucoup de plaisir à diriger un casting presque exclusivement féminin. Jusqu’alors habitué aux « films d’hommes » dans la grande tradition du western classique, quitte à supprimer parfois tout élément féminin de ses longs-métrages (comme dans The Thing), le cinéaste arpente ainsi un terrain nouveau. Se jugeant trop vieux (de son propre aveux) pour composer la musique, il confie la bande originale à Mark Kilian, comme pour mieux se concentrer sur ses personnages et sur la mise en image de leurs tourments. Certes, au sein de la flamboyante filmographie de John Carpenter, The Ward est une œuvre mineure, parfois un peu routinière, mais elle témoigne d’une constance indéniable et surtout d’un indéfectible amour du cinéma.

 

© Gilles Penso

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HORRIBLE (1982)

Joe d'Amato retrouve George Eastman, l'acteur principal d'Anthropophagous, pour un nouveau slasher ultra-gore

ROSSO SANGUE

1982 – ITALIE

Réalisé par Joe d’Amato

Avec George Eastman, Annie Belle, Charles Borromel, Katya Berger, Kasimir Berger, Hanja Kochansky, Ian Danby 

THEMA TUEURS

Fidèle à son réalisateur fétiche Joe d’Amato, George Eastman incarne ici une variante du monstre cannibale d’Anthropophagous. On sent bien d’ailleurs que l’outrance du jeu d’Eastman et l’excès des séquences gore s’efforcent de retrouver la recette qui fit du film précédent une œuvre culte. Le lien entre les deux films n’a rien de scénaristique (puisqu’ils racontent deux histoires totalement distinctes) mais une filiation artificielle est cependant entretenue par plusieurs éléments, l’un d’eux consistant à doter le personnage incarné par Eastman d’un patronyme à consonance grecque (Mikos Stenopolis) très proche de celui de l’anthropophage qui se mangeait lui-même deux ans plus tôt (Nikos Karamanlis). Dans certains pays, Horrible se nomme d’ailleurs Anthropophagous 2. Mais qu’on ne s’y trompe pas, le cannibale fou est bien mort à la fin d’ Anthropophagous.

Ici, Eastman est un colosse au regard fou qui, dès le début du métrage, court comme un dératé pour échapper à un mystérieux poursuivant, escalade une grille et s’empale. Le ventre ouvert, les entrailles pantelantes, il est hospitalisé dans un état critique. Mais quelques minutes plus tard, sa santé s’améliore miraculeusement. L’identité de l’homme qui le prenait en chasse est alors révélée. C’est un prêtre, qui s’efforce de cesser les exactions de Stenopolis, fruit d’une expérience secrète du Vatican cherchant à percer les secrets de l’immortalité. Désormais indestructible et capable de régénérer ses cellules, leur cobaye s’est également mué en tueur psychopathe. Ce dernier s’échappe de l’hôpital et sème un terrible massacre dans les parages…

L'outrance excessive des scènes de meurtres

Le postulat n’est pas inintéressant, mais Horrible est une œuvre souvent poussive qui peine à développer cette idée scénaristique imaginée par George Eastman lui-même. Le spectateur s’y ennuie ferme, attendant patiemment les scènes d’horreur qui interviennent à un rythme régulier pour le réveiller de sa torpeur. Gratinées et inventives (une infirmière trépanée, un boucher au crâne tranché par une scie électrique, une pioche plantée dans la tête d’une jeune femme, une autre dont le visage est brûlé vif dans un four), elles souffrent d’effets spéciaux souvent maladroits (la peau fleure bon le plastique et le sang a d’évidentes allures de peinture) et ne bénéficient aucunement de la poésie macabre dont Dario Argento ou Lucio Fulci savaient nimber leurs œuvres les plus extrêmes. Le premier degré prime ici, avec un manque de recul qui laisse pantois. Ce sont pourtant ces séquences horrifiques qui, par leur outrance et leur manque total de retenue, valent le détour, et permirent à Horrible de devenir l’un des titres vedettes des vidéoclubs en 1983. Les usagers savaient à l’époque faire bon usage de leur télécommande, et la touche accéléré était salutaire pour éviter de subir les scènes inutiles et interminables qui ponctuent le film, comme ces gens qui n’en finissent pas de regarder un match de foot à la télé en mangeant des spaghettis ! Un beau climax détournant l’imagerie du conte de fées (l’ogre contre la jeune fille) clôt cependant cet œuvre atypique, que d’Amato signa sous le pseudonyme Peter Newton, et qui sortit aux Etats-Unis sous le titre Absurd… Titre qui, avouons-le, lui va comme un gant !

