STAR CRASH, LE CHOC DES ETOILES (1979)

Luigi Cozzi s'inscrit dans la vague Star Wars en concoctant un sympathique space opera italien dont l'atout majeur est la sublime Caroline Munro

STAR CRASH / SCONTRI STELLARI OLTRE LA TERZA DIMENSIONE

1979 – ITALIE

Réalisé par Luigi Cozzi

Avec Caroline Munro, Christopher Plummer, Joe Spinnell, Judd Hamilton, Marjoe Gortner, Nadia Cassini, David Hasselhoff

THEMA SPACE OPERA

Délicieusement naïf, irrésistiblement kitsch, Star Crash est la plus fameuse des réponses italiennes au succès de La Guerre des Etoiles. On y retrouve donc pêle-mêle des robots, des batailles spatiales, des princes déchus… et même des sabres laser ! Le scénario se résume à peu de choses en réalité : la mercenaire Stella Star est engagée par l’empereur de la galaxie pour empêcher le maléfique comte Zarth Ann d’imposer sa sombre suprématie sur l’univers. La principale singularité de ce sous-Star Wars transalpin consiste à confier le rôle principal à une fille, interprétée par la sculpturale Caroline Munro qui, arborant des tenues bien plus sexy que fonctionnelles, nous ferait presque oublier l’iconique Jane Fonda de Barbarella. Si la belle Caroline – sorte de pendant féminin de Han Solo – demeure l’atout principal du film, on apprécie également l’enivrante partition de John Barry, alors en pleine période spatiale avec Le Trou Noir et Moonraker, et les effets spéciaux bricolés d’Armando Valcauda qui, à défaut de réalisme, ne manquent ni d’inventivité, ni de charme. 

A vrai dire, Valcauda s’inspire moins des créations d’ILM que de son maître à penser Ray Harryhausen, à qui il rend hommage dans deux scènes clefs du film : l’attaque d’une statue féminine de vingt mètres de haut, variante du titanesque Talos de Jason et les Argonautes, et une relecture du fameux combat contre les squelette dans laquelle les assaillants sont ici remplacés par des robots armés de sabres. Star Crash collectionne ainsi les visions surréalistes à base de trucages multicolores et artisanaux, comme le juge suprême qui ressemble à une tête dans un bocal ornée de tentacules frétillants (hommage apparent à l’entité extra-terrestre des Envahisseurs de la Planète Rouge), ou encore le vaisseau spatial de Zarth Ann qui s’ouvre et se ferme comme une griffe géante. Certes, tous les vaisseaux spatiaux ressemblent à des maquettes du commerce et les étoiles, trop grosses, évoquent plus un dancefloor disco qu’une voute céleste digne de ce nom. Mais qu’importe ! 

David Hasselhoff contre les robots

La générosité de Star Crash emporte l’adhésion, et les regards veloutés de Caroline Munro font tout passer, y compris la présence insipide d’un David Hasselhoff pré-K 2000 (et pas encore porté sur l’auto-dérision), la prestation désabusée de Christopher Plummer (qui semble regretter à chaque instant d’avoir accepté de jouer dans le film) ou le cabotinage excessif d’un Joe Spinell en roue libre dont le costume de super-vilain d’opérette semble échappé d’un magasin de farces et attrapes. Le film tout entier aura coûté un petit million de dollars et connaîtra un certain succès international, boostant un peu la carrière de Luigi Cozzi. Ce dernier poursuivra dans la voie de la SF/fantasy référentielle qui n’hésite pas à en faire trop avec son fameux Hercule bénéficiant une fois de plus des trucages d’Armando Valcauda. Quant à Caroline Munro et Joe Spinell, ils joueront à nouveau respectivement une héroïne et un être maléfique, mais cette fois-ci sous un jour hyperréaliste et très cru, à l’occasion du terrifiant Maniac réalisé l’année suivante par William Lustig.

 

© Gilles Penso

LE TROU NOIR (1979)

Deux ans après Star Wars, les studios Disney se lançaient dans un space opera rétro-futuriste sous l'influence de Jules Verne

THE BLACK HOLE

1979 – USA

Réalisé par Gary Nelson

Avec Maximilian Schell, Anthony Perkins, Robert Forster, Joseph Bottoms, Yvette Mimiuex, Ernest Borgnine, Tommy McLoughlin

THEMA SPACE OPERA I ROBOTS

Quel que soit le statut que l’on accorde au Trou Noir, kitscherie anachronique pour les uns, classique atemporel pour les autres, le film de Gary Nelson est au moins remarquable pour une chose : il donna le coup d’envoi d’une série de longs-métrages destinés à un public plus adulte que les productions Walt Disney habituelles. Sans Le Trou Noir, le studio aux grandes oreilles ne nous aurait sans doute jamais offert d(œuvres aussi atypiques que Le Dragon du Lac de FeuTron, La Foire des Ténèbres ou Les Yeux de la Forêt. Cette décision audacieuse est née suite au succès inespéré de La Guerre des Etoiles. Tout le monde cherchant à s’inscrire dans le sillage du blockbuster de George Lucas, les dirigeants de Disney ne firent pas exception, bien décidés à produire leur propre space opéra tout en capitalisant sur leur savoir-faire spécifique. Le Trou Noir est donc le fruit d’un cocktail étrange mixant les ingrédients de Star Wars avec ceux d’un des meilleurs films « live » jamais produits par la maison de Mickey : 20 000 Lieues sous les Mers de Richard Fleischer. Jules Verne imprègne ainsi l’œuvre de sa prestigieuse présence (le scénario puise aussi partiellement son inspiration chez « Robur le Conquérant » et « Le Maître du Monde ») et, corollaire, Gustave Eiffel s’invite par le biais d’une somptueuse direction artistique rétro-futuriste.

