BATMAN FOREVER (1995)

Après le mémorable diptyque de Tim Burton, Joel Schumacher prend le relais et saccage joyeusement la franchise Batman

BATMAN FOREVER

1995 – USA

Réalisé par Joel Schumacher

Avec Val Kilmer, Nicole Kidman, Jim Carrey, Tommy Lee Jones, Chris O’Donnell, Michael Gough, Pat Hingle, Drew Barrymore

THEMA SUPER-HEROS I SAGA BATMAN I DC COMICS

Un peu trop sombre au goût des dirigeants de Warner, Batman le défi s’éloignait de la vision « familiale » que le studio souhaitait donner du super-héros imaginé par Bob Kane. Peu attiré par la tournure colorée et bon enfant que s’apprêtait à prendre le troisième épisode de la saga, Tim Burton se retira donc du projet, occupant simplement un rôle de producteur, et céda la place à Joel Schumacher. Ce désistement entraîna celui de Michael Keaton, et dans la foulée de Rene Russo, la compagne de Mel Gibson dans L’Arme fatale 3 qui devait, à l’origine, jouer la petite amie de Bruce Wayne. S’estimant trop âgée pour partager la vedette avec le nouveau Batman (Val Kilmer), elle laissa son rôle vacant à une jeune Nicole Kidman pas encore starifiée. D’autres postes clefs se modifièrent en cours de route. Billy Dee Williams, interprète du district attorney Harvey Dent dans le précédent Batman, fut remplacé par Tommy Lee Jones, et le compositeur Danny Elfman laissa Elliot Goldenthal signer la partition de ce troisième opus.

Une fois ce jeu des chaises musicales terminé, Batman Forever put enfin prendre forme… au grand désespoir des fans de l’homme-chauve-souris, pas vraiment préparés à un tel massacre ! Car si Joel Schumacher avait su doter certains de ses films précédents d’une vraie personnalité et d’un style séduisant (Génération perdue, L’Expérience interdite, Chute libre), il livre ici l’une de ses œuvres les plus grossières et les plus indigestes. La direction artistique de Batman Forever atteint en effet des sommets de mauvais goût (on n’est pas prêts d’oublier la combinaison disco lumineuse du Riddler ou la cuirasse ornée de tétons de Batman !), les acteurs sont en totale roue libre (Kilmer et Kidman sont aussi transparents qu’une bouteille d’Evian, Tommy Lee Jones et Jim Carey cabotinent jusqu’à l’épuisement) et le scénario évacue tout enjeu dramatique digne de ce nom.

Costumes disco et armures à tétons

Même si elle se centre enfin sur le personnage de Bruce Wayne / Batman, ce qui n’était pas vraiment le cas du diptyque signé Tim Burton, l’intrigue ne vise ici qu’à collectionner les morceaux de bravoure attendus par le public : les origines du Riddler (Sphinx en VF) et de Robin, une démonstration ostentatoire des véhicules-gadgets du héros (Batmobile, Batboat, Batwing), les aventures amoureuses de Bruce Wayne, la lutte côte à côte de Batman et Robin, l’explosion finale du repaire des méchants façon James Bond… Le montage nerveux (à la limite du lisible pendant les scènes d’action), les déflagrations en série et la bande son surchargée endorment peut-être les sens des spectateurs mais ne remplissent pas les lacunes du scénario. Quelques éléments intéressants surnagent timidement, comme la mort des parents de Robin ou la présence de l’hôpital Arkham, sans hélas s’imbriquer correctement dans cet imbroglio d’invraisemblances. Au détour d’un dialogue de Kilmer et Chris O’Donnell, une allusion à la ville de Metropolis laissait à l’époque imaginer un crossover entre Batman et Superman. Mais il faudra attendre plus de vingt ans pour que cette rencontre légendaire (tout à fait envisageable dans la mesure où les deux personnages sont chez le même studio, le bien nommé Warner) dépasse le stade de fantasme de fan.

© Gilles Penso

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LA TOUR INFERNALE (1974)

Paul Newman et Steve McQueen luttent contre les flammes dans le plus grand film catastrophe de tous les temps

THE TOWERING INFERNO

1974 – USA

Réalisé par John Guillermin

Avec Paul Newman, Steve McQueen, William Holden, Fred Astaire, Faye Dunaway, Richard Chamberlain, Robert Vaughn

THEMA CATASTROPHES

Irwin Allen ayant connu un franc succès en produisant L’Aventure du Poséidon, il réitéra l’expérience deux ans plus tard avec cette Tour infernale qui le propulsa à nouveau au sommet du box-office. Cette fois-ci, c’est le vétéran John Guillermin qui est aux commandes, et le casting s’avère encore plus impressionnant que dans le film de Ronald Neame, réunissant rien moins que Paul Newman, Steve McQueen, Fred Astaire, Faye Dunaway, Richard Chamberlain, Robert Vaughn, Robert Wagner, O.J. Simpson, bref rien que du beau monde. Inspiré par les romans « La Tour » de Richard Martin Stern et « L’Enfer de Verre » de Thomas N. Scortia et Frank M. Robinson, La Tour infernale semble à la fois conçu comme une ode au courage des pompiers (à qui le film est d’ailleurs dédié) et au savoir-faire des techniciens d’effets spéciaux.