 

© Gilles Penso

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S.O.S. FANTÔMES (1984)

Maintes fois imitée mais jamais égalée, cette comédie fantastique a su combiner l'alchimie d'une brochette de comédiens en état de grâce et d'un concept joyeusement délirant

GHOSTBUSTERS

1984 – USA

Réalisé par Ivan Reitman

Avec Bill Murray, Dan Aykroyd, Sigourney Weaver, Harold Ramis, Rick Moranis, Annie Potts, Ernie Hudson, William Atherton

THEMA FANTÔMES I SAGA S.O.S. FANTÔMES

Initialement, Ghostbusters devait marquer les grandes retrouvailles à l’écran de Dan Aykroyd et John Belsuhi, quatre ans après Les Blues Brothers. Mais la mort du second poussa le premier à embarquer dans l’aventure d’autres amis comiques, en l’occurrence Bill Murray et Harold Ramis. La première version du script se déroulait dans un futur fantaisiste, mais après qu’Ivan Reitman ait revu le budget à la baisse, Aykroyd et Ramis concoctèrent finalement un scénario situé dans le New York des années 80. Trois étudiants attardés, convaincus de l’existence de phénomènes paranormaux, s’y font renvoyer de l’université. Malgré le professionnalisme indiscutable d’Egon Spengler (Ramis), leurs travaux sont difficiles à prendre au sérieux, en particulier ceux de Peter Venkman (Murray) qui a un penchant très prononcé pour le sexe féminin. Tous trois décident alors de fonder avec l’argent de Raymond Stantz (Aykroyd) une agence spécialisée dans la capture des fantômes. Après la capture d’un spectre glouton dans un hôtel, la gloire et l’argent viennent frapper à leur porte, ainsi qu’un quatrième larron qui se joint à l’équipe (Ernie Hudson). Tout serait simple si Peter n’était tombé amoureux de Dana Barrett (Sigourney Weaver), dont l’immeuble donne sur une autre dimension dirigée par la reine Zul. Lorsque le chef du service d’hygiène de New-York oblige nos chasseurs de fantômes à libérer tous les spectres qu’ils ont capturés, ceux-ci envahissent la ville en semant la panique. C’est le signe que Zul attendait pour envahir la terre…

La grande réussite de Ghostbusters repose sur les étincelles provoquées par son trio vedette, Bill Murray crevant tout particulièrement l’écran grâce à son humour pince sans rire et ses répliques absurdes. Mais là où le film surprend, c’est dans son admirable exercice d’équilibrisme entre la comédie et le fantastique, chacun étant traités avec le même soin, à la manière des bons vieux Abbott & Costello des années 40/50. Du coup, entre les nombreux gags qui ponctuent le récit, l’équipe des effets spéciaux de Richard Edlund nous gratifie d’apparitions spectrales très spectaculaires, variante exacerbée des esprits frappeurs de Poltergeist : un squelette grimaçant dans une bibliothèque, un fantôme vert répondant au surnom de « Slimmy », ou encore d’impressionnants Chiens de la Terreur.

Un bibendum qui se prend pour King Kong

« Pour définir le design de ces créatures, j’ai dû retravailler des dessins de Thom Enriquez, eux-mêmes inspirés du monstre ID de Planète Interdite », explique l’animateur Randy Cook. « Selon les plans, il s’agissait de figurines animées image par image ou de marionnettes grandeur nature. Mon souci principal était de m’assurer qu’on ne détecte pas de différence entre les deux techniques, pour éviter les déconvenues que j’avais eues sur The Thing. » (1) Le clou du spectacle est probablement l’intervention d’un bibendum Marshmallow géant, parodiant joyeusement King Kong au cours d’un climax vertigineux. Succès colossal, Ghostbusters entraîna une séquelle, une série animée et une infinité de produits dérivés portant le célèbre logo du fantôme barré dans un panneau de signalisation.