Nous sommes en 2130. Explorant l’espace, l’équipage du Palomino décèle le vaisseau fantôme Cygnus tout près d’un trou noir. Le capitaine Holland et son équipage accostent le vaisseau mystérieux, commandé par des robots partiellement anthropomorphes, et y découvrent l’étrange docteur Reinhardt, dont les intentions ne semblent pas particulièrement bienveillantes… Pressenti pour réaliser le film, John Hough, vétéran des productions Disney (L’île au Trésor, La Montagne Ensorcelée, Les Visiteurs d’un Autre Monde), se désista pour des raisons de planning et céda la place à Gary Nelson, téléaste chevronné depuis le début des années 60 et signataire en 1976 d’Un Vendredi Dingue Dingue Dingue pour Disney. De toute évidence, Nelson n’avait pas les épaules pour prendre en charge un film aussi ambitieux, et Le Trou Noir souffre en partie de l’académisme de sa mise en scène.

Un casting de prestige et des effets pleins de charme

Dommage, car le casting ne manque pas d’éclat, en particulier Maximilian Schell dans un rôle à mi-chemin entre le Capitaine Némo et Robur, Yvette Mimieux qui fut menacée par les abominables Morlocks de La Machine à explorer le Temps quelque 20 ans plus tôt, et Anthony Perkins pour une fois débarrassé des rôles de psychopathe dont il fut presque systématiquement affublé depuis le succès de Psychose. On peut aussi regretter que toutes les implications métaphysiques liées au thème du trou noir aient été évacuées pour n’en faire qu’un obstacle banal sur la route étoilée des protagonistes. Mais Le Trou Noir conserve un charme fou et se bonifie avec le temps. Ses effets spéciaux d’un autre âge sont une source d’émerveillement permanent, et la bande originale de John Barry, somptueuse, ample et lyrique, est l’une des plus belles musiques jamais composées pour un film de science-fiction.

 

© Gilles Penso

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LES ÉVADÉS DE L’ESPACE (1977)

Une imitation japonaise de La Guerre des Étoiles qui donnera naissance à la série TV San Ku Kaï

UCHU KARA NO MESSEJI / MESSAGE FROM SPACE

1977 – JAPON

Réalisé par Kinji Fukasaku

Avec Sonny Chiba, Jerry Ito, Peggy Lee Brennan, Vic Morrow, Philippe Kaznoff, Etsuko Shihomi, Tetsuro Tamba, Mikio Narita

THEMA SPACE OPERA

Très sensibilisée par le succès de La Guerre des Etoiles, la compagnie japonaise « Toei » s’est efforcée d’en produire une imitation dans la foulée, à l’aide d’un budget des plus conséquents. Le scénario reprend les motifs principaux du space-opéra de George Lucas. L’univers est menacé par un Empire galactique, les Gavanas, dirigé d’une poigne de fer par le cruel empereur Rockseia XII (Mikio Narita). Ce dernier a asservi la planète Gillucia, et l’a muée en véritable forteresse volante qui traverse l’espace. Les malheureux paysans qui vivent encore à la surface tentent de mettre en place une rébellion, en partant en quête de huit valeureux guerriers susceptibles de se rallier à leur cause, façon Les Sept Samouraïs. Leur méthode pour dénicher ces sauveteurs est pour le moins curieuse : ils lancent dans l’espace huit noix magiques et attendent patiemment le résultat ! Il faut croire que cette technique est efficace, car peu à peu se forme un commando hétéroclite, constitué de deux jeunes pilotes casse-cou, Shiro et Aaron (Hiroyuki Sanada et Philip Casnoff), de l’ancien général Garuda (cette bonne vieille trogne de Vic Morrow) ayant démissionné de l’armée, de Meia (Peggy Lee Brennan), une jeune aventurière avide d’action, de Jack (Masazumi Okabe), un vaurien assumant le rôle assez insupportable de faire-valoir comique, d’un petit robot à la R2D2 baptisé Bebe 2, de Jack (le vétéran du film d’action Sonny Chiba), un ancien Gavana en révolte contre les exactions de son peuple, et d’Urocco (Makoto Satô), un solide guerrier gillucien.

A ce beau monde s’ajoute la courageuse princesse Esmeralida (Etsuko Shihomi) qui tombe entre les griffes des Gavanas. Entre-temps, ces derniers projettent d’envahir notre bonne vieille Terre, et pour prouver aux humains qu’ils ne plaisantent pas, ils font sauter la lune, carrément ! Les similitudes avec La Guerre des Etoiles virent carrément au plagiat lorsque les deux pilotes, poursuivis par les vaisseaux Gavanas, s’infiltrent dans les tranchées de la base spatiale de l’Empire pour la détruire en visant précisément son point faible. Mais Les Evadés de l’Espace se distingue malgré tout par un univers visuel novateur et des plus réussis. Les costumes y sont étonnants, notamment la panoplie de samouraï des officiers Gavanas, les séquences spatiales superbement chorégraphiées, via des effets spéciaux inventifs signés Nobuo Yajima qui fut l’élève du grand Eiji Tsuburaya (Godzilla), et les vaisseaux spatiaux de toute beauté.

