UN DRÔLE DE FLIC (1980)

Terence Hill joue un policier soudain doté des mêmes pouvoirs que Superman dans cette parodie pataude mais attachante

POLIZOTTO SUPERPIÙ / SUPER FUZZ / SUPER SNOOPER

1980 – ITALIE

Réalisé par Sergio Corbucci

Avec Terence Hill, Ernest Borgnine, Sal Borgese, Charles Buie, Joanne Dru, Bobby Gale, Herb Goldstein 

THEMA SUPER-HEROS

Spécialiste italien du cinéma bis musclé, Sergio Corbucci a signé deux westerns spaghetti majeurs (Django et Le Grand silence) avant de diriger le duo Bud Spencer et Terence Hill dans Pair et impair et Salut l’ami adieu le trésor. En 1980, il se plia à la mode des super-héros lancée par le Superman de Richard Donner. Le voilà donc embarqué dans un improbable Poliziotti Superpiù (traduit en anglais par Super Fuzz au cinéma puis Super Snooper en vidéo) qui donne la vedette à Terence Hill, cette fois-ci privé de son habituel comparse barbu et ventripotent. Et comme toujours, le film cache ses origines italiennes sous des allures très américaines.

Dans le rôle du policier Dave Speed (un patronyme qui annonce déjà la couleur), Hill pousse le zèle jusqu’à partir réclamer au fin fond des marécages de l’Amérique profonde l’argent d’un contribuable n’ayant pas payé une contravention. Or personne n’a songé à le prévenir qu’un essai de bombe au plutonium rouge serait pratiqué sur les lieux le jour même. La bombe explose et irradie notre fier représentant de l’ordre qui, dès lors, se trouve doué de pouvoirs extraordinaires. Son partenaire le sergent Dunlop, auquel Ernest Brognine prête sa trogne impayable, voit tout ça d’un mauvais œil, son esprit cartésien s’accommodant mal aux nouvelles capacités de Speed. A l’instar de Superman, le « drôle de flic » possède un point faible. Sa kryptonite à lui, c’est la couleur rouge. Dès que cette couleur entre dans son champ de vision, ses super-pouvoirs disparaissent. Lorsqu’ils s’en rendent compte, le sinistre Tony Torpedo (Marc Lawrence), chef d’une bande de fabricants de faux billets, et Rosy la Bouche (Joanne Dru), sa complice qui eut jadis son heure de gloire à Hollywood, décident de retourner contre lui cette faiblesse…

L'ancêtre du buddy movie ?

La totale méconnaissance du genre ici traité contribuerait presque à rendre Un drôle de flic touchant, tant Corbucci et son co-scénariste Sabatino Ciuffini semblent patauger dans le brouillard, abordant le thème des super-pouvoirs dans l’anarchie la plus totale malgré une manifeste envie de bien faire. Ainsi Dave Speed cumule-t-il des capacités proches de celles de Superman (super-vitesse, capacité de voler, insensibilité aux balles, vision à travers les parois opaques, indestructibilité) avec des dons paranormaux (télékinésie, prévision du futur) et d’autres totalement fantaisistes (possibilité de faire disparaître les gens ou de les immobiliser, compréhension du langage des poissons, capacité de marcher sur l’eau comme Jésus !). Tout ce qui peut contribuer à la mise en place de gags aux gros sabots est ici mis à contribution. Bien sûr, Terence Hill ne se départit jamais de son sympathique charisme, et Borgnine excelle dans le registre de la bougonnerie, ce qui, mine de rien, place Un drôle de flic en précurseur du buddy movie policier qui n’acquerra ses lettres de noblesses que quelques années plus tard avec 48 heures et L’Arme fatale. Les amateurs de disco apprécient joyeusement la bande son du film, saturée de musique électro-funk déclinant jusqu’à plus soif le tube « Supersnooper » interprété par le groupe The Oceans. Quant aux francophones, ils peuvent se délecter d’une VF savoureuse dominée par les voix de Dominique Paturel et Jean Violette. Ajoutez à ça quelques idées gentiment délirantes (l’envol de la bulle de chewing-gum géante) et vous obtenez une comédie certes pataude mais finalement assez fréquentable.

 

© Gilles Penso 

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VOLTE/FACE (1997)

John Woo réalise le film d'action ultime en recyclant le postulat des Yeux sans visage pour offrir à John Travolta et Nicolas Cage deux de leurs meilleurs rôles

FACE OFF

1997 – USA

Réalisé par John Woo

Avec John Travolta, Nicolas Cage, Joan Allen, Gina Gershon, Nick Cassavetes, Alessandro Nivola, Dominique Swain, Colm Feore

THEMA MÉDECINE EN FOLIE

Le passage de John Woo sous le giron hollywoodien n’avait été jusqu’alors pas des plus concluants, Chasse à l’homme et Broken Arrow n’étant que d’anonymes œuvrettes d’action sans personnalité. Mais avec Volte/Face, l’auteur de The Killer place la barre très haut, réalisant probablement l’un de ses meilleurs films, toutes nationalités confondues. Le scénario y mêle action, polar et science-fiction en s’inspirant en partie des  Yeux sans visage  de Georges Franju. Mais contrairement aux intentions initiales du studio, qui envisageait Volte/Face comme un film d’anticipation, Woo décide de situer le film dans un contexte contemporain afin de renforcer l’identification du public à ses protagonistes.