(1) Propos recueillis par votre serviteur en mai 1999

© Gilles Penso

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LA COLERE DES TITANS (2012)

Distrayante mais totalement facultative, cette seconde "modernisation" du classique de Ray Harryhausen ne vaut que pour son bestiaire original

THE WRATH OF THE TITANS

2012 – USA

Réalisé par Jonathan Liebesman

Avec Sam Worthington, Liam Neeson, Ralph Fiennes, Rosamund Pike, Edgar Ramirez, Toby Kebbell, Bill Nighy, Danny Huston 

THEMA MYTHOLOGIE

Le Choc des Titans de Louis Leterrier nous avait laissé une impression plutôt mitigée. Si quelques séquences marquantes surnageaient, notamment le climax et son très impressionnant Kraken, le scénario péchait par manque de finesse, et certains choix artistiques – des faire-valoir pseudo-comiques, un Pégase noir, une Méduse trop numérique pour convaincre, une 3D bricolée à la va-vite – laissaient singulièrement à désirer. Pourtant, les salles se remplirent et le studio Warner mit aussitôt en chantier une suite. Exit Leterrier, place donc à Jonathan Liebesman, dont la filmographie très inégale compte notamment Massacre à la tronçonneuse : le commencement et World Invasion: Battle Los Angeles. Le cahier des charges du cinéaste était pour le moins prometteur, puisqu’il annonçait ce second opus comme un film de monstre mixé avec le Gladiator de Ridley Scott. Alléchant n’est-ce pas ? Pourtant, face au résultat final, la désillusion s’avère cruelle. Les amateurs du Choc des Titans original de Ray Harryhausen et Desmond Davis crient une nouvelle fois à la trahison, les férus de mythologie grecque s’arrachent les cheveux face à une réinterprétation aussi farfelue qu’indigente des grands mythes fondateurs, et les autres se disent que, finalement, le film de Louis Leterrier n’était pas si mal.

Dix ans après avoir vaincu le Kraken, Persée (Sam Worthington, toujours) est devenu un brave pêcheur, père d’un gentil Helios et veuf de la belle Io. Un jour, papa Zeus (Liam Neeson, venu cachetonner sans conviction sous sa fausse barbe) annonce à Persée que rien ne va plus et que si les hommes arrêtent de prier les dieux, ces derniers perdront tous leurs pouvoirs et disparaîtront. Alors, le redoutable Cronos, qui sommeille au fin fond du Tartare, s’éveillera et sèmera le chaos. Bientôt, une créature infernale surgit des tréfonds de la terre et nous laisse espérer que le film va finalement décoller. Car cette superbe chimère bicéphale, mi-chèvre mi-lion, affublée d’un serpent en guise de queue et d’une haleine enflammée, est la vedette d’une séquence de combat extrêmement spectaculaire. Hélas, ce sera le seul vrai morceau de bravoure du film.

La grande foire d'empoigne

Car si d’autres créatures pittoresques pointent le bout de leur nez et semblent se référer ouvertement au bestiaire de Ray Harryhausen (le cheval ailé Pégase, trois cyclopes géants, un minotaure aux allures de démon cornu, des guerriers siamois et bicéphales et enfin le gigantesque et incandescent Cronos), la mise en scène de Liebesman ne sait jamais les mettre en valeur. Batailles illisibles, topographie imprécise, montage épileptique, tous les travers du cinéma d’action mal maîtrisé sont ici de mise. C’est d’autant plus dommage que les studios d’effets spéciaux sollicités par la production (Framestore et The Motion Picture Company en tête) ont effectué un travail par ailleurs remarquable. Cette grande foire d’empoigne où s’agitent des dieux déchus, des guerriers humains et des monstres féroces finit donc par nous laisser indifférent, et nous rappelle que Ray Harryhausen disait vrai lorsqu’il nous affirmait avec un sourire en coin : « On ne peut pas raconter la mythologie grecque avec une explosion toutes les cinq minutes ! »