Les samouraïs de l'espace

On se souviendra notamment du superbe voilier volant de la princesse gillucienne, du monstrueux destroyer de Rockseia, ou encore des chasseurs Gavanas en forme d’araignées aux pattes rétractiles. Pour amortir toutes ces coûteuses maquettes, le film sera ensuite décliné sous forme d’une série TV réalisée par Minoru Yamada, reprenant les mêmes séquences spatiales mais modifiant l’intrigue et le casting (à l’exception d’Hiroyuki Sanada, toujours fidèle au poste). Cette série de 27 épisodes, Uchu kara no messeji: Ginga taisen, est devenue un véritable objet de culte en France dès sa première diffusion en 1979, sous le titre de San Ku Kaï.


© Gilles Penso

ENEMY (1985)

Une parabole du racisme et de l'absurdité de la guerre dans laquelle un Terrien et un extra-terrestre apprennent à fraterniser

ENEMY MINE

1985 – USA

Réalisé par Wolfgang Petersen

Avec Dennis Quaid, Louis Gossett Jr, Brion James, Richard Marcus, Carolyn McCormick, Bumper Robinson

THEMA FUTUR I SPACE OPERA I EXTRA-TERRESTRES

Enemy faillit bien ne jamais voir le jour. Contacté pour réaliser le film, Terry Gilliam déclina l’offre pour s’attaquer à son chef d’œuvre Brazil. Le suivant sur la liste fut Richard Loncraine, qui tourna la quasi-intégralité du métrage en Islande, mais qui fut finalement débarqué après un différend avec la production. Le projet aurait pu en rester là, mais Wolfgang Petersen reprit finalement les choses en main et recommença le tournage depuis le début. « Enemy a été conçu comme une sorte de remake futuriste du Duel dans le Pacifique de John Boorman », explique le réalisateur. « Ce n’est pas tant la science-fiction que les relations conflictuelles entre les deux antagonistes qui m’intéressaient. Enemy est avant tout une parabole sur le racisme. » (1) D’où un slogan qui en dit long : « Ennemis parce que c’est ce qu’on leur a inculqué. Alliés parce qu’ils y sont contraints. Frères parce qu’ils ont osé l’être. » Davidge est pilote de guerre. En cette fin de 21ème siècle, les combats se livrent dans l’espace contre les impitoyables Dracs, ennemis irréductibles de la race humaine. Au cours d’une bataille, l’engin de Davidge est abattu, mais le pilote a lui aussi atteint son adversaire. Tous deux s’échouent du coup sur une planète peuplée de monstres et criblée de météorites. L’affrontement continue au sol. Mais, peu à peu, la haine disparaît.

Le Terrien et le Drac apprennent à collaborer pour survivre. Le scénario évoque du même coup la nouvelle « Cooperate or Else » d’A.E. Van Vogt, dans laquelle un humain et un alien étaient contraints de s’entraider sur une planète hostile au beau milieu d’un conflit galactique. A peine sorti de L’Histoire sans Fin, Wolfgang Petersen insuffle à Enemy un charme rétro du plus bel effet, les vaisseaux spatiaux semblant tout droit sortis d’un Flash Gordon. Après une saisissante bataille spatiale concoctée par l’équipe d’ILM, la majeure partie du film se déroule sur une planète inhospitalière, filmée tour à tour sur l’île de Lanzarote (la même que Un Million d’Années Avant JC) et en studio à Bavaria, avec force peintures sur verre. Le maquillage Drac, dû à Chris Walas, est une belle réussite (malgré le raccord autour de la bouche parfaitement visible) et les créatures habitant la planète (des limules géants et des espèces de plantes carnivores) s’avèrent répulsives à souhait.

S'entraider pour survivre

Dennis Quaid (le Blanc jouant un Terrien) et Lou Gosset Jr (le Noir incarnant un Drac) sont quant à eux extraordinaires, et si le scénario s’avère prévisible en ce qui concerne le développement de leurs relations et l’effacement de leur inimitié, il sait malgré tout éviter les clichés avec habileté. Une idée supplémentaire porte la parabole sur un autre niveau : les Dracs sont hermaphrodites, contrairement aux humains qui se sont séparés en deux sexes (c’est en tout cas la théorie développée dans la mythologie grecque). Cela nous vaut une séance d’accouchement autant insolite qu’émouvante, ainsi que la révélation d’un joli bébé Drac. Comme d’autres œuvres phare avant lui, Enemy prouve que la science-fiction n’est jamais plus efficace que lorsqu’elle transpose dans son univers, via la métaphore, les problématiques du présent.

(1) Propos recueillis par votre serviteur en avril 1995.