Directeur d’une unité anti-terroriste, Sean Archer (John Travolta) recherche sans relâche Castor Troy (Nicolas Cage), un criminel responsable de la mort de son fils six ans plus tôt. Il parvient à l’arrêter mais apprend que Troy a caché une bombe au Palais des Congrès de Los Angeles. Seul le frère de Troy peut la désamorcer et, pour l’approcher, Archer se fait greffer la figure de Troy grâce à une technologie chirurgicale révolutionnaire. Entre-temps, Troy sort de son coma et, sous la menace, oblige le chirurgien responsable de l’opération à le doter du visage d’Archer. Le vaudeville musclé peut alors commencer… A l’apogée de son art, Woo, profite de ce récit vertigineux pour enchaîner des séquences d’action proprement ahurissantes, de la prise en chasse de l’avion en pleine aérogare (tournée en live sans recours aux fond verts initialement prévus) jusqu’à la poursuite finale en hors-bord, surclassant allègrement celles de Vivre et laisser mourir et Indiana Jones et la dernière croisade (et imaginée à l’origine pour le climax de Chasse à l’homme), en passant par l’étourdissante fusillade du repaire des méchants.

L'innocence perdue, la trahison et le sacrifice

Mais si Volte/Face n’était qu’un catalogue de scènes mouvementées, aussi maîtrisées soient-elles, et s’il se contentait d’être le véhicule du génie pyrotechnique de son auteur, il n’aurait pas autant marqué les mémoires. Or le film vaut surtout pour la direction de ses comédiens, domaine dans lequel John Woo a trop souvent été sous-estimé. Car le scénario audacieux de Volte/Face permet une performance d’acteurs étonnante. Ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de voir deux interprètes aussi dissemblables que John Travolta et Nicolas Cage donner chacun à tour de rôle leur propre version de deux mêmes personnages. Il est d’ailleurs intéressant de savoir que Sylvester Stallone et Arnold Schwarzenegger furent un temps envisagés pour tenir les deux rôles principaux. Et si Volte/Face se hisse au rang de chef d’œuvre du genre, c’est que Woo a pu y développer en toute liberté la plupart des thématiques qui lui sont chères : l’innocence perdue, la trahison, le sacrifice, la quête de justice et de paix intérieure… D’où ce happy end que d’aucuns jugèrent dégoulinant de bons sentiments, mais qui n’est en réalité que l’issue logique du parcours initiatique éprouvant de son héros. Volte/Face aura également permis au public de découvrir l’immense talent du compositeur John Powell, alors encore sous l’influence du travail de Hans Zimmer.

 

© Gilles Penso 

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DOCTEUR MORDRID (1992)

Charles Band adapte de manière officieuse l'univers du Docteur Strange de Marvel en donnant le premier rôle à l'inoubliable Herbert West de Re-Animator

DOCTOR MORDRID

1992 – USA

Réalisé par Charles et Albert Band

Avec Jeffrey Combs, Yvette Nipar, Jay Acovone, Keith Colouris, Ritch Brinkley, Brian Thompson, Pearl Shear 

THEMA SUPER-HEROS I SORCELLERIE ET MAGIE PETITS MONSTRES I SAGA CHARLES BAND

Grand amateurs des bandes-dessinées en général et du Marvel Comics Group en particulier, Charles Band parvient au milieu des années 80 à se rapprocher du légendaire dessinateur Jack Kirby (« Captain America », « Les Quatre Fantastiques », « L’Incroyable Hulk », « Les X-Men ») et à développer avec lui plusieurs projets de films. L’un d’entre eux se nomme « Doctor Mortalis » et s’inspire très largement du personnage de Docteur Strange. Mais la compagnie de Band, Empire Pictures, connaît alors des difficultés financières qui poussent son investisseur Vestron à prendre des décisions sans appel. L’une d’elles est d’abandonner « Doctor Mortalis », jugé trop coûteux et pas du tout dans l’air du temps. À l’époque, la valeur marchande de films mettant en scène des super-héros et des personnages de comic books est en effet loin d’être acquise. Band ne peut pas lutter, mais il revient à la charge quelques années plus tard, via sa compagnie Full Moon, et décide de relancer « Doctor Mortalis » en changeant le nom du personnage pour éviter tout problème de copyright. Voilà comment est né Docteur MordridDrapé d’une cape bleue aux revers rouges, porteur d’une amulette aux pouvoirs magiques, capable d’extraire son corps astral de son enveloppe corporelle pour voguer dans d’autres dimensions, Mordrid est incarné par Jeffrey Combs, aux antipodes du docteur Herbert West qui le fit connaître du public dans Re-Animator. Gardien d’une ouverture menant à un autre monde, il a réussi à battre et emprisonner Kobal (Brian Thompson), la source du mal ultime, il y a un siècle de ça. Hélas, Kobal s’est échappé et désire pénétrer dans notre dimension afin d’y lâcher des hordes de démons grâce auxquels il pourra dominer le monde…