Après de longues vacances, l’architecte Doug Roberts (Newman) vient assister à l’inauguration de « la Tour de Verre » un building de 138 étages qui a été bâti en plein San Francisco selon ses plans, sous le giron de l’empire financier Duncan Enterprises, et qui s’avère être rien moins que le plus grand gratte-ciel du monde. L’immense bâtiment est quasiment terminé, et la fête bat son plein, réunissant tous les VIP de la ville. Assez rapidement, Roberts constate que l’installation électrique de la tour ne respecte pas les normes qu’il avait indiquées, d’où un certain nombre de courts-circuits fâcheux. Bientôt, un incendie se déclare dans un des locaux techniques et gagne peu à peu tous les étages, menaçant les trois cents invités incapables de s’échapper de cette colossale tour muée en funeste prison de verre. Tandis que Roberts s’efforce de lutter contre le feu à l’intérieur du bâtiment, le chef des pompiers de la ville Michael O’Halloran (McQueen) et son bataillon entament une homérique bataille contre le brasier croissant.

La nouvelle Tour de Babel…

Avec La Tour infernale, John Guillermin signe probablement son meilleur film, aidé par le charisme de ses deux têtes d’affiche, par les maquettes extraordinaires de L.B. Abbott, les impressionnants effets pyrotechniques d’A.D. Flowers et les spectaculaires cascades réglées par Paul Stader. Nouvelle variante autour du Titanic, la Tour de Verre se positionne ici comme un symbole évident de l’orgueil déplacé d’hommes trop fiers de leur entreprise pour en mesurer les dangereuses conséquences, comme en témoigne la savoureuse joute verbale qui oppose Paul Newman et Steve McQueen, physiquement réunis pour la première et dernière fois au cours du dénouement du film. Le choix de situer l’action dans le plus grand building du monde permet par ailleurs de décliner cette thématique sous deux autres formes, l’une liée à la puissance sexuelle (le gratte-ciel est un indéniable symbole phallique), l’autre au défi de Dieu par l’homme (la Tour de Verre équivalant à une nouvelle Tour de Babel). Fort de cette symbolique chargée et de ses multiples qualités formelles, La Tour infernale s’est imposé comme le mètre-étalon toutes époques confondues du film catastrophe, plus encore que L’Aventure du Poséidon, et l’impact de ses séquences mouvementées résonne ouvertement dans des œuvres telles que Piège de cristal ou Backdraft.

 

© Gilles Penso

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LES RATS DE MANHATTAN (1983)

50 % film post-apocalyptique, 50% film d'invasion animales, 100% série Z italienne qui se déguste sans modération

RATS : NOTTE DI TERRORE

1983 – ITALIE / FRANCE

Réalisé par Bruno Mattei

Avec Alex MacBride, Richard Cross, Richard Raymond, Janna Ryan, Ann-Gisel Glass, JC Brétignière, Moune Duvivier

THEMA FUTUR I MAMMIFERES

Cet improbable croisement entre Mad Max et Willard s’inscrit dans la vogue des aventures post-apocalyptiques à tout petit budget dont raffolaient les cinéastes italiens des années 80, tout en y mêlant une bonne dose d’horreur héritée de George Romero et Lucio Fulci. Le scénario d’Hervé Piccini et Claudio Fragasso (que certaines sources citent comme le co-réalisateur non crédité du film) se situe au 21ème siècle, plus précisément en l’an 225 après la bombe. Assez curieusement, la trame évoque beaucoup le roman « L’Empire des Rats » (alias « Domain ») qu’écrivit James Herbert la même année. L’humanité a été ravagée par un sempiternel holocauste nucléaire, et les rares survivants motorisés, émules de Mel Gibson, errent en bandes à la recherche d’abri et de vivres. L’une de ces hordes sauvages, menée par un certain Kurt (Richard Raymond, pseudonyme d’Ottaviano Dell’Acqua), s’arrête dans une petite ville en ruines et trouve refuge dans ce qui ressemble à un centre de recherches désaffecté.