© Gilles Penso

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WOLF CREEK 2 (2013)

Greg McLean réalise lui-même la séquelle de son shocker / survival brutal en forçant volontairement le trait

WOLF CREEK 2

2013 – AUSTRALIE

Réalisé par Greg McLean

Avec John Jarratt, Ryan Corr, Shannon Ashlyn, Philippe Klaus, Shane Connor

THEMA TUEURS

En 2005, l’Australien Greg McLean avait bluffé son monde avec un survival au traitement très personnel, Wolf Creek. La réussite du film tenait dans une mise en scène à la fois naturaliste et soignée, une excellente direction d’acteurs (tous crédibles), une structure efficace en deux parties (longue immersion avec les protagonistes menant à une totale empathie / rupture de ton vers une traque haletante), et surtout, un mémorable boogeyman haut en couleurs, Mick Taylor, version sadique du Mick sympathique de Crocodile Dundee. Succès aidant, une suite paraissait inévitable. McLean a pris son temps et nous a d’abord donné le magistral Solitaire, grand film d’aventures à l’ancienne avec le plus beau crocodile géant jamais contemplé sur un écran, avant de revenir vers le personnage qui l’a rendu célèbre. Face à toute séquelle cinématographique, on est en droit d’en questionner la légitimité, rares étant celles qui apportent vraiment quelque chose au sujet et qui dépassent leur simple but mercantile. Ici, la note d’intention est limpide dès la séquence d’ouverture : Wolf Creek 2 est un véhicule à la gloire de son bad guy. Contrairement à l’opus précédent où il n’arrivait que sur le tard, il est ici le personnage principal, et le « héros », c’est lui (sentiment renforcé par le fait qu’il massacre d’emblée deux flics antipathiques qui lui cherchent des noises, et non l’inverse).

Le premier épisode puisait abondamment dans Massacre à la Tronçonneuse, la suite braconne donc logiquement sur les terres de la folie débridée et cartoonesque de Massacre à la Tronçonneuse 2. Le ton est plus ouvertement acide, l’humour noir exacerbé de Mick (John Jarratt est en feu) arrose ses effusions gore, flirtant dangereusement avec le slapstick à la sauce Tex Avery, au risque de désacraliser son méchant et de le « Freddy Kruger-iser ». En outre, le survival attendu se mue plutôt en film d’action avec cascades à l’ancienne, rappelant forcément le compatriote Mad Max 2, l’inoubliable Hitcher, et citant même le chef-d’œuvre halluciné de Ted Kotcheff, Réveil dans la terreur, au détour d’un massacre (ici burlesque) de kangourous. Vers la moitié du métrage, et ce malgré la mise en scène toujours efficace de McLean et sa superbe photographie, on commence donc à se demander si tout ceci est bien raisonnable… Heureusement, soudain le scénario bascule et un nouvel arrivant apporte une touche d’originalité bienvenue. Un anglais égaré (très juste Ryan Corr) croise la route d’une proie de Mick, contrariant les plans de ce dernier. Cette rencontre inopinée donne lieu à la meilleure séquence du film, où le grand méchant loup et sa victime se retrouvent face-à-face, dans une sorte de « Questions pour un champion » glauque, chaque mauvaise réponse se soldant par un doigt en moins.

« Question pour un champion » version gore

A ce moment, le torture porn ricanant à la Saw qui pourrait se profiler laisse place à l’analyse intéressante d’un certain cloisonnement de l’outback australien, connu pour son hospitalité toute personnelle (sujet récurrent dans les films provenant de l’île). Mick axe ses questions pièges sur le passé colonial de l’Angleterre sur son continent et fait preuve d’une xénophobie, d’une rancune et d’une mauvaise foi sans bornes. On comprend donc qu’une de ses motivations dans le massacre de touristes (son métier en quelque sorte) serait cette détestation aveugle de l’Etranger. Voir l’Anglais et l’Australien entonner de concert des chants patriotiques du cru entre deux sévices ne manque alors pas de saveur. Cette profondeur et ce décalage inespérés donnent un coup de fouet à l’ensemble et emportent l’adhésion in extremis, sortant Wolf Creek 2 des rails confortables où il s’était installé. Attention néanmoins à l’épisode de trop.

 

© Julien Cassarino

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REC 4 : APOCALYPSE (2014)

La saga [REC], qui avait commencé de manière très forte, s'achève sur ce quatrième opus en perte de vitesse

[REC] 4 : APOCALYPSE

2014 – ESPAGNE

Réalisé par Jaume Balaguero

Avec Manuela Velasco, Paco Manzanedo, Héctor Colomé, ISmael Fritschi, Maria Alfonsa Rosso, Crispulo Cabezas, Emilio Buale

THEMA ZOMBIES I DIABLES ET DEMONS I SAGA [REC]

Clap de fin pour la saga espagnole des [Rec]. Ce quatrième volet baptisé [Rec] 4 : Apocalypse est en tout cas censé venir clore la franchise zombie entamée en 2007 par Jaume Balaguero et Paco Plaza. Du moins pour l’instant. Après les déceptions [Rec] 2 et [Rec] 3 qui étaient un peu venues saloper l’après-chef d’œuvre que fut la baffe du premier opus (l’un des meilleurs films d’horreur des années 2000), [Rec] 4 était très attendu par les fans, avec l’espoir que le retour de Balaguero aux commandes allait remettre les choses dans le bon ordre, faisant oublier la dérive comico-parodique de l’épisode anecdotique signé Plaza en solo. Mais surtout, avec l’espoir de voir la série tutoyer à nouveau les sommets en se recentrant sur le génie qui avait fait toute la qualité et la fraîcheur de son volet initial. Bonne nouvelle, ce nouveau [Rec] était parti pour faire table rase, écartant [Rec] 2 et ses égarements ésotériques mal venus, mettant de côté [Rec] 3 et sa tentative ratée de délire à la L’Armée des Ténèbres, et reprenant aux fondements de la série puisque son action embraye directement après les évènements du tout premier chapitre. De fait, [Rec] 4 démarre dans le fameux immeuble barcelonais où tout a commencé, alors que l’on retrouve la belle journaliste Angela Vidal qui vient de traverser l’enfer, secourue par une équipe du GIGN ibérique.