Certes, l’intrigue n’échappe pas à une certaine linéarité, mais le film demeure résolument distrayant. Lorsque Mordrid, en garde à vue dans un commissariat, essaie vainement de convaincre les policiers de la nature surnaturelle des forces qui s’apprêtent à se mesurer et dont l’issue du combat n’est autre que le salut de la race humaine, on ne peut s’empêcher de penser à Terminator, où Michael Biehn se retrouvait dans une situation semblable. Mais la séquence la plus mémorable du film, chose coutumière chez Band, est due à l’expert de l’animation et des effets visuels David Allen. Elle se situe au moment du climax, dans un Muséum d’Histoire Naturelle, et montre l’affrontement entre deux squelettes monstrueux, celui d’un tyrannosaure et d’un mastodonte, ramenés à la vie par Mordrid et Kobal. Au passage, le T-Rex décharné dévore un policier qui lui tire inutilement dessus, réminiscence d’une séquence du Monstre des temps perdus.  « L’animation de Docteur Mordrid aurait pu être beaucoup plus réussie », nous confiait David Allen quelques années après la sortie du film. « Le problème est que les figurines des squelettes étaient très petites. Il était pratiquement impossible d’effectuer les mouvements quasi-microscopiques qui s’imposaient, en particulier lorsque les deux monstres commencent à peine à remuer au début de la séquence. » (1) C’est pourtant le meilleur passage du film.

Dans les limbes de l'oubli

Pour égayer et dynamiser l’aventure, Charles Band confie à son frère la composition d’une bande originale épique. Ce dernier s’accommode comme il peut d’un budget ne lui permettant d’utiliser que des sons synthétiques. Rompu à l’exercice de l’hommage cinéphilique (la célèbre musique qu’il écrivit pour Re-Animator était un hommage appuyé à celle de Bernard Herrmann pour Psychose), Band cligne ici de l’œil vers Danny Elfman, et se réfère notamment à la bande originale de Dick Tracy dont il reprend des mesures entières. On le voit, malgré ses maladresses, Docteur Mordrid n’est pas dénué de charmes et d’attraits, et Charles Band espérait même en faire le premier épisode d’une série. Mais le film passa inaperçu lors de sa sortie directe en vidéo en 1992 et sombra peu après dans les limbes de l’oubli. Sans doute ne correspondait-il pas aux canons des productions habituelles de Band, dont la compagnie Full Moon ne reculait généralement devant aucun excès gore ou horrifique. Plus axé vers le grand public – malgré un peu de nudité lorsque Kobal sacrifie une jeune femme en tenue d’Eve – Docteur Mordrid eut du mal à se positionner. Jeffrey Combs rangea donc sa cape et Marvel n’eut pas à rougir de ce quasi-plagiat des exploits de son Maître des Arts Mystiques.

 

(1) Propos recueillis par votre seviteur en avril 1998

(2) Propos recueillis par votre serviteur en mai 1999

 

© Gilles Penso

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STRANGE DAYS (1995)

Un futur proche désenchanté et cynique, imaginé par James Cameron, mis en scène par Kathryn Bigelow et incarné par un casting de premier ordre

STRANGE DAYS

1995 – USA

Réalisé par Kathryn Bigelow

Avec Ralph Fiennes, Angela Bassett, Juliette Lewis, Tom Sizemore, Vincent D’Onofrio, Michael Wincott 

THEMA FUTUR

Un scénario passionnant de James Cameron, une réalisation impeccable de Kathryn Bigelow, un casting sur-mesure dominé par Ralph Fiennes et Angela Bassett… Strange Days fait partie de ces films en état de grâce, ces œuvres d’exception où l’alchimie entre chaque membre clef de l’équipe technique et artistique s’avère parfaite. Situé à l’aube de l’an 2000 (donc dans un futur proche puisque le film date de 1995) et ponctué d’éléments narratifs qui évoquent le Brainstorm de Douglas Trumbull, Strange Days donne la vedette à Ralph Fiennes dans le rôle de Lenny Nero. Ancien membre de la police criminelle de Los Angeles, Nero gagne désormais sa vie en vendant sous le manteau des clips illégaux enregistrés avec un appareil high-tech permettant de figer des émotions fortes. Un client en mal d’adrénaline peut revivre les sueurs froides que procure une course-poursuite échevelée, un infortuné cul-de-jatte a la possibilité d’éprouver les sensations d’un sportif courant sur la plage, tous les souvenirs par procuration sont possibles grâce au « squid », un casque spécial relié directement au nerf optique. Désabusé, cynique et peu confiant vis-à-vis du nouveau millénaire qui s’annonce, Nero est encore amoureux de la chanteuse Faith Justin (Juliette Lewis), son ancienne petite amie désormais acoquinée avec le sinistre imprésario Philo Grant (Michael Wincott). Du coup, il ignore tout des sentiments qu’éprouve à son égard la féline Mace Mason (Angela Bassett). Tous les ingrédients de ce cocktail explosif s’apprêtent à se mêler le soir du gigantesque réveillon qui se prépare en plein Los Angeles…