Affublés de surnoms saugrenus tels que Chocolat, Lucifer, Vidéo ou Deus, nos joyeux drilles armés jusqu’aux dents découvrent un important stock de nourriture, de l’eau potable et des serres en activité. Ravis de leur trouvaille, ils s’installent dans leur petit oasis artificiel… Ignorant qu’ils vont devoir le partager avec des milliers de rats mutants extrêmement agressifs et de surcroît anthropophages (interprétés pour la plupart par des cochons d’inde peints en noir, quand ce ne sont pas de simples répliques en plastique pas convaincantes pour un sou). Une sanglante et inégale lutte s’amorce alors, décimant peu à peu les rangs de la petite armée de Kurt. Et comme Bruno Mattei, sous son habituel pseudonyme de Vincent Dawn, a été quelque peu marqué par Zombie (qu’il plagia trois ans plus tôt à l’occasion de Virus cannibale), les cadavres affreusement amochés s’accumulent dans le film, assortis de séquences gore qui ne reculent devant aucun excès. Parmi les plus gratinées, il y a ce rat qui surgit par la bouche du cadavre dénudé de la malheureuse Lilith (Moune Duvivier), ou le corps décomposé du massif Taurus (Alex McBride alias Massimo Vanni) qui explose, ses entrailles révélant des dizaines de rongeurs voraces.

« Bon Dieu, ils sont des milliers ! »

Ces débordements n’empêchent guère le film de susciter plus d’ennui que d’intérêt, empêtré qu’il est dans ses péripéties molles, ses dialogues risibles (« Bon Dieu ! Ils sont des milliers ! Ils vont nous bouffer le cul ! »), sa musique synthétique quasi-inaudible signée Luigi Ceccarelli et ses comédiens catastrophiques. A ce titre, les séquences où les filles sont censées hurler de peur constituent d’excellents morceaux d’humour involontaire. Le film pioche aussi son inspiration dans les classiques, Les Oiseaux et La Nuit des morts-vivants en tête, sans en ressortir grandi pour autant. Ces Rats de Manhattan s’achèvent malgré tout sur un coup de théâtre assez savoureux, qui justifie le second titre sous lequel le film fut distribué en France : Les Mutants de la 2ème humanité. Assez bizarrement, cette série Z serait le film dont Bruno Mattei est le plus fier. Voilà qui laisse songeur sur le reste de sa filmographie…

© Gilles Penso

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LA NUIT DES CHAUVES-SOURIS (1999)

Ce film d'attaque animale qui s'inspire souvent des Oiseaux confirme tout le bien que nous pensons de Louis Morneau

BATS

1999 – USA

Réalisé par Louis Morneau

Avec Lou Diamond Phillips, Dina Meyer, Leon, Carlos Jacott, Bob Gunton, David McConnell, Marcia Dangerfield

THEMA MAMMIFERES

La Nuit des chauves-couris est le huitième film de Louis Morneau, un réalisateur amoureux du genre qui nous offrit notamment Carnosaur 2, Rétroaction et Fausse donne. Si Morneau s’est toujours cantonné aux sympathiques séries B, son scénariste John Logan est depuis longtemps entré dans la cour des grands, puisqu’il signa des scripts de haut niveau pour Ridley Scott (Gladiator), Martin Scorcese (Aviator) ou encore Tim Burton (Sweeney Todd). Marchant volontiers sur les traces des Oiseaux d’Hitchcock, Morneau et Logan nous offrent ici un petit film à mi-chemin entre l’épouvante et la catastrophe, plein d’énergie et de second degré, qui se consomme sans modération et avec un vrai plaisir d’amateur.

Dans une petite ville du Texas, plusieurs cadavres d’animaux sont retrouvés mutilés. Lorsque les victimes suivantes sont humaines, les autorités commencent à s’inquiéter sérieusement. Les coupables semblent être des chauve-souris indonésiennes mutantes. Responsable de leur mutation, le docteur Alexander Mc Cabbe (Bob Gunton) leur a inoculé un virus afin d’accroître leur intelligence, leur aptitude à travailler collectivement et leur agressivité. Autre caractéristique non négligeable : elles sont maintenant omnivores, avec un penchant tout particulier pour la viande. Evidemment, le gouvernement, en quête de nouvelles formes d’armes, est derrière cette hérésie. Avant que ces chauves-souris monstrueuses ne prolifèrent, la zoologiste Sheila Casper (Dina Meyer), son assistant Jimmy (Leon) et le shérif Emmett Kimsey (Lou Diamond Philips) font équipe, leur but premier étant d’éviter à tout prix qu’elles ne propagent le virus aux chiroptères non encore contaminés. « Si leurs habitudes alimentaires se dérèglent, on peut dire adieu à cette belle chose qu’est l’équilibre alimentaire » lance la belle Sheila en guise de signal d’alarme.