Avec Apocalypse, on s’attendait à une ouverture sur l’extérieur et une pandémie ravageuse galopant à travers la ville (puis le monde) pour installer la dite « apocalypse ». Perdu. Le synopsis de [Rec] 4 allait finalement changer et cet ultime chapitre préfère oublier ses ambitions catastrophes pour rester dans le confinement en huis-clos, son action se délocalisant cette fois-ci du centre de Barcelone vers un cargo servant de lieu de quarantaine aux « survivants » des précédents volets (le seul emprunt au troisième opus est une rescapée du mariage). Lieu de quarantaine mais pas que, puisque le gouvernement y a également installé un laboratoire scientifique aux recherches bien mystérieuses. Et si le concept du huis-clos est de nouveau au rendez-vous, celui du found footage en revanche, disparaît au profit d’une mise en scène plus traditionnelle. Pas une mauvaise idée dans l’absolu, étant donné que le registre commençait à sérieusement tirer la langue ces derniers temps. Si cet ultime chapitre remonte un peu le niveau de la saga après qu’elle ait touché le fond avec la rigolade nanardesque de Plaza, [Rec] 4 reste néanmoins une nouvelle petite déception. Peut-être parce qu’on en attendait trop, en l’occurrence un retour vers les sommets du premier volet. Et malheureusement, force est de constater que [Rec] 4 en est incapable. Bien que le spectacle horrifique soit au rendez-vous d’un film qui s’applique à dépoter avec énergie et efficacité, [Rec] 4 verse néanmoins dans une sorte de semi-ennui par manque d’originalité et d’inspiration. Redondant et sans surprise, son action se cogne sans cesse contre les quatre coins de la carlingue de son bateau-terrain de chasse, tournant en rond autour d’une intrigue bien mince, vainement étoffée à couteaux tirés.

Un survival nerveux mais routinier

On ne peut pas dire que l’on s’ennuie à proprement parler puisque Balaguero s’applique tout de même à faire le job avec intensité dans un survival nerveux, mais le cinéaste semble avoir perdu la flamme et la passion pour son sujet et livre une sorte de DTV de haut standing, privé d’enjeux forts, privé d’une narration palpitante et surprenante, privé aussi de tout génie, alors que le résultat aligne et abuse à outrance des mêmes scènes, des mêmes effets de « peur » qui au final ne fonctionnent plus. Étonnamment fainéant, [Rec] 4 est un parcours balisé, tantôt bavard, tantôt recycleur des sempiternelles mêmes séquences propres au genre mais aussi recycleur de son propre contenu, le film semblant s’auto-copier de l’intérieur pendant une heure et demi. On attendait un final en apothéose, [Rec] 4 nous propose un énième « petit » film de zombie sur un bateau emmené par une ribambelle de personnages pour une majorité insupportables, en plus d’être campé par des acteurs au jeu loin de l’actor’s studio. La créativité envolée, [Rec] 4 est conventionnel, faible, prévisible et surtout mécanique. Un film lambda, regardable et divertissant dans son ensemble, mais tellement loin de ce que l’on en attendait. Reste que la saga remonte d’un cran. Un petit cran, mais un cran quand même. On saura s’en satisfaire. Ou pas…

 

© Nicolas Rieux

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INTERSTELLAR (2014)

Un space opera métaphysique et vertigineux qui permet à Christopher Nolan de nouveaux jeux audacieux sur les paradoxes temporels

INTERSTELLAR

2014 – USA / GB

Réalisé par Christopher Nolan

Avec Matthew McConaughey, Anne Hataway, Jessica Chastain, Mackenzie Foy, Topher Grace, Michael Caine, Matt Damon 

THEMA SPACE OPERA I FUTUR

Interstellar est un film miraculé, qui aurait pu s’engloutir dans les méandres du « development hell », maladie bien connue d’Hollywood, pour disparaître à tout jamais. Ecrit au printemps 2006 par Jonathan Nolan d’après un récit de Kip Thorne, Interstellar est taillé sur mesure pour Steven Spielberg. C’est en effet le vecteur idéal de ses thèmes les plus chers : la fascination pour les étoiles, la perte du lien entre le père et l’enfant, l’entrée en collision de l’ordinaire et de l’extraordinaire… Mais Interstellar piétine, et six ans plus tard Spielberg jette l’éponge. Tout juste échappé du Gotham City de The Dark Knight Rises, Christopher Nolan s’empare alors du projet et s’associe à son frère Jonathan pour entièrement revoir le scénario et l’adapter à son propre univers. Le résultat est la concrétisation d’un fantasme inespéré pour tout amoureux de science-fiction et de hard-science. Car Interstellar fusionne les sensibilités à priori antithétiques de Spielberg et Nolan, transportant ses spectateurs ébahis « là où personne n’est encore jamais allé », pour reprendre l’expression favorite du capitaine Kirk. L’homme-enfant qu’interprète magnifiquement Matthew MacConaughey, les yeux tournés vers les étoiles malgré un revers de destin qui l’enchaîne à une terre de moins en moins nourricière, est définitivement spielbergien. Le voir perdre tout sens commun pour emmener ses enfants contempler le vol plané d’un drone nous ramène à la folie douce de Richard Dreyfuss dans Rencontres du Troisième Type.