Appréciable sur plusieurs niveaux de lecture, le script co-rédigé par James Cameron et Jay Cocks s’appuie sur l’une des thématiques les plus récurrentes et les plus complexes du père de Terminator : l’amour/haine de la machine, appréhendée à la fois comme un extraordinaire vecteur de progrès et d’évolution, mais aussi comme un danger permanent brisant les libertés individuelles. Ici, la technologie n’est pas symbolisée par un cyborg destructeur mais prend la forme d’une drogue irrésistible, seul substitut possible aux émotions en voie de disparition dans un monde de plus en plus déshumanisé. Prophétique par bien des aspects, Strange Days annonce les phénomènes Youtube, Dailymotion ou Facebook avec une décennie d’avance, et se redécouvre aujourd’hui avec le même ébahissement rétroactif qu’un Blade Runner ou un Minority Report.

« La mère de toutes les fêtes »

Au service de la cohérence visuelle de son long-métrage, Kathryn Bigelow s’octroie les services de la compagnie d’effets visuels Digital Domain (nécessaire pour donner suffisamment d’ampleur au réveillon 1999-2000 conçu comme « la mère de toutes les fêtes ») et de l’as du steadicam Jim Muro, à qui nous devions déjà les mémorables poursuites en plan-séquence de Point Break. Avec un budget de 42 millions de dollars et des recettes d’à peine dix millions, Strange Days fut un flop spectaculaire au box-office, et sombra dès lors dans un semi-oubli totalement injustifié. Il serait grand temps de restituer à cette fable pré-apocalyptique le statut de classique qu’elle mérite !

© Gilles Penso

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THE RETURN OF CAPTAIN INVINCIBLE (1983)

Une parodie de super-héros doublée d'une comédie musicale avec Christopher Lee dans le rôle du super-vilain

THE RETURN OF CAPTAIN INVINCIBLE

1983 – AUSTRALIE

Réalisé par Philip Mora

Avec Alan Arkin, Christopher Lee, Kate Fitzpatrick, Bill Hunter, Michael Pate, David Argue, John Bluthal, Chelsea Brown 

THEMA SUPER-HEROS

Sombré dans l’oubli le plus complet, The Return of Captain Invincible est pourtant une parodie audacieuse de l’univers des super-héros, portée à bout de bras par le cinéaste australien Philippe Mora. Le film s’amorce sous forme d’un pastiche désopilant de vieux films d’actualité. Dans les années 30, l’héroïque Captain Invincible Alan Arkin) lutte contre les gangsters en pleine ambiance de Prohibition. Pendant la deuxième guerre mondiale, nous le retrouvons aux prises avec les nazis. Dans les années 50, il n’a toujours pas pris une ride et devient désormais l’idole des boy scouts. Mais l’atmosphère change peu à peu et le voilà accusé de communisme. Sur le banc des accusés, il est en proie aux pires accusations. On trouve la couleur rouge de sa cape suspecte, tout comme son titre de capitaine, alors qu’il n’a pas servi sous le drapeau. On lui reproche aussi de porter des sous-vêtements en public ! Il se retire alors au fin fond de l’Australie et sombre dans l’alcool. Pendant ce temps, le sinistre Mister Midnight règne sur la pègre. Et c’est l’immense Christopher Lee, toujours fringuant et séduisant même après avoir passé le cap de la soixantaine, qui incarne ce sinistre vilain. Midnight menace le monde avec un redoutable rayon hypnotique qui rend les gens hilares. Captain Invincible va donc devoir reprendre du service, ce qui ne semble pas gagné d’avance…

Non content de reprendre sous un jour comique les codes du film de super-héros, The Return of Captain Invincible est une comédie musicale, ponctuée de dix chansons aux styles variés (gospel, country, soul, pop), ce qui ravit Christopher Lee au plus au point. Ténor à la voix profonde, le Dracula de la Hammer a rarement eu l’occasion de démontrer ses talents vocaux au cinéma. A ce titre, le film de Philip Mora représente pour lui une aubaine, les auteurs Hartley et O’Brien (qui écrivirent les chansons du « Rocky Horror Show ») composant spécialement à son attention un numéro musical grandiloquent. Secondé par un nain déguisé en petit chaperon rouge, une espèce d’homme-chèvre aux oreilles pointues, des animaux qui s’entre-dévorent et un bataillon de filles sexy, Midnight est un vilain pour le moins atypique.

Un Superman d'opérette

Mais Captain Invincible lui-même n’a rien du héros traditionnel. Ses origines, racontées en flash-back, valent leur pesant d’or : ses parents ont en effet été irradiés par le rayon magnétique d’une soucoupe volante pendant qu’ils le concevaient ! Vêtu comme un Superman d’opérette, avec un collant brillant et une cape retenue par des épaulettes en forme de serres de rapaces, il doit réapprendre à voler en se suspendant devant un écran de projection. Ce gag étrange procède de la mise en abyme pure, puisque le procédé technique utilisé pour faire voler le super-héros dans le film (la rétro-projection, donc), est mis en scène comme ressort comique. D’autres morceaux de bravoure improbables ponctuent The Return of Captain Invincible, comme une attaque d’aspirateurs filmée comme la scène des serpents des Aventuriers de l’Arche Perdue, un fax de la police qui émet les mêmes bruits que le jeu Pac Man ou les frasques du président des Etats-Unis incarné par le volubile Michael Pate. Voilà donc une curiosité très recommandable. 