Petit budget mais gros effets

Si le sujet est très classique, Louis Morneau sait le transcender par la vigueur de sa mise en scène. La caméra est en mouvement permanent, le montage est nerveux, les cadres en Scope très soignés et la magnifique photo de George Mooradian valorise à merveille les basses lumières. Mélange d’images de synthèse et de marionnettes, les créatures constituent une menace tangible, palpable. Rarement chauves-souris auront été aussi effrayantes à l’écran. Bats collecte d’ailleurs quelques séquences d’anthologies héritées presque toutes des Oiseaux : la première attaque dans la voiture, l’invasion spectaculaire de la ville de Gallup, l’assaut du collège barricadé ou encore le final au cours duquel les héros harnachés comme des cosmonautes affrontent les monstres dans leur repaire souterrain. Suspense à foison, effets pyrotechniques généreux, scènes de panique à grande échelle… Morneau n’y va pas avec le dos de la cuiller et nous donne l’impression d’une superproduction avec un budget pourtant très modeste de six millions et demi de dollars (cinq fois moins qu’un Arachnophobie produit pourtant près de dix ans plus tôt !). C’est dire le savoir-faire et la dévotion de cet artisan pas toujours reconnu à sa juste valeur.


© Gilles Penso

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ISOLATION (2005)

Le talent de Billy O'Brien éclate dès son premier film, une fable intimiste qui bascule dans l'horreur lorsque des bovidés mutants passent à l'attaque…

ISOLATION

2005 – GB / IRLANDE

Réalisé par Billy O’Brien

Avec John Lynch, Essie Davis, Ruth Negga, Sean Harris, Marcel Iures, Crispin Letts

THEMA MAMMIFERES

Féru d’épouvante et de science-fiction, Billy O’Brien a grandi dans une ferme irlandaise. Pour son premier long-métrage, il paraissait normal que ce jeune diplômé des Beaux-Arts s’efforce de combiner son goût du fantastique et son expérience personnelle. D’où Isolation, une œuvre d’autant plus intrigante qu’elle s’éloigne des sentiers battus malgré un argument de départ digne d’un Roger Corman des années 50. Dan Reilly, à la tête d’une modeste exploitation agricole, a bien du mal à joindre les deux bouts. C’est donc en désespoir de cause qu’il accepte de soumettre son bétail à des tests de fécondation, histoire d’arrondir ses fins de mois. Hélas, le laboratoire de biotechnologie qui gère ces expériences semble ne pas avoir estimé à sa juste valeur les dangers encourus. Bientôt, l’une des vaches de Dan met bas une génisse elle-même enceinte de plusieurs fœtus anormaux. Voraces, monstrueux, structurés autour d’un exo-squelette acéré et porteurs d’une maladie contagieuse, ils meurent tous à la naissance. Tous sauf un…

Certes, le refrain semble connu, et les monstres génétiques traquant du gibier humain dans un huis clos inquiétant sont légion depuis de nombreuses décennies. Mais là où Billy O’Brien surprend, c’est par ses partis pris de mise en scène et sa direction d’acteurs, à mille lieues de ce qui se pratique généralement dans le domaine des « monster movies ». Ici, le réalisme et la crudité semblent être les maîtres mots. Fragilisés psychologiquement, les personnages communiquent aux spectateurs leurs failles, et décuplent du coup le processus d’identification. Le fermier Reilly est un homme triste et taciturne rongé par le remords. Son ex-compagne, Orla, assume difficilement leur séparation ainsi que son implication dans les expérimentations en cours. Son patron John échappe au manichéisme des savants fous traditionnels par l’humanisme qui perce sous sa carapace obsessionnelle et déterminée. Quant à Mary et Jamie, les deux gitans échoués là par accident, ils fuient le courroux de leurs familles respectives furieuses de leur union et tentent de préserver coûte que coûte la solidité de leur relation malgré le drame monstrueux qui couve.

Une atmosphère moite et crasse

A ces profondeurs psychologiques inattendues, O’Brien ajoute un style visuel plus proche du cinéma d’auteur indépendant que de l’épouvante hollywoodienne. La caméra est à l’épaule, les lumières sont crues, les comédiens semblent parfois improviser et le montage privilégie les jump-cut et les moments de silence pesants. Le tout dans une atmosphère moite et crasse, où l’humidité s’insinue partout et où la boue macule les pas de chaque protagoniste. L’ombre de quelques classiques de l’horreur plane tout de même sur le métrage, notamment Alien et The Thing, en particulier au cours des séquences de suspense et de panique liées à la présence du monstre. Mais là aussi, le cinéaste emprunte des chemins de traverse, évacuant l’emploi habituel d’images de synthèses au profit d’effets spéciaux 100% physiques conçus par le vétéran Bob Keen (HellraiserEvent Horizon). Isolation est donc un premier film pour le moins novateur, primé à juste titre au 13ème Festival de Gérardmer.