Mais lorsque le récit décolle – dans tous les sens du terme – l’une des obsessions majeures de Christopher Nolan irradie tout l’écran : la tentative désespérée de capturer cette notion terriblement abstraite qu’est le temps. Dans Memento, le temps se déployait à rebours. Dans Inception, il défilait à des vitesses parallèles et contradictoires. Ici, il échappe à tout contrôle, une minute dans l’espace se traduisant en longues années sur la terre ferme. Chaque décision, chaque acte est dès lors lourd de conséquences. Voir un film de Steven Spielberg muter progressivement en film de Christopher Nolan est un phénomène étrange. C’est un peu comme si l’on observait le jeune Christian Bale d’Empire du Soleil devenir le Bruce Wayne de The Dark Knight, un enfant qui grandirait trop vite pour endosser des responsabilités soudain colossales.

L'influence de Stanley Kubrick

La dimension métaphysique qu’atteint bien vite Interstellar réconcilie d’ailleurs les univers des deux réalisateurs, le cinéma de Stanley Kubrick étant de toute évidence une de leur source d’inspiration commune. Car l’influence de 2001 l’Odysée de l’Espace irradie une grande partie du métrage. Mais loin de la froideur et de l’hermétisme assumés du space opera kubrickien, Interstellar est un toboggan émotionnel qui ménage une place de choix à des scènes d’autant plus touchantes qu’elles abandonnent toute emphase au profit d’une épure à fleur de peau. Dans Interstellar, l’intime côtoie l’éternité, à l’image de la partition déconcertante d’Hans Zimmer alternant sobriété et grandiloquence. La perfection n’étant pas de ce monde, Interstellar n’est pas exempt de scories, d’incohérences et de raccourcis un peu étranges. Mais c’est surtout une expérience fascinante dont on ne ressort pas indemne.

© Gilles Penso

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CUBE (1997)

Avec son premier long-métrage, Vincenzo bâtit un huis-clos magistral reposant sur des mécanismes de suspense redoutablement efficaces

CUBE

1997 – CANADA

Réalisé par Vincenzo Natali

Avec David Hewlett, Maurice Dean Wint, Nicole De Boer, Nicky Guadagni, Andrew Miller, Julian Richings

THEMA MEDECINE EN FOLIE I SAGA CUBE

Né à Detroit, Vincenzo Natali grandit au Canada en développant une passion croissante pour la science-fiction. Il fiat ses premières armes comme storyboarder sur de nombreuses séries animées telles que Beetlejuice, Les Aventures de Tintin ou Fievel. Son savoir-faire s’étend ensuite aux longs-métrages en prises de vues réelles, à travers les storyboards de Johnny Mnemonic ou Ginger Snaps. Bien décidé à franchir le cap de la mise en scène, Natali se lance en 1997 dans un court-métrage baptisé Elevated, qui sert d’inspiration à son premier long-métrage Cube. « L’idéal était de trouver une histoire qui pourrait se dérouler dans un décor unique », raconte-t-il. « Mais je ne voulais pas faire de drame ou de comédie romantique. Comment réaliser un film de science-fiction situé dans un seul endroit clos ? J’ai trouvé la solution en imaginant qu’un décor unique pouvait être utilisé pour faire croire qu’il y en avait beaucoup d’autres. C’est alors qu’est venue l’idée d’un labyrinthe constitué d’une infinité de pièces identiques. » (1) Le postulat de Cube est donc le suivant : cinq personnes qui ne se connaissent pas se réveillent dans une pièce en forme de cube et tentent de s’en échapper tout en tâchant de comprendre où ils sont et qui les y a mis. La triple unité (temps, lieu, action) citée par Nicolas Boileau dans son Art Poétique est donc de mise dans Cube, un véritable exercice de style conçu avec les moyens les plus modestes, autrement dit cinq comédiens, un seul décor et 365 000 dollars canadiens en guise de budget. La simplicité du point de départ et les multiples possibilités qu’il offre, élevant la narration vers des sphères métaphysiques, évoquent beaucoup La Quatrième dimension, et notamment l’épisode « Cinq personnages en quête d’une sortie », écrit par Rod Serling et réalisé par Lamont Johnson, qui n’était pas sans évoquer lui-même le célèbre « Huis-clos » de Jean-Paul Sartre. « On me parle souvent de cet épisode, mais pour être tout à fait honnête avec vous, je ne m’en suis pas inspiré », avoue Natali. » La seule chose qui ait dicté le scénario de Cube était le manque de budget ! » (2)