© Gilles Penso

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TRAUMA (1976)

Talentueux spécialiste de l'épouvante télévisée, Dan Curtis passe au grand écran pour conter une effrayante histoire de maison hantée

BURNT OFFERINGS

1976 – USA

Réalisé par Dan Curtis

Avec Oliver Reed, Karen Black, Bette Davis, Burgess Meredith, Lee Montgomery, Eilen Heckart, Dub Taylor, Joseph Riley

THEMA FANTÔMES

Si Dan Curtis est un grand spécialiste du fantastique et de l’épouvante, ses talents se sont principalement déployés à la télévision. En ce sens, Trauma fait quasiment figure d’exception dans la mesure où il s’agit d’une de ses rares incursions sur le grand écran. S’appuyant sur le roman « Burnt Offerings » écrit en 1973 par Robert Marasco, Curtis démontre une fois de plus la grande efficacité de sa mise en scène sans recourir pour autant au moindre maniérisme, témoin de son expérience télévisuelle le poussant à aller à l’essentiel avec une économie de moyens remarquable. Ben Rolf (ce bon vieux Oliver Reed) et son épouse Marian (Karen Black, enceinte de quatre mois pendant le tournage), mariés depuis maintenant treize ans, viennent passer leurs vacances avec leur fils David (Lee Montgomery) et leur tante Elizabeth (Bette Davis) dans une immense maison étonnamment bon marché. Les propriétaires sont un frère et une sœur bizarres (Burgess Meredith et Eilen Heckart) qui ne leur réclament que 900 dollars pour tout l’été ainsi qu’une clause inhabituelle : servir les repas de leur vieille mère de 85 ans, cloîtrée dans une chambre au dernier étage de la maison. Dès les premières minutes du film, l’étrangeté s’immisce en douceur, notamment à travers la musique de Bob Cobert qui dote le moindre détail d’une touche insolite. Puis les comportements commencent à vaciller.

Tout commence lorsque Ben, en jouant dans la piscine avec David, tente subitement de le noyer, comme s’il était possédé par une force extérieure. Puis ses cauchemars d’enfance viennent le hanter : pendant l’enterrement de sa mère, un corbillard passe, derrière le volant duquel un croque-mort aux yeux cachés derrière des lunettes noires le regarde avec un rictus démoniaque. Marian elle-même commence à agir bizarrement. Apparemment obnubilée par leur mystérieuse hôtesse, elle ne laisse personne d’autre qu’elle s’en occuper et la visiter. Son apparence se met d’ailleurs à changer subtilement. Elle troque bientôt le jean et la chemise des années 70 contre une robe et un châle d’un autre âge, s’éclaire à la bougie, mange avec des couverts en argent… Quant à la tante Elizabeth, elle perd peu à peu toute son énergie, s’épuisant de plus en plus fréquemment.

La maison est vivante !

Un soir, à minuit, les horloges déréglées de la maison se mettent à l’heure toutes seules, et David manque d’être asphyxié par une fuite de gaz dans le chauffage de sa chambre. Plus tard, la mort frappe de plein fouet nos héros. La maison, comme ayant acquis une énergie nouvelle, se débarrasse alors de son écorce et rajeunit de surnaturelle manière. Même la serre, où toutes les plantes étaient en train de pourrir, refleurit soudain miraculeusement. Ben et David tentent bien de s’enfuir, mais les arbres et les plantes s’animent pour les en empêcher… La maison agit ainsi comme une entité propre, une mère possessive qui envoûte ses occupants, les prive d’autonomie, les rend dépendants et les empêche de quitter son giron. S’achevant sur un dénouement choc d’une étonnante brutalité, Trauma est assurément un grand moment d’épouvante.

 

© Gilles Penso

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