© Gilles Penso

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RAZORBACK (1984)

Le premier long-métrage de Russell Mulcahy cultive une esthétique de vidéoclip des années 80 pour narrer les méfaits d'un titanesque sanglier

RAZORBACK

1984 – AUSTRALIE

Réalisé par Russell Mulcahy

Avec Gregory Harrison, Chris Haywood, Bill Kerr, Arkie Whiteley, Judy Morris, David Argue, John Howard, John Ewart, Don Smith

THEMA MAMMIFERES

Prestigieux réalisateur de vidéoclips dans les années 80, Russel Mulcahy revint dans son Australie natale pour diriger Razorback, son premier long-métrage. Dans la petite ville de Gramulla vivent le vieux chasseur Jake Cullen et son neveu de deux ans Scotty. Un soir de tempête, un sanglier gigantesque, le razorback, surgit sans crier gare, détruisant la maison et emportant l’enfant. Au cours de l’enquête qui suit, personne ne croit au témoignage de Jake, qu’on prend désormais pour un vieux fou. Deux ans plus tard, Beth Winters, une journaliste new-yorkaise de la ligue mondiale de défense des animaux, vient sur place faire un reportage sur le massacre des kangourous. L’accueil des autochtones est pour le moins glacial. Cullen, pour sa part, est désormais obsédé par la chasse au razorback, fidèle au motif classique de Moby Dick et du capitaine Achab.

Un soir, Beth filme deux chasseurs, les frères Baker, qui la prennent en chasse avec leur camionnette rouillée et customisée façon Mad Max 2 et s’apprêtent à la violer. Mais un bruit sourd leur fait prendre la fuite. Bientôt, le razorback défonce la voiture de Beth et l’emporte dans sa gueule. Dans cette scène très efficace, le sanglier n’est aperçu que furtivement, suivant le modèle des Dents de la mer. Karl, l’époux de Beth, débarque alors à Gramulla pour retrouver sa trace. Il mène l’enquête, part chasser avec les frères Baker qui l’abandonnent en pleine nuit, et se retrouve plongé dans les étendues désertiques et boueuses de l’Australie profonde. Après une nuit éprouvante passée dans la campagne glaciale, juché sur une éolienne, il cherche son chemin et se retrouve en proie à des hallucinations. Il semble alors traverser des étendues post-apocalyptiques, fouler le sol d’une planète inhospitalière. La terre se fissure comme en proie à un séisme colossal, des squelettes de sanglier surgissent du sol, des monolithes de pierre s’érigent sur un sol craquelé… Le temps d’un plan furtif, Karl croit même que Sarah, la jeune femme qui l’a recueilli et soigné, a un visage de sanglier !

Nuits bleutées et cieux écarlates

Esthétiquement, Razorback est une pure merveille, pour peu qu’on accepte le visuel artificiel alors très en vogue dans les années 80, que Mulcahy hérite de son expérience du clip. Toutes les lumières sont abondamment filtrées, les nuits balayées par des sources de lumière irréelles, les avant-plans savamment composés, les transitions nerveuses et inventives (le cinéaste en fera sa marque de fabrique pour Highlander). Les cieux sont rouges, les nuits bleutées, et le chef opérateur Dean Semler (déjà à l’œuvre sur Mad Max 2) abuse des contre-jours, des mouvements de grue et des fumigènes… Parfois, la pilule est dure à avaler, notamment avec ces cieux écarlates à la Autant en emporte le vent ou ces projecteurs géants noyés dans les fumigènes qui percent sans raison l’obscurité nocturne en dessinant des faisceaux dans les arbres. La musique synthétique elle-même a pris un sacré coup de vieux. Mais le film demeure un spectacle de haut niveau, bénéficiant d’un monstre animatronique extrêmement efficace (conçu par Bob McCarron), nous offrant une belle galerie de rednecks australiens, et s’achevant sur un affrontement spectaculaire dans l’usine des frères Baker.

 

© Gilles Penso

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LA FELINE (1982)

Paul Schrader nous propose un audacieux remake du classique de Jacques Tourneur dans lequel il transforme Nastassja Kinski en troublante femme panthère

CAT PEOPLE

1982 – USA

Réalisé par Paul Schrader

Avec Nastassja Kinski, Malcolm McDowell, John Heard, Annette O’Toole, Ruby Dee, Ed Begley Jr, Scott Paulin 