Le moteur principal de Cube est le suspense. En ce sens, Natali a bien retenu la leçon édictée par Steven Spielberg dans Les Dents de la mer, qui consiste à amorcer le film par une séquence traumatique pour ensuite laisser fonctionner l’imagination du spectateur. Ainsi, Cube commence par l’éveil d’un homme à l’intérieur du mystérieux quadrilatère. Quatre issues s’offrent à lui. Il en choisit une, s’engage dans le tunnel, puis se fige brutalement avant de se disloquer complètement, découpé en mille petits cubes par un filet très acéré ! La surprise de ce piège digne d’un cartoon, la précision du montage et la perfection des effets visuels rendent la séquence diablement efficace. Natali se contente ensuite, tout au long du film, d’aiguillonner les sens du public en le poussant à se demander où sont les pièges et en quoi ils consistent. Il ne recourra qu’une nouvelle fois à un effet choc, lorsqu’un piège crématoire du plus surprenant effet fait fondre le visage d’une victime.

La redistribution des cartes

La séquence de suspense la plus éprouvante de Cube est directement héritée du Mission Impossible de Brian de Palma. Tous les protagonistes y sont en équilibre instable, obligés de n’émettre aucun son sous peine d’être réduits en pièces par un piège invisible. Mais le concept même du film et les scènes de suspense n’auraient pas suffi seuls à faire tenir le récit sur la durée d’un long métrage. Grand maître dans l’art de manipuler le public, Natali ajoute donc dans son cocktail un piment supplémentaire lié aux personnages eux-mêmes. Au début du film, les fonctions de héros, de traître, de sauveur et de fardeau sont réparties de manière assez évidente. Mais au fil des événements, la donne change progressivement et la distribution des rôles se modifie, à l’instar de l’architecture du cube lui-même. Quant au dénouement, il laissera les spectateurs au choix frustrés ou ébahis… « Je ne vous dirai pas ce qu’il y a à l’extérieur du cube pour une raison très simple : je n’en sais rien », avoue le cinéaste. « En faisant ce film, nous voulions ouvertement laisser cette question en suspens. Et c’est ce qui me plaît en tant que spectateur. J’aime qu’on laisse quelques portes ouvertes pour mon imagination. En ne donnant pas les clefs du mystère, en ne montrant pas ce qui se situe au-delà des limites du cube, ce lieu demeure une énigme et entre dans le domaine de la métaphore. » (3)

 

(1), (2) et (3) Propos recueillis par votre serviteur en février 2010.

 

© Gilles Penso

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ETERNAL SUNSHINE OF THE SPOTLESS MIND (2004)

Une magnifique histoire de romance interrompue et de mémoire effacée mise en scène par un Michel Gondry au sommet de son art

ETERNAL SUNSHINE OF THE SPOTLESS MINDE

2004 – USA

Réalisé par Michel Gondry

Avec Jim Carrey, Kate Winslet, Kirsten Dunst, Mark Ruffalo, Elijah Wood, Tom Wilkinson, Jane Adams, David Cross

THEMA MEDECINE EN FOLIE

La première collaboration entre le scénariste Charlie Kaufman et le réalisateur Michel Gondry, Human Nature, n’était pas très convaincante, malgré l’indéniable talent de ces deux artistes hors-norme. Mais il faut croire qu’il s’agissait là d’un galop d’essai, car leur film suivant, Eternal Sunshine of the Spotless Mind, est une véritable merveille. « Ce film répondait aux contraintes d’une grosse production hollywoodienne », explique le producteur Georges Bermann, complice de Gondry depuis ses tout premiers vidéoclips. « Le script et le développement ont été payés par le studio, et il était évident qu’il fallait deux stars pour tenir les rôles principaux. Nicolas Cage était prévu au départ, mais finalement c’est tombé à l’eau et Jim Carrey l’a remplacé, aux côtés de Kate Winslet. » (1) Pourtant, jamais les contraintes d’une grande major ne semblent entacher cette œuvre magique, attachante et résolument originale.

La séquence prégénérique, longue de plus d’un quart d’heure, nous conte l’idylle naissante de deux êtres à part, Joel Barish et Clementine Kruczynski, qui se rencontrent par hasard sur la plage de Montauk. Puis la chronologie se déstructure et se concentre sur les événements survenus quelques jours plus tôt. Joel y est désespéré, car il vient d’apprendre que Clementine l’a effacé de sa vie… au sens propre. En effet, une société nommée Lacuna offre la possibilité technique d’ôter de la mémoire de ses clients tous les souvenirs qui l’embarrassent. Joel décide de faire appel à son tour à leurs services et d’effacer de son cerveau tout ce qui est lié à Clementine. « Il y a un cœur émotionnel à chacun de nos souvenirs », explique à notre héros le docteur Mierzwiak (Tom Wilkinson). « Quand on se débarrasse de ce cœur, le processus de dégradation commence. Quand vous vous réveillerez demain matin, tous les souvenirs que nous aurons ciblés seront fanés et auront disparu comme un rêve. » L’opération a lieu dans l’appartement de Joel, en pleine nuit, sous la supervision de trois employés déjantés de Lacuna (interprétés par rien moins que Mark Ruffalo, Elijah Wood et Kirsten Dunst)