 

© Gilles Penso

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CONDORMAN (1981)

Un film de justicier masqué joyeusement délirant produit à une époque où les super-héros n'étaient pas encore le fond de commerce du studio Disney

CONDORMAN

1981 – USA

Réalisé par Charles Jarrott

Avec Michael Crawford, Oliver Reed, Barbara Carrera, James Hampton, Jean-Pierre Kalfon, Dana Elcar, Vernon Dobtcheff

THEMA SUPER-HEROS I ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION

Probablement sensibilisés par le succès planétaire de Superman et Moonraker les studios Disney décidèrent de concocter au début des années 80 un divertissement tout public parodiant à la fois la série des James Bond et les films de super-héros. Ils s’appuyèrent à cet effet sur le roman « The Game of X » de Robert Sheckley. Incarné par Michael Crawford, Woody Wilkins est un créateur de bande dessinée tellement perfectionniste qu’il a besoin de tester à échelle réelle tout ce qu’il dessine pour s’assurer que ça fonctionne réellement. Ainsi, lorsqu’il imagine un agent secret nommé « Condorman », revêtu d’un costume de rapace et d’ailes mécaniques à la Leonard de Vinci, menant une mission secrète en plein Paris, il n’y va pas par quatre chemins : il s’affuble d’un costume identique et se jette du haut de la Tour Eiffel ! Fonctionnaire au service de la CIA, son meilleur ami Harry lui demande un jour de lui rendre un service : se rendre à Istanbul pour remettre un dossier à un agent Russe. Or l’agent en question est la très séduisante Natalia (Barbara Carrera, imitant la Barbara Bach de L’Espion qui m’aimait deux ans avant qu’elle ne rencontre elle-même James Bond dans Jamais plus jamais) dont il s’éprend bien vite. Lorsque cette dernière réclame ses services pour passer à l’Ouest, le gouvernement américain accepte de financer la mission, mettant à disposition de Woody toute une série de gadgets ainsi qu’une panoplie de Condorman flambant neuve…

Le plus gros regret que l’on puisse formuler à l’égard de Condorman est la médiocrité de son scénario. Au lieu de bâtir un pastiche savoureux dans lequel un héros ordinaire est pris par erreur pour un espion de haut niveau (c’était le sujet du roman de Shekley), le scénariste Mickey Rose et le réalisateur Charles Jarrot ne savent visiblement pas trop quoi faire du sujet qu’ils ont entre les mains et le traitent de ce fait par-dessus la jambe. Le simple auteur de BD se mue donc sans aucune difficulté en super-héros invincible, sa romance avec la belle Natalia n’est qu’un amoncellement de clichés puérils, et le grand méchant Krokov est incarné sans beaucoup de conviction par un Oliver Reed peu concerné par son personnage. Quant à l’humour, il est généralement maladroit, voire embarrassant, comme en témoigne la scène de la bagarre dans l’église.

Maladroit mais attachant

Nanti d’un budget conséquent et tourné aux quatre coins du monde (Etats-Unis, Yougoslavie, France, Monte-Carlo, Italie), Condorman restera donc principalement mémorable pour quelques scènes d’action dignes de la saga 007 (la poursuite entre cinq voitures de sport noire et une « condormobile » bourrée d’armes offensives et défensives, la bataille navale finale à coups de lance-roquettes et de rayons laser), un costume de super-héros délicieusement kitsch, un « main theme » alerte composé par Henry Mancini et un redoutable tueur à l’œil d’argent nommé Morovich et campé avec beaucoup de présence par ce bon vieux Jean-Pierre Kalfon. La fin du film est ouverte, mais aucune suite ne vit le jour, étant donné l’accueil tiède reçu à l’époque.

© Gilles Penso

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SUPERSONIC MAN (1979)

Un film de super-héros calamiteux aux effets spéciaux navrants, réalisé pourtant par un amoureux invétéré du Fantastique

SUPERSONIC MAN

1979 – ESPAGNE

Réalisé par Juan Piquer Simon

Avec Antonio Cantafora, Cameron Mitchell, Richard Yesteran, Diana Polakov, José Maria Caffarel, Frank Braña 

THEMA SUPER-HEROS I SPACE OPERA I EXTRA-TERRESTRES I ROBOTS

Juan Piquer Simon était un sympathique artisan ibérique spécialisé dans la réadaptation à petit budget des grands succès américains. Une sorte de Roger Corman madrilène, en quelque sorte. Réalisateur, scénariste, producteur et créateur d’effets spéciaux, il s’adaptait à toutes les modes, avec une forte prédilection pour le genre fantastique. Lorsque le King Kong de Dino de Laurentiis remettait au goût du jour l’exotisme préhistorique et les gorilles géants, il signait Le Continent fantastique. A l’époque où les slashers inondaient les écrans, il commettait Le Sadique à la tronçonneuse. Quand Abyss attirait tous les regards vers l’océan, il se lançait dans L’Abîme. Or la fin des années 70 était marquée par le double succès de La Guerre des étoiles et Superman. Peu farouche, Piquer Simon osait donc un film de super-héros mâtiné de space-opera : le bien nommé Supersonic Man.