THEMA MAMMIFERES

En s’attelant au remake de La Féline de Jacques Tourneur, Paul Schrader s’est attaché à rendre explicite tout ce qui avait été simplement évoqué dans le film précédent : l’érotisme, la violence et les effets spéciaux. Du coup, la belle Nastassja Kinski (reprenant le rôle d’Irena, la femme panthère incarnée par Simone Simon) révèle ici son anatomie sous la moindre de ses coutures, le sang coule généreusement (notamment avec le bras arraché d’un employé du zoo ou les restes en charpie d’une victime dans un hôtel), et le maquilleur Tom Burman s’adonne à des métamorphoses très graphiques, héritées d’Hurlements et du Loup-Garou de Londres. Même le scénario s’efforce de nous expliquer en détail l’origine de ces étranges « cat people » : un peuple qui sacrifiait jadis des nouveaux-nés aux fauves, jusqu’à ce que l’âme des animaux ne s’empare d’eux et ne les transforme en bêtes humaines condamnées à l’inceste, sous peine de se transformer en félins dès le premier acte sexuel, et de ne pouvoir retrouver forme humaine qu’après avoir dévoré leur amant.

Et tandis qu’Irena avoue en début de film qu’elle a toujours eu « un étrange métabolisme », son frère Paul lui résume plus tard sans concession la malédiction qui les frappe : « Chaque fois que cela arrive, tu te dis que c’est l’amour. Mais ce n’est pas le cas. C’est le sang. Et la mort. Tu ne peux échapper à ton cauchemar sans moi, et je ne peux échapper à mon cauchemar sans toi. Je t’ai attendue longtemps… » Ce parti pris démonstratif est tout à fait en accord avec les envies du public des années 80, bien moins enclin à la suggestion que celui des années 40, mais on ne peut s’empêcher de garder un faible pour les subtilités de la version Tourneur. D’ailleurs, lorsque le film de Schrader imite littéralement son modèle, avec l’entrée de champ du tramway qui rugit comme un fauve ou la scène de la fille terrorisée dans la piscine (la prude Jane Randolph étant ici remplacée par une Annette O’Toole aux seins nus), il peine à l’égaler en efficacité et en atmosphère. Pourtant, La Féline version 82 n’est pas dénuée de charme.

Les vocalises de David Bowie

Le casting est extrêmement intelligent, dans la mesure où Kinski et McDowell se ressemblent effectivement comme frère et sœur et arborent des traits félins indéniables. La mise en scène elle-même regorge d’idées visuelles et d’étonnantes ruptures de rythme, nimbée qu’elle est par une magnifique photographie de John Bailey, tandis que la Nouvelle-Orléans prend ici une tournure onirique, quasi surréaliste, sous la direction artistique inspirée de Fernando Scarfiotti. Quant à la musique de Giorgio Moroder, moins disco et vulgaire qu’à l’ordinaire, elle se pare avec bonheur des vocalises envoûtantes de David Bowie. De son propre aveu, Paul Shrader n’y allait pas de main morte avec à la drogue pendant le tournage, s’avérant parfois même incapable de diriger ses comédiens, ce qui entraîna l’interruption des prises de vues pendant une journée entière ! Cette nouvelle Féline n’enthousiasma guère la presse de l’époque, trop prompte sans doute aux comparaisons avec le classique qui le précéda de quarante ans.

 

© Gilles Penso

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CUJO (1983)

Un brave Saint-Bernard se transforme en monstre assoiffé de sang dans cette adaptation d'un célèbre roman de Stephen King

CUJO

1983 – USA

Réalisé par Lewis Teague

Avec Dee Wallace, Christopher Stone, Daniel Hugh-Kelly, Danny Pintauro, Ed Lauter, Kaiulani Lee, Billy Jane, Mills Watson

THEMA MAMMIFERES I SAGA STEPHEN KING

Publié partiellement sous le titre « The Monster in the Closet » puis dans son intégralité en 1981, « Cujo » est souvent considéré comme l’un des romans les plus terrifiants de Stephen King. Les succès de CarrieShining et Christine aidant, ce bon vieux routard de Dino de Laurentiis n’attendit guère pour s’attaquer à son tour à la poule aux œufs d’or. Il confia donc la mise en scène de Cujo à Lewis Teague, auteur de L’Incroyable alligator, et le scénario à Don Carlos Dunaway et Lauren Currier, spécialisés dans la série TV. Ces derniers simplifient le récit initial et évacuent ses éléments surnaturels pour se concentrer sur le personnage de Donna Trenton. Interprétée par Dee Wallace, valeur sûre du cinéma fantastique depuis Hurlements et E.T., cette femme au foyer partage son temps entre son époux Vic (Daniel Hugh Kelly), absorbé par son envahissant travail de publicitaire, son fils Tad (Danny Pintauro), effrayé par d’hypothétiques monstres dans le placard de sa chambre, et son amant Steve (Christopher Stone, le véritable époux de la comédienne) avec qui elle souhaite rompre.