« Une des plus belles histoires d'amour de l'histoire du cinéma »

Mais plus les souvenirs s’effacent, plus Joel commence à regretter sa décision, et sa lutte mentale pour ne pas oublier sa bien-aimée permet à Michel Gondry de multiplier les trouvailles visuelles étonnantes : les plans-séquence qui nous mènent d’un lieu à l’autre, un coin de rue où se perd totalement toute notion d’espace et de temps, le visage de Clementine qui devient flou en pleine discussion, le rival de Joel qui n’apparaît que de dos même lorsqu’il tourne la tête, les objets et les gens qui s’effacent un à un dans un hall de gare… Le scénario brillant de Charlie Kaufman s’assortit ainsi d’une mise en scène ingénieuse, oscillant intelligemment entre la captation instinctive des émotions des héros (caméra à l’épaule, éclairage minimaliste, montage brut) et la multiplication de trucages merveilleusement poétiques. Porté par deux comédiens en état de grâce, Eternal Sunshine of the Spotless Mind fut salué avec un enthousiasme fort mérité par le public et la critique, la presse américaine n’hésitant pas à le qualifier d’« une des plus belles histoires d’amour de l’histoire du cinéma ».

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en juin 2006.

 

© Gilles Penso

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BUBBA HO-TEP (2003)

Le réalisateur de Phantasm et la star d'Evil Dead nous racontent la lutte d'un Elvis Presley vieillissant contre une redoutable momie

BUBBA HO-TEP

2003 – USA

Réalisé par Don Coscarelli

Avec Bruce Campbell, Ossie Davis, Ella Joyce, Heidi Marnhout, Bob Ivy, Edith Jefferson, Larry Pennell, Reggie Bannister

THEMA MOMIES

Jusqu’alors, le nom de Don Coscarelli semblait irrémédiablement associé à deux franchises dont il semblait incapable de s’extraire : Phantasm et Dar l’Invincible. De beaux exercices de style, certes, mais l’homme avait encore d’autres univers à explorer, ce qu’il prouva avec maestria avec cet atypique Bubba Ho-Tep. Le film part d’un postulat improbable : Elvis Presley n’est pas mort et finit ses vieux jours dans la maison de repos de Mud Creek, au cœur d’une petite ville du Texas. En réalité, c’est l’un de ses meilleurs imitateurs, Sebastian Haff, qui est mort à sa place, le King ayant échangé son identité avec celle du sosie pour refaire sa vie et accéder à une tranquillité bien méritée. Mais aujourd’hui, cloué au lit, infantilisé par un personnel blasé et côtoyant de joyeux cinglés vieillissants qui se prennent pour d’authentiques cow-boys ou pour John Kennedy, il se demande s’il ne regrette pas un peu sa décision. Un soir, l’ancien dieu du rock’n roll reçoit la visite d’un scarabée gros comme un ballon de foot et particulièrement agressif. Cette intrusion est le prélude d’une menace bien plus inquiétante. Une momie égyptienne hante en effet les lieux, aspirant l’âme des pensionnaires pour revenir à la vie. Le concept du film, inspiré d’une nouvelle publiée dix ans plus tôt par Joe R. Lansdale, est donc pour le moins déjanté. Coscarelli ne cède pas pour autant à la tentation de la parodie potache. Son film se laisse au contraire aller à une tendresse inattendue, soulevant de véritables questions sur la vieillesse, la solitude et la crise d’identité.

Ce qui n’empêche pas pour autant Bubba Ho-Tep de nous offrir quelques bonnes tranches de rigolades, notamment pendant les discussions animées entre Elvis et un irrésistible JFK noir adepte de la théorie du complot, lesquels finissent par mettre en place une stratégie en vue de stopper les agissements du monstre en bandelettes. Et voici donc nos sémillants vieillards partis en pleine nuit casser de la momie, l’un en déambulateur, l’autre en fauteuil roulant ! Pleins de charme, les effets spéciaux du film refusent superbement tout recours au numérique et aux images de synthèse (à l’exception de quelques hiéroglyphes sous-titrant les grognements de la momie grimaçante) au profit de techniques artisanales à l’ancienne qui nous renvoient au cœur des années 80, lorsque les maquillages spéciaux et les effets mécaniques étaient rois.

Old school jusqu'au bout

Et c’est aux talentueux artistes de l’atelier KNB qu’échoit la mission de donner corps à l’antique croquemitaine égyptien, incarné à l’écran par l’athlétique cascadeur Bob Ivy. Parfaitement ancrée dans la tonalité mi-nostalgique mi-parodique du film, la partition rétro de Brian Tyler se teinte de guitares blues du plus bel effet. Au détour du casting, on reconnaît Reggie Bannister, héros de la saga Phantasm qui endosse ici le rôle de l’administrateur peu scrupuleux de cette fameuse maison de repos qui tombe littéralement en ruines. Quant à Bruce Campbell, il nous livre là l’une de ses meilleures performances, toutes catégories confondues, prouvant une bonne fois pour toutes qu’il y a une vie après Evil Dead. Même si Bubba Ho-Tep ne parvint guère à déplacer les foules dans les salles de cinéma, il se mua peu à peu en objet de culte et se rattrapa largement sur le marché de la vidéo.

 

© Gilles Penso

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