Les premières images donnent le ton. Sur fond d’espace, un immense vaisseau spatial entre dans le champ, à la manière d’un destroyer de l’Empire Galactique. La maquette est plutôt jolie et laisse planer quelques espoirs, lesquels s’envolent dès les secondes suivantes. Car dans le vaisseau git un homme trapu tout juste vêtu d’un slip et d’une cagoule bleue à paillettes. Serait-ce un catcheur mexicain échoué dans le cosmos ? Que nenni ! Il s’agit de Kronos, l’homme supersonique, surgi de sa lointaine galaxie pour courir à l’appel des gens de sa planète. Sa mission consiste à aider la Terre contre les dangers qui la menacent. Aussitôt, son costume improbable se complète (un collant rouge vif, une cape et une paire de bottes) et le voilà qui s’élance dans l’immensité stellaire. Et là, petits et grands, jeunes et vieux, tous les spectateurs communient dans la même hilarité. Comment retenir ses zygomatiques face à cette silhouette tremblotante au sourire crispé et à la cape agitée par un ventilateur hors-champ, affreusement incrustée devant un vague panorama censé représenter l’espace ?

Le robot cracheur de feu du maléfique Gulk

Sur Terre, l’athlétique Supersonic (incarné par le bodybuilder Richard Yesteran) se fait passer pour un humain prénommé Paul (et c’est alors Antonio Cantafora qui l’interprète). Jonglant entre ces deux identités, il affronte le vilain docteur Gulk (Cameron Mitchell), qui utilise un immense robot cracheur de feu afin d’enlever la fille d’un scientifique et piller une usine, prélude à ses plans machiavéliques de domination du monde. Parmi ses mémorables exploits, l’homme supersonique sauve une jeune automobiliste en soulevant à bout de bras un rouleau compresseur (autrement dit un accessoire en contreplaqué délicieusement grotesque) et transforme les pistolets de ses agresseurs en bananes. Aussitôt, les méchants déjoués s’enfuient en montant chacun sur le dos de l’autre. Entre ses accès d’humour éléphantesque, ses effets spéciaux aberrants, son super-vilain généreux en éclats de rire grimaçants et son scénario joyeusement infantile, Supersonic Man place la barre assez haut et s’érige sans mal comme l’un des pires produits d’un Juan Piquer pourtant prolixe en vingt années d’activité intense.

© Gilles Penso

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PUPPET MASTER (1989)

Le marionnettiste André Toulon a trouvé le secret pour donner vie à ses poupées et les transformer en instruments de vengeance

PUPPET MASTER

1989 – USA

Réalisé par David Schmoeller

Avec Paul Le Mat, Williiam Hickey, Irene Miracle, Jimmie F. Skaggs, Robin Frates, Matt Roe, Kathryn O’Reilly 

THEMA JOUETS I SAGA PUPPET MASTER CHARLES BAND

En octobre 1988, Charles Band est obligé de renoncer à son ambitieuse compagnie Empire (à qui nous devons Re-Animator, From Beyond, Dolls et tant d’autres joyeusetés filmiques) qui, faute de rendement, dépose le bilan. Mais il en faut plus pour démonter un entrepreneur de cette trempe. En quelques mois à peine, il met sur pied une autre société, Full Moon Entertainement, et lance le premier opus de la plus prolifique de toutes ses franchises : Puppet Master. Fort impressionné par « La Poupée de la Terreur », le fameux segment du film à sketches Trilogy of Terror dans lequel une poupée vaudou attaque Karen Black (qui inspirait déjà partiellement Dolls), Band et son réalisateur David Schmoeller (maîtres d’œuvre de l’excellent Tourist Trap) se lancent ainsi dans ce Puppet Master au scénario confus qui s’écrit au fur et à mesure du tournage et qui mêle des médiums déjantés à un fou dangereux, maître des poupées et mort-vivant de surcroît. Rédigé officiellement par Kenneth J. Hall (puis révisé par David Schmoeller, Courtney Joyner et J.S. Cardone), le récit se déroule dans un hôtel désert situé en bord de mer, où les médiums en question se réunissent pour trouver le secret d’un certain André Toulon (William Hickey). Celui-ci, traqué par la gestapo, s’est suicidé cinquante ans plus tôt. Avant de se donner la mort, il a caché dans un mur une valise contenant cinq marionnettes redoutables qu’il a dotées de vie grâce à un secret acquis lors d’un voyage en Egypte. Celles-ci se libèrent bientôt et le carnage commence.