La première partie du film brosse ainsi des portraits de la vie quotidienne américaine, dans l’éternelle petite ville de Castle Rock. Pas passionnante outre mesure, cette introduction bénéficie toutefois de l’indéniable conviction de ses comédiens, et sème les graines du cauchemar à venir. Lorsque Vic découvre l’infidélité de son épouse, il part travailler à l’autre bout du pays, tandis que Donna et son fils emmènent leur vieille voiture en panne chez le garagiste Camber. Or la séquence prologue du film nous a annoncé que Cujo, le brave Saint-Bernard de Camber, filait un mauvais coton. En effet, après avoir coursé un lapin à travers bois, il a plongé sa grosse tête dans une caverne avant de se faire mordre par une chauve-souris. Le toutou ne s’est pas converti au vampirisme pour autant, mais désormais il est enragé et mû par une inquiétante folie meurtrière. Son maître et un voisin ont déjà péri sous ses crocs baveux, et Cujo rôde désormais dans le garage. En découvrant que le Saint-Bernard s’est mué en monstre, Donna et Tad décident de prendre la poudre d’escampette, mais leur voiture refuse de démarrer. Et s’ils mettent un pied dehors, le molosse ne fera d’eux qu’une bouchée.

Le T-Rex de Jurassic Park avec dix ans d'avance…

Voilà donc le huis clos installé, et Lewis Teague réussit l’exploit de centrer désormais toute l’action du film autour d’une situation aussi basique, effrayant son spectateur à plus d’une reprise et annonçant avec dix ans d’avance la fameuse scène de tyrannosaure sur la route de Jurassic Park. Le concept est simple mais fort, et fonctionne presque aussi bien que dans le livre, d’autant que le chien est hideux à souhait : sali, le poil hirsute, la bave aux lèvres, les mâchoires menaçantes… L’exploit est d’autant plus notable qu’un Saint-Bernard suscite par nature beaucoup de sympathie. La mise en scène extrêmement efficace s’assortit d’une photographie très soignée, œuvre d’un Jan de Bont qu’on retrouvera une décennie plus tard aux commandes de Speed et Twister. Quant à Teague, ce sera son seul vrai titre de gloire, ses autres films n’étant guère passés à la postérité. Dommage que le final, très abrupt, n’ait pas osé reprendre la noirceur du texte de King pour s’acheminer vers une conclusion plus classique.

 

© Gilles Penso

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SPIDERS (2000)

Un petit budget mais de grandes ambitions pour ce film racontant une spectaculaire invasion d'araignées géantes

SPIDERS

2000 – USA

Réalisé par Gary Jones

Avec Lana Parrilla, Josh Green, Oliver Macready, Nick Swarts, Mark Phelan, David Carpenter, Leslie Harter Zemeckis

THEMA ARAIGNEES

Avec une poignée de dollars en guise de budget, quelques bouts de décor et des acteurs de seconde zone, Gary Jones se paie l’ambition d’une superproduction à mi-chemin entre Aliens et Tarantula. Résultat : un Spiders décomplexé qui accumule les séquences choc tout en renouvelant hardiment le thème de l’araignée géante. Passionnée par les extra-terrestres, Marci en a fait son violon d’Ingres, et rédige régulièrement des articles concernant les petits hommes verts dans le journal de son lycée. Enquêtant avec deux de ses amis sur une zone militaire top secrète, elle assiste au crash d’une navette spatiale. A l’intérieur se trouvent des cadavres horriblement mutilés, ainsi qu’un astronaute moribond, le visage hideusement déformé par les rayons cosmiques. Lorsqu’une petite escouade vient nettoyer les lieux, nos trois intrépides reporters se cachent dans une camionnette et entrent à l’insu de tous dans la base militaire. Là, entre deux découvertes fort inquiétantes (un homme en hibernation, des aliens conservés dans du formol), ils apprennent le fin mot de l’histoire. La navette contenait une grosse tarentule, affectueusement surnommée « Belle Mère », que les astronautes avaient pour mission de faire muter en lui injectant en apesanteur de l’ADN extra-terrestre.

L’objectif ? Créer une nouvelle race indestructible pour franchir les lignes ennemies en cas de guerre ! Le problème, c’est qu’après le crash, « Belle Mère » a pondu un œuf dans le corps du seul survivant de l’expédition. Ce qui nous vaut une séquence abominablement excessive, héritée d’Alien et de The Thing, au cours de laquelle une araignée grosse comme un chien s’extrait patte par patte de la bouche du malheureux, via un trucage repoussant pour le moins efficace. La suite n’évite pas les conventions post-Aliens du grand monstre pourchassant héros et militaires dans les coursives du laboratoire, mais grâce à l’audace des images de synthèse de Flat Earth (la série Hercule, le premier Blade), aux effets gore sans concession de l’atelier KNB (Une nuit en enfer) et à la mise en scène ultra-dynamique de Gary Jones, Spiders génère de beaux moments d’action et de suspense.