Malgré un casting de visages familiers comme William Hickey (L’Honneur des Prizzi), Paul Le Mat (American Graffiti) ou Irene Miracle (Inferno), le seul véritable intérêt de Puppet Master réside dans ses stars miniatures. Imaginées par Charles Band, conçues par Dennis Gordon et animées image par image ou mécaniquement par le talentueux David Allen, les poupées constituent des trouvailles très curieuses et sacrément originales. Il y a Blade, un tueur avec un couteau et un crochet en guise de bras (dont le physique s’inspire largement de Klaus Kinski, que Schmoeller dirigea tant bien que mal dans Fou à tuer), Pin Head, un colosse affublé d’une tête minuscule en pain de sucre, Mrs Leech, une espèce de poupée Barbie sensuelle qui crache de redoutables sangsues, Tunneler, un pantin dont le crâne se termine par une vrille perforatrice, et Jester, une poupée à la tête scindée en trois portions rotatives…

La grande récré

La dizaine de plans d’animation du film ne concerne en fait que certaines actions précises de Pin Head et Tunneler, notamment lorsque ceux-ci foncent vers la caméra ou effectuent des mouvements rapides en plan large. Pour le reste, c’est la mécanique qui est mise à contribution. Ce choix économique est un peu frustrant, car l’animation permet de tirer des poupées un maximum d’expressivité malgré leurs traits figés. « Nous n’avons pas du tout utilisé de fond bleu, parce que c’est une technique assez coûteuse », explique David Allen. « Ainsi, toutes les marionnettes à baguettes ont été filmées en direct sur le plateau, en prenant soin de dissimuler dans le décor les manipulateurs, les câbles et les tiges. » (1) Chaque apparition des poupées, petites perles d’inventivité, est une pure réjouissance, malgré le planning très serré et le budget très restreint (100 000 dollars) mis à disposition d’Allen. Mais le reste, et en particulier les comédiens en chair et en os, arrache aux spectateurs plus de soupirs que de frissons. Après un prologue très prometteur, situé pendant la seconde guerre mondiale, le film s’embourbe en effet dans la confusion la plus totale. A part une poignée d’idées surprenantes, comme les rêves prémonitoires du personnage principal – dans lesquels le méchant ressemble à un sosie grimaçant du Joker – ou les visions du passé d’une médium nymphomane, l’histoire se suit avec ennui et le carnage final, bien qu’il soit assez gratiné, laisse un peu froid. David Schmoeller lui-même avouera ne jamais avoir été convaincu par ce scénario embarrassant, même après avoir tenté de l’améliorer lui-même. Malgré ses défauts, Puppet Master remportera un grand succès sur le marché vidéo et lancera la franchise la plus prolifique jamais conçue par Charles Band.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en avril 1998

 

© Gilles Penso 

 

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X-MEN : L’AFFRONTEMENT FINAL (2006)

Naturellement moins subtil que Bryan Singer, Brett Ratner s'efforce de clore la première trilogie X-Men en dotant cet ultime combat d'une dimension épique

X-MEN : THE LAST STAND

2006 – USA

Réalisé par Brett Ratner

Avec Hugh Jackman, Patrick Stewart, Ian McKellen, Famke Janssen, Halle Berry, Rebecca Romijn, Anna Paquin, Ben Foster 

THEMA SUPER-HEROS I MUTATIONS I SAGA X-MEN I MARVEL

Le succès de l’adaptation cinématographique des X-Men est à mettre en grande partie au compte de l’auteur-réalisateur Bryan Singer. Aussi, lorsque ce dernier annonça qu’il ne participerait pas au troisième opus afin de mettre en boîte Superman Returns, l’inquiétude gagna les fans. Et elle ne fit que s’accroître lorsque fut communiqué le nom de son successeur : Brett Ratner, réalisateur des forts dispensables Rush Hour 1 et 2 et du moyennement convaincant Dragon Rouge. Pourtant, force est de constater que le cinéaste s’est plié sans sourciller au style de son prédécesseur, servant de son mieux un scénario très ambitieux signé Simon Kinberg (Mr & Mrs Smith) et Zak Penn (Elektra). Cette fois-ci, tous les mutants sont face à une situation tout à fait inédite : l’invention par le gouvernement d’un « traitement » capable par simple injection de les transformer en humains ordinaires. Cette nouvelle suscite les réactions les plus extrêmes. Certains mutants voient là la chance inespérée d’échapper à leur statut « anormal » et d’entrer dans le rang. D’autres manifestent violemment leur mécontentement en réclamant le droit à la différence. Quant à Charles Xavier et Magneto, ils opposent une fois de plus leurs points de vue, prélude au conflit le plus décisif qu’aient jamais vécu les mutants.

L’une des premières gageures du script est de conserver la majorité des personnages des deux premiers volets tout en nous familiarisant avec une demi-douzaine de nouveaux mutants aux pouvoirs pour le moins spectaculaires : le Fauve, homme-animal réfrénant sa féroce bestialité sous le costume d’un aimable diplomate, Angel, le magnifique homme-oiseau qui porte ses ailes nacrées comme une croix, le Fléau, bousculant tout sur son passage à la manière d’une locomotive lancée à vive allure, Psylocke, capable à la fois de se téléporter en une fraction de secondes mais aussi de déceler les pouvoir de tous les mutants l’approchant, ou encore Multiple Man, doué d’une ubiquité illimitée. Sans compter Jean Grey, qui revient d’entre les morts sous forme d’une redoutable Phœnix dont les pouvoirs incontrôlables et la personnalité changeante seront l’un des enjeux de cet épisode.

Le choc des titans

Le film multiplie les séquences mémorables, des voitures froissées à distance comme des cannettes par Magneto au combat apocalyptique dans la maison de Jean Grey en passant par la lutte virtuelle de nos héros contre les légendaires Sentinelles, ces robots gigantesques qui figurent parmi les ennemis les plus marquants du comics original. Mais ce troisième X-Men vaut surtout le détour pour son monstrueux combat final, au cours duquel des centaines d’humains et de mutants se lancent dans une échauffourée proprement titanesque. On comprend mieux, au vu de la scène en question, pourquoi le générique compte deux fois plus de cascadeurs que de comédiens, et comment ont été engouffrés les quelque 160 millions de dollars du budget. Point culminant d’une saga inégale, ce climax cataclysmique nous fait passer l’éponge sur un scénario déséquilibré qui souffre de régulières pertes de rythme et peine à réserver un traitement intéressant à son trop plein de protagonistes.

© Gilles Penso

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X-MEN 2 (2003)

Bryan Singer signe lui-même la suite du premier X-Men en renforçant à travers sa vision des mutants la métaphore du racisme et de la xénophobie

X-MEN 2

2003 – USA

Réalisé par Bryan Singer

Avec Patrick Stewart, Hugh Jackman, Ian McKellen, Halle Berry, Famke Janssen, Rebecca Stamos, Alan Cumming, Brian Cox 

THEMA SUPER-HEROS I MUTATIONS I SAGA X-MEN I MARVEL

Rebaptisé X2 pour sacrifier à la mode des titres alphanumériques, façon MIB et MI2, ce second volet des aventures des X-Men démarre sur une séquence d’action étonnante. Kurt Wagner alias Diablo, un mutant bleu capable de se téléporter, y attaque le président des Etats-Unis au nez et à la barbe de ses gardes du corps. Le scénario prend ensuite une tournure des plus intéressantes : l’infâme Magneto et son âme damnée Mystique sont obligés de s’allier au professeur Xavier et à ses X-Men pour empêcher l’éradication de tous les mutants de la planète orchestrée par un colonel fasciste et psychopathe. Outre la présence de nouveaux mutants issus du comic-book original, comme Iceberg, Pyro, Colossus – qui ne fait ici que de la figuration – et l’extraordinaire Diablo, cette séquelle nous offre quelques morceaux d’anthologie très spectaculaires, comme l’affrontement de Wolverine avec son alter-ego féminin, la fureur de Pyro qui s’en prend à une escouade de policiers (visiblement très inspirée par l’une des scènes clef de Firestarter de Mark Lester), ou le sacrifice de Jean Grey, qui ressurgira dans X-Men 3 réincarnée en Phénix. La source d’inspiration principale de ce second opus semble être l’album « X-Men : God Loves, Man Kills », écrit en 1982 par Chris Claremont.

Très confiants, Bryan Singer et son producteur Tom DeSanto annonçaient à l’époque dans la presse que ce deuxième épisode serait à la saga X-Men ce que L’Empire Contre-Attaque  était pour la trilogie Star Wars. Cet enthousiasme mérite quelque peu d’être tempéré, même si X-Men 2 s’avère d’excellente facture. On peut regretter que le spectacle l’emporte souvent sur l’implication émotionnelle et l’identification du public aux faits et gestes des héros. Le problème mis en évidence dans le premier X-Men subsiste ici : trop de personnages entravent le développement de chacun d’entre eux. Ils se résument donc, pour la plupart, à des archétypes sans réelle profondeur. Cette faiblesse, inhérente au principe du « film d’équipe », devra attendre X-Men, le commencement de Matthew Vaughn pour être habilement contournée.

En marge de la société

Mais il faut avouer qu’X-Men 2 marque une véritable amélioration par rapport à l’opus précédent, réservant au moins une scène clef à chacun des personnages principaux pour leur permettre d’exister à part entière, et développant plus habilement la thématique du racisme et de la xénophobie à travers le prisme symbolique des Mutants. « Il est évident que je m’identifie aux personnages lorsque je réalise un film comme celui-là », confesse Bryan Singer. « Les thèmes de l’exclusion et de la vie en marge de la société me touchent personnellement. Est-ce parce que je suis moi-même un enfant adopté, juif et gay de surcroît ? Peut-être, mais je pense que les problématiques développées ici sont universelles et peuvent toucher tout le monde. Après tout, pendant mon enfance, c’est à Luke Skywalker que je m’identifiais. » (1) On note que la partition n’est plus ici signée Michael Kamen qui venait hélas de passer l’arme à gauche, mais John Ottman, le compositeur attitré de Bryan Singer. Il signe une BO toujours amputée d’un thème principal digne de ce nom, mais très efficace du point de vue du dynamisme et de l’énergie.
 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en juillet 2006

© Gilles Penso 

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