Une araignée qui se prend pour King Kong

Ne cessant de croître, l’araignée atteint bientôt la taille d’une vache, et dévore tous ceux qui croisent son chemin, les emprisonnant dans sa gigantesque toile. D’où une séquence éprouvante au cours de laquelle elle glisse inexorablement vers l’une de ses proies immobilisées, tandis que la partition de Bill Wandel s’amuse à broder de discrètes variantes autour de la comptine pour enfants « L’araignée Gypsy » ! Le final, démentiel, voit l’araignée désormais grosse comme une maison attaquer les gens dans la rue, dévorer les automobilistes, renverser les voitures, puis escalader un building où elle s’achemine fatalement vers un dénouement à la King Kong, l’héroïne la pulvérisant d’un coup de lance-roquettes sans omettre préalablement de la traiter de «bitch» comme Sigourney Weaver dans Aliens. Bref, une bonne vieille série B musclée, dont le grain de folie nous fait oublier la déficience de certains effets 3D hasardeusement incrustés, les multiples incohérences qui jonchent le récit et l’insipidité de la plupart des dialogues.
 

© Gilles Penso

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ARACHNOPHOBIE (1990)

Pour sa première mise en scène, Frank Marshall lâche sur son casting une horde de bêtes à huit pattes particulièrement agressives

ARACHNOPHOBIA

1990 – USA

Réalisé par Frank Marshall

Avec Jeff Daniels, John Goodman, Julian Sands, Harley Jane Kozak, Rock Brocksmith

THEMA ARAIGNEES

Collaborateur de Steven Spielberg depuis Les Aventuriers de l’Arche Perdue, Frank Marshall s’est attaqué, pour son premier long-métrage en tant que réalisateur, aux bébêtes velues à huit pattes. Le scénario d’Arachnophobie est l’œuvre de Dan Jakoby, qui fut co-auteur d’Alien avec Dan O’Bannon. En hommage manifeste au patrimoine spielbergien, le film démarre à la manière d’un Indiana Jones, avec de splendides extérieurs vénézueliens, où l’archétype de l’aventurier intrépide est l’entomologiste James Atherton, incarné par Julian Sands. La petite expédition qu’il dirige comprend un photographe nommé Jerry Manley. Soudain piqué par une énorme tarentule, ce dernier meurt après de terribles convulsions. Le malheureux est rapatrié aux Etats-Unis, dans la petite ville californienne de Canaima, sans que personne ne se rende compte que l’araignée tueuse s’est introduite dans le cercueil. Arrivée sur le sol américain, elle copule allégrement avec une petite arachnide du coin, et donne naissance à une portée de redoutables bestioles meurtrières, intelligentes et organisées. Bientôt, plusieurs morts suspectes sont déclarées dans le petit village de Canaima. Personne ne sait à quoi les attribuer, sauf le docteur Jennings, interprété par Jeff Daniels, qui a sa petite idée sur le sujet et qui, comme par hasard, développe depuis toujours une véritable phobie pour les araignées.

Les séquences de jungle, mixant habilement décors réels et reconstitutions en studio, sont plutôt prometteuses. Hélas, dès que l’intrigue se transporte de la forêt vers la ville, Arachnophobie se contente d’aligner les lieux communs du film catastrophe type. Le slogan du film citait Les OiseauxLes Dents de la mer et Alien et présentait Arachnophobie comme leur digne successeur. Il faut remettre les choses à leur place. Hitchcock, Spielberg et Scott ont créé, détourné, recyclé et magnifié des mécanismes d’épouvante que Frank Marshall se contente de réutiliser tels quels, comme tant d’autres l’ont fait, sans réelles tentatives d’innovations. Le spectateur voit une araignée que les protagonistes ne voient   pas : suspense. Les personnages et le public ne savent pas où sont les araignées : angoisse. Une araignée saute brusquement au visage de quelqu’un : surprise. C’est propre, classique, mais pas vraiment transcendant.

John Goodman l'exterminateur

Comme en outre les araignées choisies sont de mignons petits spécimens, il faut vraiment être arachnophobe au départ pour frissonner. Sans compter que le sujet a déjà été traité avec bien plus d’efficacité par le passé. Comment oublier L’Horrible invasion de John Bud Cardos, toujours inégalé à ce jour ? Reste l’humour, que Frank Marshall distille généreusement tout au long du métrage, notamment à travers le personnage de l’excentrique exterminateur d’insectes incarné par John Goodman, ou via quelques scènes savoureuses comme l’accouplement des araignées traité quasiment sous un jour romantique ! Mais ces petites touches ne sont pas suffisamment assumées pour qu’Arachnophobie se démarque réellement des conventions.
 

© Gilles Penso

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